M. le président. Je vous prie de conclure, ma chère collègue !

Mme Claire-Lise Campion. Je termine, monsieur le président.

Au final, lorsque les décrets seront parus, combien d’assurés votre prétendue avancée concernera-t-elle ? Nous ne le savons pas. Ils ne seront sans doute que quelques milliers, malheureusement. L’adoption des sous-amendements présentés ce matin aurait permis qu’ils soient plus nombreux. Dans ces conditions, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Cet amendement du Gouvernement illustre bien tout l’art que celui-ci déploie, depuis le début du débat, pour faire passer une disposition moins mauvaise que les autres pour une avancée progressiste.

Aujourd’hui, les femmes peuvent partir à la retraite à 65 ans sans subir de décote ; demain, elles ne le pourront plus, sauf à remplir de multiples conditions d’âge, de nombre d’enfants, de quantum de trimestres travaillés sans que l’on sache exactement lequel, puisque, tout à l’heure, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que seront éligibles les femmes ayant « un peu » travaillé. Que signifie « un peu » ? C’est mépriser le Parlement que d’employer des qualificatifs aussi vagues, quand il doit légiférer sur une matière aussi importante ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Des millions de femmes qui attendent de partir à la retraite voudraient bien savoir dans quelles conditions elles pourront le faire.

Les conditions d’âge prévues ne sont pas de nature à garantir la justice sociale. Les inégalités dont sont victimes les femmes en matière tant de qualité du travail que de déroulement des carrières ou de rémunération ne se font pas sentir que pour la seule génération visée. Pis encore, la crise pourrait engendrer, pour les femmes et les plus précaires, un recul historique en termes de périodes cotisées.

Par-delà tout ce qui a été dit depuis le début de nos débats, cet amendement illustre vraiment un refus de prendre en compte le rôle social des femmes, au travers tant de leur maternité, pour le renouvellement des générations, que de leur contribution indispensable à la vie économique de notre pays.

En tout état de cause, il nous est impossible de voter cet amendement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit de nouveau.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Mes collègues sénatrices du groupe CRC-SPG ont très précisément montré que cet amendement du Gouvernement constitue en fait un recul. S’il ne s’agissait pas d’un sujet aussi sérieux que la retraite des femmes, je dirais que le Gouvernement est en train de nous « enfumer » ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Il continue !

M. Guy Fischer. En effet, si cet amendement atténue le dispositif de l’article 6, il apparaît comme très restrictif. Il conviendra de démontrer que 130 000 femmes bénéficieront de cette mesure de souplesse, comme cela a été avancé, mais en tout état de cause il s’agit d’un recul indéniable par rapport à la législation actuelle.

Tout l’art du Gouvernement consiste à nous dire que ce projet de loi ne règle pas tout et que nous allons encore devoir travailler, notamment sur le problème du financement. Or, sur ce point, une réponse claire aurait dû apparaître dans le texte. (Mme Annie David acquiesce.) Nous refusons d’attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour obtenir des réponses à toutes nos questions. Vous auriez pu les apporter dès maintenant, monsieur le ministre, au lieu d’écarter d’un revers de main nos six sous-amendements. Votre attitude conforte notre opposition à l’amendement n° 1182.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Beaucoup a déjà été dit sur la retraite des femmes depuis le début de nos débats.

Ce qui est certain, c’est que cette réforme, même si ses effets ont été atténués, grâce notamment à des avancées obtenues à l’Assemblée nationale, pénalisera nos concitoyennes.

Si je suis convaincue du bien-fondé de cette réforme et de la nécessité de la mener, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je pense qu’elle reste largement perfectible et nécessite des aménagements, ne serait-ce que transitoires, en faveur des femmes, qui représentent tout de même plus de la moitié de la population.

Mme Annie David. Exactement !

Mme Catherine Morin-Desailly. Cela a été souligné par la HALDE, l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. Au-delà des positions partisanes, nous avons tous conscience que, globalement, le système de retraite tel qu’il est conçu favorisera les carrières longues, linéaires, ascendantes, les parcours de vie sans accroc. Se trouveront forcément pénalisées les femmes qui, même si le phénomène s’atténuera au fil des années, à mesure que les inégalités professionnelles et salariales – on peut l’espérer – se résorberont, continueront à avoir des carrières plus hachées et une activité parfois plus précaire que les hommes.

Monsieur le ministre, ces inégalités sont aussi, il est vrai, le reflet de celles du monde du travail. Souhaitons que, dans l’avenir, nous puissions améliorer les choses,…

Mme Annie David. Espérons-le !

Mme Catherine Morin-Desailly. … mais il n’en demeure pas moins que l’amendement du Gouvernement, que je voterai puisqu’il constitue malgré tout une avancée, reste très en deçà de ce que nous aurions pu faire si nous avions adopté le sous-amendement présenté par notre collègue Jacqueline Panis, membre de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Tasca. Ne votez pas l’amendement, alors !

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous devons rester mobilisés sur ces questions. Les femmes attendent de nous que nous prenions en considération les difficultés spécifiques de leur vie. Ce sont souvent elles qui restent à la maison pour prendre soin des personnes âgées dépendantes ou qui se retrouvent seules pour élever les enfants.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. J’ai reçu ce matin un message d’une simple citoyenne, qui formule en termes poétiques ce que nous disons depuis vendredi dernier sur l’ensemble du projet de loi, notamment sur la situation des femmes. Ses mots, adressés à la représentation nationale, constitueront mon explication de vote :

« Qu’avons-nous fait pour que vous nous condamniez au travail à perpétuité (Exclamations sur les travées de lUMP), pour que vous nous condamniez à faire du chiffre jusqu’à en être tristes, et à être rentables jusqu’à en perdre l’âme, sans avoir le temps de veiller sur nos aînés et sur nos enfants ?

« Monsieur, madame le sénateur, écoutez le peuple français, un peuple volontaire, travailleur, attaché à ses valeurs : liberté, égalité, fraternité ! Écoutez ce peuple encore libre, mais qui souffre ! Entendez sa souffrance, n’en faites pas un peuple de travailleurs aliénés et de chômeurs forcés, préservez ses valeurs, gages du bonheur ! Nous ne méritons pas d’être condamnées au travail à perpétuité. »

Signé : une citoyenne française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Panis. Monsieur le ministre, vous avez évoqué ce matin l’égalité professionnelle et salariale entre hommes et femmes. La promouvoir est la première recommandation de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous attendons donc avec impatience qu’une avancée significative sur ce dossier se dessine enfin, pour qu’à l’avenir nous ne soyons pas encore contraints d’argumenter en faveur des femmes.

M. Guy Fischer. Cela prendra du temps !

M. Marc Daunis. Cela risque d’être long, hélas !

Mme Jacqueline Panis. Pour l’heure, je me réjouis de l’adoption du sous-amendement n° 1183 rectifié bis de notre collègue Nicolas About, visant à maintenir à 65 ans l’âge de la retraite à taux plein pour les personnes ayant interrompu leur activité professionnelle afin d’aider un enfant handicapé. Cela correspond à la recommandation n° 4 du rapport d’information que j’ai rédigé au nom de la Délégation.

En revanche, la question relative à la situation des personnes interrompant leur activité professionnelle pour apporter une aide à leurs proches malades reste sans réponse. Il est vrai qu’une réflexion est engagée à l’échelon européen en vue de leur accorder des trimestres de cotisation. J’ose espérer que cette idée fera son chemin et que nos demandes seront ainsi, à terme, en partie satisfaites.

Permettez-moi enfin d’apporter une petite note personnelle au débat.

On a beaucoup parlé du travail d’une façon très négative dans cet hémicycle, sans faire à aucun moment référence à ceux qui sont heureux de travailler et se trouvent bien dans leur activité professionnelle ! Or il y a tout de même en France des personnes qui se lèvent le matin avec l’envie d’aller travailler et de continuer même au-delà de l’âge limite. J’en connais dans mon département, notamment des enseignants.

M. Bruno Gilles. Très bien !

M. Jean-Claude Danglot. Il y a même une chanson à ce sujet : Merci patron !

Mme Jacqueline Panis. Cessons donc de donner à nos concitoyens une image du travail triste, négative !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez cela à ceux qui ne peuvent plus travailler à partir de 50 ans !

Mme Jacqueline Panis. Certes, nous avons chacun nos convictions, mais notre rôle à tous est de promouvoir le travail avant de défendre la retraite, qui en est l’aboutissement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite est un droit, pas un devoir !

M. Guy Fischer. Un droit fondamental !

Mme Jacqueline Panis. Pour ma part, je m’abstiendrai sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. La manière dont a été conduit ce débat et dont est mise en scène cette pseudo-avancée pour les femmes nées entre 1951 et 1955 et mères de trois enfants au moins constitue un leurre extraordinaire.

En effet, ce qui n’est que le maintien du droit actuel pour un nombre très limité d’assurés…

Mme Annie David. Bien sûr !

M. Jean-Louis Carrère. … nous est présenté comme une formidable avancée ! On va même jusqu’à évoquer le chiffre de 3,4 milliards d’euros ! À ce moment, le Gascon que je suis vous interpelle, monsieur le ministre : pourquoi vous en tenir à un montant si modeste ? Vous auriez dû aller beaucoup plus loin, pour habiller mieux encore votre texte, dans le droit fil de la méthode que vous suivez depuis le début…

Vraiment, monsieur le ministre, tout cela n’est pas sérieux : si l’on veut apporter une solution à la question très préoccupante de la retraite des femmes, il convient de traiter celle-ci dans sa globalité, en menant une réflexion approfondie et sincère. Vous vous contentez de jeter de la poudre aux yeux, pour essayer, toujours et encore, de peser sur l’opinion publique par le biais de méthodes de communication qui dévoient le débat public et posent problème au regard de nos règles démocratiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Dans le fond, cet amendement a pour objet d’occulter l’ensemble du dispositif de l’article 6.

Monsieur le ministre, ce matin, lors de l’examen du sous-amendement de Mme Panis, en réponse aux questions de nombre de nos collègues de la majorité sénatoriale, dont le président Larcher lui-même, qui a demandé un net élargissement de la période visée dans votre amendement, vous avez déclaré que l’on ne peut pas à la fois vouloir une réforme des retraites et ne prévoir que des exceptions. D’une certaine manière, cela revenait à traiter d’irresponsables tous ceux qui considèrent que votre proposition n’est pas satisfaisante ! Est-ce vraiment là la réponse que vous adressez à nos collègues de la majorité sénatoriale ?

Par ailleurs, notre collègue Jean-Louis Carrère vient de faire allusion, après nombre d’autres intervenants, à l’interférence entre la communication du Gouvernement sur ce texte, la feuille de route affichée et notre discussion.

M. Longuet déclarait ce matin, sur Europe 1, qu’il ne voyait plus de marge de manœuvre pour le Parlement, ajoutant même que le texte avait déjà évolué concernant les chômeurs, les travailleurs handicapés, les mères de famille, les parents d’enfants handicapés. Les mères de famille, dites-vous, mon cher collègue ? Vous n’êtes tout de même pas allé jusqu’à préciser de quelles mères de famille il s’agissait ! Ne vous en déplaise, les sondages d’aujourd'hui montrent que les Françaises et les Français sont de plus en plus nombreux à soutenir la mobilisation sociale…

M. Guy Fischer. Ils sont 71 % dans ce cas !

M. Jean-Pierre Bel. … et à désapprouver ce texte. Vous devriez écouter ce qui se dit dans vos départements, comme nous le faisons !

Ainsi, une mère de famille ariégeoise m’a écrit la lettre suivante, pour attirer mon attention sur son cas :

« Je suis née le 22 juillet 1953. J’ai eu quatre enfants : temps partiel pendant des années et congé parental pour le troisième et le quatrième.

« Mais je suis tombée gravement malade après une période de chômage qui m’a amenée en fin de droits… Du coup, je n’ai que l’allocation aux adultes handicapés : mon taux reconnu est de 50 % à 79 %.

« J’ai dû faire face en même temps à un divorce et je suis dans une situation précaire (300 euros de soins non remboursés par mois). […]

« Je vais toucher très peu : 700 euros à… 67 ans !

« Pourquoi la tranche de 50 % à 79 % de handicap n’est-elle pas reconnue au niveau de la retraite ? […]

« Je vais subir la triple peine :

« Le fait d’avoir voulu malgré tout faire l’effort de travailler, bien que malade, la peine de ne pas avoir eu le réflexe de me mettre en maladie, car j’avais l’espoir de trouver malgré tout un emploi, et la troisième peine de ne voir personne cotiser pour moi.

« De ce fait, je n’ai pas l’invalidité sécu, mais juste l’AAH… […]

« À quoi ça sert d’être basculée automatiquement à la retraite à 60 ans ou 62 ans, si c’est pour perpétuer cette précarité ? Je ne tiendrai jamais jusqu’à 67 ans. […]

« M. Woerth doit toucher du doigt ce que précarité veut dire : soins non remboursés, 45 euros d’ostéopathie tous les deux mois ; réflexologie plantaire, 30 euros la séance, non remboursée, bien que sur mon protocole de soins. »

J’en arrive à la question qu’elle pose, monsieur le ministre : « Vais-je avoir le droit de finir ma vie dignement, moi qui ai donné quatre contribuables à la France, et qui me suis sacrifiée pour les amener vers de bons emplois ? » Monsieur le ministre, il vous appartient de lui répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Au-delà de votre amendement, monsieur le ministre, assorti de conditions très restrictives, je voudrais vous mettre en garde contre les effets des coups de boutoir que vous portez insidieusement à la politique nataliste appliquée dans notre pays depuis 1945.

Je rappelle que la France a aujourd'hui le taux de natalité le plus élevé d’Europe après l’Irlande, grâce à la politique mise en place après la Libération,…

M. Gérard Longuet. Elle a commencé avant !

M. Paul Raoult. … avec les allocations familiales, le quotient familial, la mise en place des systèmes de garde d’enfants et un certain nombre de mesures en faveur de la retraite des femmes ayant eu trois enfants et plus.

Remettre en cause cette politique nataliste, c’est provoquer la dégradation, demain, du rapport entre les actifs et les inactifs. Le jour où vous aurez suscité une baisse de la natalité dans notre pays, le système par répartition sera forcément en péril !

En mettant en question la politique nataliste, c’est, en réalité, l’avenir démographique de notre pays que vous menacez. Je vous mets en garde sur ce point, monsieur le ministre, car on entend dire, ici et là, que le quotient familial est une niche fiscale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien la seule ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est honteux !

M. Paul Raoult. Le jour où vous arriverez à le remettre lui aussi en cause, la messe sera dite ! C’en sera fini de la grande politique nataliste qui avait été mise en place à la Libération et qui permet aujourd'hui à notre pays d’avoir un taux de natalité nettement supérieur à celui de l’Allemagne,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de l’Italie et de l’Espagne !

M. Paul Raoult. … qui est obligée de recourir à une main-d’œuvre immigrée. Notre démographie représente une chance sur les plans économique et social. Monsieur le ministre, vous devriez réfléchir à cet aspect des choses, qui me semble très important.

On parle sans cesse du travail, mais que dire de la situation d’une mère de trois enfants, qui a subi la pression patronale lorsqu’elle a timidement annoncé qu’elle allait prendre un congé de maternité ? Elle mérite mieux que ce que vous lui préparez aujourd'hui ! On sait très bien qu’il est toujours difficile, pour les femmes qui ont des enfants, de conjuguer vie professionnelle et vie familiale. Améliorez d’abord les conditions de travail, faites cesser la pression du management sur les femmes, qui subissent un stress terrible, développez les moyens de transport, qui se dégradent, les personnes à faibles revenus devant habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail eu égard aux prix de l’immobilier. Telle est la réalité des choses !

Nos compatriotes veulent travailler, mais à condition qu’ils puissent le faire dans des conditions correctes, dans un climat nettement meilleur que celui qui règne aujourd'hui dans les entreprises, avec moins de précarité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À condition qu’ils soient embauchés !

M. Paul Raoult. Tout le monde a envie de travailler, mais il faut voir comment les choses se passent sur les chaînes de production ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je voudrais revenir sur les propos de Mme Panis.

Oui, le travail est d’abord un épanouissement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ce n’est pas forcément une souffrance que de travailler !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais certainement !

M. Éric Woerth, ministre. À entendre M. Raoult, on a l’impression que le travail est un drame absolu,…

M. Marc Daunis. Arrêtez avec cela ! C’est indigne !

M. Éric Woerth, ministre. … que les conditions de travail n’ont pas changé depuis cinquante ans et que rien n’a été fait pour améliorer les choses, sous la gauche comme sous la droite, d’ailleurs ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Si vous pouviez avoir une vision parfois un peu plus digne de notre pays, ce serait tout de même préférable ! (Mêmes mouvements.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Éric Woerth, ministre. Des progrès doivent évidemment être accomplis ; il subsiste bien entendu, dans notre pays, des inégalités, des iniquités, qu’il nous faut corriger, mais, très franchement, c’est la dignité de la France que d’avoir un système de protection sociale…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne parlez pas de dignité, monsieur Woerth ! Abstenez-vous !

M. Éric Woerth, ministre. … qui permette aux uns et aux autres de pouvoir passer un mauvais cap ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Enfin, reconnaissez-le ! Sinon, nous ne parlons pas de la France telle qu’elle est aujourd'hui !

Le Gouvernement doit d’abord et avant tout protéger le système social qui est le nôtre : c’est sa responsabilité ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous ne le protégez pas, vous le mettez en danger !

M. Éric Woerth, ministre. Je suis d’ailleurs persuadé que vous en êtes conscients !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous recevons tous des courriers de nos concitoyens exposant des situations souvent très difficiles et des demandes fort légitimes ; vous n’en avez pas le monopole !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne citez pas les vôtres !

M. Éric Woerth, ministre. Notre rôle est d’y répondre et d’informer nos concitoyens de leurs droits.

Madame Khiari, la dame que vous avez citée dit être condamnée à travailler à perpétuité. C’est évidemment ce qu’elle croit, et je respecte profondément son opinion.

Mme Bariza Khiari. Elle a raison !

M. Éric Woerth, ministre. Mais plutôt que de lire ce courrier en séance, vous devriez lui répondre que personne n’a jamais condamné quelqu’un au travail à perpétuité ! Qu’est-ce que cela signifie ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Bariza Khiari. Mais c’est la vérité !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons des régimes de retraite qui permettent de prendre sa retraite sans décote à 65 ans aujourd’hui, à 67 ans demain. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez ! C’est insupportable !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons travaillé tous ensemble, à droite comme à gauche, sur les conditions de travail.

M. René-Pierre Signé. Et l’espérance de vie ?

M. Éric Woerth, ministre. L’espérance de vie a davantage progressé chez nous que dans aucun autre pays. Peut-être peut-on aussi le rappeler !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que répondez-vous aux femmes qui sont au chômage à 50 ans ?

M. Éric Woerth, ministre. En revanche, voulez-vous condamner vos enfants à payer à perpétuité ? Voilà la bonne question ! Si vous considérez qu’il ne faut faire aucun effort en matière de retraites, ce qui est le projet du parti socialiste (Protestations sur les travées du groupe socialiste),…

M. Jean-Louis Carrère. Le parti socialiste vous salue ! Vous lui faites de la publicité !

M. Éric Woerth, ministre. … cela signifie que vous condamnez vos enfants à payer toujours plus, à perpétuité, et pas seulement pour les parents, mais aussi pour les grands-parents et les arrière-grands-parents ? Telle est bien la vraie question ! En effet, si l’on ne change rien en matière d’âge de départ à la retraite, les jeunes devront prendre en charge trois générations ! Trouvez-vous cela juste ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Vous allez l’avoir, la réponse des jeunes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous les mettez au chômage !

M. Éric Woerth, ministre. Trouvez-vous cela normal ? Ne doit-on pas, à un moment donné, répartir la charge ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Supprimez le bouclier fiscal !

M. Éric Woerth, ministre. Trouvez-vous logique de faire payer à un jeune couple qui essaie de s’installer dans la vie les efforts auxquels vous n’avez jamais voulu consentir vous-mêmes ? Il est vrai que demander de tels efforts aux Français, non seulement ce n’est pas très électoraliste, mais c’est compliqué et difficile. En fait, vous n’êtes pas capables d’affronter le problème, et je le déplore profondément ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est vous qui le dites !

M. Éric Woerth, ministre. Aurez-vous la franchise de dire que la seule façon de régler les choses, si l’on ne repousse pas l’âge de la retraite, est de réduire les pensions ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Annie David. C’est ce que vous faites déjà !

M. Éric Woerth, ministre. Êtes-vous prêts à expliquer aux Français que leurs pensions de retraite diminueront de 15 % dans un premier temps, puis de 20 % plus tard ? Ces chiffres émanent non du Gouvernement, mais du FMI. Bien évidemment, pas un sénateur socialiste ou communiste n’assumerait une telle baisse !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui fabriquez des chômeurs !

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement, pour sa part, prend ses responsabilités et présente une mesure d’âge qui résoudra 50 % du problème.

M. Jean-Louis Carrère. C’est dérisoire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous augmentez le nombre de chômeurs !

M. René-Pierre Signé. Et les revenus du capital ?

M. Éric Woerth, ministre. Pour le reste, il sollicite évidemment les plus aisés, les entreprises et les revenus du capital qui, soit dit par parenthèse, n’ont pas bougé depuis les années cinquante en France par rapport à la rémunération du travail ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est faux !

M. Éric Woerth, ministre. Dans notre pays, madame Tasca, la répartition entre revenus du travail et rémunération du capital reste parfaitement stable : deux tiers pour le travail, un tiers pour le capital.

M. Guy Fischer. C’est Dassault qui dit cela !

M. Éric Woerth, ministre. Mais c’est la réalité des choses ! Consultez, sur le sujet, le récent rapport de Jean-Philippe Cotis ! Certes, vous pouvez toujours clamer que c’est faux et faire des propositions fondées sur des idées inexactes, mais lisez plutôt les rapports et construisez des politiques sur la base des conclusions qui y figurent. Mais évidemment, si vous ne voulez pas y croire…

J’en viens à la question relative au nombre minimum de trimestres qui devront avoir été validés avant l’interruption de l’activité professionnelle par les parents de trois enfants au moins pour continuer à bénéficier de la retraite à taux plein dès 65 ans.

Il faut tout de même écouter, car j’ai tout à l’heure précisé que ce minimum serait de trois ou quatre.

Mme Annie David. C’est trois ou quatre ?

M. Éric Woerth, ministre. Le décret le précisera ; ce sera probablement quatre trimestres. Je l’ai déjà dit ce matin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas précis, trois ou quatre !

M. Éric Woerth, ministre. Quant à la fixation de l’âge de la retraite, monsieur Fischer, depuis la gauche, c’est une mesure réglementaire. Il a été déterminé par ordonnance quand vous étiez au pouvoir. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne pouvez pas modifier une ordonnance par décret !

M. Éric Woerth, ministre. Quand on procède par ordonnance, il n’y a pas de débat possible, c’est sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais les ordonnances sont validées par le Parlement !

M. Guy Fischer. C’était un progrès social !