Mme Isabelle Debré. Le mot est un peu fort !

Mme Raymonde Le Texier. … au demeurant peu flatteur pour leur image et pour celle de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a deux ans nous votions une loi sur la représentativité syndicale. Cette loi n’avait pas oublié les 4 millions de salariés qui travaillent dans les très petites entreprises.

Il avait été alors convenu que des négociations s’engageraient pour qu’un accord soit trouvé entre les partenaires sociaux afin d’assurer la représentation de ces salariés, et d’en profiter pour mesurer l’audience des organisations syndicales.

L’absence d’accord entre les partenaires sociaux a conduit le Gouvernement à déposer ce projet de loi.

Permettez-moi tout d’abord de dire combien il est affligeant de constater que deux organisations patronales, après avoir donné leur accord, refusent aujourd’hui jusqu’au principe de cette loi. C’est d’autant plus affligeant que ces chefs d’entreprise donnent tous les jours des leçons sur le changement et sur la nécessité de s’adapter au monde moderne. Au moment où l’on parle de remettre de l’émotion dans l’entreprise, ils font preuve du plus grand conservatisme qui soit.

Monsieur le ministre, avec de telles mentalités, comment voulez-vous que la France gagne ? Comment voulez-vous que la France bouge, pour reprendre un slogan que vous connaissez bien ? Et tous les prétextes sont bons : quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Eh bien, nous sommes dans ce cas de figure !

J’ai ici la pétition de la CGPME : c’est une véritable déclaration de guerre. Ces gens ont peur, et la peur fait perdre les batailles. Voilà, pour partie, le patronat que nous avons ! C’est lamentable, lamentable pour ces patrons-là, lamentable pour la France, aussi.

M. Guy Fischer. C’est bien dit !

M. Jean-Pierre Plancade. Alors ils nous expliquent qu’ils font du dialogue social tous les jours, que nous n’avons pas besoin de l’institutionnaliser. Nous avons même lu que le Gouvernement voulait mettre les PME sous surveillance ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Ridicule !

Mme Gisèle Printz. Ce serait un scoop !

M. Jean-Pierre Plancade. Le ridicule n’ayant jamais tué personne, les responsables de la CGPME n’en mourront pas !

Ils nous disent que le dialogue social se fait au quotidien dans les TPE,…

M. Guy Fischer. Mensonge !

M. Jean-Pierre Plancade. … mais, cela a été souligné à plusieurs reprises, l’expérience, notamment celle des conseils de prud’hommes, nous montre que, de dialogue social, il n’y en a pas du tout dans ces entreprises-là !

M. Jean-Pierre Plancade. Je peux comprendre également que cette loi doive être souple. En effet, il s’agit de créer une nouvelle pratique sociale, qui doit se construire au quotidien, et les TPE n’ont pas les moyens humains et financiers de mettre en œuvre le dialogue social de la même manière que les grandes entreprises. Tout cela, je l’entends et, je le répète, je le comprends.

Il n’en reste pas moins qu’il est vraiment attristant, inquiétant même, de constater chez nos patrons un tel niveau de conservatisme, de peur sociale, et, au bout du compte, de régression intellectuelle. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

Alors, monsieur le ministre, devons-nous vous féliciter, et avec vous le Gouvernement, d’être allé au-delà des résistances patronales en déposant ce projet de loi ? Oui… et non ! Oui, parce que vous êtes dans la continuité d’une logique avec laquelle nous sommes globalement d’accord, et non, parce que vous n’allez pas jusqu’au bout de cette logique.

Je ne parle même pas du détail du projet de loi, par exemple le vote par sigle, les notions de territorialité, dont je comprends parfaitement les nuances, les subtilités et les conséquences, mais qui, pour moi, bien qu’importantes, demeurent aujourd’hui secondaires. Je pense essentiellement au fait que l’on ne rend pas obligatoire la création des commissions paritaires, ce qui est dramatique, car autant dire que ces commissions ne verront jamais le jour, puisque le MEDEF et la CGPME ont, je le disais, déclaré la guerre à ce texte.

Finalement, monsieur le ministre, que faisons-nous ici ? Vous nous dites, à nous : « Vous voyez, j’écoute les syndicats, puisque je réponds à cette fameuse lettre commune du mois de janvier 2010 », mais, aux autres, vous tenez un langage différent : « Rassurez-vous, cela ne sera pas obligatoire ! »

Une telle situation est vraiment regrettable, car il faudra bien, tout de même, que ces 4 millions de salariés soient représentés et que ces patrons acceptent de ne pas se placer au-dessus des lois et de la Constitution.

Monsieur le ministre, pour ce Gouvernement et, au-delà, pour la société française, c’était l’occasion d’aller plus loin dans le dialogue social, mais l’occasion est manquée.

En effet, je suis de ceux qui pensent que le dialogue social n’est pas un phénomène de mode et que c’est au contraire une réponse humaine de notre temps.

Le dialogue social est un moteur dans une entreprise, il facilite l’expertise, désamorce les conflits, ouvre des perspectives, fait de ses acteurs des partenaires responsables aptes à se manager individuellement et collectivement.

C’est le dialogue social qui permet le changement ; refuser ce dialogue, c’est tourner le dos au changement. Aujourd’hui, il faut que les patrons, les syndicats et, plus largement, la société tout entière refusent de s’installer dans l’illusion d’une réalité stable, alors que le monde est en perpétuel mouvement. Le seul credo possible est qu’il n’y a rien de permanent, excepté le changement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le RDSE ne pourra pas voter ce projet de loi en l’état, mais il suivra avec attention son évolution au cours du débat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

M. Guy Fischer. Le débat va changer de ton !

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de ce projet de loi, qui va permettre aux salariés des très petites entreprises, c’est-à-dire celles qui emploient moins de onze salariés, de s’exprimer sur le plan syndical.

Le présent texte s’inscrit dans le prolongement de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail dont ici, au Sénat, Alain Gournac avait été le rapporteur.

Cette loi a permis de mettre à plat les règles de représentativité syndicale, qui reposaient sur des critères historiques quelque peu dépassés, comme la présomption irréfragable. Elle a complètement rénové le dispositif en introduisant de nouveaux critères, objectifs, ainsi que des seuils d’audience.

À l’issue de la période de transition, qui s’achèvera au plus tard en août 2013, seront représentatifs, au niveau de l’entreprise, les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors de l’élection des délégués du personnel ou des élus au comité d’entreprise. Au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel, il faudra obtenir 8 % des suffrages.

Cette audience sera mesurée au moins tous les quatre ans, lors des élections professionnelles.

Cette réforme est importante, car elle permet de faire reposer la validité des accords collectifs sur des signataires légitimes. Cependant, cela a été rappelé, la loi de 2008 ne prenait pas en compte les TPE, au sein desquelles il n’y a pas nécessairement d’élections professionnelles.

Or les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes. Non seulement le fait de ne pas tenir compte d’un cinquième de la population active était en soi un déni de démocratie, mais aussi, comme l’ont souligné avec justesse M. le rapporteur et M. le ministre, l’adoption de ce projet de loi est indispensable d’un point de vue juridique, pour garantir la constitutionnalité de la réforme de 2008.

De son côté, le Conseil d’État a confirmé la nécessité de respecter le principe constitutionnel de participation des salariés. Il ne faut pas oublier non plus que les accords négociés au niveau des branches s’appliquent déjà aux salariés des TPE, comme la fixation des salaires minimums pour les opticiens ou la prévoyance des salariés de la boucherie.

Le présent projet de loi vise donc à ce que les choix des salariés des très petites entreprises soient pris en compte dans la détermination de l’audience des organisations syndicales, au niveau des branches comme au niveau interprofessionnel.

La négociation entre les partenaires sociaux, qu’il avait souhaitée, n’ayant pas abouti, le Gouvernement a tenu compte des propositions faites au Premier ministre, François Fillon, par quatre syndicats de salariés et par l’Union professionnelle artisanale, mais aussi des critiques émises au sujet de ces propositions.

L’article 4 vise à organiser un scrutin régional tous les quatre ans, au plus tard à la fin de l’année 2012. Ce scrutin reposera non pas sur une liste de candidats, mais sur des sigles de syndicats. En aucun cas il ne s’agit de créer des délégués du personnel dans les TPE.

J’apprécie qu’il soit prévu que la consultation des salariés se fasse uniquement par voie électronique et par correspondance, sous le contrôle du juge judiciaire. J’ose espérer que cette procédure facilitera la participation et évitera toute charge supplémentaire aux entreprises.

Par souci de transparence et afin de s’assurer que les partenaires sociaux seront correctement informés des conditions d’organisation du scrutin, la commission des affaires sociales a souhaité, par la voix de son rapporteur, amender l’article 4 en faisant du Haut Conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008, l’organe responsable de la transmission de cette information aux partenaires sociaux.

Dans le second volet du projet de loi, avec le fameux article 6, il est prévu la création de commissions paritaires.

Ces commissions, dont les deux missions seront de veiller à la bonne application des accords collectifs et d’apporter une aide aux salariés comme aux chefs d’entreprise, ont suscité des polémiques que j’avoue ne pas comprendre.

Tout d’abord, la création de ces commissions sera purement facultative. Ensuite, les représentants des syndicats de salariés qui y siégeront seront désignés sur le fondement des résultats de la consultation électorale qui aura mesuré leur audience dans les TPE.

Certes, il aurait été possible de prévoir, plus simplement, que les commissions paritaires qui existent déjà jouent ce rôle. Mais tel n’a pas été le choix du Gouvernement.

Le groupe UMP soutiendra les deux amendements proposés en commission par le rapporteur, Alain Gournac. Ils sont de nature à rassurer les chefs d’entreprise qui s’interrogeraient sur les pouvoirs de ces commissions et sur une éventuelle ingérence des syndicats dans les TPE.

En premier lieu, la création des commissions à l’échelon local est exclue, permettant ainsi aux commissions paritaires d’œuvrer de façon globale, c’est-à-dire dans l’intérêt des TPE, et non uniquement en fonction de la situation particulière de telle ou telle entreprise. À cet effet, les commissions paritaires devront couvrir un champ géographique suffisamment étendu pour accomplir correctement leur mission.

En second lieu, en réponse aux inquiétudes de certaines organisations patronales, nous soutenons l’amendement visant à préciser que les commissions ne se verront confier aucune mission de contrôle et que leurs membres élus ne pourront pénétrer dans les locaux sans l’accord du chef d’entreprise.

Le groupe UMP ne partage donc pas du tout l’approche de la gauche sénatoriale, qui voulait au contraire rendre ces commissions obligatoires. Ce texte doit favoriser le dialogue social, sans accroître les contraintes ni heurter qui que ce soit.

L’article 8 traite, lui, d’un sujet distinct. Il prévoit de proroger le mandat des actuels conseillers prud’homaux, jusqu’à une date fixée par décret, le 31 décembre 2015, au plus tard.

Le Gouvernement avance trois justifications principales à ce report : éviter que les élections prud’homales n’aient lieu en même temps que la mise en œuvre de la réforme de la représentativité syndicale ; permettre d’analyser les propositions du rapport de Jacky Richard sur les modalités de ces élections ; prendre en compte la multiplicité des élections municipales, territoriales et européennes déjà programmées au début de 2014.

Je dis d’emblée que ce dernier argument ne me semble pas totalement pertinent, puisque nous nous préoccupons ici de scrutins organisés dans le cadre professionnel. Sans doute fallait-il profiter de toutes ces raisons pour inscrire dans le présent projet de loi la prorogation du mandat des conseillers prud’homaux. Néanmoins, à titre personnel, je reste sceptique sur le lien de cette disposition avec le texte.

De toute façon, comme je vous l’ai dit en commission, monsieur le ministre, il faudra bien une loi pour modifier le système électif prud’homal. Pourquoi ne pas attendre, pour proposer un texte complètement achevé, d’avoir tiré tous les enseignements du rapport Richard et des négociations qui en découleront ?

En conclusion, je souhaite insister sur l’importance de l’équilibre trouvé par la commission dans la rédaction du projet de loi. Il garantit en effet le dialogue social tout en respectant le fonctionnement des TPE et le climat social qui y règne.

J’apprécie également que l’on ait préservé la spécificité des chambres d’agriculture.

Ainsi, comme l’ensemble du groupe UMP, j’apporte mon soutien et mon suffrage à ce projet de loi, tel que modifié par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de lUMP. –M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense représenter ici les intérêts des petites entreprises de l’Essonne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il n’y en a pas tellement d’autres, d’ailleurs...

Je veux vous faire connaître les réactions, face à ce texte, d’Olivier Boudon, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises de l’Essonne, et de Bernard Toulouse, président, pour l’Essonne, de la Fédération française du bâtiment.

Olivier Boudon s’exprime ainsi : « Pourquoi imposer dès aujourd’hui l’encadrement du dialogue social là où règnent des relations directes et naturelles entre les chefs d’entreprise et leurs salariés ? Pourquoi légiférer, alors que 79 % des employeurs sont défavorables à ce type de représentation collective du personnel et que les salariés eux-mêmes y sont hostiles à 64 % ? ».

Bernard Toulouse écrit : « Dans un contexte de dégradation économique majeure pour les petites entreprises, celles-ci n’ont pas besoin de contraintes administratives supplémentaires. Le dialogue social se fait directement : pas besoin de représentants ou de délégués syndicaux qui n’ont rien à faire entre le patron et ses salariés. Partout sur le territoire les très petites entreprises ont fait preuve d’une résistance exemplaire au cours des derniers mois en favorisant la formation et en fidélisant leur personnel qualifié. Afin de ne pas les stigmatiser, nous vous demandons de refuser l’adoption d’un tel texte de loi, qui n’est ni dans l’intérêt des entreprises ni dans celui de leurs salariés ».

Voilà ce qu’ils m’ont demandé de vous dire. Car, pour les petites entreprises, le vrai problème est non pas d’organiser le dialogue social ou de créer des commissions paritaires, mais d’obtenir des commandes et de faire travailler leurs salariés ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Pour ma part, j’ajoute qu’il faut cesser de vouloir imposer aux très petites entreprises la mise en place d’une représentation syndicale dont elles n’ont nul besoin. Le dialogue social est d’autant plus facile que les entreprises sont petites. Il est donc inutile d’y mesurer l’audience des syndicats comme le propose le Gouvernement. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Annie David. Rien n’est imposé, tout est facultatif !

M. Jean-Louis Carrère. Supprimons les syndicats !

M. Serge Dassault. De plus, ce projet de loi risque d’ouvrir la voie à des opérations plus compliquées.

Dans les entreprises qui emploient jusqu’à dix salariés, les chefs d’entreprise connaissent leur personnel et savent ce qu’il veut. Ils sont capables de gérer eux-mêmes leurs relations de travail avec leurs employés et n’ont nul besoin des syndicats.

M. Jean-Louis Carrère. Ils peuvent même payer en liquide !

M. Serge Dassault. Alors, s’il vous plaît, arrêtez de vouloir imposer aux très petites entreprises des représentants syndicaux dont elles n’ont pas besoin !

Mme Annie David. Il n’y a pas de représentants syndicaux !

M. Serge Dassault. Elles savent gérer les rapports avec leur personnel : le dialogue social dans les TPE est quotidien et permanent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est vite dit !

M. Jean-Louis Carrère. Gare aux Soviets !

Mme Raymonde Le Texier. Et aux Bolcheviks !

M. Serge Dassault. C’est pourquoi je suis totalement opposé aux dispositions de ce projet de loi qui ouvriront la porte au renforcement des syndicats dans les PME. Nos amis et collègues socialistes et communistes ont déjà largement ouvert la boîte de Pandore.

M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a plus de pandores, vous les avez supprimés aussi !

M. Serge Dassault. Ils le disent eux-mêmes : il faut augmenter le pouvoir syndical dans les petites entreprises. Le reste, ils s’en fichent ! Ne les laissons pas faire, car cette réforme ira contre l’intérêt des salariés et contre l’activité des petites entreprises.

Je regrette d’avoir dû entendre ce que certains de nos collègues ont dit, Mme David, Mme Le Texier, M. Plancade et un petit peu Mme Procaccia.

En tout cas, telles sont les raisons pour lesquelles j’ai cosigné les amendements de MM. Dominati et Houel, notamment ceux qui visent à supprimer les articles que nous jugeons néfastes aux petites entreprises, en particulier l’article 6.

La situation nationale est suffisamment compliquée pour ne pas l’aggraver par des contraintes qui n’auront qu’un effet paralysant sur l’économie. Laissez vivre et se développer les très petites entreprises ! Ce n’est déjà pas si facile pour elles, surtout quand elles ont été créées à partir de rien. Elles sont un vivier pour notre économie.

M. Guy Fischer. Il n’y a rien d’obligatoire !

M. Serge Dassault. La situation économique et financière de l’Europe est préoccupante. Au lieu de chercher à régler des questions qui n’ont rien d’urgent, occupons-nous plutôt des problèmes les plus pressants, à savoir le développement de l’ensemble de notre économie et la gestion correcte de nos finances.

Voilà ce que je vous propose, monsieur le ministre, mes chers collègues, et vous aussi, chers collègues socialistes et communistes, vous que je connais bien.

M. Guy Fischer. Cela ne va pas dans le sens du progrès !

Mme Annie David. Et la modernité, dans tout ça ?

M. Serge Dassault. Laissez donc travailler les gens comme ils le peuvent. Car, ce qui compte, c’est le travail, l’emploi, l’économie, la fabrication,…

M. Serge Dassault. …  la compétitivité des entreprises, et non des commissions paritaires ou l’action syndicale de tel ou tel ! (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui traite d’un sujet d’une grande importance : la mesure de l’audience syndicale dans les entreprises employant jusqu’à dix salariés, entreprises plus communément connues sous le sigle TPE, pour « très petites entreprises ».

Alors qu’elles représentent 93 % des entreprises françaises, les TPE ne bénéficient pourtant d’aucune structure organisant le dialogue social. Cette absence de moyen d’expression démocratique ainsi que l’inexistence constatée à ce jour de représentation syndicale rendent indispensable l’intervention du législateur.

Il apparaît donc nécessaire que le dialogue social soit institutionnalisé dans l’ensemble des entreprises, et ce pour le plus grand intérêt de leurs salariés.

Ce ne sont pas moins de 4 millions de salariés répartis dans 690 branches qui sont, aujourd’hui encore, privés d’élections pour la désignation d’institutions représentatives du personnel. Cette situation va à l’encontre des dispositions constitutionnelles protégeant la liberté syndicale et est contraire au principe d’égalité des citoyens. En effet, aux termes du Préambule de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

Par ailleurs, le Conseil d’État a précisé que l’absence de prise en compte de ces salariés dans la mesure de l’audience des syndicats avant 2013 pourrait fragiliser la réforme des règles de représentativité et de validité des accords au regard des principes constitutionnels de participation et d’égalité.

Ainsi, sur le plan juridique, il est important de rétablir une certaine égalité. C’est pourquoi, en soi, ce projet de loi est une avancée. Toutefois, celle-ci reste très limitée.

Mme Annie David. C’est sûr !

Mme Patricia Schillinger. En effet, visant à résoudre un problème de constitutionnalité, ce texte ajoute à la mesure d’audience des salariés des autres entreprises celle des salariés des TPE, sans toutefois permettre la représentation de ces derniers, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, les salariés voteront sur sigle, c’est-à-dire pour un syndicat et non pour une ou des personnes. Il ressort explicitement de cette disposition que les salariés des TPE n’auront pas de délégués. Leurs suffrages seront additionnés à ceux des salariés des autres entreprises pour fournir la représentativité par branche. Alors qu’ils devraient avoir le droit de désigner nommément leurs représentants, on va leur demander de voter sans même savoir qui siégera dans les commissions.

Il paraît aberrant que le Gouvernement souhaite organiser des élections en fonction de sigles. Des personnes issues de grandes centrales syndicales, qui ne connaissent pas de l’intérieur les TPE et ne sont pas décisionnaires, risquent d’être désignées. On remarque bien ici à quel point il s’agit d’un texte a minima. Nous ne sommes pas sûrs qu’une élection sur sigle apportera la garantie que chaque salarié pourra faire entendre sa voix. Du fait de la faible présence des syndicats dans les TPE, un tel mode d’élection n’aura pas un effet mobilisateur. Il faut admettre que les salariés ne seront pas incités à aller voter : il est beaucoup plus motivant de désigner un candidat que l’on connaît. Je rappelle que des études ont été réalisées par les syndicats auprès des salariés des TPE, sous la forme de questionnaires : les réponses obtenues font apparaître que 70 % d’entre eux souhaitent avoir un porte-parole.

La seconde raison pour laquelle ce texte ne permet pas la représentation des salariés tient au caractère facultatif des commissions paritaires. Nous regrettons fortement que ces commissions ne soient pas obligatoires. Sur ce point, il est légitime de se demander en quoi ce texte représenterait un progrès. Alors que les commissions paritaires ont pour mission d’apporter une aide, en matière de dialogue social, aux salariés et aux chefs d’entreprise, d’assurer un suivi de l’application des conventions et des accords collectifs, le MEDEF et la CGPME ont demandé qu’elles soient facultatives. Ils font pression, aujourd’hui, pour obtenir leur suppression. En rendant facultatives ces commissions, on prive purement et simplement les salariés des TPE de toute démocratie sociale. Une question se pose : que fera-t-on si les commissions ne sont pas créées ?

Par ailleurs, non seulement ces commissions paritaires sont facultatives, mais, de plus, si elles sont créées, leurs membres devront obtenir l’accord de l’employeur pour pouvoir exercer leurs missions. Ainsi, les élus des commissions devront avoir l’autorisation du patron !

Depuis longtemps, le parti socialiste dénonce l’archaïsme d’un système de représentativité déterminé bien souvent par décret et caractérisé par des accords minoritaires s’imposant à l’ensemble des salariés.

Ce texte, dans sa rédaction actuelle, n’est pas satisfaisant. Sa portée reste très limitée en matière de démocratie sociale. Il devrait permettre aux salariés des TPE d’avoir des référents, des représentants auxquels s’adresser : il n’en est rien ! Nous sommes très loin d’une démocratie sociale moderne.

Compte tenu des mutations profondes que connaît actuellement la vie économique, le dialogue social a un rôle important à jouer. L’enjeu est d’autant plus crucial que la crise économique et financière accentue les fractures sociale et générationnelle. La transformation de la société requiert un accroissement du rôle de la démocratie sociale et un renforcement du dialogue social. Ce dialogue peut constituer un outil de modernisation économique et sociale sur de nombreuses questions, telles que l’organisation du travail, les relations professionnelles, la formation professionnelle, la promotion de l’égalité des chances, l’implication des salariés dans la gouvernance de l’entreprise, le développement de la négociation collective à tous les niveaux, les nouveaux enjeux de la protection sociale.

Si la nécessité de mener une réflexion sur la représentativité des organisations syndicales, quasiment figée depuis les années soixante, progresse dans l’opinion, la façon dont cette réflexion est conduite à l’heure actuelle montre bien que les véritables intentions du Gouvernement et du MEDEF ne sont pas de renforcer la démocratie sociale.

La faiblesse du syndicalisme français résulte, pour l’essentiel, de la mauvaise qualité des relations sociales dans notre pays. On laisse peu de place aux acteurs de la société civile et la négociation est peu présente.

On ne peut prétendre défendre l’intérêt général – l’avenir du syndicalisme dans notre pays – en ayant uniquement en tête la protection des intérêts particuliers et en se calant sur la seule position des organisations patronales.

C’est en mettant en avant les principes d’une vraie démocratie sociale, c’est-à-dire la liberté, pour les salariés, de choisir leurs représentants et l’obligation, pour les employeurs, de reconnaître la légitimité des choix des travailleurs exprimés par leur vote, que l’on pourra moderniser notre système et améliorer l’audience des organisations syndicales. On peut innover sans affaiblir les droits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est, malgré sa concision, un texte majeur : il concerne 4 millions de travailleurs qui, exerçant leur activité dans des entreprises de moins de onze salariés, sont encore privés d’institutions représentatives du personnel.

Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement de la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884, qui reconnaît aux salariés le droit syndical, et des lois Auroux de 1982. Ces textes fondateurs ont permis la construction de notre pacte social. Deux principes les inspirent, qui devraient encore aujourd’hui, me semble-t-il, nous servir de fil rouge dans notre travail d’élaboration d’un dispositif équilibré.

Comme vous l’avez très bien exposé dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, le premier principe est que, citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise.