M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le grand chantier de la réforme de nos administrations locales sera ouvert dès le mois de janvier » : voilà ce que M. le Président de la République annonçait à Toulon le 25 septembre 2008, au nom de « la compétitivité de notre économie… [qui] ne peut supporter un poids excessif de dépenses publiques ». Il développa à nouveau ce thème, lors d’un second grand discours à Saint-Dizier le 20 octobre 2009. Notre assemblée, tout naturellement, a eu et aura à connaître de ce « grand chantier ».

Dans le flot des observations, je veux en retenir une, largement partagée et due à Jean-Pierre Raffarin, pour qui il eût été nécessaire de dresser un bilan de la décentralisation avant de légiférer de nouveau.

Cela aurait eu de très nombreux mérites, d’abord celui d’apporter de la transparence, source d’objectivité et de loyauté, et ensuite celui de nous éclairer sur la pratique de la mutualisation des moyens par nos collectivités territoriales. C’est un existant qu’il importe de connaître et de développer.

Je reste convaincu que le rapport de nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido favorisera un tel processus par la nouveauté de ses éclairages, par son pragmatisme et par ses identifications et propositions.

Monsieur le président de la délégation, en introduisant votre propos, vous avez bien voulu rappeler ma participation ; soyez-en remercié !

Comme cela n’a pas échappé à votre présidence sereine, attentive et constructive (M. le président de la délégation sourit.), je ne pouvais pas m’associer à un premier projet d’orientation qui faisait de la mutualisation des moyens « une initiative administrative et non politique », « un enjeu essentiel de la maîtrise des dépenses publiques locales », le remède à « la multiplication des personnels communautaires, les effectifs des communes ayant continué de croître nonobstant les nombreux transferts de compétence au profit des EPCI ».

Je reconnais qu’il y a des atténuations bienvenues dans les premières pages de votre rapport. Un différent demeure toujours vertueux dès lors qu’il exprime des fidélités et nourrit un dialogue républicain auquel nous sommes tous deux attachés. (M. le président de la délégation acquiesce.)

Au nom d’un tel dialogue, retrouvons les finalités de la mutualisation qui nous concerne. De quoi s’agit-il ? Vous en donnez une très juste définition dans le glossaire de fin de rapport.

C’est un processus d’organisation et de valorisation qui a pour finalités la réponse à des attentes, la qualité, l’efficacité de l’action publique, le respect des principes du service public et, bien évidemment, l’utilisation optimale des ressources, qu’il s’agisse de la compétence des personnes, de l’utilisation des moyens techniques ou de la disponibilité financière.

Cette mutualisation peut prendre les formes les plus diverses, allant de la gestion d’un temps partiel d’un agent à celle d’un équipement intégré pouvant réunir nos collectivités territoriales, l’État et des personnes de droit public ou de droit privé. Elle peut également suivre des scénarios très différents suivant que l’on se situe dans telle ou telle ville, dans tel ou tel département.

Et la mutualisation n’est pas un caprice d’affichage ou d’autorité. Elle ne dépossède pas. C’est une manière d’envisager l’avenir. Moment de réflexion, elle permet d’anticiper des évolutions institutionnelles. Ne la confondons pas avec le transfert de compétences ; ce sont deux logiques totalement différentes. La mutualisation relève du principe constitutionnel de libre administration.

Monsieur le secrétaire d’État, au point où nous en sommes de nos travaux parlementaires, nous avons peut-être quelques réflexions supplémentaires à mener. Il est difficile d’évoquer la mutualisation si départements et régions sont enfermés dans des blocs de compétence exclusifs. D’ailleurs, une telle idée m’a toujours paru attentatoire au principe de libre contractualisation. C’est pourquoi je n’ai de cesse de militer au bénéfice de la région et du département pour des compétences obligatoires non exclusives.

Y a-t-il des conditions à la réussite de la mutualisation ? J’en mentionnerai une seule : la confiance que nous devons toujours retrouver au cœur de nos collectivités territoriales et de la relation entre l’État et ces dernières. Confiance dans le principe, dans son projet préalablement délibéré, puis mis en œuvre. Confiance entre les décideurs et entre ceux-ci et les agents concernés, qui seront rassurés par un accord sur la gestion du personnel.

Il n’est pas inutile de prévoir au niveau local une conférence de la mutualisation, de son suivi et de son évaluation. C’est cette conférence qui vous évitera d’être déçus. La mutualisation portera bien souvent au départ sur des services de gestion, dont le poids financier est marginal dans l’ensemble concerné.

Mes chers collègues, ne vous faites pas trop d’illusions sur l’importance des premières économies réalisées.

La réussite suppose bien évidemment une parfaite définition de l’activité concernée. C’est alors qu’il nous faut rencontrer le droit communautaire.

Alain Lambert, à la page 27 de son rapport, écrit ceci : « On ne peut donc le nier : c’est délibérément, en toute connaissance de cause, que la Cour de justice a offert aux responsables politiques des opportunités pour développer la mutualisation. Ceux-ci ont le devoir de les saisir. » Il faut oser.

Eu égard à l’importance que nous conférons à la mutualisation, je partage l’optimisme du président de la délégation.

Sans surprise, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes se réfère, certes, au droit des marchés publics, mais également au droit de l’autonomie locale, consacré par la Charte européenne de l’autonomie locale.

Dans son avis motivé du 27 juin 2007, la Commission européenne versait dans l’absurde, puisqu’elle remettait en cause la possibilité pour une commune de mettre ses services à disposition d’une structure intercommunale et, dans le même temps, nous indiquait qu’une communauté pouvait mettre ses services à disposition de la commune. À mon sens, une telle incohérence ne rapproche pas nécessairement les responsables locaux de l’Europe.

D’où vient cette dissonance entre la Cour de justice des communautés européennes et la Commission européenne ? Tout simplement de l’absence de définition de la notion des « services non économiques d’intérêt général », pour lesquels le code des marchés publics ne s’applique pas, alors qu’il s’applique aux services économiques d’intérêt général.

Nous voyons tout l’intérêt qu’il y aurait à l’existence d’un texte de droit positif sur les services publics. Mais, lorsque nous étions à Bruxelles, nous avons constaté une inclinaison culturelle vers une démarche à l’anglo-saxonne, en décalage avec le cartésianisme des définitions qui sont les nôtres.

Aussi, monsieur le président de la délégation, je me permets de reprendre votre expression pour suggérer à M. le secrétaire d’État de « pousser les portes ».

En attendant, puisse la Cour de justice des communautés européennes être aussi bien inspirée dans ses décisions que notre Conseil d’État !

S’il y a là incertitude et attente, je souhaite exprimer une conviction déterminée. La poursuite et l’approfondissement de la coopération intercommunale constituent une absolue nécessité. La révision générale des politiques publiques conduit à un rétrécissement des services déconcentrés de l’État. Bon nombre de communes et de communautés intercommunales se trouvent désemparées.

Au nom de la démocratie, de la décentralisation et du développement, nous leur devons une sécurité juridique et technique. Le département, qui est chargé de la solidarité territoriale en lien avec l’État, la région et les principaux EPCI, doit assurer conseils et expertises aux communes et établissements intercommunaux. La responsabilité des acteurs locaux n’a de sens que s’ils peuvent en bénéficier.

Monsieur le secrétaire d’État, dans le même état d’esprit, vous comprendrez que je sois hostile à l’égard de tout projet tendant à amoindrir la fonction de contrôle et d’évaluation des chambres régionales des comptes et, de ce fait, à éloigner ces dernières des territoires.

Pour les mêmes raisons, en l’occurrence la sécurité des acteurs, je serai dans une disposition identique à l’égard de tout projet d’éventuelle certification privée des comptes publics.

Je terminerai en évoquant à nouveau le discours de Saint-Dizier. M. le Président de la République entendait faire participer les collectivités territoriales à « la réduction de nos déficits ». Elles peuvent et doivent le faire de différentes manières, y compris par des stratégies de croissance et de développement, dès lors qu’on leur en laisse les moyens. J’ai parlé de « confiance » : voilà la première ressource que vous leur devez. Elles vous le rendront bien, et elles nous le prouvent quotidiennement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. André Dulait applaudit également. )

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je n’avais pas du tout prévu d’intervenir dans ce débat. Mais, en écoutant les réactions à la rencontre récente entre le Premier ministre et les représentants des départements et en apprenant que les départements en difficulté pourraient percevoir des avances, j’ai décidé de m’exprimer, car ce qui nous a été annoncé ne répond pas au problème. Si les départements qui sont « dans le rouge » perçoivent des avances à rembourser, cela ne sera pas forcément facile à résoudre… C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité finalement m’inscrire dans cette discussion.

Or, à la lecture du rapport de la délégation, j’ai constaté que ce n’était pas vraiment l’objet du débat. (Sourires.) Tant pis ! Je vais tout de même vous dire ce que j’en pense ! (Nouveaux sourires.)

La mutualisation n’est, me semble-t-il, pas à la hauteur du problème qui nous est posé.

Au conseil général de l’Aube, j’avais 39 millions d’euros d’autofinancement en 2009 et 27 millions d’euros en 2010. L’augmentation des dépenses obligatoires dans le domaine social seulement sur les trois allocations personnalisées représente une évolution annuelle comprise entre 10 millions et 12 millions d’euros. Dans deux ans, nous ne serons plus en situation d’autofinancement, donc plus en capacité de rembourser le capital des emprunts.

Par conséquent, il est inutile d’évoquer les sujets dont nous débattons aujourd'hui si nous ne parvenons pas à trouver de solution à cette équation impossible : après avoir supprimé nos recettes et les avoir remplacées par des dotations, on nous annonce que ces dernières seront gelées dans les trois années à venir, alors que nos dépenses obligatoires continueront à croître ! Les questions dont nous discutons aujourd'hui sont effectivement inutiles, puisqu’il n’y aura plus d’existence de la part des départements.

Après avoir fait un plan de relance en 2009, nous constaterons en 2010 et en 2011 une suppression des investissements non seulement des départements, mais également des communes auxquelles ceux-ci accordent des subventions.

Pour ma part, face à la gravité de la situation, j’ai réuni cette semaine mon conseil général.

Nous allons envisager de réduire nous-mêmes nos investissements. Ainsi, au lieu de réaliser 80 millions d’euros d’investissements annuels, nous nous limiterons peut-être à 40 millions d’euros. Et, naturellement, nous supprimerons les financements des communes, qui seront dès lors dans l’impossibilité d’effectuer leurs investissements. Par conséquent, en guise de plan de relance, vous aurez mécaniquement un plan de fin de tout investissement…

Je tenais à insister sur ce point, et c'est la raison pour laquelle j’ai souhaité prendre la parole dans ce débat.

Puis, en examinant les différents documents qui nous ont été communiqués, je me suis rendu compte que je faisais déjà de la mutualisation sans me poser de question et sans avoir jamais rencontré la moindre difficulté ! (Sourires.) Dès lors, je me demande bien pourquoi vous mettez sur la table des problèmes qui n’existent pas.

Par exemple, nous gérons déjà avec les régions les établissements scolaires qui regroupent un lycée et un collège, et cela ne soulève aucune difficulté. Idem pour la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS. Nous investissons et prenons ensemble en charge les dépenses de fonctionnement ensemble, ce qui ne pose aucun problème.

De même, s’agissant du service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, ce sont les services du conseil général qui s’en chargent, là encore sans la moindre difficulté.

À cet égard, j’ai trouvé des propositions amusantes dans le rapport de M. Sido sur la mutualisation des conseils généraux : notre collègue suggère ainsi – c’est la proposition n° 5, à la page 94 du rapport – d’offrir aux conseils généraux la possibilité de moduler leur subvention aux SDIS en fonction de l’acceptation ou non de ces derniers à recourir à une formule de mutualisation… Sauf que le SDIS est obligatoirement présidé par le président du conseil général ou par son représentant ! De toute manière, toute nouvelle dépense du SDIS est financée par le département, et non par les communes. On soulève donc des questions qui n’existent pas !

Je ne voudrais pas que des textes nouveaux créent des problèmes là où il n’y en a pas. La mutualisation fonctionne déjà.

Par exemple, on a évoqué les possibilités de gestion commune de bâtiments appartenant au conseil général pour accueillir des services de l’État. Mais cela existe ! Un conseil général qui souhaite mettre en location un bâtiment lui appartenant pour y accueillir des services de l’État ou d’une autre collectivité locale peut déjà très bien le faire !

Par conséquent, ne laissons pas accroire que la mutualisation entre collectivités territoriales serait de nature à résoudre l’équation impossible à laquelle nous sommes confrontés : nous devons continuer à financer des dépenses obligatoires explosives alors qu’on bloque nos recettes ! Ce ne sont pas des mesures comme la mutualisation qui permettront de régler le problème.

Par ailleurs, évitons de compliquer des pratiques qui existent déjà sur le terrain et qui ne posent de problème à personne ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis les premières lois de décentralisation de 1982, l’évolution, voire l’inflation législative et normative relative aux collectivités territoriales n’a pas cessé.

En effet, le temps du triptyque « État, département, commune », si facile à comprendre pour nos concitoyens, est bien loin de nous. Aujourd’hui, la multiplicité des acteurs et des collectivités territoriales est à la mesure des attentes des Français à l’égard des pouvoirs publics, car la puissance publique est toujours plus sollicitée en temps de crise.

La spécialisation thématique des différents échelons de collectivités territoriales qui s’est dessinée au cours des trente dernières années n’a malheureusement pas toujours été accompagnée d’une évolution pérenne de leur financement ni d’une optimisation de leurs moyens.

La réforme des collectivités territoriales menée par le Gouvernement et, plus largement, la réflexion sur la pérennité du fonctionnement institutionnel actuel nous obligent à prendre en compte les moyens dévolus à chaque échelon.

Conseiller général depuis bientôt trente ans et par ailleurs vice-président délégué de l’Union des conseillers généraux de France, l’UCGF, je consacrerai l’essentiel de mon intervention aux départements, qui sont, à mon sens, les collectivités les plus fragilisées, en raison des incertitudes qui pèsent sur le financement des trois allocations universelles de solidarité – l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le revenu de solidarité active, le RSA – et du poids de plus en plus significatif de la prise en charge de la dépendance. Si l’on ajoute à ces éléments l’incidence de la crise économique sur la fiscalité, illustrée en particulier par la chute vertigineuse des droits de mutation, la situation financière des départements est effectivement préoccupante, et je rejoins sur ce point Philippe Adnot. D’ailleurs, les difficultés que rencontrent certains départements pour boucler leur budget 2010 sont symptomatiques de la situation actuelle.

Si les charges de fonctionnement liées à l’augmentation du nombre de fonctionnaires territoriaux, hors transferts de compétences, jouent pour beaucoup dans les difficultés de certaines collectivités – il ne faut pas s’en cacher –, il n’en demeure pas moins que les nouvelles charges sociales pèsent de plus en plus lourd sur les budgets départementaux.

Le rapport Jamet a identifié quatre critères pertinents de fragilité des finances départementales : la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans la population ne peut que progresser, ce dont il faut au demeurant se réjouir, le taux de chômage, le revenu moyen des ménages et la densité de la population. Il a également souligné les nombreuses contraintes, parfois extérieures, auxquelles doivent faire face les conseils généraux : normalisation excessive, outils ou référentiels non adaptés, difficulté à communiquer avec leurs partenaires institutionnels ou à leur diffuser des informations, etc. Il conviendra donc de traiter dans les meilleurs délais ces sujets afin d’améliorer l’action publique locale et de réaliser des économies d’échelle.

D’ores et déjà, le rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation trace des pistes de réflexion intéressantes. Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de nos quatre collègues rapporteurs, Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, ce dernier ayant plus particulièrement traité de l’optimisation des moyens des départements, ce que l’on comprend au vu des responsabilités importantes qu’il exerce au sein de l’Assemblée des départements de France, l’ADF.

La piste de la mutualisation, telle qu’elle est préconisée dans le rapport, doit être approfondie, car elle permet de dégager des marges de manœuvre importantes.

Certains conseils généraux ont déjà mis en place de telles démarches par voie conventionnelle, par exemple dans le domaine de la gestion des agents techniciens et ouvriers spécialisés. Néanmoins, beaucoup d’autres pistes sont envisageables, notamment en ce qui concerne la restauration scolaire ou la gestion des bâtiments des cités scolaires mixtes. Sur ce dernier point, la mutualisation s’impose avec d’autant plus d’évidence que, dans quelque temps, les mêmes élus seront appelés à gérer ces équipements.

Je me réjouis que, face aux graves difficultés de nos départements, le Premier ministre ait récemment annoncé le versement d’une aide exceptionnelle dès septembre aux départements ne parvenant pas à boucler leur budget pour l’année 2010 – ils sont à peu près une dizaine dans ce cas –, dans le cadre d’un contrat de stabilisation qui leur fixera malgré tout des objectifs.

Le Premier ministre a, en outre, annoncé officiellement l’ouverture, dès septembre, du chantier de la dépendance, avec une réforme complète du financement de l’APA, précisant que la loi serait votée avant la fin de 2010 pour que le dispositif soit opérationnel dès l’année 2011.

Il est vrai que les présidents de conseil général avaient formulé le vœu d’une mise en place rapide d’un nouveau système de financement de l’APA, compte tenu du différentiel entre les ressources transférées et les dépenses constatées, qui s’élève à plus de 3 milliards d’euros en défaveur des départements et s’aggrave considérablement d’année en année du fait du vieillissement de la population. Sans attendre septembre, les départements pourraient constituer dans les meilleurs délais un groupe de travail mettant à profit leur expérience de la gestion de l’APA pour préparer ce rendez-vous. L’UCGF est bien sûr prête à s’associer à une telle démarche.

Le Premier ministre a également confirmé l’annonce du Président de la République sur un moratoire immédiat des normes ayant des conséquences financières pour toutes les collectivités. Cette mesure était absolument nécessaire.

Enfin, en ce qui concerne la péréquation, il faut se réjouir de l’annonce d’une réforme importante des dotations et de la confirmation de la mise en place d’un nouveau système de péréquation alimenté par les droits de mutation et par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont le dynamisme devrait être supérieur à celui de la taxe professionnelle. De plus, le Gouvernement n’a pas exclu la possibilité, qui devrait s’avérer intéressante, d’ouvrir aux départements les fonds de péréquation réservés aujourd’hui à d’autres catégories de collectivités territoriales.

Toutes ces mesures, arrêtées à l’occasion de la rencontre de l’Association des départements de France avec le Premier ministre, le 1er juin dernier, vont incontestablement dans le bon sens. Elles devraient permettre le redressement financier des départements fragilisés et, surtout, favoriser une meilleure homogénéisation, notamment du point de vue du potentiel fiscal.

La mise en place d’un nouveau système de péréquation ou le développement de la mutualisation seront-elles des mesures suffisantes ? Rien n’est moins certain, car l’on constate, budget après budget, la baisse et, parfois, la disparition de l’épargne disponible pour les départements, concomitamment à une hausse de l’endettement.

Il faudra donc trouver, sur le moyen terme, des solutions à la fois structurelles et pérennes. Pour y parvenir, la concertation entre le Gouvernement et les associations représentatives des départements et des collectivités territoriales en général est plus que jamais nécessaire.

Si la constitution d’un groupe de travail sur la gestion de l’APA est envisagée, l’ouverture du chantier de la dépendance, prévue en septembre, devra elle aussi se préparer dans la concertation la plus totale pour aboutir à des solutions de financement pérennes et consensuelles.

Dans la perspective de l’application définitive de la réforme des collectivités territoriales à l’horizon 2014, il est impératif que les collectivités, en particulier les départements, retrouvent une stabilité fiscale et financière si l’on veut préserver les missions essentielles de solidarité et de proximité qu’elles exercent dans les territoires.

Le groupe UMP soutiendra, bien sûr, les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui iront dans ce sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai été très intéressée par la lecture du rapport de MM. Lambert, Détraigne, Mézard et Sido, auxquels j’adresse mes félicitations, car leur travail sera utile à tout élu local. Ce rapport est le bienvenu et il s’inscrit dans un contexte dont plusieurs paramètres doivent être rappelés.

Premièrement, les finances publiques connaissent une crise profonde et les collectivités locales éprouveront de plus en plus de mal à trouver des financements. La nécessité de gérer au mieux s’impose donc et, de ce point de vue, la mutualisation sera un outil précieux.

Deuxièmement, on a trop souvent entendu dire, même si cela s’est calmé, que les collectivités locales étaient trop dépensières. Or l’examen des chiffres publiés par l’Association des maires de France, l’AMF, ou par l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, révèle que 39 % des intercommunalités pratiquent déjà la mutualisation. Si nos collègues, dans leur rapport, estiment que ce niveau reste insuffisant, il n’est cependant pas négligeable puisque le développement de l’intercommunalité est un phénomène assez récent, remontant à la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement », qui a encouragé la multiplication des intercommunalités. Le fait que près de 40 % des communautés soient déjà engagées, à des degrés divers, dans des partages de services mérite d’être salué. Certes, la mutualisation doit être développée, mais je tenais malgré tout à souligner le niveau d’avancement de cette dernière.

Troisièmement, les collectivités locales assument de nouvelles missions, soit du fait de la décentralisation, soit du fait de l’apparition de nouveaux services. Je citerai l’exemple, très important pour le monde rural, des services publics d’assainissement non collectif, les SPANC. Dans ce domaine, la mutualisation s’est rapidement mise en place parce que, bien souvent, les communautés rurales ne peuvent pas supporter seules l’embauche d’une personne. La solution de la mutualisation s’est donc imposée pour assurer des services nouveaux à la population.

Quatrièmement, nous observons un recul de l’assistance des services de l’État aux collectivités territoriales : d’autres orateurs ont évoqué avant moi cet état de fait, mais je tenais à le souligner également. Prenons l’exemple des ex-directions départementales de l’équipement, les DDE, qui jouaient un rôle très important auprès des communes rurales : leur intervention s’est beaucoup réduite et nous voyons se profiler des difficultés pour assurer l’instruction des permis de construire, en raison de la diminution des effectifs des DDE. Cette charge incombera, bien sûr, aux collectivités territoriales, en particulier aux communes et aux intercommunalités. Là encore, la mutualisation est absolument impérative : les dossiers ne pourront pas toujours être traités par la commune et seront le plus souvent pris en charge par l’intercommunalité.

Nous discutons de la mutualisation des moyens des collectivités territoriales au moment où le Sénat va examiner en deuxième lecture le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. La parution de ce rapport d’information est donc particulièrement opportune.

Comme MM. les rapporteurs le soulignent, mutualisation et intercommunalité sont des notions siamoises. Il faut donc continuer à aider les communes et les intercommunalités à développer la mutualisation.

Chacun sait que la mutualisation peut être de deux natures différentes : descendante – les moyens de l’intercommunalité sont mis au service des communes – ou ascendante – les communes contribuent, par la mise à disposition de leurs moyens, au plein succès d’une intercommunalité.

Pendant un certain temps, il a existé des difficultés dans un sens, et pas dans l’autre. Ce problème étant réglé, il faut maintenant opter pragmatiquement, selon les compétences concernées, et donc selon les services, pour une mutualisation ascendante ou pour une mutualisation descendante. Ce choix est important, car il permettra de garantir l’efficacité, la proximité et la bonne gestion des services publics.

Le rapport signale également que la mutualisation facilite le développement de l’esprit et de l’action intercommunaux. Ce point est primordial.

L’intercommunalité favorise déjà une meilleure compréhension des élus entre eux. Bien des mésententes et des a priori ont été atténués par le fait que les différents acteurs ont appris à travailler ensemble : ils se rendent ainsi compte qu’ils ont beaucoup plus de points communs qu’ils ne le croyaient initialement, qu’ils partagent les mêmes soucis et les mêmes problèmes, et ils reviennent sur les préventions qu’ils éprouvaient les uns envers les autres. La mutualisation renforce davantage cette meilleure compréhension.

Je sais d’expérience qu’il est important, par exemple, d’organiser très régulièrement des réunions entre les directeurs généraux des services, les DGS, de toutes les communes réunies au sein d’une même intercommunalité, et ce même si les services ne sont pas mutualisés. On développera d’autant mieux l’esprit et l’action intercommunaux que l’on créera des relations permanentes entre les différents DGS et que l’on ne se contentera pas de travailler avec les seuls services de l’intercommunalité.

Messieurs les rapporteurs, j’ai été très intéressée par certaines de vos propositions. Je pense à celle qui vise à permettre aux communes membres d’un même EPCI de mutualiser leurs agents pour l’exercice des missions de service public dont la compétence ne lui a pas été transférée. Cette disposition s’inscrit dans le prolongement des arguments que je viens d’exposer.

Je pense également à la création d’un « coefficient d’intégration fonctionnelle » calculé en fonction des services mutualisés. Je rappelle que cette idée d’instituer un dispositif de bonus-malus selon le degré de mutualisation avait été émise par notre collègue M. Dallier qui, dans son rapport d’octobre 2006 fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation du Sénat, proposait d’« introduire dans le calcul de la DGF des EPCI à fiscalité propre un nouveau critère appelé ″le coefficient d’intégration fonctionnelle″, mesurant le degré de mutualisation des services entre l’EPCI et ses communes membres », le tout à enveloppe constante, monsieur le secrétaire d’État, le bonus devant compenser le malus.

Je pense, enfin, à la proposition qui vise à poser le principe d’un débat annuel d’orientation budgétaire entre les responsables de l’EPCI et ceux des communes membres, et à exiger que, à cette occasion, soit inscrit à l’ordre du jour l’examen d’un schéma de mutualisation des services.

Cette dernière proposition est d’autant plus intéressante que les communes doivent faire un effort pour discuter de leurs budgets respectifs à l’intérieur de l’intercommunalité. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer, même si chacun reste maître chez soi, que les budgets communaux des communes membres d’une intercommunalité soient votés sans un minimum de concertation avec les autres communes membres de l’intercommunalité. La situation des communes entre elles est un peu similaire à celle de la France par rapport aux autres pays membres de l’Union européenne.

Ayant épuisé mon temps de parole, je poserai, en conclusion, trois questions à MM. les rapporteurs et à M. le secrétaire d’État.

Premièrement, la coopération horizontale mérite d’être développée. Ne faudrait-il pas la favoriser ?

Deuxièmement, il existe un dispositif de groupements de commandes et il faudrait légiférer ou réglementer pour le rendre plus souple. Pourquoi ne pas envisager d’aller jusqu’aux centrales d’achat que certains appellent de leurs vœux ?

Troisièmement, ne conviendrait-il pas, comme l’a déjà suggéré un des orateurs, de préciser la notion communautaire de service non économique d’intérêt général, afin de ne pas freiner la mutualisation ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, du groupe socialiste et au banc des commissions.)