M. Brice Hortefeux, ministre. Cela pose problème aussi bien en termes de pédagogie que de répression ou de prévention de la récidive.

C’est pourquoi, en accord avec le garde des sceaux, Mme Michèle Alliot-Marie, et le secrétaire d’État à la justice, Jean-Marie Bockel, je vous propose de donner au procureur de la République la capacité de saisir directement le tribunal, sans passer par le juge des enfants, dans les affaires les plus simples et pour les mineurs déjà connus de la justice, notamment ceux qui ont déjà fait l’objet d’une procédure au cours de l’année précédente, dès lors que tous les renseignements nécessaires en termes de personnalité ou d’environnement familial ont d’ores et déjà été recueillis.

Certains d’entre vous le savent certainement, M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, a été victime d’un accident à son domicile, dans le Cantal. Il est donc dans l’impossibilité, pour quelques semaines, de participer à nos débats. M. Jean-Marie Bockel est présent au banc du Gouvernement, et je l’en remercie.

Deuxièmement, je souhaite que nous étendions la possibilité de placer sous surveillance électronique les multirécidivistes. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question au cours du débat.

Troisièmement, nous souhaitons que, désormais, les délinquants auteurs de violences aggravées se voient appliquer des peines planchers dès le premier acte de violence, sans attendre la récidive. Vous me direz que, dans un certain nombre de cas, le délai est bref ! Les peines planchers, créées en 2007, sur l’initiative de M. le Président de la République, alors ministre de l’intérieur, fonctionnent. C’est d’ailleurs pour cette raison que je veux les étendre, car elles sont jusqu’à présent réservées exclusivement aux récidivistes.

Très concrètement, dès qu’une violence aggravée sera commise, par exemple une violence en réunion ou avec arme, elle sera punie d’une peine plancher. La peine d’emprisonnement ne pourra pas être inférieure à six mois si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement, à un an si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement, à dix-huit mois si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement, et à deux ans si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement. Ces dispositions me paraissent totalement équilibrées.

Quatrièmement, nous souhaitons punir plus fermement les meurtres de policiers, gendarmes, magistrats, membres de l’administration pénitentiaire et toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de leurs fonctions. Désormais, les délinquants qui s’en prennent aux forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions doivent savoir qu’ils seront condamnés à perpétuité : ils auront la certitude de passer au moins trente ans en prison.

Cette aggravation des peines est totalement justifiée, puisque, au-delà du dommage irréparable que ces meurtriers causent aux familles des victimes, ce sont les fondements mêmes de la société qui sont en jeu.

J’en viens à ma cinquième proposition, à laquelle je tiens beaucoup : je veux enfin « frapper au portefeuille » les caïds des cités en les privant des biens acquis en toute illégalité.

La loi du 9 juillet dernier, votée par les deux assemblées – M. François Zocchetto, au nom de la commission des lois, en a été le rapporteur au Sénat –, constitue déjà une avancée très utile : elle permettra d’améliorer la gestion de ces biens, en particulier lorsqu’il s’agit d’immeubles ou de biens immatériels comme les parts de société.

Mais il reste un point à régler. Il convient en effet d’éviter que les biens meubles ne s’entassent dans les greffes ou dans les fourrières. Le projet de loi permet, d’ores et déjà, leur affectation aux services enquêteurs, ce qui constitue déjà un progrès très utile. C’est ainsi que les services de police pourront être dotés des puissants véhicules utilisés par les délinquants pour en traquer d’autres à motorisation égale.

Ma conviction sur ce point a d’ailleurs été renforcée cette semaine. Je me suis en effet rendu à Gennevilliers et à Colombes – je me tourne vers les élus des Hauts-de-Seine –, où le commissaire avait fait saisir deux motos appartenant à deux jeunes qui faisaient du rodéo dans les rues. Bien évidemment, cette décision n’a pas plu, ce qui a mis en quelque sorte le feu aux poudres.

Pour ma part, je pense que nous ne serons vraiment efficaces que si vous rendez possible la mise aux enchères des biens saisis dans la foulée de l’interpellation des délinquants.

Évidemment, en cas de vice de procédure ou d’erreur, en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, il ne sera pas compliqué de restituer le produit de la vente au propriétaire. Mais il faut pouvoir faire vite et frapper fort, parce que cela marque les esprits. À cet égard, je remercie Jacques Gautier de proposer le rétablissement de cette mesure dans le projet de loi.

À chaque forme de délinquance doit correspondre une sanction. Je veux que cette sanction soit appliquée rapidement, je veux que la justice dispose des moyens de punir durement les plus récalcitrants et que ces punitions soient pleinement effectives.

Deuxième objectif : pour empêcher les délinquants de nuire et pour lutter contre eux à armes égales, les forces de sécurité doivent également disposer des moyens les plus modernes pour agir. Je pense, bien sûr, au déploiement de la vidéoprotection sur la voie publique, dans les gares, aux abords de celles-ci et partout où elle est nécessaire.

Je le rappelle, l’objectif est d’atteindre les 60 000 caméras sur la voie publique. Nous en sommes actuellement à 28 000. Depuis le début de l’année, grâce aux efforts que l’État a consentis et à la prise de conscience des élus – je ne peux que m’en réjouir, même si cette prise de conscience n’a pas été précoce pour tous –, 7 700 caméras subventionnées ont été ainsi mises en place. Le budget consacré à l’implantation des caméras de vidéoprotection, à savoir 30 millions d’euros, a doublé par rapport à l’année dernière et a triplé par rapport à l’année précédant celle-ci. Nous ne nous payons pas de mots et notre volontarisme n’est pas seulement verbal !

Je le dis à des maires qui continueraient d’adopter une position hostile par pure idéologie : les caméras, lorsqu’elles sont installées dans des commerces et des lieux qu’ils ne gèrent pas, sont souvent efficaces. J’ai entendu le maire d’une grande ville du Nord expliquer que les caméras sont efficaces dans les lieux clos, mais ne le sont pas sur la voie publique communale, où elles seraient liberticides. Comprenne qui pourra ! On ne peut pas nier éternellement l’évidence : il n’y a pas, d’un côté, les caméras utiles et, de l’autre, les caméras inutiles ! Elles sont un atout dans notre lutte contre la délinquance.

Quant aux contrôles des caméras, nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre devant la Haute Assemblée : nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut en augmenter et la fréquence et le nombre. Nous sommes, tout autant que vous, attachés au respect des libertés individuelles et je suis convaincu que nous pouvons trouver un juste équilibre entre le nécessaire renforcement de la sécurité et le respect des libertés individuelles.

À la place qui est la sienne, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a un rôle à jouer aux côtés de la Commission nationale de la vidéosurveillance, présidée par Alain Bauer.

Enfin, j’ai bien entendu les critiques dont a fait l’objet, à l’occasion du débat que je viens d’évoquer, le projet d’instauration d’un pouvoir pour le préfet de se substituer à une municipalité défaillante dans l’installation de la vidéoprotection.

Je souhaite néanmoins que, pour la prévention d’actes de terrorisme ou pour la protection de lieux particulièrement exposés en termes de sécurité, le dispositif de mise en demeure instauré par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers puisse être utilisé plus facilement par les préfets. Cette disposition sera d’usage exceptionnel, mais l’État n’a pas le droit de se priver de protéger ses intérêts fondamentaux et les citoyens contre les risques d’attentats.

Autre outil technique indispensable : l’usage des bases de données. Celui-ci doit être favorisé, dans le strict respect des libertés. C’est pourquoi le projet de loi permet le développement de l’identification par les empreintes génétiques et des fichiers d’antécédents et d’analyse sérielle. Quant aux logiciels de rapprochement judiciaire qui ne contiennent pas de données sur l’identité des personnes, ils permettront aux enquêteurs de croiser les informations, par exemple sur le mode opératoire de cambriolages. Si plusieurs vols à la fausse qualité ont été commis par les mêmes personnes et selon un procédé similaire, désormais, nous le saurons plus rapidement, en économisant de surcroît un travail particulièrement fastidieux pour les enquêteurs.

Enfin, il faut mieux protéger les Français contre la délinquance entraînée par l’usage des nouvelles technologies. À cette fin, la lutte contre la cybercriminalité sera renforcée grâce au blocage des sites pédopornographiques hébergés à l’étranger.

Je vous propose également de mieux lutter contre les vols de téléphone portable et les violences qui, souvent, les accompagnent. Aujourd’hui, seule est bloquée la carte SIM d’un téléphone volé, ce qui met fin à l’abonnement, mais n’empêche pas l’utilisation de l’appareil.

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Brice Hortefeux, ministre. Aussi, il y a toujours un intérêt au vol. Désormais, après négociation avec les opérateurs et les fabricants, l’appareil sera lui aussi rendu hors d’usage, rendant le vol sans intérêt.

Les estimations sont approximatives dans ce domaine, mais certains responsables départementaux que j’ai rencontrés m’indiquaient que près de la moitié des plaintes pour vol de téléphone portable étaient « bidon ». Aussi, cette mesure devrait décourager ce type de fraude.

Il faut aussi se servir des nouvelles technologies pour protéger les Français. À cette fin, je propose que l’usage du bracelet électronique soit étendu aux terroristes de nationalité étrangère condamnés à quitter le territoire et assignés à résidence en France dans l’attente de leur retour effectif dans leur pays d’origine. Nous avons eu à connaître d’un cas de ce genre dernièrement.

Troisième objectif : renforcer notre arsenal législatif. Cela passe aussi par le renforcement de la complémentarité opérationnelle pour plus de complémentarité sur le terrain.

La sécurité est l’affaire de tous et elle s’inscrit dans un cadre partenarial qu’il faut organiser. Je pense, en premier lieu, à la police municipale, qui, aux côtés de la police et de la gendarmerie, accomplit un travail remarquable. D’ailleurs, les délinquants n’établissent aucune distinction entre les catégories de forces de l’ordre, ainsi que l’a malheureusement rappelé le meurtre d’Aurélie Fouquet, à Villiers-sur-Marne.

Dans le même souci de coordination des acteurs de la sécurité, et en accord avec les professionnels, je veux faire de la sécurité privée, forte de 5 000 entreprises employant 150 000 salariés – ce n’est pas rien ! –, un secteur plus efficace et mieux contrôlé. Régulation et contrôle seront donc les principales missions du Conseil national des activités privées de sécurité que je vous propose de créer.

Dans le même esprit, je crois indispensable de doter des moyens d’action nécessaires les services de sécurité qui interviennent dans des secteurs spécialisés ; je pense à la RATP et à la SNCF. La commission des lois a étendu à ces agents la possibilité de maintenir sur place un contrevenant. Peut-être, au cours de la discussion, étudierons-nous notamment la possibilité d’autoriser ces mêmes agents à conduire directement au poste de police les contrevenants, ce qui ferait gagner du temps aux policiers et aux gendarmes.

Enfin, dernier objectif : donner à l’autorité administrative la capacité de réagir, et donc renforcer ses prérogatives.

Le renforcement des pouvoirs de l’autorité administrative est, à mes yeux, indispensable pour être efficace, sans préjudice, bien sûr, des compétences de l’autorité judiciaire, qu’il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause. Toutefois, dans un certain nombre de circonstances, si l’on veut être vraiment efficace, seule l’intervention de l’autorité administrative, dans le respect de la loi, bien évidemment, garantit cette réponse rapide attendue par nos concitoyens.

La mise en œuvre des plans de lutte contre la délinquance est la preuve de l’utilité de ces moyens d’action.

S’agissant de la lutte contre le hooliganisme, je remercie la commission des lois d’avoir retenu un certain nombre de dispositions.

Je vous propose également que, sur la base de la proposition de M. Elie Brun, nous étudiions la possibilité d’interdire à une personne l’utilisation des transports publics de voyageurs en cas de menace à l’ordre public. À tout le moins, débattons de cette proposition. Comme il existe des interdits de stade, M. Elie Brun a émis l’idée que pourraient être prononcées des interdictions d’utiliser les transports publics afin que nos enfants puissent utiliser en toute tranquillité le bus ou le train pour se rendre à l’école.

S’agissant de la sécurité routière, je vous propose de systématiser l’immobilisation des voitures dont les conducteurs commettent des infractions graves. Il ne s’agit pas de traquer les automobilistes ayant légèrement dépassé la vitesse autorisée, mais il faut en finir avec les chauffards inconscients et les écarter de façon effective du réseau routier. Grâce à cette mesure, le préfet pourra, sous certaines conditions, confisquer le véhicule en cas de conduite sans permis, de récidive de grand excès de vitesse, de conduite sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants ainsi que dans certains cas d’homicides ou de blessures involontaires aggravés.

Il faut aussi donner à l’autorité administrative la capacité de réagir. Cela passe par la possibilité, pour le préfet, d’instituer, dans certaines situations, un couvre-feu pour les mineurs. Comment expliquer qu’un préadolescent de treize ans se promène sans aucun contrôle à certaines heures de la nuit ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Cette possibilité serait accompagnée d’une sanction renforcée à l’égard des parents de mineurs qui n’auraient pas respecté la mesure.

Qu’un parent ne puisse pas surveiller un jeune de dix-huit ans, je le conçois ; en revanche, je ne comprends pas qu’un enfant de douze ans échappe à son contrôle.

Cette mesure a pour objet de faire prendre conscience aux parents de leurs responsabilités lorsque leurs enfants sont en danger.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’autorité du Président de la République, je vise un seul et unique objectif : assurer en tous points du territoire la sécurité des Français, garantir, dans toute la mesure possible, un environnement de paix, de sérénité et de tranquillité. En d’autres termes, si vous me permettez d’emprunter ces mots à Georges Clemenceau, je n’ai qu’une mission : « Faire en sorte que les bons citoyens soient tranquilles et que les mauvais ne le soient pas ».

Chacun le sait, cet objectif est simple à résumer, mais très ambitieux en raison de sa complexité.

Un mois après le discours de Grenoble prononcé par le chef de l’État (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), je voudrais rappeler devant la Haute Assemblée trois vérités simples.

D’abord, ce n’est pas parce que quelques faits divers sont mis en exergue que la violence en est à son paroxysme ! Il faut savoir raison garder. La vérité, c’est que nos forces de l’ordre font un travail formidable et payant ; la vérité, c’est que nous avons enregistré une septième année de baisse de la délinquance globale ; la vérité, c’est que notre pays est aujourd’hui l’un des plus sûrs du monde.

M. Brice Hortefeux, ministre. Ensuite, les policiers et les gendarmes effectuent un travail courageux, multipliant les interpellations de délinquants. Certains, parmi vous, élus locaux, ont sans doute accompagné des gendarmes ou des policiers ; on ne peut qu’être impressionné par leur travail et les conditions dans lesquelles ils accomplissent parfois celui-ci. Ils savent que je les soutiens inconditionnellement et j’ai pu mesurer leur frustration bien compréhensible lorsque, à l’issue de son interpellation, un délinquant est relâché.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je sais aussi leur colère quand un criminel arrêté et condamné ne purge pas sa peine.

L’exemple récent de la remise en liberté d’un braqueur… présumé (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)… Vos électeurs et vos administrés apprécieront !

L’exemple de ce braqueur présumé, qui avait été mis en examen notamment pour tentative d’homicide volontaire, ne peut légitimement susciter qu’indignation et incompréhension. (Très bien ! sur les travées de lUMP.) Cela étant, je fais confiance à l’appel initié à juste titre par le parquet.

La protection de nos concitoyens doit passer par l’action déterminée et très professionnelle de la police et de la gendarmerie, mais elle impose aussi des décisions de justice mettant effectivement les délinquants hors d’état de nuire. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)

Enfin, troisième vérité, nos textes ont besoin d’être adaptés, confortés. Ceux qui approuvent cette nécessité, je les invite à passer du discours aux actes…

M. Brice Hortefeux, ministre. … et à approuver ce projet de loi. Quant à ceux qui nient les réalités et se contentent de défiler, en curieuse compagnie, d’ailleurs,…

M. Daniel Raoul. Provocation ! C’est honteux pour un ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre. … je les appelle à la raison et à leurs responsabilités devant les Français.

Ce projet de loi d’orientation et de programmation nous donne aujourd’hui les moyens d’aller plus loin, et ces moyens, vous les avez entre vos mains !

M. Daniel Raoul. C’est honteux !

M. Brice Hortefeux, ministre. Les forces de l’ordre, les victimes et les Français nous regardent. Je vous encourage à être à la hauteur de leurs attentes et des enjeux de demain. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2.

Le fait que nous puissions enfin examiner ce texte est une grande satisfaction, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, ce projet de loi succède à la première LOPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, qui fixait les moyens de la police et de la gendarmerie pour la période 2003-2007. Du fait d’une longue préparation et d’un dépôt tardif à l’Assemblée nationale – le 27 mai 2009 –, la programmation budgétaire associée à la LOPPSI 2, qui figure dans un rapport annexé au texte et couvre la période 2009-2013, est en réalité déjà appliquée depuis deux ans. Ainsi les lois de finances pour 2009 et 2010 ont-elles déjà tenu compte des grandes orientations de la LOPPSI.

Ensuite, certaines dispositions proposées dans ce texte constituent des adaptations nécessaires à de nouvelles formes de délinquance – je pense notamment à celle qui se sert des possibilités offertes par internet – que la législation ne prenait jusqu’alors pas en compte, du moins pas suffisamment.

Enfin, si les résultats obtenus en matière de sécurité depuis plusieurs années sont positifs, les forces de police et de gendarmerie – auxquelles nous devons naturellement rendre un hommage particulier – et la justice rencontrent toujours des difficultés particulières pour contrer certaines formes de délinquance plus classiques, telles que les cambriolages ou les violences commises à l’encontre des personnes vulnérables. À ce titre, on peut dire que la LOPPSI sera une loi protectrice, notamment pour les plus faibles de nos concitoyens, qui sont souvent confrontés, dans leurs quartiers, à une délinquance toujours plus violente, dont les auteurs n’hésitent d’ailleurs plus à tirer sur les forces de l’ordre.

En tant que rapporteur de ce projet de loi, j’ai entendu de nombreux responsables et acteurs de la politique de sécurité, ainsi que des magistrats et des personnalités qualifiées : ils m’ont éclairé, suggéré de nouvelles pistes ou signalé certaines difficultés posées par le projet de loi.

Dans le cadre de ces travaux préparatoires, nous avons également eu l’occasion d’entendre en commission M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, qui porte le présent texte.

Avant d’aborder les dispositions de la LOPPSI, je dirai quelques mots de la programmation budgétaire qui figure dans le rapport annexé à ce texte.

Cette programmation, qui englobe les missions « Sécurité » et « Sécurité civile » pour les années 2009 à 2013, prévoit un montant de crédits évoluant de 11,8 milliards d’euros en 2009 à 12,2 milliards d’euros en 2013. Au sein de ces crédits, les ressources spécialement dédiées à la modernisation et à l’accroissement de l’efficacité de la police et de la gendarmerie nationales seront en forte augmentation, passant de 251 millions d’euros en 2010 à 608 millions d’euros en 2013. Ainsi les dépenses d’investissement et de fonctionnement seront-elles préservées, malgré la participation à l’effort engagé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Je vais maintenant aborder les grands axes du projet de loi, les principales modifications apportées par l’Assemblée nationale, ainsi que celles qui ont été adoptées par votre commission des lois. Je commencerai par évoquer l’adaptation des forces de sécurité aux nouvelles technologies. Je traiterai ensuite des dispositions qui concernent la prévention de la délinquance, les polices municipales et la lutte contre l’insécurité routière, avant d’aborder enfin la question de la gestion et la conservation des biens saisis dans le cadre de procédures judiciaires, la création de nouveaux délits et la sécurité extérieure.

Le présent projet de loi s’attache donc tout d’abord à prendre en compte l’environnement technologique actuel qui constitue non seulement un nouveau terrain à conquérir pour la délinquance, terrain que les forces de l’ordre et la justice doivent investir sous peine de lui laisser le champ libre, mais aussi, parallèlement, la chance de nouveaux moyens pour lutter contre les délinquants.

Ainsi la LOPPSI vise-t-elle à instaurer pour les fournisseurs d’accès à internet l’obligation d’empêcher l’accès aux sites diffusant des images pédopornographiques dont les adresses leur seraient notifiées par l’autorité administrative.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’Assemblée nationale a subordonné cette notification à l’accord de l’autorité judiciaire qui, en l’occurrence, n’était pas nécessaire et que la commission a donc supprimé.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La LOPPSI tend également à instaurer un délit d’usurpation d’identité sur internet, lorsque cette usurpation est commise dans le but de troubler la tranquillité ou de porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne dont l’identité ou les données sont usurpées.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La création de ce délit va dans le sens des travaux de notre commission destinés à mieux protéger la vie privée et les données à caractère personnel sur internet.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je pense notamment au rapport d’information de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne ainsi qu’à la proposition de loi qui a traduit un certain nombre de leurs préconisations.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a donc fort logiquement adopté ces dispositions tout en leur apportant quelques précisions techniques.

Du côté des nouvelles possibilités offertes aux forces de l’ordre par la technologie, le texte permet une utilisation accrue de la vidéosurveillance sur la voie publique, aussi bien dans une perspective de prévention que de répression de la délinquance. En particulier, les articles 17 et 17 bis du projet de loi étendent les possibilités d’usage de la vidéosurveillance sur la voie publique par les personnes morales de droit privé, notamment par délégation des personnes publiques. La commission a adopté à ce sujet un amendement permettant de garantir les compétences et la moralité des délégataires privés qui exerceront cette mission. Par ailleurs, afin d’améliorer la protection des libertés publiques et l’uniformité du contrôle de la vidéosurveillance, elle a ouvert la possibilité à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, de contrôler les systèmes vidéo. La CNIL pourra ainsi à la fois conseiller les collectivités et demander au préfet de sanctionner les manquements qu’elle constatera.

La LOPPSI comporte par ailleurs un nouveau dispositif autorisant le recours à l’identification d’une personne par empreintes génétiques pour permettre, en dehors du cadre d’une procédure judiciaire, de découvrir l’identité d’une personne décédée inconnue. Ce dispositif s’appliquerait notamment aux victimes de catastrophe naturelle, aux militaires décédés au cours d’opération des forces armées et aux personnes disparues faisant l’objet d’une recherche administrative. Les empreintes génétiques seraient conservées dans une sous-base étanche du fichier national automatisé des empreintes génétiques, ce qui permettrait d’effectuer les rapprochements nécessaires avec l’empreinte génétique des personnes décédées inconnues. La commission a renforcé les garanties prévues pour éviter toute utilisation des données conservées non conforme à la finalité pour laquelle elles ont été recueillies et pour prévoir leur effacement lorsque les recherches qui les ont motivées ont cessé.

Outre la codification des dispositions concernant les fichiers d’antécédents judiciaires, le Gouvernement propose la validation législative d’un nouveau type de traitements de données utilisés dans les enquêtes de police, dénommés logiciels de rapprochement judiciaire. Ceux-ci ont pour objet non pas de collecter de nouvelles données, mais d’établir parmi celles dont disposent déjà les services de police un rapprochement des modes opératoires permettant de renforcer les capacités d’élucidation des affaires. Les nouveaux outils mis en place, qu’il s’agisse des logiciels CORAIL – cellule de rapprochement et d’analyse des infractions – ou LUPIN – logiciel d’uniformisation des procédures d’identification –, dont Mme Boumediene-Thierry, Mme Klès et moi-même avons pu observer le fonctionnement à la préfecture de police, ont démontré leur efficacité. Le texte retenu par les députés pose de sérieuses garanties destinées à encadrer ces dispositifs. La commission a toutefois adopté un amendement donnant au procureur de la République un accès direct à ces logiciels afin de lui permettre d’exercer les fonctions de contrôle que le législateur lui assigne.

Enfin, j’ai pu constater à de nombreuses reprises que, faute de moyens suffisants, le recueil d’empreintes génétiques ou digitales dans le cadre des enquêtes sur les cambriolages n’est aujourd’hui effectué que dans un petit nombre de cas. De ce fait, il est difficile pour les enquêteurs de relier les infractions les unes aux autres et à leurs auteurs, ces derniers n’étant souvent condamnés que pour le dernier vol commis.

Afin de permettre une utilisation accrue des fichiers d’identification pour lutter contre ce type de délinquance, j’ai proposé à la commission la création d’un fonds dédié à la police technique et scientifique, alimenté par une taxe sur les conventions d’assurance. En effet, les assureurs bénéficient indirectement de l’activité de la police technique et scientifique lorsqu’elle permet de retrouver les biens volés. J’ai d’ailleurs recueilli leur accord de principe sur cette mesure. La commission vous proposera d’adopter un nouvel amendement pour améliorer le mode d’alimentation de ce fonds en prévoyant un prélèvement sur la valeur des objets retrouvés. Ce système de financement permettra d’établir un lien plus solide entre l’efficacité de la police ou de la gendarmerie et l’alimentation du fonds.

Le deuxième thème traité par le projet de loi concerne la prévention de la délinquance.

Dans ce domaine, les députés ont introduit des dispositions conférant au préfet la faculté de prendre une mesure de « couvre-feu » à l’encontre des mineurs de treize ans. Le « couvre-feu » serait soit de portée générale, visant alors tous les mineurs de treize ans, soit de portée individuelle, prononcée par le préfet à l’encontre d’un mineur de treize ans ayant déjà fait l’objet de mesures ou de sanctions éducatives et dont les parents ont signé un contrat de responsabilité parentale.

Le « couvre-feu » de portée générale peut déjà être décidé par le maire et ne constitue donc pas une réelle nouveauté. En revanche, la commission a amendé les dispositions relatives au « couvre-feu » individuel. En effet, outre de nombreux problèmes d’application pratique, il s’agirait d’une quasi-peine complémentaire à l’encontre d’un mineur déjà condamné : elle relève par conséquent davantage du juge des enfants que d’une autorité administrative.

Par ailleurs, un article introduit par le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale prévoyait que le président du conseil général serait informé par le procureur de la République sur les infractions commises par les mineurs sur le territoire du département afin de pouvoir proposer aux parents de ces mineurs la signature d’un contrat de responsabilité parentale. Cette obligation d’information systématique posant autant de problèmes pratiques que de questions de principe, la commission a souhaité replacer ce dispositif dans le cadre des échanges d’informations ayant lieu au sein des groupes de travail du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, ce qui permet au passage de renforcer le dispositif de prévention de la délinquance rénové par la loi du 5 mars 2007, dont l’application est encore insuffisante.

Le troisième sujet abordé par le projet de loi, sur l’initiative de la commission des lois de l’Assemblée nationale, a trait au renforcement des pouvoirs de la police municipale.

Les policiers municipaux pourront ainsi désormais procéder à des contrôles d’identité, et non plus seulement des relevés d’identité, et effectuer des contrôles d’alcoolémie routiers préventifs. La commission n’a validé ces nouvelles dispositions que sous réserve d’un encadrement juridique renforcé. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’examiner de nouveaux amendements sur ce sujet.

En outre, en vertu de l’article 32 ter, les directeurs de police municipale, cadre d’emplois réservé aux communes ayant plus de quarante agents de police municipale, deviendraient agents de police judiciaire, sous l’autorité des seuls officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales, à l’exclusion du maire, lui aussi officier de police judiciaire. Les directeurs de police municipale pourraient ainsi constater l’ensemble des crimes, délits ou contraventions. Cette disposition a également été validée par la commission des lois.

Le quatrième thème du projet de loi est la lutte contre l’insécurité routière, lutte que la LOPPSI entend renforcer, dans un contexte de ralentissement de la diminution des accidents mortels.

L’installation d’éthylotests antidémarrage, l’instauration de peines obligatoires de confiscation du véhicule ainsi qu’un meilleur dépistage de l’usage d’alcool et de stupéfiants constituent les grands axes du projet de loi dans ce domaine. La commission a, pour l’essentiel, validé ces dispositions.

Le cinquième sujet traité par le projet de loi est la gestion et la conservation des biens saisis dans le cadre de procédures judiciaires, qui, actuellement, sont souvent réalisées dans des conditions très insatisfaisantes.

La loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale devrait remédier à une partie de ces difficultés. La LOPPSI prévoit quant à elle de faire intervenir de façon plus prégnante l’autorité administrative dans la gestion des biens saisis, en ouvrant deux nouvelles possibilités.

En premier lieu, les biens saisis susceptibles d’être confisqués pourraient être affectés, sur décision de l’autorité judiciaire, aux services de police, de gendarmerie et des douanes, sans attendre le prononcé de la peine complémentaire de confiscation. Si, au terme de la procédure, celle-ci n’est pas prononcée, les biens seraient restitués à leur propriétaire, accompagnés d’une indemnité compensant l’éventuelle perte de valeur.

En second lieu, le préfet devrait être obligatoirement informé par le procureur de la République de l’ensemble des saisies réalisées dans le cadre de procédures judiciaires concernant des biens dont la confiscation est prévue par la loi. S’il l’estime nécessaire, le préfet pourrait alors faire procéder à la vente anticipée de ces biens. La commission a cependant considéré que la possibilité donnée au représentant de l’État dans le département de s’immiscer dans des procédures judiciaires présentait un risque sérieux de contrariété à la Constitution. Pour ce motif, elle a souhaité supprimer l’article 35 bis, et elle examinera un nouvel amendement demain.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale tend en outre à créer de nouveaux délits, comme la correctionnalisation de la vente à la sauvette ou la distribution d’argent à des fins publicitaires sur la voie publique, et à renforcer les sanctions dans divers domaines : ainsi pour la falsification de moyens de paiement commise en bande organisée, les vols commis à l’encontre d’une personne vulnérable et en cas de cambriolage ou certaines infractions au droit de la propriété intellectuelle commises sur internet. La commission a adopté à ces sujets divers ajustements.

Par ailleurs, fidèle à l’approche globale de la sécurité promue par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié le 17 juin 2009, la LOPPSI couvre également le champ de la sécurité extérieure. Elle comporte notamment une très attendue rénovation du statut juridique des agents de renseignement. Serait notamment punie la « désignation » d’une source. Cette notion de « désignation » ouvrant la voie à une incrimination très large mettant en cause l’équilibre nécessaire entre les exigences de la défense nationale et la liberté d’expression, la commission lui a substitué la notion de « révélation » déjà retenue dans le projet de loi pour l’incrimination destinée à protéger l’identité des agents des services de renseignement.

Enfin, le texte que nous examinons comporte un nouveau régime juridique pour encadrer les activités d’intelligence économique. Je pense qu’il faut saluer ces dispositions qui instaurent une procédure d’agrément des dirigeants des organismes exerçant une telle activité, doublé d’un régime d’autorisation administrative de ces organismes, de manière à « moraliser » un secteur d’activités en pleine expansion. Dans un domaine connexe, nous aurons d’ailleurs à examiner un amendement du Gouvernement qui crée une commission nationale des activités privées de sécurité.

Voilà, mes chers collègues, quelques-uns des principaux sujets abordés par ce texte très riche, qui trace de nouvelles perspectives pour l’activité du service public de la sécurité au cours des prochaines années, et que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)