M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Sans esprit polémique non plus, j’aimerais à mon tour verser aux débats quelques éléments qui ne vont pas dans le sens que vous venez de nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État.

Vous évoquez sans cesse la nécessité de réformer les retraites, parce que l’espérance de vie augmente ou bien encore parce que les autres pays l’ont fait, mais à aucun moment vous n’évoquez le niveau des pensions,…

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je viens d’en parler !

Mme Annie David. … qui, lui, ne cesse de diminuer depuis que votre majorité est au pouvoir.

On ne peut pas appréhender la catégorie des personnes retraitées comme s’il s’agissait d’une population homogène bénéficiant d’un confort de vie supérieur à celui des jeunes générations, car de grandes inégalités de revenus existent chez les plus de 60 ans. Parmi les 8 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France, 600 000 sont des personnes âgées qui perçoivent une allocation de solidarité de 628 euros par mois. Je vous invite à méditer ce chiffre, mes chers collègues !

On n’aborde pas le temps de la vieillesse avec les mêmes atouts. On ne vieillit pas de la même manière selon son parcours de vie, si l’on a été sans domicile fixe, ouvrier ou cadre supérieur. Le différentiel de durée de vie de sept ans entre ces deux dernières catégories en témoigne.

De fait, le passage à la retraite s’accompagne déjà d’une incontestable baisse de revenu – notre collègue Fortassin l’a rappelé tout à l’heure – que ce projet de loi s’apprête encore à aggraver.

Entre 1996 et 2005, la progression du niveau de vie des plus de 65 ans a été inférieure à celle du niveau de vie des actifs et l’évolution du minimum vieillesse reflète la même tendance. En 1990, il se situait, pour une personne seule, au niveau du seuil de pauvreté ou à peu près. Malheureusement, il est passé aujourd’hui en dessous, c’est-à-dire à 88 % du seuil de pauvreté.

Les différences de niveaux de vie, qui sont encore plus marquées chez les retraités que chez les personnes en âge de travailler, risquent d’ailleurs de s’accroître à l’avenir, car les parcours de vie sont de plus en plus affectés par des aléas de carrière, par l’instabilité des revenus et par des périodes de chômage plus fréquentes.

Encore une fois, ce sont les ouvriers, les employés et les personnes les moins diplômées qui sont les plus affectés au moment du passage à la retraite, car ce sont eux qui ont les trajectoires professionnelles les plus chaotiques. C’est ce qui explique d’ailleurs que les femmes représentent 60 % des bénéficiaires du minimum vieillesse et qu’elles sont plus durement frappées par la pauvreté que les hommes.

Ajoutons à ce tableau déjà sombre que les mêmes disparités apparaissent quand survient une situation de dépendance et qu’il faut faire face aux frais engendrés par le maintien à domicile ou l’entrée dans un établissement spécialisé, le « reste à payer » étant bien souvent supérieur aux capacités financières des personnes âgées. En conséquence, près de 80 % des personnes en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes doivent faire appel aux ressources de leurs proches pour financer leur prise en charge ou mobiliser une partie de leur patrimoine, à condition évidemment d’en posséder un.

Cependant, tout en affirmant reconnaître ce cinquième risque et en laissant croire de ce fait qu’il serait couvert comme les autres, votre majorité s’oriente aujourd’hui vers le recours à l’assurance privée, collective ou individuelle, et vers la mobilisation du patrimoine des personnes concernées, ce qui est inadmissible.

Ce virage constitue une véritable rupture dans la façon d’assurer la couverture des risques sociaux. Il s’agirait d’une tromperie sur l’objectif affiché, par le caractère ségrégatif et inégalitaire du système mis en place. On est donc très loin de l’ambition des fondateurs de la « sécurité sociale », inventeurs d’un mécanisme de solidarité universelle, dont notre collègue Bourquin vient de faire le rappel. Vos références à ces fondateurs, monsieur le secrétaire d’État, sont mensongères, fourbes et insultantes.

Par cet amendement, nous soutenons que, face à la précarisation croissante des retraités, il est important de maintenir leur niveau de vie, mais aussi de le faire progresser.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Je veux compléter l’intervention d’Annie David et apporter l’éclairage d’une élue locale.

Ce que l’on constate pour les retraites, on le constate également pour les salaires – il n’y a pas de raison ! –, à savoir une grande inégalité.

Certains retraités d’aujourd’hui ont connu en activité un déroulement de carrière linéaire, grimpant peu à peu les échelons au sein de l’entreprise, de sorte qu’ils bénéficient aujourd’hui d’un niveau de pension tout à fait correct. Tant mieux ! Je pense par exemple à des ouvriers qui sont devenus agents de maîtrise ou techniciens. Oui, tant mieux, car la réalité est que ces personnes-là aident leurs enfants et leurs petits enfants !

Mais il en est d’autres, parmi nos concitoyens – Annie David y a fait allusion –, qui arrivent à la retraite après des parcours que l’on peut qualifier de chaotiques – il s’agit plus particulièrement des femmes, mais pas uniquement – parce qu’ils ont alterné temps partiel, chômage et contrats aidés et se retrouvent, effectivement, avec des retraites presque indécentes !

Je souhaite vous apporter mon témoignage, celui d’une élue de la banlieue lyonnaise, puisque je suis maire d’une petite ville qui compte 60 % de logements sociaux et dont le niveau de revenu moyen est extrêmement faible. Je peux vous assurer que, depuis quelques années, le nombre des personnes âgées – celles de plus de 60 ans, pour être précise – qui poussent la porte du CCAS et qui fréquentent les Restos du cœur parce qu’elles n’ont pas d’autre choix, croît fortement.

Cette situation est assez dramatique et révélatrice puisque ces personnes ne vont bien évidemment pas avec plaisir dans ces structures. Ces retraités ne poussent pas la porte du CCAS avec gaieté de cœur ! Ils le font parce qu’ils ne peuvent vraiment pas faire autrement !

Je crois donc qu’il s’agit d’une réalité à prendre en compte et c’est pour cette raison que nous soutiendrons l’amendement du groupe CRC-SPG.

Notre pays est riche, quoi qu’on en dise, et se doit d’accorder un revenu décent à ses retraités, de même que nous devons marquer notre respect envers nos anciens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans va principalement léser ceux qui ont commencé à travailler très tôt.

Comme l’a relevé François Legendre, professeur d’économie à l’université Paris-Est Créteil, dans un article publié le 13 septembre dernier dans le journal le Monde : « À l’âge de 60 ans, ces salariés sont, soit encore dans l’emploi, soit au chômage. Aussi, ont-ils, soit “sur-cotisé” à l’assurance vieillesse, puisqu’ils disposent largement de la durée de cotisation requise pour le taux plein, soit de très faibles opportunités de retrouver un emploi. Dans les deux cas, il semble particulièrement injuste de repousser l’âge auquel ils pourraient prendre leur retraite […] d’autant que cela aggravera la tendance à la paupérisation des retraités. […]

« La caisse nationale d’assurance vieillesse a cherché […] à mieux connaître la situation de ses cotisants l’année qui précède leur départ à la retraite. En 2006, 57 % des hommes et 42 % des femmes ont pu valider au moins un trimestre de cotisation au titre d’une activité ; 34 % des hommes et 31 % des femmes ont pu valider au moins un trimestre à un autre titre – chômage, invalidité, maladie… – ; mais 19 % des hommes et 36 % des femmes ne valident aucun trimestre pour la retraite. On voit ainsi grossir une population âgée, exclue de l’emploi et frappée, à des degrés variés, par la pauvreté. Près d’un homme sur cinq serait dans cette situation, bénéficiant du soutien de son conjoint, de sa famille ou d’un minimum social comme le RSA. Le recul de deux ans des deux âges légaux de 60 ans à 62 ans et de 65 ans à 67 ans participerait, à côté de la crise économique, au développement d’une nouvelle figure de l’exclusion économique et sociale : celle des seniors en fin de droits maintenus dans la pauvreté par incapacité d’obtenir la liquidation de leur retraite. […]

« Au total, la réforme des retraites proposée par le Gouvernement est profondément injuste pour les Français qui ont commencé à travailler tôt à la fin des années soixante ou au début des années soixante-dix. Le relèvement des âges légaux de départ ne s’impose en rien. »

François Legendre résume parfaitement une évolution en cours depuis trop longtemps. Par ailleurs, la suppression pour les salariés âgés de 57 ans, des suites du rendez-vous de 2008, de la dispense de recherche d’emploi et celle des dispositions particulières auxquelles ils avaient droit sur l’allocation de solidarité spécifique aggravent la situation de ces personnes jusqu’à l’âge où elles pourront liquider leur retraite.

Ainsi, un tableau assez noir de l’extension considérable de la précarisation des retraités est malheureusement dressé !

Tous ces éléments plaident en faveur de l’adoption de notre amendement, qui vise à ce que le comité de pilotage des régimes de retraite veille à la progression du niveau de vie des retraités et du niveau des pensions de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a tout de même un formidable décalage entre notre débat et ce qui s’est passé tout à l’heure dans les rues des plus grandes villes de France, qui ont connu une mobilisation sans précédent !

En effet, malgré les efforts de l’opposition, la majorité en place reste manifestement indifférente aux événements d’aujourd’hui.

Cet amendement concerne les personnes qui ont eu des carrières chaotiques et donc qui ont été sous-payées. Au moment où elles vont prendre leur retraite, après avoir eu pendant longtemps le minimum, elles risquent de ne pouvoir toucher que le minimum du minimum !

La justification de cet amendement est de plaider pour ces gens-là, à la fin de leur vie, en demandant un effort pour qu’effectivement les conditions de leur retraite puissent être en adéquation avec ce que vous revendiquez à travers l’article 1er A dans lequel vous écrivez – encore une fois – en lettres d’or que chacun doit pouvoir aspirer à une retraite décente.

Mais aujourd’hui, nous sommes stupéfaits de voir l’indifférence que vous manifestez, mes chers collègues, par rapport à une situation que pourtant vous vivez chacune et chacun au quotidien en tant qu’élus dans vos collectivités respectives.

Ces gens qui ont 68 ans ou 70 ans, qui vont à reculons aux Restos du cœur durant les périodes de l’année les plus difficiles, avouent souvent, malgré eux, qu’ils ne peuvent pas, à l’égard de leurs petits-enfants, faire le minimum que devraient pouvoir faire décemment des grands-parents.

Très franchement, mes chers collègues, je regrette et déplore cette indifférence qui, à mes yeux, surtout après les interventions éloquentes des collègues qui se sont exprimés avant moi, s’apparente à une forme de mépris ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 863.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 18 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je rappelle aux membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunissons à dix-neuf heures cinquante-cinq, pour au moins trois quarts d’heure.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 1er

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l’organisation des travaux de la commission des affaires sociales. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Ce mardi 12 octobre, une journée de mobilisation sans précédent a eu lieu dans de nombreuses villes de France, plus de 260.

M. Nicolas About. Quel est le rapport ?

M. Guy Fischer. Le Gouvernement et sa majorité ont parié sur le pourrissement, la division et la démobilisation. (Exclamations ironiques sur les travées de lUMP.) Ils ont eu tort !

M. Guy Fischer. Le mouvement se renforce de jour en jour,…

M. Alain Gournac. Et de nuit en nuit ?

M. Guy Fischer. … d’heure en heure. Et nous verrons ce qu’il en sera samedi !

M. Chatel a beau prétendre ce soir que la mobilisation était plutôt attendue, c’est, en réalité, une gifle pour une droite sourde à la colère du peuple !

M. Fillon a adressé une fin de non-recevoir aux millions de manifestants et de grévistes,…

M. Alain Gournac. Pourquoi pas des milliards, aussi ?

M. Guy Fischer. … et aux 70 % de salariés qui les soutiennent. C’est une position irresponsable et dangereuse pour notre pays.

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, au nom de mon groupe, j’ai une proposition à vous faire.

Mme Christiane Demontès. Mais une proposition honnête ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je vous demande officiellement de recevoir dès demain les organisations syndicales pour tenter d’enclencher un processus que le Gouvernement refuse obstinément, celui de l’ouverture de négociations.

C’est la responsabilité du Parlement, du Sénat, comme lors de la crise sociale ouverte par le projet de contrat première embauche, de permettre à notre pays de sortir de l’impasse dans laquelle l’entêtement de M. Sarkozy le plonge ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement

Article 1er (suite)

M. le président. Dans la suite de l’examen de l’article 1er, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 864.

Présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, cet amendement est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il veille à ce que soit garanti aux retraités un revenu de remplacement égal à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour tous les retraités.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à réaffirmer le principe posé par l’article 4 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, à savoir l’assurance d’un revenu de remplacement égal à 85 % du SMIC.

Cet objectif, que la loi adoptée en 2003 n’a pas rendu contraignant, a suscité beaucoup d’espérance auprès de nos concitoyens. Initialement, il devait être atteint en 2008. Or nous constatons aujourd'hui qu’il n’en est malheureusement toujours rien !

C’est inacceptable, surtout quand on connaît la situation de grande précarité subie par des centaines de milliers de retraités !

D’après le rapport de la fondation Abbé Pierre pour 2009 – notre collègue Guy Fischer le mentionnait tout à l’heure –, 600 000 personnes âgées vivent avec une allocation de solidarité de 628 euros, donc sous le seuil de pauvreté.

De notre point de vue, le comité de pilotage, auquel sont confiées des missions uniquement d’ordre financier et comptable, devrait également avoir pour rôle de veiller à garantir un niveau de remplacement au moins égal à 85 % du SMIC pour tous les assurés.

En effet, le comité de pilotage ne doit pas avoir pour objet de réduire à tout prix la dette publique pour satisfaire aux injonctions des agences de notation et du MEDEF. Il doit au contraire viser à assurer des revenus suffisants aux retraités, afin de leur permettre de vivre dignement.

La généralisation de la précarité et de l’insécurité sociale tout au long de la vie rend très difficiles les conditions exigées pour bénéficier d’une pension à taux plein, car un grand nombre de salariés ne cotisent pas à taux plein pendant certaines périodes de leur vie.

Là encore, les femmes sont particulièrement pénalisées. D’une part, elles sont plus sujettes aux temps partiels, car elles assument souvent, en parallèle de leur carrière, la charge des enfants, du foyer, voire de leurs aînés. D’autre part, leurs salaires sont, en moyenne – cela a été souligné et répété à maintes reprises –, inférieurs de 22 % à ceux des hommes.

Mais nous ne devons pas oublier les situations difficiles que connaissent les jeunes. Ils entrent souvent plus tard que leurs parents sur le marché de l’emploi et connaissent en plus très souvent une période de précarité, d’inactivité, ou passent de stage en stage, ce qui leur bloque l’accès au système de cotisations retraites. Ainsi, pour justifier d’un nombre suffisant de trimestres cotisés, ils devront retarder leur départ à la retraite de plusieurs années.

Qu’il s’agisse des carrières à trous, des temps partiels ou des bas salaires, tout concourt à la diminution des montants de pensions.

C’est pourquoi, mes chers collègues, suivant une recommandation de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et considérant le caractère non contraignant de l’article 4 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, je vous propose d’adopter cet amendement, afin que le comité de pilotage veille à garantir un niveau de pension au moins égal à 85 % du SMIC pour tous les assurés.

Et nous vous demanderons un scrutin public sur cet amendement important pour le revenu des retraités, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement concerne les missions du comité. Or nous les avons déjà évoquées.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. En 2003, lors de l’adoption de la réforme portée par François Fillon, le taux de 85 % a été retenu pour les salariés ayant effectué une carrière complète au SMIC. Ce principe a été confirmé en 2008 pour la période allant jusqu’en 2012.

Il nous est impossible d’étendre le dispositif à des personnes ayant travaillé moins longtemps. Mais nous confirmons que la mesure sera bien applicable aux salariés ayant effectué une carrière complète au SMIC, et ce jusqu’en 2012 au moins.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Tout au long de leur vie active – c’est un point auquel nous sommes très sensibles –, les nouvelles générations seront bien plus touchées que la nôtre par les périodes de chômage ou de formation ; tout le monde s’accorde, me semble-t-il, pour le reconnaître. Les carrières incomplètes se généraliseront de manière inquiétante.

Ainsi, les pensions seront inexorablement revues à la baisse, malgré les déclarations contraires de l’UMP, qui persiste à prétendre que cette réforme vise à assurer le niveau des retraites.

Avec un tel risque de généralisation des faibles pensions, il nous paraît nécessaire de garantir un revenu de remplacement égal à 85 % du SMIC pour tous les retraités. Nous souhaiterions au surplus que les engagements pris à l’instant par M. le ministre soient véritablement confirmés.

Malgré tout, lorsque nous examinons les cas précis qui nous sont soumis, nous constatons qu’un trop grand nombre de retraités, dont une immense part de femmes, vivent sous le seuil de pauvreté.

Garantir un revenu minimum égal à 85 % du SMIC, c’est surtout garantir un revenu digne, permettant aux retraités de vivre dans des conditions décentes. Et encore, car peut-on vivre dans des conditions décentes avec seulement 85 % du SMIC ?

Car nous n’oublions pas ces milliers de retraités qui habitent dans des logements parfois indignes et qui, après une vie de labeur et de souffrance au travail, doivent encore consentir des sacrifices tous les jours, et ce jusqu’à la fin de leur existence pour pouvoir satisfaire aux besoins essentiels de la vie, c'est-à-dire pour manger ou se soigner.

D’ailleurs, comme vous le savez, il y a aujourd'hui de plus en plus de Français qui ne peuvent pas se soigner et qui se « démutualisent », notamment en raison de la hausse des franchises médicales et des taux de cotisation.

Si la loi adoptée en 2003 a fixé l’objectif d’un revenu de remplacement égal à 85 % du SMIC, elle ne l’a pas assorti de moyens contraignants.

Ainsi, le comité de pilotage pourrait avoir comme mission de veiller à garantir que le niveau de la pension est égal à 85 % du SMIC pour tous les retraités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 864.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 19 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 153
Contre 185

Le Sénat n’a pas adopté.

L'amendement n° 865, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il veille à ce que soit garanti un revenu de remplacement au moins égal à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour tous les retraités.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Peut-être aurons-nous plus de chance avec cet amendement…

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Non !

M. Alain Gournac. Rien n’est moins sûr !

Mme Mireille Schurch. Vous avez refusé des amendements qualitatifs : nous vous proposons donc des amendements quantitatifs, et précis !

Après le rejet de l’amendement précédent, nous vous proposons de préciser la mission du Comité de pilotage des régimes de retraite, assez floue en ce qui concerne la garantie du niveau de vie des retraités, en ajoutant qu’il doit veiller à ce qu’un revenu de remplacement au moins égal à 75 % du SMIC soit garanti, soit le minimum décent pour les personnes âgées.

Toute personne adhérant au principe d’amélioration du niveau de vie des retraités ne peut qu’en convenir, un des moyens privilégiés pour atteindre cet objectif est d’augmenter le revenu de remplacement.

L’allocation de solidarité aux personnes âgées, attribuée aux retraités les plus démunis et aux personnes dont les cotisations au régime de retraite ne sont pas suffisantes pour bénéficier d’un revenu, offre un exemple significatif. Le montant de cette allocation est actuellement si faible que beaucoup de retraités vivent sous le seuil de pauvreté !

Monsieur le ministre, vous devez l’entendre : de nombreux retraités n’arrivent plus à se loger ni à payer leur loyer, et doivent recourir aux associations humanitaires pour se nourrir ! Les Restos du Cœur font face à une affluence chaque jour plus importante. Plus de 600 000 de ces retraités ne peuvent plus vivre décemment dans notre pays. Vous devez vous montrer sensible à leur situation !

Aujourd'hui, 3,5 millions de personnes sont descendues dans les rues pour vous le dire. (Protestations sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Gournac. Ils étaient 1,2 million !

Mme Mireille Schurch. Cette situation alarmante doit être prise en compte et constituer l’une des priorités de l’action d’un comité des retraites digne de ce nom !

C’est pourquoi nous vous proposons l’objectif quantifié d’un revenu de remplacement au moins égal à 75 % du SMIC, principalement pour ceux qui ont cotisé, quel que soit le montant de cette cotisation.

Une telle mesure, monsieur le ministre, ne demanderait pas un effort financier considérable, mais elle aurait un impact important sur le plan social.

En deçà de ce seuil, nous n’offrons qu’une grande précarité à des personnes âgées qui se sentiront, à juste titre, laissées pour compte. Ce serait inadmissible dans un pays comme le nôtre !

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Mireille Schurch. Nous vous demandons donc d’adopter cet amendement, qui n’est pas contradictoire avec les principes que la majorité a jugé bon d’inscrire dans le projet de loi.

Cet amendement vise simplement à fixer un objectif précis à un comité dont les missions sont, somme toute, vagues et qui, nous le craignons, risquent fort de rester lettre morte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Madame Schurch, je vous demande à l’avenir de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est imparti ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Il existe pour les bénéficiaires de petites pensions deux dispositifs extrêmement importants : le minimum vieillesse et le minimum contributif. Tous deux ont été revalorisés et vous vous êtes à chaque fois prononcés contre cette revalorisation, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition. Vous n’avez jamais soutenu ni l’augmentation du minimum vieillesse ni l’augmentation du minimum contributif que proposait François Fillon !