M. Éric Woerth, ministre. Mais pour notre part, nous considérons qu’il s’agit d’une question extrêmement importante, dont il convient de discuter. Dans un article de portée générale, on aurait pu la renvoyer à un décret, mais nous souhaitions avoir ce débat devant la représentation nationale !

M. Éric Woerth, ministre. Enfin, monsieur Raoult, votre intervention a été tout à fait excessive ! Comment pouvez-vous affirmer que nous remettons en cause la politique familiale ? Qu’est-ce qui vous permet d’avancer une telle chose ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui vous permettez de le faire !

M. Jean-Louis Carrère. Vous irez à Rome voir le pape !

M. Éric Woerth, ministre. Tant que vous y êtes, pourquoi ne pas affirmer aussi que nous supprimons l’assurance maladie ? Il est facile de dire tout et n’importe quoi ! En réalité, la politique familiale n’a jamais été aussi active en France et cela se voit, car notre pays est l’un de ceux où la natalité est la plus forte ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est indécent !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1182 du Gouvernement.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 14 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 208
Majorité absolue des suffrages exprimés 105
Pour l’adoption 184
Contre 24

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

En conséquence de l’adoption des amendements nos 1181 et 1182, les amendements nos 838, 775, 121, 837, 891, 35, 36, 122, 243 rectifié bis, 549 rectifié bis, 246 rectifié, 287, 566 rectifié et 569 rectifié n’ont plus d’objet.

Mme Annie David. Tous nos amendements !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mais non, pas tous !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote sur l'amendement n° 695.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement prévoit l’exclusion des salariés de l’industrie alimentaire du champ d’application des mesures de l’article 6.

Pour expliquer notre vote, je prendrai l’exemple précis d’une entreprise de taille moyenne qui, en fait, appartient à un groupe à vocation internationale.

La société Fralib, qui est implantée dans les Bouches-du-Rhône et dont la spécialité est de fabriquer des sachets de thé et d’infusion, fait partie du groupe Unilever.

Cet ensemble étonnant possède un grand nombre de marques alimentaires – par exemple les marques de glaces Frigécrème et Miko, rachetées à prix d’or aux héritières Ortiz, qui se contentent de toucher les royalties –, de lessive et de produits de nettoyage. Avec Unilever, on peut donc tacher ses vêtements, mais aussi les nettoyer, signe d’une intégration verticale très au point !

Fralib, pour sa part, produit les infusions Éléphant et les thés Lipton. Le syndicat CGT précisait, dans un communiqué récent, ce que signifient les gains de productivité dans cette entreprise en lutte :

« En France, en ce qui concerne les effectifs, en 1989 ils étaient répartis sur deux sites de production, un au Havre et un à Marseille, donc les coûts – comme ils disent – liés aux infrastructures étaient multipliés par deux. Nous étions, au total, 286 salariés sur deux sites. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un site, celui de Gémenos, et nous sommes 185 salariés. Unilever fait donc l’économie de coûts structurels d’un site et nous sommes 101 salariés de moins. »

Les syndicalistes poursuivent en ces termes, évoquant les salaires :

« Pour ne prendre qu’un exemple, si les salaires avaient suivi la progression du SMIC, le coefficient 170 serait aujourd’hui à 2 142 euros, soit 600 euros de plus que le salaire actuel ! Un coefficient moyen de 200 était, en 1989, à 1 240 euros ; il se situait à 68 % au-dessus du SMIC. Il est aujourd’hui à 1 708 euros et n’est plus qu’à 16 % au-dessus du SMIC.

« Bien évidemment, il s’agit de salaires bruts. Il faut donc rajouter à cela que, sur cette même période, nos cotisations sociales ont augmenté de 6 % et que, aujourd’hui, nos patrons ont des exonérations de cotisations sur les salaires jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Le salaire du PDG d’Unilever Monde était mensuellement de 393 500 euros, soit 273 fois le SMIC. »

Ils terminent leur analyse en soulignant les gains de productivité et l’intensification des cadences :

« En 1989, l’ensemble des productions des deux sites était de 1,58 milliard de sachets de thé par an. Aujourd’hui, nous sommes à 1,53 milliard, soit pratiquement le même niveau de production, mais avec un seul site et 100 salariés de moins. »

En vingt ans, la productivité par salarié a donc augmenté de 50 %. Dans le même temps, le salarié rémunéré selon le coefficient 170, qui touchait autrefois 46 % de plus que le SMIC, ne perçoit plus aujourd’hui que 3,5 % de plus que le salaire minimum. Si les gains de productivité avaient été affectés aux salaires, ceux-ci auraient augmenté dans les mêmes proportions.

Les patrons et l’État ont aussi d’autres cordes à leur arc. Développer la précarité – par le recours à des contrats à durée déterminée, à l’intérim –, la flexibilité des horaires et leur annualisation a permis d’une part d’obtenir la suppression des pauses et la polyvalence sur les postes, d’autre part d’augmenter la productivité en allongeant le temps d’utilisation des machines.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en rajouter concernant la réalité actuelle du monde du travail, particulièrement dans cette profession.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 695.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 699.

Mme Annie David. Deux ans, ce n’est sûrement rien pour vous, monsieur le ministre ; pour d’autres, cela représente au contraire beaucoup.

Il en est ainsi pour les salariés des industries de fabrication de la chaux, dont les difficiles conditions de travail suffisent, à elles seules, à justifier le maintien de l’âge légal de 60 ans pour l’ouverture du droit à la retraite et celui de l’âge de 65 ans pour la suppression de la décote. J’ajoute que les salaires ne suivent pas toujours…

De surcroît, ces salariés ont connu des vagues de licenciements en 2009. En effet, les deux plus grands producteurs mondiaux de chaux, Lhoist et Carmeuse, qui possèdent des sites de production en France, ont congédié plusieurs centaines de salariés, invoquant la crise touchant le domaine de la sidérurgie. Leur production aurait ainsi chuté, respectivement, de 15 % à 20 % et de 30 % à 50 %.

S’il est vrai que les entreprises de la sidérurgie sont de grandes consommatrices de chaux dans leurs processus de fabrication d’acier, la chaux est également utilisée dans de nombreux autres secteurs : dans l’agriculture, pour amender les sols acides, dans les travaux publics, pour réaliser des routes ou des chemins, en médecine ou encore en plongée sous-marine, pour ses propriétés d’absorption du dioxyde de carbone, très utiles pour les appareils respiratoires en circuit fermé, dans la décoration d’intérieur, pour assainir l’atmosphère, réduire l’humidité et éviter ainsi la condensation de l’eau, son velouté sans égal rendant en outre la chaux très esthétique !

À côté de ces utilisations classiques sont apparus, ces dernières années, de nouveaux marchés relatifs à l’environnement, notamment tout ce qui concerne le traitement des fumées – la chaux neutralise les fumées chargées en acide ou en chlore – ou celui des eaux usées, par la floculation des boues.

Les possibilités pour compenser la crise de la sidérurgie ne manquent donc pas. En outre, Lhoist et Carmeuse avaient transféré de nombreux postes à des tiers. Ils ont pourtant refusé de les confier à nouveau à leurs salariés, faisant purement et simplement le choix de les licencier, en dépit de la demande appuyée des syndicats.

Ces entreprises ont ainsi, comme tant d’autres, porté un coup à notre système de retraite par répartition. Et que faites-vous, monsieur le ministre ? Vous demandez à ces salariés, dont certains se trouvent en situation d’inactivité forcée, de faire encore des efforts !

Certes, il est trop tard pour réparer, les conséquences d’un licenciement sur la vie familiale et sociale étant dévastatrices, mais il serait normal d’exiger de ces entreprises, dont le comportement égoïste, irresponsable et injuste n’a plus à être démontré, qu’elles participent effectivement à l’effort de financement des retraites ou, du moins, qu’elles ne pénalisent pas leurs salariés.

D’ailleurs, la convention collective de la profession, dominée notamment par les grands groupes cimentiers, vient juste de mettre en place une commission mixte nationale destinée à traiter les questions relatives à la formation professionnelle et à l’évolution des emplois. Elle ne prévoit pas, faut-il le dire, de mesures spécifiques relatives à l’âge de départ à la retraite, quand bien même une bonne partie des salariés de la profession ont connu des carrières longues et ont probablement fait jouer le dispositif prévu par la loi de 2003.

Pour autant, malgré l’absence d’analyse de la situation spécifique des salariés de ce secteur en matière d’espérance de vie, il est évident que le recul de l’âge légal de la retraite à 62 ans aura notamment pour conséquence de réduire sensiblement la durée de perception des pensions par les retraités de la branche. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Je voterai, bien entendu, contre cet amendement, ainsi que contre tous ceux qui vont suivre.

Je comprends que certains puissent souhaiter ralentir le déroulement de notre débat, mais une telle liste à la Prévert, allant des industries alimentaires à la fabrication de la chaux, en passant par les industries de la maroquinerie, les professionnels du voyage ou les transformateurs de volailles, entre autres, ne donne pas, à mon sens, une bonne image de notre assemblée. D’ailleurs, les travées se sont vidées, ce qui prouve que je ne suis pas le seul à le penser ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 699.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 700.

M. Jean-Claude Danglot. Vous n’avez rien contre la maroquinerie, j’espère…

M. Christian Cointat. En tout cas, nous n’avons rien contre les maroquins ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Danglot. S’il doit être garanti dès 60 ans et à taux plein, le droit à la retraite doit également prendre en compte certaines spécificités. Ainsi, certains secteurs d’activité sont nettement plus pénibles que d’autres, et il doit être permis à leurs salariés de partir plus tôt à la retraite, afin qu’ils puissent jouir des quelques années de vie à peu près en bonne santé qu’il leur reste.

En effet, les salariés de la maroquinerie, secteur où les femmes sont particulièrement nombreuses, connaissent des conditions de travail difficiles. Or les femmes, monsieur le ministre, sont les grandes oubliées de votre projet de loi. Elles subissent de profondes inégalités en termes de montant des pensions, du fait de carrières professionnelles en dents de scie, notamment en raison des maternités ou du travail à temps partiel. Les retraites perçues par les femmes sont de 40 % en moyenne inférieures à celles des hommes.

Soumises durant leur vie professionnelle aux cadences effrénées, au bruit, au contact avec des colles et des solvants, à la manipulation difficile de certaines matières, demandant une force physique importante, à la répétition inlassable des mêmes gestes, les ouvrières de la maroquinerie devront soit partir plus tard à la retraite, avec une pension majorée de quelques euros, soit partir dès l’ouverture de leurs droits, avec une pension ne leur permettant pas de vivre dignement leurs dernières années.

Il est vraiment fait peu de cas des salariés qui travaillent dans des conditions difficiles ! Monsieur le ministre, je vous invite à vous rendre dans les ateliers de maroquinerie, pour échanger avec ces ouvrières. Si vous écoutiez le pays, si vous vous déplaciez pour connaître la réalité des conditions de travail des Françaises et des Français, vous n’auriez pas présenté un projet de loi aussi injuste et purement idéologique.

Nous le savons tous, la réforme du système de retraite repose sur son financement. Il s’agit d’une question comptable. Sur ce point, des choix radicalement différents s’opposent : soit on fait payer les salariés, qui, même usés par le travail, devront travailler plus longtemps ou partir à la retraite avec une pension ridicule, soit on fait participer le capital, par exemple en taxant les stock-options ou en supprimant les exonérations de charges.

Or, vous refusez de toucher au capital. Il ne faudrait surtout pas porter atteinte aux privilèges des amis du Fouquet’s ! (Protestations sur les travées de lUMP.) Les salariés qui conçoivent les sacs à main et les valises des dames qui dînent au Fouquet’s ne semblent pas dignes d’intérêt aux yeux du Gouvernement !

Et pourtant, de nombreux salariés savent qu’ils ne pourront pas continuer à travailler jusqu’à 67 ans ou même moins, pour une retraite de misère ! Cela vous indiffère : la réforme doit passer à tout prix ; des gages ont été donnés aux marchés financiers et au grand patronat, il ne faudrait surtout pas leur déplaire !

Je prendrai l’exemple des ex-salariés de l’usine Samsonite de mon département. Ces ouvrières, qui ont été virées par leur patron à la suite d’une magouille sanctionnée par la justice, avaient passé de quinze à vingt ans à manipuler les valises et les bagages. Elles sont aujourd’hui usées, dès l’âge de 40 ans. Le reclassement est difficile dans la conjoncture actuelle, mais on leur propose de surcroît des emplois précaires de femme de ménage ou d’aide à domicile, où elles sont supposées soulever des personnes âgées, malgré leur handicap : une nouvelle galère…

Pour ces femmes, votre projet de loi est un drame, d’autant que leur handicap n’est pas reconnu et qu’il le sera encore moins dans dix ou vingt ans. N’en déplaise donc à notre collègue du groupe UMP, qui en a assez d’entendre parler de la souffrance au travail,…

M. Robert del Picchia. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Claude Danglot. … je me fais ici leur porte-parole. Chacun son rôle ! Je suis élu pour représenter non pas celles et ceux qui ont une vie dorée, mais les milieux populaires, en particulier ceux de mon département. Je ne suis pas membre de l’Union pour une minorité de profiteurs !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 700.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 702.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 703.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 704.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote sur l’amendement n° 705.

Mme Marie-Agnès Labarre. La pénibilité du métier de jardinier ou de jardinier-gardien est évidente. Ces professionnels commencent généralement leur carrière de bonne heure. Celle-ci est souvent hachée, en raison de la difficulté de trouver un emploi stable. Les jardiniers et les jardiniers-gardiens seront donc particulièrement pénalisés par le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Ils sont déjà, en général, obligés de travailler plus longtemps pour cotiser pleinement et s’assurer une pension de retraite qui leur permette à peine de finir leurs jours dans la dignité.

Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’arrivés à un certain âge ils n’ont plus la force ni l’endurance physique de continuer à assurer leurs tâches. En effet, se tenant en position debout la plupart du temps, multipliant les déplacements et les allers-retours, répétant sans cesse des gestes mécaniques, ils se fatiguent de plus en plus vite. À un âge où il est difficile de repartir de zéro pour se former à un autre métier moins pénible, ils se voient contraints de continuer, au détriment de leur santé, d’autant que vous refusez toujours de prendre en compte, dans le calcul des droits à la retraite, les périodes d’études, de formation et de stages.

Je voudrais profiter de cette occasion, monsieur le ministre, pour vous faire passer un message.

En défense de l’article 6 de ce projet de loi, vous avez, une nouvelle fois, dénoncé tout transfert de dettes aux générations futures, osant dire que si cet article n’était pas adopté, les jeunes en pâtiraient lourdement. Curieux argument, de la part d’un membre d’un gouvernement qui a précisément fait le choix de supprimer l’avantage fiscal destiné aux jeunes mariés !

L’argument du transfert de charges à la jeunesse ne prend plus ! Avec le siphonage du Fonds de réserve pour les retraites, d’ailleurs dénoncé par les députés du groupe UMP, vous repoussez à demain le traitement de la question de la dette sociale. Les jeunes qui se mobilisent de plus en plus contre votre réforme l’ont bien compris. Tout le monde le sait, en 2018, il manquera plusieurs milliards d’euros, du fait, en grande partie, de la crise. Ce sont les jeunes qui devront combler ce trou, creusé par un système où la finance l’emporte toujours sur l’humain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 705.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 706.

Mme Annie David. Mon intervention vaudra également explication de vote sur l’amendement n° 707.

Si nous avons décliné l’ensemble de ces amendements, monsieur Gautier, ce n’est pas pour faire traîner les débats, mais parce que la réforme que vous approuvez met à mal un acquis social fort : la retraite à 60 ans et l’accès à une pension sans décote à 65 ans.

C’était un acquis du monde du travail, issu de luttes importantes de femmes et d’hommes qui, arrivés à l’âge de 60 ans, souhaitaient pouvoir partir à la retraite en étant encore en bonne santé. Ils souhaitaient, après avoir donné un long temps de leur vie au travail, profiter pendant quelques années d’une retraite qui leur permettraient de s’occuper de leurs petits-enfants, de s’investir auprès d’associations ou dans une autre activité.

Si nous avons décidé, à l’article 6, de décliner à nouveau l’ensemble de ces conventions, c’est pour relayer ici la voix de ces femmes et de ces hommes qui vous font savoir dans la rue, et ils le feront encore demain de manière très importante, qu’ils ne sont pas d’accord avec votre réforme injuste. Oui, votre réforme est injuste, car vous leur demandez de contribuer, à hauteur de 85 %, au financement d’un déficit qui n’est pas de leur fait, qui résulte de votre politique libérale d’exonération de cotisations patronales.

Ces femmes et ces hommes, vous ne les entendez pas. C’est pourquoi notre groupe a décidé de porter dans cette enceinte ces millions de voix qui vous disent : monsieur le ministre, vous ne pouvez pas, d’un revers de main, rayer un droit fondamental auquel nous sommes attachés.

C’est d’autant plus inacceptable que la retraite à 60 ans ne présente aucun caractère obligatoire. Celles et ceux qui le souhaitent, parce que leur travail le leur permet, parce qu’ils se sentent bien, peuvent aujourd’hui continuer à travailler jusqu’à 67 ans. Demain, cet âge limite sera lui aussi reporté de deux ans, et passera donc à 69 ans.

Vous ne supprimez pas cette possibilité. Celles et ceux qui veulent continuer à travailler au-delà de l’âge légal pourront le faire, tant mieux pour eux. En revanche, monsieur le ministre, il faut entendre les voix de celles et de ceux qui ne peuvent plus travailler au-delà de 60 ans, parce qu’ils sont usés par leur travail. C’est pourquoi nous déclinons dans cette enceinte l’ensemble des conventions professionnelles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 706.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 707.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 708.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 709.

M. Jean-Claude Danglot. Cet amendement de notre groupe appelle un certain nombre d’observations.

La meunerie n’est pas le secteur de l’industrie agroalimentaire qui présente les éléments sociaux les plus défavorables aux salariés.

Ainsi, en 2003, indépendamment de l’adoption de la loi Fillon, le secteur a prolongé jusqu’à son terme l’application du mécanisme dit de « préretraite FNE » et s’est engagé dans une démarche en matière d’emploi des seniors qui ne néglige pas l’utilisation du dispositif des carrières longues.

En ce qui concerne plus précisément l’emploi des seniors, le secteur s’est fixé des objectifs en termes de maintien dans l’emploi accompagnés d’actions d’adaptation des postes de travail. Cela passe notamment par une reconnaissance des acquis de l’expérience et par la mise en place d’actions de tutorat et de transmission des savoirs techniques ouvriers.

Il ne faut évidemment pas idéaliser. La négociation collective peut se révéler âpre dans un secteur où le bilan des lois sur l’aménagement du temps de travail est mitigé par le développement du travail de nuit des hommes comme des femmes et par une annualisation des horaires qui a élargi l’amplitude des semaines de travail de nombreux salariés, même si elle a permis de donner un statut plus solide aux salariés saisonniers et intermittents présents dans le secteur.

Toujours est-il que, là encore, le recours aux horaires décalés, dans des conditions de travail qui ne sont pas nécessairement très favorables au maintien de la bonne santé physique des salariés, nous amène tout naturellement à revendiquer une sorte d’exception meunière pour la fixation de l’âge légal de départ à la retraite et pour l’âge légal de départ sans décote.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 709.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l’amendement no 710.

Mme Éliane Assassi. Avant d’aborder mon explication de vote proprement dite, qui portera d’ailleurs sur les amendements nos 710 et 711, permettez-moi de revenir sur l’intervention de Mme Panis, qui nous a reproché de ne jamais parler de celles et de ceux qui aiment leur travail. (M. Jacques Gautier s’exclame.)

Mais si, nous en parlons, monsieur Gautier, mais je n’entrerai pas dans une polémique stérile. Nous illustrons notre argumentation d’exemples qui montrent quelles seront les conséquences de ce projet de loi sur certaines catégories professionnelles, sur des hommes et des femmes qui aiment leur travail mais ne veulent pas pour autant être sacrifiés sur l’autel de la réforme que propose le Gouvernement.

J’en viens à mon explication de vote. La convention collective des ouvriers du bâtiment de la région d’Île-de-France est relativement récente puisqu’elle a été signée au milieu des années quatre-vingt-dix. Elle comporte des clauses spécifiques au regard des pratiques qui sont mises en œuvre dans le reste du pays.

Ainsi, elle règle fondamentalement les questions d’organisation du travail, de rémunération et de relation entre les parties dans les contrats de travail du secteur. La convention collective du bâtiment fixe les conditions dans lesquelles les salariés les plus âgés sont appelés à quitter une entreprise.

Le secteur a bien entendu adhéré au dispositif des carrières longues, qui s’est d’ailleurs révélé moins favorable aux salariés que ces derniers pouvaient l’espérer. La convention sanctionne le licenciement d’un salarié âgé de plus de cinquante-cinq ans en majorant le montant de l’indemnité de licenciement à laquelle il a droit.

Comme la convention nationale, elle reconnaît la pénibilité des activités professionnelles, qui s’appuie sur deux critères principaux.

Le premier est le taux d’accidents du travail de la branche, qui n’a pas d’équivalent dans notre pays. Certes, des efforts ont été accomplis pour les réduire, mais on ne peut néanmoins pas accepter les 130 000 accidents du travail recensés en 2008 sur 1,6 million de salariés. Et l’on peut encore moins accepter le nombre d’accidents du travail mortels, qui a diminué, mais qui s’élève encore, malheureusement, à 158 chaque année. Le quart des accidents reste dû à des chutes sur les chantiers et un dixième des décès est provoqué par ce que l’on appelle « une masse en mouvement » : je vous laisse imaginer l’horreur que cela recouvre.

Le second critère est la progression du nombre de personnes atteintes d’une maladie professionnelle. On recense une véritable explosion des incapacités de travail temporaires et une hausse très préoccupante des maladies professionnelles déclarées, notamment de celles qui sont dues à l’amiante pour les ouvriers plombiers et électriciens, mais aussi des troubles musculosquelettiques qui sont en croissance constante.

Ces données changent l’apparence du portrait social du bâtiment. Si la prévention des accidents de travail a progressé dans ce secteur, si les consignes de sécurité sont mieux respectées, les accidents dangereux semblent plus nombreux. Cela s’explique par le fait que le secteur se développe, depuis plusieurs années, sur les gains de productivité et sur la polyvalence des salariés. Ces derniers doivent de plus en plus souvent effectuer des tâches épuisantes, avec des outils qui, dans bien des cas, ne leur permettent pas de travailler plus vite et mieux.

L’augmentation des cadences de production est au cœur de l’accidentologie de ce secteur et de ces nouvelles manifestations, notamment en termes de maladies professionnelles.

Il convient de garder toutes ces données présentes à l’esprit, car nous parlons d’hommes et de femmes, d’être humains, qui vont devoir demain travailler deux années supplémentaires si nous votons le recul de l’âge de départ de la retraite sans décote.

Je n’ignore pas que, dans ce secteur comme dans d’autres, l’incapacité professionnelle sera prise en compte, mais combien de salariés seront-ils concernés ?

Afin de maintenir le droit social dans les limites de l’humain, notre groupe vous propose cet amendement que nous vous demandons d’adopter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 710.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 711.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 713.

Mme Annie David. Cet amendement me tient à cœur, moi qui suis issue d’une vallée où les papeteries, encore florissantes voilà quelques années, ont toutes mis la clé sous la porte. Des centaines de salariés ont ainsi été jetés à la rue, par des entreprises parfois bien peu scrupuleuses.

Cet amendement appelle plusieurs observations. Je vais un peu m’éloigner des seules considérations professionnelles et faire appel à votre mémoire.

Rappelez-vous, mes chers collègues, les discussions que nous avons eues la semaine dernière. Les arguments avancés par M. Fourcade pour justifier son opposition à l’adoption des amendements de suppression de l’article 5, dans son intervention en séance publique, sont très révélateurs quant aux enjeux du débat. Il déclarait en substance : une hausse de deux ans de l’âge légal suffirait à stabiliser le rapport entre les dépenses de retraites et le PIB dans les deux prochaines décennies ; ce relèvement doit être le point de départ de la réforme. Voilà ce que dit le FMI, dont le directeur général, on le sait, est d’une grande compétence... Je m’appuie sur ce rapport pour voter contre ces amendements.

Ainsi donc, une hausse de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite est le point de départ d’une réforme tendant non pas à garantir le pouvoir d’achat des retraités, mais à stabiliser le rapport entre dépenses de retraites et produit intérieur brut dans les deux prochaines décennies : voilà, vous en conviendrez, une position particulièrement intéressante.

Mes chers collègues, vous usez et abusez de la démographie en passant allégrement de l’espérance de vie à la naissance, seule donnée à peu près valable, à l’espérance de vie générale à tel âge de la vie, en omettant bien d’autres éléments d’analyse de l’espérance de vie. Or, les projections démographiques montrent que le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans, comme celles de plus de 62 ou de 67 ans, devrait s’accroître assez sensiblement. Cela est dû au départ de ceux qui ont eu le bonheur de profiter de la retraite à 60 ans avant 2010, aux progrès de la médecine. Par ailleurs, l’état sanitaire général de la population s’est amélioré, en dépit des attaques dont il fait l’objet au travers des lois de financement de la sécurité sociale successives et des réformes régulières de l’assurance maladie ou des hôpitaux.

Du fait de cette réforme, que votera M. Fourcade, mais aussi sans doute MM. About et Longuet, l’accroissement de la population éligible aux pensions de retraites sera donc contenue à une part stabilisée du PIB. En d’autres termes, on va conserver la taille du gâteau mais, chaque année, on découpera un nombre de parts plus élevé.

En clair, mes chers collègues, vous allez sciemment adopter une réforme qui réduira durablement le pouvoir d’achat des retraités, en contenant le montant des retraites dans les limites de la part qu’elles représentent aujourd’hui dans le PIB. Et cette réforme parviendra d’autant plus à ce résultat que le sous-marin de la réforme Balladur de 1993, agissant sur les modalités de revalorisation des pensions, torpille chaque année un peu plus le pouvoir d’achat des retraités.

Le maintien en l’état de la part relative actuelle des retraites dans le PIB reviendra au bas mot en 2030, alors que les pensions représenteront 380 à 400 milliards d’euros au lieu de 450 à 500 milliards d'euros, à une perte sèche de 20 % du pouvoir d’achat des retraités.

Pour notre part, nous ne souhaitons pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, une telle perspective pour les salariés de ce pays, futurs retraités.

Cette remarque vaut singulièrement pour les salariés de l’industrie papetière. L’espérance de vie de ces derniers est largement mise en question par les produits chimiques, dont use et abuse ce secteur industriel et dont nombre sont utilisés sans aucun respect du principe de précaution. Elle est également mise à mal par leurs conditions de travail : afin de rentabiliser l’outil de production, la coulée de la pâte à papier étant continue, ces salariés accomplissent les 3x8, travaillent sept jours sur sept, au péril de leur santé.