Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’article 24 ter. Pourtant, proposer un contrat de responsabilité parentale aux parents de mineurs condamnés ou à ceux des mineurs ayant fait l’objet d’une mesure de couvre-feu est susceptible d’apporter une aide à certaines familles.

Il s’agit, là encore, de renforcer l’implication des acteurs locaux dans la prévention de la délinquance.

La commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le contrat de responsabilité parentale permet de proposer des mesures d’aide et d’action sociales aux familles rencontrant des difficultés éducatives afin de les aider à remédier à cette situation.

Jusqu’à présent, les parents ne pouvaient pas signer eux-mêmes un tel contrat si les travailleurs sociaux ne le leur avaient pas proposé.

En outre, la signature par les parents de ce contrat, lorsque leur enfant mineur de treize ans a commis une infraction, permettra d’engager les mesures d’aide et d’éducation proposées par les services sociaux.

Ce mécanisme va dans le bon sens et il n’y a aucune raison de le supprimer. Au contraire, il convient plutôt d’encourager toutes les mesures pouvant aider les familles à faire face aux difficultés des mineurs.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.

M. Louis Nègre. On parlait tout à l’heure de rhétorique ; eh bien nous y sommes ! Plutôt que de faire des phrases et des discours, je préfère poser la question suivante : parmi ceux de nos collègues qui s’y opposent, en invoquant de grands principes, qui a déjà lu un contrat de responsabilité parentale ? Qui sait ce qu’est une école des parents ?

M. Louis Nègre. Parfait, ma chère collègue ! Alors nous pourrons en discuter !

Je m’inscris tout à fait dans cette démarche de responsabilité. Dans notre société, il existe des droits et des devoirs.

Pour notre part, nous pensons non seulement qu’il est bon de rappeler l’existence de ces devoirs – nous assumons parfaitement cette position –, mais encore que chacun doit disposer des outils pour s’en acquitter.

Le contrat de responsabilité parentale, comme l’ont très bien expliqué Mme la ministre et M. le rapporteur, est un moyen pour aider les familles, et non une mesure de « stigmatisation », pour reprendre un terme que vous employez à tout bout de champ, mes chers collègues de l’opposition.

Un contrat, par définition, réunit deux cocontractants ; en l’espèce, le contrat de responsabilité parentale réunit, d’un côté, la puissance publique, à savoir le conseil général, de l’autre, une famille et un mineur. L’objectif de ce contrat est d’aider cette famille à surmonter les difficultés qu’elle rencontre avec son enfant afin d’éviter toute dérive ultérieure de ce dernier. C’est une démarche saine, responsable, raisonnable, de bon sens.

La semaine prochaine, le Sénat examinera la proposition de loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, et l’occasion me sera alors offerte d’évoquer l’expérience des Alpes-Maritimes en la matière. Pour avoir vu dans ce département, concrètement sur le terrain et non pas théoriquement et virtuellement, ce qu’est un contrat de responsabilité parentale, ce qu’est une école des parents, permettez-moi de citer l’exemple de deux parents de ma commune, qui ont été invités à suivre des cours de l’école des parents. À l’instar des autres parents qui en ont bénéficié, ils ont remercié le conseil général d’avoir pris cette initiative, conscients qu’elle était destinée avant tout à les aider.

Contrairement à ce que vous dites, nous sommes conduits, compte tenu de ce dont nous sommes témoins jour après jour, à réagir, à proposer des mesures et à mettre en place des outils proportionnés et équilibrés afin d’aider les parents en difficulté. Et vous souhaiteriez vous opposer à cela ? Je préfère être à ma place plutôt qu’à la vôtre ! (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je veux souligner trois éléments.

Tout d’abord, je doute de l’efficacité des contrats de responsabilité parentale. En effet, ceux que j’ai eu l’occasion d’étudier étaient parfois tellement flous et illisibles qu’ils en devenaient incompréhensibles pour les parents.

Ensuite, j’ai bien insisté dans mon argumentaire sur le risque inhérent à la création d’un nouveau contrat issu d’une autorité administrative, face au contrat existant formulé par l’autorité judiciaire : loin d’être complémentaires, ces deux contrats seront en contradiction. Or je considère que les contradictions ne sont jamais positives.

Enfin, je rappelle que la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen comprend certes des droits, mais également des devoirs.

M. Louis Nègre. Merci de l’avoir rappelé !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 161 et 249.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 250, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. L’alinéa 2 de l’article 24 ter prévoit que le président du conseil général pourra proposer des contrats de responsabilité parentale aux familles dont l’enfant mineur n’a pas respecté le couvre-feu édicté par l’autorité préfectorale.

Deux raisons principales motivent notre demande de suppression de cet alinéa. D’une part, nous sommes contre le principe même du couvre-feu. Notre amendement est donc cohérent. D’autre part, il apparaît que le président du conseil général a d’ores et déjà la possibilité de conclure un tel contrat, comme le dispose l’article L.222-4-1 du code de l’action sociale et des familles. Il est donc inutile d’ajouter cette disposition, déjà prévue par la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à la suppression de l’alinéa 2 de l’article 24 ter qui ouvre au président du conseil général la possibilité de proposer un contrat de responsabilité parentale dans les cas où le mineur a fait l’objet d’une prise en charge au titre de l’article 24 bis du présent projet de loi, pour s’être trouvé sur la voie publique entre vingt-trois heures et six heures du matin, en contravention avec une mesure préfectorale de couvre-feu.

Selon les auteurs de cet amendement, une telle disposition serait inutile, puisque le code de l’action sociale et des familles permet déjà au président du conseil général de proposer de sa propre initiative un contrat de responsabilité parentale et de prendre toute autre mesure d’aide sociale à l’enfance adaptée à la situation, notamment s’il constate une difficulté liée à une carence de l’autorité parentale.

Ainsi, l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles mentionne deux situations spécifiques permettant la proposition d’un contrat de responsabilité parentale : l’absentéisme scolaire et le trouble porté au fonctionnement de l’établissement scolaire.

L’ajout d’une troisième circonstance, en l’occurrence le non-respect d’une mesure de couvre-feu, est donc parfaitement légitime.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24 ter.

(L'article 24 ter est adopté.)

Article 24 ter
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Articles additionnels après l'article 24 quater

Article 24 quater 

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 311-4 est ainsi modifié :

a) Le 5° est abrogé ;

b) Au 6°, les mots : « , en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade » sont supprimés ;

2° L’article 311-5 est ainsi rédigé :

« Art. 311-5. – Le vol est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende :

« 1° Lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de violence sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus ;

« 2° Lorsqu’il est facilité par l’état d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

« 3° Lorsqu’il est commis dans un local d’habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade.

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le vol est commis dans deux des circonstances prévues par le présent article ou lorsque le vol prévu au présent article est également commis dans l’une des circonstances prévues par l’article 311-4. » ;

3° Au 5° de l’article 311-14, la référence : « 311-6 » est remplacée par la référence : « 311-5 ».

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 52 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 162 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 252 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 371 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 52.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 24 quater tend à aggraver les peines encourues en cas de vol commis à l’encontre d’une personne vulnérable.

M. le ministre de l’intérieur s’était félicité, lors de son audition au Sénat le 6 avril 2010, de la baisse des atteintes aux biens, en particulier de la diminution des cambriolages de 28 %.

Dès lors, pourquoi aggraver la répression de faits qui semblent déjà correctement appréhendés par le code pénal ?

L’affichage médiatique et la volonté du Gouvernement de surfer sur des faits divers ont conduit ce dernier à proposer cette disposition, alors même que les faits visés par cet article sont déjà sanctionnés par le code pénal. Ainsi, la vulnérabilité de la victime constitue d’ores et déjà une circonstance aggravante du vol qui conduit à une peine de cinq ans d’emprisonnement, la peine étant portée à sept ans lorsqu’une circonstance aggravante supplémentaire est retenue.

Le projet de loi prévoit de porter la peine encourue à dix ans dans ce cas précis. Cette surenchère sécuritaire n’est pas saine ! Elle n’aura aucun effet dissuasif, et vous le savez ! Mais cela vous importe peu en réalité. Seuls vous préoccupent l’affichage médiatique constant et les promesses tonitruantes faites devant les caméras ou à destination d’un certain électorat !

Nous refusons cette logique d’escalade, qui dénature complètement l’échelle des peines !

S’il est de toute évidence nécessaire de protéger les personnes vulnérables contre les vols et les cambriolages, nous refusons l’instrumentalisation médiatique et électoraliste qui est faite du code pénal !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 162.

Mme Éliane Assassi. Cet article constitue un véritable cas d’école en matière d’affichage politique. En effet, comme l’ont affirmé un certain nombre de juristes et de professionnels du droit, le code pénal contient déjà toutes les dispositions nécessaires à la répression des faits de vols commis, notamment à l’encontre de personnes vulnérables.

L’article 311-4 du code pénal établit ainsi que le vol est aggravé « lorsqu'il est facilité par l'état d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ».

J’illustrerai mon propos par la tragédie qui a suscité le toilettage de dispositions déjà présentes dans le code pénal. L’auteur du double meurtre encourait, du fait de la particulière vulnérabilité de ses deux victimes, vulnérabilité qu’il ne pouvait ignorer puisqu’elles étaient septuagénaires, la réclusion criminelle à perpétuité, le meurtre simple étant puni de trente ans de réclusion criminelle. Dès lors, comment comptez-vous, madame la ministre, aggraver la peine de réclusion criminelle à perpétuité ?

L’augmentation tous azimuts des peines, à laquelle chaque texte de loi de ce gouvernement participe, est selon nous inutile, démagogique et dénuée de toute efficacité dissuasive. On le voit bien, ces durcissements n’ont aucun impact sur la délinquance et la criminalité. En revanche, ils contribuent à faire grossir sans cesse la population carcérale et à détériorer toujours un peu plus les conditions de vie dans les prisons.

Nous demandons donc la suppression de cette mesure grotesque. Nous ne nous laisserons pas berner par la grosse ficelle de la communication gouvernementale !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 252.

M. Alain Anziani. Voilà un nouvel exemple de ce que l’on appelle la législation d’émotion. Un fait divers tragique intervient dans l’Oise, et nous modifions le code pénal afin d’aggraver des peines déjà existantes.

Cela illustre aussi l’inefficacité de la politique gouvernementale en matière de lutte contre l’insécurité. Les coups et blessures volontaires contre les personnes âgées qui nécessitent une protection particulière ont augmenté de plus de 40 % depuis 2002. Les textes s’accumulent et s’empilent, mais les actes de délinquance à l’égard de ces personnes ne font qu’augmenter ! C’est donc un constat d’échec qu’il faut tirer.

Cette disposition est inefficace et inutile, puisqu’il existe déjà, dans le code pénal, un article 311-4, qui retient cette circonstance aggravante d’un vol commis à l’encontre de personnes vulnérables et qui le punit déjà de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Votre législation d’émotion est avant tout une législation qui a pour but de protéger davantage non pas les victimes, ce qui doit être notre souci commun, mais votre fonds électoral !

Mme la présidente. L'amendement n° 371 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 24 quater, inséré dans le projet de loi sur l’initiative du Gouvernement, vise à donner un signal fort en direction des délinquants qui choisissent de s’en prendre aux personnes vulnérables, en aggravant les peines encourues en cas de vol ou de cambriolage.

La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 52, 162, 252.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Nous avons le devoir de protéger les personnes âgées, fragiles et vulnérables, qui sont malheureusement victimes d’individus abusant lâchement de leur faiblesse. La peine sanctionnant ces faits doit donc être dissuasive.

Il convient de réprimer plus durement les cambriolages, quel que soit leur mode opératoire. Ils constituent dans la vie privée des personnes des intrusions inadmissibles, souvent accompagnées de violences gratuites, notamment à l’encontre des personnes âgées.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est opposé à la suppression de cet article et émet un avis défavorable sur les amendements nos 52, 162, 252

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je constate que vous ne répondez pas à la question. Nous souhaitons tout autant que vous protéger les personnes âgées ou vulnérables ! Bien entendu, il faut le faire ! Mais vous ne nous expliquez pas pourquoi, alors que le code pénal prévoit déjà une telle peine, vous en ajoutez une seconde. Pourquoi un nouveau texte viendrait-il chasser celui qui existe ?

Mme Éliane Assassi. C’est la même chose pour l’ensemble du projet de loi !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ces dispositions existent déjà !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52, 162 et 252.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24 quater.

(L'article 24 quater est adopté.)

Article 24 quater
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Article 24 quinquies A

Articles additionnels après l'article 24 quater

Mme la présidente. L'amendement n° 62 rectifié ter, présenté par M. Demuynck, Mmes Procaccia et Mélot, MM. Dallier, Dassault, Beaumont et Lorrain, Mmes Beaufils et Henneron, MM. Leleux et Bécot, Mmes Debré et B. Dupont et MM. Bailly, Pierre, Milon, B. Fournier, Houel, Trucy, Etienne, Cointat et Guerry, est ainsi libellé :

Après l'article 24 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 8 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés aux articles 223-15-2, 311-3, 311-4, 313-1, 313-2, 314-1, 314-2, 314-3, 314-6, 321-1 du code pénal, commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse, court à compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. »

La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Cet amendement concerne les préjudices causés aux personnes particulièrement vulnérables. Le droit positif prévoit que les délits se prescrivent au terme de trois années après leur commission. D’une manière générale, ce délai est largement suffisant. Cependant, les personnes vulnérables ne s’aperçoivent parfois pas immédiatement qu’elles ont été abusées ou escroquées. L’objet de cet amendement est de commencer à faire courir le délai de prescription à compter de la découverte des faits.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En matière de délits, la prescription de l’action publique est de trois ans révolus. La seule exception à ce principe concerne certains délits particulièrement graves commis contre des mineurs, notamment les violences graves, les agressions sexuelles, la prostitution, pour lesquelles le délai de prescription a été porté à dix ou vingt ans selon le délit. En outre, le délai ne commence à courir qu’à compter de la majorité de la victime.

Toutefois, s’agissant des infractions occultes ou dissimulées, la Cour de cassation considère que le délai de prescription ne court qu’à partir du jour où l’infraction est révélée.

Le présent amendement tend à consacrer cette jurisprudence pour les seuls délits d’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse, de vol, d’escroquerie, d’abus de confiance, de recel, mais également de détournement de gage commis contre une personne vulnérable.

En juin 2007, le rapport d’information de la commission des lois sur les régimes de prescription avait recommandé de veiller à la cohérence du droit de la prescription, en évitant les réformes partielles, et s’était prononcé contre la création de nouveaux régimes dérogatoires. Le rapport avait, en revanche, préconisé de consacrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation sur les infractions occultes ou dissimulées.

La commission est donc favorable à l’amendement n° 62 rectifié ter qui explicite dans la loi cette position de la Cour de cassation s’agissant de certaines infractions commises contre des personnes vulnérables.

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de créer des interprétations a contrario. La jurisprudence de la Cour de cassation continuera à s’appliquer à l’ensemble des infractions, quelle que soit la qualité de la victime.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. L’amendement n° 62 rectifié ter visant à mieux protéger les personnes vulnérables, le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je remercie notre collègue d’avoir rectifié son amendement initial, qui portait à dix ans le délai de prescription.

En effet, je crois qu’il est sage de ne pas modifier cette hiérarchie qui fixe un délai de prescription de trois ans pour les délits et de dix ans pour les crimes. Sans toucher à l’ensemble des délais de prescription, il me paraît important de faire apparaître dans la loi la jurisprudence permanente de la chambre criminelle de la Cour de cassation pour ces cas particuliers.

Le rapport d’information du Sénat relatif aux prescriptions avait conclu, après de nombreuses auditions et grâce à notre expertise, qu’un bouleversement du régime des prescriptions n’était pas opportun. Certes, le délai de prescription en matière civile a été fortement réduit. Mais les équilibres en matière pénale semblent aujourd’hui satisfaisants.

Au final, il n’est pas inutile de donner une valeur légale à la jurisprudence de la Cour de cassation, tout en conservant intact le régime des prescriptions pour toutes les autres infractions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 24 quater.

L'amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Legendre, Lefèvre, Demuynck, Dassault, Vestri et Nègre, Mme Papon, M. Mayet, Mme Mélot, MM. Leleux et Martin, Mme Lamure, MM. du Luart, de Legge et Pointereau, Mme Troendle et MM. Bailly, J. Gautier et Laménie, est ainsi libellé :

Après l'article 24 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

À l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « le huitième alinéa » sont remplacés par les mots : « les sixième et huitième alinéas ».

La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Cet amendement vise à lutter contre les réseaux terroristes qui emploient aujourd'hui les moyens de communication électronique, leurs principaux vecteurs de propagande, car ils permettent la diffusion massive, répétée et instantanée de leurs messages.

La politique de ces organisations terroristes est de multiplier la médiatisation de leurs actions en incitant les internautes à s’engager dans ce domaine. Cette stratégie permet d'entretenir l'illusion d'une omniprésence planétaire dans l'espoir de faciliter le recrutement ou le passage à l'acte.

Actuellement, l'article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifié en 2004, incrimine ceux qui, par tous moyens de communication au public par voie électronique, « auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie ».

Ces infractions, punies d’une peine de cinq ans d'emprisonnement, se prescrivent après un délai de trois mois à compter de la publication.

Ce délai de prescription de l'action publique nous apparaît incompatible avec la lourdeur des investigations à conduire. En effet, l'administration d'un site Internet voué à la provocation et à l'apologie du terrorisme constitue une activité qui se prolonge dans le temps et qui marque la persistance d'une intention délictueuse.

C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à aligner sur le délai prévu pour les infractions les plus graves, soit un an, le délai de prescription pour le délit de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse se prescrivent pour un délai de trois mois, à l’exception de l’incitation à la haine raciale, du négationnisme, de la diffamation et de l’injure raciale, pour lesquels le délai de prescription est porté à un an.

Le présent amendement vise à étendre ce régime dérogatoire à l’apologie du terrorisme ou à l’incitation au terrorisme.

D’une manière générale, la commission considère qu’il n’est pas opportun de multiplier les régimes dérogatoires en matière de prescription, s’agissant en particulier des infractions de presse.

Il convient en outre de rappeler que notre législation comporte déjà de nombreuses dispositions destinées à prévenir les actes de terrorisme. En ce qui concerne plus particulièrement Internet, la loi du 23 janvier 2006 a créé une procédure de réquisition administrative des données de connexion auprès des opérateurs, sous le contrôle d’une autorité indépendante, afin de permettre aux services spécialisés de prévenir de tels actes plus efficacement et plus rapidement.

La commission souhaite donc le retrait de l’amendement n° 90 rectifié bis. À défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Les auteurs de messages faisant l’apologie du terrorisme diffusés sur Internet doivent absolument être poursuivis et sanctionnés. Or il faut parfois un temps plus long pour découvrir les messages qui sont diffusés sur Internet. Aussi le délai de prescription de trois mois prévu par la loi de 1881 n’est-il aujourd'hui plus adapté. Cet amendement vise simplement à remédier à cette difficulté.

Il est justifié de porter à un an délai de prescription pour faits d’apologie du terrorisme, comme c’est le cas pour les propos racistes et révisionnistes.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons déjà abordé cette question lors de la discussion de la proposition de loi de M. Cléach, qui n’a d’ailleurs pas été examinée par l’Assemblée nationale.

Madame la ministre, je vous le dis, il serait excessivement dangereux de toucher à la loi de 1881.

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si un message paru sur Internet n’a pas été repéré dans un délai de trois mois, cela signifie qu’il n’intéresse personne et qu’il n’a de ce fait pas de portée.

Les services de police spécialisés traquent de manière active toutes les incitations au terrorisme paraissant sur Internet. Si l’on veut être efficace, mieux vaut ne pas attendre trois mois pour intervenir !

La loi de 1881 prévoit des délais de prescription brefs. Toutes les dérogations qui ont été apportées à cette loi ont fait l’objet de longs débats. Pour ma part, je considère qu’il ne serait pas raisonnable de saisir l’occasion du présent projet de loi pour la modifier.

Le Parlement pourrait fort bien décider de réexaminer un jour l’ensemble des prescriptions prévues en matière de presse. Mais, il faut le savoir, chaque fois que nous modifions les délais de prescription dans ce domaine, nous altérons quelque peu l’équilibre de la loi de 1881.

Madame la ministre, permettez-moi de revenir sur la philosophie qui a inspiré cette loi. Si les délais de prescription sont brefs, c’est pour éviter que les organes de presse ne soient poursuivis en permanence. Allonger les délais, et il y a toutes sortes de bonnes raisons pour le faire, conduirait à modifier l’équilibre de la loi.

Ce qui doit retenir notre attention est moins la gravité du message que l’audience qu’il reçoit. Je le répète, si un message n’a pas été détecté dans un délai trois mois, c’est qu’il ne pose pas un problème aussi important qu’on veut bien le dire !