Sommaire

Présidence de Mme Monique Papon

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.

1. Procès-verbal

2. Dépôt de documents

3. Prélèvements obligatoires et endettement. – Programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. – Débat et discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Débat et discussion générale : MM. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Mme Nicole Bricq, MM. Jean Louis Masson, Aymeri de Montesquiou, Thierry Foucaud, Jean-Pierre Fourcade, Jean-Jacques Jégou, Yves Daudigny, Gilbert Barbier, Bernard Angels, Bernard Cazeau.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

projet de loi

Question préalable

Motion no 9 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, Philippe Marini, rapporteur général ; le ministre. – Rejet.

Article 1er. – Adoption

Article 2 et rapport annexé

M. Thierry Foucaud.

Amendement no 10 du Gouvernement. – MM. le ministre, Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Nicole Bricq. – Adoption.

Adoption de l'article et du rapport annexé modifié.

Article 3

Amendement no 11 du Gouvernement. – MM. le ministre, Philippe Marini, rapporteur général. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 4

Mme Marie-France Beaufils.

Amendement no 1 de M. François Marc. – MM. François Marc, Philippe Marini, rapporteur général ; le ministre, Alain Vasselle, rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Daniel Raoul, Jean-Jacques Mirassou, le président de la commission, Bernard Frimat, Jacques Mahéas, Marc Laménie, Jean Louis Masson. – Rejet par scrutin public.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 4

Amendements nos 2 à 4 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, MM. le président de la commission, le ministre, Jean-Marc Todeschini, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Michel Baylet, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet des trois amendements.

Articles 5 et 6. – Adoption

Article 7

Amendement no 5 de M. François Marc. – MM. François Marc, le président de la commission, le ministre, Didier Guillaume. – Rejet.

Amendement no 6 de M. François Marc. – MM. François Marc, le président de la commission, le ministre, Jean-Marc Todeschini. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 7

Amendement no 8 rectifié de M. François Marc. – MM. François Marc, le président de la commission, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 8, 9, 9 bis et 10 à 12 bis. – Adoption

Article 13

Amendement no 12 du Gouvernement. – MM. le ministre, le président de la commission. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 14. – Adoption

Adoption de l’ensemble du projet de loi.

4. Renvoi pour avis

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

5. Communication relative à une commission mixte paritaire

6. Débat sur les effectifs de la fonction publique

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

M. Jacques Mahéas, Mmes Anne-Marie Escoffier, Josiane Mathon-Poinat, M. Antoine Lefèvre.

MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Jacques Mahéas.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet,

M. Daniel Raoul.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

dépôt de documents

Mme la présidente. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat :

- le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens d’Arte France pour la période 2010-2011, établi en application de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

- le rapport évaluant l’intérêt qu’il y aurait à ce qu’un sous-objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie identifie une enveloppe destinée à contribuer à la réduction des inégalités interrégionales de santé, établi en application de l’article 122 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Le premier a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ; le second à la commission des affaires sociales. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Débat et discussion générale

Prélèvements obligatoires et endettement. – Programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

Débat et discussion d’un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Question préalable

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement, et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (projet n° 66, texte de la commission n° 79, rapport n° 78 et avis n° 69) (demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales).

Dans le débat et la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter aujourd’hui le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et de prendre part à ce débat, voulu par le Sénat, sur les prélèvements obligatoires et l’endettement.

Lors des présentations, devant la commission des finances du Sénat, de ce projet de loi de programmation et du projet de loi de finances pour 2011, qui ont été l’occasion d’échanges particulièrement fructueux et de grande qualité, j’ai évoqué la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques pour les années à venir.

Si nous avons qualifié de « responsable » le projet de budget pour 2011, c’est parce que l’inflexion vertueuse, profonde et déterminée qu’il enclenche sera maintenue les années suivantes. Il est en effet important de mettre en perspective l’action du Gouvernement pour une nouvelle trajectoire en matière de finances publiques, l’objectif à terme étant intangible : réduire le déficit public pour le ramener à son niveau d’avant la crise en 2013 et à 2 % du PIB en 2014, avant de tendre, à l’instar de l’Allemagne, vers l’équilibre budgétaire.

La finalité de l’ensemble des politiques publiques doit être d’écarter l’épée de Damoclès qui menace nos têtes et celles de nos enfants. Nous devons donc faire preuve d’esprit de responsabilité devant cette cruelle question des déficits publics, qui met incontestablement en jeu la souveraineté nationale, en faisant évoluer, pour le préserver, le modèle social français, selon des priorités réalistes, en adéquation avec nos moyens.

Seul un effort de sérieux budgétaire à moyen terme, nécessaire à l’assainissement de nos finances publiques, nous permettra de respecter l’engagement que nous avons pris devant nos partenaires européens : c’est aussi de la parole de la France dans le concert européen qu’il s’agit.

Par la trajectoire des finances publiques que nous programmons pour les années à venir, nous souhaitons en effet exprimer clairement à nos concitoyens et à nos partenaires européens notre détermination à maîtriser le déficit public. Notre objectif, ambitieux et vertueux, est de ramener celui-ci à 6 % en 2011, à 4,6 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014. Cela suppose un effort soutenu, durable et équitablement réparti entre les acteurs de la dépense publique : État, administrations de sécurité sociale, collectivités territoriales.

Dès 2011, la norme « zéro valeur » hors charges de la dette et de pensions s’appliquera à la dépense de l’État. Nous assumons le passé, mais nous décidons, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, marquée par un accroissement systématique des dépenses chaque année, le gel des dépenses de l’État, qui seront donc fixées au même niveau que l’an dernier et ne suivront pas l’inflation. On peut comparer notre plan en la matière aux plans britannique, espagnol ou portugais, à cette différence de taille près que nous créons une dynamique historique de maîtrise de l’évolution de la dépense publique.

Dans cette perspective, des efforts importants en termes de rationalisation, de politique d’achats, de politique immobilière, de mutualisation des budgets de communication, devront être consentis, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, dont les vertus commencent à produire leurs effets. Le niveau d’intervention ou de subventionnement de l’État sera réduit de 10 % – 5 % dès l’année prochaine –, tandis que 100 000 fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés, la suppression de 97 000 autres postes étant proposée pour les trois années à venir. Tous ces efforts s’inscrivent dans la durée, l’État se devant d’être vertueux et de donner l’exemple.

Dans le même esprit, nous proposons le gel des dotations de l’État aux collectivités territoriales.

Enfin, l’objectif national de dépenses d'assurance maladie, l’ONDAM, qui avait été fixé à 3 % pour cette année par la représentation nationale, sera respecté pour la première fois depuis sa création en 1997. Ce résultat inédit donne quelque crédit à notre objectif de limiter à 2,9 % pour 2011 et à 2,8 % pour les années suivantes la progression des dépenses d’assurance maladie.

Nous attendons aussi un dynamisme retrouvé des recettes fiscales, grâce notamment au retour de la croissance sur la période de programmation et aux efforts que nous poursuivrons sur les niches fiscales et sociales.

Cette trajectoire assignée au déficit public est un engagement politique fort du Gouvernement : nous le tiendrons en 2011 comme les années suivantes, car il y va de notre indépendance sur les marchés financiers. Il est loin le temps où les banques centrales finançaient pour l’essentiel les politiques publiques ! Au début des années quatre-vingt, leur part dans ce financement atteignait 80 % ; aujourd’hui, la situation s’est inversée, puisque ce sont les marchés financiers qui fournissent 80 % du financement de nos politiques publiques.

Les répercussions de la crise mondiale de 2008-2009 ont conduit les Européens à mettre en place un plan d’accompagnement des pays en difficulté d’un montant potentiel de 750 milliards d'euros. N’oublions pas trop vite que l’euro était encore menacé voilà six mois à peine. Je suis assez frappé de constater à quel point la mémoire peut être fragile : certains font comme si rien ne s’était passé au cours de cette période de crise ! L’oubli a déjà fait son œuvre et les mauvaises habitudes peuvent reprendre leur cours. Cela doit nous inciter à ne pas perdre de vue la réalité : la question des déficits publics, qui constitue pour les Français une source d’inquiétude et d’interrogations, doit être au cœur de toute politique publique. Réduire les déficits est un moyen de restaurer la confiance, de retrouver le chemin de la croissance, de rétablir une souveraineté pleine et entière. Le Premier ministre l’a rappelé à de nombreuses reprises et je le réaffirme ici : nous tenons à protéger notre pays d’un endettement excessif, qui pourrait porter atteinte à notre capacité d’action. Il est donc du devoir et de la responsabilité tant du pouvoir exécutif que de la représentation nationale de rappeler en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances – la répétition ayant des vertus pédagogiques – qu’il est nécessaire de réduire les déficits, de corriger les effets de la crise et de retrouver un chemin vertueux, les temps actuels nous imposant de ne plus nous endetter comme nous avons pu le faire dans le passé. Même le président Obama a mis l’accent, voilà quelques semaines, sur la menace que le poids du déficit représentait pour la souveraineté des États-Unis, adressant ainsi un message politique fort au regard de l’histoire américaine.

Nous ferons tout pour que notre pays reste maître de son destin. C’est d’ailleurs le sens politique de l’amendement que le Gouvernement présentera au cours de la discussion de ce projet de loi de programmation des finances publiques, à la suite, monsieur le rapporteur général, du débat fructueux que nous avons eu en commission des finances. Le Gouvernement s’engage devant le Parlement à prendre des mesures d’économies supplémentaires concernant les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour respecter les objectifs pluriannuels de finances publiques du présent projet de loi de programmation, si les circonstances macroéconomiques s’avéraient moins favorables que prévu.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. François Baroin, ministre. Nous croyons aux perspectives de croissance que nous avons tracées et nous les maintenons. Notre objectif intangible est de réduire le niveau de notre déficit ; il importe désormais de nous entendre sur les moyens de l’atteindre.

Par la trajectoire de solde public que nous avons définie, nous souhaitons stabiliser rapidement notre ratio d’endettement.

Sous l’effet de la crise, la dette publique atteindra 86,2 % du PIB en 2011, soit un niveau légèrement inférieur à l’endettement moyen des pays de la zone euro, qui s’établit entre 87 % et 88 %. Le ratio d’endettement sera ensuite réduit dès 2013. Je tiens à souligner qu’il restera inférieur à 90 % de la richesse nationale sur l’ensemble de la période de programmation.

Vous vous en souvenez certainement, des études économiques récentes, notamment celle de MM. Reinhart et Rogoff, tendent à montrer que, au-delà de 90 % du PIB, l’endettement public est susceptible de peser négativement sur la croissance potentielle des États. Le Gouvernement propose donc une trajectoire permettant d’échapper au risque de voir l’accumulation de la dette mettre à mal la croissance de demain et compromettre tous les efforts que nous consentons, par exemple dans le cadre de la construction du budget de 2011.

Pour respecter cette trajectoire, nous nous sommes fixé des règles précises de gouvernance.

La première est l’inscription dans la durée de l’effort portant sur les niches fiscales et sociales figurant dans le projet de loi de finances pour 2011. Nous fixons un montant minimal de mesures nouvelles, que nous nous engageons à atteindre par le biais de réductions et de suppressions de niches fiscales et sociales, en excluant toute hausse d’impôts généralisée.

Mme Nicole Bricq. Comme toujours !

M. François Baroin, ministre. Nous n’augmenterons pas l’impôt sur le revenu, hormis le relèvement de la tranche supérieure du barème, qui permettra de financer pour partie la réforme des retraites, ni l’impôt sur les sociétés, ni la TVA, au contraire de l’Espagne, du Portugal ou de la Grande-Bretagne. Dans ce dernier pays, une hausse importante des prélèvements obligatoires s’accompagnera d’une réduction spectaculaire des dépenses publiques, les crédits de certains ministères devant baisser de 30 % à 40 % et de 500 000 à 600 000 postes de fonctionnaire étant voués à disparaître dans les quatre années à venir. Le plan français vise d’abord et avant tout à agir sur la dépense et écarte la piste d’une augmentation des impôts.

Nous avons ensuite souhaité que les surplus de recettes constatés en cours d’année soient affectés à la réduction du déficit public. Je pense, monsieur le président de la commission des finances, que vous serez sensible à cette démarche !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certainement !

M. François Baroin, ministre. Ce principe, qui guide l’ensemble de notre action en matière de finances publiques, a été affirmé par le Président de la République à l’occasion de la réunion de travail qui s’est tenue le 20 août dernier au fort de Brégançon. Compte tenu du niveau atteint par le déficit et la dette publique, il n’est pas concevable que d’éventuelles recettes supplémentaires soient utilisées à d’autres fins qu’au redressement de nos finances publiques. Au cours de cette législature, aucun débat absurde sur une éventuelle « cagnotte » ne pourra intervenir, tout surplus de recettes devant être affecté au désendettement de notre pays.

M. François Baroin, ministre. Un tel débat avait eu lieu voilà quelques années, malgré le niveau d’endettement de notre pays. Proposer d’inscrire l’affectation des surplus de recettes au désendettement dans une loi de programmation des finances publiques qui aura valeur d’engagement pour les trois années à venir est une affirmation forte de la priorité politique du Gouvernement en matière de finances publiques. Nous devons tout mettre en œuvre pour réduire notre déficit aussi rapidement que possible. C’est d’ailleurs ce que fait l’Allemagne, où prévaut un consensus assez exceptionnel sur la nécessité de réduire les déficits publics. De l’autre côté du Rhin, l’affectation au désendettement des surplus de recettes engendrés par la croissance au « format XL », pour reprendre l’expression de M. Schäuble, ministre allemand des finances, permet au pays de gagner un an par rapport aux engagements qu’il a pris à l’égard de ses partenaires européens en matière de réduction de ses déficits.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut mettre en œuvre la convergence !

M. François Baroin, ministre. Vous avez raison de le souligner, monsieur Arthuis : la convergence doit être un objectif sur les plans économique et fiscal.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faudrait supprimer l’ISF !

M. François Baroin, ministre. À la fin du premier semestre de l’année prochaine, nous devrons aboutir à une loi de finances rectificative de nature à harmoniser le plus possible nos positions, pour ce qui concerne tant la fiscalité des particuliers que celle des entreprises. En Allemagne, par exemple, l’assiette est plus large et les taux moins élevés que chez nous : cette situation doit être source de réflexions sur la compétitivité économique de notre pays.

Enfin, nous proposons d’interdire l’endettement des opérateurs de l’État. Si, par votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, vous apportez votre soutien à ce projet de loi de programmation des finances publiques, cela constituera une évolution tout à fait significative. Non seulement les opérateurs de l’État entrent dans le périmètre de l’évaluation du patrimoine, mais nous fixons un certain nombre de règles pour éviter de leur laisser la bride sur le cou, au risque de voir se renouveler certains errements du passé, alors que l’État et les administrations se seront engagés sur le chemin exigeant de la maîtrise de la dépense publique.

Précisément, il s’agira d’une interdiction d’émettre des titres d’emprunt ou de contracter un emprunt bancaire pour une durée supérieure à douze mois sur la période de programmation. Nous voulons ainsi mettre un terme, pour l’avenir, à la dissémination de l’endettement public, afin de mieux contrôler la dette et les dépenses publiques de ces organismes.

M. François Baroin, ministre. J’ajoute que nous y sommes conduits par le fait qu’ils se financent généralement à des conditions moins favorables que l’État, augmentant ainsi la charge d’intérêts supportée par les administrations publiques dans leur ensemble.

Concernant l’articulation entre le semestre européen et la procédure budgétaire nationale, je partage, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, votre souhait d’associer étroitement le Parlement à la nouvelle procédure européenne, dans un souci de plus grande transparence des engagements européens de la France.

Le calendrier du semestre européen a été entériné par le conseil ECOFIN de septembre dernier : dès 2011, les États membres de l’Union adresseront, au plus tard fin avril, un programme de stabilité, sur lequel le conseil ECOFIN rendra un avis avant la fin du mois de juillet.

La commission des finances du Sénat a adopté le 27 octobre dernier un article précisant que, à compter de 2011, le Gouvernement communiquera au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, le projet de programme de stabilité et que le Parlement, après avoir débattu de ce projet, se prononcera par un vote. Je ne peux qu’être favorable à une plus étroite association du Parlement à nos engagements européens.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. François Baroin, ministre. Il me semble fort important, tant pour le Gouvernement que pour le Parlement, que ce dernier puisse être informé en amont du document matérialisant les engagements de la France à Bruxelles. Ce serait un progrès certain par rapport à la situation actuelle.

Toutefois, je m’interroge sur l’inscription dans le texte de loi d’un vote sur le programme de stabilité, et ce pour deux raisons.

Vous savez qu’après la notification par l’INSEE à Eurostat, le 1er avril, du déficit public de l’année précédente, nécessaire à l’élaboration du programme de stabilité, celui-ci ne peut être transmis au Parlement qu’à la mi-avril, en raison des délais que requiert sa rédaction. Dans ce contexte, le Parlement aura-t-il le temps de procéder à un vote, d’autant que, en avril 2012, des échéances électorales s’annonceront dans notre pays ?

Par ailleurs, nos choix sont-ils cohérents avec ceux de nos partenaires européens ? La plupart d’entre eux, en effet, n’ont pas fait évoluer leur procédure budgétaire nationale à l’occasion de la mise en œuvre du semestre européen, et ceux qui l’ont fait ne se sont pas engagés dans une procédure aussi lourde que celle du vote.

Je suis toutefois convaincu que nous saurons trouver ensemble une solution adéquate pour associer au mieux le Parlement à la nouvelle procédure européenne. Je vous demande de prendre en compte, dans votre analyse, la volonté du Président de la République et du Premier ministre d’associer le plus tôt possible le Parlement aux engagements européens de la France. Nous avons ainsi transformé le débat d’orientation budgétaire en débat d’orientation des finances publiques, suivi d’un vote. Il s’agit d’une avancée importante. En tout cas, il est incontestable qu’un grand débat parlementaire renforcera la voix de la France dans le concert européen. Au travers de la représentation nationale, c’est l’opinion publique dans son ensemble qui sera informée des positions que défendra l’exécutif au nom de la France. Nous devrons définir les modalités adéquates d’association du Parlement aux engagements européens de la France, le mois d’avril devenant, à l’échelle de l’Europe, un nouveau rendez-vous en matière de finances publiques.

Comme le veut la tradition, votre institution, mesdames, messieurs les sénateurs, est chaque année le lieu d’un débat d’importance sur les prélèvements obligatoires. Je souhaiterais maintenant évoquer la stratégie du Gouvernement dans ce domaine.

Pour réduire le déficit public, nous pouvions soit augmenter les prélèvements obligatoires, soit baisser les dépenses publiques. Je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, le choix du Gouvernement est très clair : il est absolument exclu d’augmenter les impôts, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, cela correspond à la volonté exprimée par le Président de la République depuis 2007.

Mme Nicole Bricq. C’est la pensée magique !

M. François Baroin, ministre. Le candidat Nicolas Sarkozy avait pris des engagements à cet égard devant les Français. Une fois élu, il est lié par ces engagements, et il n’augmentera donc pas les impôts jusqu’en 2012. Le Gouvernement respectera naturellement ce contrat moral passé avec les Français. Nous refusons une telle facilité, d’autant qu’il existe de véritables marges de manœuvre en matière de baisse des dépenses publiques.

Ensuite, il s’agit d’un choix économique. À l’échelon mondial, la France a le triste privilège d’appartenir au peloton de tête en termes de niveau de prélèvements obligatoires, et il serait irresponsable d’alourdir encore ceux-ci. L’augmentation des impôts nuirait à la reprise économique, alors que notre modèle de croissance est en grande partie fondé sur la consommation, qui se nourrit de la confiance des ménages et des entreprises. Ne pas augmenter les impôts, c’est donc soutenir la croissance.

Soyez-en assurés, nous n’augmenterons ni l’impôt sur le revenu, ni l’impôt sur les sociétés, ni la TVA, ni la contribution sociale généralisée, ni la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On en reparlera…

M. Yves Daudigny. Il faut vous mettre d’accord avec votre majorité, monsieur le ministre !

M. François Baroin, ministre. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer hier encore devant la commission des affaires sociales, monsieur Vasselle !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous y reviendrons !

M. François Baroin, ministre. Par ailleurs, notre système fiscal est la résultante d’une histoire et le lieu de particularités. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de le réformer.

Nombreux sont ceux parmi vous qui ont appelé à la suppression concomitante du bouclier fiscal et de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. François Baroin, ministre. D’autres encore proposent de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu. Les idées ne manquent donc pas pour un « grand soir » fiscal !

Pour ma part, j’estime que l’on ne peut pas mener à la hâte une réforme sur un sujet aussi important. Je l’ai déjà souligné à maintes reprises ces dernières semaines. Pour réformer en profondeur notre fiscalité, pour dégager un consensus, nous devons prendre le temps de l’analyse et du débat. La fiscalité est un sujet essentiel, qui se trouve au fondement même de notre pacte social. Nous devrons, dans cette réflexion, tenir compte des pratiques de nos voisins européens, tout simplement parce que nous vivons dans une économie ouverte et que notre compétitivité est étroitement liée à celle de nos partenaires.

Le Président de la République et la Chancelière allemande ont lancé récemment, dans cette perspective, une large réflexion sur la convergence fiscale franco-allemande.

Nous engagerons également une réflexion sur les prélèvements obligatoires. Celle-ci est souhaitée par le Président de la République, qui a annoncé un débat sur la réforme de la fiscalité du patrimoine au cours du premier semestre de 2011. Ce débat, je le réaffirme devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a vocation à déboucher sur une loi de finances rectificative au début de l’été 2011.

Une bonne réforme fiscale devra à la fois respecter le principe naturel d’équité et permettre d’améliorer notre compétitivité économique. À condition d’atteindre ce double objectif, elle sera juste et acceptée par tous.

M. François Marc. Il faut faire un Grenelle !

M. François Baroin, ministre. Je pourrais évoquer, à cet instant, la question du caractère proportionnel de la CSG, celles de la progressivité de l’impôt sur le revenu et du rendement de ce dernier, qui ne produit que 50 milliards d’euros dans un grand pays comme la France, ou encore le fait qu’il n’est acquitté que par 15 millions de foyers fiscaux sur 36 millions, 43 % de la charge étant supporté par 500 000 foyers fiscaux seulement : c’est dire l’ampleur de l’effort de redistribution consenti en faveur des plus fragiles de nos concitoyens. Que l’on cesse donc de s’en prendre à un modèle social qui permet une telle redistribution et donnons-nous les moyens de protéger l’État-providence à la française, en le faisant évoluer pour imprimer à notre économie une nouvelle impulsion. À cet égard, la convergence franco-allemande devrait être une source de réflexion pour nous tous.

Je profite de ce débat sur les prélèvements obligatoires pour aborder un dernier sujet lié à la réforme de la fiscalité directe locale et qui, me semble-t-il, vous tient particulièrement à cœur, mesdames, messieurs les sénateurs : l’incidence de la réforme de la taxe professionnelle sur la taxe d’habitation.

Vous êtes nombreux à m’avoir interpellé sur ce thème important : je pense en particulier à M. Longuet, à Mme Des Esgaulx, à MM. Gournac, Arthuis et Marini.

Dans le cadre de la « clause de revoyure » de la réforme de la taxe professionnelle prévue dans la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement présentera dans quelques jours à l’Assemblée nationale un amendement visant à neutraliser la totalité des effets induits de la réforme de la taxe professionnelle sur la taxe d’habitation, qu’il s’agisse des abattements ou des valeurs locatives servant au calcul de cette taxe.

Nous souhaitons, grâce à cet amendement, aboutir à une situation qui soit neutre pour les ménages et les communes en matière de taxe d’habitation, avant et après la réforme de la taxe professionnelle. Le Gouvernement s’y était engagé, il tiendra parole, je tiens à vous l’assurer dès aujourd’hui.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation de ce projet de loi de programmation est l’occasion, pour le Gouvernement, de réaffirmer sa volonté de redresser durablement les finances publiques de notre pays. Nos objectifs de réduction du déficit public sont ambitieux ; nous sommes totalement déterminés à les respecter. Il y va de l’avenir de notre pays et de notre crédibilité internationale et européenne.

Concernant les prélèvements obligatoires, vous l’aurez compris, le Gouvernement s’est engagé à conduire une réflexion plus globale sur notre système fiscal. C’est un rendez-vous d’importance, pour lequel il sait pouvoir compter sur la participation de chacun d’entre vous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’exprimer quelques préoccupations ou de formuler certaines observations sur le fond, je ferai part de considérations de méthode et d’organisation.

Ce débat sur les prélèvements obligatoires s’inscrit dans le cadre de l’application de la loi organique relative aux lois de finances, dont nous fêterons dans quelques mois le dixième anniversaire, et plus précisément de l’article 52 de celle-ci. À l’époque de l’élaboration de cette loi organique, la commission des finances et la commission des affaires sociales du Sénat avaient conjointement manifesté la volonté que soit porté un éclairage global sur les recettes de l’État et de la sécurité sociale avant que ne commence le processus budgétaire annuel.

Année après année, nous constatons qu’il n’est plus possible de se forger une opinion sur nos finances publiques sans examiner parallèlement, avec une exigence identique, les deux lois financières annuelles. C’est pourquoi le groupe de travail présidé par Michel Camdessus avait notamment suggéré de rapprocher les parties recettes de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Si nous n’en sommes pas encore là, monsieur le ministre, nous y viendrons un jour, à n’en point douter.

Par ailleurs, l’article 50 de la loi organique Lambert-Migaud, si je puis l’appeler ainsi, prévoyait, pour la première fois dans notre législation, le principe d’une programmation pluriannuelle des finances publiques.

Nous voici donc parvenus au rendez-vous de la cohérence entre notre langage externe, nos engagements à l’égard de l’Union européenne, d’une part, et notre langage interne, c'est-à-dire les textes que nous votons et qui sont censés organiser le financement de nos services publics, d’autre part.

Cette excellente loi organique relative aux lois de finances, jalon utile, apparaît très nettement dépassée au regard de l’évolution des choses. À cet égard, la crise économique et financière, véritable accélérateur, lui a donné un réel coup de vieux.

Le principe de l’élaboration de lois de programmation des finances publiques a été inscrit dans la Constitution lors de la révision de 2008. Celle que nous examinons aujourd’hui est la seconde de la série, et j’espère, pour ma part, qu’il n’y en aura pas une troisième ; plus exactement, je forme le vœu que cette future troisième loi de programmation des finances publiques soit une véritable loi-cadre pluriannuelle, dont la force juridique soit supérieure à celle des lois financières annuelles.

Pour servir la crédibilité de notre trajectoire de redressement de nos finances publiques, nous avons réellement besoin d’outils contraignants. M. le ministre a rappelé l’ampleur des efforts indispensables. Ce matin, en commission des finances, nous avons examiné les perspectives d’évolution des charges financières dans les années à venir, à commencer par l’année 2011. Jusqu’à présent, ces charges financières –intérêts et remboursement de la dette – fluctuaient entre 35 milliards et 40 milliards d’euros ; d’ici peu, dans un délai de deux ans, elles devraient atteindre environ 55 milliards d’euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces chiffres nous font prendre la mesure des efforts qu’il nous reste à accomplir.

Mes chers collègues, quand nous observons la courbe du déficit primaire, lequel, selon le présent projet de loi de programmation des finances publiques, ne devrait être totalement réduit qu’à la fin de l’année 2013, au moment même où nous respecterions la norme des 3 %, nous mesurons à quel point l’ampleur de notre dette et les taux d’intérêt potentiellement élevés qui pourraient assortir celle-ci détermineront nos comportements politiques et l’avenir à moyen terme de notre pays. Que nous le voulions ou non, ces chiffres s’imposent et s’imposeront à nous ; dès 2011, nous devrons faire des efforts structurels très significatifs pour être crédibles dans notre volonté affichée de respecter les critères de convergence.

Monsieur le ministre, la commission des finances a vraiment joué le jeu. Voilà quelques mois, M. Arthuis et moi-même nous sommes passionnés pour les travaux du groupe de réflexion présidé par M. Camdessus (M. le président de la commission des finances acquiesce), tant et si bien que nous lui avons adressé une contribution écrite, qui figure en annexe de notre rapport sur le présent projet de loi de programmation. Au-delà des enjeux juridiques, nous avons posé deux règles : la règle de sincérité, d’une part ; la règle de responsabilité, d’autre part.

Par « règle de sincérité », nous entendons la nécessité de bâtir les trajectoires en fonction d’hypothèses économiques prudentes.

Mme Nicole Bricq. C’est raté !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne doute pas que vous souscriviez à cette règle, ma chère collègue !

Par « règle de responsabilité », nous voulons signifier que les gouvernements ne doivent être tenus pour responsables que de ce dont ils ont la maîtrise : le niveau des dépenses, qu’elles soient budgétaires ou fiscales, et les mesures nouvelles en recettes.

Pour que l’esprit de cette règle de responsabilité soit bien respecté, un dispositif constitutionnel est nécessaire. Ainsi, le Conseil constitutionnel lui-même pourrait un jour être le gardien du bon ordre des choses en matière budgétaire ; en particulier, il pourrait contrôler la conformité des lois financières annuelles à une loi-cadre pluriannuelle relative aux finances publiques.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, va assurément dans le bon sens, mais bien des conditions sous-tendent encore les raisonnements que nous pouvons faire en la matière.

Tout d’abord, il est nécessaire que la loi de programmation pluriannuelle soit intelligible et puisse être comprise par tout lecteur attentif. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que les normes de dépenses, à l’exception de celles qui sont relatives à la sécurité sociale, soient exprimées en milliards d’euros constants sur une base annuelle, plutôt qu’en pourcentages d’augmentation moyens sur une séquence pluriannuelle. Comme le disait mon excellent prédécesseur Alain Lambert, je ne vais pas faire mes courses avec des millièmes de point de produit intérieur brut ! C’est pourquoi la commission des finances a adopté plusieurs amendements tendant à exprimer les normes de dépenses en milliards d’euros constants sur une base annuelle. Je vous sais gré, monsieur le ministre, de les avoir acceptés, car ils permettent de clarifier le texte et de le rendre plus opérant.

De la même façon, nous saluons votre initiative d’interdire enfin aux opérateurs de l’État de recourir à l’emprunt ; nous avons considéré que cette logique devait être poussée jusqu’à son terme, c’est-à-dire que cette règle devait être permanente.

Mais, bien entendu, l’édifice que nous nous efforçons de bâtir – avec un maximum de dépenses pour l’ensemble des administrations publiques d’un côté, un minimum de recettes de l’autre – ne tiendra et ne sera harmonieux que si tous les acteurs jouent bien leur rôle.

Jusqu’à la révision constitutionnelle, le respect de la trajectoire reposera sur l’autodiscipline. En ce qui concerne les crédits des missions pour 2011, il importe déjà, monsieur le ministre, que vous vous montriez totalement convaincant à l’égard de vos collègues, que les gestionnaires ministériels de ces crédits s’approprient, en quelque sorte, la loi de programmation, et qu’ils la considèrent comme étant véritablement de portée contraignante.

C’est là qu’intervient aussi le contexte économique. Comme vous le savez, pour la commission des finances, le taux de croissance ne se proclame pas. C’est une conviction que nous affirmons de longue date. Le taux de croissance s’observe une fois que l’année est passée, d’où notre souci de prudence. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’un scénario alternatif, bâti sur la base du taux de croissance potentiel de l’économie – 2 % par an –, puisse permettre de mieux concrétiser le raisonnement sous-tendant la loi de programmation pluriannuelle.

J’ai compris, monsieur le ministre, et nous reviendrons sur ce point à l’occasion de l’examen de votre amendement, que vous acceptiez le principe d’un tel scénario alternatif. Pour vous, l’obligation essentielle est de ramener le déficit public à 3 % du PIB, et, dans l’hypothèse où les circonstances économiques et la croissance seraient un peu ou sensiblement moins favorables, des efforts supplémentaires seraient faits, à hauteur d’un volume annuel de 4 milliards à 6 milliards d’euros, par réduction des dépenses fiscales et des niches sociales. Par ailleurs, vous nous avez indiqué que vous seriez attentif aux effets éventuels de la situation de l’emploi sur d’autres paramètres, par exemple sur le déséquilibre financier du régime de l’assurance chômage.

L’amendement que vous exposerez tout à l’heure montre que nous nous rencontrons dans le raisonnement, même si ce n’est pas dans la présentation du dispositif même de la loi. Cela nous permet de constater, de notre côté aussi, que le dialogue est particulièrement fructueux.

M. François Baroin, ministre. Et que nous croyons à nos prévisions de croissance !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas un acte de foi !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument ! Mais si les prévisions doivent être révisées, toutes conséquences en seront tirées, nous dites-vous, monsieur le ministre, sachant que l’impératif a été fixé à 3 % non pas pour le plaisir de respecter un engagement international, mais en fonction de l’analyse que nous faisons des risques financiers pesant sur nous, ainsi que de l’objectif que nous nous sommes assigné de supprimer le déficit primaire, et donc de mettre fin à l’augmentation de la dette, en 2013, ce qui est une échéance encore assez lointaine. Ne l’oublions pas, mes chers collègues : quand on parle de ramener le déficit public à 3 % du PIB, il s’agit non pas de satisfaire une bureaucratie anonyme, mais tout simplement de faire en sorte que le capital de la dette n’augmente plus, ni plus, ni moins !

J’en termine avec cette question du programme de stabilité. Nous le savons bien, cette séquence pluriannuelle émanant de l’exécutif et de ses services qui doit, dorénavant, être explicitée au printemps dans le cadre de la nouvelle procédure dite du « semestre européen », sera transmise au Parlement. Pour nous, il ne s’agit pas d’une information, ni d’une vague association ; il s’agit de partager la responsabilité des chiffres, et on ne peut le faire qu’après débat et vote, car une assemblée parlementaire ne sait pas faire autre chose que débattre et voter ! Ce n’est pas un colloque, ni un lieu de recherche universitaire ; c’est un lieu où l’on prend des responsabilités, et l’on ne peut le faire que par un vote.

Bien entendu, l’imagination est grande en matière de procédure parlementaire. Il existe, notamment depuis la dernière révision constitutionnelle, des modalités permettant à un tel vote de s’exprimer de manière claire, sans, pour autant, que l’on doive s’astreindre à tout le formalisme de la loi, ce qui, je vous l’accorde, ne serait pas possible dans le laps de temps imparti.

Mes chers collègues, la période que nous allons vivre d’ici à la fin de l’année avec l’examen des textes financiers nous permettra certainement de mieux prendre la mesure des efforts qui nous sont proposés, de nous convaincre de la nécessité de ne pas diverger par rapport à la trajectoire qui est tracée et de mettre en lumière le fait que notre pays ne pourra vraiment peser en Europe – et ce à un moment décisif pour la définition de la politique économique et monétaire de l’Union européenne – que s’il apparaît que toute son énergie est vraiment rassemblée, ramassée pour réduire les déséquilibres actuels. C’est une question, en effet, d’indépendance – vous l’avez dit, monsieur le ministre, et il ne faut pas hésiter à le répéter –, en même temps que de confiance dans les perspectives économiques qui sont devant nous. Avec un tel déficit et une telle dette, la confiance, bien sûr, est difficile à obtenir, mais c’est des efforts que vous menez qu’elle pourra sans doute naître ou renaître. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre séance d’aujourd’hui est le lever de rideau des débats annuels sur les textes financiers. C’est une étape que la commission des affaires sociales estime essentielle, car elle fournit un cadre indispensable à nos prises de position des prochaines semaines.

Je rappelle que c’est la deuxième fois que nous examinons un projet de loi de programmation des finances publiques, mais sans doute la première que l’exercice se fait d’une manière aussi approfondie.

En effet, notre première expérience était arrivée de manière un peu précipitée, quelques semaines seulement après le vote de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a institué cette nouvelle catégorie de lois, et, surtout, au moment même de la survenue de la crise financière qui a bouleversé tous les équilibres.

Ce deuxième exercice de programmation des finances publiques s’inscrit donc dans un contexte différent, celui de l’après-crise. C’est dans ce cadre que le Parlement est conduit à approuver, par un vote, la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques. C’est un réel progrès, car, auparavant, la stratégie était élaborée par le seul Gouvernement, à l’occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.

L’approche globale des comptes publics qu’autorise cette nouvelle catégorie de lois, en intégrant les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales dans un même ensemble et en les insérant dans une perspective pluriannuelle, constitue également une incontestable avancée.

Jusqu’alors, nous pouvions seulement discuter de l’évolution des prélèvements obligatoires, ce que nous avons fait l’année dernière à la même époque et que nous faisons à nouveau cette année, en même temps que nous examinons le présent projet de loi de programmation des finances publiques. C’était évidemment un exercice utile, car il permettait un débat d’ensemble, mais il ne concernait qu’un aspect du sujet, celui des recettes ; pour les dépenses, la réflexion était renvoyée à la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En matière sociale, toutefois, nous avions déjà un débat tel que celui que le Gouvernement nous propose aujourd’hui, puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être accompagné d’une annexe B comportant une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et pour l’ensemble des régimes obligatoires de base.

Au cours des derniers exercices, nous avons beaucoup critiqué cette annexe, que nous trouvions insuffisamment fournie. Aujourd’hui, s’il fallait dresser un bilan, je dirais que, malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections, l’annexe a l’incontestable mérite de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés du redressement des comptes.

Avec le présent projet de loi de programmation des finances publiques, nous disposons d’un outil plus complet encore et plus cohérent, d’un outil de bonne gouvernante qui manquait et que nombre d’entre nous appelaient d’ailleurs de leurs vœux. Il permet d’éclairer de façon plus lisible et transparente le débat public sur l’ensemble de nos finances, qui représentent environ la moitié de la richesse nationale.

Ce projet de loi n’est toutefois qu’une programmation. Cela signifie que les prérogatives du législateur financier et celles du législateur social sont préservées, de même que les domaines respectifs des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Cette situation pourrait toutefois évoluer si le Gouvernement retenait la proposition du rapport Camdessus de créer une nouvelle catégorie de lois. En effet, ce rapport préconise d’instituer des lois-cadres de programmation des finances publiques qui s’imposeraient juridiquement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais le Premier ministre a suggéré de lancer une consultation sur une éventuelle réforme en profondeur du pilotage des finances publiques, allant, pourquoi pas, jusqu’à l’introduction, dans la Constitution, d’une règle d’équilibre des finances publiques. Je sais que ce sujet a fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale, notamment d’interventions vigoureuses des députés centristes.

À l’évidence, ce débat nécessite une réflexion approfondie, et l’expérience des deux dernières années –singulièrement l’examen du premier projet de loi de programmation des finances publiques – doit, me semble-t-il, nous rendre particulièrement prudents en la matière.

La loi de programmation des finances publiques d’il y a deux ans a été votée dans un contexte très particulier : la crise financière venait de se déclarer, ses conséquences sur l’économie « réelle » étaient encore très incertaines, et la pertinence de l’exercice a très vite été remise en question.

La trajectoire prévue est donc devenue immédiatement caduque. Le Gouvernement ayant fait le choix, d’une part, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, et, d’autre part, de mettre en place un plan de relance significatif, les déficits et la dette publics se sont envolés vers des montants encore jamais atteints. Le Gouvernement et le Président de la République avaient-ils d’autres solutions ? Je n’en suis pas certain, d’ailleurs les chiffres nous montrent aujourd’hui que la situation tend à s’améliorer malgré tout.

Il importe désormais de remédier aux déséquilibres budgétaires et financiers considérables que connaît notre pays et de replacer nos comptes publics sur une trajectoire de désendettement à la fois crédible et efficace. L’exercice est naturellement bien plus complexe qu’il ne l’était voilà deux ans.

L’objectif affiché par le Président de la République lors des conférences nationales des finances publiques du printemps dernier et repris dans le dernier programme de stabilité présenté à nos partenaires européens est de réduire le déficit public à 3 % du produit intérieur brut en 2013.

À l’horizon de 2011, l’objectif considéré comme « majeur et intangible » est de ramener le déficit public à 6 % du PIB. Pour ce faire, le Gouvernement retient plusieurs principes.

D’abord, il estime que l’effort de redressement doit engager l’ensemble des administrations publiques : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales. C’est effectivement indispensable, mais, en ce qui concerne les collectivités territoriales, monsieur le ministre, si vous avez décidé de reconduire les niveaux de dotations des années antérieures, comment allez-vous procéder pour leur imposer de maîtriser l’évolution de leur fiscalité et de leur endettement, dans la mesure où la Constitution pose le principe de leur libre administration ? Peut-être allez-vous jouer sur les contraintes budgétaires ? J’attends votre réponse avec impatience, car cela risque d’être un peu compliqué…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Enfin, le Gouvernement juge nécessaire de développer des instruments de gouvernance des finances publiques qui, en particulier chez nos voisins européens, ont joué un rôle essentiel pour infléchir les tendances. C’est indispensable, et j’y reviendrai dans un instant en évoquant l’ONDAM.

Le rapport annexé au projet de loi, assez détaillé d’ailleurs, précise le contexte macroéconomique et les hypothèses retenues pour encadrer la programmation.

Pour ce qui est des finances sociales, objet de mon intervention, les principales hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont au nombre de trois.

La première hypothèse est que la croissance connaîtra un redressement d’abord progressif en 2010 et en 2011, avec des taux de 1,5 % et de 2 % respectivement, puis un peu plus dynamique à partir de 2012, avec un taux moyen de 2,5 % par an.

La deuxième hypothèse est que la masse salariale –élément qui détermine les trois quarts des recettes de la sécurité sociale – augmentera de 2 % en 2010, de 2,9 % en 2011 et de 4,5 % par an les trois années suivantes. Il s’agit là d’une prévision assez ambitieuse, et nous ne pouvons nous empêcher de considérer une telle hypothèse comme optimiste ou, pour le moins, très volontariste de la part du Gouvernement. Cela étant, si nous ne faisions pas preuve de volontarisme, comment pourrions-nous nous fixer des objectifs et plus encore tenter de les atteindre ? Nous nous efforcerons de vous aider dans cette tâche, monsieur le ministre.

La troisième hypothèse est que l’inflation hors tabac s’établira à 1,5 % en 2010 et en 2011, puis à 1,75 % les années suivantes.

Dans ce cadre, l’objectif de réduction du déficit public à 2 % du PIB en 2014 et, pour les seules administrations de sécurité sociale, à 0,5 % du PIB, est à l’évidence exigeant : cela signifie un solde d’environ 11 milliards à 12 milliards d’euros, soit une division par deux du déficit, aujourd’hui stabilisé aux alentours de 20 milliards d’euros.

La stratégie à suivre repose sur les éléments essentiels suivants.

Tout d’abord, il faudra faire des efforts pour accroître la maîtrise de la dépense. Un objectif chiffré de dépenses est fixé pour l’ensemble des régimes obligatoires. Il correspond à une croissance annuelle moyenne des dépenses de 3,3 %, inférieure en volume d’environ un point à celle du PIB. La réforme des retraites contribuera largement à ces efforts, mais je ne suis pas persuadé que cela soit suffisant. Cependant, là encore, sachons faire preuve de volontarisme !

Pour la branche maladie, conformément aux préconisations du rapport Briet, l’ONDAM est fixé à 2,9 % pour 2011, puis à 2,8 % pour 2012 et pour les années suivantes. Cet objectif est certes ambitieux, mais sans doute pas inatteignable, comme le montrent les résultats de 2010 : à la fin de l’année, l’ONDAM, qui avait été fixé à 3 %, devrait être respecté pour la première fois depuis 1997, mais au prix du gel d’un certain nombre de dépenses, à hauteur de pas moins de 450 millions d’euros.

Le PLFSS pour 2011 met en réserve 530 millions d’euros. Vous n’avez pu donner le détail de cette disposition devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, mais peut-être serez-vous en mesure de nous apporter quelques précisions aujourd’hui.

Pour parvenir à un ONDAM de 2,8 % en 2012, il faudra trouver chaque année au moins 2,3 milliards d’euros d’économies pour contenir la progression des dépenses de santé, dont l’évolution tendancielle, je vous le rappelle, est supérieure à 4 % par an.

Le rapport annexé au projet de loi fait état de la nécessité d’engager des réformes structurelles pluriannuelles, en améliorant les synergies entre les différents types de prise en charge – ambulatoire, hospitalière, médicosociale –, en modernisant les modes d’exercice des professionnels de santé, par l’extension des nouveaux modes de rémunération ou la promotion du contrat d’amélioration des pratiques individuelles, ou encore en améliorant l’efficience de l’hôpital. Sur ce dernier point, il reste beaucoup à faire !

Je suis également convaincu que l’on peut réaliser des économies dans ces différents domaines, car les marges d’efficience sont grandes. La Cour des comptes nous le rappelle d’ailleurs chaque année. Toutefois, lorsque les décisions sont prises, leur application est souvent lente, pour ne pas dire très lente… Je pense notamment ici à la convergence des tarifs entre l’hôpital public et le secteur privé, dont il est question depuis 2004 mais qui ne progresse que très lentement.

Pour les autres branches de la sécurité sociale, le rapport comporte peu d’indications, hormis l’affichage de la nécessité d’assainir les finances de la branche accidents du travail-maladies professionnelles afin de lui permettre d’élargir ses missions et de « l’impératif d’adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales ». Cela est bien flou, vous en conviendrez, monsieur le ministre. Le Gouvernement a encore des progrès à faire en matière de définition, dans le cadre de ses prévisions pluriannuelles, des éléments sur lesquels il entend s’appuyer pour mieux maîtriser les dépenses ou faire progresser les recettes, en vue d’assurer l’équilibre financier des différentes branches. En effet, comme nous aurons l’occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche famille a été particulièrement mise à mal par toutes les mesures qui ont été prises lors des réformes précédentes.

La sécurisation des recettes est un autre élément essentiel. Elle passe par une dynamique suffisante des ressources du régime général et par la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie de réduction des dispositifs d’exonération et d’exemption, c’est-à-dire des fameuses « niches sociales ».

Le projet de loi de programmation des finances publiques se fonde sur une progression annuelle de 4,1 % des produits du régime général. C’est là encore un objectif particulièrement exigeant, supérieur à ce qui a été enregistré les années précédentes. Il est directement lié à la croissance de la masse salariale. Or, un point de masse salariale en moins représente une perte de ressources d’environ 2 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Cela étant, on peut aussi atteindre cet objectif en veillant à limiter le développement des exemptions d’assiettes des exonérations de charges et de contributions sociales, c’est-à-dire en contenant la progression des « niches sociales ». Ces dernières représentent en effet des dizaines de milliards d’euros.

La commission des affaires sociales s’intéresse à cette question depuis plusieurs années. Nous avions ainsi proposé successivement, avant que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne s’emparent de ces idées, la taxation des stock-options ou l’instauration d’une flat tax, dénommée aujourd’hui forfait social. Nous avons également cherché à limiter le poids des exonérations de charges. Ainsi, l’année dernière, nous avions proposé une annualisation du calcul de ces allégements, suggestion à laquelle le Gouvernement a d’abord opposé une fin de non-recevoir.

Je relève une fois de plus que le Sénat est en avance sur son temps, puisque nos propositions, qui avaient d’ailleurs été relayées par la commission des finances, ont finalement été reprises par le Gouvernement, en ce qui concerne notamment l’annualisation des exonérations de charges, ou par l’Assemblée nationale, s’agissant de la taxation des stock-options !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement propose d’ailleurs maintenant de relever le taux de cette dernière, ce qui montre à nos collègues de l’opposition que, contrairement à leurs dires, le financement de la réforme des retraites repose aussi sur la fiscalité du patrimoine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela étant, il faut arrêter de faire croire à nos concitoyens que la taxation du patrimoine suffirait à financer les dizaines de milliards d’euros de déficits publics qui pèsent sur notre pays ! Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de celle du projet de loi de finances, nous démontrerons qu’il ne saurait en être ainsi ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas le sujet !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. De telles affirmations sont infondées ! C’est mentir aux Français que de leur laisser croire que la taxation du patrimoine serait une solution miraculeuse ! Vous soutenez cette thèse pour des raisons purement idéologiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Peut-être que si nous nous y mettons à deux, ils nous écouteront davantage !

M. Roland Courteau. Vous ne voulez pas écouter l’opposition !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je me réjouis des règles de bonne gouvernance et d’encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales prévues aux articles 9 et 9 bis du projet de loi de programmation.

L’article 10, quant à lui, reprend en fait l’idée de la clause de retour à meilleure fortune que j’avais développée lors de la discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, de manière à ne pas faire supporter aux générations futures le poids de la dette que nous avons créée.

S’agissant des autres articles, je ferai simplement valoir que la commission des affaires sociales attend avec impatience le bilan que le Gouvernement devra présenter sur l’évaluation de tous les dispositifs en vigueur.

En conclusion, je suis bien conscient que l’art de la prévision est difficile. J’en veux pour preuve les écarts constatés dans les projections d’une année à l’autre. Ainsi, il y a deux ans, le Gouvernement nous promettait, dans ses différents scénarios, un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2012.

M. Didier Guillaume. C’est raté !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Voilà un an, crise oblige, les prévisions quadriennales de l’annexe B envisageaient une tout autre situation, marquée par un déficit difficilement stabilisé autour de 30 milliards d’euros jusqu’en 2013 au moins. La prévision de cette année modifie à nouveau sensiblement cette projection, avec un déficit du régime général d’environ 20 milliards d’euros aujourd’hui, devant être ramené à quelque 15 milliards d’euros en 2014, soit la moitié de ce qui était annoncé il y a un an !

Sachons donc faire preuve d’humilité ! Que nos collègues de l’opposition ne se montrent pas trop critiques sur ces prévisions quadriennales, car s’ils étaient au pouvoir,…

M. Roland Courteau. C’est pour bientôt !

M. Didier Guillaume. Cela va arriver !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … ils se rendraient compte des limites de l’exercice. On peut être surpris à tout moment par une crise financière venant remettre en cause toutes les hypothèses de départ. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation des finances publiques n’est pas un texte anodin. Il est le point d’aboutissement d’une longue réflexion et nous permet, en quelque sorte, de dresser le bilan de dix ans de mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, de ses succès, mais aussi de ses insuffisances et, pourquoi ne pas le dire sans détour, de ses échecs. De ce point de vue, la commission des finances n’a pas seulement validé les orientations du texte du Gouvernement ; son ambition a aussi été d’en renforcer la portée.

En finir avec le double langage de la France à l’égard de ses partenaires ; adopter des outils crédibles de pilotage des finances publiques, en imposant notamment des normes de dépenses et de recettes exprimées en valeur et non plus seulement en volume ; donner enfin au Parlement toute la place qui lui revient dans le processus de décision budgétaire, lequel débute dorénavant dès l’élaboration du programme de stabilité que chaque État membre de l’Union doit transmettre à la Commission européenne : Philippe Marini a parfaitement exposé, avec le talent qu’on lui connaît,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … le corps de doctrine dont nous avons été, lui et moi, les avocats ardents dans le cadre des travaux du groupe de travail présidé par M. Camdessus.

Le Gouvernement devait reprendre ses travaux cet automne, avec pour horizon la nécessaire révision constitutionnelle qui formalisera une prise de conscience que je souhaite la plus consensuelle possible. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Votre texte de programmation, aussi défendable soit-il dans ses principes et dans ses finalités, n’est qu’une loi ordinaire et appelle, vous le savez, une refonte plus ambitieuse, qui conférera valeur organique aux règles de bonne gouvernance détaillées à l’instant par Philippe Marini.

Mettons fin, une fois pour toutes, à l’illusionnisme qui a trop souvent entaché notre approche des finances publiques. Gardons toujours présente à l’esprit l’obligation de défendre la crédibilité de notre pays à l’égard de ses partenaires, bien sûr, mais aussi des souscripteurs de notre dette souveraine.

Car la France a, plus que jamais, l’ardente obligation de trouver sa place au sein d’un monde de plus en plus ouvert. Dans ce contexte, notre premier devoir est de renforcer la compétitivité de notre économie, que la crise a soumise à rude épreuve. Mais nous devons le faire en respectant scrupuleusement l’objectif de justice fiscale qui est la condition indispensable de notre cohésion sociale et de la réussite de nos réformes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Notre débat de cet après-midi me donne ainsi l’occasion de rappeler les vœux que je forme pour une refonte, aussi profonde qu’indispensable, de l’architecture de nos prélèvements obligatoires.

Oserai-je le dire ? Depuis plusieurs mois, j’entends monter une « mélodie », ô combien douce à mes oreilles, qui fut d’abord lointaine mais se fait jour après jour plus distincte : nos compatriotes comprennent que, dans une économie mondialisée, tout impôt de production supplémentaire organise les délocalisations d’activité et d’emplois, et qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre prélèvements sur les ménages et prélèvements sur les entreprises, puisque l’on sait bien que toute taxation de l’activité économique se répercute toujours, tôt ou tard, sur le consommateur, et donc sur les ménages. Affirmer cela n’est certes pas très politiquement correct, mais faisons preuve de réalisme si nous voulons avoir quelques chances de réussite.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors oui, aujourd’hui plus que jamais, l’évidence s’impose, monsieur le ministre : la TVA sociale – je veux la nommer « TVA anti-délocalisations » – est l’outil dont nous avons besoin ! Si nous voulons rester compétitifs, il nous faut prolonger l’effort entrepris avec la suppression de la taxe professionnelle – même si une cotisation économique territoriale fondée sur la valeur ajoutée, et donc sur les salaires, l’a remplacée – et substituer aux prélèvements sur les facteurs de production un impôt de consommation qui placera enfin sur un pied d’égalité les importations et les produits nationaux. Pourquoi ajourner une fois encore ce débat ?

Dans un contexte marqué par un chômage endémique, une telle mesure est de nature à enrichir en emplois le contenu de la croissance, en favorisant les modes de production fortement consommateurs de travail. Les secteurs placés à l’abri de la concurrence et à forte intensité de main-d’œuvre devraient en profiter largement. Ceux qui sont exposés à la concurrence et affichent une forte sensibilité à la baisse du coût du travail pourraient gagner des parts de marché, tout en maintenant la localisation de leur production sur le territoire national.

Que l’on me permette d’affirmer qu’il serait possible de faire l’économie du coûteux crédit d’impôt-recherche – dont je persiste à penser qu’il n’empêche pas certaines délocalisations, car tous les travaux de recherche y ouvrant droit ne sont pas réalisés en France –, si l’on se décidait enfin à mettre en œuvre la TVA sociale ! L’allégement des charges sociales pesant sur les salaires des chercheurs réglerait la question.

Mais il n’est pas possible d’en rester là. Le pendant de l’objectif de compétitivité, je le disais à l’instant, c’est celui de justice. La fiscalité ne doit pas seulement être efficace ; elle doit être lisible et équitable, pour être acceptable et acceptée de tous.

Depuis deux ans, la commission des finances fixe donc le même rendez-vous au Gouvernement : celui du bouclier fiscal, qui demeure une mauvaise réponse apportée à un problème réel. La crise a rendu caduc cet instrument, et même si des progrès ont été réalisés l’année dernière dans la définition du revenu fiscal de référence, le compte n’y est pas.

M. Roland Courteau. Nous avions raison !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La Commission européenne vient de lui porter le coup de grâce en contestant sa conformité au droit communautaire. Le temps des « rafistolages » est terminé.

Je me réjouis, là encore, des inflexions entendues ces dernières semaines, notamment dans vos propos, monsieur le ministre, sur des évolutions possibles, pour ne pas dire souhaitables. Mais il faudra aller jusqu’au bout !

Vous connaissez nos propositions sur le « triptyque », devenu entre-temps la « tétralogie » : suppression de l’ISF et du bouclier fiscal – celui-ci étant une mauvaise réponse à un mauvais impôt, qu’il faut abroger lui aussi –, institution d’une nouvelle tranche d’imposition dans le barème de l’impôt sur le revenu – revenu du patrimoine lorsque celui-ci atteint un certain niveau, et non plus simplement revenu sur le travail –, hausse du barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières. Je pense également qu’une réflexion sur l’imposition des successions devrait utilement compléter ce tableau, en vue notamment de contribuer au financement du cinquième risque, à savoir la dépendance.

J’ai bien entendu que le Gouvernement souhaitait organiser un débat approfondi sur le sujet au premier semestre de l’année prochaine. Je ne vois pour ma part aucun inconvénient, et je sais être soutenu sur ce point par M. le rapporteur général, à ce que ce débat, qui n’a jamais cessé, reprenne dès l’examen du projet de loi de finances pour 2011…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne pense pas trop m’avancer en prédisant qu’un amendement déposé par la commission des finances viendra ainsi opportunément animer nos discussions de la fin du mois !

Il faut refonder le pacte républicain sur l’impôt et permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Le Président de la République a également évoqué la nécessaire convergence avec l’Allemagne. Les membres du bureau de la commission des finances ont pu s’entretenir, hier après-midi, avec son ministre fédéral des finances, Wolfgang Schäuble. J’ai la certitude que nos propositions seront une contribution utile à la recherche des solutions que nous devrons mettre en œuvre au cours des prochaines années. Du moins ferai-je tout pour qu’il en soit ainsi.

Ma conviction, monsieur le ministre, est que la situation est suffisamment alarmante pour que l’on n’ajourne plus les réformes attendues. Vous le savez bien, l’objectif n’est pas de limiter le déficit à 3 % du PIB ; il est d’équilibrer les finances publiques. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous avons cet après-midi trois débats en un : la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, un débat sur les prélèvements obligatoires et un autre sur l’endettement. J’ajoute que M. le rapporteur général de la commission des finances nous a présenté ce matin le projet de loi de finances pour 2011 et que nous suivons les travaux de nos collègues députés.

La programmation des finances publiques se construit dans un contexte contraint, sous la double pression de règles élaborées par le groupe Van Rompuy et, surtout, des marchés financiers.

La France s’est donc engagée à ramener son déficit public à 3 % du PIB en un temps record. La trajectoire annoncée la conduirait même à réduire ce déficit à 2 % du PIB en 2014.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est plutôt bien !

Mme Nicole Bricq. Cet objectif est irréaliste, compte tenu du contexte macroéconomique, et la commission des finances du Sénat l’a revu dans le texte qu’elle a élaboré, aujourd’hui soumis à notre examen et assorti d’un amendement-miroir du Gouvernement.

La commission des finances a bâti une trajectoire en fonction d’une hypothèse de croissance ramenée à 2 % à partir de 2012 et d’un retour à l’équilibre budgétaire en 2014, et non plus en 2013. Elle s’est ainsi rapprochée du taux de croissance potentielle, estimé, dans l’annexe au projet de loi, à 1,8 %, mais, à notre sens, elle est sans doute encore trop optimiste ! Le choc d’une crise comme celle que nous venons de connaître ne s’amortit pas en si peu d’années, et il entame aussi la croissance potentielle.

Je rappelle en outre que, en matière d’emploi, les derniers chiffres publiés ne sont pas bons. Mais j’observe que le Gouvernement occulte régulièrement le problème du chômage dans ses prévisions.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous vous réjouissez que ces chiffres ne soient pas bons ?

Mme Nicole Bricq. Je ne m’en réjouis pas du tout, mais vous avez parlé d’une épreuve de vérité. Il faut donc mettre tous les chiffres sur la table ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Il serait sans doute plus raisonnable de se fonder sur des hypothèses encore plus prudentes, car l’horizon européen s’assombrit et la multiplication des plans de rigueur pèse sur la croissance et l’emploi.

M. Jacky Le Menn. C’est la réalité !

Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, messieurs le président et le rapporteur général de la commission des finances, cela n’enlève rien à la pertinence de la question qui a été posée par la majorité sénatoriale au Gouvernement : à quels ajustements procédera-t-il si la croissance s’avérait plus faible que prévu ? Déciderait-il une hausse des impôts, une nouvelle compression des dépenses, ou les deux ?

La réponse du Gouvernement, au travers de son amendement, relève de l’habileté : si la croissance n’était pas au rendez-vous, il réduirait les fameuses niches fiscales – ce qu’il ne considère pas comme une augmentation d’impôts, j’y reviendrai –, jusqu’à concurrence de 12 milliards d’euros.

La trajectoire annoncée est irréaliste et totalement insincère : il s’agit plus d’un affichage que d’une programmation fondée sur une politique économique orientée vers la création d’emplois et sur une politique fiscale efficace et juste. Si la situation n’était pas aussi grave, on pourrait trouver cocasse d’entendre le Président de la République se déclarer partisan, aux côtés de la Chancelière allemande, de sanctions sévères à l’encontre des pays qui manqueraient à leurs engagements, alors même que la France est dans ce cas…

M. Roland Courteau. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq. Du reste, comment la majorité elle-même pourrait-elle croire à la sincérité du Gouvernement, dans la mesure où celui-ci s’est empressé de ne pas respecter la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 qu’elle avait adoptée ? Le groupe socialiste, pour sa part, n’a cessé, de budget en budget, particulièrement depuis 2007, de dénoncer une politique aventureuse, qui a conduit à une explosion des déficits et de la dette publics, ainsi qu’à un fort accroissement du taux de chômage, désormais proche de 10 %.

Certes, il y a l’effet de la crise, nous ne le nions pas, mais il n’explique qu’en partie la situation actuelle. Je rappelle que, dans son rapport préliminaire au débat d’orientation budgétaire, la Cour des comptes relève que le déficit structurel représentait déjà 3,7 points de PIB en 2007.

Vous vous étiez engagés, lors de l’examen du précédent projet de loi de programmation des finances publiques, à respecter deux règles.

La première consistait à gager toute dépense fiscale nouvelle ; vous ne l’avez pas fait quand vous avez réduit à 5,5 % le taux de la TVA pour la restauration.

La seconde prévoyait que tout surplus de recettes soit affecté au désendettement ; vous ne l’avez pas respectée non plus.

Maintenant, vous voulez imposer une nouvelle règle, celle du « zéro valeur » hors charges de la dette et des pensions. Eh bien, nous ne croyons pas davantage que vous la respecterez !

M. Jacky Le Menn. En effet, nous sommes incrédules !

Mme Nicole Bricq. Je pourrais également évoquer la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES : c’est l’horreur absolue ! Vous vous asseyez sur la loi organique et vous chargez la barque pour les générations futures, alors que vous nous avez raconté pendant trois semaines qu’il s’agissait de préserver le régime de retraite par répartition à leur profit.

M. François Marc. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Vous avez bâti votre trajectoire en regardant dans le rétroviseur, c’est-à-dire en vous fondant sur le taux de croissance du troisième trimestre de 2009. Mais si la consommation a résisté jusqu’à présent dans notre pays, qu’en sera-t-il lorsque le pouvoir d’achat sera affecté, par exemple par le gel des salaires des fonctionnaires ? On estime que la consommation diminuerait de 7 % à 10 % pour cette seule catégorie. Qu’arrivera-t-il quand le chômage croîtra du fait de la baisse du nombre des contrats aidés programmée dans le projet de loi de finances pour 2011 ? Qu’en sera-t-il de l’investissement public quand les collectivités locales, mises à la diète alors qu’elles ne sont pas responsables des déficits accumulés, réduiront leurs engagements ? Dans nos départements, l’environnement économique actuel suscite une forte inquiétude parmi les entreprises du BTP.

Vous répétez à l’envi que vous allez faire des économies sans augmenter les impôts, monsieur le ministre.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En réduisant les dépenses fiscales !

Mme Nicole Bricq. Pourtant, vous ne pouvez pas ignorer que, dès 2011, ils s’accroîtront de 11 milliards d’euros ! Vous affirmez qu’il n’y aura pas d’augmentation généralisée des impôts, mais vous vous apprêtez à relever le taux de TVA sur les offres triple play, or les opérateurs ont déjà annoncé qu’ils répercuteraient intégralement cette mesure sur les consommateurs ! De quoi s’agit-il là, sinon d’une hausse des prélèvements ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pensez-vous qu’il ne faille pas le faire ?

Mme Nicole Bricq. Dans le même temps, car il faut bien préparer l’échéance électorale de 2012,…

Mme Nicole Bricq. … vous agitez devant votre majorité le hochet du bouclier fiscal – la Commission européenne vient à votre secours sur ce point – et de l’ISF,…

M. François Baroin, ministre. La Commission européenne a ciblé l’ISF, pas le bouclier fiscal !

Mme Nicole Bricq. … ainsi que celui de la TVA dite « sociale », par euphémisme, au moment même où la consommation va fléchir. Très franchement, il me semble que vous vous trompez.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avez-vous d’autres solutions ?

Mme Nicole Bricq. Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale avait également évoqué cette piste, mais il s’agit d’une erreur absolue sur le plan économique, à l’heure où vous prétendez vouloir soutenir la consommation et l’emploi. Nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que proposez-vous au juste ?

Mme Nicole Bricq. Au demeurant, vous avez fait du niveau des prélèvements obligatoires un dogme, alors que le groupe socialiste a toujours considéré cet indicateur comme peu fiable lorsqu’il s’agit d’établir des comparaisons avec les autres pays développés. En effet, les conventions comptables, tout comme l’organisation des entreprises, diffèrent d’un pays à l’autre. Cette notion, dont la Cour des comptes avait d’ailleurs pointé les limites dans son rapport de 2008, n’est donc qu’un point de repère parmi d’autres. Le fétichisme du niveau des prélèvements obligatoires avait néanmoins conduit, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy à s’engager à l’abaisser de quatre points durant le quinquennat. Or il augmentera mécaniquement d’un point dès cette année et sera redevenu en 2012 ce qu’il était en 2007. Il s’agissait donc, encore une fois, d’une promesse fallacieuse.

M. Roland Courteau. Une de plus !

Mme Nicole Bricq. Quant à la dette, elle atteindra 1 748 milliards d’euros en 2011, soit une augmentation de 33 % depuis 2008. Les perspectives sont alarmantes, puisque le Gouvernement anticipe une progression de 30 % de la charge de la dette entre 2010 et 2013. Avec 47 milliards d’euros de crédits pour 2011, la mission « Engagements financiers de l’État » sera, en volume, la troisième du prochain budget. Ses crédits devraient atteindre 56,7 milliards d’euros en 2013, soit presque autant – j’insiste sur ce point – que ceux de la mission « Enseignement scolaire »…

Par ailleurs, l’endettement public devrait représenter 83 % du PIB en 2010, 87,4 % en 2012 et, selon M. le rapporteur général, 88,5 % en 2014, soit 30 % de plus qu’en 2008. Or nous savons bien que lorsque la dette publique avoisine 90 % du PIB, la croissance s’en trouve durablement atteinte.

J’ajoute que la dette publique est détenue à hauteur de 70 % par des investisseurs étrangers. Mon but n’est pas de vous faire peur, mes chers collègues, mais on ne peut écarter l’hypothèse que la dette devienne incontrôlable si les taux d’intérêt devaient remonter.

Le Gouvernement annonce une réduction historique du déficit en 2011. Il ne s’agit toutefois que d’un effet mécanique, lié à la non-reconduction des mesures exceptionnelles induites par le grand emprunt et le plan de relance. La hausse des charges de pensions, le gel des concours de l’État aux collectivités territoriales et l’introduction de nouvelles règles d’encadrement de la dépense publique contraindront le Gouvernement à réduire encore les dépenses s’il persiste à refuser toute augmentation des impôts. Les services publics s’en trouveront gravement affectés.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelles sont vos solutions ?

Mme Nicole Bricq. Quelles dépenses publiques le Gouvernement entend-il encore restreindre ? Il est vrai que, dans les faits, il augmente les impôts, contrairement à ses dires…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et vous, quels impôts voudriez-vous créer ?

Mme Nicole Bricq. Nous n’examinons pas aujourd’hui le projet de loi de finances, monsieur le rapporteur général. Nous en reparlerons le moment venu.

Dans sa trajectoire d’évolution des finances publiques, le Gouvernement table sur une remontée progressive des taux d’intérêt. Mais si ces derniers remontaient brusquement, notamment les taux à long terme, la charge de la dette deviendrait le premier poste budgétaire, devant l’enseignement scolaire.

Je rappelle que le rapport Cotis-Champsaur, publié en mai 2010, estimait que, sans les multiples baisses de prélèvements décidées depuis dix ans, le niveau de la dette publique serait inférieur de 20 points de PIB à ce qu’il est aujourd’hui, soit la bagatelle de 400 milliards d’euros ! On voit bien que la crise n’explique pas tout.

Nous ne nions pas la nécessité de consentir un effort pour réduire un déficit et une dette aussi élevés, monsieur le rapporteur général, mais les conditions de cet effort ont une importance décisive, et c’est sur ce point que nous nous différencions de vous : il doit être économiquement efficace et socialement juste, ce qui n’est le cas ni des mesures du projet de loi de programmation ni de celles du projet de loi de finances pour 2011.

Nous devons tout à la fois combattre les déficits…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Nicole Bricq. … et la langueur de la croissance, car une croissance faible, c’est moins de rentrées fiscales, et un déficit en hausse. Il faudrait donc maîtriser les dépenses, mais en faisant porter l’effort sur celles qui n’ont pas d’incidence sur la croissance.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est-à-dire ?

Mme Nicole Bricq. Or ce n’est pas ce que vous proposez.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On comprend votre raisonnement, mais on souhaiterait que vous indiquiez la marche à suivre…

Mme Nicole Bricq. Si vous m’aviez écoutée, vous auriez compris, monsieur le rapporteur général ! Je ne vais pas refaire la démonstration, mais je vais néanmoins vous donner une piste.

Plutôt que d’envisager d’augmenter la TVA dans une période où la consommation commence à faiblir, vous auriez pu, à tout le moins, examiner de plus près les allégements de charges consentis aux entreprises sans qu’ait été aucunement pris en considération leur degré d’exposition à la concurrence internationale.

Quant aux recettes, le Gouvernement se lance tardivement dans la chasse aux dépenses fiscales. Muni d’un mini-rabot, il exerce ses talents sans ligne de conduite, faute d’avoir évalué une à une, comme nous le demandions, les niches fiscales accumulées, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il faut dire qu’il est lié par les mesures prises en 2007 et même avant, car c’est le Gouvernement qui classe de manière purement arbitraire telle ou telle mesure dans la catégorie des niches fiscales.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. C’est ainsi que la majorité et le Gouvernement ont placé dans cette catégorie les indemnités journalières perçues par les accidentés du travail, comme si ceux-ci avaient choisi délibérément d’être accidentés (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste), ou pour la demi-part accordée aux parents isolés, comme si les personnes concernées, des femmes le plus souvent, avaient choisi de perdre leur conjoint ou de divorcer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est facile…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous aviez bien commencé, mais vous dérapez, madame Bricq !

Mme Nicole Bricq. En revanche, vous ne considérez plus la trop célèbre niche Copé comme une niche fiscale. Vous l’avez déclassée !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle n’a jamais existé ! C’est un faux calcul !

M. François Baroin, ministre. Elle est virtuelle ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Tiens donc ! Trouvez-vous que 20 milliards d’euros soient une somme négligeable ?

Pour conclure, le rééquilibrage progressif de nos finances publiques passera par une habile combinaison de mesures portant les unes sur les dépenses, les autres sur les recettes, et suffisamment sélectives pour que soient écartés tous effets néfastes sur la croissance, la compétitivité et l’emploi. Ce dernier est l’objectif majeur, sa progression étant seule à même de réduire durablement le déficit tant de l’État que de la sécurité sociale.

Tel n’est pas le chemin que vous nous proposez. Vous menez la France dans une impasse ; permettez que l’on ne vous y suive pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre niveau d’endettement est actuellement proche de 80 % du PIB ; cette situation est à mes yeux extrêmement préoccupante.

Voilà bien longtemps, M. Fillon déclarait avoir hérité d’un pays en état de faillite. Dans ces conditions, il me semble que, au lieu de réduire les recettes et d’augmenter les dépenses, il convient plutôt d’essayer de ne pas augmenter les dépenses et d’accroître les recettes !

Certes, nous sommes confrontés aux conséquences d’une grave crise économique, mais celles-ci n’empêcheront pas nos voisins allemands, pour lesquels j’ai beaucoup d’admiration, de ramener leur déficit à 3 % du PIB d’ici à un an environ, tandis que le nôtre sera deux ou trois fois plus élevé…

Les orientations prises par le Président de la République sont donc en cause.

M. Roland Courteau. Vous allez vous faire mal voir !

M. Jean Louis Masson. Non seulement le Président de la République a fait de mauvais choix, mais, qui pis est, il s’est entêté. Ainsi, l’instauration du bouclier fiscal a été une gigantesque erreur ; quand on s’entête à ne pas vouloir le supprimer, il ne faut pas s’étonner que les Français descendent dans la rue !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean Louis Masson. La révolte d’un certain nombre de nos concitoyens contre la réforme des retraites ne s’explique pas seulement par le contenu même du texte ; c’est aussi un désaveu du Président de la République. (Marques d’approbations sur les travées du groupe socialiste.) Je pense pour ma part que l’on peut être de droite et bon gestionnaire, à l’instar de Mme Merkel. En revanche, je ne considère pas que les orientations du Président de la République correspondent à une bonne gestion. Là est le véritable problème !

M. Roland Courteau. Vous aggravez votre cas…

M. Jean Louis Masson. Manifestement, tout le monde doit faire des sacrifices, mais encore faut-il que ceux-ci soient répartis équitablement. Or les Français ne comprennent plus : on leur affirme que le bouclier fiscal a été conçu pour empêcher les grosses fortunes de fuir notre pays, puis ils apprennent par la presse que l’une des plus grandes bénéficiaires de ce dispositif place néanmoins son argent à l’étranger !

M. Jean Louis Masson. J’estime qu’il faut en finir une fois pour toutes avec ce dogme catastrophique selon lequel il faut réduire les impôts. Lorsque les caisses sont vides, il faut avoir le courage de réduire les dépenses et d’augmenter les recettes. Toute personne qui souhaite équilibrer son budget essaie d’augmenter ses revenus : selon la formule consacrée, elle travaille plus pour gagner plus !

M. Jean-Marc Todeschini. Et au final, elle gagne moins !

M. Jean Louis Masson. Si l’on veut réduire le déficit du budget de l’État, il faut absolument accroître les recettes.

En matière de finances sociales, la récente réforme des retraites et les mesures envisagées pour la sécurité sociale ne sont pas appropriées. Il aurait fallu, me semble-t-il, instaurer une retraite par points et unifier tous les régimes. Je suis certain que les Français l’auraient compris. Par ailleurs, si l’on veut équilibrer les comptes de la sécurité sociale, il est à mon avis impératif d’instaurer une TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Louis Masson. Je ne comprends pas que l’on n’engage pas une réflexion plus approfondie sur ce sujet important.

En matière de recettes, nous avons besoin d’une mesure phare, à savoir la suppression du bouclier fiscal et un plafonnement de toutes les niches fiscales par contribuable. Actuellement, on prévoit certes de réduire les niches fiscales, mais les professionnels de la réduction d’impôts trouveront toujours le moyen, tant qu’un tel plafonnement n’aura pas été institué, d’obtenir d’importants abattements sur leur impôt sur le revenu ou leur ISF, notamment en contrepartie d’investissements réalisés outre-mer. Seules des mesures de cet ordre permettront de donner à la France les moyens de rééquilibrer ses finances publiques.

Je souhaite donc vivement que l’on abandonne la politique anti-impôts menée depuis 2007. Des ressources fiscales sont nécessaires à tout État développé !

M. Roland Courteau. C’est pour bientôt !

M. Jean-Marc Todeschini. Il sait ce qu’il lui reste à faire en 2012 !

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les lois et les institutions sont comme des horloges : de temps en temps, il faut savoir les arrêter, les nettoyer, les huiler et les mettre à l’heure juste ». Lord Byron exprime par la poésie la tâche qui nous attend pour nos lois financières.

Crédibilité, stabilité, sincérité, responsabilité sont les principes qui doivent présider au débat d’aujourd’hui, qui, pour la première fois au Parlement, fusionne l’examen des prélèvements obligatoires et celui du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Je me réjouis de cette innovation de bon sens, qui offre une vision globale des perspectives en matière de finances publiques. Au mois de juillet dernier, pour la première fois aussi, le débat d’orientation des finances publiques a été soumis au vote du Parlement.

La réforme de la gouvernance des finances publiques est donc en marche. La crise mondiale qui a ébranlé les économies nationales a profondément détérioré nos finances publiques, déjà mal en point, sapé notre confiance, mais elle a aussi été un électrochoc pour les Français, qui ont pris conscience de la nécessité absolue de réformer, en particulier, la conduite des finances publiques.

Une bonne nouvelle malgré tout : le Crédit suisse a publié son premier rapport sur la richesse mondiale, qui montre que les économies de taille moyenne mais dynamiques, notamment celle de la France, tiennent le haut du classement en termes de richesse, que les Français figurent au quatrième rang pour la richesse patrimoniale et que les ménages de notre pays comptent parmi les moins endettés au monde. La France détient le quart de la richesse européenne.

« Crédibilité » me semble être le maître-mot de la réforme : crédibilité de notre pays aux yeux de nos partenaires européens, car il faut en finir avec le double langage du programme de stabilité, transmis à Bruxelles mais jamais appliqué ; crédibilité de notre détermination à respecter nos engagements, qui apparaissent comme une simple déclaration d’intentions, alors que les mêmes affirmations émanant de l’Allemagne sont jugées comme devant nécessairement entrer dans les faits ; crédibilité à l’égard des marchés internationaux et des agences de notation, pour qu’ils gardent confiance dans la soutenabilité de notre dette ; crédibilité de la classe politique à l’égard de nos concitoyens, à qui l’on demande des efforts financiers alors que l’État affiche toujours une dette record de quelque 1 600 milliards d’euros, soit près de 25 000 euros par Français !

C’est un effort structurel considérable que doivent faire les pouvoirs publics pour remédier à nos déficits chroniques et à notre dette abyssale, dont les intérêts sont handicapants, leur charge représentant le deuxième poste de dépenses de l’État après l’enseignement scolaire…

À la suite de la deuxième conférence sur les déficits, le Président de la République a mis en place un groupe de travail, présidé par M. Camdessus, visant à inscrire dans la Constitution le principe d’équilibre budgétaire. Le président et le rapporteur général de la commission des finances estiment que les discussions y ont été « exceptionnellement constructives » et fondées sur des « convictions opératoires ». Ils y ont apporté la réflexion de notre commission des finances, trop peu écoutée.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Certes !

M. Aymeri de Montesquiou. Reportez-vous, monsieur le ministre, aux interventions de nombre de ses membres, qui prônaient en vain hier des mesures prises aujourd’hui. Notre commission des finances prouve encore une fois son expertise et doit jouer un rôle décisif dans l’élaboration d’une doctrine nationale. Elle a notamment proposé deux principes fondamentaux : la règle de sincérité, posant que les trajectoires pluriannuelles doivent être bâties sur des hypothèses économiques prudentes et étayées ; la règle de responsabilité, prévoyant que l’exécutif doit assumer la responsabilité des mesures qu’il décide, qu’il s’agisse des dépenses ou des recettes.

La commission des finances propose, par exemple, que l’article 4 du présent projet de loi de programmation, qui est l’un des principaux dispositifs du texte, soit reformulé pour établir une norme d’augmentation des dépenses en valeur absolue et en euros constants, et non en pourcentage sur une base annuelle, car la rédaction antérieure rendait impossible le contrôle de l’application de cette mesure avant 2015 !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou. Cela fait très longtemps, monsieur le ministre, que nous le réclamons.

« Complexité » est, en revanche, un terme à bannir de la mise en œuvre de la réforme. Des pistes de simplification sont proposées tant par la commission des finances que par le rapport Camdessus.

La première concerne le rapprochement de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Je l’avais déjà évoquée lors du débat sur la gestion de la dette sociale.

La deuxième piste a trait à l’élaboration d’une norme contraignante de programmation des finances publiques avec des objectifs réalistes et crédibles, sans pour autant créer une « loi-cadre de programmation des finances publiques » en plus des trois documents de programmation uniquement indicatifs, mais en rationalisant le programme de stabilité, les lois de programmation pluriannuelles annexées au projet de loi de finances et la loi de programmation des finances publiques.

La troisième piste est d’instaurer le monopole des lois financières sur les mesures nouvelles en matière de prélèvements obligatoires.

La quatrième piste est de prendre en compte le rôle de la commission des finances du Sénat, plutôt que de créer un nouveau comité d’experts.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. La cinquième piste de simplification a trait à l’harmonisation des calendriers budgétaires européen et national, avec le « semestre européen ».

Enfin, la sixième piste vise à retenir un chiffrage en euros constants, et non en pourcentage.

La réforme de la gouvernance des finances publiques prend ainsi une ampleur constitutionnelle, ou à tout le moins organique, comme l’a rappelé M. le rapporteur général de la commission des finances, sur le modèle de celle qui a conduit à la LOLF, grâce à une entente entre la majorité et l’opposition, dans le respect de l’État et de l’intérêt général.

Je conclurai en me référant à Pierre Rosanvallon, qui, dans La myopie démocratique : comment y remédier ?, a montré les dangers d’une immédiateté rythmée par les élections et le manque de vision à long terme. Les questions très préoccupantes, tels les défis environnementaux et climatiques, doivent nous obliger à penser en termes nouveaux nos obligations à l’égard des générations futures. La gestion de nos finances publiques me semble relever exactement du même principe sur le long terme.

Monsieur le ministre, prouvez que le pouvoir et la volonté politique à long terme, s’ils doivent prendre en compte une opinion versatile, doivent savoir aussi lui opposer le temps. Je voterai ces deux textes qui amélioreront notre gouvernance des finances publiques et j’attends avec confiance et impatience la suite des réformes. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du présent projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 est, pour des raisons un peu particulières, imbriqué dans le débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement.

Que l’on me permette de pointer d’emblée quelques aspects pour le moins discutables de ce texte.

Nous avions débattu, en novembre 2008, voilà donc presque deux ans jour pour jour, d’un projet de loi du même ordre et qui, pour l’essentiel, participait des mêmes objectifs de maîtrise de la dépense publique et de réduction des déficits. Le dispositif de ce texte n’a pas supporté l’épreuve du temps – et surtout de l’aggravation de la crise financière –, et on peut légitimement penser qu’il en ira de même pour celui qui nous est soumis aujourd’hui.

Si la précédente loi de programmation concernait la législature en cours, le présent texte porte sur les années 2011 à 2014. Or, un rendez-vous essentiel nous attend au printemps de 2012 : en fonction de certains éléments de la situation politique d’aujourd’hui et de demain, il pourrait entraîner une modification des rapports de force politiques dans notre pays et, de fait, conduire à la conception et à la mise en œuvre de choix politiques différents de ceux qui prévalent actuellement. En effet, ce projet de loi de programmation n’est que la déclinaison française des choix politiques imposés par la bureaucratie bruxelloise, au nom de la course à l’euro fort.

Je formulerai maintenant quelques observations générales.

Tout d’abord, l’endettement des personnes morales de droit public, à commencer par l’État, a augmenté de manière particulièrement spectaculaire, et ce depuis 2007. Au-delà de la crise économique et de ses symptômes financiers de l’été 2008, le glissement de la dette publique n’a pas cessé depuis plus de vingt-cinq ans et n’a fait que s’accélérer ces derniers temps. À la fin de 2003, l’encours de la dette publique atteignait 788 milliards d’euros ; il est monté à 921 milliards d’euros à la fin de 2007 et il s’élevait, fin septembre 2010, à 1 223 milliards d’euros.

On constate donc bel et bien une forme d’accélération de la formation de la dette publique, allant de pair avec une mutation interne, puisque la part des bons du Trésor sur formules, éléments de court terme de la dette, dans l’ensemble de l’encours, est passée, entre fin 2007 et septembre 2010, de 79 milliards à 206 milliards d’euros. Mes chers collègues, cette évolution montre à l’évidence que, devant des problèmes récurrents de trésorerie, l’État se trouve contraint de faire fonctionner la coûteuse « planche à billets » que constituent les bons du Trésor, pour faire face aux exigences du quotidien. Nous pouvons d’ores et déjà en remercier les heureux concepteurs du système européen de banques centrales, qui ont adossé celui-ci à la perte, pour les États souverains, du droit d’émettre la monnaie.

De plus, circonstance aggravante pour votre politique, la part de la dette publique de l’État détenue par des non-résidents a fortement progressé, passant de 58,7 % de l’encours fin 2007 à 70,6 % fin juin 2010. Le produit « dette publique française » est donc fort intéressant pour les marchés financiers, même s’il faut sans doute se méfier des apparences, puisque les non-résidents sont, assez souvent, des filiales étrangères d’établissements bancaires et financiers français et que la langue maternelle de leurs clients est souvent celle de Molière !

Mais cette progression de la dette publique n’est qu’un des éléments du sujet. La dette n’est même, d’une certaine façon, que le miroir des errements du passé ; elle apparaît comme la démonstration que les choix politiques et fiscaux mis en œuvre depuis quelques décennies ont mené l’État, les collectivités territoriales et même la sécurité sociale aux plus grandes difficultés.

Si l’on appréhende la dette publique comme la somme cumulée des déficits budgétaires successifs, il faut donc revenir à la source de ces derniers.

Dans les milieux courtisans de l’Élysée, de Matignon, dans les bureaux de Bercy, dans les salons du MEDEF et les cénacles patronaux, la cause est entendue : les déficits publics sont engendrés par les dépenses publiques, par des dépenses d’administration excessives, par un trop grand nombre de fonctionnaires…

Toutefois, ce discours est passablement dépassé et il a déjà servi plus d’une fois. Mes chers collègues, je ne vous assénerai pas moult citations, tirées de je ne sais combien de discours des années passées, mais cela fait tant de fois que l’on nous ressort l’antienne de la réduction des dépenses publiques que nous sommes obligés de poser la question suivante : depuis très longtemps on nous affirme que la réduction des dépenses publiques entraînera celle des déficits publics, mais ceux-ci, comme la dette, continuent de croître et embellir ; dans ces conditions, ne faut-il pas considérer que ces mesures mènent au résultat exactement inverse de celui qui était annoncé au départ ?

En effet, ce n’est pas la première fois que l’on essaie de contraindre les dépenses publiques. Dois-je rappeler ici les termes de la loi de 1994, qui visait les mêmes objectifs que celle dont nous allons débattre et qui est devenue sans objet à la suite de l’adoption de la loi de finances rectificative de l’été 1995, constatant le creusement des déficits ? N’a-t-on pas, en 1993, réformé la dotation globale de fonctionnement pour geler les concours de l’État aux collectivités locales et créer ainsi les conditions d’une baisse de cette source de financement essentielle ? N’avez-vous pas procédé, depuis 2007 et durant la législature précédente, à des suppressions massives d’emplois publics, mettant ainsi en œuvre un véritable plan social inavoué, dont les effets sur la qualité du service rendu semblent plus évidents que les effets sur la situation des comptes ?

Vous souhaitez, au travers de ce projet de loi de programmation des finances publiques, aller encore plus loin en encadrant plus sévèrement les crédits affectés aux différentes missions budgétaires. Mais la question récurrente demeure, et nous vous la posons de nouveau : monsieur le ministre, pourquoi ces mesures, qui n’ont pas évité durant vingt-cinq ans le dérapage des finances publiques, seraient-elles, demain, plus efficaces qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent ?

Pourquoi devrions-nous croire le Gouvernement sur parole, alors que rien n’a jamais prouvé le bien-fondé des réductions de la dépense publique ?

À la vérité, il faut replacer la situation de la dette de l’État dans le contexte plus général de l’endettement des autres agents économiques.

En France, l’endettement public est une réalité, mais le niveau d’endettement atteint s’avère in fine moins important que celui de bien d’autres pays, notamment de nos pays voisins.

Ainsi, notre dette est plus faible que celle de la Belgique ; elle est d’un niveau assez comparable à celle de l’Allemagne ; elle est inférieure à celle du Royaume-Uni et très sensiblement plus faible que celle de l’Italie. Par ailleurs, elle est également inférieure à la dette publique des États-Unis, ainsi qu’à celle du Japon.

Mais, surtout, l’endettement des entreprises et des ménages demeure relativement plus faible qu’ailleurs, singulièrement dans des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis. Dans ces pays, l’endettement des ménages constitue, d’une certaine manière, le moteur de l’activité économique, mais aussi, comme nous l’avons vu avec la crise des subprimes, parfois la source des désordres de l’économie.

Ce décalage entre l’endettement public et l’endettement privé est peut-être, à la vérité, l’un des premiers éléments à prendre en compte.

En fait, cela fait une bonne vingtaine d’années que la situation des entreprises a connu, de manière générale, une profonde évolution, leurs besoins de financement étant sans cesse réduits au motif que des mesures fiscales et sociales diverses et variées les ont conduit à renforcer leur trésorerie.

Mais ne me faites pas dire que toutes les entreprises de notre pays sont logées à la même enseigne ! Il y a un monde entre les 146 milliards d’euros de trésorerie disponible des groupes du CAC 40 et les difficultés de crédit de nos artisans et de nos très petites entreprises, ainsi que l’a révélé l’aggravation de la crise financière de l’été 2008. Ces difficultés se sont matérialisées, si l’on peut dire, par le nombre élevé de faillites et de procédures collectives que nous avons pu observer durant l’année 2009.

Toutefois, se dégage bel et bien une tendance générale, celle du désendettement des entreprises dans un contexte d’aggravation du déficit de l’État.

Le lien entre l’amélioration de la trésorerie des entreprises et la détérioration continue des comptes publics est clairement établi.

Depuis 1985, nous avons progressivement diminué le taux de l’impôt sur les sociétés, qui est passé de 50 % à 33,33 % ; la taxe professionnelle a été encadrée, réformée, allégée, avant d’être supprimée ; et nous avons eu droit, singulièrement depuis 1993, à une succession ininterrompue de mesures visant à alléger les cotisations sociales des entreprises.

Or toutes ces politiques ont un coût, en termes non seulement de moins-values fiscales que l’État a dû supporter, mais également de recettes de compensation qu’il a fallu mobiliser pour les collectivités locales comme pour la sécurité sociale, et leurs effets n’ont pas été particulièrement évidents.

C’est l’emploi qui a motivé, au fil des années et des débats budgétaires, toutes les mesures qui ont été prises. Mais, en cette fin de l’année 2010, la situation de l’emploi est-elle globalement meilleure qu’elle ne l’était à la fin de l’année 1985, à une époque où la flexibilité de l’emploi, le temps partiel, la précarité n’avaient pas encore commis les ravages que nous connaissons aujourd’hui ? Et dire qu’une bonne partie des sommes que l’État dépense chaque année vise, notamment, à maintenir et à développer ces formes d’emplois atypiques et précaires ! Voilà qui constitue tout de même la quintessence du gaspillage des fonds publics !

Pour ce qui concerne l’endettement des ménages, notons que, malgré les efforts accomplis par le secteur bancaire pour contraindre nos compatriotes à recourir massivement au crédit pour faire face aux dépenses du quotidien comme à leurs investissements, nous conservons à la fois un taux d’épargne élevé et un endettement des ménages relativement faible.

Nul doute qu’il faille y voir là l’un des aspects positifs de notre pacte social, qui ne se matérialise pas nécessairement dans l’usage et l’abus de l’endettement pour accéder à la propriété. En dépit des attaques dont notre pacte social est l’objet et qui datent au moins depuis l’époque où l’on a baissé les impôts et les cotisations dues par les entreprises, nous continuons d’avoir un système de sécurité sociale permettant d’éviter au plus grand nombre de nos concitoyens d’avoir à s’endetter pour leur santé, pour assurer leurs vieux jours ou encore pour faire face à certaines dépenses couvertes par les prestations familiales.

S’attaquer comme vous le faites depuis 2007 – et comme vous avez l’intention de le faire encore avec ce projet de loi de programmation des finances publiques – aux dépenses sociales est risqué au regard des effets qui pourraient en résulter sur les ménages. En effet, le risque est réel de voir certaines familles ne pas réussir à faire face à certaines situations, ce qui creusera, de fait, des inégalités en matière d’accès aux soins, à la culture, aux loisirs, et sera porteur de nouveaux dangers pour la société dans son ensemble.

La dépense publique a, incontestablement, des vertus redistributrices et correctrices des inégalités sociales. La réduire, c’est laisser les inégalités se développer de nouveau, avec tout ce que cela implique en termes de frustration et de colère sociales. Le fait est que ce projet de loi de programmation des finances publiques ne semble pas le moins du monde prévoir un mode de gestion différent des affaires publiques.

Ainsi, est programmée la poursuite de la mise en déclin des dépenses publiques, réduisant celles de l’État à un niveau inférieur à celui de 1985, alors même que le déficit a explosé et s’est largement cristallisé. De plus, le service de la dette va, sans doute, peser pendant quelques années sur le solde budgétaire global, rendant plus lointain le moment où le solde primaire sera de nouveau excédentaire.

S’agissant des dépenses fiscales, ce véritable gruyère législatif que des années de débat budgétaire contraint ont permis d’affiner, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous nous trouvons encore bien loin d’une revue de détail plus précise et plus « critique » ! Surtout, on polarise le débat sur un nombre particulièrement réduit de niches et, par habitude, on fait abstraction des niches fiscales et sociales considérables dont bénéficient les entreprises.

On omet de parler des 34 milliards d’euros que l’on a dépensés en 2009 pour le régime des groupes dont ne bénéficient que les plus grandes entreprises à vocation internationale. Que d’argent utilisé pour aider ces groupes à externaliser leurs productions, à liquider des emplois en France et à réaliser des investissements à l’optimum de rentabilité qu’ils peuvent en espérer !

De la même manière, il faudra, un jour, tirer les conclusions de la diminution de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu et du maintien des multiples dispositifs dérogatoires qui permettent d’échapper à la juste contribution des revenus du capital et du patrimoine, cet ensemble de « niches fiscales » étant sans doute le plus coûteux.

Après ce que je viens de dire, vous comprendrez, mes chers collègues, que, fort logiquement, nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des dépenses publiques. En effet, ce projet de loi ne revient pas sur les inégalités fiscales, imposant au plus grand nombre sacrifices et injustices, mais il programme, surtout, l’austérité sur la longue durée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le groupe UMP constate avec plaisir et satisfaction que le présent projet de loi de programmation amorce enfin le retour à l’équilibre de nos finances publiques. Monsieur le ministre, vous faites preuve de courage et de ténacité, et je tiens à vous en donner acte.

Ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui est le deuxième depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, notamment son article 34, vise essentiellement à actualiser la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont les objectifs ont été partiellement remis en cause par la crise économique que nous venons de traverser.

Il a pour objet de mettre en œuvre une stratégie fiscale pluriannuelle de sortie de crise via la maîtrise de la dépense publique, et ce au sens très large, concernant à la fois les dépenses de l’État, des collectivités locales et des régimes sociaux, et le redressement des finances publiques, en réduisant le déficit et, si possible, en maîtrisant l’évolution de la dette.

Mes chers collègues, je ne participerai pas au débat intellectuel passionnant consistant à savoir si le taux de croissance sera, en 2011, de 1,5 %, 2 % ou 2,5 %, car nul ne le sait. Il est clair que des événements mondiaux peuvent ralentir notre taux de croissance ou, au contraire, l’accélérer.

Toutefois, j’exprimerai un regret, monsieur le ministre, celui de ne pas voir aborder, dans le cadre d’une perspective mondiale, l’un des problèmes importants auxquels notre pays est confronté, le déficit de notre commerce extérieur.

M. Gérard Longuet. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. L’Allemagne, considérée comme un modèle, a une balance commerciale fortement suréquilibrée grâce à la puissance de ses exportations. C’est important pour réduire les déficits. Au lieu de consacrer beaucoup de temps à discuter de l’hypothétique taux de croissance, je souhaite que l’on traite enfin la question de notre balance commerciale et de notre balance des paiements.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Comme je partage très largement le diagnostic établi par notre excellent rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, je me bornerai à évoquer trois points : l’endettement, les prélèvements obligatoires et l’articulation de ce projet de loi de programmation avec l’Europe.

Concernant l’endettement, beaucoup de chiffres ont été donnés. Le Gouvernement estime que la dette publique représentera 85 % du PIB en 2014, tandis que la commission des finances, un peu moins optimiste, prévoit, quant à elle, qu’elle sera de 88,5 %.

Lorsque j’ai été nommé rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », la dette publique de l’État avoisinait les 1 000 milliards d’euros. À la fin de l’année 2010, celle-ci sera de 1 241 milliards d’euros, et atteindra un peu plus de 1 330 milliards d’euros à la fin de l’année 2011. Nous devons être obnubilés par cette masse financière pour chercher à résoudre le problème.

Pour ma part, j’estime que l’objectif central n’est pas tant de réduire notre déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais de retrouver la situation que nous avons connue en 2006 et en 2007, avec un solde primaire équilibré : les dépenses et les recettes de l’État sont en équilibre, le déficit n’étant dû qu’au financement des intérêts de la dette. Or nous pouvons atteindre cet objectif en 2013 ou en 2014 selon l’évolution du contexte économique.

Stabiliser le volume des dettes de l’État est nécessaire pour rassurer nos concitoyens, mais aussi les marchés financiers. Ainsi, nous montrerons que nous parvenons progressivement, grâce aux mesures détaillées contenues dans ce projet de loi de programmation, à maîtriser la dépense publique.

Monsieur le ministre, j’ai noté avec intérêt qu’il sera impossible, à partir de 2011, de consacrer des surplus de recettes fiscales ou des moindres dépenses de charges d’intérêt de la dette à autre chose qu’au désendettement. J’en accepte le principe, mais ne pourrions-nous pas l’appliquer dès 2010 ? Ce serait une bonne opération car, en 2010, nous allons avoir une non-dépense de la dette de l’ordre de 1,5 milliard à 2 milliards d’euros au titre de la charge d’intérêt. Il serait bon d’en profiter pour rembourser par anticipation quelques emprunts et réduire ainsi, pour l’année prochaine, de 186 milliards d’euros à 184 milliards d’euros notre objectif d’endettement à moyen et à long terme sur les marchés. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour mettre en pratique cette méthode.

Concernant les prélèvements obligatoires, le groupe UMP se félicite que le Gouvernement ait fixé dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des objectifs chiffrés en matière de mesures nouvelles sur ces prélèvements.

Les avis peuvent diverger sur ce point. Certains pensent qu’il faut augmenter les prélèvements obligatoires pour réduire les déficits ; d’autres estiment au contraire que, dans une perspective de mondialisation comme celle que nous connaissons, nous avons un intérêt majeur à ce que le taux des prélèvements obligatoires dans notre pays ne soit pas plus élevé que celui de nos principaux concurrents, notamment au sein de l’Union européenne et plus spécialement de la zone euro.

Or, il existe de fait une sorte de championnat international en matière de prélèvements obligatoires. Les nôtres oscillent entre 42 % et 44 % du PIB. Il est clair qu’en la matière la thèse que nous défendons rejoint la vôtre, monsieur le ministre : il faut les stabiliser voire les réduire, ce qui ne nous empêche pas de redéployer une partie de nos ressources fiscales dans les limites de ce taux de prélèvements.

Il est également clair que les travaux qui vont être engagés sur la fiscalité du patrimoine, les diverses taxes affectées au financement des retraites ou de la sécurité sociale, dont M. Jégou nous parlait longuement ce matin, signifient que le redéploiement est l’objectif vers lequel il faut tendre. Au contraire, l’idée d’augmenter les impôts me paraît déraisonnable, dans un pays où les prélèvements obligatoires frôlent déjà 43 % du PIB.

Nous remportons deux championnats en Europe aujourd'hui : celui des taux de prélèvements obligatoires, qui sont en moyenne beaucoup plus élevés en France qu’ailleurs, et celui du taux d’épargne des ménages, qui est l’un des meilleurs d’Europe.

Par conséquent, toute mesure de redéploiement de la fiscalité visant à faire participer davantage l’épargne des ménages aux investissements productifs et au développement de notre pays irait dans le bon sens.

Pour ce faire, monsieur le ministre, plutôt que d’envisager une augmentation des impôts, il faut créer les instruments d’épargne longue qui nous manquent, et transformer les placements privilégiés par nos concitoyens – comme les assurances vie ou les plans d’épargne en actions – en des instruments d’épargne à long terme. C’est de cette manière seulement que nous pourrons financer les énormes investissements nécessaires au développement de notre technologie et de notre compétitivité sur le plan international.

Le choix politique du Gouvernement est de ne pas majorer les prélèvements mais simplement de mettre un peu d’ordre, notamment dans l’impôt sur le revenu. Il faut reconnaître, monsieur le ministre, que pour moi qui ai participé – il y a très longtemps – à la création de l’impôt unique sur le revenu, ce dernier s’apparente plus à celui des pays en voie de développement qu’à celui des grandes démocraties concurrentes !

Par conséquent, le redéploiement que j’évoque implique forcément de reprendre, après l’étude de la fiscalité du patrimoine, celle des revenus, avec la progressivité qui s’impose et qui me paraît correspondre à la sociologie actuelle de notre pays.

Enfin, je tiens à souligner le problème posé par l’articulation entre les lois de programmation des finances publiques, les programmes de stabilité et le fameux « semestre européen ».

Cette question a fait l’objet d’un large débat à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, et vous vous êtes engagé à transmettre au Parlement le projet de programme de stabilité. Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorions le contenu du programme de stabilité transmis à Bruxelles, alors même qu’il entraînait pour nous toute une série de conséquences législatives. C’est là un fait extraordinaire ! Il est clair que nous devons participer, en amont, à la préparation de ce programme de stabilité.

Vous avez accepté à l’Assemblée nationale le principe d’une proposition de résolution, mais notre commission des finances souhaite aller plus loin encore, en soumettant le projet de programme de stabilité à un débat parlementaire, suivi d’un vote. Le vote est-il opportun ? Doit-on se contenter d’un débat ? Dans les deux cas, il convient d’assurer l’information des commissions des finances des deux assemblées et d’organiser un débat, et plus largement d’associer le Parlement. En effet, dès lors que l’on examine de façon simultanée la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, le débat concernant le programme de stabilité est important.

L’ensemble des informations financières doit en effet parvenir de façon cohérente au Parlement. Cette année est d’ailleurs révélatrice de cette nécessité. La dispersion des mesures fiscales dans les deux textes, les convergences complexes et les organisations « en tuyaux d’orgue » – pour le moins tordus ! – démontrent l’intérêt qu’il y aurait à avoir un débat parlementaire au mois d’avril, en adéquation avec le calendrier du semestre européen. Il conviendrait de parvenir à un accord, au Sénat ou en commission mixte paritaire, sur ce point capital pour l’avenir de notre programmation des finances publiques.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, et compte tenu des propositions de la commission des finances, notre groupe votera unanimement le projet de loi de programmation des finances publiques. J’espère que vous saurez tenir bon face à ceux qui souhaitent, en dépit de déclarations contradictoires, majorer quelques crédits ou actions pour répondre à certaines demandes ; j’espère aussi qu’aucune crise financière ne viendra démolir l’ensemble des hypothèses économiques mondiales retenues.

Nous pensons que vous disposez de l’énergie nécessaire à la mise en œuvre de ce texte, c’est pourquoi nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, l’occasion nous est donnée de participer à une sorte de débat budgétaire anticipé, quelques jours avant la discussion du projet de loi de finances pour 2011.

Ce projet de loi de programmation des finances publiques est le deuxième du genre, le premier – pour la période 2009-2012, adopté en février 2009 – ayant été rendu rapidement caduc par la crise. Comparé à ce dernier, le présent projet comporte un certain nombre de règles et de dispositions nouvelles, pertinentes et utiles, notamment en matière de norme d’évolution des dépenses publiques, de pilotage des prélèvements obligatoires ou encore de maîtrise de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

Elles devraient permettre, selon le Gouvernement, de réduire nos déficits à un rythme soutenu durant les quatre prochaines années. On ne peut qu’inciter l’exécutif à suivre cette voie.

L’examen de ce projet de loi permet également au Parlement d’avoir un débat sur l’évolution des finances publiques à moyen terme, puisqu’il définit une trajectoire pluriannuelle d’évolution des comptes publics.

Les lois de programmation des finances publiques consistent tout d’abord en un exercice de prévision macroéconomique, puisque le Gouvernement indique ses prévisions en matière de croissance du PIB, de déficits publics et du niveau de la dette.

Bien évidemment, les trajectoires des finances publiques sont particulièrement aléatoires puisqu’elles dépendent des hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement en ce qui concerne les prévisions de croissance, mais aussi l’inflation, l’évolution de la masse salariale ou l’élasticité des recettes. C’est pourquoi il convient selon moi de rester prudent en ces matières.

Ainsi, le Gouvernement envisage dans ce projet de loi une croissance annuelle du PIB en volume de 2,5 % par an entre 2012 et 2014. Les hypothèses de croissance du Gouvernement sont supérieures à celles retenues par le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui prévoient un taux de croissance du PIB compris entre 1,6 % et 2,1 % sur la période 2011-2014, dans un environnement international où la reprise paraît encore incertaine et où les risques de rechute ne sont pas exclus.

Une prévision de croissance de 1,5 % nous paraît beaucoup plus réaliste et raisonnable que celle de 2,5 % initialement retenue par le Gouvernement. Notre commission des finances, dans sa grande sagesse, l’a ramenée à 2 % afin de rester crédible face à nos interlocuteurs. Adopter cette estimation prudente permet en outre de minimiser les risques de surévaluation de la hausse du PIB. Cela permet enfin, si les taux de croissance s’avèrent supérieurs, d’utiliser le surplus de recettes pour réduire plus vite les déficits publics.

Ainsi, l’hypothèse d’une croissance molle de 1,5 % entre 2010 et 2014, qui me semble la plus réaliste, ne permettrait pas le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, même en 2014, ni l’inversion de la courbe de l’endettement public, lequel dépasserait 91 % du PIB en 2014. Nous sommes alors proches du scénario alternatif esquissé par la commission des finances.

Le risque des prévisions trop optimistes est de surévaluer le rattrapage des pertes de production et les rentrées fiscales, tandis que l’objectif de maîtrise des dépenses est très ambitieux.

Par exemple, pour 2011, le Gouvernement affiche une réduction historique du déficit de l’État de 152 milliards d’euros à 92 milliards d’euros, qui résulte essentiellement d’un simple effet mécanique lié à la non-reconduction des mesures exceptionnelles de crise en 2011. La réduction des dépenses ne représente pas grand-chose dans la réduction du déficit.

La programmation pluriannuelle est donc extrêmement sensible à la croissance, ce qui laisse à penser que la réduction du déficit et l’infléchissement de la dette publique à la baisse devront reposer non sur d’hypothétiques recettes de croissance mais sur la stricte maîtrise des dépenses.

Cela signifie que, pour la décennie à venir, un effort supplémentaire devra être réalisé, tant en matière de dépenses que de recettes, pour résorber progressivement un déficit structurel qui a été creusé, depuis de trop nombreuses années, par des baisses d’impôt massives non compensées par des économies sur la dépense.

Des efforts considérables doivent être engagés pour réduire la dépense publique, monsieur le ministre, et seules des réformes de structure très profondes permettront de la contenir. Le respect scrupuleux de l’objectif d’évolution des dépenses publiques ainsi que l’approfondissement de la réduction des niches fiscales et sociales seront alors indispensables.

Le Gouvernement affirme faire le choix d’une réduction durable du déficit fondée sur la maîtrise des dépenses publiques. Pour cela, il fixe un objectif d’évolution des dépenses publiques qui se veut ambitieux, puisque la progression des dépenses de l’ensemble des administrations publiques devra être limitée à 0,8 % en moyenne annuelle entre 2011 et 2014, alors que ces dépenses ont progressé ces dernières années de 2,3 % en moyenne.

Malheureusement, comme vous le savez, monsieur le ministre, cela ne sera pas suffisant. De plus, cet effort devra principalement porter sur la maîtrise de la dépense sociale et locale, puisque ce sont elles qui ont le plus progressé ces dernières années, notamment du fait de la crise, où les stabilisateurs économiques ont pleinement joué leur rôle.

Cela implique de diviser par trois le rythme de progression des dépenses publiques, ce qui serait inédit. Cela représente environ 16 milliards d’euros d’économies par an, soit plus de 66 milliards d’euros sur la période couverte par le projet de loi, alors que l’effort moyen de réduction de la dépense publique n’a pas dépassé deux milliards d’euros par an jusqu’à présent !

En outre, l’effort devra porter sur la réduction de la progression naturelle des dépenses les moins maîtrisables faute de leviers efficaces pour les réguler, à savoir celles des administrations locales et des administrations sociales. Cela implique également de maintenir les prélèvements obligatoires à leur niveau actuel en s’interdisant impérativement toute mesure nouvelle de baisse. Plus encore, ne faudra-t-il pas les revoir à la hausse pour tendre vers l’objectif d’un déficit public s’élevant à 3 % du PIB ?

Le Gouvernement s’engage à atteindre cet objectif d’ici à 2013, ce qui suppose de réduire le déficit structurel de 1 % du PIB – soit 20 milliards d’euros – par an. Pour réduire le déficit public à 6 % du PIB en 2011, l’exécutif utilise le levier des recettes, en créant plus de 10 milliards d’euros de recettes nouvelles.

Avec ce scénario optimiste, le Gouvernement mettrait fin à la progression de la dette publique à partir de 2013, date à partir de laquelle celle-ci commencerait à diminuer grâce au retour à un solde public positif, après avoir représenté 87,4 % en 2012. L’année prochaine, notre pays devra continuer de s’endetter pour financer son déficit qui sera encore de 6 %. La dette publique, qui s’élèvera l’année prochaine à 1748 milliards d’euros, met le Gouvernement au pied du mur.

La soutenabilité de la dette publique française dépend donc directement de notre capacité à réduire le déficit, notamment structurel, faute de quoi nous connaîtrions l’effet d’emballement de la dette décrit par Philippe Séguin, avec les risques que nous connaissons.

Le premier d’entre eux serait lié à l’absence de marges de manœuvre budgétaires, du fait du poids de la charge des intérêts de la dette, qui vont passer de 4,5 milliards d’euros actuellement à 5 milliards d’euros en moyenne en 2012 et en 2013. La dette, qui est déjà le deuxième poste de dépenses du budget, atteindra en 2013 un niveau historique de près de 57 milliards d’euros. Si la remontée progressive des taux d’intérêts se confirme – comme on peut le redouter, et comme vous le prévoyez vous-même, monsieur le ministre, en anticipant une hausse d’environ 150 points de base dès 2011 –, la charge de la dette pourrait devenir le premier poste budgétaire de l’État, devant l’enseignement scolaire.

Par ailleurs, la crédibilité de notre pays sera mise en doute du fait de son incapacité à rembourser sa dette, avec le risque d’une dégradation de la note de la France par les agences de notation. Sachant également que notre dette publique est détenue à 70 % par des non-résidents, le risque qu’elle échappe à tout contrôle est bien réel.

Enfin, le risque d’une hausse des taux d’intérêt par les opérateurs de marché du fait de l’incapacité de la France à réduire son niveau d’endettement alourdirait encore la charge de la dette. Je le rappelle, un point de hausse des taux d’intérêt équivaudrait à alourdir de 10 milliards d’euros la charge de la dette. N’oublions pas non plus que l’endettement à court terme n’a cessé de croître pour atteindre près de 20 % de la dette totale en 2009.

Dans le scénario du Gouvernement, le déficit de l’État devrait passer de 92 milliards d’euros en 2011 à 44,4 milliards d’euros en 2014, grâce à une forte « surréaction » des recettes fiscales et au gel des dépenses, hors charges d’intérêt de la dette et hors dépenses de pensions.

Le Gouvernement prévoit un double encadrement de l’évolution des dépenses de l’État – la norme « zéro volume » et la norme « zéro valeur » – qui devrait contribuer à l’apurement du déficit de l’État. Cette nouvelle norme devrait garantir que les économies dégagées serviront à réduire le déficit et viendront participer à l’effort de consolidation des finances publiques.

La stabilisation en valeur de l’ensemble des dépenses de l’État – hors charges d’intérêt de la dette et dépenses de pensions, qui continueront pour leur part à progresser sur cette période – est une nécessité pour respecter l’engagement de stabiliser en volume l’ensemble des dépenses de l’État sur la période 2011-2013. À l’inverse, ce sont les crédits des missions du budget général qui serviront de variables d’ajustement dans l’hypothèse où le poids de la charge de la dette ou des pensions des fonctionnaires serait supérieur à la norme « zéro volume ». C’est ainsi plus d’une mission sur deux de l’État qui verra son enveloppe globale gelée ou diminuée au cours de la période 2011-2014.

Le Gouvernement se fixe un objectif de réduction des dépenses supérieur à 12 milliards d’euros entre 2011 et 2013 à travers trois dispositions.

La première vise à stabiliser les dépenses de personnel avec la poursuite du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux au sein des ministères. Monsieur le ministre, cette règle devra également concerner les 583 opérateurs de l’État et il faudra prévoir un meilleur pilotage de la masse salariale. J’en rappelle l’enjeu.

Les opérateurs de l’État, qui reçoivent 34 milliards d’euros de subventions et de ressources fiscales, emploient 250 000 personnes, hors universités. Or leurs effectifs ont continué à progresser ces dernières années. Les ministères ont en effet transféré des personnels vers ces opérateurs afin de contourner les plafonds d’emplois. Voilà pourquoi les opérateurs doivent être soumis aux mêmes règles que les ministères.

Comme l’indique M. Marini, nous assistons à une « agencisation » de l’État. Depuis deux ans déjà, la commission des finances dénonce cette situation.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-Jacques Jégou. Concernant la masse salariale, chaque augmentation de 1 % de la valeur du point d’indice accroît de 800 millions d’euros la dépense de l’État et de 1 milliard d’euros environ celle des collectivités locales et des hôpitaux. Le gel du point d’indice est donc indispensable, sachant que le salaire moyen brut par tête a progressé de 2,2 % par an de 1999 à 2009 pour une inflation annuelle de 1,7 %. Avec un objectif de maîtrise de la masse salariale, cette progression n’est donc pas soutenable.

La deuxième disposition vise à réduire de 10 % les dépenses de fonctionnement et d’intervention d’ici à 2013.

La simple stabilisation des dépenses de guichet imposerait de réaliser 5,7 milliards d’euros d’économies sur trois ans afin de contrecarrer l’évolution naturelle de ces dépenses. Les maîtriser nécessite donc de passer par une modification des paramètres législatifs ou réglementaires qui régissent le niveau et les conditions d’ouverture des droits aux prestations. Pour 2011, la réduction des dispositifs de guichet ne représenterait que 1,7 milliard d’euros.

Concernant les dépenses d’intervention, aucun chiffrage des économies attendues n’est précisé. Cette politique, même si elle est difficile à faire accepter à nos concitoyens, est indispensable.

La troisième disposition tend à geler en valeur les concours de l’État aux collectivités territoriales. Celles-ci devront donc réduire leurs dépenses, ce qui ne sera pas une mince affaire.

Les administrations de sécurité sociale devront, elles aussi, participer à cet effort, car, avec un déficit prévisionnel de 32,8 milliards d’euros en 2010, soit 1,7 % de PIB, elles représentent un enjeu majeur de la réduction du déficit public. Le Gouvernement se fixe un objectif ambitieux de maîtrise des dépenses dans ce secteur : réduire le déficit à moins de 12 milliards d’euros en 2014, soit 3 milliards d’euros ou 4 milliards d’euros par an, en fixant un ONDAM à 2,9 % en 2011, puis à 2,8 % les années suivantes.

Pour les dépenses d’assurance vieillesse, la réforme des retraites devrait suffire à rééquilibrer le régime selon le Gouvernement. Comme je l’ai dit ce matin en présentant mon rapport pour avis, il est très difficile d’être aussi optimiste que vous sur ce point, monsieur le ministre. Néanmoins, nous aurons l’occasion d’en reparler.

En l’absence d’éléments précis sur les dépenses qui seraient réduites ou supprimées, ce qui laisse dubitatif sur la réalité de leur réduction, le Gouvernement compte sur l’amélioration de la conjoncture et du marché du travail, donc sur la progression de la masse salariale et des recettes de la sécurité sociale.

À cet égard, on ne peut que regretter de ne pas disposer d’information sur la contribution des organismes de sécurité sociale autres que ceux du régime général à la réduction du déficit, alors que ceux-ci sont censés jouer un rôle important. Je rappelle que, compte tenu du vieillissement de la population, qui tire à la hausse les dépenses d’assurance vieillesse et d’assurance maladie, et compte tenu du progrès technique, qui renchérit le coût des soins, la maîtrise des dépenses de sécurité sociale ne pourra pas être atteinte sans réforme structurelle.

Du côté des recettes, le Gouvernement parie sur une hypothèse de croissance spontanée annuelle comprise entre 15 milliards d’euros et 19 milliards d’euros à compter de 2012, liée à une « surréaction » des recettes fiscales. De tels rythmes de progression apparaissent clairement surestimés compte tenu de la multiplication des dépenses fiscales qui ont réduit l’assiette et donc la dynamique des principaux impôts.

Par ailleurs, je me réjouis que la commission des finances ait rétabli la limitation à quatre ans de la durée de nouvelles niches, tant il est nécessaire pour le Parlement de pouvoir contrôler le coût des dépenses fiscales chaque année sur la durée de la programmation.

Il faut le redire, les objectifs indiqués dans les projets de loi de programmation des finances publiques ne sont pas contraignants et les trajectoires décrites n’ont qu’une valeur purement indicative. Notre exercice a donc ses limites. L’exemple de la précédente loi de programmation doit d’ailleurs nous inciter à la prudence, puisque, en partie du fait de la crise mais pas seulement, la plupart des engagements n’ont pas été tenus et les règles édictées n’ont pas été respectées.

Je prendrai deux exemples, qui ont d’ailleurs déjà été cités.

Ainsi, la règle édictée par l’article 11 de la précédente loi de programmation, qui prévoyait de gager les niches fiscales et sociales, a été systématiquement bafouée par le Gouvernement, notamment lors de la baisse du taux de la TVA dans la restauration, qui a entraîné une perte de recettes de 3 milliards d’euros pour l’État.

En outre, le Gouvernement utilise des artifices pour contourner les règles budgétaires qu’il a lui-même édictées : changements de périmètre de la norme de dépenses permettant de réduire le montant des dépenses de l’État prises en considération, recours aux dépenses fiscales à la place des crédits budgétaires ou encore recours croissant aux opérateurs de l’État pour échapper aux normes édictées pour les ministères. Toutes ces pratiques contreviennent aux règles de bonne gouvernance des finances publiques. Or je crains que ces tours de passe-passe comptables et budgétaires ne se reproduisent malgré les règles plus contraignantes du projet de loi.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que la double norme de dépenses ne soit pas transgressée par le Gouvernement grâce à ces divers types de contournements. C’est indispensable ! Cela réclame une véritable responsabilisation du Gouvernement et des responsables de programmes.

Ayant ces éléments présents à l’esprit, vous comprendrez que je reste sceptique sur la portée du texte que nous examinons aujourd’hui.

Au final, les lois de programmation des finances publiques permettent, sinon d’améliorer le pilotage de la gestion des comptes publics, du moins de donner aux gestionnaires une visibilité et une stabilité de leurs moyens, et de renforcer l’information du Parlement.

Malgré le scepticisme que j’ai exprimé sur la capacité d’une règle normative à contraindre les gouvernements à être vertueux en matière de maîtrise des dépenses publiques et de sécurisation des recettes, le groupe centriste, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi. Celui-ci contient en effet plusieurs dispositions intéressantes et utiles pour améliorer le pilotage des finances publiques.

Je forme le vœu que le Gouvernement, contrairement aux habitudes prises par le passé, respecte au maximum les règles qu’il édicte, même si je sais que la veille d’une élection présidentielle n’est jamais propice à la maîtrise des dépenses publiques. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intérêt du débat qui nous réunit à l’instant est double, et doublement révélateur.

Toute loi de programmation vise, par définition, à anticiper durablement l’avenir, à permettre une action plus pérenne et plus stable, autrement dit à établir ou à rétablir la confiance Cette perspective est d’autant plus large que le présent texte traite aussi de la question des prélèvements obligatoires et de celle de l’endettement.

Une loi de programmation constitue en outre un exercice potentiel de transparence démocratique en permettant à la représentation nationale – c’est aussi son rôle – de contrôler la sincérité des projets du Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous entendez faire de ce projet de loi de programmation l’instrument du redressement des finances publiques, que vos choix politiques obstinés ont consciencieusement ruinées en dix ans, au point d’atteindre ce niveau de déficit proprement historique.

À force d’inertie et d’attentisme en matière d’emploi, à force de réduction des ressources, tous les organismes, toutes les institutions, tous les services assortis de l’adjectif « public » sont aujourd’hui au bord de l’asphyxie.

Or quelles mesures proposez-vous aujourd’hui pour rétablir l’équilibre, et seulement aujourd’hui, à un stade proche du non-retour, celui où l’ampleur de la dette détruit l’investissement ? La même chose ! La même recette appliquée à la réforme des retraites, à la dette sociale et mise en œuvre par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, supposés constituer la première étape de cette stratégie de redressement.

En tout premier lieu, ce sera un tour de vis supplémentaire dans la rigueur pour tous les acteurs, qu’ils soient ou non vertueux – les collectivités territoriales, par exemple, ne sont pas responsables de l’endettement de l’État –, tout en étant indifférent à la diversité et à la réalité des besoins.

Par la suite, ce ne seront pas des ressources nouvelles, pérennes et justement réparties que l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS peuvent apporter, mais une augmentation déguisée de l’impôt au détriment des plus fragiles par de nouvelles dégradations des prises en charge et un prudent rabotage des niches fiscales, lequel est qualifié, dans cette magnifique langue de bois qui est la vôtre, de « reconstitution de ressources ».

Enfin, ce sera à nouveau l’attentisme d’une embellie spontanée de croissance dont vous projetez le taux à 2 % de PIB.

En juillet dernier, lors du débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011, le rendez-vous de cet automne était considéré comme décisif pour le rétablissement de l’équilibre des finances sociales. Nous y sommes. Qu’en est-il ?

S’agissant des retraites, la réforme est passée, au mépris des manifestants et des parlementaires, à coups de micros coupés, d’articles réservés, d’examens prioritaires et de vote bloqué ! La méthode n’est ni brillante ni honorable.

Pourquoi ce passage en force ? Il suffit de savoir compter.

Des 45 milliards d’euros nécessaires à l’horizon de 2018, la moitié proviendraient des mesures d’âge et de convergence. Soit ! Quant à l’autre moitié, c’est-à-dire 15,6 milliards d’euros, même qualifiés d’effort net de l’État, elle reste du déficit non financé ; 4,4 milliards d’euros proviendront de taxations nouvelles sur les ménages et les entreprises et 2,4 milliards d’euros seront pris dans la poche de l’UNEDIC, à la condition toutefois que le taux de chômage se réduise considérablement.

M. Yves Daudigny. Ce sont donc 18 milliards d’euros improbables, auxquels il faudra ajouter, dès l’entrée en vigueur de la réforme, quelque 500 millions d’euros annuels que coûtera le maintien au chômage deux années supplémentaires de toutes celles et ceux qui seront sans emploi à la veille de leur retraite.

Les Françaises et les Français l’ont bien compris : cette réforme n’est pas crédible, elle repose sur une équation financière impossible et profondément injuste !

S’agissant de la dette sociale, mêmes raisons, mêmes procédés, mêmes résultats : vous contournez encore la perspective de nouvelles sources de financement pour notre protection sociale ; vous cachez 130 milliards d’euros de dette sociale sous le tapis de la CADES, dont la durée de vie est allongée jusqu’en 2025 ; vous videz le Fonds de réserve pour les retraites, au mépris singulier de l’avenir des jeunes ; vous inventez de nouvelles taxes, non pérennes, sur les assurances.

L’Assemblée nationale refuse… Qu’à cela ne tienne, vous jouez sur les écritures, en privant la branche famille de 0,28 % de recettes de CSG, de la même manière que vous aviez privé le Fonds de solidarité vieillesse de 0,2 % de recettes de CSG en 2009. Ce dernier en est devenu déficitaire. Tel est le sort promis à la branche famille.

S’agissant enfin du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pas de changement en vue ! En focalisant l’objectif sur la ligne bleue de l’ONDAM, vous faites comme si les besoins n’existaient pas, comme s’il n’y avait pas d’augmentation tendancielle des dépenses de santé et vous ne répondez pas, à nouveau, à la question première, celle des ressources nouvelles nécessaires au financement des besoins réels de la population.

Ce qui est proprement historique, c’est votre capacité d’oubli, votre refus de tirer les leçons que l’expérience vous assène. Ce qui est atterrant, c’est votre refus de mesurer les conséquences de cette politique récessive et contre-productive en termes économiques, sanitaires, sociaux et humains.

Non seulement vous ne baissez pas les déficits de 60 milliards d’euros, mais seulement de 10 milliards à 15 milliards d’euros, mais vous prétendez également graver une règle d’équilibre dans le marbre constitutionnel.

À toute nouvelle proposition, à tout autre projet que le vôtre, vous servez en boucle un seul argument, celui de la préservation de la compétitivité de nos entreprises. C’est au seul nom de cette compétitivité que vous décidez de laisser jouer librement les stabilisateurs automatiques.

Mais la loi du marché ne connaît que l’intérêt financier et le court terme. Vous confondez compétitivité et rentabilité. Le résultat est là, qui rend déjà caduque la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, qui n’a ramené aucun expatrié fiscal en France, qui n’a empêché aucune délocalisation, parce que les investisseurs n’ont cure d’être compétitifs, ils veulent uniquement être rentables.

Les ressources fiscales existent. Quatre mesures suffiraient déjà à ramener 15 milliards d’euros de recettes dans le budget de l’État. La Cour des comptes vous le recommande, le Conseil des prélèvements obligatoires le prouve.

À cet égard, votre persévérance dans cette posture est telle que seul le dessein bien arrêté de détruire nos services publics et notre système de protection sociale peut l’expliquer.

Votre acharnement à diaboliser l’impôt le confirme : vous voulez faire oublier que sa fonction première…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Réhabiliter l’impôt : on a déjà entendu cela en d’autres temps !

M. Yves Daudigny. … est de permettre l’action publique, l’entretien de la force publique et les dépenses d’administration par une contribution commune également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. C’est le fondement de notre pacte social solidaire, et c’est l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à la loi votée en 2008, nous avons aujourd’hui à nous prononcer sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2010 à 2014 et à poursuivre la réflexion sur les prélèvements obligatoires.

La contrainte que nous nous sommes imposée, même s’il s’agit d’un exercice difficile, a le mérite de ne pas nous cantonner dans une gestion à courte vue, année après année, sans considérer les incidences sur le futur que nous devons bâtir, ou tout du moins essayer de bâtir, ensemble.

Certains ne manqueront pas de souligner le caractère artificiel et aléatoire des schémas prévisionnels. Bien entendu, les expériences toutes récentes nous invitent à beaucoup de modestie et de prudence, tant l’évolution rapide du contexte mondial peut faire chavirer les plus belles constructions. Il est cependant nécessaire de se fixer des objectifs. Nous devons mener une politique volontariste qui permette un retour à un taux de croissance plus proche de celui de nos voisins européens. Nous le savons, dans notre pays, les réformes trop brusques ont du mal à passer.

Dans cette perspective de programmation des finances publiques, il n’est pas illogique de retenir des hypothèses macroéconomiques allant jusqu’à 2,5 % de croissance moyenne. Un tel taux est ambitieux, mais il n’est pas irraisonnable.

En revanche, une progression de la masse salariale de 2 % en 2010, de 2,9 % en 2011 et de 4,5 % les années suivantes me semble, je dois le dire, un peu trop optimiste. Elle laisserait présager une forte réduction du taux de chômage, réduction que la reprise d’activité ne permet pas d’envisager à ce niveau. Cela a une incidence particulière sur le point que je souhaite évoquer, celui du redressement des comptes sociaux.

En fondant les prévisions sur une dynamique des recettes de la sécurité sociale de 4,5 % à partir de 2012, on se donne, à mon avis, trop de facilités à laisser filer les dépenses. Or, si la branche vieillesse se trouve tendanciellement sur la voie de l’équilibre avec la réforme que nous venons de voter, tel n’est pas le cas des dépenses publiques de santé, qui doivent être strictement encadrées.

Je regrette également que le problème de la dette sociale ait été résolu par l’allongement de la durée de vie de la CADES, malgré l’engagement pris dans une loi, qui plus est une loi organique.

Je pense, comme l’a souligné M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, que le relèvement de la CRDS était une solution sage et un signe fort envoyé à nos créanciers. Comme lui, monsieur le ministre, je ne pense pas que cette mesure, qui aurait pu avoir un caractère temporaire, aurait cassé la reprise économique.

S’arc-bouter sur de grands principes, contre les évidences, n’est pas forcément une saine gestion et une bonne politique d’avenir. Cette remarque est d’ailleurs valable pour tout le monde !

Au cours de la discussion de la loi portant réforme des retraites, nous avons beaucoup évoqué les niches fiscales et sociales. Il faut reconnaître qu’elles sont nombreuses et complexes. L’obligation de réaliser des études d’impact et le remarquable travail effectué par la Cour des comptes nous permettent d’y voir plus clair, mais avouons que ce n’est pas toujours facile.

Force est de constater que, dans l’Hexagone, le corporatisme est encore très présent et que les grands principes révolutionnaires d’égalité et de fraternité ne sont pas toujours d’actualité, ce qui explique la multitude des niches fiscales et sociales, dont l’efficacité économique est aléatoire et souvent contestable.

La mise à plat des niches est évidemment nécessaire ; c’est un moyen de réduire d’une manière significative nos déficits.

Certains allégements de charges sont justifiés, car ils ont concouru, et concourent encore, au maintien d’une activité soutenue. C’est le cas par exemple du taux réduit de TVA dans le secteur du bâtiment, mais il faut éviter les effets d’aubaine.

Ainsi, le mode de calcul de la réduction générale a pu conduire les employeurs à verser une partie de la rémunération sous forme de primes ponctuelles plutôt que de manière lissée sur douze mois. Il est mis fin à ce phénomène dans le PLFSS de cette année : la réduction sera désormais calculée en fonction d’une rémunération annuelle. Cette disposition va dans le bon sens, monsieur le ministre, ainsi d’ailleurs que la taxation des retraites chapeaux et des stock-options au même taux que les revenus salariaux, soit une recette supplémentaire de plus de 3 milliards d’euros.

Au-delà de ces mesures, nous devons aussi revoir l’ensemble de notre système de prélèvements, en ayant à l’esprit qu’il doit assurer un retour à l’équilibre des différents comptes, ceux de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités locales.

Comment répartir la charge entre les diverses composantes de la richesse nationale ? Tel est bien le problème. On sait que, aujourd’hui, les revenus du travail sont sans doute trop taxés. Il faut donc trouver un juste équilibre, lequel devra reposer sur deux grands principes : la progressivité et la solidarité.

Dans la période de crise que nous traversons, nos concitoyens ont le sentiment profond d’une certaine injustice. Il nous importe donc de répartir équitablement les efforts qui doivent être faits afin de replacer notre pays dans la bonne direction.

Chacun d’entre vous a probablement sur sa table de chevet les propositions de la commission Attali. Même s’il paraît difficile de prendre au pied de la lettre toutes les suggestions qu’il contient, on ne saurait les ignorer.

Il nous faudra un grand courage politique pour respecter nos engagements de ce jour.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation qui nous est aujourd’hui soumis s’inscrit dans le prolongement de l’action gouvernementale telle qu’elle est conduite depuis maintenant plus de trois ans.

En remarque préliminaire, je précise que mon propos portera essentiellement sur les effets de ce projet de loi sur les finances locales.

Depuis 2007, les collectivités locales font déjà les frais de choix politiques pour le moins contestables, et ce malgré la crise que nous continuons de traverser.

Souvenons-nous que la loi de finances pour 2009 avait commencé par supprimer l’indexation de la DGF sur la croissance majorée de 50 %. Elle y substituait une indexation sur l’inflation, ce qui a entraîné une baisse importante de cette dotation pour de nombreuses communes.

Par ailleurs, la loi de programmation pour 2009-2012, en étendant l’application de la norme du « zéro volume » à l’ensemble des concours de l’État aux collectivités, a continué dans cette voie.

Enfin, la loi de finances pour 2010 a continué d’appauvrir leurs ressources en faisant évoluer l’enveloppe des concours financiers de l’État, hors FCTVA, de la moitié de l’inflation prévisionnelle, soit à peine 0,6 %.

Mme Nicole Bricq. C’est exact !

M. Bernard Angels. Ces mesures ont largement contribué à faire reculer, à un rythme accéléré, l’investissement public. Faut-il rappeler que la part des collectivités dans l’investissement public, qui s’établissait à 73 % en 2003, n’était plus que de 70 % en 2009 ?

Vos mesures, monsieur le ministre, ont particulièrement affecté les recettes des départements, alors que leurs dépenses sociales ne cessent de croître en raison des transferts de compétences que vous leur imposez par ailleurs. En effet, les droits de mutation à titre onéreux comme les concours au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, sont en régression. Dès lors, que leur proposez-vous pour sortir de l’impasse ? De simples avances remboursables conditionnées à la signature d’un contrat de stabilisation, ce qui s’apparente fort à une tutelle !

Je ne reviendrai pas sur la situation de nos régions, dont les dépenses de fonctionnement progressent deux fois plus vite que les recettes de fonctionnement, et ce en raison des transferts de compétences.

Mme Nicole Bricq. Non compensés !

M. Bernard Angels. Avant même la discussion de ce projet de loi, chacun sait combien les marges de manœuvre des collectivités ont déjà été considérablement amoindries par vos choix politiques. Or, loin de rassurer nos communes, nos départements et nos régions, ce projet de loi réduit leurs ressources comme une peau de chagrin. Il les maintient dans une profonde incertitude sur leurs recettes et, par voie de conséquence, sur leur autonomie.

L’article 7 de ce projet de loi illustre parfaitement les dangers de votre politique, monsieur le ministre. En effet, vous prétendez vouloir agir sur notre déficit pour respecter de nouveau le pacte de stabilité et de croissance. Or, pour ce faire, vous rognez sur les concours financiers de l’État aux collectivités, leur appliquant la norme du « zéro valeur », ce qui les conduira à diviser par sept – je dis bien par sept !  – le rythme d’évolution de leurs dépenses. C’est parfaitement intenable !

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Bernard Angels. Pour justifier ce régime drastique, vous invoquez tout simplement la fin de la montée en charge de certaines prestations, telles que l’APA ou la prestation de compensation du handicap. Or, à l’évidence, cette hypothèse de travail est fausse, et vous le savez pertinemment. Du reste, nombre d’élus n’y voient qu’un rideau de fumée destiné à brouiller les effets réels de vos choix politiques.

Ces choix entraîneront une baisse nette des dotations du fait de l’inflation et, plus concrètement, de la DGF pour plus de 20 000 des 36 000 communes que compte notre pays, comme l’a souligné le secrétaire général de l’Association des maires de France.

À cela s’ajoute la sortie du FCTVA de l’enveloppe normée pour l’année 2011. Certes, c’était une demande récurrente des sénateurs socialistes, mais le contexte n’était pas le même.

M. Bernard Angels. En augmentation constante jusqu’à l’année dernière, le FCTVA diminue en 2011 du fait du ralentissement économique.

M. Bernard Angels. Son maintien dans l’enveloppe normée aurait alors eu un effet positif sur les autres ressources de celle-ci : il aurait tiré leurs montants vers le haut. Or c’est précisément cette année que le Gouvernement choisit de l’en sortir, ce qui induira une perte sèche de 200 millions d’euros pour les collectivités.

M. Bernard Angels. Outre le fait qu’elle est intenable, cette norme de dépense est dangereuse. Sachant que l’essentiel de l’augmentation des dépenses des collectivités territoriales est dû aux transferts de compétences, comme le souligne le rapport Carrez-Thénault, comment assumez-vous d’aggraver encore la situation actuelle ?

De fait, vous mettez en péril la qualité des services publics dont les collectivités ont la charge. Vous leur demandez l’impossible : contribuer à hauteur de 8 milliards d’euros d’économies par an à la réduction du déficit, ce qui représente la moitié de l’effort global sur la dépense. Mesurez-vous les lourdes conséquences que ces décisions auront pour le pays ?

En définitive, ce projet de loi poursuit une politique qui réduit les collectivités locales à la portion congrue, leurs finances n’étant plus que les variables d’ajustement de votre politique de rigueur. Il fait exagérément reposer les efforts de réduction des dépenses sur les collectivités locales.

L’article 7 du projet de loi ne fait d’ailleurs que compléter l’article 5, qui s’inscrit dans la même logique. En effet, ce dernier prévoit le gel en valeur des dépenses de l’État et, surtout, des prélèvements sur recettes attribués aux collectivités. Cela est d’autant plus dommageable que nos territoires contribuent pour moins de 10 % à l’endettement public et n’avaient donc pas à subir une nouvelle cure d’austérité.

En conclusion, ce projet de loi de programmation parachève l’opération de tarissement des ressources des collectivités et fait peser sur elles une part bien trop importante des efforts en matière de réduction du déficit public. Il n’est pas admissible que nos territoires fassent ainsi les frais de votre politique de rigueur, monsieur le ministre.

Alors que le Gouvernement prétend ne pas vouloir augmenter les impôts, il va en réalité contraindre les communes à agir sur ce levier, car c’est le seul qu’il leur reste. En agissant ainsi, le Gouvernement se dédouane de sa propre responsabilité, d’autant plus qu’il renvoie à l’après 2012, donc à une autre mandature, la mise en œuvre de mesures particulièrement lourdes pour nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dette se creuse dangereusement depuis plusieurs années, en particulier depuis 2007, où la trajectoire des comptes publics est devenue très inquiétante. Ce sont vingt points de PIB de dette publique supplémentaire en trois ans !

Avec 47 milliards d’euros de dépenses prévues pour 2011, le service de la dette sera pratiquement le premier poste budgétaire de l’État, avec l’éducation nationale.

Certes, il y a la crise, qui provoque une accélération des déséquilibres. Mais ce n’est pas le seul phénomène en cause. En effet, la France se distingue de nombre de ses voisins européens par le soin qu’elle met à exonérer d’impôts telle ou telle catégorie professionnelle ou sociale dès lors qu’une réclamation se présente. À la gestion raisonnée des comptes publics s’est substitué le clientélisme fiscal.

En vérité, c’est une décennie de baisses d’impôts qui porte la responsabilité de la situation catastrophique dans laquelle nous sommes. Un rapport montre que la dette publique serait inférieure de vingt points environ à ce qu’elle est aujourd’hui en l’absence de baisse de prélèvements pendant la dernière décennie. D’ailleurs, M. Carrez n’a pas écrit autre chose en indiquant que l’État s’était privé d’environ 120 milliards d’euros de recettes en cumulant les baisses d’impôts appliquées depuis 2000.

Sans relâche, sans retenue, vous avez abusé des niches fiscales et des exonérations au profit des entreprises et des contribuables souvent les plus favorisés : moins de TVA, moins de taxe professionnelle, moins de cotisations sociales employeurs, moins de fiscalité sur le patrimoine et sur les plus-values, etc. ! Tout cela, bien entendu, sans une once d’efficacité économique, de justice sociale ou de redistribution fiscale. Bref, une politique de Robin des bois à l’envers !

En effet, la politique de l’endettement par les baisses d’impôts est la pire des injustices, car elle enrichit doublement les plus aisés. D’une part, leurs impôts baissent. D’autre part, leurs placements en général sont bien rémunérés et bien sécurisés. Bref, une vaste opération de redistribution à l’envers. Certaines catégories ciblées gagnent à la fois – si je puis m’exprimer ainsi – « au tirage et au grattage », tandis que d’autres, majoritaires, font les frais de la rigueur.

Monsieur le ministre, après trois années de laxisme, l’heure est venue de se montrer un peu plus sérieux. Il faut avoir le courage de réparer ce que l’on a démoli. C’est l’objet de votre texte, qui annonce la rigueur, énumère ses modalités, mais se garde bien d’en décliner les conséquences.

Comme par hasard, vous fixez comme objectif de diminuer drastiquement le déficit public annuel à compter de 2012. Énième promesse d’amincissement déclamée la main sur le cœur en parfaite corrélation avec le calendrier électoral, même si vous n’aimez pas que l’on vous le rappelle !

Pour parvenir à une réduction du déficit aussi abrupte – vous espérez le limiter à 2 % du PIB en 2014 –, les hypothèses économiques sont particulièrement surprenantes. La croissance gagnerait un point de moyenne annuelle. L’évolution de la masse salariale verrait son rythme doublé. L’inflation n’évoluerait presque pas, malgré une masse salariale en forte hausse et un chômage en forte baisse. Bref, une forme de miracle économique se produira dans une vingtaine de mois, sans que nous puissions d’ailleurs en distinguer un quelconque signe avant-coureur au moment où nous débattons…

J’aimerais croire autant que vous à cet avenir radieux, mais quelque chose me dit que vous-même n’y croyez pas ! D’ailleurs, la commission des finances du sénat et son rapporteur général, M. Marini, ont fait des propositions à mon sens nettement moins « candides ».

Au-delà de vos hypothèses fantasques, ce sont les conséquences concrètes de vos orientations qu’il nous faut mettre en lumière. L’action de l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales payeront en effet le prix fort des mesures que vous envisagez.

D’abord, pour l’État, ce sont les dépenses de personnel et les dépenses d’intervention qu’il faudra rogner. Moins d’enseignants dans les écoles, moins de policiers dans les quartiers, moins d’emplois aidés dans les associations, moins de crédits pour l’action sociale, pour l’environnement, pour la culture… voilà ce que cela signifie pour les Français !

Ensuite, pour la sécurité sociale, c’est la logique des déremboursements et des franchises, dont vous annoncez l’amplification. M. Vasselle le dit d’ailleurs de manière limpide : « Il faut plus de 2 milliards d’économies chaque année pour contenir les dépenses de santé ». On pourrait ajouter : « et autant de transferts sur les assurés ».

Enfin, pour les collectivités territoriales – Bernard Angels vient de le dire excellemment –, nous touchons à l’absurde. Les dotations seront gelées, tandis que l’administration de l’État poursuivra son chantage financier envers les élus locaux.

M. François Baroin, ministre. Pas du tout !

M. Bernard Cazeau. C’est kafkaïen ! En tout cas, c’est l’action du Président de la République !

Monsieur le ministre, nous le savons toutes et tous, la réduction de la dette est le principal dilemme de la sortie de crise. Entre l’adoption d’une politique plus responsable et le soutien à la timide reprise que nous connaissons, la voie est étroite.

Cependant, les deux solutions qui s’offrent à nous, c'est-à-dire la baisse des dépenses et l’augmentation des recettes, n’ont pas, me semble-t-il, les mêmes conséquences macroéconomiques et sociales.

L’économie que vous promettez, 45 milliards d’euros en trois ans, ne pourra se faire qu’en taillant lourdement dans les dépenses sociales, les aides publiques et l’investissement local. Le pouvoir d’achat des ménages modestes s’en ressentira, les travaux publics en pâtiront, et avec eux l’activité économique, donc l’emploi.

D’ailleurs, d’après l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, la contraction budgétaire que vous préparez équivaudrait à retrancher 0,9 point à la croissance dès l’an prochain. Or, sans le retour de la croissance, l’équation se révélera quasi insoluble. En effet, comment financerons-nous une dette qui croît avec des revenus qui stagnent ?

Acculés par l’urgence, vous prenez une orientation dangereuse pour le pays, celle des coupes claires, des purges drastiques et de la récession annoncée. Vous comprendrez que nous ne puissions pas vous suivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui viennent de s’exprimer.

Dans mon propos liminaire, j’avais déjà présenté par anticipation les positions du Gouvernement, ce qui a permis à certains membres de la Haute Assemblée de les contester, parfois de les combattre, ou au contraire de les soutenir, le cas échéant en émettant des réserves ou en faisant part d’interrogations.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je vous le réaffirme, le Gouvernement croit en ses prévisions de croissance.

D’ailleurs, nous nous donnons les moyens pour les atteindre dans la gestion de la sortie de crise. Nous avons calculé dans un souci d’équilibre les économies qu’il est nécessaire de réaliser pour parvenir à notre objectif de réduire le déficit budgétaire de 40 milliards d’euros, soit deux points sur un seul exercice, et ce en refusant d’adopter des mesures trop douloureuses et de nature à altérer la pérennité d’une croissance qui redémarre, comme cela a pu être le cas au Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal. Les bonnes nouvelles de la fin de l’été nous ont permis d’éviter d’y avoir recours.

Au demeurant, les fondamentaux de l’économie française dressent des perspectives qui donnent au Gouvernement des raisons objectives de croire en ses prévisions de croissance.

Nous avons une économie diversifiée, une main-d’œuvre qualifiée, un système bancaire dont les ratios sont parmi les plus stables d’Europe – le modèle bancaire français a d'ailleurs servi d’élément de référence à l’échelle européenne pour parvenir à une unité de doctrine en la matière – et un taux d’épargne de plus de 16 %, ce qui est un élément de confiance collective. Nous avons donc des éléments structurants puissants.

Notre amendement d’« accompagnement » – nous l’avons déposé à la suite du débat que nous avons eu en commission des finances, monsieur le rapporteur général – permet simplement de souligner d’un trait un peu plus épais le caractère intangible des perspectives de réduction de déficit du Gouvernement. Cet amendement, qui permettra de mettre des mesures d’économie en annexe, ne fera que conforter et confirmer ce caractère intangible.

Notre objectif de réduction du déficit est de 6 % pour l’année prochaine, de 4,6 % pour l’année suivante, de 3 % pour 2013 et – nous l’avons vu – de 2 % en 2014. M. le Premier ministre a rappelé à juste titre que nous souhaitons atteindre l’équilibre budgétaire en 2016, à l’instar de nos amis allemands.

Je n’aurai pas la faiblesse ou la cruauté, en tout cas pas les deux en même temps, de rappeler à Mme Bricq et aux autres membres du groupe socialiste la période où leurs amis étaient aux affaires, entre 1997 et 2002. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est si loin et si près à la fois...

À l’époque, vous avez accumulé tous les bonheurs d’un gouvernement et toutes les erreurs des socialistes au pouvoir !

M. François Marc. Nous avons fait 3 % de croissance ! Faites-en autant !

M. François Baroin, ministre. Le bonheur du gouvernement d’alors fut de profiter d’une bulle économique, due aux nouvelles technologies, qui a permis d’inscrire dans la durée un taux de croissance de 3,5 % ; ce fut le seul cas dans l’histoire récente. Et qu’en avez-vous fait ? Vous avez créé des postes de fonctionnaires supplémentaires. Vous avez augmenté les dépenses publiques.

Mme Nicole Bricq. Vous n’étiez pas le dernier à réclamer de profiter de la « cagnotte » !

M. François Baroin, ministre. Les prélèvements obligatoires atteignaient alors un niveau qu’ils n’atteindront même pas à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et de la législature !

Vous avez cumulé hausse des impôts, création d’emplois publics et augmentation des dépenses sans jamais profiter de cette période exceptionnelle pour réduire de manière structurelle le déficit et l’endettement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Daudigny. Parlez-nous de vos résultats en matière d’emplois !

M. François Baroin, ministre. Il est donc facile de donner des leçons de morale !

Votre mémoire est extraordinairement fragile. En effet, même sans remonter jusqu’en 1997, vous avez oublié ce qui s’est produit en 2008 et en 2009 ! Vous avez oublié qu’il y a eu une crise mondiale et qu’elle a eu des conséquences ! Vous avez oublié ce que font vos amis en responsabilité, par exemple en Espagne ou au Portugal ! Par esprit de responsabilité, ils prennent dans leur pays des mesures que vous contestez en France, comme l’augmentation de la TVA et la baisse du traitement des fonctionnaires ! Même cela, vous semblez l’avoir oublié. Mais l’oubli est une doctrine politique que je vous laisse.

M. François Marc. Les Français, eux, ne vous oublieront pas…

M. François Baroin, ministre. Pour notre part, nous sommes aux responsabilités, et nous agissons pour préparer l’avenir.

Je tiens évidemment à remercier les orateurs qui se sont exprimés pour accompagner le projet du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur général Alain Vasselle, nous avons eu un débat important sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, et sur la tentation du recours à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS. Mais, et cela ne vous échappera pas, la ligne du Gouvernement sera stable.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Celle du Sénat aussi !

M. François Baroin, ministre. D’ailleurs, c’est normal. Une augmentation, même modérée, de la CRDS serait une encoche inacceptable à la volonté du Gouvernement de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et les impôts. C'est la raison pour laquelle nous maintiendrons notre position.

Je comprends votre amendement comme un amendement d’appel pour un débat que nous avons d’ailleurs déjà largement eu. Nous pourrons profiter de l’occasion pour rappeler que le Président de la République et le Gouvernement ne veulent pas augmenter les prélèvements obligatoires dans notre pays au cours de cette législature, et ce quelles que soient les difficultés liées à la crise.

Monsieur Fourcade, je veux vous remercier une fois encore de la profondeur de champ qui est la vôtre. Vous avez insisté sur un point en effet très important : la gestion de la dette publique. Vous avez évoqué notre capacité à bien gérer et à profiter pleinement des taux d’intérêt les plus favorables que nous ayons connus dans l’histoire. Nous espérons évidemment que cela dure le plus longtemps possible.

Les efforts que nous réalisons en matière de gestion de la dette publique, notamment l’affectation des recettes supplémentaires de l’économie française au désendettement de notre pays, vont dans la bonne direction. Et votre soutien au présent projet de loi et au projet de loi de finances pour 2011 est naturellement précieux et bienvenu.

Je remercie également M. Jégou de son soutien. Je connais ses engagements et ses interrogations. Nous avons eu les mêmes débats avec le rapporteur général Alain Vasselle à propos de la gestion de la dette sociale. Nous aurons l’occasion de débattre de points auxquels vous êtes très attaché, cher Jean-Jacques Jégou, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais, pour l’heure, j’enregistre avec bonheur le soutien que vous apportez au Gouvernement sur le présent projet de loi.

Tels sont, madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter à ce stade de notre discussion. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

projet de loi

Question préalable

Débat et discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 9.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (n°79, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la désastreuse situation de nos comptes publics, qui s’est fortement aggravée depuis 2007, agit comme un frein à toute audace, toute proposition, tout choix qui sortirait des canons de l’orthodoxie libérale, conduisant immanquablement à la mise en place de politiques d’austérité ; des politiques dont les attendus, le contenu et la mise en œuvre ne résolvent pas durablement les difficultés budgétaires de l’État et ne permettent à aucun moment de répondre de manière satisfaisante aux besoins collectifs, ce qui devrait pourtant constituer la pierre de touche de toutes les politiques publiques.

Contrairement à une idée abondamment répandue dans les milieux libéraux, notre pays ne souffre pas d’une inflation inconsidérée de dépenses publiques. Notre pays souffre surtout d’un excès de dépenses fiscales et de mesures dérogatoires dont le coût global, de plus en plus élevé, est à la source de la création des déficits publics cumulés.

Nous avons déjà eu l’occasion de pointer, lors de débats budgétaires antérieurs, à quel point le recours massif aux dispositifs dérogatoires, aux allégements et exonérations circonstanciés, aux remises sur cotisations sociales était devenu l’essentiel des politiques publiques.

Ma collègue Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Remboursements et dégrèvements », avait même parlé dans son rapport de « pilotage à vue » à propos de la gestion des sommes très importantes recouvertes par cette mission, qui est aujourd’hui la plus dotée puisque 90 milliards d’euros passent par le sas de ses crédits.

Mais la mission « Remboursements et dégrèvements » ne représente qu’une partie de la réalité et les montants en jeu s’avèrent autrement plus élevés.

Pour la Cour des comptes, les dépenses fiscales, fort nombreuses, destinées aux entreprises s’élevaient en 2009 à 35,3 milliards d’euros, auxquels il convenait d’ajouter le coût des dispositifs dérogatoires estimé, lui, à 71,3 milliards d’euros.

Notre législation fiscale est truffée de mesures de dépense fiscale et d’allégement de l’impôt sur les sociétés pour plus de 106 milliards d’euros, soit deux fois le produit net de l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, au lieu d’un taux de 33,33 % d’imposition des bénéfices, nous avons un taux divisé par trois, compte tenu des mesures prises pour que le barème ne s’applique pas en totalité.

La même remarque vaut quand on examine la question des niches sociales, notamment des allégements généraux de cotisations, les unes pesant 66 milliards d’euros pour les deniers publics et les autres 26 milliards d’euros au sein de cet ensemble.

Quand on fait la somme des deux ensembles, comme le fait la Cour des comptes, nous sommes face à 172 milliards d’euros de niches fiscales et sociales, soit exactement le montant cumulé du déficit budgétaire prévisible cette année et du déficit du régime général de la sécurité sociale.

Le plus coûteux dans notre législation est le régime des sociétés « mère-fille », avec un coût de 34,9 milliards d’euros en 2009, le régime d’intégration fiscale des groupes, avec une facture de 19,5 milliards d’euros, et le régime dérogatoire des plus-values, avec un cadeau de 6 milliards d’euros pour les entreprises.

Les principaux bénéficiaires des allégements généraux de cotisations sociales sont les grandes enseignes de la distribution qui ont fait du temps partiel imposé leur credo social et de la revente de produits manufacturés importés la source de leurs profits.

Ainsi, on mesure clairement l’urgence d’une profonde réforme fiscale et sociale qui se fixerait comme objectifs prioritaires l’égalité de traitement entre les contribuables, qu’il s’agisse des ménages comme des entreprises, l’efficacité économique, la transparence et la simplicité.

Nous devons procéder à une remise en cause autrement plus audacieuse que celle prévue par le projet de loi de chaque mesure de dépense fiscale comme de chaque dispositif dérogatoire.

Le crédit d’impôt recherche, tel qu’il a été modifié, a-t-il permis de relancer l’innovation dans les entreprises, petites ou grandes ? A-t-il facilité l’embauche et l’activité de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, singulièrement de l’enseignement scientifique ? Si tel n’est pas le cas, il faut revoir cette mesure.

Le régime d’intégration des groupes permet-il le maintien des activités industrielles dans notre pays ? Favorise-t-il le développement des investissements productifs et de l’emploi ? Si tel n’est pas le cas, il faut en redéfinir les conditions d’application.

Les exonérations de cotisations sociales, qui constituent une confiscation de la richesse produite par le travail, ont-elles un effet positif sur la création d’emplois, sur la lutte contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, sur la promotion interne des salariés, sur leur évolution salariale ? Si tel n’est pas le cas et si la persistance de ces dispositifs participe à l’écrasement des salaires, à la non-reconnaissance des diplômes et qualifications initiales ou acquises, il faut les remettre en cause !

Nous ne sommes pas convaincus que l’utilité et l’efficacité d’un dispositif général d’allégement des cotisations coûtant 26 milliards d’euros pour préserver 800 000 emplois, l’équivalent de 30 000 euros par an et par emploi, soient pleinement démontrées.

Je pourrais aussi m’arrêter sur d’autres mesures fiscales, notamment sur celles qui ont été prises dans le paquet fiscal de l’été 2007, et m’interroger, par exemple, sur l’allégement des droits de succession qui est devenu, c’est évident, un outil d’optimisation fiscale des plus hauts patrimoines, les donations devenant l’arme de la défiscalisation organisée du patrimoine !

Nous pourrions aussi nous interroger sur l’usage par certains de l’outil fiscal de la fiducie, cette formule de gestion de patrimoine portée dans notre droit et dont l’actualité récente nous révèle les travers.

Nous pourrions, d’ailleurs, nous interroger sur le sens donné aux débats fiscaux, budgétaires et financiers les plus récents, où de nombreux nouveaux régimes dérogatoires ont vu le jour, et mesurer combien coûtent aujourd’hui ces dispositifs aux comptes publics.

Nous savons, par exemple, ce que coûte l’auto-liquidation du bouclier fiscal : 142 millions d’euros en 2009. Nous savons ce que coûte le bouclier fiscal : 678 millions d’euros en 2010. Ce coût est majoré des coûts de trésorerie découlant de cette absence de recettes. Maintenant qu’il est établi qu’il n’a pas atteint les objectifs qu’on lui avait assignés et qu’il est quasi certain que les principaux bénéficiaires n’ont pas fait preuve de la plus grande transparence quant à leur déclaration fiscale, il est plus que temps de le supprimer.

Cette suppression ne doit pas être conditionnée. Le bouclier fiscal doit être supprimé parce qu’il est coûteux et inefficace, socialement et économiquement, et parce qu’il est une offense à la justice fiscale et sociale.

On pourrait s’interroger de la même manière sur le dispositif « ISF-PME », qui sera d’ailleurs rectifié dans le projet de loi de finances pour 2011. Nous avons le sentiment, depuis la création de ce dispositif, que sa raison d’être n’est pas de permettre aux redevables de l’ISF d’exprimer leur attachement particulier aux petites entreprises ! Ce dispositif n’est qu’une niche de plus pour alléger l’ISF, dont on se sert à concurrence de la somme nécessaire pour ne pas payer cet impôt ou a minima pour en payer le moins possible.

Cette revue de détail de la dépense fiscale, ce véritable « cancer » qui gangrène durablement la gestion publique et qu’il convient de combattre, constitue l’un des axes forts de toute réforme fiscale digne de ce nom. C’est une revue de détail qui doit être portée par une exigence : faire en sorte que notre système de prélèvements sociaux et fiscaux encourage une allocation de la ressource en faveur de l’emploi, de la croissance, de l’activité économique réelle et abandonne par conséquent les priorités qui font primer des impératifs financiers, favorisent les rentes de situation et s’attachent avant tout à la rémunération la plus élevée possible du capital.

Relever le taux de la cotisation patronale destinée au financement des retraites, pour ne donner qu’un exemple tiré de l’actualité, ce n’est pas accroître les prélèvements fondés sur le travail. Ce n’est que rendre aux salariés, sous forme de « salaire socialisé », ce que leur travail permet de créer comme valeur !

Quelques centaines de millions de cotisations sociales de plus sont bien préférables à tant de milliards d’euros gaspillés dans des raids boursiers hasardeux ou dans la rémunération excessive des actionnaires, tout simplement parce que quelques millions de cotisations sociales de plus, c’est quelques millions de prestations servies en contrepartie !

Mes chers collègues, est-il préférable que notre système fiscal et social privilégie les placements boursiers, les opérations stratégiques capitalistiques ou qu’il permette de financer la retraite à 85 % du SMIC pour tous, la couverture optimale des dépenses de santé des ménages, la juste réparation des dommages causés par les accidents du travail et les maladies professionnelles ?

Cette transition intervient pour donner sens à ce que nous attendons des politiques publiques et à leur financement. Non, la dépense publique n’est pas foncièrement mauvaise si elle ne participe aucunement d’une vision de court terme de la société et du développement économique.

Depuis quelques années, on a eu en effet un peu trop tendance à « jeter le bébé avec l’eau du bain » et à critiquer toute dépense publique par principe, sans s’interroger sur son efficacité.

Ainsi, on presse depuis plusieurs années la dépense publique d’éducation et on met en exergue cette réduction pour accuser notre système éducatif de fabriquer des illettrés, des jeunes mal formés, non opérationnels, incapables de raisonner par eux-mêmes ou d’intégrer la vie professionnelle !

Le rêve des contempteurs de la dépense publique d’éducation est-il de revenir au temps de la scolarité s’achevant à quatorze ans et débouchant sur un apprentissage professionnel précoce ? Pourtant, dans le contexte d’avancées technologiques que nous connaissons, ce qui fera la force de l’économie française, ce sera le niveau sans cesse grandissant de formation initiale de notre jeunesse !

Les économies que vous croyez faire aujourd’hui en supprimant des postes d’enseignants, des filières de formations technique et technologique, en mettant en cause un certain nombre de cursus universitaires au nom de la rentabilité de court terme, seront les dépenses que vous ferez demain pour résorber le handicap de croissance et de qualification que cette politique aura conduit à créer.

Dans un autre ordre d’idées, vous allez imposer ces prochaines années à plus de 5 millions de fonctionnaires une augmentation de leurs cotisations sociales de 2,7 % du salaire brut en dix ans et vous allez geler leur traitement indiciaire pour un an, voire plus.

Pensez-vous vraiment que la croissance économique sera au rendez-vous en privant un actif sur cinq de toute revalorisation de son pouvoir d’achat ? Comment de telles mesures, que vous présentez comme des mesures d’économie, pourront-elles contribuer à relancer l’activité et la croissance, d’autant que le secteur privé, dans de nombreux cas, s’alignera sur ces pratiques pour justifier sa propre modération salariale ?

Afin de redresser les comptes publics, nous sommes, pour notre part, partisans d’une revalorisation des traitements dans la fonction publique et d’une réévaluation sensible des salaires, à commencer par le SMIC. Cette réévaluation des salaires doit être négociée par les partenaires sociaux, l’État intervenant en dernier ressort si aucun accord ne peut être défini tant au niveau interprofessionnel qu’au niveau de chaque branche d’activité.

Nous sommes, dans un premier temps, partisans d’une interruption des versements d’exonérations ou d’allégements de cotisations sociales dans toute branche ou entreprise où aucun signe tangible de dialogue social n’apparaît sur le front des salaires. Pas d’exonérations pour les entreprises ou les branches sans un accord majoritaire sur l’évolution des salaires ! Ainsi, nous donnerions un sens à la dépense publique fort différent de celui que l’on tente de lui faire suivre aujourd’hui.

Les attendus du traité de Lisbonne et le pacte de stabilité et de croissance qui en découle constituent la clef de voûte de la politique d’austérité que vous voulez imposer avec cette loi de programmation.

Les schémas économiques et la nature des mesures mises en œuvre dans le cadre européen ont, de longue date, fait la démonstration de leur impuissance à résoudre les problèmes qu’ils prétendaient régler.

Il est temps, notamment avec la reprise économique pour le moins fragile que nous connaissons cette année, de concevoir d’autres politiques publiques, plus efficaces, plus respectueuses des besoins collectifs que celles découlant d’un mode de pensée monétariste totalement inadapté.

L’euro fort ne nous est d’aucune utilité si l’industrie européenne et française part en lambeaux, si le revenu de nos agriculteurs baisse sans cesse et si le taux de chômage, notamment des jeunes, continue de progresser.

Ce n’est pas le sens du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui et c’est, en dernière instance, ce qui nous conduit à vous proposer l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Compte tenu du travail approfondi réalisé en commission, des améliorations significatives apportées au texte par l’adoption d’amendements votés en présence de M. le ministre et du caractère fructueux du dialogue que nous avons eu, ce serait une grande source d’appauvrissement que d’arrêter là la discussion de ce texte.

Pour éviter de gâcher nos énergies et de perdre le bénéfice de tous ces efforts, je préconise le rejet de cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !

M. Jean-Claude Gaudin. Nous approuvons !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 2 et rapport annexé

Article 1er

(Non modifié)

Les articles 2 à 10 fixent, en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, les objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2011 à 2014. – (Adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau : Évolution des dépenses publiques sur longue période (lien)

Article 2 et rapport annexé

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi précisant le contexte, les objectifs et les conditions de réalisation de la programmation des finances publiques pour la période mentionnée à l’article 1er.

RAPPORT ANNEXÉ

RAPPORT SUR LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2011 À 2014

INTRODUCTION

L’objet du présent rapport, soumis à l’approbation du Parlement en vertu de l’article 2, est de préciser les dispositions des articles de la loi de programmation et les moyens qui seront mis en œuvre sur la période pour atteindre nos objectifs de finances publiques.

Il comporte six parties :

– la première décrit le contexte macroéconomique 2010-2011 et les hypothèses retenues pour élaborer la trajectoire pluriannuelle de finances publiques « toutes administrations publiques confondues » sur la période 2011-2014 ; elle détaille également la part prise par chaque sous-secteur dans l’effort d’ensemble ;

– la deuxième partie expose les principes de construction et les grandes lignes du budget triennal 2011-2013 ;

– la troisième présente le champ, la portée et le fonctionnement du budget triennal de l’État, ainsi que les réformes par grands postes de dépense intégrées dans cette programmation ;

– la quatrième porte sur les organismes divers d’administration centrale (ODAC). Elle présente le solde agrégé de ces entités, les réformes les affectant sur la période de programmation et précise les dispositions de l’article 11 de la loi de programmation relatif à la limitation du recours à l’emprunt de ces organismes;

– la cinquième expose la stratégie de redressement des comptes des administrations de sécurité sociale et les réformes qui la sous-tendent ;

– la sixième partie, enfin, porte sur l’évolution des comptes des administrations publiques locales.

I. CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE ET STRATÉGIE D’ENSEMBLE

A. Les hypothèses macroéconomiques retenues

1. La situation et les perspectives à court terme (2010-2011)

Entamée dès le deuxième trimestre 2009, la sortie de crise de l’économie française s’est accélérée au deuxième trimestre 2010 avec une croissance de + 0,7 % (après + 0,2 % au premier trimestre). Pour la première fois depuis la crise de 2008, l’investissement des entreprises a progressé. La consommation des ménages a une nouvelle fois augmenté. Enfin, l’économie française a créé 59 000 emplois salariés marchands au premier semestre, permettant un deuxième trimestre consécutif de baisse du taux de chômage. Depuis le début de l’année, l’environnement international est porteur pour la France : le commerce mondial est extrêmement dynamique et la baisse de l’euro de décembre 2009 à juin 2010 est favorable à la compétitivité de la France.

En 2010 et 2011, la croissance française se redresserait progressivement, à respectivement + 1,5 % et + 2,0 %, après s’être contractée en 2009 (- 2,6 %). La croissance, bien que modérée, serait équilibrée : l’emploi et toutes les composantes de l’activité – exportations, investissement, consommation, variations de stocks – seraient bien orientés, et l’inflation demeurerait contenue.

Les exportations seraient en hausse, de près de 9 % en 2010, et resteraient dynamiques en 2011 (+8 %) grâce aux effets retardés de la dépréciation de l’euro et à un commerce mondial encore au-dessus de son rythme tendanciel en 2011. Le commerce extérieur soutiendrait l’activité pour 0,3 point en 2010 et 0,1 point en 2011.

L’évolution de la demande des entreprises accompagnerait la reprise avec la fin progressive du déstockage et le redressement des investissements face à l’amélioration des perspectives et au besoin de renouvellement des équipements. Elle serait également favorisée par l’amélioration du taux de marge lié au rebond de la productivité et à la suppression de la taxe professionnelle.

La consommation n’a pas fléchi pendant la crise, soutenue notamment par les mesures du plan de relance et le dynamisme des prestations sociales. Elle progresserait en 2010 de + 1,4 % (après + 0,6 % en 2009) et de + 1,7 % en 2011. Les revenus des ménages tireraient profit du rétablissement du marché du travail. En outre, l’inflation rejoindrait un rythme proche de sa progression tendancielle, à 1,5 %, en 2010 et 2011.

Les aléas entourant ce scénario restent naturellement nombreux. Parmi les facteurs baissiers qui peuvent peser sur le scénario international figure un éventuel retour de tensions financières sur les marchés obligataires ou boursiers. A l’inverse, compte tenu de l’important recul passé de l’activité, le rebond cyclique de l’économie pourrait se révéler plus prononcé, en France comme à l’étranger, avec un investissement des entreprises plus dynamique. De plus, dans les pays où le taux d’épargne est élevé, comme la France, les ménages pourraient réagir plus vite et plus favorablement au rétablissement du marché de l’emploi et à la réduction des déficits publics en puisant dans leur épargne, favorisant la consommation.

2. Les perspectives à moyen terme (2012-2014)

La prévision de croissance à l’horizon 2014 s’appuie d’abord sur la croissance potentielle de l’économie à cet horizon. Avec la récession de 2008-2009, les dépenses d’investissement ont fortement chuté, le chômage a augmenté et les gains de productivité ont pu être amoindris. Ces éléments seraient à l’origine d’un ralentissement temporaire de la croissance potentielle à partir de 2008. Cependant, dès 2011, l’accélération de l’investissement, le rétablissement progressif du marché du travail, l’impact positif de la réforme des retraites sur la population active et l’effet sur la productivité des réformes structurelles du Gouvernement (loi de modernisation de l’économie, réformes du crédit impôt recherche, investissements d’avenir) permettraient un redressement progressif de la croissance potentielle pour retrouver un rythme de 2% entre 2012 et 2014. En moyenne sur la période 2009-2013, la croissance potentielle serait de 1,7%. Sur 2009-2014, la croissance potentielle moyenne serait de 1,8%.

Le niveau du PIB effectif a nettement décroché du PIB potentiel en 2008 et 2009, engendrant un « déficit d’activité » de plus de 5 points du PIB potentiel en 2010. Le scénario économique de la programmation pluriannuelle retient une hypothèse de croissance de 2,5 % par an en 2012-2014 : elle est un peu supérieure à la croissance potentielle, ce qui est normal en sortie de crise pour réduire progressivement le déficit d’activité. Mais cette hypothèse reste prudente pour tenir compte de l’incertitude sur le niveau d’activité potentiel : ainsi, l’activité ne rejoindrait pas encore son niveau potentiel en 2014. Ce redressement de la croissance, malgré le freinage de la demande publique, proviendrait d’un dynamisme de l’investissement et de la bonne tenue de la consommation grâce aux créations d’emplois, dans un contexte de croissance mondiale au rythme d’avant crise. La masse salariale privée croîtrait ainsi à 4,5% par an, un peu en deçà de la valeur ajoutée privée, ce qui permettrait de retrouver à l’horizon 2014 la part des rémunérations dans la valeur ajoutée d’avant crise.

Principaux indicateurs du scénario macroéconomique 2012-2014

En %

2012

2013

2014

PIB

2,5

2,5

2,5

Déflateur de PIB

1,75

1,75

1,75

Indice des prix à la consommation

1,75

1,75

1,75

Masse salariale du secteur privé

4,5

4,5

4,5

B. La stratégie de finances publiques

1. La stratégie de finances publiques s’inscrit dans les engagements européens de la France

L’année 2009 a vu un fort creusement du déficit public sous l’effet de la crise économique : en effet, la récession a fait chuter les recettes fiscales et sociales, tandis qu’augmentaient les prestations sociales sensibles à la conjoncture et, au premier chef, les dépenses d’indemnisation du chômage. Dans ce contexte, la stratégie budgétaire de la France a été de laisser jouer à plein les stabilisateurs automatiques et de renforcer leur action au plus fort de la crise par un plan de relance ciblé et temporaire. Cette stratégie a porté ses fruits : elle a permis de soutenir l’économie et de limiter l’ampleur de la récession, qui a finalement été moins forte que chez la plupart de nos partenaires européens.

En 2010, le retrait du soutien budgétaire à l’activité a été progressif afin de permettre à la reprise de s’installer durablement, conformément à la stratégie adoptée par l’Union européenne comme les pays du G20 et en ligne avec les recommandations des organisations internationales. Parallèlement à l’extinction graduelle des mesures de relance, le Gouvernement a pris des initiatives pour soutenir la croissance potentielle de long terme afin de préparer au mieux l’après-crise : ainsi, la suppression de la taxe professionnelle et les investissements d’avenir stimuleront à moyen terme la compétitivité et la productivité de notre économie, tandis que la réforme des retraites soutiendra également la croissance potentielle, tout en contribuant à garantir la soutenabilité des finances publiques.

Avec la reprise, le redressement des finances publiques est un impératif, pour éviter que le poids de la dette publique ne vienne menacer le potentiel de croissance de l’économie française et que la charge de la dette ne limite de manière excessive les marges de manœuvre de l’action publique. Ainsi, à partir de 2011, le Gouvernement va renforcer considérablement ses efforts d’assainissement : le déficit public sera ramené à 6 % du PIB en 2011, puis à 4,6 % du PIB en 2012, 3 % du PIB en 2013 et 2 % du PIB en 2014.

Cette stratégie constitue la déclinaison des engagements pris dès janvier 2010 dans le cadre de notre programme de stabilité 2010-2013. La France respecte ainsi pleinement la recommandation qui lui a été adressée par le Conseil Ecofin le 2 décembre 2009 : en particulier, l’ajustement structurel sera supérieur à 4 points de PIB sur la période 2010-2013, permettant de ramener le déficit public à 3 % en 2013.

Ce redressement des finances publiques repose sur une stratégie cohérente, visant notamment à éviter toute hausse générale d’impôt qui pourrait mettre en péril la reprise de l’activité. Elle est fondée sur :

– une sortie progressive du plan de relance : avec l’accélération de l’activité économique, les mesures de soutien sont progressivement arrêtées au cours de l’année 2010 et ne pèseront plus sur les finances publiques à partir de 2011. De même, la part temporaire du coût de mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle en 2010 disparaîtra en 2011 ;

– un partage équilibré du redressement entre économies en dépenses et mesures ciblées en recettes : ainsi sur la période 2011-2014, les économies en dépense représenteront environ 55 % de l’effort de redressement ;

– une fiscalité plus juste et économiquement plus efficace à travers la réduction des niches fiscales et sociales : des mesures permettant de réduire le coût des dépenses fiscales et des niches sociales pour plus de 10 Md€ sont présentées dans le cadre des projets de loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet effort sera poursuivi les années suivantes, avec une réduction supplémentaire de 3 Md€ par an du coût des niches fiscales et sociales. En revanche, dans un pays qui atteint déjà un niveau de prélèvements obligatoires élevé d’un point de vue international, toute hausse généralisée d’impôt nuirait à la compétitivité de notre économie et risquerait de compromettre la reprise : de telles mesures sont ainsi écartées.

– une maîtrise des dépenses qui s’inscrit dans la durée, partagée par l’ensemble des acteurs publics et s’appuyant sur des réformes. L’ensemble des réformes détaillées dans le 2 infra et dans les parties consacrées à chacun des sous-secteurs des administrations publiques doit ramener le rythme de progression de la dépense publique en volume à 0,6 % par an en moyenne sur 2011-2014. Ce chiffre représente un taux moyen sur la période, intégrant l’incidence de la non reconduction en 2011 des mesures du plan de relance de 2010, qui contribue mécaniquement à ralentir le rythme d’évolution de la dépense : hors contrecoup du plan de relance, ce rythme de progression moyen atteint 0,8 % par an.

– une amélioration de la gouvernance des finances publiques pour accompagner leur redressement (voir D infra)

2. Un effort inédit de maîtrise de la dépense

Avec une croissance annuelle moyenne de +0,6% par an en volume(1), soit +0,8% par an hors plan de relance, l’évolution des dépenses publiques sur la période 2011-2014 connaîtra un infléchissement majeur par rapport à la tendance longue, puisque ce niveau de croissance de la dépense n’a pas été atteint durant les vingt dernières années.

Article 2 et rapport annexé
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien)

Tableau : Évolution des dépenses publiques sur longue période (lien)

L’effort en dépenses doit être porté par tous les sous-secteurs des administrations publiques tout en prenant en compte la différence de dynamique spontanée des dépenses financées par chacun d’entre eux, afin que les objectifs soient ambitieux mais réalistes.

La progression des dépenses consolidées des administrations publiques centrales (APUC, dont l’État) en comptabilité nationale s’établira à un rythme moyen proche de l’inflation (soit une progression nulle en volume), une fois corrigés l’effet de l’extinction des dernières mesures de relance en 2011 ainsi que celui du contrecoup du transfert exceptionnel de l’État vers les collectivités locales réalisé dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle en 2010 (ce transfert est en effet traité en dépense en comptabilité nationale).

Ce résultat sera atteint en appliquant sur la période 2011-2014 au budget de l’État les deux règles fixées à l’article 5 de la présente loi : la stabilisation des crédits en euros constants (norme dite « 0 volume ») sur le champ de la norme élargie et la stabilisation en euros courants de ces mêmes crédits hors charge de la dette et pensions des fonctionnaires de l’État (norme dite « 0 valeur hors dette et pensions »). Les modalités de respect de ces règles dans la construction du budget triennal 2011-2013 sont détaillées dans les parties II.A et III.

Sur le champ des ASSO, la démarche de maîtrise des dépenses sociales sera poursuivie avec un rythme d’évolution de 1,2 % en volume sur la période 2011-2014. La progression de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base (ONDAM) sera limitée à 2,9 % en valeur en 2011, puis 2,8 % par an à partir de 2012. Les propositions du groupe Briet permettront d’améliorer leur pilotage (voir partie V). La réforme des retraites présentée en septembre devrait permettre de limiter la progression des prestations vieillesse dès le début de la période de programmation. Enfin, l’amélioration de la situation sur le marché de l’emploi permise sur le moyen terme par une croissance de l’activité supérieure à son potentiel devrait conduire à une décrue marquée des dépenses de l’assurance chômage.

Enfin, il est fait l’hypothèse que les dépenses des collectivités locales connaîtront une croissance moins dynamique, à l’avenir, en lien notamment avec la dégradation relative de leur situation financière ces dernières années. Ainsi, la programmation est construite sous l’hypothèse que les collectivités locales atteindraient l’équilibre à horizon 2014 grâce à une progression des dépenses locales modérée, de 0,6% par an en moyenne, soit une croissance qui resterait néanmoins toujours plus dynamique que celle de l’État. Cela résulterait notamment des effets d’un cycle d’investissement qui pourrait être moins marqué que le précédent, d’une probable inflexion significative des dépenses sociales liée à la fin de montée en charge de certaines prestations (APA, PCH) et au reflux des dépenses de RSA socle permis par l’amélioration de la conjoncture. La mise en œuvre des propositions du groupe Carrez-Thénault, et notamment le gel des concours financiers de l’État (hors FCTVA) et l’encadrement des normes règlementaires imposées aux collectivités locales, contribueraient également à la maîtrise de la dépense locale.

Évolution des dépenses publiques en volume

en moyenne annuelle (*), à champ courant, en comptabilité nationale

hors contrecoup du plan de relance

2011-2014

Administrations publiques

0,8%

Administrations publiques centrales (APUC) (**)

0,0%

Administrations publiques locales (APUL)

0,6%

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

1,2%

(*) il s’agit de la moyenne des progressions 2010-2011, 2011-2012, 2012-2013, 2013-2014

(**) hors transfert exceptionnel aux APUL lié à la réforme de la taxe professionnelle

Note de lecture : les administrations publiques centrales (APUC) regroupent l’État et les organismes divers d’administration (ODAC).

3. La stratégie en matière de prélèvements obligatoires

a) Une stratégie fiscale pour accompagner la sortie de crise et contribuer au redressement des finances publiques.

Depuis 2007, la stratégie fiscale du Gouvernement s’est articulée essentiellement autour de trois axes :

– Mener à bien des réformes structurelles pour mettre notre système fiscal au service de la croissance, de l’emploi et de l’investissement ;

Cet axe a notamment été illustré par (i) l’exonération des heures supplémentaires et la création du régime fiscal et social de l’auto-entrepreneur, qui ont apporté une contribution décisive à l’emploi, (ii) la réforme du crédit d’impôt recherche et la suppression de la taxe professionnelle, qui ont créé les conditions d’une reprise de l’investissement des entreprises et de l’innovation, et enfin (iii) de nombreuses mesures d’aide à l’équipement des ménages, principalement dans le domaine de l’environnement (bonus-malus automobile, éco-prêt à taux zéro, crédit d’impôt développement durable…) et dans le domaine du logement (réduction d’impôt « Scellier », crédit d’impôt « TEPA ») ;

– Faire de la fiscalité un levier d’accompagnement de la politique économique et de la stratégie de finances publiques.

Ainsi, les mesures temporaires mises en place par le Gouvernement en 2008 et 2009 (allégement d’un tiers de l’impôt sur le revenu des classes moyennes, doublement du prêt à taux zéro, remboursement anticipé des créances fiscales des entreprises en matière de TVA et d’impôt sur les sociétés…) se sont traduites par une injection massive de trésorerie dans l’économie, qui s’est révélée décisive pour aider ménages et entreprises à surmonter la crise, sans pour autant compromettre la situation de long terme de nos finances publiques compte tenu du caractère temporaire et réversible des mesures prises ;

– Aller vers une fiscalité plus juste, plus stable et plus équitable pour les contribuables.

Sur ce plan, des avancées majeures ont été accomplies au cours des trois dernières années : la mise en œuvre du bouclier fiscal a permis de mettre un terme aux situations de surimposition ; inversement, le plafonnement de certains avantages fiscaux qui jusqu’à présent n’étaient pas limités, ainsi que l’instauration d’un plafonnement global des niches fiscales, ont permis de faire en sorte que certains contribuables ne puissent plus échapper à l’impôt par le recours aux niches fiscales.

Le projet de loi de finances pour 2011 prolonge ces trois orientations.

Il poursuit les réformes structurelles, notamment en faveur de l’accession à la propriété (fusion du prêt à taux zéro et du crédit d’impôt « TEPA ») et de l’innovation (pérennisation du remboursement anticipé du CIR pour les PME, extension du régime fiscal des brevets, « clause de réexamen » de la réforme de la taxe professionnelle).

Surtout, il met l’outil fiscal au service du redressement des comptes publics. La crise économique a significativement affecté le niveau des prélèvements obligatoires, tant en raison de la surréaction à la baisse de certains prélèvements – principalement l’impôt sur les sociétés – que par l’effet des mesures de soutien à l’économie mises en œuvre fin 2008 et début 2009.

Dans la phase de sortie de crise, la fiscalité doit désormais contribuer au redressement des comptes publics. Sous l’effet de la reprise économique, le redressement spontané des recettes fiscales, entamé en 2010, devrait se poursuivre en 2011. La programmation table sur une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB légèrement supérieure à l’unité (1,1) en 2012 et 2013, avant de revenir sur une élasticité unitaire en 2014.

Cet effet mécanique sera toutefois insuffisant pour tenir la trajectoire de redressement des comptes publics, et doit donc être complété par des mesures de recettes nouvelles.

Le Gouvernement exclut le recours à une augmentation généralisée des prélèvements obligatoires : celle-ci pèserait à court terme sur l’activité et placerait dans le même temps la France dans une situation concurrentielle défavorable vis-à-vis de ses partenaires, alors même que notre pays enregistre déjà l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l’Union européenne.

En revanche, un effort de réduction significative des dépenses fiscales et des niches sociales peut accélérer le redressement des comptes publics sans mettre en péril le redémarrage de l’activité. Il peut aussi contribuer, en réduisant des avantages fiscaux inutiles, inefficaces ou injustifiés, à mieux assurer l’équité fiscale entre contribuables et, ainsi, à rendre plus légitime et plus acceptable la contribution de chacun au rétablissement des finances publiques.

C’est pourquoi le Gouvernement proposera au Parlement, dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, un ensemble de mesures ambitieuses, qui vise à réduire de plus de 10 Md€ en moyenne, sur 2011 et 2012, le coût global des dépenses fiscales et des niches sociales.

Au total, ces différentes mesures, combinées aux autres recettes nouvelles figurant dans le projet de loi de finances, permettront d’accroître les recettes de l’État et des organismes de sécurité sociale d’environ 10,5 Md€ en 2011 et de près de 3 Md€ supplémentaires en 2012.

Un premier ensemble de mesures, dont le rendement total atteindra 3,5 Md€ dès 2011, vise à assurer la pérennité du système de retraite. Elles comprennent des mesures fiscales et de réductions d’exonérations de cotisations sociales :

– Augmentation d’un point du taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu et du taux de certains prélèvements sur les revenus du capital et du patrimoine (0,5 Md€ en 2011) ;

– Suppression du crédit d’impôt sur les dividendes et du seuil de taxation des plus-values de cession mobilières, ainsi que d’autres avantages dérogatoires relatifs aux revenus du patrimoine (total : 0,6 Md€ en 2011 et 0,2 supplémentaires en 2012) ;

– Relèvement des taux des prélèvements sociaux sur les stock-options et les retraites chapeau (0,2 Md€ en 2011) ;

– Annualisation des allègements généraux de charges sociales des entreprises et modification du régime d’imposition des sociétés mères (2,2 Md€ dès 2011).

Par ailleurs, 3,6 Md€ sont mobilisés en 2011 dans le cadre du schéma de financement de la reprise de la dette sociale par la CADES :

– Application  « au fil de l’eau » des prélèvements sociaux au fonds euros des contrats d’assurance vie (1,6 Md€ en 2011) ;

– Suppression partielle de l’exonération de taxe sur les conventions d’assurances dont bénéficiaient les contrats « solidaires et responsables » (1,1 Md€) ;

– « Exit tax » sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurances en 2011 et 2012 (0,9 Md€ chaque année).

Au-delà de ces deux objectifs de long terme, plusieurs mesures complémentaires contribueront à l’amélioration des recettes de l’État et des organismes de sécurité sociale dès l’année 2011, à hauteur de 3,5 Md€, dont notamment :

– La suppression du taux réduit de TVA sur les offres mixtes comportant l’accès à un réseau de communications (1,1 Md€ en 2011) ;

– La taxe systémique sur les banques (0,5 Md€ en 2011) ;

– La hausse de 2 points du forfait social (+0,4 Md€ en 2011) ;

– La suppression ou la réduction de certaines exonération de cotisations employeurs de sécurité sociale (0,5 Md€ en 2010).

Sur la période 2012-2014, le Gouvernement s’est fixé pour objectif, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, de réduire les niches fiscales et sociales d’au moins 3 Md€ supplémentaires chaque année. En 2012, cet objectif sera atteint, notamment, grâce à la mise en œuvre de mesures qui seront soumises au Parlement dès le projet de loi de finances pour 2011, mais n’auront pas d’impact budgétaire avant 2012. Il s’agit notamment de la réduction homothétique des niches fiscales à l’impôt sur le revenu (dite « rabot fiscal »), dont le rendement devrait atteindre 430 M€ en 2012, de la réduction des dispositifs fiscaux d’aide à l’investissement dans l’énergie photovoltaïque, dont le rendement atteindra 850 M€ en 2012 et de la suppression de la triple déclaration l’année du mariage, du divorce ou du PACS, dont le rendement en 2012 devrait être de 500 M€.

b) Un article de la loi de programmation fixe la trajectoire de mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires.

La première loi de programmation des finances publiques comportait des règles de maîtrise des recettes publiques. En particulier, son article 11 posait en principe le gage des créations de niches fiscales et sociales, par des remises en cause de mesures existantes.

L’article 9 de la présente loi de programmation va au-delà de cette logique, pour deux raisons :

– D’une part, compte tenu de la situation de nos finances publiques, l’idée de simplement « gager » les créations de dépenses fiscales et de niches sociales nouvelles par des suppressions de même montant est apparue insuffisante ; c’est la raison pour laquelle, dès la présentation de notre programme de stabilité en février 2010, le Gouvernement s’est fixé un objectif d’économies nettes sur les dépenses fiscales et niches sociales ;

– D’autre part, la notion de « dépenses fiscales et niches sociales » s’est avérée difficile à appréhender juridiquement.

C’est la raison pour laquelle l’article 9 comporte un tableau qui fixe, pour chaque année de la programmation, l’impact annuel minimal des nouvelles mesures afférentes aux prélèvements obligatoires votées par le Parlement ou prises par voie réglementaire. Cet article exclut donc les hausses de prélèvements obligatoires sur lesquelles le pouvoir législatif ou le pouvoir réglementaire n’ont pas directement prise. Sur la période de la programmation, ces impacts minimaux sont positifs et surtout concentrés sur l’année 2011, pour contribuer au redressement des comptes publics.

Ce faisant, l’article 9 est en quelque sorte le pendant des articles de la loi de programmation qui fixent l’effort de maîtrise de la dépense. L’ensemble de ces articles permet au Parlement d’approuver un effort structurel minimal, en dépenses et en recettes, que le Parlement et le Gouvernement entendent réaliser sur la période. La philosophie générale de ces dispositions s’inspire de la préconisation du groupe de travail présidé par M. Camdessus, de création d’une loi-cadre de programmation des finances publiques qui fixerait sur un horizon pluriannuel des plafonds de dépenses et des niveaux minimaux de mesures en recettes qui s’imposeraient aux textes financiers. Conformément à ce qui est exposé plus haut, le Gouvernement s’engage à ce que cet effort passe par des économies sur les dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires, et non par des hausses généralisées d’impôts.

Les données présentées dans le tableau de l’article 9 de la loi sont construites en retenant les conventions suivantes :

– Elles concernent les prélèvements obligatoires au sens de la comptabilité nationale, dont la définition est notamment rappelée chaque année dans le rapport relatif aux prélèvements obligatoires et à leur évolution, joint au projet de loi de finances ;

– Elles retracent l’effet des mesures nouvelles qui modifient le rendement total des prélèvements obligatoires, que ce soit en modifiant les taux d’imposition ou les assiettes, en créant/modifiant/supprimant des crédits d’impôt spécifiques, en créant de nouveaux impôts ou en supprimant des impôts existants ;

– L’impact est enregistré sur la période de montée en charge de la mesure, qui peut s’étaler bien au-delà de la date à laquelle elle entre en vigueur (cf. infra). En revanche, une fois complètement montée en charge, l’évolution du coût/gain de la mesure, due au vieillissement des bases taxables, n’est plus retracée.

Par exemple,

– Dans le cas d’une modification du taux de TVA effectuée au 1er janvier de l’année N, on enregistre une mesure nouvelle en année N du montant du coût/rendement de la mesure ;

– Dans le cas d’un changement de taux effectif à mi-année, on enregistre deux mesures nouvelles en année N et en année N+1 égales à la moitié du coût/rendement de la mesure ;

– Dans le cas d’un impôt retardé, par exemple les crédits d’impôts sur le revenu, il est possible d’enregistrer l’impact d’une mesure nouvelle une ou plusieurs années après que celle-ci a été votée par le Parlement ;

– Dans le cas d’une mesure augmentant les recettes de manière exceptionnelle (non pérenne) en année N, on enregistre une mesure nouvelle en année N et une mesure nouvelle de même montant mais de signe opposé en année N+1.

c) La trajectoire de finances publiques

1. Évolution du solde public et du solde structurel

Conformément à nos engagements européens, le solde public atteindra -6,0% en 2011 et -3,0% en 2013.

Après une forte dégradation en 2009, due principalement à la mise en œuvre du plan de relance et à la surréaction à la baisse des recettes fiscales au repli de l’activité, le solde structurel serait globalement stable en 2010. Cette neutralité de la politique budgétaire a permis d’éviter qu’une consolidation trop précoce ne fragilise prématurément la reprise, tout en œuvrant au soutien de l’activité potentielle à moyen et long terme grâce à la mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle et des investissements d’avenir.

À partir de 2011, un ajustement structurel important sera mis en œuvre, qui permettra in fine au solde structurel de s’améliorer de plus de 4 points de PIB en quatre ans sur la période 2010-2013, conformément aux engagements européens de la France.

Cet ajustement sera le fruit d’un effort conjugué de maîtrise de la dépense publique, partagé par tous les secteurs des administrations publiques, et, dans une moindre mesure, d’une réduction significative du coût des niches fiscales et sociales, pour plus de 10 Md€ dans le cadre des projets de loi de finances et loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011. Cet effort sera poursuivi les années suivantes, avec une réduction supplémentaire de 3 Md€ par an du coût des niches fiscales et sociales. Par ailleurs, les prélèvements obligatoires, et notamment les recettes fiscales, devraient se redresser progressivement après la surréaction à la baisse observée pendant la crise : ils devraient croître spontanément un peu plus vite que le PIB en 2012 et en 2013 (élasticité de 1,1) de manière à rattraper progressivement les pertes de recettes accumulées durant la crise, avant de progresser à nouveau au rythme du PIB en 2014 (élasticité de 1). Au total, sur la période 2009-2014, l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB serait proche de l’unité.

De manière plus ponctuelle, le solde structurel bénéficiera en 2011 de l’extinction des dernières mesures de relance ainsi que de la disparition du surcoût temporaire de mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle. L’ajustement structurel sera légèrement plus marqué en 2013 qu’en 2012, notamment en raison du profil d’évolution spontanée des recettes fiscales (certaines recettes sont assises sur des bases retardées, et la conjoncture devrait être meilleure en 2012 qu’en 2011), et de la montée en charge progressive de la réforme des retraites. En 2014, il sera un peu moins marqué, en particulier sous l’effet de la fin du rattrapage spontané des recettes fiscales après la crise.

Dans le même temps, le solde conjoncturel s’améliorerait également, à hauteur de 0,1 point en 2011, puis de 0,3 point de PIB par an environ à partir de 2012, grâce à une croissance de l’activité plus rapide que son potentiel, permettant de combler en partie l’écart de production (output gap) qui s’est formé pendant la crise.

(en % du PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Solde public

-7,5

-7,7

-6,0

-4,6

-3,0

-2,0

Variation du solde public

-4,2

-0,2

1,8

1,4

1,6

1,0

Dont variation du solde conjoncturel

-2,0

-0,3

0,1

0,3

0,3

0,3

Dont variation du solde structurel

-2,2

0,1

1,6

1,1

1,3

0,8

2. L’évolution du solde public par sous secteur des administrations publiques

Chacun des sous-secteurs prendra part à la réduction du besoin de financement des administrations publiques d’ici à 2014.

Capacité (+) / besoin (-) de financement des administrations publiques (% du PIB)

(en % du PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Administrations publiques

-7,5

-7,7

-6,0

-4,6

-3,0

-2,0

Administrations publiques centrales

-6,0

-5,6

-4,0

-3,1

-2,1

-1,5

dont État

-6,2

-7,7

-4,3

-3,4

-2,4

-1,8

dont Organismes divers d’admin. centrale

0,1

2,1

0,3

0,3

0,3

0,4

Administrations publiques locales

-0,3

-0,4

-0,5

-0,3

-0,2

0,0

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,7

-1,5

-1,2

-0,8

-0,5

Le besoin de financement des administrations publiques centrales devrait diminuer d’environ 4 points de PIB entre 2010 et 2014 grâce à l’effort de maîtrise de la dépense résultant du respect des normes « zéro volume » et « zéro valeur hors dette et pensions » et des économies réalisées par les opérateurs, à l’effet du rattrapage spontané des recettes fiscales après leur surréaction à la baisse observée pendant la crise et aux bénéfices de la réduction du coût des niches fiscales et sociales. A cela s’ajouterait en 2011 l’impact de l’extinction des mesures de gestion de la crise économique et financière et de la disparition du surcoût temporaire lié à la mise en place de la réforme de la taxe professionnelle, le coût de ces deux mesures étant entièrement pris en charge par l’État.

La décomposition du solde des administrations publiques centrales entre solde de l’État et solde des ODAC (organismes divers d’administration centrale) est fortement impactée par la dotation en 2010 de l’État aux organismes en charge des investissements d’avenir, qui sont pour la plupart des ODAC, comme l’ANR, l’ADEME ou encore le CEA.

La programmation est construite sous l’hypothèse que les collectivités locales se donneraient un objectif d’équilibre à terme et que cet équilibre serait mis en œuvre à travers une progression des dépenses locales modérée. Celle-ci serait permise notamment par un cycle d’investissement moins marqué que le précédent, par une inflexion significative des dépenses sociales et par les bénéfices de la mise en œuvre des propositions du groupe Carrez-Thénault, notamment le gel des concours financiers de l’État (hors FCTVA) et l’encadrement des normes règlementaires imposées aux collectivités locales.

Enfin, le solde des administrations de sécurité sociale – qui comprend le régime général, mais aussi les régimes de retraites complémentaires et l’assurance-chômage – se redresserait à partir de 2011. Il bénéficierait en effet des efforts de maîtrise de la dépense réalisés, notamment sur l’assurance maladie (avec un ONDAM dont la progression serait de 2,9 % en 2011, puis 2,8 % à partir de 2012), des conséquences positives de la réforme des retraites, ainsi que de la diminution spontanée des dépenses d’indemnisation du chômage liée à l’amélioration de la situation économique. Les cotisations sociales profiteraient quant à elles du redressement de la masse salariale privée consécutif à l’amélioration de la conjoncture.

3. La trajectoire de dette publique

Le ratio de dette publique a fortement progressé avec la crise, sous l’effet conjugué de déficits élevés et d’une faible croissance nominale de l’économie. Grâce à la réduction des déficits et à la reprise de l’activité, la progression du ratio de dette devrait s’infléchir fortement dès 2011. Sous l’hypothèse conventionnelle de flux de créances nuls à partir de 2012, la dette publique au sens de Maastricht atteindrait 87,4 % du PIB en 2012, puis commencerait à diminuer dès 2013 grâce au retour du solde public au dessus du solde stabilisant(2).



(en % du PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Ratio d’endettement au sens de Maastricht (1)

78,1

82,9

86,2

87,4

86,8

85,3

Croissance nominale du PIB, en % (2)

-2,1

2,2

3,7

4,2

4,3

4,3

Solde stabilisant le ratio d’endettement(hors flux de créances) (3)≈-(1)×(2)

1,5

-1,6

-3,0

-3,5

-3,6

-3,5

Solde public effectif (4)

-7,5

-7,7

-6,0

-4,6

-3,0

-2,0

Écart au solde stabilisant (A) = (3)-(4)

9,0

6,1

3,0

1,1

-0,6

-1,5

Flux de créances (B)

1,6

-1,2

0,3

0,0

0,0

0,0

Variation du ratio d’endettement (C) = (A)+(B)

10,6

4,8

3,3

1,1

-0,5

-1,5

D. Des règles de gouvernance en dépense et en recettes

Les instruments juridiques de gouvernance des finances publiques jouent un rôle essentiel dans les stratégies de consolidation, en France ou au niveau communautaire où des réformes d’ampleur sont engagées pour une meilleure coordination des politiques budgétaires.

Le renforcement des normes budgétaires s’inscrit dans le sens des recommandations des organisations internationales tels le FMI ou l’OCDE et en ligne avec les conclusions du Conseil de l’Union européenne d’octobre 2009 sur l’élaboration d’une stratégie de sortie de crise qui insistaient sur le fait que « la stratégie de sortie de crise dans le domaine budgétaire s’accompagnera d’importantes dispositions, visant notamment à renforcer les cadres budgétaires nationaux en vue de conforter la crédibilité des stratégies d’assainissement et des mesures destinées à soutenir la viabilité à long terme des finances publiques, comme il est souligné dans le pacte de stabilité et de croissance ».

Le tableau ci-dessous retrace les principales règles juridiques en vigueur en France, selon qu’elles portent sur le solde, la dette, les dépenses ou les recettes publiques, et selon leur position dans la hiérarchie des normes. Certaines règles sont inscrites dans le bloc de constitutionnalité et s’imposent aux pouvoirs législatif et réglementaire ; d’autres n’ont pas de valeur normative mais sont néanmoins mises en œuvre par le Gouvernement. La première LPFP 2009-2012 avait contribué à enrichir les règles de finances publiques existantes, notamment en matière d’encadrement des recettes fiscales et sociales.

Tableau : Évolution des dépenses publiques sur longue période (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau : Progression annuelle, à champ constant, des crédits du budget général et des prélèvements sur recettes sur la période 2006-2013 (lien)

Tableau (lien)

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014 s’inscrit dans la continuité des règles existantes, tout en préfigurant autant que possible la réforme constitutionnelle en cours de discussion sur la base des conclusions du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus. Cette réforme, qui vise à poser les bases pérennes d’une nouvelle gouvernance de nos finances publiques, instaurerait une loi-cadre de programmation des finances publiques (LCPFP), qui s’imposerait aux LF et LFSS et fixerait une trajectoire d’effort structurel de redressement des finances publiques.

Le rapport du groupe de travail présidé par M. Camdessus préconise que les futures LCPFP fixent, pour chacune des années de la période de programmation, un plafond de niveau de dépenses et un plancher annuel des mesures nouvelles en recettes, c’est-à-dire une trajectoire d’effort structurel de consolidation budgétaire. Ainsi défini, le concept d’effort structurel permet de suivre les mesures discrétionnaires en dépense comme en recettes, indépendamment de la surréaction des recettes à la conjoncture.

La LPFP 2011-2014 préfigure ce que pourraient contenir les futures lois-cadres s’agissant de l’effort structurel. En effet, elle fixe sur la période de programmation les plafonds globaux et par mission de dépense de l’État (articles 5 et 6), l’objectif de dépenses du régime général de la sécurité sociale (article 8.I), le niveau de l’ONDAM (article 8.II) et l’impact cumulé des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires votées par le Parlement ou prises par voie réglementaire (article 9).

Les règles générales relatives aux recettes sont explicitées dans cette partie du rapport tandis que celles propres à un sous-secteur des administrations publiques le sont dans les parties sectorielles :

Des règles générales de gouvernance en matière de recettes

Le Gouvernement s’engage à réserver aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale les dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales.

Le rapport remis par le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus préconise de conférer une compétence exclusive aux lois financières en matière de prélèvements obligatoires. Cette proposition suppose une modification de la Constitution. Toutefois, une circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010 demande aux membres du Gouvernement de mettre en œuvre dès à présent le monopole des lois de finances et lois de financement pour les mesures relatives aux recettes fiscales et sociales.

Aussi, depuis cette date :

– Le Gouvernement n’insère plus de disposition fiscale ou de disposition affectant les ressources de la sécurité sociale dans les lois ordinaires ;

– Pour les textes déjà déposés et les propositions de loi qui n’ont pas encore été examinés par la commission compétente de la première assemblée saisie, le Gouvernement présentera des amendements tendant à la suppression des dispositions de cette nature et opposera un avis négatif à tout amendement qui tendrait à en introduire.

Le Gouvernement s’engage à respecter strictement ces règles sur la période de programmation.

Le Parlement est par ailleurs invité à se conformer à cette règle de bonne conduite afin de contribuer à l’objectif de réduction des dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires. La bonne application et le respect de cette règle garantissent ainsi la lisibilité et la cohérence de la politique des prélèvements obligatoires, puisque c’est au moment du dépôt des lois financières que l’impact des mesures en recettes sur les finances publiques est présenté.

Une évaluation systématique des niches fiscales et sociales

Dans le prolongement de la démarche engagée à l’occasion de la première loi de programmation des finances publiques et de la révision générale des politiques publiques (RGPP), l’évaluation de l’ensemble des dispositifs d’atténuation de recettes fiscales et sociales permettra d’éclairer le Gouvernement et le Parlement pendant la durée de programmation sur leur coût, leur efficacité et le cas échéant les réformes possibles, voire nécessaires. Une première évaluation globale de ces dispositifs sera remise au Parlement avant le 30 juin 2011, conformément aux dispositions de la LPFP 2009-2012.

Le III de l’article 12 prévoit ainsi, sur le champ fiscal comme sur le champ social, de poursuivre l’évaluation systématique des dispositifs créés à compter de la présentation de la loi de programmation trois ans après leur entrée en vigueur.

Affecter les surplus éventuels constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année à la réduction du déficit public

La loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 étend au champ de la loi de financement de la sécurité sociale l’application du principe selon lequel les éventuels surplus de recettes constatés en cours d’année sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit public.

Pour l’État, ce principe avait été instauré par la LPFP 2009-2012 ; il consiste à programmer de manière pluriannuelle la mise en œuvre du 10° du I de l’article 34 de la LOLF disposant que la loi de finances « arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l’année, des produits des impositions de toute nature établies au profit de l’État ».

Pour le champ de la loi de financement de la sécurité sociale, il s’agit de prévenir les risques d’un pilotage des finances sociales qui se réduirait à un seul pilotage par le solde des différentes branches ; il convient donc de veiller à ce que les éventuels surplus de recettes par rapport aux prévisions de la loi de financement de l’année ne soient pas utilisés pour la mise en œuvre de mesures nouvelles en dépenses (ce qui se traduirait par un dépassement des objectifs de dépense) ou de mesures induisant une baisse des recettes.

II. LA PROGRAMMATION DES DÉPENSES ET RECETTES DE L’ÉTAT

A. La programmation des dépenses de lÉtat

Pour assurer la contribution de l’État au redressement des finances publiques, le budget triennal a été élaboré sur la base d’une stabilisation en euros courants (« zéro valeur ») des crédits budgétaires et des prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et pensions des fonctionnaires de l’État(3). Par ailleurs, en incluant ces deux postes de dépenses, l’augmentation annuelle des crédits sera toujours au maximum égale à l’inflation (« zéro volume ») sur le périmètre de la norme élargie présenté au III, soit 352,3 Md€ de crédits et prélèvements sur recettes en loi de finances initiales (LFI) pour 2010(4).



.

Cet effort de maîtrise des dépenses publiques est ambitieux puisqu’il permettra de faire mieux sur la période 2011-2013 que le simple respect d’une stabilisation en volume des dépenses. En effet, le montant global des dépenses de l’État sur le périmètre de la norme élargie diminuera en euros constants de 0,2% en 2011.

C’est un effort particulièrement vertueux pour l’avenir puisque la règle « 0 valeur hors charge de la dette et pensions » garantit que les économies dégagées, grâce à la réforme des retraites, sur les dépenses de pensions des fonctionnaires ne seront pas recyclées sur d’autres dépenses. Elles viendront ainsi, en totalité, contribuer à l’effort de consolidation structurelle de nos finances publiques.

La règle garantit, de la même façon, qu’une moindre progression éventuelle de la charge de la dette, par rapport aux estimations prévues sur la période, ne sera pas recyclée dans la construction budgétaire sur d’autres dépenses de l’État.

C’est un effort inédit et un infléchissement marqué par rapport aux budgets précédents.

En effet, pour les lois de finances initiales 2006 à 2010, les crédits du budget général et prélèvements sur recettes désormais soumis au « 0 valeur » ont progressé en moyenne d’environ 2,9 Md€ par an, là où ils seront désormais stabilisés sur 3 ans.

Tableau (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien)

Tableau : Progression annuelle, à champ constant, des crédits du budget général et des prélèvements sur recettes sur la période 2006-2013 (lien)

Un tel effort requiert des économies importantes.

La norme « 0 valeur » s’impose à des dépenses qui connaissent une tendance spontanée à la hausse.

Tout d’abord, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne croîtra en moyenne de 0,5 Md€ par an sur la période ; le respect de la règle « zéro valeur » implique donc d’emblée une diminution en euros courants de l’ensemble des autres dépenses (masse salariale, fonctionnement, subventions aux opérateurs, interventions et investissements des ministères).

Ensuite, sans mesure de maîtrise de la dépense, la plupart des dispositifs sous enveloppe « 0 valeur » croissent spontanément. Cette dynamique tendancielle à la hausse peut avoir plusieurs origines, comme par exemple :

– des mécanismes d’indexation automatique des prix (par exemple pour les loyers) ou des prestations (les allocations logement, certains minima sociaux…) ;

– une augmentation structurelle du nombre de bénéficiaires d’interventions servies par l’État (pour l’allocation adulte handicapé et les exonérations de cotisations sociales…) ;

– l’incidence pluriannuelle de décisions déjà prises (par exemple en matière d’investissements ou du fait des contrats de projet État-régions).

C’est pourquoi des économies sont indispensables pour compenser la dynamique spontanée de la dépense et dégager des moyens nouveaux pour financer des priorités, tout en stabilisant en net les crédits de l’État.

Sur le périmètre « 0 volume », en dépit de la réduction progressive du déficit budgétaire, la charge de la dette, dépense largement héritée du passé, devrait connaître une croissance élevée sur la période 2011-2013. Cette charge augmenterait en moyenne de plus de 4 Md€ par an, par rapport au niveau prévu en loi de finances initiale pour 2010 (42,5 Md€), ce qui représente une croissance de 9 % par an en valeur, soit cinq fois le rythme de l’inflation.

Tableau : Progression annuelle, à champ constant, des crédits du budget général et des prélèvements sur recettes sur la période 2006-2013 (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau : évolution des crédits, à champ constant, sur les périmètres de la norme (lien)

Tableau (lien)

Le passage du budget à champ constant 2010 au budget à champ courant résulte de la prise en compte des mesures de périmètre et de transfert. Pour 2012 et 2013, les mesures figurant dans le tableau ci-dessus sont celles associées à la loi de programmation des finances publiques ; elles sont susceptibles d’évoluer d’ici le dépôt des projets de loi de finances pour 2012 et 2013, sans impact toutefois sur la trajectoire à « 0 valeur ».

B. Lévolution des recettes

1. Évolution des recettes fiscales

Les recettes fiscales nettes pour 2011 s’établiraient à 254,4 Md€ à périmètre courant, soit un niveau relativement comparable à celui de 2010. Ce niveau s’explique par les éléments suivants :

– Une évolution spontanée des recettes fiscales nettes de +5,6% imputable à un redémarrage de l’activité économique, qui affecte positivement les assiettes des principaux impôts;

– L’impact positif sur le solde de l’État des mesures fiscales mises en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 (+1,7 Md€) :

. la suppression du taux réduit de TVA en faveur des services de téléphonie payante (+1,1 Md€) ;

. l’aménagement du crédit d’impôt développement durable (+0,2 Md€) ;

. l’application du droit commun de l’impôt sur les sociétés aux dotations à la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance (+0,2 Md€) ;

. la création d’une taxe systémique sur les banques (+0,5 Md€) ;

. ces économies sont en partie compensées par le remboursement immédiat des créances de crédit d’impôt recherche en faveur des PME (-0,3 milliard d’euro) ;

– Le transfert de recettes fiscales en 2011 aux collectivités locales, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, a un impact négatif de 21 Md€ par rapport à 2010, année toutefois exceptionnelle dans la mesure où les nouvelles taxes créées en remplacement de la taxe professionnelle sont temporairement affectées au budget de l’État et donnent lieu à un versement de compensation aux collectivités depuis le budget de l’État ;

– Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit un ensemble de mesures visant à assurer la pérennité du système de retraite et l’équilibre financier de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Le surcroît de recettes fiscales et sociales (4,9 Md€) généré par ces dispositions est transféré dans son intégralité, d’une part aux régimes de sécurité sociale via l’affectation d’une fraction de la TVA brute, et d’autre part à la CADES. Ces recettes, destinées in fine au financement de l’assurance vieillesse et à l’amortissement de la dette sociale, sont donc quasiment neutres sur les recettes de l’État mais ont un impact direct sur le solde public en comptabilité maastrichtienne.

À compter de 2012, les recettes de l’État connaîtraient, à périmètre courant, une évolution moyenne de près de +19 Md€ par an entre 2011 et 2014, due à la fois :

– à une évolution spontanée des recettes traduisant la reprise économique : après une surréaction à la baisse des recettes fiscales affectant les exercices budgétaires 2009 et 2010, les recettes devraient connaître un rattrapage avec une progression spontanée des recettes fiscales nettes comprise entre +15 et +19 Md€ annuels sur 2012-2014 ;

– aux effets de la réduction des niches fiscales, générant conventionnellement environ 2,4 Md€ d’économies annuelles entre 2012 et 2014 pour l’État.

2. Évolution des recettes non fiscales

En 2011, les recettes non fiscales enregistreraient une baisse de 1,7 Md€ par rapport à 2010, à périmètre courant. Cette diminution s’explique principalement par le contrecoup de l’encaissement en 2010 de recettes exceptionnelles, dont notamment le jugement du Tribunal de première instance des communautés européennes relatif à un régime fiscal dérogatoire dont a bénéficié France Télécom (-1 Md€) et l’amende infligée à 11 banques par l’Autorité de la concurrence (-0,4 Md€). Par ailleurs, l’augmentation des prélèvements sur la Caisse des dépôts (+1,0 Md€) serait compensée par une diminution du produit des participations de l’État (-0,9 Md€). Enfin, les prélèvements sur la Coface seraient en diminution de 0,25 Md€.

À partir de 2012, le produit des recettes non fiscales bénéficierait de l’effet de rattrapage économique et connaîtrait une évolution spontanée relativement dynamique, notamment grâce aux revenus des participations de l’État.

3. Évolution du solde des comptes spéciaux

L’évolution du solde des comptes spéciaux est principalement affectée sur l’année 2011 par les opérations de prêts à la Grèce et le remboursement de prêts des constructeurs automobiles. A partir de 2012, le solde des comptes spéciaux reviendrait à une situation proche de l’équilibre.

C. Le solde de l’État

1. En comptabilité budgétaire

L’ensemble des évolutions exposées ci-dessus conduisent à une amélioration continue du solde de l’État sur la période 2011-2014, en euros courants. Le redressement de déficit de l’État serait de près de 20 Md€ par an sur la période 2012-2014. Le déficit budgétaire de l’État atteindrait 44 Md€ en 2014, soit un niveau inférieur à 2008.

 

2010

2011

2012

2013

2014

En Md€ - périmètre courant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEPENSES EN NORME ELARGIE*

424,2

359,8

366,2

372,6

379,1

 

 

 

 

 

 

DEPENSES DU BUDGET GENERAL

320,9

286,4

291,8

297,6

303,4

 

 

 

 

 

 

PRELEVEMENTS SUR RECETTES

103,3

73,4

74,4

75,0

75,7

dont prélèvement au profit des collectivités territoriales**

85,4

55,2

55,4

55,5

55,5

dont prélèvement au profit de l’Union européenne

17,9

18,2

19,1

19,6

20,1

 

 

 

 

 

 

RECETTES FISCALES NETTES

254,7

254,4

273,7

295,0

310,4

 

 

 

 

 

 

RECETTES NON FISCALES

18,6

16,9

19,4

22,5

23,6

 

 

 

 

 

 

SOLDE CST (HORS FMI)

-1,1

-3,4

0,2

0,5

0,5

 

 

 

 

 

 

SOLDE BUDGETAIRE

-152,0

-92,0

-72,9

-54,6

-44,4

 

 

 

 

 

 

CLE DE PASSAGE

2,0

5,6

2,2

2,3

2,2

 

 

 

 

 

 

SOLDE ETAT

-150,0

-86,4

-70,7

-52,3

-42,3

*Hors affectations de recettes prises en compte dans les normes de dépense.

** Y compris impact de la réforme de la taxe professionnelle.

2. En comptabilité nationale

Le budget de l’État est établi en comptabilité budgétaire. La présentation de ses comptes selon les règles de la comptabilité nationale est toutefois prévue par l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances («  le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation joint au PLF explicite chaque année, pour l’année considérée et celle qui précède, le passage du solde budgétaire à la capacité ou au besoin de financement de l’État tel qu’il est mesuré pour permettre la vérification du respect des engagements européens de la France »).

Sur la période, les principaux facteurs d’évolution de la clé de passage permettant de transcrire en comptabilité nationale la programmation établie en comptabilité budgétaire consistent à :

– ramener à l’exercice concerné l’enregistrement de certaines dépenses et recettes du budget général (comptabilité de droits constatés) ; c’est le cas des achats d’équipements militaires, enregistrés en comptabilité nationale uniquement l’année de leur livraison ;

– retraiter des opérations budgétaires en opérations financières ou de patrimoine ;

– intégrer des opérations non budgétaires, principalement des remises de dettes aux États étrangers.

Une fois ces éléments pris en compte, le solde de l’État s’établit comme suit :

Solde de l’État, en comptabilité nationale

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

21,2

24,6

20,4

19,8

19,4

18,9

Recettes en points de PIB

15,1

16,9

16,1

16,5

17,0

17,1

Solde en points de PIB

-6,2

-7,7

-4,3

-3,4

-2,4

-1,8

Solde en Md€

-117,6

-150,0

-86,4

-70,7

-52,3

-42,3

NB : 0,1 point de PIB représente 1,9 Md€ en 2010, 2,0 Md€ en 2011, 2,1 Md€ en 2012, 2,2 Md€ en 2013 et 2,3 Md€ en 2014

III. PRÉSENTATION DU BUDGET PLURIANNUEL DE L’ÉTAT

A. Périmètre du budget pluriannuel

1. Une discipline appliquée au périmètre de la norme de dépense élargie

Le périmètre du budget triennal doit être suffisamment large pour exercer un réel effet disciplinant sur la dépense de l’État, en évitant les points de fuite, tout en étant circonscrit aux dépenses pour lesquelles l’État dispose d’outils de prévision et de leviers de maîtrise de la dépense en exécution.

Le champ d’application de la norme de dépense de l’État a été élargi lors du projet de loi de finances pour 2008.

C’est sur ce périmètre qu’est construit le budget triennal 2011-2013, comme le précédent budget 2009-2011. Il comprend :

– l’ensemble des crédits du budget général de l’État (y compris la charge de la dette et les pensions des fonctionnaires de l’État) ;

– les prélèvements sur recettes établis au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne, à l’exception des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ;

– les créations ou modifications d’affectations de recettes, sauf exceptions explicitées ci-dessous.

Pour assurer la contribution de l’État au redressement des finances publiques, mais également afin d’éviter que les économies issues de la réforme des retraites ne soient recyclées en dépenses pérennes, le budget triennal a été élaboré de manière à respecter une double limite sur chacune des années de la programmation :

– une stabilisation en euros courants (« zéro valeur ») pour les dépenses hors charge de la dette et pensions des fonctionnaires de l’État, c’est-à-dire hors contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions » imputées sur le titre 2 ;

– une augmentation au maximum égale à l’inflation (« zéro volume ») sur l’ensemble du périmètre de la norme élargie présenté ci-dessus.

Pour chaque année de la programmation, ces deux règles sont respectées, ce qui conduit en réalité à faire systématiquement application de la plus contraignante.

2. Mesures de périmètre et charte de budgétisation

Le principe du champ constant

Pour apprécier la réalité de la dynamique de la dépense, la norme « 0 volume » et « 0 valeur hors dette et pensions » s’applique et s’apprécie entre deux lois de finances initiales consécutives, à périmètre (ou champ) constant. En effet, le périmètre des dépenses de l’État peut être amené à évoluer d’une année sur l’autre, certaines dépenses ou recettes étant nouvellement inscrites au budget de l’État, d’autres à l’inverse étant débudgétées. Il doit donc être retraité pour apprécier la dynamique réelle de la dépense de l’État sur un périmètre identique (« constant ») entre deux exercices.

Ainsi, seuls sont intégrés au calcul de la norme de dépense les mouvements de dépense et les affectations de recettes ayant pour effet d’accroître ou de diminuer le niveau de la dépense publique. A contrario, les mouvements constituant une simple réimputation au sein du périmètre de la norme élargie (par exemple, entre budget général et prélèvements sur recettes) ou les mouvements équilibrés en recettes et en dépense, entre ce périmètre et une autre entité (par exemple, les collectivités locales), ne doivent pas être comptabilisés dans ce calcul.

Ces mouvements sont appelés mesures de transfert quand ils ont lieu au sein du périmètre de la norme élargie ou mesures de périmètre quand ils ont lieu entre ce même périmètre et une autre entité. Leur prise en compte permet de passer du champ constant au champ courant, sur lequel est effectivement présenté le projet de loi de finances de l’année, mais ils sont sans influence sur l’appréciation de la dynamique du budget.

La charte de budgétisation

L’ensemble des règles qui suivent constituent la charte de budgétisation de l’État, qui permet de déterminer l’évolution de la dépense à champ constant.

Les mesures de périmètre, donnant lieu à des inscriptions ou à l’inverse à des suppressions de crédits qui n’ont pas à être intégrées dans l’évolution des dépenses à champ constant, recouvrent les situations dans lesquelles l’État :

– transfère à une autre entité une dépense qu’il assumait auparavant, en transférant parallèlement les ressources d’un même montant permettant de la financer ;

– inscrit à son budget une dépense nouvelle auparavant financée par un autre acteur, ainsi que les recettes d’un même montant correspondantes ;

– prend en charge une dépense financée auparavant par dotations en capital ou par une entité supprimée.

Les mouvements liés à la décentralisation illustrent le premier cas de figure. Le deuxième correspond à des mesures de rebudgétisation, par exemple la réintégration concomitante au sein du budget général d’une recette affectée à un opérateur et des dépenses qu’elle finance. Le troisième cas de figure, enfin, n’accroît pas la dépense publique ni le déficit public, puisque la dépense existait déjà auparavant et était financée par une recette non prise en compte dans le solde public selon les règles de la comptabilité nationale.

Il convient par ailleurs de préciser les modalités de prise en compte des créations et modifications de recettes affectées dans la norme de dépense.

De manière générale, lorsque l’État affecte une recette à une autre entité sans lui transférer pour le même montant une dépense publique existante, ou au contraire, réintègre au budget général une recette auparavant affectée à un tiers sans inscrire à son budget une dépense publique existante de même montant, le montant déséquilibré de l’affectation ou de la réaffectation est à prendre en compte dans la norme de dépense.

En effet, l’affectation d’une recette supplémentaire induira une dépense publique nouvelle au sein de l’entité qui en bénéficie ; à l’inverse, la reprise d’une recette se traduira par une diminution de ses dépenses. Le cas échéant, si une partie du mouvement est équilibré en recettes et en dépenses, celle-ci est traitée en mesure de périmètre.

Le terme d’affectation recouvre toutefois plusieurs cas de figure : l’État peut en effet décider :

– soit d’affecter tout ou partie d’une recette existante du budget général ;

– soit d’accroître une recette déjà partiellement ou totalement affectée ;

– soit d’affecter une recette nouvellement créée.

Dans le premier cas, le montant déséquilibré de l’affectation de recette dégrade le solde de l’État à due concurrence. Ce montant est dès lors systématiquement pris en compte dans la norme de dépense, sauf lorsque l’affectation contribue à améliorer l’équilibre financier des administrations de sécurité sociale ;

Dans les deux autres cas (neutres sur le solde du budget général), le montant déséquilibré de l’affectation de recettes est par exception considéré comme n’ayant pas d’impact sur la norme de dépense :

– lorsque l’affectation compense une réduction de prélèvements obligatoires affectés à une autre personne morale ; elle n’accroît ainsi pas la dépense publique. C’est le cas de la réforme de la taxe professionnelle ;

– lorsque la recette affectée n’est pas un prélèvement obligatoire, notamment si elle constitue une redevance ;

– lorsque la recette affectée suit une logique de service rendu, les bénéficiaires des missions de service public contribuant directement à leur financement, ou constitue une forme de contrepartie, en application du principe pollueur-payeur ;

– lorsque la recette affectée résulte de la mise en œuvre d’une péréquation interne à un secteur économique et permet ainsi d’éviter le financement d’une dépense publique par l’ensemble des contribuables.

Chaque année, les mouvements de dépense et de recettes considérés comme des mesures de périmètre sont présentés dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances initiale.

B. Nature et portée des autorisations du budget pluriannuel

1. Les plafonds de crédits et les schémas d’emplois fixés dans le budget triennal

a) Les crédits de paiement

Le budget pluriannuel détermine deux niveaux de plafonds de crédits de paiement à respecter en construction de loi de finances initiale chaque année de la période de programmation.

a) Il comporte d’abord, pour chacune des trois années de la programmation, un plafond global de crédits de paiement pour les dépenses soumises à la règle du « 0 valeur hors dette et pensions », conformément à l’article 5 de la présente loi. Ce plafond est indépendant de l’hypothèse d’inflation et correspond, à champ constant, au niveau des crédits fixé en loi de finances initiale pour 2010.

Ce plafond s’inscrit dans le périmètre plus global de la norme élargie (y compris charge de la dette et pensions), qui fixe un plafond global de crédits pour l’ensemble des dépenses de l’État. Ce plafond global n’augmente pas plus vite, entre deux LFI successives, que l’évolution prévisionnelle des prix (article 5 de la présente loi, qui pose le principe de la norme « 0 volume ») associée à la présente loi ou, selon les modalités prévues au III infra, l’évolution prévisionnelle des prix associée au projet de loi de finances de l’année, si celle-ci est différente. Ainsi, ce plafond global peut être revu à la hausse comme à la baisse en cas de révision de l’hypothèse d’inflation.

Tableau (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (début)

Tableau : évolution des crédits, à champ constant, sur les périmètres de la norme (lien)

b) Le budget pluriannuel comporte par ailleurs les plafonds 2011, 2012 et 2013 de chacune des missions du budget général (voir article 6 de la loi de programmation). Ces derniers sont exprimés en crédits de paiement ainsi qu’en autorisations d’engagement (cf. point b) ci-après). Ils distinguent, pour les missions supportant des dépenses de personnel, un plafond hors contributions de l’État au compte d’affectation spéciale « Pensions » (celles-ci n’étant pas prises en compte pour apprécier la norme « 0 valeur »).

Pour l’année 2011, les plafonds de dépense établis au niveau des missions et la répartition par programme correspondent à ceux de la LFI pour 2011.

Pour l’année 2012, les plafonds sont fixés par mission et complétés d’une répartition indicative des crédits par programme, présentée dans les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2011.

Pour 2013, les crédits par mission pourront faire l’objet d’ajustements complémentaires, dans le respect du plafond global de dépense. Une répartition indicative par programme est également présentée dans les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2011.

b) Les autorisations d’engagement

Les autorisations d’engagement fixées au niveau de la mission à l’article 6 de la présente loi pourront, exceptionnellement, faire l’objet d’ajustements liés au mode de budgétisation des crédits. Il s’agit, en particulier, d’assurer la neutralité de la budgétisation selon les différents types de commande publique utilisés, par exemple dans le cas d’un recours à une convention pluriannuelle qui n’aurait pas été pris en compte dans le cadre de la programmation initiale. Ceci peut conduire à augmenter le niveau des autorisations d’engagement pour l’année où l’engagement juridique est concrétisé et diminuer celui des années suivantes.

Cet ajustement éventuel sera opéré dans le cadre de la préparation des projets de loi de finances pour 2012 et 2013. Il ne crée pas de droits au titre des années suivantes, que ce soit en autorisations d’engagement ou en crédits de paiement, et ne peut en aucun cas conduire à engendrer des besoins en crédits de paiement excédant les plafonds de la programmation initiale.

2. L’articulation entre les budgets pluriannuels et les lois de finances annuelles

Pour chacune des années de la programmation, le projet de loi de finances est élaboré et présenté au Parlement dans le respect des plafonds fixés dans le budget pluriannuel.

La première année de la programmation constitue le cadre du projet de loi de finances pour 2011, qui procède à la ventilation fine des crédits par destination et, à titre indicatif, par nature.

La deuxième année de la programmation fera, de la même façon, l’objet d’une déclinaison au niveau prévu par la loi organique (programmes, actions, titres et catégories) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

Enfin, la troisième année de la programmation (2013) constituera le point de départ d’un nouveau budget pluriannuel portant sur trois années (ajoutant ainsi deux années par rapport à la programmation initiale), soit 2013 à 2015. Comme précisé infra, des ajustements dans la répartition des crédits par mission seront possibles pour la première année de la nouvelle programmation (2013), tout en respectant le montant global des dépenses prévu dans le budget pluriannuel initial.

Le schéma ci-dessous illustre les différents degrés de rigidité de la programmation :

Tableau : évolution des crédits, à champ constant, sur les périmètres de la norme (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (suite)

Tableau (lien)

Le schéma ci-dessous illustre l’enchaînement des différents budgets pluriannuels :

Tableau (lien) (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (suite)

Tableau (lien)

Chaque année, le Gouvernement établit et transmet au Parlement, avant le débat d’orientation des finances publiques au plus tard, un bilan des ajustements opérés par rapport aux plafonds fixés dans le budget pluriannuel, tant en ce qui concerne le plafond global de dépense que les plafonds par mission, conformément au I de l’article 13 de la LPFP.

C. Les règles de fonctionnement du budget triennal

La réussite du budget triennal repose sur des règles qui permettent de gérer les incertitudes inhérentes à la pluriannualité. Ces règles doivent concilier deux impératifs : assurer une visibilité suffisante aux gestionnaires et garantir le strict respect de la norme de dépense, afin de contribuer de façon significative au redressement des comptes publics.

La présente partie définit les modalités de fonctionnement du budget pluriannuel.

1. Une règle de fonctionnement essentielle : la mise en œuvre du mécanisme d’ « auto-assurance »

Corollaire de la visibilité donnée sur les enveloppes triennales allouées à chaque mission, le principe de responsabilisation des ministères sur les plafonds pluriannuels par mission ou « auto-assurance » est une règle de gouvernance budgétaire, au niveau des missions, qui doit permettre de garantir le respect des plafonds par mission du budget triennal.

En construction budgétaire (pour les budgets à venir au-delà de celui de 2011) comme en gestion, ce principe implique que les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d’une mission soient gérés dans la limite du plafond de ses crédits soit par redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d’économies. Ces redéploiements ou économies doivent être mis en œuvre prioritairement au sein du programme qui supporte les aléas ou les priorités nouvelles. A défaut, ils doivent être réalisés entre les programmes de la même mission.

La mise en œuvre de ce principe serait facilitée par l’identification, au sein de la mission, d’un responsable administratif chargé du pilotage des crédits qui, sur le modèle du responsable de programme, serait en mesure de proposer au(x) ministre(s) gestionnaire(s) concerné(s) des redéploiements entre programmes de la mission ou des économies correctrices. Des travaux seront conduits à cet effet.

La mise en œuvre du principe d’auto-assurance permet ainsi de limiter aux seules situations exceptionnelles les ajustements susceptibles d’affecter en cours d’année les plafonds définis par mission ou leur révision dans le cadre des projets de lois de finances, selon les modalités précisées ci-après.

En tout état de cause, afin de renforcer la logique d’auto-assurance par rapport au précédent budget pluriannuel et d’inciter au respect de la programmation, les dépassements de crédits réalisés en année n pourront se traduire par une révision à la baisse des ressources disponibles l’année n+1, par exemple par la limitation des reports de l’année n vers l’année n+1 ou par l’application de taux dérogatoires de mise en réserve de crédits en année n+1.

2. Réserve de budgétisation et réserve de précaution

Contrairement au précédent budget triennal, le budget triennal 2011-2013 ne prévoit aucune réserve de budgétisation. Les crédits budgétés sur la mission « Provisions » sont en effet destinés essentiellement aux dépenses accidentelles et imprévisibles, dont les crédits sont répartis par décret conformément à l’article 11 de la LOLF.

Cela s’explique par l’ambition inédite du budget pluriannuel 2011-2013 en termes de maîtrise des dépenses, qui se traduit par la règle de progression « zéro valeur hors dette et pensions » ; cette contrainte plus élevée que par le passé ne permet pas de dégager des marges complémentaires. Elle doit à l’inverse conduire à donner au principe d’« auto-assurance » sa pleine portée.

La réserve de précaution constituée suivant les règles posées par le 4°bis de l’article 51 de la LOLF permet, pour sa part, de faire face à des aléas importants survenant en cours de gestion. Elle demeure nécessaire dans le cadre du budget pluriannuel et sera, comme aujourd’hui, constituée en début de gestion par l’application de taux de mise en réserve différenciés sur le titre 2 et les autres titres des programmes du budget général.

3. Le respect des règles « 0 volume » et « 0 valeur » en cas d’évolution des hypothèses d’inflation, de dette et de pensions

Le budget triennal fixé par l’article 5 de la présente loi de programmation respecte la norme « 0 volume » sur le périmètre de la norme élargie et la norme « 0 valeur hors dette et pensions » sur la base d’hypothèses d’inflation, de dette et de pensions présentées dans le présent rapport.

Or, celles-ci sont susceptibles d’évoluer d’ici l’élaboration des projets de loi de finances 2012 et 2013.

Néanmoins, quelles que soient ces hypothèses, les plafonds de dépenses résultant des normes « 0 volume » et « 0 valeur hors dette et pensions » seront respectés, la règle la plus contraignante des deux étant retenue pour chaque année. Ainsi, en 2011, la programmation est plus contraignante que le « 0 volume », puisque les crédits diminueront en euros constants de près de 0,2%.

Les années suivantes, si les prévisions de dépenses relatives à la charge de la dette et aux pensions le permettent, le plafond global de crédits sera révisé à la baisse par rapport à celui déterminé par l’application du « 0 volume », ce qui contribuera au désendettement de l’État.

A l’inverse, si les variations de prévisions d’inflation, dette et pensions ne permettaient plus de respecter le plafond global « 0 volume », et alors même que les crédits sur le périmètre « hors dette et pensions » respecteraient la règle du « 0 valeur », les plafonds des crédits des missions seraient révisés à la baisse de manière à respecter la norme « 0 volume ».

Ces ajustements seraient opérés conformément au cadrage fixé par le Premier ministre au début de la procédure budgétaire. En cas de révision à la baisse de l’hypothèse d’inflation, ils se feraient prioritairement par la révision à la baisse des plafonds des missions comprenant des dotations dont l’évolution est directement corrélée au niveau de l’inflation, en vertu notamment de mécanismes d’indexation prévus par une disposition juridique.

Comme par le passé, le Gouvernement s’attachera en exécution à ce que la dépense hors variation des fonds de concours n’excède pas, sur le périmètre de la norme « 0 volume », l’autorisation donnée par le Parlement en loi de finances initiale.

D. Les réformes par grands postes du budget de létat

1. Présentation de la programmation par nature de dépense

La construction du budget triennal s’est appuyée sur les règles transversales d’économies fixées par le Premier ministre :

– remplacement d’un départ à la retraite sur deux et diminution de 1,5% chaque année des emplois des opérateurs, soit un effort comparable à celui de l’État ;

– effort collectif de baisse de 10% des dépenses de fonctionnement, en commençant par 5% dès 2011, au sein de l’État comme de ses opérateurs ;

– réexamen systématique des dispositifs d’intervention, avec pour objectif le même effort de 10% à horizon 2013 que sur le fonctionnement.

Ces normes transversales sont essentielles : elles marquent l’ambition poursuivie par le Gouvernement et garantissent un traitement équitable des budgets des différents ministères.

Elles peuvent connaître des exceptions limitées et justifiées. Leur mise en œuvre a en effet été modulée selon les priorités politiques du Gouvernement : elles s’appliquent par exemple intégralement aux fonctions support de l’État, alors que certains dispositifs qui préparent l’avenir en ont été exonérés.

Elles ont également été adaptées lorsque leur application aurait conduit à contredire des engagements ou des besoins inéluctables (par exemple, l’augmentation du nombre de places dans les prisons ou le financement de l’organisation des élections prévues en 2012).

a) Les emplois et la masse salariale

Les réductions d’effectifs programmées dans les services de l’État et des opérateurs sont documentées précisément par des réformes expertisées, décidées et annoncées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, dont le deuxième volet (RGPP 2) a été rendu public le 30 juin 2010.

Ces réformes s’articulent autour de trois axes principaux :

– Recentrer l’État sur son cœur de métier : des gains sont rendus possibles via la simplification de plusieurs procédures aujourd’hui trop complexes (par exemple, démarches administratives dans le champ de l’emploi), en progressant dans la dématérialisation de certaines tâches (augmentation des démarches fiscales en ligne), ou en abandonnant des missions qui peuvent être assurées par le secteur privé (exemple de l’ingénierie concurrentielle) ;

– Réorganiser et rationaliser les administrations centrales, l’administration déconcentrée et les réseaux à l’étranger : élaborée à partir de l’analyse des structures et des moyens mis en œuvre par l’État pour assurer ses missions, la nouvelle vague de RGPP inclut des réorganisations supplémentaires visant une plus grande cohérence des services et permettant de dégager des gains de productivité, à l’exemple des réseaux culturels français à l’étranger ou de la poursuite de la réorganisation de l’administration territoriale ;

– Mutualiser et professionnaliser les fonctions support sur une base interministérielle : la RGPP a déjà permis de lancer plusieurs grands chantiers interministériels sur les fonctions support (Opérateur national de paye, rationalisation du parc automobile, etc.) dont les impacts se traduisent à la fois sur les crédits de fonctionnement et sur les effectifs. La deuxième vague de RGPP propose des pistes de rationalisation supplémentaires, dans les champs de la logistique, des systèmes d’informations, de l’organisation des concours et des formations. Au-delà de ces chantiers interministériels, la majorité des ministères conduisent en interne des initiatives de rationalisation de leurs fonctions support.

La RGPP2 a d’ailleurs mis un accent particulier sur les réductions d’emplois relatives aux fonctions support, afin de préserver le potentiel opérationnel des ministères : ainsi, sur les annuités 2012 et 2013, près de 30% des suppressions d’effectifs programmées (hors éducation nationale) concernent les fonctions support, alors que la part de celles-ci dans les effectifs des ministères est environ deux fois moindre.

Les nouvelles mesures et réformes de modernisation du service public annoncées le 30 juin 2010 et la poursuite des réformes décidées par les CMPP de l’année 2008 conduiront à ne pas remplacer près de 100.000 départs en retraite sur la période 2011-2013, soit environ -31.600 ETP en 2011, -33.000 ETP en 2012 et -33.100 ETP en 2013. Ce niveau correspond à la poursuite du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux sur l’ensemble des trois années de la programmation, selon des prévisions de départ à la retraite qui s’élèvent à environ 62.000 ETP en 2011, 63.200 ETP en 2012 et 62.600 ETP en 2013.

La programmation pluriannuelle permet de répartir les efforts dans le temps. Ainsi, l’effort en 2011 est un peu moins important que les années suivantes. Ceci tient compte du fait que le volume global de suppressions d’emplois 2008-2009 a été globalement conforme aux prévisions de la LFI sur ces deux années, alors même que les départs en retraite en 2009 ont été sensiblement moins nombreux que prévus. Le « taux d’effort » sur 2008-2010 sera donc globalement supérieur à celui anticipé au moment de la construction des budgets correspondants, justifiant pour certains ministères un « rattrapage » en 2011 et ainsi à un nombre de suppression un peu moins important cette année-là.

Les opérateurs de l’État seront également associés à cette démarche et fourniront un effort sans précédent en termes de réduction des effectifs, à l’exception des opérateurs rattachés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui sont exonérés de réduction d’effectifs sur la période de programmation. Il est ainsi prévu pour 2011 une diminution de plus de 2.600 emplois au sein du plafond opérateurs, à périmètre constant. Cela représente, hors le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, une diminution de l’ordre de -1,8% par rapport à 2010, diminution équivalente à l’effet du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux pour les services de l’État.

Tableau (lien) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau : Schémas d’emplois du PLF 2011 (en ETP) (lien)

Tableau (lien)

De manière plus détaillée, à l’exception du ministère de la justice et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, tous les ministères verront leurs effectifs réduits sur les années 2011 à 2013. Les efforts déployés ne résultent pas de l’application d’une règle arithmétique, mais des gains de productivité documentés par la nouvelle vague de réformes liées à la révision générale des politiques publiques. L’effort demandé est ainsi variable selon les ministères, même si la recherche de gains de productivité a été poursuivie par tous avec la même intensité.

Les schémas d’emplois ministériels pour l’année 2011 sont détaillés dans le tableau ci-après.

Tableau (lien) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau : évolution de la RMPP et de l’inflation moyenne (2000-2011) (lien)

Tableau : Schémas d’emplois du PLF 2011 (en ETP) (lien)

Ces schémas d’emplois, annoncés dès juillet pour une mise en œuvre l’année prochaine, sont désormais fixes. Ils n’ont pas vocation à être revus dans l’éventualité où le volume des départs en retraite s’écarterait des prévisions sous-jacentes à la programmation budgétaire, puisqu’ils sont liés à des réformes permettant de documenter objectivement des réductions d’effectifs en valeur absolue.

Près de 3 Md€ d’économies liées au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux sont ainsi prévus au cours de la période 2011-2013. Ces non-remplacements s’accompagnent, comme lors du premier budget triennal, d’un retour aux fonctionnaires à hauteur de 50% des économies induites (« retour catégoriel »).

La hausse du point fonction publique de 0,5% réalisée au 1er juillet 2010 et ses effets sur 2011 sont naturellement intégrés à la programmation. En revanche, la contribution des fonctionnaires au nécessaire redressement de nos finances publiques passe par une absence de revalorisation du point fonction publique en 2011. Pour 2012 et 2013, le rendez-vous salarial annuel permettra de déterminer l’évolution du point d’indice, compte tenu de la croissance économique.

Toutefois, le pouvoir d’achat des agents publics continuera de progresser globalement (+1,5% en 2011), sous l’effet des évolutions automatiques de carrières des fonctionnaires, des promotions individuelles, et des mesures catégorielles interministérielles et ministérielles. Pour les agents dont la progression au sein de la grille ne permettrait pas le maintien du pouvoir d’achat, le Gouvernement prolongera sur l’ensemble de la période 2011-2013 le mécanisme de garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA). Ainsi, la GIPA sera mise en œuvre chaque année, de 2011 à 2013, sous la forme d’un examen de la situation de l’ensemble des agents.

Tableau : Schémas d’emplois du PLF 2011 (en ETP) (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau : Les prestations de guichet de l’État en LFI 2010

Tableau : évolution de la RMPP et de l’inflation moyenne (2000-2011) (lien)

(Source : estimations sur la base de données budgétaires)

Ces orientations permettront, après un léger ressaut en 2011, une diminution de la masse salariale de l’État en valeur en 2012 et 2013, à périmètre constant (c’est-à-dire hors mesures de transferts et de décentralisation). Les crédits passeront de 82,1 Md€ en 2010 à 82,7 Md€ en 2011 et 81,7 Md€ en 2013, soit une diminution de plus de 0,4% en fin de période de programmation par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

b) Les dépenses de fonctionnement

Réduire de 10% en trois ans les crédits de fonctionnement de l’État et de ses opérateurs ne peut se faire sans réorganisation : un tel niveau de réduction excède en effet, très largement, les marges naturelles que pourraient mobiliser les administrations en l’absence de réformes.

Les économies programmées reposent, ainsi, sur un champ très vaste :

– Elles portent sur les fonctions support comme les fonctions métiers ;

– Elles concernent les crédits destinés à l’ensemble de l’État. Ainsi, par souci d’exemplarité, la réduction des dépenses visera tout particulièrement certains avantages individuels comme les voitures ou les logements de fonction, dont les critères d’attribution sont sensiblement durcis ;

– Elles tendent à diminuer les prix des achats de l’État (grâce à la nouvelle politique des achats) et à en maîtriser les volumes (mètres carrés occupés, mutualisation des moyens, etc.) ; en matière immobilière en particulier, la réduction des surfaces utilisées par les agents publics pour converger vers la norme de 12 mètres carrés par poste a déjà permis de réduire le parc immobilier de 184 000 mètres carrés depuis 2007 ; un objectif de réduction des surfaces de 500 000 mètres carrés supplémentaires d’ici fin 2012 a été fixé à France Domaine ;

– Elles s’appuient, comme les réductions d’effectifs, sur des chantiers interministériels de réformes (création du service des achats de l’État, ou de l’Opérateur national de paye). Des initiatives interministérielles complémentaires couvrent également la fonction logistique (constitution de marchés multiservices, mutualisations), la fonction systèmes d’information (convergence vers des standards d’organisation plus élevés) ;

– Une fraction des économies, enfin, découle mécaniquement de la diminution des effectifs de l’État (sur le champ des dépenses directement variables avec les effectifs, correspondant à des coûts dits « environnés »).

Au-delà, il appartiendra à chaque ministère de définir son propre plan d’action pour réduire ses dépenses de fonctionnement, parfois en révisant en profondeur son organisation et ses procédures « métiers » (par exemple, le ministère de l’intérieur réduira ses dépenses de fonctionnement « métiers » par la diminution des dépenses de propagande électorale).

Les dépenses de fonctionnement (catégorie 31) représentent au total 18,3 Md€ en LFI 2010 soit un peu plus de 5% de l’assiette retenue pour la programmation du budget triennal.

Toutefois, pour apprécier les efforts de productivité retenus dans le cadre du budget triennal sur le fonctionnement de l’État, il convient d’isoler les crédits de fonctionnement de la mission défense (7,8 Md€ en 2010), traités globalement dans le cadre de la loi de programmation militaire, ainsi que les crédits de la mission administration générale et territoriale de l’État relatifs à la vie politique cultuelle et associative (0,2 Md€ en 2010), en raison du ressaut lié à l’organisation des élections de 2012.

Retraitée de ces éléments, l’assiette des crédits de fonctionnement sur laquelle portent les efforts de productivité retenus pour la programmation du budget triennal s’élève à près de 10,3 Md€.

Sur cette assiette, en s’appuyant sur les résultats des travaux conduits dans le cadre de la RGPP, la programmation retient dès 2011 des gains de productivité de 5% par rapport à la LFI 2010, soit une économie globale de 0,5 Md€, conformément au cadrage fixé par le Premier ministre.

L’économie nette est de 0,2 Md€ compte tenu de l’évolution des moyens inéluctables et de la mise en œuvre de moyens nouveaux – à hauteur d’environ 0,3 Md€ en 2011 (notamment pour l’organisation des G8 et G20 sous présidence française, le respect des engagements pris sur la mission « Justice », etc.)

Les efforts de productivité demandés à l’État ayant été étendus à l’ensemble de ses opérateurs sur la période de programmation, leurs dépenses de fonctionnement courant diminueront de 10% sur la période.

c) Les interventions de l’État

Sous le vocable d’« interventions » de l’État coexistent une très grande variété de dispositifs, de publics bénéficiaires et de modalités de gestion.

Réformer les interventions de l’État est une nécessité compte tenu de leur importance en termes de politiques publiques et des enjeux budgétaires qu’elles représentent.

Il est utile, car les leviers de réforme ne sont pas les mêmes, de distinguer au sein de ces dispositifs les interventions dites de guichet, qui sont versées automatiquement dès lors que le bénéficiaire répond à des conditions définies par des textes, et les interventions hors guichet, pour lesquelles le niveau de la dépense peut être piloté de manière discrétionnaire par les ministères.

. Les interventions de guichet 

Pour les dispositifs de guichet, la maîtrise de la dépense peut passer par une modification des paramètres législatifs ou réglementaires qui régissent le niveau et les conditions d’ouverture des droits aux prestations ou, plus ponctuellement, par une optimisation des processus de gestion des prestations, notamment lorsqu’existent des disparités fortes sur le territoire.

Tableau : évolution de la RMPP et de l’inflation moyenne (2000-2011) (lien)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
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Tableau : Les prestations de guichet de l’État en LFI 2010

Tableau : Les prestations de guichet de l’État en LFI 2010
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Tableau (lien) (début)

(lien)

Les crédits des interventions de guichet sont quasiment stabilisés sur la période de programmation. Ils s’établissent ainsi à environ 37,6 Md€ en 2011, 37,5 Md€ en 2012 et 38,0 Md€ en 2013.

Compte tenu du fort dynamisme des minima sociaux, des allocations et des compensations d’exonérations de charge, cette stabilisation nécessite des réformes pour compenser les évolutions spontanées. Ces réformes généreront des économies de l’ordre de 1,7 Md€ en 2011 et 2 Md€ en 2012 et 2013.

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Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (suite)

Tableau (lien)

La forte progression tendancielle des dépenses de guichet est due principalement à la dynamique spontanée des compensations des exonérations de charges, qui en représente un peu plus de la moitié en 2013 et à la progression des subventions aux régimes spéciaux de retraite, qui en représente un peu plus du tiers cette même année.

Le reste de la progression est porté par les dépenses de minima sociaux et autres allocations qui présentent toutefois des évolutions contrastées :

– L’allocation adulte handicapé (AAH) progresse fortement sur la période de programmation, +1,6 Md€ sur 2010-2013, reflet de l’augmentation tendancielle du nombre de bénéficiaires et de la revalorisation de la prestation. De même, les aides pour le logement progressent tendanciellement de +0,3 Md€ sur 2010-2013 ;

– À l’inverse, les excédents du fonds finançant le RSA (FNSA) seront mobilisés, permettant de diminuer la subvention de l’État à ce dernier de 0,8 Md€ sur 2010-2013. Les prestations aux anciens combattants connaissent une diminution spontanée de 0,3 Md€ sur 2010-2013. La subvention au Fonds de solidarité connaît une diminution tendancielle de 0,6 Md€ sur 2010-2013 notamment en raison de l’extinction de certains dispositifs.

. Les interventions discrétionnaires

L’effort de maîtrise des dépenses publiques porte également sur les dépenses d’intervention discrétionnaires qui s’élèvent à 21,9 Md€ en LFI 2010.

Pour celles-ci, qui s’inscrivent dans une logique d’enveloppe, la méthode consistant à fixer a priori un objectif de réduction de la dépense (par exemple de 10%) est pertinente. Les leviers à activer par les gestionnaires sont très variables, à l’image des dispositifs eux-mêmes (meilleur ciblage/priorisation/recentrage des interventions, mobilisation des ressources existantes en dehors du budget de l’État, amélioration du fonctionnement et accroissement de la productivité des structures financées par l’État, etc.).

Tableau (lien) (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (suite)

Tableau (lien)

La révision systématique de dépenses discrétionnaires et la mise en œuvre de réformes ambitieuses conduisent à retenir une programmation de 21,3 Md€ en 2011, 20,2 Md€ en 2012 et 19,1 Md€ en 2013 soit une réduction, par rapport à la LFI 2010, respectivement de 3%, 8% et près de 13%, correspondant à des économies nettes respectivement de 0,7 Md€, 1,8 Md€ et 2,8 Md€ par rapport à la LFI 2010.

En tenant compte des évolutions tendancielles des dispositifs existants et du déploiement de moyens nouveaux, la programmation permet de dégager environ 2 Md€ d’économies brutes en 2011 et plus de 3 Md€ à l’horizon 2013. Ces efforts concernent l’ensemble des missions de l’État, les principales mesures étant détaillées ci-après.

2. Une programmation pour chaque politique publique

Cette partie présente, pour les principales missions du budget général et les prélèvements sur recettes, les hypothèses et réformes qui sous-tendent la budgétisation triennale.

Les crédits des missions présentés dans le tableau ci-après le sont à périmètre constant 2010, et hors cotisations au CAS « pensions ». Ces éléments sont également rappelés dans la partie pluriannuelle des « bleus » par mission.

Tableau (lien) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (suite)

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a) Les politiques de recherche et de formation.

Recherche et enseignement supérieur

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) reste la première priorité du Gouvernement. Ses crédits progressent ainsi fortement sur la période de programmation.

La MIRES est surtout la première mission bénéficiaire des investissements d’avenir (loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010), pour un montant total de crédits de 21,9 Md€.

Afin d’accompagner les réformes en cours (passage au régime des responsabilités et compétences élargies), les moyens de fonctionnement des universités continueront d’augmenter au cours de la période. De plus, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne fera l’objet, à titre exceptionnel, d’aucune suppression d’emplois sur l’ensemble de la période.

Hors investissements d’avenir, les moyens alloués à la recherche progressent également sur la période 2011-2013, notamment pour la mise en œuvre du chantier relatif à l’attractivité des carrières. La budgétisation des organismes de recherche intègre parallèlement la réalisation d’économies résultant notamment du développement de la tarification à l’usage des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et d’une rationalisation du fonctionnement des organismes.

Enseignement scolaire

Un dialogue de gestion renouvelé avec les académies permet à la mission « Enseignement scolaire» de contribuer substantiellement à l’effort de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Ainsi, 16 000 suppressions de postes sont prévues en 2011, qui mobiliseront les marges de manœuvre identifiées au plus près du terrain sans dégrader les performances du système éducatif. La moitié des économies ainsi dégagées sera restituée aux personnels enseignants, notamment sous la forme d’une revalorisation des primes et salaires.

b) Les services publics régaliens

Justice

Le ministère de la justice sera le seul ministère à bénéficier de créations d’emplois nettes, avec 400 créations de postes en 2011. Par ailleurs, le ratio greffiers/magistrats sera significativement amélioré.

En 2011, les priorités de la mission « Justice » porteront sur une meilleure gestion des frais de justice, ainsi que des crédits de fonctionnement tant des juridictions que de l’administration pénitentiaire. La rationalisation des structures de la protection judiciaire de la jeunesse sera poursuivie et celle de l’administration centrale mise en œuvre par son installation sur un site unique. Enfin, la réforme de la garde à vue contribuera à l’évolution de l’aide juridictionnelle.

Des économies seront par ailleurs dégagées par l’amélioration de la gestion des procédures : maîtrise des frais de justice, amélioration du recouvrement de l’aide juridictionnelle en liaison avec les services de Bercy, réorganisation de la gestion administrative de la paye.

Le financement des opérations liées à la réforme de la carte judiciaire et aux programmes immobiliers pénitentiaires sera poursuivi.

Défense

La loi de programmation militaire (LPM) prévoit de compléter les crédits budgétaires alloués à la mission « Défense » par des recettes exceptionnelles liées à la cession d’actifs au profit du ministère.

Les recettes exceptionnelles prévues dans la LPM, soit 3,5 Md€ courants, seront globalement réalisées d’ici 2013, mais selon un calendrier décalé par rapport aux prévisions initiales. Le report des cessions initialement prévues sur 2009-2010, qui a été compensé notamment par la consommation de crédits budgétaires de reports, aura pour contrepartie un surcroît de recettes exceptionnelles sur 2011-2013 par rapport à ce que prévoyait la LPM.

Ceci permet une hausse des crédits budgétaires sur le budget triennal moins forte que prévue initialement mais qui reste de 3% en valeur entre 2010 et 2013.

Cette progression des crédits budgétaires, complétée par les recettes exceptionnelles attendues sur la période triennale, permettra de respecter les objectifs sous jacents à la LPM tant en matière de modernisation des équipements des forces que d’amélioration de la condition militaire. Corrélativement, le ministère de la défense poursuivra les réformes et restructurations importantes engagées depuis 2009, qu’il s’agisse des réductions d’effectifs (-7.585 ETP en 2011) ou des économies de fonctionnement courant conformément aux orientations du Premier ministre.

Sécurité

Les crédits de la mission  « Sécurité » permettront de financer les priorités de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) moyennant un étalement de certains de ses programmes d’investissement. Les réformes qui seront mises en œuvre s’appliqueront notamment aux fonctions support et permettront de recentrer les forces de sécurité sur leur cœur de métier (réduction des gardes statiques, modernisation des structures et des procédures de l’administration centrale et des états-majors locaux, rationalisation des fonctions ressources humaines…). Les emplois diminueront de 808 ETP en 2011 au sein de la police et de la gendarmerie nationales.

Sécurité civile

Les crédits de la mission « Sécurité civile » évoluent sur la période 2011-2013 en fonction du cadencement des investissements prévus pour la mise en œuvre de la LOPPSI et des recommandations du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En 2011, l’accent sera mis sur la modernisation des infrastructures. Parallèlement, l’optimisation de la maintenance et la recherche de rationalisation des bases hélicoptères des flottes du ministère de l’intérieur se poursuivent dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Action extérieure de l’État

Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » augmentent en 2011 en raison de la budgétisation des opérations de maintien de la paix et d’une enveloppe de 70 M€ sur la période de programmation inscrite sur le nouveau programme « Présidence française du G8 et du G20 » qui retracera les dépenses liées à la préparation, l’organisation et le déroulement des sommets.

Cette programmation permet notamment de renforcer les capacités de notre diplomatie culturelle et d’influence grâce à la poursuite de la modernisation du réseau de l’action culturelle extérieure de la France, dans la continuité de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État qui a notamment porté la création de l’Institut français et de Campus France.

Par ailleurs, le financement des bourses et de la prise en charge de la gratuité de la scolarité des élèves français dans les lycées du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger seront assurés grâce à la mise en œuvre de réformes permettant d’en maitriser le coût global.

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

L’évolution des crédits consacrés à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et des effectifs (le schéma d’emplois s’élève à 3.127 ETP en 2011) traduit la poursuite de l’effort de rationalisation et d’accroissement de la productivité des grandes directions à réseaux du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, initié depuis 2008.

Le processus d’unification des deux réseaux déconcentrés des anciennes directions générales des impôts et de la comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP) s’achèvera dès 2011, avec un an d’avance sur l’objectif fixé par le Président de la République. La DGFiP franchira en outre une nouvelle étape dans le développement de l’administration électronique (simplification de la télé-déclaration de l’impôt sur le revenu, de la TVA et de la dématérialisation des échanges avec les contribuables). La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) amplifiera également la dématérialisation des formalités dont elle assure la gestion.

Les grands chantiers de modernisation des systèmes informatiques de gestion financière de l’État, dont l’aboutissement est l’une des conditions de la réussite des réformes en cours, seront poursuivis. Le déploiement du système CHORUS (outil de gestion de la dépense et de suivi de la comptabilité de l’État) sera généralisé dans l’ensemble des départements ministériels au 1er janvier 2011. L’Opérateur national de paye (ONP) poursuivra l’élaboration d’un nouveau système d’information et de gestion de la paye des agents de l’État afin que les premiers ministères puissent s’y raccorder avant la fin de la période triennale. Enfin, les derniers systèmes d’information issus du programme COPERNIC (services fiscaux) seront opérationnels d’ici 2013.

S’agissant de la politique d’action sociale interministérielle, l’offre de prestations notamment en matière de garde d’enfants ou de réservation de logements sera consolidée.

Administration générale et territoriale de l’État

Hormis un ressaut 2012, lié au financement des élections présidentielle et législatives, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » connaîtront une diminution du fait de réorganisations de grande ampleur.

Les principales réformes programmées sont :

– l’évolution des missions des préfectures et des sous-préfectures, avec l’allégement du contrôle de légalité et la centralisation de son traitement en préfecture ;

– l’amélioration de la mutualisation des fonctions supports et plus généralement de leur efficience ;

– la poursuite de l’industrialisation et de la rationalisation des processus d’établissement des titres (permis de conduire et titres de voyage) et leur modernisation, qui aboutissent à la fourniture d’un meilleur service pour les usagers ;

– le recentrage des missions des sous-préfectures, sur le conseil aux collectivités, la coordination interministérielle de l’action de l’État, la sécurité et le soutien au développement économique et social.

Immigration asile et intégration

La programmation de la mission « Immigration asile et intégration », dont les crédits sont stabilisés en 2011 et 2012 au niveau de la LFI 2010 puis diminuent en 2013, a été réalisée dans le triple contexte de la poursuite de l’augmentation du flux de la demande d’asile, du maintien d’une politique ferme d’éloignements des étrangers en situation irrégulière et de la consolidation d’une politique dynamique d’intégration. La stabilisation des crédits de la mission témoigne d’une efficacité accrue dans la poursuite des actions de la mission, rendue possible par la mise en œuvre des réformes initiées dans le cadre de la RGPP qui visent notamment à améliorer la gestion des centres de rétention administrative (CRA) et des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et à réduire en lien avec le Conseil d’État les délais d’instruction des demandes d’asile.

Direction de l’action du Gouvernement

Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » progressent sur la période de programmation en raison principalement des moyens nouveaux accordés au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale tandis que les crédits des services du Premier ministre s’inscrivent en diminution sur la période.

c) Les politiques d’intervention

Travail et emploi

La trajectoire de crédits de la mission « Travail et emploi » est marquée par les effets de la crise économique et financière sur les moyens de la politique de l’emploi, qui se feront sentir jusqu’en 2011 : les crédits de la mission connaîtront ainsi une légère hausse en 2011 pour ensuite décroître fortement en 2012 et 2013 en lien avec l’amélioration attendue de la situation de l’emploi et la pleine entrée en vigueur des réformes programmées.

Conformément aux engagements du Gouvernement, certains dispositifs d’exonération de cotisations sociales dont l’efficacité n’est pas pleinement démontrée, mal ciblés ou qui apparaissent redondants avec d’autres instruments existants seront supprimés ou réduits :

– L’exonération de l’avantage en nature constitué par les repas des salariés du secteur des hôtels cafés restaurants sera supprimée : son caractère incitatif est contestable (l’avantage en nature accordé est une obligation juridique pour les employeurs) et redondant avec les exonérations générales de charges. Par ailleurs, l’abaissement du taux de la TVA dans la restauration justifie la suppression des autres dispositifs d’aide au secteur ;

– L’exonération des organismes d’intérêt général dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) a déjà été réformée par la LFSS pour 2008 et ne concerne plus que les contrats de travail en cours. Elle bénéficie essentiellement à des structures de taille importante, à caractère public ou déjà fortement subventionnées pour les emplois en place. La nouvelle réforme consiste à aller au bout de la logique initiée en 2008 : l’exonération ne sera maintenue que pour les structures actuellement éligibles et comprenant moins de 10 emplois, conformément à l’objectif initial du dispositif ;

– l’exonération de 15 points des particuliers employeurs et le régime spécifique des structures agréées dans le domaine des services à la personne, conçus il y a cinq ans, lors de leur création, comme des dispositifs d’amorçage, et qui s’ajoutent aux nombreux avantages, notamment fiscaux, existants par ailleurs. La forte progression (+40% en 4 ans) des différentes aides publiques (6,6 Md€) justifie de faire des choix au sein des mesures de soutien à ce secteur ; la volonté de préserver par ailleurs les aides à la personne destinées spécifiquement aux publics fragiles, qui ne seront pas modifiées, justifie de concentrer l’effort sur ces deux dispositifs.

Le partage des financements avec d’autres acteurs de la politique de l’emploi sera privilégié, afin de concentrer les moyens de l’État sur les publics prioritaires et les dispositifs les plus efficaces. Ainsi, une partie des excédents du fonds de sécurisation des parcours professionnels, résultant d’une montée en charge de ses dépenses modérée pour sa première année de fonctionnement, seront mobilisés à hauteur de 300 M€ pour le financement de dépenses assurées par l’État dans le domaine de la formation professionnelle.

Plus généralement, des gains de productivité importants seront réalisés par les structures du service public de l’emploi (Pôle emploi, missions locales, opérateurs privés de placement…), outre la suppression des moyens exceptionnels dont ils ont bénéficié dans le cadre du plan de relance. Pour tirer toutes les conséquences de la création d’un opérateur unifié (Pôle emploi), la participation de l’État dans les maisons de l’emploi sera réduite.

Dans un souci d’harmonisation et d’équité, l’intéressement spécifique de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) sera aligné sur celui du RSA.

Enfin, le volume de contrats aidés sera calibré en fonction des perspectives d’amélioration de la situation de l’emploi. Il est prévu respectivement 340.000, 270.000 et 200.000 nouveaux contrats non marchands en 2011, 2012 et 2013. Les taux de subvention par l’État qui avaient été augmentés lors de la crise reviendront à leur niveau normal.

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Sur l’ensemble du ministère de l’agriculture, 650 emplois seront supprimés en 2011 grâce aux réformes conduites dans le cadre de la RGPP (rationalisation des fonctions support en administration centrale et dans les services déconcentrés, développement de la télé-déclaration et simplification des processus de gestion des aides agricoles, rationalisation du pilotage des actions en matière de sécurité alimentaire, poursuite de la suppression des missions d’ingénierie concurrentielle) et au sein de l’enseignement technique agricole.

Les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » permettront de financer les plans d’aide aux filières et les mesures d’accompagnement de la filière piscicole et aquacole.

Les aides aux associations départementales pour l’aménagement de structures et des exploitations agricoles (ADASEA) seront progressivement prises en charge par les chambres d’agriculture. Le régime forestier financé par les communes, l’Office national des forêts (ONF) et l’État fera l’objet d’un d’audit en vue de définir un modèle économique plus performant.

Ville et logement

La mission « Ville et logement » fait l’objet de réformes importantes sur la période de programmation, qui aboutissent globalement à une réduction de ses crédits d’environ 4% à horizon 2013, tout en préservant les politiques d’hébergement d’urgence, d’accès au logement et d’aide à la construction et les actions territorialisées de la politique de la ville.

Le budget consacré à la lutte contre l’exclusion augmentera de près de 8% permettant la mise en œuvre de la refondation du dispositif d’hébergement et d’accès au logement qui marque la priorité du « logement d’abord ». Cette refondation s’accompagnera d’une convergence tarifaire et d’une harmonisation des taux d’encadrement entre structures d’hébergement. Par ailleurs, le nombre de places en centres d’hébergement d’urgence (CHU) et en centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sera stabilisé au niveau atteint fin 2009.

S’agissant des aides personnelles au logement, les taux des contributions patronales appliqués sur la part des salaires située au-delà du salaire plafond de la sécurité sociale seront harmonisés à 0,5 % à partir du 1er janvier 2011 pour les entreprises de plus de 20 salariés, ce qui permettra d’abonder les ressources du Fonds national d’aide au logement (FNAL), à hauteur de 86 M€ par an.

Le développement et l’amélioration de l’offre de logement demeure prioritaire et le budget triennal 2011-2013 permettra la poursuite de la construction de logements, et notamment de logements locatifs sociaux, en nombre suffisant pour répondre aux besoins des Français, dans les zones où se manifeste un fort déséquilibre entre l’offre et la demande : 500 M€ sont consacrés au financement du développement de l’offre de logement social, soit + 4% par rapport à 2009. Ces autorisations d’engagement permettront de financer 120 000 logements sociaux en privilégiant les logements les plus sociaux (55 500 PLUS et 22 500 PLAI). De plus, Action logement subventionnera l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à hauteur de 1,25 Md€ en 2011, conformément à la programmation triennale des emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction ce qui permettra notamment à l’ANAH de financer des actions contre l’habitat indigne et très dégradé ou la précarité énergétique.

Pour les années 2012 et 2013, la nouvelle programmation arrêtée après concertation avec les partenaires sociaux en juin 2011 devra prévoir des contributions annuelles d’un montant équivalent, afin de financer les engagements pris par l’ANRU vis-à-vis des collectivités locales au titre de la réhabilitation des quartiers difficiles. A partir de 2014, la baisse des besoins de l’ANRU autorisera une baisse de la contribution d’Action Logement.

Parallèlement, il est proposé en projet de loi de finances pour 2011 de confier à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) la gestion d’un fonds de péréquation alimenté par la contribution sur les revenus locatifs versée par les organismes de logement social, qui ne seront plus exonérés de ce prélèvement à partir de 2011. Cet effort de péréquation rapportera, en 2011, 340 M€ qui seront redistribués pour le financement des dépenses de construction de logements sociaux, via le financement des aides à la pierre sur le programme 135 « Développement et amélioration de l’offre de logement » et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Écologie, développement et aménagement durables

La programmation des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » tient compte des engagements politiques forts relatifs à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, des orientations de la loi Grenelle 2 qui vient d’être adoptée par le Parlement, et de l’arrivée à maturité de la loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels (PPRT).

Tout en garantissant le respect des engagements pris, la mission participe pleinement à l’effort de maîtrise des dépenses de l’État, puisque ses crédits diminuent sur la période de programmation.

Cette diminution est permise par la rationalisation des financements de l’État, qui seront concentrés sur la période de programmation sur les priorités du Grenelle de l’environnement, par la poursuite de la mise en œuvre des pistes d’économie identifiées dans le cadre de la RGPP et l’application des normes transversales de maîtrise des dépenses des opérateurs de l’État.

La subvention allouée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) sera reconduite au niveau de la LFI 2010 hors plan de relance. Le financement des dépenses de l’agence pourra en outre s’appuyer sur la mise en œuvre à compter de mi-2012 de la taxe poids lourds. Par ailleurs, la poursuite de l’orientation des tarifs ferroviaires sur les coûts d’infrastructure permettra de diminuer les concours de l’État alloués à Réseau ferré de France.

La programmation garantit également le financement de l’élaboration et de la mise en œuvre des PPRT et sécurise le financement de l’ADEME qui bénéficiera d’une part accrue de taxe générale sur les activités polluantes. Par ailleurs, il est prévu la création d’un compte d’affectation spéciale intitulé « Engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique dans le cadre du mécanisme de financement précoce » destiné au financement d’actions de lutte contre la déforestation dans les pays en voie de développement.

Aide publique au développement

Les crédits de la mission « Aide publique au développement » (APD) seront stabilisés en valeur sur la période de programmation à un niveau légèrement inférieur à celui de 2010.

La mission APD bénéficie ainsi d’une application sélective de la norme transversale de réduction des interventions. Les réformes sous-jacentes à la programmation portent sur un recentrage des dispositifs d’APD sur les priorités du CICID, en particulier pour les dispositifs d’attractivité culturelle.

La programmation permet de financer, outre les contributions obligatoires aux organismes internationaux et la participation aux reconstitutions de fonds de développement, l’ensemble des priorités du Gouvernement : concentration géographique de l’aide sur l’Afrique sub-saharienne et financement des priorités de l’aide multilatérale, à commencer par le fonds mondial SIDA, pour lequel la contribution française augmentera globalement de 20% par rapport à la précédente reconstitution.

L’APD bénéficiera par ailleurs de la mobilisation de moyens de financement complémentaires : les engagements additionnels souscrits dans le cadre de l’initiative « Fast start » seront financés par une partie des recettes tirées de la vente des quotas de CO2 dits « UQA » (protocole de Kyoto).

Solidarité, insertion et égalité des chances

Les crédits de la mission, qui financent des interventions sociales, connaissent une hausse significative sur la période.

Cette croissance tient pour l’essentiel à la dynamique spontanée de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), en raison de l’augmentation tendancielle du nombre de bénéficiaires, et de la revalorisation de la prestation de 25% en cinq ans, soit une revalorisation annuelle sensiblement supérieure à l’inflation pour chacune des années de la programmation. Les modalités d’attribution de la prestation seront révisées, avec pour objectif d’harmoniser les pratiques afin de réduire les disparités territoriales. Enfin, l’examen des ressources sera effectué régulièrement dans le temps, et les modalités de cumul entre allocation et revenu d’activité seront revues.

La dotation au Fonds national de solidarité active (FNSA) intègre la montée en charge progressive du revenu de solidarité active (RSA) avec un doublement des bénéficiaires sur la période, soit une cible de 1,2 million de bénéficiaires en 2013, contre moins de 0,6 million à la fin 2009. En septembre 2010, le RSA a été étendu aux jeunes de moins de 25 ans, sous condition préalable d’activité, ainsi qu’aux départements d’outre-mer. Enfin, le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) qui s’éteindra progressivement avec la montée en charge du RSA dans les collectivités d’outre-mer, sera pris en charge par le FNSA jusqu’en 2012.

Outre-mer

Les crédits de la mission « Outre-mer », destinés à financer des dispositifs spécifiques à destination des populations ultramarines, progresseront légèrement sur la période de programmation.

Dans le contexte de maîtrise des dépenses de l’État, cette progression permet le financement des mesures de la LODEOM et des décisions du Conseil interministériel de l’Outre-mer (CIOM) du 6 novembre 2009. Parmi ces décisions figurent notamment le financement de la montée en charge du service militaire adapté, de la politique du logement outre-mer, des dispositifs de continuité territoriale, du dispositif d’aide au fret et de la réforme des exonérations de charges.

Culture

Le périmètre de la mission « Culture » fait en 2011 l’objet de modifications par rapport à la LFI 2010, pour tenir compte notamment de la réorganisation du ministère de la culture et de la communication. Les crédits relatifs à la politique du livre et aux industries culturelles ont ainsi été transférés à la mission « Médias » dénommée désormais « Médias, livre et industries culturelles » et l’ensemble des dépenses de personnels de la « Recherche culturelle et culture scientifique » de la mission Recherche et enseignement supérieur ont été regroupés sur la mission « Culture ».  

Les crédits de la mission « Culture » permettent de maintenir les efforts engagés en 2010 dans l’ensemble des domaines dont le ministère à la charge : l’entretien et la rénovation du patrimoine monumental et architectural, la poursuite des actions engagées dans les secteurs muséaux et archivistiques (un plan « musées » est lancé à compter de 2011), le soutien aux structures du spectacle vivant. Enfin, le développement de l’éducation artistique et culturelle demeure une priorité. Le ministère poursuivra la réforme de l’enseignement supérieur et mettra en œuvre des plans d’actions tels que « Culture pour chacun » ou « Dynamique Espoir Banlieue » dans sa mission de démocratisation de la culture. Il développera également les réseaux et programmes d’échanges culturels européens et internationaux (programme Odyssée).

Ces crédits permettront de poursuivre plusieurs chantiers de rénovation, dans les domaines du spectacle vivant (Opéra comique, Théâtre national de Chaillot, Comédie française), du patrimoine (Quadrilatère Richelieu) ou de l’enseignement supérieur. Ces crédits financeront également la poursuite de plusieurs grands projets culturels comme le Palais de Tokyo, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) ou le centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine.

L’objectif de maîtrise des dépenses et de réduction de l’emploi public reste une priorité sur la période 2011-2013 pour les opérateurs de la mission, qui appliqueront les règles de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et de réduction des dépenses de fonctionnement de 5 % dès 2011. Cet effort doit se traduire par une diminution de 297 ETP à horizon 2013.

Médias, livre et industries culturelles

Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » progressent en 2011 puis diminueront à compter de 2012. Ils financent en 2011 l’effort exceptionnel en faveur de la presse décidé dans le cadre des États généraux de la presse écrite, les besoins relatifs à la montée en puissance de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), et l’achèvement du passage à la télévision tout numérique prévu pour la fin de l’année 2011.

Par ailleurs, les crédits tiennent compte d’un moratoire sur la suppression de la publicité en journée sur les antennes de France Télévisions, dont le PLF 2011 propose le report jusqu’en janvier 2014.

Économie

Les crédits de la mission « Économie » diminuent sur la période de programmation grâce à une optimisation accrue de l’allocation des moyens d’intervention et de soutien aux entreprises, ainsi qu’aux efforts d’efficience de l’État et de ses opérateurs, qui permettent de respecter les éléments de cadrage transversal sur les effectifs et les moyens de fonctionnement et d’intervention, tout en assurant un effort au bénéfice d’OSEO Garantie et d’Ubifrance. Cette évolution intègre par ailleurs la consolidation du budget de l’INSEE et de la rémunération des prestations de la Banque de France.

Santé

Les crédits de la mission « Santé » sont stabilisés sur la période du budget triennal à un niveau légèrement supérieur à celui de 2010.

Ils intègrent l’augmentation mécanique des dépenses prises en charge par l’État dans le cadre de la formation initiale des médecins, conséquence de l’augmentation du « numerus clausus », ainsi qu’une réévaluation des dépenses liées à l’Aide médicale d’État.

Les agences régionales de santé, créées en 2010 dans le cadre de la RGPP, permettront d’optimiser les politiques de prévention et d’éducation en matière de santé tout en réduisant les inégalités entre les territoires. De manière générale, les opérateurs de la mission mettront en application les normes transversales en matière de maîtrise des effectifs et des dépenses de fonctionnement.

Sport, jeunesse et vie associative

Les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », après une diminution en 2011, augmenteront à l’horizon 2013 en raison de la montée en charge du service civique qui concernera 15.000 volontaires dès 2011. Elle est cependant partiellement compensée par une baisse des autres actions portées par cette mission.

Par ailleurs, une dotation de 25 M€ en 2011 et de 10 M€ en 2012 et 2013 est prévue pour le fonds d’expérimentation pour la jeunesse afin de soutenir et d’évaluer des actions innovantes en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Parallèlement, les autres dépenses d’intervention de la mission en faveur de la jeunesse et des associations seront sensiblement réduites (-16 % en 2011, -20 % en 2012 et -24 % en 2013), dans un souci de meilleur ciblage des interventions de l’État.

Concernant les actions en faveur du sport, l’État maintiendra son soutien aux fédérations sportives et achèvera la remise à niveau des bâtiments de l’Institut national du sport et de l’éducation sportive (INSEP). Dans la perspective de l’Euro 2016, la rénovation et la construction des stades seront financées par le Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui bénéficie de l’affectation d’une taxe, assise sur les paris sportifs des opérateurs agréés. En revanche, l’exonération fiscale et sociale qui bénéficiait à certains joueurs (droit à l’image collective) a été supprimée par anticipation et n’est plus en vigueur depuis le 30 juin 2010.

Régimes sociaux et de retraite

L’évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui finance des régimes spéciaux de retraite et des dispositifs propres à certaines professions, est très dynamique. Elle est déterminée par les évolutions démographiques propres à ces régimes. Par ailleurs, l’extinction de la compensation spécifique entre régimes spéciaux en 2012, prévue par la loi de 2003 sur les retraites, implique une diminution des ressources perçues à ce titre par les régimes subventionnés et leur compensation par des subventions de l’État. Cette contrainte explique pour une large part la hausse des crédits inscrits sur la mission. La progression de la dépense est toutefois contenue par la poursuite des cessions immobilières de la caisse des mines et par la mobilisation des réserves des régimes de retraite de la SEITA.

Anciens combattants

L’évolution des crédits de la mission « Anciens combattants » s’explique essentiellement par la réduction du nombre de pensionnés ainsi que par les réformes engagées dans le cadre de la RGPP, avec la création d’un point unique d’accueil et de renseignements dans le cadre d’un service départemental de proximité de l’office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC).

Politique des territoires

Les crédits de la mission « Politique des territoires », en diminution sur la période de programmation, participent à l’objectif de stabilisation du budget de l’État. La budgétisation intègre notamment le financement des nouvelles mesures annoncées lors de la conclusion des assises des territoires ruraux, la montée en charge du plan exceptionnel d’investissements pour la Corse et la mise en œuvre du plan « algues vertes ».

Engagements financiers de l’État

La programmation des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » traduit la forte progression de la charge de la dette sur la période de programmation (plus de 4 Md€ par an en moyenne, par rapport au niveau prévu en LFI 2010).

L’accroissement de la charge de la dette s’explique principalement par un fort « effet volume » (environ 3 Md€ par an sur la période 2011-2013), lié à l’augmentation importante du besoin de financement depuis 2009 dans le contexte de la crise économique.

Il résulte également de la hausse anticipée des taux d’intérêt, hausse dont l’ampleur et la rapidité restent incertaines (effet estimé à environ 1 Md€ par an) et, dans une moindre mesure, de l’hypothèse d’un retour de l’inflation à un niveau plus proche de l’objectif de long terme de la Banque centrale européenne, ce qui influe directement sur la charge d’intérêt des titres dits « indexés » (sur l’indice des prix).

Enfin, la rémunération par le Trésor des dotations « non consommables » transférées aux opérateurs dans le cadre du programme des investissements d’avenir accroît légèrement la charge de la dette par rapport à 2010, année d’amorçage du programme.

La programmation des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », hors charge de la dette, intègre notamment la fiscalisation prochaine des importantes générations de plans d’épargne logement ouverts en 2001 et en 2002.

d) Les autres missions

Conseil et contrôle de l’État

Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » progressent légèrement pour permettre le renforcement des missions des juridictions administratives.

Pouvoirs publics

Pour le PLF 2011, les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont stabilisés en valeur au niveau de la LFI 2010, comme le budget de l’État hors dette et pensions dans son ensemble. Ceci rend compte de la volonté partagée du Gouvernement et du Parlement de redresser nos finances publiques. Pour les années 2012 et 2013, l’hypothèse conventionnelle d’une reconduction du « zéro valeur » a été faite ; la mission ne fait cependant pas l’objet d’une programmation précise, conformément au principe d’autonomie financière des pouvoirs publics.

e) Les concours de l’état aux collectivités locales

L’effort de redressement des finances publiques engage l’ensemble des administrations publiques : État, administrations sociales et collectivités locales. Ainsi, dans le but d’associer les collectivités locales au redressement des finances publiques, le Président de la République a annoncé que les concours financiers de l’État aux collectivités locales, hors FCTVA, seront stabilisés en valeur sur la période 2011-2013. Cette décision reprend la proposition formulée par le groupe Carrez-Thénault, dont le rapport précise que le gel des concours de l’État aux collectivités locales se justifierait non seulement par la nécessité de maîtriser les dépenses de l’État, mais également en raison de l’effet inflationniste du niveau de recettes sur les dépenses locales.

La sortie du FCTVA de l’enveloppe des concours, préconisée par le rapport Carrez-Thénault, rejoint une demande des élus locaux.

Afin de respecter la neutralité de la réforme de la taxe professionnelle (TP) posée par le Gouvernement, ce gel des concours s’entend hors impacts liés à la suppression de la part «équipements et biens mobiliers » de la taxe professionnelle.

L’enveloppe en AE des concours de l’État aux collectivités locales est stabilisée en valeur sur 2011-2013 au niveau de la LFI 2010, soit 50,45 M€ en AE. Cette enveloppe comprend :

– les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales, à l’exception du FCTVA et du prélèvement sur recettes « amendes de la circulation »(5) ;

– la mission « Relations avec les collectivités territoriales », excepté les subventions diverses pour travaux d’intérêt général et les crédits de fonctionnement de la DGCL ;

– la dotation générale de décentralisation relative à la formation professionnelle (imputée sur la mission « Travail et emploi »).

Ce gel s’accompagnera d’un encadrement des normes réglementaires imposées par l’État aux collectivités locales et d’un renforcement de la péréquation, conformément aux annonces du Président de la République lors de la seconde conférence sur les déficits. Le rapport Carrez-Thénault recommandait en effet d’approfondir la péréquation tant verticale, c’est-à-dire à partir des dotations de l’État, qu’horizontale, c’est-à-dire entre les collectivités locales. Par ailleurs, l’instauration d’un moratoire sur les normes règlementaires (hormis les normes obligatoires internationales ou d’application de la loi) et le renforcement du rôle de la commission consultative d’évaluation des normes permettront de limiter leur impact financier sur les collectivités.

f) Le concours de L’État à l’union européenne

Le PSR UE (18,15 Md€ en LFI 2010) augmentera en moyenne de 0,5 Md€ par an, soit une évolution de l’ordre de +2,7% en valeur chaque année. Celle-ci reflète, à titre principal, la dynamique du budget communautaire, supérieure à celle que la France s’autorise pour ses propres dépenses.

À cet égard, le Gouvernement souhaite, en conformité avec les efforts que s’imposent les États membres au plan national, que la progression du budget européen soit modérée. Ainsi, une progression du budget européen de 6% en crédits de paiement, telle qu’elle a été demandée par la Commission dans le projet de budget pour 2011, ne peut en aucun cas constituer une option possible et cohérente avec nos objectifs de finances publiques. Une augmentation de 2,9% du budget européen 2011 par rapport à 2010, telle que votée par le Conseil, constitue un maximum que le Gouvernement s’attachera à défendre.

IV. LES ORGANISMES DIVERS D’ADMINISTRATION CENTRALE

A. Trajectoire

Solde des ODAC, en comptabilité nationale

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

3,9

4,2

4,2

4,1

4,1

4,0

Recettes en points de PIB

4,0

6,2

4,5

4,4

4,4

4,3

Solde en points de PIB

0,1

2,1

0,3

0,3

0,3

0,4

Solde en Md€

2,8

40,4

5,8

5,8

7,1

8,1

NB : 0,1 point de PIB représente 1,9 Md€ en 2010, 2,0 Md€ en 2011, 2,1 Md€ en 2012, 2,2 Md€ en 2013 et 2,3 Md€ en 2014

La lecture de l’évolution du solde des organismes divers d’administration centrale (ODAC) sur la période de programmation est notablement perturbée par les dotations exceptionnelles transférées de l’État à un certain nombre d’organismes du sous-secteur en 2010 dans le cadre des investissements d’avenir et du plan Campus : en effet, l’intégralité du versement des fonds a été réalisée en 2010, tandis que ceux-ci ne seront ensuite décaissés par les ODAC que de manière partielle (puisqu’une partie des dotations est non-consomptible : c’est-à-dire que seuls les intérêts versés sont décaissés) et étalés sur plusieurs années. Par conséquent, cette opération améliore fortement le solde des ODAC en 2010, et contribue à le dégrader les années suivantes, au rythme du décaissement des fonds (et lorsque ces décaissements sont considérés comme des dépenses en comptabilité nationale(6)).

Malgré ce facteur de dégradation, le solde des ODAC devrait globalement s’améliorer entre 2009 et 2014, grâce à plusieurs éléments. Tout d’abord, l’affectation de nouvelles recettes à la CADES, à hauteur de 3,2 Md€, lui permettra d’amortir davantage de dette sociale et donc d’améliorer son solde en comptabilité nationale. Ensuite, la disparition des ODAC qui assuraient l’apurement des soultes de La Poste (en 2009) et de France Télécom (en 2011) contribuera à l’amélioration du solde ODAC, puisque ces ODAC étaient par nature déficitaires : ils reversaient chaque année à l’État une partie de la soulte reçue initialement et n’avaient pas de recettes. Enfin, le transfert exceptionnel de titres de l’ERAP à l’État avait contribué à dégrader temporairement le solde des ODAC à hauteur de 1,7 Md€ en 2009. La programmation fait par ailleurs, sur la période 2011-2014, l’hypothèse d’une affectation d’un Md€ par an à l’EPFR pour son désendettement.

B. Des réformes transversales pour une meilleure maîtrise de la dépense des opérateurs de lÉtat

Le sous-secteur des organismes divers d’administration centrale est un sous-secteur des administrations publiques peu homogène, qui regroupe à la fois :

– des entités dont l’activité principale consiste à effectuer des opérations de redistribution du revenu et de la richesse nationale ;

– des producteurs non marchands dont la majeure partie des ressources provient de subventions, d’impositions affectées ou toutes autres ressources publiques.

La plupart des opérateurs de l’État sont des ODAC et peuvent se rattacher à la seconde catégorie mentionnée ci-dessus.

Les opérateurs de l’État, dont la liste figure dans l’annexe générale « opérateurs de l’État » annexée au PLF seront associés à la démarche généralisée de maîtrise de la dépense puisque les règles transversales appliquées à l’État dans le budget triennal 2011-2013 en matière de fonctionnement et d’emplois leur sont transposées :

– Les opérateurs devront consentir un effort collectif, analogue à celui de l’État, de baisse de 10% de leurs dépenses de fonctionnement, en commençant par 5% dès 2011 ;

– La règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite applicable à l’État est déclinée mais adaptée aux opérateurs : en effet, ils connaissent parfois des départs en retraite moins importants que pour l’État (pyramide des âges différente de celle de l’État) ; mais dans le même temps, ils ont plus de turn-over non lié aux départs en retraites, ce qui leur donne plus de marges de manœuvre que l’État. Ainsi, la traduction de l’objectif du « 1 sur 2 » est de réaliser le même niveau de gains de productivité que l’État, soit un effort de réduction des effectifs de 1,5% par an à compter de 2011, hors opérateurs rattachés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui sont exonérés de l’application de cette règle sur la période de programmation.

Pour réaliser ces économies, une démarche d’audits des opérateurs à forts enjeux a été lancée en 2009 et se poursuit sur la période de programmation. Ces audits doivent permettre de fournir une assistance adaptée aux opérateurs afin qu’ils mettent en œuvre les nouvelles règles de gouvernance qui leurs sont applicables depuis 20009 (généralisation des contrats de performance et des lettres de mission aux dirigeants, meilleur suivi des opérateurs, amélioration de la transparence sur leurs structures et sur leurs activités) et qu’ils atteignent les objectifs financiers qui leur ont été fixés dans le cadre du budget triennal 2011-2013. Ils doivent également permettre de constituer une base opérationnelle de bonnes pratiques de gestion qui puisse être applicable à d’autres opérateurs et leur apporter ainsi des améliorations.

Avant la fin de l’année 2011, ce sont près de la moitié des effectifs et du périmètre budgétaire des opérateurs (hors universités) qui auront été passés en revue dans le cadre de cette démarche.

C. La limitation de lendettement des ODAC

L’endettement public, au sens du règlement (CE) n°2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, est l’endettement total des administrations publiques vis-à-vis de tiers privés.

Pour en maîtriser la dynamique et en limiter le coût, l’endettement devrait être concentré sur un ensemble limité d’acteurs : l’État, les collectivités territoriales et la CADES. Or, de nombreuses autres structures publiques sont endettées auprès d’établissements bancaires pour une durée supérieure à douze mois, c’est-à-dire pour couvrir des besoins autres que de trésorerie.

Sur le seul champ des opérateurs de l’État, soit des organismes bénéficiaires d’une subvention ou d’une taxe affectée par l’État et contrôlé par lui, près de cinquante organismes sont endettés auprès d’établissements bancaires.

Les informations disponibles relatives à l’endettement des établissements publics dotés d’un comptable public permettent de constater que l’endettement auprès des établissements bancaires de ces seuls ODAC, hors endettement de l’Établissement public de financement et de restructuration, s’élevait à plus de 120 M€ au 31 mars 2008 et à près de 140 M€ au 31 décembre 2009. Les entités concernées relèvent de catégories juridiques différentes (EPA, EPIC, EPSCP, GIP, …).

Cette situation est rendue possible par l’absence de règle générale visant à limiter l’endettement des organismes publics.

Ainsi, il n’existe à ce jour pas de norme supérieure à la loi visant à limiter l’endettement des organismes publics (excepté pour la CADES, puisque l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale a été élevée au rang organique par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-519 DC).

Il est aujourd’hui nécessaire de définir un principe général d’interdiction d’émettre des titres d’emprunt ou de contracter des emprunts bancaires d’une durée supérieure à 12 mois :

– En l’absence d’approche globale, on assiste à une dispersion et à une insuffisante maîtrise des sources d’émission d’emprunts au sein des administrations publiques, alors que nos engagements européens au titre du pacte de stabilité et de croissance portent bien sur l’ensemble des administrations publiques, dont les organismes divers d’administration centrale ;

– Stopper cette dissémination de la dette publique est d’autant plus nécessaire que ces entités se financent la plupart du temps à des coûts supérieurs à ceux observés pour l’État, augmentant ainsi la charge d’intérêt supportée par les administrations publiques dans leur ensemble ;

– Si les entités qui ont recours à l’emprunt n’ont pas une capacité de remboursement propre suffisante, c’est au final l’État qui est appeler à financer ces établissements ;

– Enfin, pour les organismes financés depuis le budget de l’État, la faculté de recourir à l’emprunt peut constituer un moyen de contourner la discipline appliquée à la dépense de l’État (plafond imposé à la progression des dépenses de l’État d’une année sur l’autre).

L’objectif principal des dispositions prévues à l’article 11 de la présente loi de programmation est d’appliquer sur un champ cohérent en matière de finances publiques, c’est-à-dire un périmètre le plus proche possible de celui de nos engagements européens, l’interdiction de recourir à l’emprunt auprès d’établissements bancaires pour une durée supérieure à 12 mois.

Le dispositif proposé vise à la fois à limiter, pour la période de programmation, l’endettement des organismes existants et à empêcher pour l’avenir que des organismes nouvellement créés puissent recourir à cette faculté, sauf autorisation expresse du Parlement.

V. LES ADMINISTRATIONS DE SECURITE SOCIALE

Le secteur des administrations de sécurité sociale, dont les dépenses de prestations représentent près de 45% du total des dépenses publiques, est un indispensable contributeur à la stratégie de redressement des comptes publics.

En réponse à une crise économique et financière d’une ampleur exceptionnelle, les administrations de sécurité sociale ont, par leur rôle de stabilisateurs automatiques, contribué à soutenir la consommation des ménages et l’activité des entreprises. Grâce notamment à l’augmentation des transferts sociaux et à la baisse des prélèvements dont les effets conjugués ont permis de compenser la stagnation des revenus d’activité, la France a mieux traversé la crise économique que la plupart de ses partenaires européens.

Grâce à la reprise qui s’est manifestée depuis la fin 2009, les comptes sociaux sortent cependant moins dégradés de la crise que prévu initialement. Le renforcement de la croissance économique contribuera à prolonger la réduction des déficits sur les années suivantes. Pour autant, afin de conforter l’objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux, des réformes structurantes seront nécessaires et seront mises en œuvre pour assurer la pérennité de notre modèle de protection sociale.

Le défi est important pour redresser les comptes tout en absorbant le choc démographique qui modifie en profondeur la nature de nos besoins collectifs et conduit à une accélération sensible des dépenses de retraite et de prise en charge de la dépendance. En outre, ce défi implique d’agir sur le comportement des acteurs qui conditionne significativement la dynamique des dépenses dans le champ social : pratiques des professionnels de santé, comportements des patients en matière de risque maladie, ou des salariés et des employeurs en matière de départs à la retraite ou d’accidents du travail par exemple.

Un objectif de réduction progressive mais vigoureuse des comptes sociaux structurera ainsi l’action du Gouvernement sur la période couverte par la loi de programmation.

Pour conforter l’avenir, qu’il s’agisse de garantir la soutenabilité de notre système de protection sociale, de renforcer la logique de solidarité qui le fonde ou encore d’apporter des réponses adaptées aux évolutions économiques et sociales, l’action du Gouvernement s’articulera autour de deux grands axes :

– Le renforcement des outils de pilotage afin d’améliorer le suivi infra-annuel des dépenses et des recettes et d’ajuster en cours d’exercice la mise en œuvre de nos politiques en vue d’assurer le respect de la contrainte de soutenabilité. La déclinaison opérationnelle des conclusions du rapport du groupe de travail présidé par M. Briet sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie jouera, à ce titre, un rôle déterminant pour une meilleure maîtrise de l’ONDAM voté ;

– La détermination d’une stratégie de moyen terme, claire et cohérente, qui seule permettra de donner de la visibilité aux acteurs, laquelle est une condition forte pour la réussite des réformes engagées. Le projet de loi portant réforme des retraites s’inscrit pleinement dans cette perspective, pour prévoir un retour à l’équilibre des comptes tous régimes à l’horizon 2018.

Les efforts entrepris ces dernières années en ce sens, et qui ont déjà porté leurs fruits, seront poursuivis et approfondis, afin de transmettre aux générations futures un système de protection sociale soutenable et adapté aux enjeux de demain.

A. Trajectoire

1. Solde des administrations de sécurité sociale en comptabilité nationale

Solde des ASSO, en comptabilité nationale

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

25,9

26,3

26,2

25,9

25,5

25,1

Recettes en points de PIB

24,7

24,6

24,7

24,7

24,6

24,6

Solde en points de PIB

-1,3

-1,7

-1,5

-1,2

-0,8

-0,5

Solde en Md€

-24,0

-32,8

-30,0

-25,3

-18,5

-11,6

NB : 0,1 point de PIB représente 1,9 Md€ en 2010, 2,0 Md€ en 2011, 2,1 Md€ en 2012, 2,2 Md€ en 2013 et 2,3 Md€ en 2014

Les administrations de sécurité sociale (ASSO) ont été frappées de plein fouet par la récession économique de 2009 : ainsi, la masse salariale au sens de l’ACOSS s’est repliée de 1,3 % alors que le PIB reculait de 2,5 %. Cette dégradation sans précédent des comptes sociaux devrait encore peser à l’horizon de la programmation.

Néanmoins, la reprise progressive de l’activité économique et les réformes en cours devraient permettre une réduction du besoin de financement des ASSO dès 2011 : ainsi, la masse salariale privée accélérerait (+2,9% en 2011, après +2,0% en 2010) et des mesures en recettes seraient prises dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le rythme de progression des recettes doublerait en 2011 (+4,0% contre +2,0% en 2010). Par la suite, les créations d’emplois permettraient une nouvelle accélération de la masse salariale privée (+4,5% à partir de 2012) qui soutiendrait la dynamique des recettes des administrations de sécurité sociale.

Du côté des dépenses, une nette tendance à la modération serait observée sur la période de programmation. Après la forte hausse de 2009 (+4,5%) portée par la dégradation du marché de l’emploi et une importante revalorisation des prestations familiales, la dépense sociale ralentirait en 2010 grâce à la maitrise des dépenses sous ONDAM. A moyen terme, l’entrée en vigueur de la réforme des retraites en 2011 grâce au relèvement progressif des bornes d’âges infléchirait la dépense vieillesse, ce qui améliorerait les comptes des régimes vieillesse dans le cadre du rééquilibrage des régimes à l’horizon de 2018. De même, la poursuite d’ambitieux objectifs en matière de dépenses de santé et l’amélioration de la situation sur le marché de l’emploi devraient favoriser une progression plus contenue de la dépense des administrations de sécurité sociale.

Au total, les soldes sociaux s’amélioreraient d’environ ¾ de point de PIB à l’horizon 2014 par rapport à 2009.

2. Solde du régime général

Charges, produits et solde du régime général

En (Md€)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Produits nets

293,1

292,4

293,3

306,2

318,3

331,2

345,0

Charges nettes

303,3

312,7

316,5

327,6

337 ,9

349,3

360,5

Solde

-10,2

-20,3

-23,1

-21,4

-19,6

-18,1

-15,5

Au point de départ de la période que couvrira la loi de programmation des finances publiques, la dégradation des comptes sociaux est moins importante que prévue : le déficit du régime général serait contenu à 23,1 Md€ en 2010, alors que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2009 l’évaluait à 33,6 Md€. Si le redressement de l’emploi et des salaires à la fin 2009 et en 2010 a permis d’endiguer la dégradation des recettes du régime général, les actions résolues de maîtrise des dépenses sociales, qui permettront notamment de respecter l’ONDAM pour la première fois depuis 1997, ont apporté une contribution à ce résultat.

Partant de cette situation initiale qui marque un premier arrêt de la dégradation des comptes sociaux, le cheminement proposé dans la loi de programmation des finances publiques se fixe pour point d’arrivée en 2014 une réduction significative du déficit du régime général, qui retrouverait en 2014 son niveau de 2008, avant le déclenchement de la crise économique et financière. En effet le déficit brut du régime général en 2014 (15,5 Md€) ne reflète pas fidèlement la situation financière, car il incorpore le déficit de la branche vieillesse (-7,7 Md€). Or la réforme des retraites en cours d’examen par le Parlement, qui vise à assurer l’équilibre financier du système par répartition à l’horizon 2018, prévoit, jusqu’à cette échéance, la reprise par la CADES des déficits de la branche vieillesse du régime général grâce à la mobilisation des ressources et des actifs du Fonds de réserve pour les retraites. Par conséquent, à l’horizon 2014, l’indicateur financier significatif est le déficit du régime général hors branche vieillesse, c’est-à-dire des branches, maladie, accidents du travail-maladies professionnelles et famille : il atteindra 7,8 Md€, soit sensiblement en-deçà du solde déficitaire constaté en 2008.

Il importe ainsi de préparer les conditions économiques générales et de mettre en place les incitations aux acteurs du système de protection sociale qui permettent de poursuivre le redressement des comptes sociaux au-delà de 2014. Le renforcement des efforts de maîtrise des dépenses sociales, afin qu’elles continuent à rendre aux Français des services de qualité pour un coût sans cesse réduit, sera à cet égard décisif. Il sera complété par des actions visant à sécuriser les recettes sociales.

Une maîtrise accrue des dépenses sociales

L’amélioration significative de la situation financière du régime général sera due en majeure partie à un ralentissement important des dépenses. L’objectif de dépenses retenu pour hypothèse sous-jacente à la trajectoire du I de l’article 8 de la présente loi de programmation des finances publiques prévoit en effet une croissance annuelle moyenne des dépenses du régime de 3,3 % entre 2010 et 2014, soit inférieure en volume de près d’un point à celle du produit intérieur brut.

L’amélioration de la situation de la branche vieillesse reposera pour une part essentielle sur une correction significative de la trajectoire tendancielle des dépenses de retraite. Compte tenu de la réforme des retraites, la projection quadriennale des comptes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse associée aux objectifs présentés ci-dessus fait état d’une amélioration de près de 10 Md€ du solde de cette branche en 2014 (-7,7 Md€, contre un tendanciel de -17,9 Md€ avant la mise en œuvre de la réforme), au sein de laquelle l’effort en dépenses contribuerait pour plus de la moitié :

– 3,3 d€ au titre des atténuations de charges liées au relèvement de l’âge de la retraite, nettes de l’impact des mesures positives (garantie de niveau des petites pensions notamment), dont la montée en charge s’accélérera à partir de 2014 ;

– 2,8 d€ au titre de la réduction des charges financières liées aux reprises de dette prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, ainsi qu’au moindre appel à des ressources non permanentes du fait de charges en diminution.

En matière de dépenses d’assurance maladie, l’objectif fixé au II de l’article 8 de la présente loi de programmation reprend les objectifs fixés par le Président de la République pour 2010, 2011 et 2012, soit une progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 3,0 % en 2010, 2,9 % en 2011 et de 2,8 % en 2012. La projection quadriennale retenue prolonge cet objectif de progression de l’ONDAM de 2,8 % pour les années 2013 et 2014.

Il s’agit d’un objectif ambitieux, si l’on en juge par l’observation du passé, au cours duquel jamais la dépense d’assurance maladie n’a progressé à un rythme inférieur à 3 % deux années de suite (cf. graphique ci-dessous). L’année 2010 marquera à cet égard un tournant, avec une croissance de l’ONDAM particulièrement modérée (3 %) qui permettra le strict respect de l’objectif de dépenses voté par le Parlement à l’automne 2009.

Tableau (lien) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Tableau (lien) (suite)

Tableau (lien)

Les objectifs fixés en matière d’assurance maladie consistent donc à stabiliser la progression des dépenses au rythme très modéré qu’elles connaissent actuellement, sans remettre en cause le haut niveau de qualité des soins. En particulier, les outils créés par la réforme de l’assurance maladie de 2004, notamment la maîtrise médicalisée des dépenses de santé négociée avec les représentants des professionnels de santé, et la mise en œuvre depuis 2004 de la tarification à l’activité des établissements de santé, ont permis de modifier durablement les comportements en matière de recours aux soins des assurés et de production de soins des offreurs. Ces changements de comportements se reflètent dans le ralentissement très significatif du rythme d’évolution des dépenses d’assurance maladie depuis 2005 (cf. graphique ci-dessus), d’autant plus remarquable qu’il intervient dans le contexte des pressions à la hausse qu’exerce le vieillissement de la population. Partant il est vrai d’un niveau de départ élevé, la France est ainsi l’un des pays membres de l’OCDE dans lesquels la croissance des dépenses publiques de santé est la plus faible depuis 2005 (cf. graphique ci-dessous).

Tableau (lien) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 2 et rapport annexé

Tableau (lien)

Pour la période 2011-2014, le niveau ambitieux de l’ONDAM est rendu crédible par les réformes structurelles en cours de mise en œuvre (voir le 1 du B ci-dessous).

Un effort accru de sécurisation des recettes

La stratégie de redressement des comptes de la sécurité sociale présentée dans la loi de programmation des finances publiques comporte des engagements importants en matière de dynamique des recettes sociales, nécessaire pour assurer la préservation du haut niveau de protection sociale dont bénéficient les Français. La projection associée à la présente loi de programmation fait état d’une progression moyenne de 4,1 % par an des produits nets du régime général. Cette évolution découle notamment des hypothèses macro-économiques retenues dans les projections qui accompagnent la présente loi de programmation, et de celle relative à la masse salariale du secteur privé, principale assiette des ressources de la sécurité sociale. Le scénario économique sous-jacent prévoit en 2011 une reprise de l’emploi qui intervient avec un décalage par rapport à celle de l’activité économique : dans ce contexte la masse salariale du champ ACOSS progresserait de 2,9 % en valeur. Pour les années 2012 à 2014, le scénario repose sur l’hypothèse d’une croissance économique robuste (2,5 % en volume chaque année), permettant à la masse salariale privée de croître légèrement plus vite que le PIB (4,5 % en valeur).

Au-delà de la dynamique propre des ressources du régime général, la réforme des retraites comporte un volet « recettes » important, avec l’affectation au Fonds de solidarité vieillesse de produits supplémentaires pour un montant de 4,3 Md€ en 2014 : ces mesures permettront la prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse de dépenses de solidarité aujourd’hui supportées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse. La CNAV bénéficiera également du surcroît de cotisations liées aux rémunérations versées aux salariés qui seront appelés à prolonger leur activité (500 M€ environ à l’horizon 2014).

Par ailleurs, il est prévu en 2011 un relèvement de 0,1 point du taux de cotisation des employeurs au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui permettra le retour à l’équilibre de cette branche puis le financement de la mesure positive liée à la prise en charge de la pénibilité, décidée dans le cadre de la réforme des retraites.

D’une façon plus générale, le sentier de redressement des comptes du régime général à l’horizon 2014 prévoit la poursuite de la stratégie de réduction des dispositifs d’exemption et d’exonération des cotisations sociales (« niches sociales »). La projection quadriennale associée à la loi de programmation retient ainsi l’hypothèse d’un montant annuel de 3 Md€ de ressources supplémentaires sur la période 2012-2014 au moyen de la réduction des « niches » fiscales et sociales, dont le volet social permettra d’améliorer le financement de la sécurité sociale. Au-delà de leur impact en termes de réduction du déficit du régime général, ces mesures permettront d’améliorer l’équité et la lisibilité du prélèvement social, en dissuadant les comportements d’optimisation des cotisants.

B. Des mesures structurantes en faveur du redressement progressif des comptes sociaux

1. Engager des réformes structurelles pluriannuelles pour permettre une progression de l’ONDAM inférieure à 3% sur 4 ans

Lors de la 2ème session de la conférence sur le déficit le 20 mai 2010, il a été décidé que le taux d’augmentation de l’ONDAM continuera d’être progressivement abaissé pour passer de 3% en 2010 à 2,9% en 2011 puis 2,8% en 2012.

Pour dégager les économies nécessaires au respect de cette trajectoire, tout en maintenant une qualité de soins élevée, il est indispensable de repenser les liens entre les différents types de prises en charge.

L’amélioration des synergies entre les secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social constituera ainsi l’objectif prioritaire du Gouvernement. La notion de parcours de soins doit en effet être au cœur du système d’assurance maladie. Il s’agit là d’apporter les réponses les plus adaptées aux assurés. Il s’agit également de faire évoluer la structure de la dépense en limitant le recours aux hospitalisations ainsi que la durée des séjours : il est important que la mobilisation des structures les plus coûteuses n’intervienne qu’en cas de besoin avéré.

Pour l’atteinte de cet objectif structurant de l’action publique dans le champ de l’assurance maladie, les agences régionales de santé (ARS), créées en avril 2010, joueront un rôle central. Leur implication contribuera de façon déterminante au décloisonnement entre la ville, l’hôpital et le médico-social.

Plus précisément, s’agissant des soins de ville, les efforts vont prioritairement porter sur la modernisation et la diversification des modes d’exercice des professionnels. Les modes de rémunération des médecins libéraux doivent en effet évoluer pour ne plus reposer exclusivement sur l’acte. Cette évolution doit notamment pouvoir garantir une meilleure reconnaissance de la coordination des soins et de l’offre de nouveaux services aux patients, comme la prévention et l’éducation thérapeutique.

Dans cette perspective, l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération des médecins a d’ores et déjà été étendue à l’ensemble des régions et devrait permettre d’atteindre l’objectif de la mise en place de 250 maisons de santé pluridisciplinaires d’ici 2012. Par ailleurs, afin de favoriser les bonnes pratiques et la qualité de la prise en charge, des actions seront aussi conduites pour promouvoir la diffusion et l’extension du contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI). En outre, le recours aux soins les plus coûteux pour l’assurance maladie sera progressivement couvert par des référentiels sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé. Enfin, afin toujours d’accroître l’efficience et la qualité de la prescription, le Gouvernement a fait le choix de favoriser le développement d’une offre qualifiée de logiciels d’aide à la prescription : ce projet sera réalisé grâce au déploiement de procédures de certification dont il a confié la responsabilité de l’élaboration à la Haute Autorité de santé.

De plus, la démographie médicale et paramédicale doit être adaptée aux besoins et aux moyens disponibles. En particulier, au niveau des ARS, les schémas régionaux d’organisation des soins permettront une meilleure répartition des professionnels sur le territoire.

Dans le champ hospitalier, le Gouvernement s’attachera à améliorer l’efficience du système de soins en recentrant l’hôpital sur son cœur de métier. Ainsi, certaines activités exercées aujourd’hui en milieu hospitalier pourront être transférées vers les soins de ville ou les établissements médico-sociaux. Cette démarche sera conduite sur la base des référentiels établis par la Haute Autorité de Santé : une attention forte sera portée à la nature des activités transférées afin de préserver la qualité de la prise en charge et des soins.

Le Gouvernement se fixe également des objectifs forts en faveur de l’amélioration de l’efficacité de la dépense. L’exigence de performance sera placée au cœur du pilotage du système de soins. Les réorganisations comptent parmi les leviers en ce sens. Elles seront menées sur la base d’un plan pluriannuel : si une implication forte des acteurs est exigée pour mener à leur terme les restructurations nécessaires, ceux-ci doivent effectivement pouvoir mettre en œuvre les réformes de façon progressive afin d’en conforter les conditions de réussite. Par ailleurs, 150 projets de performance seront conclus pour une durée de trois ans avec les établissements hospitaliers, ce qui participera également à la recherche de gains d’efficience dans l’organisation interne des établissements et dans les processus de délivrance des soins. Créée par la loi n° 2009-879 du 2 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et des établissements médico-sociaux (ANAP) apportera un soutien déterminant à cette dynamique structurante pour les années à venir.

Dans le champ médico-social, à la suite des recommandations d’une mission IGAS/IGF, l’année 2010 sera marquée par la mise en place d’un nouveau dispositif de pilotage et de suivi de l’allocation des ressources et de l’exécution de la dépense. Sur la base des autorisations d’engagements et des crédits programmés, cet outil permettra de mieux ajuster les délégations de crédits à la capacité de mise en œuvre au plan local. Un suivi rigoureux des dépenses constitue en effet une priorité : une vision précise à court terme de l’exécution des crédits médico-sociaux aidera à la construction d’une politique de programmation pluriannuelle de création de places compatible avec les contraintes de soutenabilité de l’objectif global de dépense, composé en grande partie de dépenses d’assurance maladie.

Par ailleurs, le Gouvernement s’emploiera, au cours des années couvertes par la loi de programmation, à instituer dans ce secteur une politique de gestion du risque adaptée, afin de garantir la qualité et l’efficience de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Parallèlement au dispositif de pilotage et de suivi de l’allocation des crédits, des outils et systèmes d’information seront progressivement développés pour améliorer la connaissance, l’analyse et in fine l’organisation de la prise en charge au sein des établissements médico-sociaux, mais également dans le cadre du parcours de soins s’articulant avec l’hôpital.

Le pilotage infra-annuel des dépenses ainsi que la bonne conduite des réformes structurelles vont nécessairement reposer au plan local sur la mobilisation des ARS. À cet égard, les ARS jouent un rôle de premier ordre dans le pilotage et le suivi des dépenses de santé ainsi que dans l’accompagnement, via des outils contractuels, des établissements de santé les plus forts prescripteurs. En termes opérationnels, leur compétence transversale doit leur permettre d’articuler les trois secteurs hospitalier, libéral et médico-social et de les solliciter équitablement pour contribuer à l’effort d’efficience du système de soins. L’un des chantiers majeurs que devront lancer les ARS est celui de la reconversion des lits de court séjour hospitalier en lits médico-sociaux alors que de 20 % des lits de médecine d’un hôpital sont occupés par des personnes âgées qui ne trouvent pas de structures d’hébergement adaptées ou de services à domicile. Une meilleure organisation territoriale des parcours de soins doit effectivement permettre de maîtriser l’évolution du volume d’activité hospitalière tout en garantissant une qualité des soins élevée.

L’ensemble de ces orientations sera bien entendu articulé avec les priorités établies par le Gouvernement en matière de santé publique. Au-delà de la réforme de la dépendance dont les objectifs et les modalités donneront lieu à discussion avec les acteurs concernés à l’issue du débat sur les retraites, afin, notamment, de mieux répondre aux enjeux posés par le vieillissement de la population, tout en veillant à apporter des réponses soutenables financièrement, ces priorités seront fixées, pour les cinq prochaines années, à l’occasion de la révision de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui interviendra en cours d’année 2011.

2. Mettre en œuvre la réforme des retraites, pour un retour à l’équilibre du système par répartition à l’horizon 2018

La période couverte par la loi de programmation va voir la montée en charge des mesures décidées dans le cadre du rendez-vous retraites 2010.

Il relève de la responsabilité du Gouvernement de mener à terme cette réforme dès cette année. D’une part, l’allongement de l’espérance de vie et le départ à la retraite des générations nombreuses d’après guerre conduisent à un déséquilibre démographique et, par voie de conséquence, à une dégradation massive et continue des comptes des régimes : alors qu’on recense aujourd’hui 1,7 cotisant pour un retraité, ce ratio atteindra 1,5 dès 2020. D’autre part, la crise économique et financière a fortement accéléré l’aggravation des déficits évalués par le Conseil d’orientation des retraites en 2007.

Au total, pour 2010, le déficit des régimes s’élève déjà à 32 Md€. Le besoin de financement annuel de l’ensemble des régimes de retraite continuerait de progresser dans les années à venir pour atteindre près de 42 Md€ dès 2018 selon le COR. Ces chiffres montrent qu’en l’absence de réforme, le risque est fort d’aboutir dans des délais rapprochés à une impasse financière.

Le Gouvernement s’est ainsi engagé à assurer la pérennité des régimes de retraites par répartition. Avec la réforme proposée, le déficit des régimes de retraites est réduit de près de la moitié dès les premières années. Plus encore, l’équilibre financier du système est atteint à l’horizon 2018.

Pendant la phase de montée en charge des mesures de redressement, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) se verra transférer, dans la limite de 62 Md€, les déficits de la branche vieillesse, lesquels seront amortis grâce à la mobilisation des actifs et des ressources du Fonds de réserve des retraites (FRR). Le Gouvernement apporte ainsi une solution globale aux problèmes de financement des régimes de retraites, en élargissant le traitement de la dette sociale aux déficits futurs.

Pour atteindre l’objectif de retour à l’équilibre financier à horizon 2018 sans hausse généralisée des prélèvements sociaux, le projet de loi est construit autour de quatre orientations :

– augmenter la durée d’activité de manière progressive et en tenant compte des différences de situation entre assurés ;

– renforcer l’équité du système de retraites en rapprochant les régimes publics et privés ;

– améliorer les mécanismes de solidarité ;

– déterminer de nouveaux outils de pilotage et renforcer l’information en direction des assurés.

a) L’augmentation de la durée d’activité se fait de manière progressive, et l’effort est réparti équitablement entre les assurés

Le problème des retraites est avant tout démographique ; il appelle une réponse démographique. L’augmentation de la durée d’activité pour tous les assurés, quel que soit leur régime, public ou privé, constitue le cœur de la réforme 2010. L’âge légal de départ à la retraite sera donc porté progressivement à 62 ans en 2018, à raison de 4 mois par génération.

Dans un souci d’équité, le départ à la retraite à 60 ans restera possible et sans décote pour les assurés ayant débuté leur carrière très jeunes ou ceux qui sont usés par leur travail, ce qui concernera 120.000 personnes par an en 2015 (auxquelles s’ajoutent les catégories actives de la fonction publique et les ressortissants des régimes spéciaux)   :

– Le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues qui a été institué par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites sera conservé. Les salariés qui ont commencé leur vie professionnelle avant 18 ans pourront continuer à partir à 60 ans, et même dès 58 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 14 ou 15 ans ;

– Un droit nouveau est institué pour les assurés dont l’état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs de pénibilité au travail. Ils pourront partir à la retraite à taux plein à 60 ans, quel que soit leur nombre de trimestres. Par amendement au projet initial, le Gouvernement a étendu le bénéfice de ce départ à 60 ans aux assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente compris entre 10 et 20%. Il est en outre prévu de mettre en place un comité scientifique chargé de recenser avant la fin 2013 les facteurs de pénibilité à effets différés ;

– Ce dispositif de compensation de la pénibilité sera complété par un renforcement des mesures de prévention qui pourront être développées à partir de la mise en œuvre d’une traçabilité, pour le futur, des expositions aux facteurs de pénibilité. Le coût de ce droit nouveau des salariés sera intégralement compensé à la CNAVTS par la branche des accidents du travail ;

– Une pénalité de 1% de la masse salariale sera appliquée aux entreprises qui ne seront pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Enfin, l’effort en faveur de l’emploi des seniors sera poursuivi et amplifié. En complément des nombreuses mesures déjà mises en œuvre au cours des dernières années, une aide à l’embauche d’un an pour les chômeurs de plus de 55 ans est créée. Le développement du tutorat sera par ailleurs encouragé pour favoriser la transmission des savoirs et valoriser la fin de carrière.

b) L’équité du système de retraites est renforcée entre secteur public et secteur privé

Des dispositions renforcent le rapprochement des règles applicables aux fonctionnaires de celles applicables aux salariés du secteur privé :

– Le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires pour leur retraite (7,85 % aujourd’hui) sera aligné en dix ans sur celui qui s’applique aux salariés du secteur privé (10,55 %) ;

– Le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les parents de trois enfants n’existant que dans le public sera fermé à compter de 2012. Des dispositions spécifiques prévoient cependant que ceux qui à cette date remplissent les conditions et sont à moins de cinq années de l’âge légal de départ de leur corps pourront continuer à bénéficier de cet avantage. Ceux qui, tout en remplissant les conditions mais sont à plus de 5 ans de l’âge légal de départ de leur corps pourront encore en bénéficier, mais dans les conditions de liquidation de la pension de droit commun ;

– Le minimum garanti applicable dans la fonction publique sera désormais soumis à la même condition de durée d’activité que le minimum de pension applicable aux salariés du secteur privé.

c) Les dispositifs de solidarité sont améliorés pour certaines catégories d’assurés

Des mesures d’amélioration des droits sont ainsi prévues :

– En direction des jeunes en situation précaire : un décret leur permettra de valider six trimestres au titre de leur première période de chômage non indemnisé contre quatre aujourd’hui ;

– En direction des femmes : les indemnités journalières perçues pendant le congé de maternité seront désormais assimilées à des salaires pour la retraite. Parallèlement, des mesures destinées à garantir que les entreprises s’investissent effectivement dans la réduction des écarts salariaux entre hommes et femmes sont renforcées. Ainsi, le Gouvernement a choisi d’instaurer une sanction en cas de non-respect de l’obligation qu’ont d’ores et déjà les entreprises d’établir un rapport sur la situation comparée des conditions d’emploi des hommes et des femmes.

– En direction du monde agricole : les terres agricoles et les corps de ferme ne feront plus l’objet d’un recours sur succession pour récupération du minimum vieillesse. Par ailleurs, l’affiliation des conjoints collaborateurs et des aides familiaux au régime complémentaire des agriculteurs est rendue obligatoire, comme cela est le cas pour le régime social des indépendants. Enfin, la prise en compte de la pénibilité au travail est améliorée pour les salariés et non salariés agricoles.

d) La visibilité et la transparence des règles sont renforcées

Les précédentes réformes ont créé un droit à l’information sur les retraites. Ceci a permis des progrès réels et très significatifs. Le projet de loi renforce encore le dispositif par trois nouvelles mesures :

– La création d’un point d’étape retraites à 45 ans pour permettre aux Français de faire, le plus tôt possible, les meilleurs choix pour leur retraite ;

– La transmission, dès l’entrée dans la vie professionnelle, de documents d’information générale sur la retraite et le système par répartition français ;

– La mise en place d’un relevé de carrière en ligne dans tous les régimes de retraite.

e) Le pilotage, notamment financier, des régimes de retraite sera assuré par une structure dédiée

Pour assurer le succès de la réforme, une nouvelle instance de pilotage, associant l’État, les parlementaires ainsi que les représentants des partenaires sociaux et des régimes de retraite est mise en place. Elle aura pour mission de veiller à la pérennité financière des régimes de retraites par répartition, à l’équité du système et au maintien du niveau de vie des retraités à un niveau satisfaisant. Ce comité sera également en charge de la préparation d’un rendez-vous sur les retraites en 2018, destiné notamment à maintenir l’équilibre des régimes au-delà de 2020.

3. Assainir les finances de la branche accidents du travail – maladies professionnelles pour lui permettre d’élargir ses missions

La branche AT-MP, qui permet la prise en charge des accidentés du travail, a vu ses comptes se dégrader fortement depuis 2009. Il est essentiel de veiller à l’assainissement de ces comptes en sortie de crise. Il est rappelé qu’aucune augmentation de la cotisation patronale pour cette branche n’a été mise en œuvre depuis 2006

Son retour à l’équilibre assuré, la branche pourra, sur des bases solides, contribuer dans le cadre de ses missions à la mise en place d’un dispositif de prise en charge de la pénibilité dans le cadre de la réforme des retraites permettant d’assurer la traçabilité des expositions auxquelles ont été ou seront confrontées certains assurés.

4. Adapter la politique familiale aux évolutions économiques, sociales et démographiques

Compte tenu des évolutions démographiques observées en France et de la politique menée par le Gouvernement en vue de mieux concilier la vie professionnelle avec la vie familiale, le développement de l’offre d’accueil du jeune enfant demeurera l’un des objectifs structurants assignés à la branche famille. Pour la période 2009-2012, la création de 200 000 solutions de garde supplémentaires constitue l’une des priorités que s’est fixé le Gouvernement. La création de 100 000 solutions de garde collective figure d’ailleurs dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre l’État et la CNAF et constitue un effort financier supplémentaire de 1,3 Md€ sur la période.

Pour la branche famille, la période 2011-2014 sera également marquée par la montée en charge de récentes réformes structurantes, parmi lesquelles :

– La poursuite de la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) qui sera par ailleurs étendu aux jeunes de 18 à 25 ans, dans certains conditions, et dans les départements d’outre-mer ;

– La trimestrialisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui vise à davantage inciter les bénéficiaires à reprendre ou exercer une activité professionnelle ;

– La départementalisation de Mayotte, qui va conduire à une réflexion relative à l’alignement des prestations versées aux Mahorais sur celles de la métropole.

Enfin, les efforts en termes de pilotage financier vont être poursuivis. En matière d’action sociale, la réforme des outils financiers a d’ores et déjà permis à la branche famille, sur la période précédente, de concilier le développement d’une action sociale ambitieuse avec la maîtrise du cadrage financier prévue dans la COG. L’année 2010 marquera par exemple l’engagement effectif du projet OMEGA, un applicatif informatique dédié à la gestion financière du FNAS (Fonds national d’action sociale) de la CNAF : cet outil permettra notamment d’enrichir les prévisions d’exécution des crédits du Fonds.

Ces orientations seront déclinées dans le cadre des négociations de la future convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la caisse nationale.

C. Un renforcement des outils de pilotage des finances sociales

1. Accroître les leviers en faveur de la maîtrise de l’ONDAM voté

Lors de la première réunion de la conférence nationale sur le déficit, le 28 janvier 2010, M. Raoul Briet a été chargé de présider un groupe de travail sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie. Ce groupe s’est vu confier une double mission. Il a été chargé, d’une part, de réfléchir à de nouveaux outils de suivi de la dépense permettant de disposer le plus tôt possible en cours d’année d’informations fiables sur les risques de dépassement de l’ONDAM (objectif national de dépenses d’assurance maladie) et, d’autre part, de proposer des mécanismes capables de corriger l’évolution de la dépense en cours d’année de façon efficace, lorsque celle-ci est plus dynamique que prévu.

Conformément aux décisions prises lors de la deuxième session de la conférence sur le déficit, le 20 mai 2010, les préconisations du groupe de travail présidé par Raoul Briet ont été validées et seront mises en œuvre. Certaines le sont d’ores et déjà, d’autres font l’objet d’articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ou de la présente loi de programmation des finances publiques.

Le groupe de travail a mis en évidence l’intérêt d’une maîtrise de l’ONDAM en exécution, rappelant que si les dépassements de l’ONDAM sont d’apparence faibles (0,7% en moyenne), les masses financières en jeu sont considérables (l’ONDAM 2010 a été fixé à 162,4 Md€). La somme des dépassements constatés depuis 1997 (19,4 Md€ en euros constants) est ainsi sensiblement supérieure au déficit prévu en LFSS 2010 pour la branche maladie (14,5 Md€). Malgré l’amélioration des outils et procédures du vote et du suivi de l’ONDAM, en particulier l’instauration d’un dispositif d’alerte et de mesures correctives par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, le groupe de travail a identifié un certain nombre de faiblesses structurelles : selon lui, la transparence de la construction de l’ONDAM pourrait être améliorée. Le suivi infra-annuel et la gestion du risque de dépassement sont insuffisants. En particulier, le cadre institutionnel n’est pas assez formalisé, et les données hospitalières sont disponibles trop tardivement. Enfin, la procédure d’alerte n’apparaît pas suffisamment dissuasive. Si elle a permis de limiter les dépassements de l’ONDAM, elle n’a pas permis d’en assurer le respect.

Sur la base de ce constat, les propositions formulées par le groupe de travail visent à améliorer le pilotage des dépenses d’assurance maladie.

Trois d’entre elles concernent la construction et le vote de l’ONDAM.

La première consiste à organiser via le comité d’alerte une expertise externe sur les hypothèses techniques sous-tendant la construction de l’ONDAM avant le vote de la LFSS. Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit que le comité d’alerte examine les hypothèses sous-jacentes à l’ONDAM projeté pour l’année à venir. En cas d’erreur manifeste affectant la sincérité de cet objectif, le comité est tenu de rendre un avis explicitant ses réserves, au plus tard le 15 octobre.

La deuxième vise à enrichir l’information du Parlement sur l’exécution de l’ONDAM de l’année en cours et sur les hypothèses techniques faites par la construction de l’ONDAM de l’année à venir (décomposition par sous-objectif du tendanciel, présentation détaillée des mesures correctrices et de leur impact). Dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le Gouvernement veillera à enrichir le contenu de l’annexe 7 au projet de loi de financement.

La troisième vise à renforcer le caractère pluriannuel de la programmation de l’ONDAM. Le II de l’article 8 de la loi de programmation des finances publiques, qui fixe, en Md€, l’ONDAM pour chaque année de la période de programmation, s’inscrit pleinement dans cet objectif.

Le groupe de travail a ensuite formulé des propositions visant à rénover la gouvernance de l’ONDAM.

En premier lieu, le groupe de travail a proposé la mise en place d’un comité de pilotage de l’ONDAM, chargé du pilotage intégré de l’ensemble des secteurs de l’ONDAM. Ce comité de pilotage a d’ores et déjà été mis en place ; il tient des réunions au niveau des directeurs d’administration centrale ou des ministres.

En deuxième lieu, le groupe de travail a proposé le renforcement du suivi statistique et comptable de l’ONDAM, avec la création d’un groupe dédié. Piloté par la direction de la sécurité sociale, le groupe de suivi statistique de l’ONDAM réunit mensuellement depuis le mois de juin 2010 les représentants des différentes administrations concernées par le pilotage de l’ONDAM ainsi que les producteurs techniques des données statistiques relatives aux dépenses relevant du champ de cet objectif. Il assiste le comité de pilotage de l’ONDAM en centralisant les informations existantes, en élaborant un diagnostic partagé de l’évolution des dépenses et en réalisant des projections statistiques en vue de l’appréciation du risque de dépassement.

En troisième lieu, le groupe de travail a préconisé d’augmenter la fréquence des avis obligatoires du comité d’alerte en prévoyant un premier avis dès mi-avril. A cette date, le comité rendra un avis sur le respect de l’ONDAM de l’exercice en cours. Il analysera les conséquences sur le respect de cet objectif des anticipations de réalisation de l’objectif de l’année précédente en se fondant sur les données statistiques disponibles. Le comité rendra ensuite un avis sur le respect de l’ONDAM N avant le 1er juin, comme actuellement, puis, en cas d’erreur manifeste entachant sa construction, un autre avis portant cette fois sur l’ONDAM N+1, pendant la phase de préparation du PLFSS, celui-ci devant être déposé avant le 15 octobre. Cette préconisation du groupe Briet est mise en œuvre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

En quatrième et dernier lieu, le seuil d’alerte de l’ONDAM sera abaissé progressivement à 0,5% de l’ONDAM d’ici 2012-2013, soit environ 0,8 Md€. Cette mesure a pour but d’inciter l’ensemble des acteurs à une gestion préventive et continue des risques de dépassement.

Enfin, plusieurs mesures visent à doter cette gouvernance renouvelée d’outils complémentaires destinés à prévenir les dépassements.

Tout d’abord, la mise en œuvre de tout ou partie des mesures nouvelles sera conditionnée à leur compatibilité avec l’ONDAM voté, qu’il s’agisse des mesures nouvelles incluses dans la LFSS ou décidées en cours d’année. Toute mesure nouvelle prise en cours d’année et ayant un impact financier sur l’ONDAM devrait ainsi faire l’objet d’un examen de compatibilité avec le respect de l’ONDAM voté.

Le groupe de travail a ensuite préconisé d’instaurer des mécanismes systématiques de mise en réserve en début d’année de dotations s’apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel total ou partiel, ou d’annulation, étant prises en cours d’année par le comité de pilotage. Le III de l’article 8 de la loi de programmation des finances publiques met en œuvre cette préconisation. Les mises en réserve ont été décidées dès cette année pour assurer le respect de l’ONDAM 2010 : plus de 500 M€ de crédits ont été mis en réserve. En application du II de l’article 13, le Gouvernement présentera chaque année au Parlement, avant le 15 octobre, le montant des dotations mises en réserve en début d’année suivante pour garantir le respect de l’ONDAM en exécution.

2. Préserver les ressources de la sécurité sociale, notamment grâce aux efforts menés en faveur de l’encadrement des niches

Dans le domaine des « niches sociales », dès 1994 a été posé un principe de compensation par l’État des pertes de recettes engendrées par les dispositifs d’exonération pour les organismes de sécurité sociale, confirmé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

De plus, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a prévu la fixation d’un objectif de coût des mesures d’exonération et d’abattement d’assiette. Pour 2009, l’objectif, fixé à 40,9 Md€, a été respecté. De même, l’objectif de 40,6 Md€ de coût pour 2010, devrait être tenu. En outre, toujours en application de la loi de programmation 2009-2012, l’annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale a été enrichie d’un bilan des créations, modifications et suppressions de mesures de niches sociales. Le solde du compteur de gages a fait apparaître, pour 2009, des mesures d’économie excédant les mesures d’aggravation du coût des niches ; il devrait en être de même pour 2010. Enfin, le délai d’évaluation de l’ensemble des dispositifs de niches existant antérieurement à la première loi de programmation est fixé au le 30 juin 2011.

L’identification, dans un cadre unique, des dispositifs dérogatoires en matière de prélèvements sociaux, engagée en 2006 à travers l’annexe 5 au PLFSS, progresse chaque année en exhaustivité et en connaissance du coût des dispositifs.

Le Gouvernement s’attachera dans les années à venir à poursuivre ces efforts et à améliorer la connaissance des dispositifs, notamment s’agissant des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale ainsi que des niches qui portent sur les revenus autres que les revenus d’activité du secteur privé. La nouvelle loi de programmation permettra de donner un cadre à l’approfondissement des progrès déjà réalisés.

En outre, et parallèlement à l’action menée en faveur d’une meilleure gouvernance des finances publiques, le Gouvernement poursuit son action visant à préserver à la sécurité sociale des ressources dynamiques. Dans un contexte de stabilité des taux de prélèvement sur les salaires, cela nécessite une attention particulière pour éviter toute forme d’érosion de l’assiette du prélèvement. À cet égard, il faut souligner que l’évolution des pratiques managériales et de rémunération des entreprises se traduit par le fort dynamisme d’éléments accessoires au salaire de base (épargne salariale, protection sociale complémentaire en entreprise, avantages type titres restaurant, CESU, rémunérations versées par des tiers), lesquels évoluent plus fortement que la masse salariale. Or, ces éléments sont également ceux qui sont exclus de l’assiette des cotisations sociales, voire de la CSG CRDS pour certains.

Pour assurer la contributivité de la plupart de ces éléments au financement de la protection sociale et conforter le principe de solidarité au cœur du système, le Gouvernement a instauré en 2009 un forfait social à la charge de l’employeur, d’un taux de 4% en 2010, qui devrait être porté à 6% en 2011. De même, des prélèvements ad hoc ont été établis (stock options, en 2008) ou renforcés (retraites chapeau, en 2010), et feront l’objet de mesures complémentaires en PLFSS en 2011.

Enfin, plusieurs mesures en matière d’assujettissement des revenus du capital ont permis de sécuriser le rendement des prélèvements sociaux dans le respect du principe d’universalité, notamment grâce au rapprochement des assiettes fiscales et sociales (seuil de cession en matière de plus-value mobilière, revenus fonciers, assurance-vie en cas de décès de l’assuré).

D. Pour les organismes de sécurité sociale, des exigences fortes en matière de maîtrise des dépenses et de lutte contre la fraude

1. Associer les organismes de sécurité sociale aux objectifs de maîtrise des dépenses

À l’instar de l’État qui a engagé d’importantes réformes dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, les organismes de sécurité sociale ont accru leurs efforts ces dernières années en faveur d’une plus grande efficience de leurs réseaux. Les conventions d’objectifs et de gestion (COG) constituent le support privilégié de cette démarche qui vise une meilleure maîtrise des dépenses de sécurité sociale, une rationalisation des coûts de fonctionnement des caisses ainsi qu’une amélioration du pilotage des politiques publiques.

Pour aller plus loin dans cette démarche, le conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, en juin 2010, que les modalités de déclinaison des principes de maîtrise des dépenses qui s’appliquent déjà à l’État et à ses opérateurs seront examinées avec les organismes de sécurité sociale. L’application de la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, la réduction des dépenses immobilières et des dépenses de fonctionnement ainsi que la résorption des écarts de productivité entre organismes de base seront recherchées dans le cadre des discussions des différentes COG, dans le respect des spécificités de chacune des branches.

Enfin, la restructuration des réseaux et la mutualisation des fonctions support voire de production, comme l’optimisation des systèmes d’information et la promotion de l’outil internet, contribuent à l’atteinte des objectifs fixés en matière de finances publiques.

2. Renforcer la lutte contre la fraude : une exigence forte, tant sur le plan de l’équité sociale que sur celui de la maîtrise des finances publiques

Lutter contre la fraude à la sécurité sociale constitue un axe fort de la politique du Gouvernement. Cette lutte contribue d’une part à garantir le financement des régimes de sécurité sociale, en participant à la fois à l’augmentation de l’assiette déclarée et à la maîtrise des dépenses de prestations sociales. Elle est d’autre part au cœur des grandes finalités de l’action publique en ce qu’elle s’inscrit dans la défense de notre système de protection sociale, préserve le jeu normal de la concurrence entre les entreprises, et garantit le respect des droits des salariés. Si elle ne peut apporter à elle seule une réponse aux défis financiers, démographiques et sociaux auxquels notre système de protection sociale est confronté, la lutte contre la fraude n’en constitue pas moins un enjeu financier non négligeable, appelant un renforcement de l’efficacité des actions engagées et une adaptation renouvelée des outils de détection et de ciblage.

Une action de mise en mouvement et de coordination de l’ensemble des acteurs a été menée ces dernières années. La délégation nationale à la lutte contre la fraude, créée en 2008, et des comités opérationnels départementaux anti-fraude, coprésidés par les préfets et les procureurs de la République, permettront d’animer et de veiller à la mise en œuvre des orientations du Gouvernement.

Dans les organismes de sécurité sociale, la lutte contre la fraude occupe désormais une place centrale au sein des politiques de maîtrise des risques. Ainsi chacune des conventions d’objectifs et de gestion (COG) signées entre l’État et les organismes nationaux de sécurité sociale contient désormais un chapitre spécifique à cette problématique. À titre d’exemple, la COG État-ACOSS 2010-2013 fixe un objectif d’accroissement de 10% par an des redressements notifiés au titre du travail dissimulé, afin d’atteindre une cible de 200 M€ de redressement en 2013.

En appui à l’implication des acteurs, le Gouvernement s’emploiera à renforcer l’efficacité financière des actions engagées. Depuis 2006, les lois de financement de la sécurité sociale ont permis de renforcer les pouvoirs des agents chargés du contrôle, les échanges d’informations et les sanctions applicables en cas de fraude. Il est désormais important de veiller à la déclinaison opérationnelle de ces mesures, certaines restant encore insuffisamment utilisées. Par ailleurs, le recouvrement des cotisations éludées et des indus frauduleux sera amélioré par la mobilisation des dispositifs réglementaires existants (par exemple, la mise en jeu de la solidarité financière des entreprises donneurs d’ordre n’ayant pas assuré leurs obligations de vigilance et de diligence à l’égard de leurs sous-traitants). Ces actions s’intègrent notamment dans l’objectif global, défini dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, d’une progression de 10%, pour les années 2010 et 2011, de la récupération des indus frauduleux par rapport aux résultats enregistrés en 2009.

Le Gouvernement sera également attentif à l’adaptation des outils de détection et de ciblage, ainsi qu’au développement des échanges d’informations. Aussi, les années à venir verront la réalisation du projet, lancé par le Gouvernement, de création d’un outil partagé entre les administrations de recensement et de suivi des procédures de travail illégal. Par ailleurs, le décloisonnement des données fiscales et sociales sera poursuivi dans le but d’une meilleure maîtrise des risques d’erreurs et de fraudes par les organismes de sécurité sociale.

Enfin la lutte contre les fraudes transnationales comptera parmi les objectifs du Gouvernement. La création de structures spécialisées telles que le Centre national des firmes étrangères (CNFE), pour traiter spécifiquement de la situation des entreprises étrangères employant des salariés en France sans y posséder d’établissements, et celle du Centre national des soins à l’étranger (CNSE) constituent une première étape dans cette évolution. Celle-ci sera poursuivie par le développement de nouveaux moyens d’investigation, notamment en lien avec nos partenaires de l’Union européenne.

E. Une réponse équilibrée et durable à la question de la dette sociale

Les déficits cumulés des exercices 2009 et 2010 pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devraient atteindre près de 51 Md€, soit un niveau sans précédent en raison notamment de l’impact très négatif de la crise économique sur les recettes de la sécurité sociale.

Afin de ne pas entraver la reprise économique par une hausse des prélèvements obligatoires, le Gouvernement avait fait le choix de ne pas organiser de reprise de dette sociale fin 2009.

Il s’était toutefois engagé à apporter une solution durable à la question de la dette sociale dès 2010, souhaitant notamment préserver l’ACOSS dans sa mission de gestion des besoins de financement de court terme du régime général. Au vu des travaux de la commission de la dette sociale, qui a réuni au printemps de cette année 7 députés et 7 sénateurs de la majorité et de l’opposition, le Gouvernement a ainsi proposé un schéma qui apporte une réponse aux déficits passés mais prépare également l’avenir, en prévoyant en particulier la reprise des déficits futurs de la branche vieillesse jusqu’en 2018, date à laquelle la réforme des retraites produira ses pleins effets et permettra un retour à l’équilibre du système par répartition. Ce schéma, qui porte au total sur un montant de 130 Md€, doit accompagner la montée en charge progressive des réformes structurantes décidées et mises en œuvre dans le champ social, et dès lors, contribuer à l’assainissement des finances sociales sur la période couverte par la loi de programmation.

Ce schéma repose sur un allongement, à la fois limité et encadré, de la durée de vie de la CADES. Conformément à la possibilité ouverte par le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, adopté en Conseil des ministres le 13 juillet dernier, la LFSS pour 2011 prévoira des transferts de dette qui conduiront à un allongement de quatre années de la durée d’amortissement de la dette sociale. Selon les estimations publiques de la CADES, sa date prévisionnelle d’extinction passera ainsi, dans son scénario médian, de 2021 à 2025. Cette dérogation exceptionnelle à la condition posée par l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée, qui dispose que « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale est accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale », permet de limiter l’impact en termes de prélèvements obligatoires pour les générations actuelles d’une dette née d’une crise exceptionnelle. En tout état de cause, cette dérogation préserve le principe essentiel de la CADES, qui est d’assurer l’amortissement de la dette sociale sur un horizon limité et en lien avec la durée de vie de la génération à l’origine du déficit.

Cet allongement limité s’accompagne d’un apport important de ressources à la caisse, notamment dans le cadre de l’effort global de réduction des niches fiscales et sociales. Ainsi, pour assurer la reprise des déficits cumulés du régime général et du FSV sur les exercices 2009 et 2010, ainsi que des déficits prévisionnels 2011 des branches maladie et famille du régime général, soit un total prévisionnel de 68 Md€, un transfert de recettes de 3,2 Md€ (équivalent à 0,26 point de CRDS) sera réalisé en PLF 2011 au profit de la CADES, au moyen des trois mesures suivantes. Cet apport de ressources s’inscrit dans le cadre de l’effort global de réduction des niches fiscales et sociales :

– taxe à la sortie sur les sommes placées dans la réserve de capitalisation par les sociétés d’assurance, qui étaient jusqu’à présent exonérées d’impôt sur les sociétés (pour un rendement cumulé de 1,7 Md€ sur les seules années 2011 et 2012) ;

– imposition, au fil de l’eau, aux contributions sociales des compartiments euros des contrats d’assurance vie multisupports (1,6 Md€ en 2011, décroissant jusqu’en 2020) ;

– instauration d’un taux réduit (3,5%) de taxe spéciale sur les contrats d’assurance (TCA) portant sur les contrats d’assurance maladie solidaires et responsables (1,1 Md€ par an).

Compte tenu du caractère décroissant d’une partie des ressources affectées à la CADES, une clause de garantie est prévue, par laquelle le Gouvernement s’engage à assurer à la caisse des ressources annuelles équivalentes à 0,26 point de CRDS. A cette fin, le Gouvernement continuera de privilégier les réductions de niches fiscales et sociales.

Par ailleurs, il est clair que le traitement durable de la dette sociale passe nécessairement par la réduction des déficits courants du régime général, grâce à la mise en œuvre progressive de réformes structurelles. Dans la phase de montée en charge de la réforme des retraites, afin d’apporter une solution globale aux besoins de financement de la branche vieillesse, le Gouvernement a d’ores et déjà prévu, dans la limite de 62 Md€, les modalités de reprise des dettes de cette dernière sur la période 2011-2018. Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) sera mobilisé en ce sens de deux façons : d’une part, le rendement de la part du prélèvement social de 2% sur les revenus du capital, qui lui est aujourd’hui affecté, sera transféré à la CADES ; d’autre part, le FRR utilisera ses actifs pour verser chaque année 2,1 Md€ à la CADES sur la période 2011-2024. Le FRR adaptera ainsi l’allocation stratégique de ses actifs afin de garantir totalement ces versements, tout en continuant à rechercher la meilleure performance globale pour ses placements. Les plus-values réalisées dans le cadre de la gestion du FRR demeureront mises en réserve et pourront venir, à terme, contribuer au financement des régimes de retraite, conformément à la mission du fonds.

Au total, le transfert annoncé de 130 Md€ de dette sociale à la CADES, qui verra ainsi plus que doubler son objectif d’amortissement, contribuera, sur la période couverte par la loi de programmation, à redonner des bases saines au pilotage des finances sociales et à soulager significativement les besoins de trésorerie de l’ACOSS. En conséquence, le programme d’emprunt de l’ACOSS reviendra à un niveau inférieur à celui observé en 2010, ce qui se traduira par l’abaissement du plafond de trésorerie voté par la loi de financement pour 2011.

VI. LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

A. La trajectoire de finances publiques du sous-secteur

Solde des APUL, en comptabilité nationale

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

12,0

12,0

11,8

11,6

11,3

11,2

Recettes en points de PIB

11,7

11,6

11,3

11,2

11,2

11,1

Solde en points de PIB

-0,3

-0,4

-0,5

-0,3

-0,2

0,0

Solde en Md€

-5,6

-8,5

-9,9

-7,0

-3,3

-0,3

NB : 0,1 point de PIB représente 1,9 Md€ en 2010, 2,0 Md€ en 2011, 2,1 Md€ en 2012, 2,2 Md€ en 2013 et 2,3 Md€ en 2014

Après plusieurs années marquées par une progression de l’endettement des administrations publiques locales, la programmation s’appuie sur l’hypothèse que celles-ci visent un retour progressif à l’équilibre de leur budget à l’horizon 2014. Cette amélioration de leur capacité de financement passerait principalement par un ralentissement très marqué de la dépense locale sur la période. Dans le même temps, les prélèvements obligatoires des APUL sont supposés progresser spontanément à un rythme proche du PIB (élasticité légèrement inférieure à l’unité), grâce notamment à un rattrapage des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) qui ont sensiblement diminué pendant la crise économique. Par ailleurs, la programmation est construite sur l’hypothèse prudente d’une hausse modérée des taux d’imposition locaux, se traduisant par un surcroît de recettes de 1 Md€ par an en moyenne sur la période.

Plusieurs éléments devraient concourir au ralentissement de la dépense locale à moyen terme. Tout d’abord, la situation relativement dégradée des comptes des collectivités locales devrait les amener à un effort de maîtrise important, comme ce fut par exemple le cas dans la seconde moitié des années 1990. Cet effort sera accompagné et facilité par l’État comme décrit dans la partie B infra.

Ces efforts de maîtrise de la dépense seront renforcés par des facteurs plus « spontanés » de ralentissement de la dépense locale. Tout d’abord, les collectivités locales bénéficieront de la fin de la montée en charge de certaines prestations (allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap). Par ailleurs, l’amélioration de la conjoncture économique permettra un certain reflux des dépenses de RSA socle. Enfin, le prochain cycle d’investissement local devrait se révéler moins dynamique que le précédent, qui s’était caractérisé par une progression des coûts de construction plus rapide que l’inflation. Ce ralentissement de l’investissement à moyen terme pourrait encore être accentué, certains investissements locaux ayant été anticipés grâce aux mesures prises dans le cadre du plan de relance, notamment la mesure de versement anticipé du FCTVA mise en œuvre en 2009 et reconduite en 2010.

B. La contribution du gouvernement a lamélioration de la maîtrise des dépenses locales

L’orientation des dépenses des collectivités locales dépend au premier chef des choix opérés par les collectivités. Le retour à l’équilibre des collectivités territoriales ne pourra se faire qu’avec leur participation active et une vigilance renforcée dans leur gestion.

Afin de soutenir les collectivités locales dans leur effort, le Gouvernement a décidé, suite à la 2ème conférence sur le déficit qui s’est tenue le 20 mai 2010, de la série de mesures suivantes, qui permettront de contribuer à cet objectif :

1. À partir du budget triennal 2011-2013, les concours financiers de l’état aux collectivités locales, hors FCTVA, seront stabilisés en valeur

Cette décision rejoint la proposition faite par le groupe Carrez-Thénault, qui indique dans son rapport que le gel des concours de l’État aux collectivités se justifie non seulement par la nécessité de maîtriser les dépenses de l’État, mais également par l’effet inflationniste du niveau des recettes sur les dépenses.

Ce gel des concours s’entend hors FCTVA, sorti de l’enveloppe des concours comme préconisé par le rapport Carrez-Thénault, et hors impacts liés à la suppression de la part « équipements et biens mobiliers » de la taxe professionnelle (TP), afin de respecter la neutralité de la réforme de la TP posée par le Gouvernement.

L’enveloppe en autorisations d’engagement (AE) des concours de l’État aux collectivités locales est stabilisée en valeur sur 2011- 2013 au niveau de la LFI 2010, soit 50,45 M€ en AE. Cette enveloppe comprend :

les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales, à l’exception du FCTVA et du prélèvement sur recettes « amendes de la circulation » ;

la mission « Relations avec les collectivités territoriales », excepté les subventions diverses pour travaux d’intérêt général et les crédits de fonctionnement de la DGCL ;

la dotation générale de décentralisation relative à la formation professionnelle (imputée sur la mission « Travail et emploi »).

2. Ce gel des concours s’accompagnerait d’un renforcement de la péréquation

Le gel des concours de l’État combiné au constat d’une forte disparité des dépenses au sein d’une même catégorie – majoritairement liée à l’écart de ressources, en particulier au niveau communal – rend d’autant plus nécessaire la péréquation entre collectivités, tant verticale qu’horizontale. Pour être pleinement effective, la péréquation renforcée et redéfinie devra :

. se faire au niveau consolidé communes / intercommunalités,

. et tenir compte des incidences de la réforme de la taxe professionnelle.

Un accroissement de la péréquation, comme l’indique le rapport Carrez-Thénault, favorisera la maîtrise globale des dépenses en versant moins aux collectivités les mieux dotées et plus aux collectivités les moins bien dotées.

3. Les normes réglementaires imposées aux collectivités locales seront davantage encadrées

Cette limitation de l’effet inflationniste des normes participe à la maîtrise de la dépense locale. L’impact des normes sur la dépense locale est en effet connu et mieux quantifié depuis la création fin 2008 de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN). Par conséquent, le Gouvernement a décidé, par voie de circulaire(7) en date du 6 juillet 2010, des mesures suivantes :

L’application d’un moratoire à l’ensemble des mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, dont l’adoption n’est commandée ni par la mise en œuvre d’engagements internationaux de la France ni par l’application des lois ;

La consultation de la CCEN sur les projets de loi, facultative au regard de ses compétences, sera plus largement utilisée ;

Une meilleure intégration des coûts induits par les dispositions envisagées dans la préparation des projets de loi, afin de renforcer l’expertise sur les effets induits de la réglementation sur la dépense locale ;

La possibilité pour la commission de procéder, sous certaines conditions, à un contre-rapport sur les projets de texte soumis à la commission.

En outre, le Président de la République a annoncé que la commission pourra s’engager dans l’expertise du coût des normes existantes, dans le cadre d’une révision générale des normes. Le Gouvernement a ainsi saisi les associations d’élus locaux, afin qu’ils se prononcent sur les domaines dans lesquels une révision générale des normes devrait être prioritairement engagée en raison des dépenses qu’elles engendrent pour les collectivités et de préciser, dans ces domaines, les normes qui leur paraissent devoir être révisées. Sur la base de ces propositions, la commission serait saisie afin de rendre un avis sur la suppression ou l’aménagement des normes concernées.

4. Au-delà de ces mesures, le Gouvernement a entrepris de soutenir les collectivités locales en agissant directement sur certaines dépenses locales, et plus particulièrement sur les dépenses sociales des départements

La réforme de la dépendance, qui sera engagée à l’issue du débat sur les retraites, devra permettre de mieux répondre aux enjeux posés par le vieillissement de la population tout en veillant à apporter des réponses soutenables pour les finances publiques.

En outre, les départements devraient également bénéficier de la mise en œuvre des propositions du rapport Jamet. Dans ce but, des groupes de travail réunissant l’Association des départements de France ainsi que les ministères concernés (intérieur, santé, budget) ont été chargé d’approfondir les propositions du rapport Jamet notamment dans les champs suivants :

– la gouvernance et la mise en place de référentiels communs à tous les départements et à l’Etat ;

– la diffusion des bonnes pratiques pour une maîtrise des dépenses sociales ;

– la mutualisation des fonctions support.

Enfin, le choix du Gouvernement de ne pas revaloriser le point fonction publique en 2011 favorisera une inflexion de l’évolution des dépenses de fonctionnement.

Tableau (lien) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 3

Notes

(1) Croissance de la dépense publique déflatée de l’indice des prix à la consommation hors tabac. C’est en effet cet indice qui sert de base à la revalorisation des principales prestations sociales (retraites, famille) et pour l’évolution des dépenses de l’État sur le périmètre de la norme élargie.

(2) Le niveau de dette publique à la fin d’une année donnée, exprimé en Md€, correspond au niveau de dette en début d’année, auquel s’ajoutent le déficit public de l’année et d’éventuels « flux de créances ». Sous l’hypothèse de flux de créances nuls, il faudrait donc pour stabiliser le niveau de dette en Md€ que le solde public soit à l’équilibre. En revanche, lorsque le niveau de dette est rapporté à la taille de l’économie et exprimé en pourcentage du PIB, ce qui est usuellement le cas, la condition pour le stabiliser est d’autant moins exigeante que la croissance du PIB est rapide. En effet, pour stabiliser le ratio d’endettement (dette/PIB), il suffit que numérateur et dénominateur croissent au même rythme. Ainsi, en l’absence de flux de créances, on peut montrer que le solde public stabilisant la dette publique est approximativement égal au produit du niveau du ratio d’endettement de l’année précédente par le taux de croissance nominale de l’économie :

(3) C’est-à-dire hors contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions » imputées sur le titre 2.

(4) Soit le niveau de la LFI 2010 diminué de certaines dotations exceptionnelles : il s’agit d’une part, des crédits relance qui s’élèvent à 4,1 Md€ sur le budget général et à 1 Md€ au titre du FCTVA et qui ne sont pas reconduits et, d’autre part, de la compensation relais instituée à titre temporaire dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, dont le montant s’élève à 31,8 Md€ en LFI 2010.

(5) Un compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » sera créé en PLF 2011, qui regroupera l’ensemble des recettes des amendes de la circulation, radars et hors radars. Le prélèvement sur les recettes de l’État « amendes de la circulation » sera corrélativement supprimé. Cette réforme permettra de simplifier et de clarifier le circuit budgétaire des amendes de la police de la circulation et prendra en compte la généralisation du procès-verbal électronique. (6) Certaines opérations (prêts, prises de participations…) sont en effet considérées comme des opérations financières et sont donc neutres sur le solde public en comptabilité nationale.

(7) Circulaire du 6 juillet 2010 relative au moratoire applicable à l’adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Je souhaiterais simplement dire quelques mots sur cet article, qui nous invite à adopter le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Bien entendu, comme nous ne partageons aucunement les objectifs de ce projet de loi, que nous critiquons le contenu de ces dispositions et que nous estimons que la voie choisie est celle de l’austérité pour le plus grand nombre et du maintien des privilèges pour une poignée de ménages ou d’entreprises – je le répète même si ces propos énervent la majorité –, nous ne pouvons accepter les termes du rapport annexé. Au-delà du rejet formel de son contenu, il y a bien évidemment ses attendus et ses fondements… Ce sont eux qui posent le plus de problèmes.

L’amendement du Gouvernement portant sur cet article 2 éclaire singulièrement les choix retenus.

En effet, si les prévisions de croissance ne sont pas atteintes – nous pouvons craindre que ce soit le cas, monsieur le ministre, compte tenu notamment de l’effondrement des ventes de véhicules neufs et de la morosité dans le secteur du bâtiment –, nous serons placés devant un choix sympathique, en quelque sorte entre la corde et le revolver : il faudra soit procéder à de nouvelles coupes claires dans les crédits budgétaires, soit annuler un certain nombre de niches fiscales et sociales, ce qui est une manière déguisée d’augmenter les impôts.

S’agissant des coupes claires, va-t-on utiliser la manœuvre dilatoire consistant à repousser la date d’entrée en fonction de quelques candidats ayant passé avec succès un quelconque concours d’entrée dans la fonction publique ?

Comme on aura sans doute procédé, auparavant, à l’annulation des crédits « mis en réserve », il ne restera certainement que ces procédures pour aboutir… À moins, bien sûr, que l’on décide de reporter à plus tard le paiement de quelques dépenses de fonctionnement, pourtant ordonnancées, au grand désespoir des entreprises qui comptaient dessus.

S’agissant du « coup de rabot » sur les niches fiscales et sociales, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre.

Votre gouvernement a su, dans la pratique, décider de réduire le poids de la prime pour l’emploi et de la demi-part fiscale accordée aux veuves, ou encore supprimer la défiscalisation des indemnités versées en cas d’accident du travail – n’est-ce pas, monsieur Jégou ? – et vous saurez sans doute agir comme il convient pour vous attaquer à d’autres niches fiscales réservées au plus grand nombre et maintenir celles qui bénéficient à quelques-uns.

Le faux choix que vous nous proposez n’est pas acceptable. Rien ne sera durablement mis en œuvre si l’on ne décide pas de réviser certaines dépenses publiques, notamment en matière d’allégements de cotisations, et si l’on ne procède pas à une analyse critique et intégrale des dispositifs dérogatoires en matière fiscale et sociale.

Pour toutes ces questions, rien ne vaut une loi de finances, avec un véritable débat.

Tels sont les motifs qui nous conduiront à voter contre l’article 2 et l'amendement n° 10 du Gouvernement.

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 101 du rapport annexé

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014, les recettes publiques connaîtraient une croissance spontanée moins dynamique et cela affecterait la trajectoire de déficit public sur la période.

Bien que l'impact de la croissance sur le solde public ne soit pas automatique, il est possible d'évaluer l'ordre de grandeur de l'effort supplémentaire nécessaire pour conserver la même trajectoire de déficit en points de PIB. Toutes choses égales par ailleurs, cet effort serait compris entre 4 Md€ et 6 Md€ chaque année. Il pourrait toutefois être accru par une évolution moins favorable du taux de chômage, ou une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB moins élevée. Le Gouvernement y ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. J’ai déjà partiellement défendu cet amendement, qui s’inscrit dans la suite des débats que nous avons eus en commission des finances.

Il vise à permettre au Gouvernement de réaffirmer, dans le projet de loi de programmation, ses perspectives de croissance et à la commission des finances d’enregistrer la volonté du Gouvernement de donner à l’objectif de réduction des niveaux de déficit un caractère intangible. Dans ce but, nous proposons en annexe des modalités d’économies supplémentaires, de l’ordre de 4 milliards à 6 milliards d’euros, ce qui correspond peu ou prou à une variation de croissance d’un demi-point.

Ce scénario répond à une hypothèse émise par la commission des finances et à ses interrogations concernant les positions du Gouvernement, lesquelles sont naturellement maintenues et confortées par l’évolution de l’activité économique.

Avec cet ajout au rapport annexé, nous entendons montrer clairement que notre objectif, correspondant aux engagements de la France à l’égard de ses partenaires européens, est intangible : en 2013, retour au niveau de déficit constaté avant la crise ; en 2014, déficit de 2 % du PIB ; en 2016, équilibre budgétaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cette proposition marque un net progrès dans la compréhension réciproque ; la commission des finances ne peut que le constater.

Nous nous écartons de l’unicité de référence, même si le dispositif de la loi ne prévoit qu’un scénario, et nous acceptons de considérer que l’évolution des finances publiques au cours des prochaines années peut être impactée par les fluctuations de l’activité, avec les conséquences qu’il faudrait tirer d’une croissance plus faible sur le niveau de la dépense publique, que celle-ci soit budgétaire ou fiscale.

Par conséquent, monsieur le ministre, cette formulation tenant compte de nos préoccupations, nous saluons ce progrès : la commission a émis un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Il y a là, je pense, un échange de bons procédés entre la majorité et le Gouvernement.

Ce dernier réitère son scénario et parie sur la reprise, la croissance, la diminution du chômage. Son équation n’a pas varié d’un pouce et, en définitive, il demande à sa majorité un acte de foi, plus qu’un acte de raison.

Permettez-nous, mes chers collègues, de ne pas y croire et, dès lors, de ne pas nous sentir concernés par cet arrangement, qui frise l’habileté.

En effet, si on avait voulu aller au bout du raisonnement de la commission des finances, on aurait demandé au ministre de préciser comment, en cas de défaillance de son scénario, il comptait intervenir sur la dépense.

Je ne prends ici que le cas des dépenses d’intervention, précisément des dépenses d’intervention discrétionnaires de l’État – nous évoquerons ultérieurement les dépenses dites « de guichet », les dépenses sociales qui affectent tout particulièrement les départements. Que le Gouvernement nous dise, par exemple, s’il poursuivra le mouvement, engagé en 2011, de réduction du nombre de contrats aidés ! On y verrait ainsi plus clair et les Français comprendraient encore mieux qui doit payer la facture de l’impéritie gouvernementale.

Pour notre part, nous ne croyons ni au scénario proposé par le Gouvernement ni à cet arrangement, qui ne nous concerne pas vraiment et n’est rien d’autre que de l’habillage.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais simplement relever certains des propos qui viennent d’être tenus.

Dans cette affaire, il n’y a aucun acte de foi ! Le taux de croissance ne relève pas de la foi : il est constaté.

Mme Nicole Bricq. On crée les conditions, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le ministre nous confirme que notre engagement porte sur l’objectif et que les moyens devront s’adapter à celui-ci, qu’il faudra bien contracter les dépenses budgétaires et fiscales si le rythme de l’activité est moins élevé que prévu. Il me semble donc que le Gouvernement, par cet amendement, ne fait que réitérer les objectifs de notre politique économique.

C’est une question de crédibilité ! En laissant filer les choses, les conséquences – nous le savons en nous remémorant ce qui s’est passé sur les marchés voilà quelques mois – pourraient être absolument dramatiques pour chacun d’entre nous, pour chacune des catégories sociales de ce pays.

Cet amendement est donc un amendement de responsabilité. Cela étant dit, quant à faire des propositions sur la mise en œuvre des économies, le Gouvernement nous en dit beaucoup plus dans son amendement que le parti socialiste tout au long des interventions – nombreuses – que je viens d’entendre cet après-midi.

Mme Nicole Bricq. On en reparlera !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 et le rapport annexé, modifié.

(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)

Chapitre Ier

Les objectifs généraux des finances publiques

Article 2 et rapport annexé
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 4

Article 3

I.- (Non modifié) La programmation du solde des administrations publiques et de la dette publique s’inscrit dans le cadre des engagements européens de la France. Dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l’article 2, elle s’établit comme suit :

1° Évolution du besoin de financement des administrations publiques :

(En points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

Administrations publiques

– 7,7

– 6,0

– 4,6

– 3,0

– 2,0

Dont État et organismes divers d’administration centrale

– 5,6

– 4,0

– 3,1

– 2,1

– 1,5

Dont administrations publiques locales

– 0,4

– 0,5

– 0,3

– 0,2

0

Dont administrations de sécurité sociale

– 1,7

– 1,5

– 1,2

– 0,8

– 0,5

;

2° Évolution de la dette des administrations publiques :

(En points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

82,9

86,2

87,4

86,8

85,3

II (nouveau). – Dans un scénario alternatif où la croissance en moyenne annuelle du produit intérieur brut en volume serait de 2 % en 2011, 2012, 2013 et 2014, elle s’établit comme suit :

1° Évolution du besoin de financement des administrations publiques :

(En points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

Administrations publiques

– 7,7

– 6,0

– 5,0

– 3,8

– 3,0

Dont Etat et organismes divers d'administration centrale

– 5,6

– 4,0

– 3,2

– 2,3

– 1,8

Dont administrations publiques locales

– 0,4

– 0,5

– 0,4

– 0,4

– 0,2

Dont administrations de sécurité sociale

– 1,7

– 1,5

– 1,4

– 1,2

– 1,1

;

2° Évolution de la dette des administrations publiques :

(En points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

82,9

86,1

87,9

88,6

88,5

Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Chapitre II

L’évolution des dépenses publiques

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Articles additionnels après l'article 4

Article 4

I (nouveau). – L’objectif d’augmentation cumulée par rapport à 2010 des dépenses des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale est fixé aux montants suivants, définis en milliards d’euros de 2010 :

2011

2012

2013

2014

6

14

20

28

II (nouveau). – Pour l’application du I :

A. – Les montants des dépenses résultant du tableau ci-avant sont actualisés en fonction de la prévision d’indice des prix à la consommation hors tabac associée au projet de loi de finances pour l’année concernée.

B. – Le montant de dépenses de 2010 pris comme référence est le plus récent publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques à la fin du premier semestre de l’année concernée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. La norme de dépenses prévue par cet article pour l’ensemble des administrations publiques est pour le moins contrainte. Sa faible progression participe d’une démarche que nous avons déjà éprouvée et qui, dans tous les cas de figure, a conduit, malgré les discours initiaux, à constater une aggravation constante du déficit.

Si l’on s’interroge sur la dépense publique de l’État, par exemple, on constate que sa part dans le produit intérieur brut n’a pas vraiment varié. Ce qui a progressé, c’est le déficit comptable de l’État et ce déficit ne trouve sa source que dans la déperdition continue des recettes, que nous avons soulignée dans la discussion générale.

Voilà bien, mes chers collègues de la majorité, le sujet sur lequel vous faites le plus la sourde oreille, compte tenu de votre vision des prélèvements obligatoires. Vous oubliez que servir l’intérêt général et mettre à disposition des services publics font partie des choix que notre conception républicaine porte et que chacun doit participer, selon ses capacités, à ces objectifs.

La dépense publique a néanmoins évolué sur un point, depuis une vingtaine d’années, singulièrement depuis 1995 : les dépenses de sécurité sociale y ont pris une part prépondérante.

Dans le même temps, le niveau des dépenses des administrations publiques locales ne change pratiquement pas, et ce malgré une conception de la décentralisation pour le moins particulière, qui s’est traduite par un transfert de charges nouvelles aux collectivités territoriales, notamment dans le champ du développement des infrastructures, puis dans celui de l’action sociale.

Avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, dite loi Raffarin, nous avons même pu tester une nouvelle mouture de cette logique de transferts : celle qui consiste à se débarrasser auprès des collectivités de personnels – les personnels techniciens, ouvriers et de service, ou TOS – nombreux et, surtout, en fin de carrière. Non seulement ces agents sont à quelques années de l’exercice du droit à pension, mais ils représentent les charges les plus importantes en termes de masse salariale.

Nous sommes évidemment opposés à la norme de progression de la dépense inscrite dans le cadre de ce projet de loi de programmation, une norme qui ne tient aucun compte de ces transferts, notamment ceux qui ouvrent des droits à des bénéficiaires dont le nombre progresse, et de leur coût exceptionnel.

Cette norme imposerait que le texte soit mis en œuvre sans prendre en compte ces transferts, leur économie et leur évolution propre, alors même que ceux-ci pèsent dans les comptes des administrations locales.

C’est là une démarche d’autant plus regrettable que les collectivités territoriales jouent un rôle déterminant dans la poursuite des efforts d’équipement du pays. Cela n’est donc pas sans incidence sur l’activité économique de ce dernier et, comme je vous le disais ce matin, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, sur les recettes du budget général de l’État.

L’examen des lois de finances les plus récentes laisse en effet clairement apparaître l’effondrement continu de la part des budgets publics consacrée aux dépenses d’investissement. Nous sommes parvenus, si mes souvenirs sont exacts, à un niveau de dépenses d’équipement avoisinant 5 % de l’ensemble des crédits budgétaires.

Ces dépenses sont victimes, au premier chef, des coupes claires, qui rendent encore plus insupportables les progressions constantes du service de la dette et de l’émission de nouveaux titres de dette publique.

Cela fait belle lurette – depuis 2002 – que l’État ne s’endette plus pour doter le pays d’équipements nouveaux. Il le fait juste pour payer la facture, si élevée, des cadeaux fiscaux et sociaux.

Les collectivités territoriales soutiennent aujourd’hui, de manière fondamentale, l’effort d’équipement de la nation ; elles supportent 70 % à 80 % de la dépense publique réelle d’équipement. Sans leur intervention, pas de routes, pas d’équipements sportifs, pas de développement de nos infrastructures de formation et d’enseignement, pas d’équipements culturels !

Compresser leurs dépenses de fonctionnement, comme ce texte nous y invite, c’est les priver des moyens de prolonger cette politique d’équipement et c’est donc peser sur l’emploi d’aujourd’hui et sur la croissance de demain, faute d’infrastructures à la hauteur.

Vous le savez bien, selon le rapport de l’observatoire des finances locales, qui a notamment été réalisé par nos collègues qui siègent aussi au comité des finances locales, cette contribution des collectivités territoriales est actuellement en diminution puisque leurs capacités, elles aussi, sont en train de diminuer.

Telles sont les remarques que je voulais formuler à propos de cet article 4, contre lequel, bien sûr, nous voterons.

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Patriat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Pour le calcul de l'évolution des dépenses des collectivités territoriales, telle qu'elle figure dans le rapport annexé, les dépenses réalisées par les collectivités territoriales et compensées en vertu des articles L. 1614-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ne sont pas prises en compte.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Aujourd’hui se tient à l’Assemblée nationale la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales. Tout au long de sa discussion mais aussi à l’occasion d’autres textes discutés au cours des deux ou trois dernières années, nous avons entendu des discours culpabilisateurs à l’égard des responsables des collectivités locales et des élus locaux en général. Ce projet de loi de programmation paraît s’inscrire dans la même logique de culpabilisation, et ce pour plusieurs années, et la façon dont sont traitées les collectivités locales n’est nullement satisfaisante. Cela justifie les quelques amendements que nous soumettons ce soir à votre examen.

L’amendement n° 1 porte sur l’application de la norme d’évolution des dépenses.

Afin de ramener les comptes publics à l’équilibre à l’horizon de 2014, comme le souhaite le Gouvernement, les collectivités territoriales sont sommées de réduire le rythme d’évolution de leurs dépenses en le divisant par sept. En effet, les collectivités devront limiter l’évolution de leurs dépenses à 0,6 % en volume sur la période 2011-2014, alors que cette évolution était de 4,2 % en moyenne sur la période 2000-2008. Il y a donc bien une division par sept du taux d’évolution des dépenses pour les trois années à venir.

Cette mise à contribution considérable des collectivités locales est-elle acceptable, justifiée, voire raisonnable ? Il nous semble que non. Cet effort disproportionné qui est imposé aux collectivités est injustifié au regard tant de leur responsabilité dans la dégradation des comptes publics que de l’évolution dynamique des charges qui leur ont été transférées.

Les collectivités représentent à peine plus de 5 % du déficit public en 2010, et 10 % de l’ensemble de la dette des administrations publiques.

Par ailleurs, le rapport Carrez-Thénault révèle que, sur la période 1983-2008, 60 % de la hausse des dépenses des collectivités est liée aux transferts de compétences intervenus lors des vagues successives de décentralisation et qu’environ 40 % de la hausse des dépenses s’est effectuée à champ constant.

C’est donc dans ce contexte que nous souhaitons soumettre une norme qui serait certainement plus satisfaisante. Nous appliquons en cela le grand principe que le rapporteur général de la commission des finances a rappelé tout à l’heure en disant que le Gouvernement ne pouvait être tenu responsable que de ce qu’il maîtrise.

Nous disons aussi, monsieur le rapporteur général, que les collectivités territoriales ne peuvent être tenues pour responsables que de ce qu’elles maîtrisent réellement. Si l’État leur demande d’assurer un certain nombre de services publics en son lieu et place, s’il leur délègue certaines compétences sans donner les ressources correspondantes, il est clair que cela pose un problème majeur.

C’est bien pourquoi il y a lieu aujourd’hui de modifier la norme d’évolution des dépenses et d’exclure de l’application de cette norme les dépenses liées aux compétences transférées au cours des dix dernières années.

Tel est l’objet de cet amendement que nous vous demandons d’adopter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.

La première est d’ordre technique, car c’est à mon avis le rapport annexé à l’article 2 que vous auriez dû modifier, cher collègue, plutôt que le corps du texte.

La seconde raison porte sur le fond, et c’est assurément plus important. Je me permets de rappeler que le présent projet de loi ne peut contenir aucune disposition contraignante relative aux dépenses des collectivités territoriales. Tout à l’heure, dans la discussion générale, nous avons entendu mon collègue Alain Vasselle s’exprimer sur ce thème.

Le mécanisme de fongibilité entre dépenses et mesures nouvelles sur les recettes que nous avons introduit à l’article 13 et qui figure dorénavant dans le texte en cours de discussion exclut délibérément les collectivités territoriales pour une raison bien simple : chacune d’entre elles pour ce qui la concerne arbitre l’ensemble de ses ressources par rapport à l’ensemble de ses dépenses. Ce sont des décisions décentralisées par définition, naturellement prises en particulier, notamment sous l’influence du niveau ou de l’évolution des dotations transférées par l’État, mais ce ne sont pas les seules ressources, et chacun, dans un contexte donné, s’efforce d’ajuster sa conduite en utilisant l’ensemble du clavier dont il dispose.

Il me semble donc que cet amendement n’est pas nécessaire : c’est la raison pour laquelle la commission en souhaite le retrait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je sais gré à Philippe Marini, en sa qualité de rapporteur général, d’avoir motivé l’avis de la commission des finances et de nous avoir apporté un éclairage utile. Il serait d’ailleurs souhaitable que cet avis puisse être relayé dans les médias et sur le terrain, auprès de l’ensemble des maires, des conseillers généraux et des conseillers régionaux.

En effet, dans certaines régions, et c’est le cas de la Picardie, des élus régionaux font actuellement le tour des collectivités pour expliquer que, s’ils doivent accroître le poids de la fiscalité ou s’ils ne peuvent plus continuer à apporter leur soutien aux dépenses d’équipement des collectivités, c’est parce que la politique gouvernementale ne compense pas les transferts de compétences.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est l’argument développé par notre collègue François Marc, et c’est une question récurrente depuis qu’ont été votées les lois de décentralisation, quand Gaston Defferre était ministre de l’intérieur. J’étais déjà à l’époque conseiller général, mais également conseiller régional. J’ai assisté à l’explosion de la fiscalité locale et régionale. Ainsi, lorsque la charge des collèges et des lycées a été transférée aux départements et aux régions sur la base des moyens que l’État leur consacrait, il a fallu que les départements et les régions fassent des efforts considérables pour pallier l’insuffisance d’entretien de ces établissements scolaires.

Je crois donc que chacun peut balayer devant sa porte, et c’est un mauvais procès que fait l’opposition en laissant entendre que le gouvernement actuel ne transfère pas les ressources…

M. Daniel Raoul. C’est la réalité !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … qui permettent d’assumer des compétences que l’État n’assumait qu’imparfaitement par le passé. Vous me rétorquerez que ce n’est pas parce que vous avez été mauvais que nous devons l’être également ! Un observatoire a été mis en place à l’époque et il appartient à ce dernier de dire si, effectivement, la compensation est ou non au rendez-vous.

Mais au-delà – et j’en appelle au ministre François Baroin et au Gouvernement –, il m’apparaît que l’on ne peut pas laisser se répandre auprès des élus locaux certaines idées qui s’apparentent à de l’intoxication. Certains cherchent à propager la psychose dans l’esprit des maires, qui ne savent plus qui croire dans cette affaire. Il faudrait, au niveau national, réussir à faire passer un message auprès des élus pour contrecarrer les propos infondés que tient l’opposition.

Bien entendu, je soutiens la position de la commission des finances, mais il faut tout de même réagir. Nous le faisons sur le terrain, mais nous avons du mal à nous faire entendre, car nous ne sommes pas suffisamment relayés par les médias.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Monsieur Vasselle, d’abord, vous avez raison, la problématique des collectivités territoriales passe rarement le cap du journal de vingt heures ! Bien qu’extrêmement technique et complexe, le sujet est d’une telle importance – il a trait à la définition des politiques publiques dans les bassins de proximité qui concernent l’ensemble des Français – qu’il justifierait une petite chronique quotidienne. Pourrait ainsi être abordée la réalité de l’évolution de la fiscalité locale et territoriale, matrice d’explication de la dotation globale de fonctionnement, de la dotation de solidarité rurale, de la dotation de solidarité urbaine, du fonds de compensation de la TVA, etc.

Cela étant, monsieur Vasselle, lors de mon intervention à la tribune, j’ai apporté, en réponse aux polémiques actuelles, les éléments…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne le conteste pas !

M. François Baroin, ministre. … qui pourront être utilisés par toutes celles et tous ceux qui soutiennent l’action du Gouvernement…

M. Jean-Marc Todeschini. Sur le terrain, ils ne sont pas nombreux !

M. François Baroin, ministre. … pour contrecarrer la propagande mensongère, injuste et en conséquence irresponsable (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) sur la corrélation entre la déclinaison de la réforme de la taxe professionnelle et ses retombées concernant la taxe d’habitation. De ce point de vue, le Gouvernement a été clair.

Par ailleurs, nous pouvons préciser aussi que, dans le gel des dotations de l’État aux collectivités locales, le Gouvernement n’a pas retenu le FCTVA, et tous les investissements qui seront portés par les collectivités locales le seront grâce à cette mesure. En conséquence, aucun représentant de l’opposition se trouvant à la tête d’une collectivité territoriale ne pourra dire qu’il bloque son investissement parce que le Gouvernement l’empêche d’agir. Comme le FCTVA est en dehors du rabot, le potentiel d’investissement est maintenu. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument ! C’est la vérité !

M. François Baroin, ministre. Écoutez bien ces messages que vous n’avez pas fini d’entendre, et qui vont certainement vous énerver !

M. Daniel Raoul. Cela ne nous énerve pas !

M. François Baroin, ministre. Aux mensonges que vous ne cessez de répéter, nous allons répondre par autant de vérités ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Si, à gauche, vous voulez continuer d’augmenter les impôts locaux, conformément à la doctrine systématique qui est la vôtre (Exclamations sur les mêmes travées.),

M. Jean-Marc Todeschini. « Qui paie ? » : voilà votre bréviaire !

M. François Baroin, ministre. … à l’échelon régional, départemental ou municipal, vous devrez assumer que c’est pour faire du fonctionnement, de l’embauche, pour dégrader les ratios de personnel par rapport aux charges de fonctionnement, mais ne dites pas que vous le faites parce que le Gouvernement vous a retiré de l’argent et que cela vous empêche d’investir !

Nous aurons donc, lors du congrès des maires, devant l’ensemble des associations départementales ou régionales, à l’occasion des débats entre l’État et les collectivités territoriales, …

M. Daniel Raoul. Vous n’allez pas être déçu !

M. François Baroin, ministre. … tous les arguments pour expliquer que nous sommes dans une logique de réduction de déficit, dans un effort partagé, mais que nous préservons l’essentiel, à savoir l’investissement local, le soutien à la commande publique, donc à l’activité économique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. François Marc. On verra !

M. Bernard Frimat. Vous n’y croyez pas vous-même !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je soutiens bien évidemment l’amendement du groupe socialiste. En revanche, je ne peux pas souscrire aux propos de M. le ministre sur le fait que les collectivités territoriales, aujourd’hui, comme l’a souligné notre collègue Alain Vasselle, prennent prétexte d’une situation difficile pour ne pas apporter aux autres collectivités les crédits dont celles-ci ont besoin. Ce n’est pas un prétexte, c’est une réalité !

Le nombre de bénéficiaires du RSA, le revenu de solidarité active, qui a remplacé le RMI, le revenu minimum d’insertion, est en forte augmentation ; c’est l’une des conséquences de la crise économique, on le sait bien. Les collectivités, quel que soit leur choix, apportent simplement des réponses en tant que prestataires de services à partir d’un texte qui a été voté dans les deux assemblées. C’est par conséquent la mise en œuvre d’une réponse à des ayants droit.

La situation est la même en ce qui concerne le handicap ou l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. C’est une réponse à des ayants droit. Ce ne sont pas des dépenses que les collectivités ont la capacité de maîtriser. Dès lors que ces dépenses obligatoires ne sont pas compensées, les collectivités sont confrontées à des difficultés pour continuer à assumer les politiques qu’elles ont définies. C’est pourquoi, je le répète, je ne peux que souscrire à la formulation retenue dans l’amendement n° 1.

Monsieur le ministre, sortir la TVA de l’enveloppe normée cette année ne prêtait à aucune conséquence pour le Gouvernement : c'est la raison pour laquelle il a été facile pour lui de le faire. Une réintégration de la TVA donnerait un tout autre résultat en termes de gel de la dotation.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. À M. le rapporteur général qui me suggérait de retirer mon amendement, je répondrai que cela ne me paraît pas souhaitable ! Je retiens d’ailleurs des explications de M. le ministre un argument supplémentaire en faveur de mon amendement. En effet, dans son intervention liminaire, M. Baroin nous a affirmé que le Gouvernement n’allait pas augmenter les impôts, ni l’impôt sur le revenu, ni celui sur les sociétés, ni la TVA. Cela me paraît quelque peu contradictoire avec les propos qu’il vient de tenir à l’instant même, lorsqu’il a dit que, pour développer les investissements locaux, il allait peut-être falloir augmenter les impôts et que, au fond, la décision revenait aux élus locaux.

M. François Baroin, ministre. Je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris !

M. François Marc. Voilà, monsieur le ministre, le point crucial ! Dans la loi réformant la taxe professionnelle, vous avez réduit l’autonomie fiscale des collectivités. Je le rappelle, pour les départements, cette dernière est passée de plus de 30 % à seulement 12 %. Si vous nous recommandez d’augmenter les impôts, on voit bien quel transfert d’impopularité vous nourrissez de vos vœux ! Puisque l’État n’augmentera pas la dotation, c’est aux élus locaux que reviendra la responsabilité d’augmenter les impôts.

C’est bien là que se situe le problème : le coût des compétences transférées aux collectivités, en l’espèce aux départements, augmente mécaniquement de plus de 4 % par an. Si le taux d’augmentation des recettes provenant de l’État est bloqué à 0,6 %, on ne peut que constater, année après année, un effet de ciseaux manifeste. Dans ce contexte, que vous avez vous-même créé, il est choquant de vous entendre proposer aux collectivités d’augmenter les impôts locaux.

C'est la raison pour laquelle il nous semble tout à fait pertinent d’exclure de la norme d’évolution des dépenses des collectivités territoriales toutes les compétences qui ont été transférées – et je réponds là à Alain Vasselle – depuis une dizaine d’années. Je pense par exemple à l’APA, dont le coût a progressé de façon relativement importante ces dernières années.

Je le répète, il faut exclure de la norme d’évolution toutes les dépenses qui sont imposées par l’État aux collectivités, sur lesquelles elles n’ont aucune marge de manœuvre. Si nous ne le faisons pas, ce sont elles qui en subiront les conséquences. Nous ne souhaitons absolument pas que la culpabilisation des collectivités aboutisse aujourd'hui à un transfert de fiscalité qui se ferait à leurs dépens.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, j’ai bien écouté vos propos, en particulier lorsque vous avez répondu à notre collègue Vasselle, qui doit certainement avoir besoin d’un appui solide face à la grogne des maires de son département ! On constate d’ailleurs la même chose dans tous les départements, notamment à propos de la réforme de la taxe professionnelle. Je parle de réforme, car il est faux de parler de « suppression de la TP » : il s’agit en fait d’une réforme de la contribution des entreprises. Appelez-la comme vous voulez, mais ne parlez pas de suppression !

À ce propos, je voudrais évoquer une motion qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée des départements de France.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela commence mal !

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous prenez les présidents de conseils généraux pour des minus habens, qui ne savent pas compter, qui n’ont même pas le niveau d’un élève de cours élémentaire première année. Mais ils savent regarder leur budget ! Ils savent d’où viennent leurs recettes, qui ne proviennent pas uniquement des impôts locaux. Vous, vous voudriez acculer les départements et les communes à augmenter les impôts locaux.

M. François Baroin, ministre. C’est votre politique habituelle…

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas interrompu. Vous aurez la parole tout à l’heure.

Je tenais ensuite à évoquer le FCTVA. Le faire sortir de l’enveloppe normée permettra au Gouvernement, me semble-t-il, de faire des économies, mais cela ne changera rien aux capacités d’investissement des collectivités : leur autofinancement ne s’en trouvera pas augmenté.

Vous avez asphyxié les collectivités avec vos projets sur la DGF : l’effet de ciseaux qui va se produire entre le panier dit du maire ou le panier des collectivités, l’évolution des prix et l’évolution de la DGF aura comme conséquence une diminution importante de l’autofinancement des collectivités. Que leur restera-t-il comme possibilité ? Augmenter les impôts ou faire appel à l’emprunt, ce qui équivaudra à payer double au bout d’un certain temps !

Cher Alain Vasselle, je vous signale que les régions n’ont dorénavant plus du tout d’autonomie fiscale. Vous vous en réjouissez sans doute dans le contexte que vous connaissez ; vous devez certainement faire partie de l’opposition pour tenir ce genre de raisonnement ! En tout cas, pour le moment, il ne reste aux régions que la TIPP, qui est insuffisante pour leur permettre de faire face à tous leurs engagements, concernant notamment les lycées. Vous avez vu sur le terrain les résultats des efforts menés en matière d’éducation. Jamais l’État n’aurait été capable de faire la même chose au même coût : le rapport qualité-prix démontre l’efficience des collectivités en ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous n’arriverez pas à nous convaincre que vous avez initié un cercle vertueux en ce qui concerne l’État en étant aussi péjoratif que vous l’êtes à l’égard des collectivités locales, singulièrement des conseils généraux.

Dans la Haute-Garonne, le département que je connais le mieux, le manque à gagner sur les ressources qui auraient dû leur être affectées par la décentralisation s’élève à 400 millions d’euros. Et qui pourrait dire que les investissements engagés par le conseil général, comme la construction d’un collège ou d’une route, ne sont pas pertinents ?

La politique que vous menez au plan national a fait exploser, de manière quasiment exponentielle, les dépenses sociales, alors que l’auto-investissement va faiblir. Résultat : soit nous en sommes réduits à réduire la voilure dans le champ social ou en matière d’investissements alors que les besoins sont criants ; soit nous augmentons, comme vous avez l’air de le souhaiter, les impôts.

Il est choquant et injuste de présenter les choses de façon caricaturale avec, d’un côté, un État qui se voudrait vertueux et, de l’autre, des collectivités territoriales qui seraient sur la voie de la débauche budgétaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne m’attendais pas à ce que le débat cristallise une telle crispation dans les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Chers collègues de l’opposition, je tiens simplement à vous faire remarquer que le devoir de mise en ordre des finances publiques affecte l’ensemble de la sphère publique. Nous n’en sortirons pas en instruisant le procès des pressions qu’exercerait l’État sur les collectivités. En tant que parlementaires, il nous arrive de voter des textes aux vertus normatives qui sont des gisements de dépenses publiques supplémentaires.

Nous devons tous prendre conscience des efforts à accomplir. La RGPP s’appliquera aux collectivités territoriales, comme elle s’est imposée au sein de l’État. Ce ne serait pas un bon service à rendre aux maires que de leur laisser croire qu’on s’en sortira en harcelant l’État. C’est ainsi que l’on produit du déficit public et un effet boule de neige sur l’endettement.

Mme Beaufils et M. Raoul ont tous deux remis en cause la sortie du FCTVA de l’enveloppe normée.

Mme Marie-France Beaufils. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est en tout cas ce que j’ai compris et ce qui ressort de l’amendement que va défendre tout à l’heure M. Marc. Nous avons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, supplié le Gouvernement de sortir le FCTVA de l’enveloppe normée.

Mme Nicole Bricq. Il ne l’a pas fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si, il l’a fait l’année dernière,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pour la durée de cette programmation !

Mme Nicole Bricq. Il l’a fait pour économiser 200 millions d’euros !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … et personne ne peut contester que c’est une mesure de bonne administration. Nous devrions essayer de convenir de quelques principes de bonne gouvernance publique qui pourraient s’appliquer aussi bien à l’État qu’aux collectivités territoriales. C’est le meilleur service que nous pourrions rendre à nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’entendais notre collègue Jean-Jacques Mirassou parler…

M. Bernard Frimat. Avec talent !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … de son département. Je voudrais, pour ma part, évoquer le mien, l’Oise, dont nous sommes les élus, Alain Vasselle et moi-même.

M. Daniel Raoul. Quelle chance !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce beau département a la grande chance d’avoir un conseil général…

M. François Marc. De gauche !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … qui offre à chaque collégien un ordinateur, sans conditions des ressources des parents, sans se préoccuper de l’usage qui en sera fait. Cet ordinateur servira-t-il à travailler, à jouer ou sera-t-il revendu dès le lendemain sur eBay ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous savons, en revanche, quel est le coût d’une telle mesure : il s’élève à 28 millions d’euros – je parle sous le contrôle du conseiller général Alain Vasselle – sur deux ou trois ans, ce qui est beaucoup au regard de la capacité d’investissement de ce département.

Par ailleurs, depuis 1790, il n’y avait jamais eu de maison du conseil général dans ce département. Dorénavant, il y en a une dans chaque chef-lieu de canton, ou à peu près, dotée du personnel correspondant. Tout est affaire de choix, comme le disait M. le ministre. La dépense publique, elle s’organise, elle s’administre, elle doit être le fruit de sélections. Au demeurant, mieux vaut sans doute que les situations soient bien tranchées, comme c’est le cas en l’espèce, car cela permet à l’opinion de se prononcer en toute clarté.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, à l’écoute de vos interventions, je me suis rendu compte que je m’étais mal fait comprendre… Il ne fallait pas interpréter mes propos comme un encouragement à l’augmentation de la fiscalité locale.

C’est en considérant les politiques locales que vous appliquez que j’en suis arrivé à la conclusion que vous aviez une manie qui s’était transformée en doctrine : vous commencez par augmenter les impôts, pour ensuite financer les politiques publiques que vous décidez de mettre en œuvre.

Vous n’allez pas pouvoir continuer à mener cette politique facile d’augmentation de la fiscalité. Les statistiques sont implacables : là où vous dirigez les régions, la hausse de la fiscalité atteint 10 à 20 points. C’est une question de choix. De même qu’en instituant les 35 heures vous avez fait appel à la figure de Léon Blum, de même vous vous assimilez à celle du Père Noël en faisant les généreux, en distribuant de-ci de-là dans les départements que vous dirigez. Mais c’est l’argent des autres que vous distribuez ! Dans ces conditions, vous allez vous retrouver face à vos responsabilités, au pied du mur d’une fiscalité toujours plus élevée que vous construisez pierre après pierre.

Vous avez en face de vous un élu local, maire depuis quinze ans et président d’agglomération : je sais donc de quoi je parle. Je n’ai pas augmenté les impôts depuis douze ans. Ayons l’honnêteté de dire que nous attendions depuis de nombreuses années ce gel de la dotation de l’État aux collectivités locales ! Compte tenu de nos objectifs et de l’état des déficits publics de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, l’effort doit être partagé.

Le gel de la dotation va s’inscrire dans la durée, au moins sur les quatre prochaines années. Cette politique publique va aussi s’adapter à l’évolution de la bosse démographique de la fonction publique territoriale. Comme le disait avec beaucoup de pertinence le président Arthuis, l’État a mis en place la RGPP depuis maintenant trois ans et demi et a poursuivi le mouvement en lançant une deuxième phase. Le modèle de la RGPP appliquée à l’État pourrait incontestablement servir de référence pour la gestion des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne les départs à la retraite, qui seront nombreux à partir de 2016-2017.

Les fonctionnaires qui partiront à la retraite à ce moment-là seront la génération de la décentralisation des années 1982 et 1983. Par conséquent, nombre de dispositifs permettront de bien gérer les collectivités territoriales, sans qu’il soit nécessaire de donner des leçons ! Je n’en donne aucune, mais je ne veux pas en recevoir.

Pour le reste, il faut avoir une logique d’investissement, ce qu’on attend d’une collectivité territoriale, et de modération sur les plans de la fiscalité et du dispositif d’embauche. Nous savons que le niveau d’embauche a été plus important dans les collectivités territoriales essentiellement depuis quinze ans ! Permettez-moi, sur ce point, de rappeler, une fois encore, cette tendance que vous aviez aux affaires, puisque, entre 1997 et 2002, ce sont 45 000 postes de fonctionnaires supplémentaires qui ont été ouverts et pourvus au niveau de l’État. Assumez-le !

Mme Nicole Bricq. Assumez aussi votre gabegie !

M. François Baroin, ministre. Assumez le fait que votre solution de facilité politique consiste à toucher aux impôts, que votre doctrine est d’embaucher des gens et que votre politique générale consiste à flatter certains corporatismes en essayant d’acheter un certain nombre de voix (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), alors que la situation pousse tout simplement le Gouvernement à avoir une politique de responsabilité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Bricq. Et la TVA dans la restauration, ce n’est pas du corporatisme ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Je voudrais remercier M. le ministre de son propos !

M. Daniel Raoul. C’est un aveu !

M. Bernard Frimat. Effectivement, un tel aveu de volonté d’asphyxie des collectivités territoriales se salue à sa juste valeur !

Monsieur le ministre, dans ce domaine, nous, nous parlons de service rendu à la population. In fine, ceux qui jugent, ce sont les électeurs.

M. François Baroin, ministre. Absolument !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sur ce point, on est d’accord !

M. Bernard Frimat. Les électeurs rendront justice.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà !

M. Bernard Frimat. Nous ne savons pas quel sera leur verdict, mais nous pouvons peut-être tomber d’accord sur un point : ce verdict, nous le respecterons, comme nous respectons les élus qui sont à la tête des collectivités territoriales, et ce quelle que soit leur étiquette politique.

Ne nous demandez pas de nous excuser si le rapport de force au sein des collectivités territoriales a considérablement changé ces dix dernières années...

M. Bernard Frimat. ... et si l’évolution du choix des électeurs à l’échelon régional et départemental et dans les grandes villes est aujourd’hui ce qu’il est !

Effectivement, quand les électeurs votent, ils se prononcent sur la qualité de la gestion. C’est un vieux débat, à mener dans d’autres lieux me direz-vous, mais nous n’avons pas d’autre moyen de mesure que celui-là !

Vous voulez, vous l’avez dit très clairement, obliger les collectivités locales, y compris celles que vous gérez, à imposer à leurs populations des choix drastiques ou une augmentation des impôts. Mais permettez-nous de ne pas être d’accord !

Je conçois le courroux des rapporteurs généraux, tous deux élus de l’Oise, face à un conseil général dont le président n’est plus M. Jean-François Mancel et qui est donc dirigé d’une autre manière qu’autrefois.

M. Bernard Frimat. Le fait qu’un certain type de dépenses ait retenu l’attention vigilante d’une institution que nous respectons tous, la chambre régionale des comptes, peut, je le conçois aussi, être un sujet de réflexion !

Et si le conseil général de l’Oise a décidé – je ne pense pas que ce soit le seul – de doter chaque collégien d’un ordinateur, c’est peut-être aussi un moyen pour lui de permettre à une partie de la population...

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Électoralisme !

M. Bernard Frimat. ... d’accéder au numérique, ce qui ne lui aurait pas été possible autrement.

Certes, pour une série de personnes, le fait d’acheter un ordinateur portable à leur fille ou à leur fils ne pose aucun problème d’ordre financier. Mais, dans la conjoncture actuelle, compte tenu des difficultés financières importantes qu’éprouvent un certain nombre de familles, faire en sorte que la culture numérique n’échappe à personne constitue peut-être un élément opportun de dépenses sociales !

Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous sur un point : c’est un choix politique. Vous nous avez expliqué pourquoi vous n’étiez pas d’accord avec nous. Mais je vous ai connu meilleur et moins agressif ; aussi, si vous pouviez renoncer à cette agressivité, nous en serions tous ravis !

Nous confronterons donc nos choix et nous nous opposerons, programme contre programme. La démocratie, finalement, c’est s’opposer sur des projets, les confronter et laisser le peuple juger ! (M. Bernard Vera applaudit.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est le festival socialiste !

M. Jacques Mahéas. Tout à l’heure, j’interviendrai sur les effectifs de la fonction publique. Mais très franchement, monsieur le ministre, après ce que je viens d’entendre, je ne peux rester sans réagir !

L’État serait vertueux, et les collectivités locales seraient irresponsables !

M. François Baroin, ministre. Mais non !

M. Jacques Mahéas. C’est ce que j’ai très nettement entendu !

Mme Nicole Bricq. Il l’a dit !

M. Jacques Mahéas. Inutile de vous dire que nous prenons ces propos pour une réelle provocation de la part d’un ministre qui devrait quand même mesurer ses propos !

En fait, les collectivités territoriales sont souvent la dernière étape du désistement de l’État, qui décentralise des compétences sans donner à ces collectivités les moyens de les assumer ! C’est ainsi qu’il doit 610 millions d’euros au département de la Seine-Saint-Denis...

Alors, commencez par payer vos dettes avant de nous faire la morale et de jouer les professeurs pour nous donner des leçons sur la façon de dépenser !

« Je ne donne aucune leçon, mais je ne veux pas en recevoir ! », nous avez-vous dit de façon provocante. En réalité, vous n’avez pas arrêté de nous donner des leçons ! Nous pourrions, nous aussi, en donner et je prendrai quelques exemples.

Dans ma commune, nous proposions auparavant une mesure tout à fait positive : l’accueil des enfants entre deux et trois ans. Sur les six cents enfants de cette classe d’âge, une moitié allait à l’école. Mais l’État a décidé qu’il n’était plus question de les accepter.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas pour ça l’école !

M. Jacques Mahéas. Résultat, trois cents familles demandent un autre mode d’accueil. Lequel ? Principalement l’accueil en crèche.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une maison d’assistante maternelle !

M. Jacques Mahéas. L’accueil chez une assistante maternelle, oui.

Mais, rendez-vous compte, les demandes de trois cents familles représentent, pour une ville de trente-cinq mille habitants, la création de cinq crèches de soixante berceaux, soit cent créations de postes !

Je prendrai un autre exemple concernant, cette fois, la police nationale.

Si tant de communes ont opté pour une police locale, c’est bien parce que la police nationale n’était pas assez efficiente ! Et on le comprend très bien quand on constate que, malheureusement, aucun commissariat n’a bénéficié du moindre emploi sur les cinq cents créations annoncées par le préfet de police en Île-de-France ! J’en sais quelque chose, puisqu’il manque à Neuilly-sur-Marne une vingtaine de policiers sur l’effectif théorique d’une centaine !

Ce ne sont là que deux exemples, mais je pourrais en citer bien d’autres ! Par conséquent, face aux difficultés que rencontrent les communes, les départements et les régions, n’insistez pas sur la vertu de l’État ! (Approbations sur les travées du groupe socialiste.) Au bout du bout, c’est bien la commune qui récolte les charges décentralisées, après le département et la région !

Il est véritablement peu vertueux de votre part d’avoir procédé à une décentralisation sans transfert des moyens appropriés pour que les collectivités territoriales assument les responsabilités qui étaient autrefois celles de l'État.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je ne pensais pas intervenir, mais je ne peux m’abstenir dans cet intéressant débat de fond, après les interventions que je viens d’entendre.

M. Bernard Frimat a fait allusion à la gestion locale. Mais, dans l’exercice de nos mandats locaux, nous faisons tous, dans des fonctions diverses, selon qu’il s’agit de grandes villes ou de petites collectivités territoriales, de la gestion locale. Par conséquent, nous devons rester objectifs.

Comme le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, l’a rappelé tout à l’heure, il ne faut pas oublier non plus, ce que l’on fait trop souvent, les dizaines de milliards d’euros qui sont inscrits dans le budget et que l’État alloue à l’ensemble des collectivités territoriales : communes, intercommunalités, départements et régions !

Il est vrai qu’il s’agit d’un sujet très technique et fort peu médiatique pour nos concitoyens, à l’exception, bien sûr, des élus qui sont au cœur de nos collectivités territoriales et qui s’en rendent compte. Toutefois, il y aurait des messages forts à faire passer, ne serait-ce que, dans la section de fonctionnement du budget des communes, avec la dotation globale de fonctionnement et les dotations de péréquation telles que la dotation de solidarité rurale, la dotation de solidarité urbaine, la dotation élu local, la dotation nationale de péréquation, etc., sans parler des compensations liées aux impôts locaux ou encore les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, qui aident non seulement les communes concernées, mais en outre les communes défavorisées.

Ce sont autant de dotations qui « tombent » dans les différents budgets communaux, qu’il s’agisse des communes et des intercommunalités, qui sont loin d’être négligeables et qui permettent aux collectivités territoriales de vivre !

Certes, elles investissent, il faut le reconnaître et s’en féliciter, mais l’État le fait aussi par l’intermédiaire des dotations d’investissement. C’est ainsi que la dotation globale d’équipement permet, par le biais des représentants de l’État, d’aider les collectivités locales, en particulier les petites communes. C’est encore une façon de soutenir l’investissement de nos collectivités territoriales qui pratiquent une gestion de proximité.

Enfin, M. le ministre en a parlé tout à l’heure, le dispositif du plan de relance qui permet le remboursement anticipé du fonds de compensation pour la TVA constitue aussi un soutien très important. Nombre de collectivités locales ont d’ailleurs signé des conventions avec les représentants de l’État, justement pour percevoir ces remboursements très rapidement ! Il en est de même du plan de relance du secteur du bâtiment et des travaux publics.

Alors restons objectifs et disons la vérité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Cet amendement est sympathique, mais on ne peut pas toujours se plaindre des transferts de charges, surtout quand les représentants des collectivités concernées ont, par le passé, réclamé de tels transferts !

Par exemple, les départements avaient insisté lourdement pour un transfert des routes nationales. Entre 2002 et 2007, nous avons assisté, au cours des débats, à d’importants conflits pour savoir qui, entre les départements et les régions, accaparerait les compétences ainsi décentralisées !

Des sénateurs présidents de conseil général ont siégé assidûment dans cet hémicycle pour modifier la version initiale du projet de loi qui prévoyait un transfert plus important en faveur des régions, au détriment des départements.

Si on se plaint maintenant de la charge que cela représente pour les départements, c’était aux élus de l’époque qui se battaient pour récupérer de telles attributions de réfléchir avant. On ne peut pas réclamer des charges et se plaindre ensuite de ne pouvoir équilibrer un budget !

Toutefois, de manière plus générale, cet amendement pose un vrai problème, à savoir que les collectivités territoriales ont de moins en moins de ressources. Les subventions européennes ont été verrouillées, la DGE et la DGF sont bloquées, la taxe professionnelle n’est pas réellement compensée...

Dans le même temps, elles ont de plus en plus, non pas d’attributions décentralisées – je ne suis pas d’accord sur cette analyse-là –, mais de charges créées ex nihilo !

Prenons l’exemple de l’accessibilité des bâtiments d’habitation collectifs existants pour les personnes handicapées ou de l’assainissement. Pour les petites communes rurales, c’est une vraie catastrophe !

Le problème n’est donc pas lié à des transferts de charges, mais à la création de charges. Les collectivités territoriales sont ainsi prises en étau entre, d’une part, des recettes qui diminuent et, d’autre part, des charges qui sont progressivement créées.

Je l’ai dit tout à l’heure, il n’est pas toujours souhaitable de supprimer des impôts. Pour ma part, j’ai voté contre la suppression de la taxe professionnelle, car je considère que cette suppression est une erreur. Cela revient en effet à faire disparaître un impôt qui rapportait de l’argent, en le remplaçant par des compensations plus ou moins gelées.

Il convient donc de dépasser le cadre de cet amendement pour réfléchir de manière plus globale sur cette question.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 94 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 153
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 5

Articles additionnels après l'article 4

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion est ainsi modifié :

1° Les quatre derniers alinéas du II sont supprimés ;

2° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ... . - À compter de l'exercice 2010, l'État assure la compensation au département des sommes versées au titre des articles L. 262-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles sur la base de la différence entre le produit de cette compensation et les dépenses réelles constatées aux derniers comptes administratifs connus des départements.

« Cette compensation est ajustée chaque année, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges, dans les conditions prévues au II de l'article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

« Dans l'attente du calcul de la compensation définitive au titre d'une année considérée, l'État assure mensuellement, à chaque département, le versement d'une somme calculée sur la base de la compensation complémentaire déterminée au titre de l'exercice précédent. »

II. - La compensation complémentaire aux départements est assurée par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je regrette que MM. Vasselle et Marini soient partis… Nous nous chargerons de leur faire le compte rendu du débat, qui est intéressant.

Je souhaite, madame la présidente, présenter en même temps les amendements nos 2, 3 et 4, qui procèdent de la même philosophie que l’amendement qui vient d’être rejeté.

Mme la présidente. J’appelle donc en discussion les deux amendements suivants.

L’amendement n° 3, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier est complétée par une sous-section ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Dispositions communes à l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile et en établissement 

« Art. L. 232-11-1. - À compter de 2010, les charges résultant, pour les départements, des prestations versées au titre des articles L. 232-3 et L. 232-8 du code de l'action sociale et des familles sont compensées sur la base des dépenses constatées aux derniers comptes administratifs connus des départements.

« La compensation versée en application de l'article L. 232-3 précité est calculée hors le montant actualisé versé en 2001 au titre de la prestation spécifique de dépendance, créée par la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.

« Les compensations versées au titre des deux alinéas précédents sont ajustées par département, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges, dans les conditions prévues au II de l'article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

« Dans l'attente du calcul de ces compensations définitives au titre d'une année considérée, l'État assure mensuellement, à chaque département, le versement d'une somme calculée sur la base de la compensation complémentaire déterminée au titre de l'exercice précédent. »

2° Après l'article L. 232-3, il est inséré un article L. 232-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-3-1. - I. - Pour chaque département, le droit à compensation de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile est calculé en prenant en référence le plan d'aide moyen national établi par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

« Sur la base de la moyenne des dépenses constatées au titre des trois derniers exercices, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie calcule, pour chaque département et au niveau national, les montants moyens des plans d'aide établis à l'aide de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2 pour chacun des groupes iso-ressources.

« Elle détermine aussi pour chaque département et au niveau national le montant moyen des plans d'aide sur l'ensemble de ces groupes.

« II. - Pour les départements dont le montant moyen des plans d'aide est supérieur au montant moyen des plans d'aide au niveau national, le droit à compensation est calculé en multipliant le nombre réel de bénéficiaires par le montant national résultant du calcul effectué au deuxième alinéa du I.

« III. - Pour les départements dont le montant moyen des plans d'aide est inférieur au montant moyen des plans d'aide au niveau national, le droit à compensation est calculé en multipliant le nombre réel de bénéficiaires par le montant départemental résultant du calcul effectué au deuxième alinéa du I.

« IV. - Chaque département reçoit 90 % du droit à compensation visé au II et III. »

3° Après l'article L. 232-8, il est inséré un article L. 232-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-8-1. - I. - Le droit à compensation de l'allocation personnalisée d'autonomie en établissement est calculé en prenant en compte l'ensemble des forfaits globaux mentionnés au 2° de l'article L. 314-2 versés dans le département aux établissements relevant du I de l'article L. 313-12.

« La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie calcule pour chaque département et au niveau national, les valeurs départementales et la valeur nationale du point groupe iso-ressources dépendance en divisant pour le dernier exercice connu le total des forfaits globaux mentionnés au 2° de l'article L. 314-2 par le total des points groupes iso-ressources dépendance des établissements concernés.

« La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie calcule aussi le groupe iso-ressources moyen pondéré des établissements relevant du I de l'article L. 313-12 dans le département.

« II. - Pour les départements dont la valeur du point groupe iso-ressources dépendance est supérieure au montant de la valeur nationale, le droit à compensation est calculé en multipliant d'abord, la valeur nationale du point groupe iso-ressources dépendance par le groupe iso-ressources moyen pondéré départemental, et ensuite, le résultat ainsi obtenu par le nombre départemental de places dans les établissements relevant du I de l'article L. 313-12.

« III. - Pour les départements dont la valeur du point groupe iso-ressources dépendance est inférieure au montant de la valeur nationale, le droit à compensation est calculé en multipliant d'abord, la valeur départementale du point groupe iso-ressources dépendance par le groupe iso-ressources moyen pondéré départemental, et ensuite, le résultat ainsi obtenu par le nombre départemental de places dans les établissements relevant du I de l'article L. 313-12. 

« IV. - Chaque département reçoit 90 % du droit à compensation visé aux II et III. »

II. - La compensation complémentaire aux départements est assurée par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° 4, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 245-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 245-1-1. - À compter de 2010, les charges résultant pour les départements des prestations versées au titre de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles sont compensées sur la base des dépenses constatées aux derniers comptes administratifs connus des départements.

« La compensation versée au titre de l'alinéa précédent est ajustée par département, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges, dans les conditions prévues au II de l'article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. 

« Dans l'attente du calcul de cette compensation définitive au titre d'une année considérée, l'État assure mensuellement, à chaque département, le versement d'une somme calculée sur la base de la compensation complémentaire déterminée au titre de l'exercice précédent. »

II. - La compensation complémentaire aux départements est assurée par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. Au cours de la discussion générale, notre collègue Bernard Angels a fait référence à ces amendements, qui ne devraient pas déclencher de polémique au sein de cet hémicycle. Il s’agit de garantir le principe, dans ce projet de loi de programmation des finances publiques, de la compensation intégrale des dépenses sociales, à savoir le versement du RSA, de l’APA et de la PCH.

Je rappelle que, pour l’année en cours, le déficit de compensation du transfert de ces trois allocations s’élèvera à près de 6 milliards d’euros. Je ne donnerai pas davantage de chiffres, car il s’agit non pas d’une bataille de chiffres, mais de principe, qui relaie du reste la résolution votée les 20 et 21 octobre, lors du congrès annuel de l’Assemblée des départements de France à Avignon. Les présidents des conseils généraux, qui ont unanimement adopté ce texte, espèrent, par ce biais, être enfin entendus par le Gouvernement et le Parlement, afin qu’une solution satisfaisante soit élaborée.

L’équation est connue, le constat ayant été dressé dans le rapport Jamet : les dépenses sociales, que, par définition, les départements ne peuvent maîtriser, s’accroissent, alors que la pression s’organise sur des recettes de plus en plus contraintes.

Se pose également un problème de principe. Dans le programme du Conseil national de la résistance, qui a conduit à la création de la sécurité sociale, les dépenses individuelles sociales étaient assurées par la solidarité nationale. Aujourd’hui, ces dépenses sont de plus en plus souvent financées par les impôts locaux, dont on sait par ailleurs qu’ils sont profondément injustes, dans la mesure où ils ne tiennent pas compte des revenus des ménages et de leurs facultés contributives. La solidarité locale se substitue à la solidarité nationale, mettant ainsi en cause notre pacte social et républicain.

Quant au cinquième risque, dont le financement est toujours remis à plus tard par le Gouvernement, et qui n’est donc toujours pas programmé, il ne pourra pas prendre en charge l’ensemble des dépenses sociales. On ne peut donc plus s’en contenter.

Il convient en effet de protéger les départements de l’effet de ciseaux qu’ils connaissent fort bien et qui a été amplifié par la crise. Il faut trouver une solution pour calmer l’angoisse des départements, que ceux-ci soient dirigés par la gauche ou par la droite. Il y va de la solidarité nationale.

Quant à la proposition formulée à l’issue du rapport Jamet et qui consiste, pour les départements les plus en difficulté, à obtenir des avances remboursables conditionnées à la signature d’un contrat de stabilisation, il s’agit d’une réponse conjoncturelle à un problème structurel d’évolution des dépenses. Par ailleurs, notre débat précédent a bien illustré ce point, ces avances contribuent à éveiller une certaine suspicion concernant la gestion des départements. Il y aurait ceux qui gèrent bien et ceux qui gèrent mal. Les termes de ce débat bien connu ne sont pas acceptables ! Du reste, ce système n’a pas fonctionné, puisque, à ma connaissance, les présidents de conseils généraux ne se précipitent pas pour obtenir ces avances remboursables. Je crois qu’un seul département, les Ardennes, aurait sollicité le recours à ce dispositif, les autres y voyant bien évidemment une volonté de mise sous tutelle.

Selon moi, ces trois amendements, qui reprennent mot pour mot la résolution adoptée au congrès de l’Assemblée des départements de France, devraient faire l’unanimité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces trois amendements suscitent très certainement une adhésion assez franche des présidents de conseils généraux. Il n’a pas dû être trop difficile d’obtenir un accord général en la matière !

Cela étant, ces amendements ont-ils vraiment leur place dans le texte qui est en cours de discussion ? À la vérité, ils ont toutes les caractéristiques de cavaliers !

J’en viens au fond.

L’amendement n° 2 concerne la compensation des dépenses liées au versement du RSA, qui sont à la charge des départements. La loi prévoit que les charges résultant pour les départements de la généralisation du RSA seront compensées à l’euro près pour les années 2009 et 2010. La compensation sera, à compter de 2011, définitivement figée au niveau des dépenses constatées dans les comptes administratifs de l’année 2010.

Convenons-en, pour les années 2009 et 2010, ce mode de compensation est très protecteur pour les départements. À compter de 2011, il sera semblable à celui qui est mis en œuvre pour le RMI et respectera les obligations constitutionnelles de l’État en matière d’extension de compétences.

M. Jean-Michel Baylet. Dans la réalité, ce n’est pas le cas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Bricq, vos propositions seront au cœur de la discussion dont fera l’objet la proposition de loi que vous avez déposée sur ce sujet. Nous en discuterons, ainsi que d’autres textes, au cours des prochaines semaines.

La seule crainte que nous pouvons nourrir est celle d’une déresponsabilisation des départements si les dépenses sont remboursées à l’euro près. Selon moi, si cette orientation est la bonne, il conviendra néanmoins de prévoir une sorte de ticket modérateur, afin de responsabiliser les opérateurs.

L’amendement n° 3 concerne l’allocation personnalisée d’autonomie. La question du financement de la dépendance pèse lourdement sur les finances départementales. La mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque devrait déposer ses conclusions au cours des prochaines semaines.

Par ailleurs, nous aurons probablement l’occasion, monsieur le ministre, d’évoquer le financement de la dépendance à l’occasion de la réforme de la fiscalité sur le patrimoine. Nous devrons alors revoir les barèmes des droits de succession, dont la hausse pourrait apporter un début de réponse au problème posé.

Pour le reste, le dispositif tel que vous l’envisagez présente le même inconvénient de déresponsabiliser les opérateurs.

Enfin, à court terme, dans le but de soulager les départements le plus en difficulté, voici ce que M. le ministre envisageait il y a quelques jours devant l’Assemblée nationale : « Une commission a été créée, dont trois départements se sont déjà rapprochés pour voir de quelle manière ils pouvaient être accompagnés. Il n’est pas contestable que nous devrons, dans les semaines à venir ou, au plus tard, d’ici à la fin de l’année, offrir des réponses concrètes et développées pour permettre de franchir le cap, dans l’attente de la réforme de la dépendance. »

Cette question sera sans doute débattue dans les prochaines semaines lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 ou du projet de loi de finances rectificative.

Concernant l’amendement n° 4, qui vise à compenser intégralement les dépenses engagées au titre du versement de la prestation de compensation du handicap, je rappelle que la loi prévoit actuellement le versement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie de concours financiers aux départements pour contribuer au financement de cette prestation. Ces concours devraient atteindre 505 millions d’euros en 2010, assurant ainsi un taux de couverture d’environ 78,5 %.

Cet amendement, comme les deux précédents, présente l’inconvénient de déresponsabiliser totalement les départements dans leur gestion de la prestation de compensation du handicap, laquelle est remboursée à l’euro près. Je le répète, si nous décidons, le moment venu, de revoir les modalités de compensation des dépenses engagées par les conseils généraux, il faudra prévoir un ticket modérateur de responsabilisation.

Enfin, cet amendement, s’il était adopté, pourrait se révéler particulièrement coûteux pour l’État.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Au préalable, je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que votre politique, celle du Président de la République, celle du Gouvernement, menace réellement la démocratie et les services publics de proximité.

Vous nous tenez de beaux discours sur la réduction nécessaire des déficits. Or vous avez essayé, tout à l’heure, de pointer du doigt les collectivités locales alors que vous faites peser sur elles des charges qui incombent à l’État.

Je vous ai connu beaucoup plus critique sur ce sujet, mais il est vrai que les propos en question remontent à plusieurs mois, avant que vous n’ayez rejoint le Gouvernement ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Cette volonté de réduire l’action publique locale est illustrée par votre choix d’aggraver la situation financière des départements. Ces derniers sont confrontés à un effet de ciseaux qui ne cesse de s’amplifier et qu’aggravera encore ce projet de loi de programmation.

Les départements sont confrontés, d’une part, à une baisse importante de leurs recettes, et, d’autre part, à une forte croissance de leurs dépenses sociales, sur lesquelles ils ne disposent que de très faibles marges de manœuvre.

Or, si les départements sont tout à fait disposés à assurer leur mission de solidarité, ils ont besoin, pour ce faire, d’un soutien beaucoup plus important de l’État, et, surtout, plus sincère.

Les dépenses sociales liées au RSA, à l’APA et à la PCH, que les départements versent pour le compte de l’État, leur sont compensées à hauteur d’un peu plus de la moitié. Ainsi, fort injustement, l’État parvient à économiser plus de 6 milliards d’euros. En somme, le Gouvernement demande aux collectivités de faire toujours plus avec toujours moins ! Depuis 2002, les départements ont ainsi dû dépenser sur leurs recettes propres près de 20 milliards d’euros pour assurer la continuité du versement de ces prestations sociales fondamentales qui participent du socle républicain sur lequel repose notre démocratie.

En effet, certaines dépenses, comme celles qui sont liées au versement de l’APA, progressent de plus de 8 % par an, sans pour autant que les recettes augmentent dans les mêmes proportions.

M. Paul Blanc. Vous ne l’aviez pas prévu lors du vote de la loi !

M. Jean-Marc Todeschini. On essaie de le corriger, mon cher collègue. Tout le monde peut évoluer !

Ainsi, sans l’instauration d’un mécanisme de compensation réelle pour ces trois allocations individuelles de solidarité, de nombreux départements seront très rapidement dans l’incapacité de verser les sommes liées au RSA, par exemple, non parce qu’ils suivent une stratégie d’opposition, mais parce qu’ils ne pourront plus faire autrement !

Aussi, et comme l’ont exigé unanimement les membres de l’Assemblée des départements de France, qui s’est réunie dernièrement en congrès à Avignon, il est impératif de poser les principes d’un rééquilibrage du financement des trois allocations individuelles de solidarité : l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active.

Avec la suppression de la taxe professionnelle, monsieur le ministre, vous complétez l’exercice d’asphyxie par le gel des dotations de l’État. En privant totalement les collectivités locales de ressources propres et en les faisant dépendre financièrement de l’État, vous mettez fin à leur autonomie financière et, surtout, à leur autonomie politique. Voilà le souhait du Président de la République et du Gouvernement ! Vous voulez faire porter le chapeau de votre politique d’austérité aux collectivités territoriales, qui sont mieux gérées que l’État : faut-il vous rappeler que leur dette ne représente que 10 % de la dette publique ?

C’est pourquoi, contrairement à ce que pense M. le président de la commission des finances, il me paraît important d’adopter ces amendements qui visent à compenser intégralement les conseils généraux des dépenses réellement constatées au titre de la PCH, du RSA et de l’APA. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous refusez la demande des départements. Je rappelle que c’est l’État, et non pas ces derniers, qui fixe, par la loi, les conditions d’attribution de ces trois prestations sociales. Que les départements disposent ensuite d’une certaine marge de manœuvre pour mettre en œuvre certaines politiques d’accompagnement, c’est un fait, mais ils n’ont aucune prise sur des dépenses publiques résultant d’obligations décidées par l’État.

Vous refusez de nous confirmer cet après-midi ce que vous nous dites pourtant depuis plusieurs années : vous voulez que les collectivités territoriales contribuent à la réduction de la dépense publique, et ce sans prendre en compte le fait que l’État leur a imposé bon nombre d’obligations.

Je n’admets pas que certains puissent prétendre que, si les collectivités ne sont plus en mesure de faire face à leurs obligations, ce serait par manque de responsabilité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On ne peut pas faire autrement, ma chère collègue !

Mme Marie-France Beaufils. Si, monsieur le président de la commission, il est possible de faire autrement ! Nous vous avons dit tout à l’heure qu’il existe, selon nous, d’autres moyens pour équilibrer le budget en agissant sur les recettes. C’est un débat de fond que nous engagerons lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011.

En tout cas, le groupe CRC-SPG votera ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Baylet. Les Radicaux voteront eux aussi ces trois amendements. Monsieur le ministre, même si le débat ne porte pas exactement sur la situation spécifique des départements, il est important que le Gouvernement entende enfin le cri désespéré des conseils généraux. Il n’est pas anodin que, la semaine dernière, le congrès de l’Assemblée des départements de France ait adopté à l’unanimité de ses cent deux membres une résolution demandant au Président de la République et au Gouvernement de bien vouloir prendre enfin en compte la situation des départements.

Avec ces trois amendements relatifs à l’APA, au RSA et à la PCH, nous sommes là au cœur du problème.

Les départements sont le bras armé de l’État en matière de politique sociale. Alors qu’ils ne font qu’appliquer des décisions prises par celui-ci, reconnaissons qu’ils s’acquittent, en règle générale, fort convenablement de cette mission, ce que nul ne conteste d’ailleurs. L’État a beau jeu de se montrer fort généreux puisque ce n’est pas lui qui paie ! Les départements assument cette situation assez inédite, mais encore faudrait-il que l’État respecte ses engagements. Lorsqu’a été créée l’APA, financée à parts égales par l’État et les départements, que n’a-t-on entendu ! Aujourd’hui, ceux-ci supportent plus des deux tiers de ces dépenses, contre moins d’un tiers pour l’État.

Je connais la rigueur et la précision de M. le président de la commission, mais je me permets de lui dire que le RSA est loin d’être compensé à l’euro près ; il l’est aujourd’hui à hauteur d’environ 80 %, les départements assumant le reste. Les montants en jeu sont considérables, surtout si l’on y ajoute les sommes versées au titre de la PCH.

Aujourd’hui, les départements consacrent plus de la moitié de leurs dépenses à leur politique d’action sociale, alors que, autrefois, la même proportion était consacrée à leur fonctionnement. J’entends bien que des initiatives pourraient être prises pour conduire ces politiques avec plus de réserve – je n’emploie pas le mot « rigueur », parce qu’il ne faut laisser personne sur le bord de la route, surtout en ces temps de crise. Parallèlement, il me semblerait être « de bonnes mœurs » que l’État tienne ses engagements vis-à-vis des départements, ce qu’il ne fait pas actuellement.

Le Sénat s’honorerait de voter ces amendements qui, s’ils étaient adoptés, auraient le mérite de placer le Gouvernement devant ses responsabilités en le contraignant à compenser enfin les dépenses d’action sociale des départements. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Comme cela vient d’être rappelé, la résolution adoptée à l’issue du congrès de l’Assemblée des départements de France constitue une démonstration éloquente de la gravité de la situation politique qu’ont décrite les deux orateurs qui m’ont précédé.

À l’intention du ministre, je répète ce chiffre pour qu’il entre définitivement dans son logiciel interne : le RSA, l’APA et la PCH coûteront au département de la Haute-Garonne 400 millions d’euros par an entre 2008 et 2010. Ce n’est pas une paille ! Il n’y a rien de plus faux que de prétendre que cette situation est normalisée en 2009 et 2010 et que ces trois amendements sont pour ainsi dire étrangers au texte que nous examinons. Sans vouloir se montrer particulièrement défiante à l’égard du Gouvernement, l’opposition a appris à accueillir avec la plus grande prudence ses engagements.

Dès lors que M. le président de la commission des finances reconnaît lui-même que les auteurs de ces amendements dressent un diagnostic exact de la situation des départements, tordons tant soit peu le cou à l’orthodoxie du texte et votons ces amendements ! Du reste, une telle démarche, parce qu’elle serait le signe d’une certaine honnêteté intellectuelle et d’un souci d’équité de la part du Gouvernement, serait peut-être susceptible de le réconcilier peu ou prou avec les départements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission, quand vous nous dites que, s’ils étaient adoptés, ces amendements déresponsabiliseraient les départements, je ne vous reconnais pas. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Vous-même, lorsque nous avons débattu des assistantes maternelles, vous vous êtes élevé contre l’imposition de nouvelles contraintes normatives aux départements. Aujourd’hui, vous soulignez bien que les départements n’ont aucune prise sur les dépenses dites « de guichet », puisque, le cas échéant, celles-ci sont un droit pour ceux qui remplissent les conditions légales pour en être les attributaires.

Retirez donc cet argument de la déresponsabilisation, qui n’est pas sérieux. Ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les quatre prochaines années est l’occasion d’un débat réfléchi sur les collectivités locales. .Aussi, loin de constituer des cavaliers législatifs, ces trois amendements ne font que rappeler un principe sain, qui aurait toute sa place dans un tel texte. Il faudra ensuite trouver les moyens correspondants chaque année en loi de finances…

En tout cas, je le répète, parler de déresponsabilisation des départements n’est pas acceptable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 4
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 6

Article 5

(nouveau). - Les dépenses du budget général de l’Etat et les prélèvements sur recettes ne peuvent, à périmètre 2010, excéder 352,3 milliards d’euros, pour chacune des années 2011, 2012, 2013 et 2014, en euros de 2010. Ce montant est actualisé en fonction de la prévision d’indice des prix à la consommation hors tabac associée au projet de loi de finances pour l’année concernée.

II.- Hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l’État, ces dépenses et prélèvements sur recettes sont, à périmètre constant, au plus égaux à 274,8 milliards d’euros. – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 7

Article 6

(Non modifié)

En 2011, 2012 et 2013, les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l’État respectent, à périmètre constant, les montants suivants, exprimés en milliards d’euros :

Programmation pluriannuelle (périmètre constant 2010)

Projet de loi de finances pour 2011 (périmètre courant)

Autorisations d’engagement

(AE)

Crédits

de paiement

(CP)

Dont contribution au compte d'affectation spéciale Pensions

(CP CAS)

AE

CP

CP

CAS

2011

2012

2013

2011

2012

2013

2011

2012

2013

Action extérieure de l'État

2,95

2,89

2,88

2,95

2,91

2,89

0,13

0,13

0,14

2,96

2,97

0,13

Administration générale et territoriale de l'État

2,64

3,02

2,48

2,52

2,76

2,49

0,50

0,51

0,54

2,57

2,45

0,50

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

3,42

3,41

3,32

3,50

3,44

3,36

0,24

0,25

0,27

3,59

3,67

0,23

Aide publique au développement

4,58

2,76

2,68

3,34

3,34

3,34

0,03

0,03

0,03

4,58

3,34

0,02

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

3,33

3,21

3,11

3,33

3,21

3,11

0,04

0,04

0,04

3,31

3,32

0,03

Conseil et contrôle de l'État

0,62

0,59

0,64

0,59

0,60

0,61

0,12

0,12

0,13

0,61

0,59

0,12

Culture

2,73

2,59

2,64

2,70

2,70

2,71

0,18

0,19

0,19

2,71

2,67

0,18

Défense

41,98

38,04

38,74

37,42

38,04

38,74

7,27

7,53

7,73

41,99

37,42

7,26

Direction de l'action du Gouvernement

0,95

0,54

0,55

0,58

0,59

0,60

0,03

0,03

0,04

1,53

1,11

0,05

Écologie, développement et aménagement durables

10,27

9,77

9,78

9,76

9,73

9,71

0,94

0,96

1,00

10,04

9,53

0,93

Économie

1,93

1,90

1,88

1,93

1,91

1,89

0,23

0,24

0,25

2,06

2,06

0,23

Engagements financiers de l'État

46,93

52,03

56,73

46,93

52,03

56,73

0,00

0,00

0,00

46,93

46,93

0,00

Enseignement scolaire

61,91

62,05

62,67

61,80

62,10

62,71

16,25

16,70

17,54

61,91

61,80

16,25

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11,68

11,55

11,56

11,71

11,59

11,57

2,45

2,51

2,62

11,72

11,75

2,45

Immigration, asile et intégration

0,56

0,55

0,54

0,56

0,56

0,55

0,01

0,01

0,01

0,56

0,56

0,01

Justice

8,76

9,68

10,03

7,10

7,30

7,33

1,29

1,35

1,43

8,80

7,13

1,29

Médias, livre et industries culturelles

1,43

1,24

1,23

1,44

1,26

1,18

0,00

0,00

0,00

1,45

1,46

0,00

Outre-mer

2,14

2,16

2,19

1,98

2,03

2,10

0,03

0,05

0,05

2,16

1,98

0,03

Politique des territoires

0,34

0,33

0,30

0,32

0,34

0,31

0,00

0,00

0,00

0,36

0,33

0,00

Provisions

0,26

0,07

0,07

0,26

0,07

0,07

0,00

0,00

0,00

0,26

0,26

0,00

Recherche et enseignement supérieur

25,04

25,30

25,49

24,86

25,08

25,28

1,16

1,19

1,25

25,37

25,19

0,58

Régimes sociaux et de retraite

6,03

6,24

6,53

6,03

6,24

6,53

0,00

0,00

0,00

6,03

6,03

0,00

Relations avec les collectivités territoriales

2,57

2,56

2,59

2,52

2,51

2,52

0,00

0,00

0,00

2,56

2,51

0,00

Santé

1,22

1,22

1,22

1,22

1,22

1,22

0,00

0,00

0,00

1,22

1,22

0,00

Sécurité

16,83

16,92

17,30

16,83

17,01

17,27

5,29

5,53

5,82

16,82

16,82

5,28

Sécurité civile

0,46

0,42

0,44

0,44

0,45

0,46

0,04

0,04

0,05

0,46

0,43

0,04

Solidarité, insertion et égalité des chances

12,52

12,95

13,36

12,52

12,95

13,37

0,27

0,28

0,29

12,37

12,37

0,20

Sport, jeunesse et vie associative

0,40

0,41

0,45

0,41

0,42

0,46

0,00

0,00

0,00

0,41

0,42

0,00

Travail et emploi

12,35

10,07

9,32

11,54

10,11

9,27

0,17

0,17

0,18

12,24

11,46

0,16

Ville et logement

7,65

7,63

7,61

7,61

7,56

7,50

0,00

0,00

0,00

7,65

7,61

0,00

Pour mémoire : Pouvoirs publics

1,02

1,02

1,02

1,02

1,02

1,02

0,00

0,00

0,00

1,02

1,02

0,00

 – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article additionnel après l'article 7

Article 7

Pour chacune des années 2011 à 2014, est stabilisé en valeur, à périmètre constant, l’ensemble constitué par :

1° Les prélèvements sur recettes de l’État établis au profit des collectivités territoriales, à l’exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ;

2° La dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite sur la mission «Travail et emploi » ;

3° Les dépenses du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. La France est une République décentralisée. Dans cette République décentralisée un certain nombre de compétences sont déléguées aux collectivités locales. Une partie du service public de la République est déléguée aux collectivités locales. Dès lors, il est important que les moyens soient donnés pour que ces services soient rendus au plus près des citoyens.

Or, s’agissant de ces moyens, nous avons constaté que, depuis déjà trois ou quatre ans, on tente progressivement de restreindre les dotations qui sont allouées aux collectivités. Cela a commencé en 2008 par la suppression du contrat de croissance et de solidarité.

Puis, en 2009, c’est la dotation globale de fonctionnement que le Gouvernement a remise en question en supprimant son indexation.

De plus, par la loi de programmation des finances publiques 2009-2012, vous avez élargi l’application de la règle d’évolution « zéro volume » à l’ensemble des concours financiers de l’État, dont le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.

En outre, le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait, pour ces mêmes concours financiers hors TVA, une évolution égale non plus à l’inflation, mais à la moitié de l’inflation.

Enfin, et nous sommes au dernier acte de tout ce long processus, dans la loi de programmation des finances publiques pour 2011-2014 que nous discutons, vous renforcez la contrainte puisqu’elle prévoit la fameuse règle du « zéro valeur ».

Dès lors, contrairement à ce qui a pu être dit quant à un prétendu harcèlement de l’État de notre part, nous assistons, depuis trois ou quatre années, à l’acharnement mis par le Gouvernement à réduire les moyens des collectivités territoriales.

Nous nous interrogeons dans la mesure où cette politique restrictive et culpabilisatrice apporte peu de réponses à la vraie question. Alors que la France est très endettée et supporte un énorme déficit public, on peut se demander si ce sont les collectivités locales qui contribuent à ce déficit public et à cet endettement ? La réponse est très clairement négative.

Notre inquiétude tient évidemment à cette constatation et à l’inefficacité de la mesure de gel par rapport à l’objectif qui est visé dans cette loi de programmation.

Au demeurant, nous avons une autre inquiétude sur laquelle j’attire votre attention, mes chers collègues. Quand on réduit les ressources et les moyens donnés aux collectivités, on met en difficulté, tout d’abord, les collectivités les plus pauvres.

Ainsi, la norme « zéro valeur » qui va limiter les moyens d’action des collectivités aurait été plus acceptable si avait été mis en place quelque mécanisme de péréquation. C’est bien là notre sujet de préoccupation.

Jusqu’à présent, le Gouvernement a refusé de faire évoluer les mécanismes de péréquation. Il n’est donc pas en mesure d’apporter aux collectivités les plus modestes les légitimes compensations qui seraient nécessaires pour compenser les effets pervers que va entraîner l’application de la norme « zéro valeur ».

Monsieur le ministre, notre inquiétude porte donc également sur les difficultés supplémentaires que vont connaître les communes les plus modestes pour assurer le service public de proximité.

Sans réponse en matière de péréquation, il est moralement inacceptable de mettre en place ce dispositif de gel qui sera insupportable pour les communes les plus modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous sommes sur un texte de programmation pluriannuelle des finances publiques. Qui peut contester l’impératif de mettre le cap sur l’équilibre des finances publiques ? Je comprends que, pour vous, maîtriser la dépense publique soit un exercice impossible. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Mais, c’est précisément ce type d’attitude qui est anxiogène pour nos concitoyens car ils ont le sentiment que nous ne sommes pas à la hauteur de nos responsabilités.

La commission des finances considère que, puisque nous avons un objectif de gel des dépenses de l’État, si l’on devait laisser progresser les concours aux collectivités territoriales, ce serait forcément au détriment d’autres dépenses et d’autres engagements de l’État.

La commission des finances ne vous suivra donc pas sur ce terrain-là car l’ardente obligation qui nous incombe, c’est de nous engager, le plus rapidement, dans la voie de l’équilibre des finances publiques. Dites-vous bien que le surendettement de l’État risquerait, s’il devait se prolonger, de peser lourd sur l’endettement des collectivités territoriales, je pense, en l'occurrence, aux taux d’intérêt.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je suis très surprise des propos que vient de tenir le président de la commission des finances.

Les collectivités territoriales ont essentiellement pour rôle un apport en services publics.

Pendant toute la période de la crise, vous nous avez dit que les collectivités locales, avec les services publics qu’elles rendent à la population, avaient eu un rôle social important permettant d’amortir les effets de la crise. Et aujourd’hui, vous nous dites qu’il n’est pas possible de continuer à accompagner les actions que nous menons tout simplement pour répondre aux besoins de la population. Mais alors, il n’y aura plus d’amortisseur à la crise. Or nous n’en sommes pas complètement sortis.

Tout à l’heure, j’ai fait allusion à l’Observatoire des finances locales. Vous le savez comme moi – André Laignel en a fait part au comité des finances locales – a été constaté un début de diminution de l’investissement des collectivités territoriales.

Elles commencent à étaler leurs investissements parce qu’elles n’ont plus les moyens d’y faire face. Vous savez aussi bien que moi, cela entraîne des conséquences dans le domaine des travaux publics et donc sur l’emploi, ce qui aura évidemment, en retour, des incidences sur les recettes de l’État.

Ainsi, en affaiblissant les collectivités territoriales, qui ne sont pas responsables de l’aggravation du déficit de l’État, on crée les conditions d’une diminution des capacités de l’État à redresser sa situation. C’est pourquoi je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je crois que l’on ne peut pas considérer de façon manichéenne la gestion des finances publiques dans la mesure où, depuis ces dernières années, se sont succédé des gouvernements de gauche et de droite – de droite depuis fort longtemps. Et, si l’on considère l’équilibre des comptes publics, des finances publiques et de la sécurité sociale, on s’aperçoit que la gauche n’a aucune leçon à recevoir.

Par ailleurs, force est de constater que nous sommes, aujourd’hui, dans une situation difficile, dans une situation de crise économique qui s’impose à tous et qui a pour conséquence de mettre à mal les finances publiques, finances de l’État ou finances des collectivités locales. Je crois que nous pouvons tous être d’accord sur ce constat.

Il n’en demeure pas moins que, au-delà de la crise qui n’explique pas tout, certaines orientations politiques, certains choix politiques effectués par le Gouvernement sont à l’origine des déséquilibres des finances publiques.

Aujourd’hui, d’après ce que l’on entend, le Gouvernement veut faire des efforts pour sortir de la crise et aller de l’avant.

Cependant, l’une des conditions pour sortir de la crise serait que les collectivités locales aient les capacités d’investir, de lancer des appels d’offres, et que les entreprises obtiennent des marchés.

On sait très bien que plus de 70 % de l’investissement public civil est réalisé par les collectivités locales. La suite de choix politiques – la suppression de la taxe professionnelle ; le manque de dynamiques dans les départements ; la non-compensation des allocations universelles de solidarité que les départements font au nom de l’État ; maintenant, le gel de ces dotations – va avoir pour conséquence le ralentissement du rythme de l’investissement public dans notre pays.

S’il y a moins d’investissement public, il y aura moins de marchés publics, et donc moins d’entreprises travailleront, tout cela ira à l’encontre de ce que je pourrais appeler le cercle vertueux de l’économie et de l’investissement public. En revanche, si l’on accorde aux collectivités locales les moyens d’investir, elles donneront du travail aux entreprises, ce qui renforcera notre économie.

Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés, et c’est la raison pour laquelle les amendements qui, tout à l’heure, visaient la compensation de l’ensemble des dotations de solidarité, étaient importants pour nous.

Le président Arthuis le sait très bien, puisqu’il est lui-même président de conseil général. Aujourd’hui, les départements sont en difficultés. Le congrès de l’Assemblée des départements de France qui s’est réuni, il y a une dizaine de jours, à Avignon, en a fait le constat unanime. Ce constat, qui pouvait apparaître comme partisan, est désormais partagé par tous, toutes tendances politiques confondues : le compte n’y est pas ; l’État ne paye pas ce qu’il doit aux départements pour les allocations universelles de solidarité.

On attend les décisions que pourra prendre le Gouvernement sur le cinquième risque ou sur d’autres sujets. Vous-même, monsieur le président Arthuis, vous avez des propositions à faire.

Mais, lorsque l’on en vient au gel en valeur des dotations de l’État aux collectivités locales, on sait très bien que la première conséquence en sera la baisse de l’investissement, donc la baisse de l’activité économique. Si ce gel des dotations est maintenu, de nombreuses collectivités connaîtront de grandes difficultés et devront rogner sur le service public départemental. Or, lorsqu’une collectivité locale rogne sur le service public, la cohésion, le lien social et le lien territorial sont mis à mal.

Voilà pourquoi nous sommes favorables à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement concerne le FCTVA. Pour la période 2011-2014, le Gouvernement a choisi d’exclure le FCTVA de l’enveloppe des dotations soumise à la règle « zéro valeur ». Encore une fois, cette décision a été prise sans concertation préalable avec les collectivités, puisque les élus locaux l’ont appris seulement lors de la présentation du budget par vos soins, monsieur le ministre, le 27 septembre dernier au comité des finances locales.

Il est vrai que l’inclusion du FCTVA dans l’enveloppe fermée des dotations dans la précédente loi de programmation était vivement critiquée par les élus locaux, mais également sur ces bancs, puisque les sénateurs socialistes, chaque année, en ont demandé l’exclusion.

On sait que le FCTVA assure le remboursement de la TVA payée par les collectivités territoriales. Or, ces dernières années, les collectivités qui disposaient encore de quelques marges budgétaires ont participé pour plus de 70 % à l’effort d’investissement public. Par conséquent, le FCTVA connaissait une évolution dynamique. Ce besoin de financement pesait non pas sur l’État, mais sur les collectivités territoriales qui voyaient diminuer d’autant leurs autres dotations.

Dans ce contexte dynamique, la demande d’exclusion du FCTVA était légitime. Néanmoins, le Gouvernement a constamment refusé de donner raison à nos demandes.

Nous devrions donc nous réjouir de la sortie du FCTVA de l’enveloppe pour les années 2011-2014.

Mais, en regardant bien les choses, on s’aperçoit que c’est en fait le résultat d’une gestion opportuniste de la question.

Comme il était prévisible, la rigueur imposée aux collectivités territoriales aura raison de leur investissement, par conséquent, leur niveau de dépenses diminuant, le FCTVA sera amené à diminuer dans les prochaines années. Dès 2011, il baissera de plus de 3 %.

La poursuite de la politique conduite jusqu’en 2010 aurait, l’année prochaine, profité aux collectivités territoriales en permettant l’augmentation des autres dotations.

Cet amendement, qui est à nos yeux légitime et raisonnable, vise donc à restituer aux collectivités les 200 millions d’euros de recettes qu’elles vont perdre du fait du tour de passe-passe auquel se livre le Gouvernement avec le présent projet de loi de programmation.

M. François Marc. Et ce alors même que, depuis des années, le Gouvernement se refuse à exclure le FCTVA de l’enveloppe fermée.

Cette exclusion, décidée aujourd’hui par le Gouvernement, nous semble très difficile à accepter dans le contexte de gel des dotations qui est appliqué par ailleurs. Considérant la situation nouvelle créée par ce gel et le « zéro valeur », nous souhaitons que le FCTVA soit maintenu dans l’enveloppe fermée pour les trois ans qui viennent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement.

Monsieur le ministre, il n’est vraiment pas facile de satisfaire les sollicitations de certains de nos collègues. Ces dernières années, nous avons maintes fois entendu, sur toutes les travées du Sénat, l’appel fait au Gouvernement de sortir le FCTVA de l’enveloppe normée. À peine ce vœu est-il exaucé qu’il est immédiatement contesté. Et nos collègues socialistes déposent un amendement visant à maintenir le FCTVA dans l’enveloppe normée.

M. Gérard Longuet. C’est honteux !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà une contradiction qui m’étonne de votre part, monsieur Marc.

Mme Nicole Bricq. Nous nous sommes expliqués !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, nous tenons notre mandat des élus locaux, maires et conseillers généraux, mais nous devons expliquer aux élus du territoire que la France traverse un moment difficile, qu’il faut en finir avec l’illusionnisme collectif à crédit. Il faut leur dire que nous avons collectivement le devoir de réduire nos déficits, d’amorcer un processus de désendettement, car le surendettement d’un État, c’est la perte de l’indépendance de la nation.

Voilà pourquoi, monsieur Marc, la commission des finances vous demande de renoncer à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable !

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Le président de la commission des finances semble mettre en cause la légitimité de notre démarche.

Dans le contexte actuel de raréfaction des moyens budgétaires, priver les collectivités de 200 millions d'euros supplémentaires mérite attention. Le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, ne peut pas être indifférent au fait que le tour de passe-passe auquel se livre le Gouvernement cette année est préjudiciable aux collectivités.

Monsieur le ministre, vous ne l’auriez pas fait sans la décélération actuelle de l’investissement. Vous sortez le FCTVA de l’enveloppe fermée, car cette décision profite au budget de l’État, mais elle représente un préjudice de 200 millions d'euros pour les collectivités.

Notre amendement a donc toute sa légitimité. C’est un amendement sérieux, qui tient compte des besoins réels des collectivités.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, si l’on avait progressé en matière de péréquation, nous n’aurions pas présenté semblable revendication. Mais vous refusez toujours d’avancer sur ce terrain. C’est bien là le fond du problème. Vous laissez les collectivités pauvres dans leur misère. Il nous faut donc les défendre bec et ongles afin qu’elles conservent les centaines de millions d’euros que vous leur retirez ici et là.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. L’article 7 du projet de loi met en application la règle du « zéro valeur », issue du rapport Carrez-Thénault et reprise par le Président de la République lors de la Conférence sur le déficit du 20 mai dernier.

Cette règle, chacun le sait, vise purement et simplement à geler en valeur l’évolution des dotations financières de l’État aux collectivités territoriales.

Depuis que l’UMP est arrivée au pouvoir, en 2002, elle n’a eu de cesse de réduire le rythme d’évolution de l’enveloppe normée. Désormais, l’indexation est nulle : la majorité des collectivités verront donc leurs dotations baisser, ce qui aura immanquablement pour effet de fragiliser leurs budgets et de réduire fortement leurs capacités d’action dans de nombreux domaines.

Mais la politique de désengagement de l’État à l’égard des collectivités locales ne s’arrête pas là. Non seulement le Gouvernement veut réduire à néant l’indexation des dotations, mais il cherche en outre tous les moyens pour en diminuer encore davantage le montant.

Comme l’a souligné François Marc, exclure le FCTVA de l’enveloppe normée permet à l’État de réaliser une économie de 200 millions d’euros, mais cette décision aura des conséquences directes sur le budget de nombreuses collectivités locales. Cette stratégie confirme bien la volonté du Gouvernement de faire des dépenses locales une variable d’ajustement du budget de l’État.

Par ailleurs, le gel des dotations va se cumuler avec la réforme de la fiscalité locale. La suppression de la taxe professionnelle ne s’est pas seulement traduite par une baisse d’impôt coûteuse pour les finances publiques. Elle a aussi abouti à la réduction très forte de l’autonomie fiscale des collectivités.

Le gel des dotations aux collectivités locales va donc peser sur l’investissement public, dont elles réalisent, rappelons-le, plus de 70 %. Ces dotations se sont substituées au cours du temps à des impôts indexés sur l’inflation et sur la croissance. Il n’y a aucune raison de rompre avec cette indexation.

Les collectivités locales ne sont responsables ni des déficits ni de la dette. Leurs déficits n’ont pas augmenté et leur dette est aujourd’hui exactement du même montant qu’il y a trente ans, autour de 8 % du PIB, alors que la dette de l’État a explosé.

À un moment où l’État finance la moitié de ses dépenses courantes par le déficit, il est profondément scandaleux de reporter l’austérité sur des collectivités territoriales, qui, elles, ne s’endettent que pour investir.

Le gel des dotations est d’autant plus critiquable qu’il vise en réalité, aux côtés des autres volets de la réforme des collectivités territoriales, à mettre au pas les collectivités locales, afin de réaliser une véritable reprise en main politique des territoires. Cela va inexorablement contribuer à accentuer la situation de blocage, ce qui est fort regrettable !

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 8

Article additionnel après l'article 7

Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa de l'article 108 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, les mots : « constituant l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « constituant les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Mes chers collègues, voilà un amendement qui ne coûte rien ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Cet amendement est symbolique des relations qu’entretiennent l’État et les collectivités territoriales.

Chaque année, est annexé au projet de loi de finances initiale un rapport budgétaire, jaune en l’occurrence, retraçant la totalité des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Ce rapport est intitulé : « Effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales ».

Près de 74 milliards d'euros de concours financiers sont versés par l’État aux collectivités territoriales, auxquels il faut ajouter plus de 25 milliards d'euros de fiscalité transférée.

Ces sommes représentent pour leur majeure partie des compensations attribuées aux collectivités en raison de la suppression ou des dégrèvements de fiscalité locale ou encore des compétences qui leur ont été transférées.

La DGF, elle-même, dans sa construction historique, résulte de la suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires. Depuis, elle a intégré les nombreuses compensations de suppressions ou de dégrèvements intervenant du fait de l’État dans la fiscalité locale.

Les transferts de compétences intervenus dans l’acte I de la décentralisation ont principalement été compensés via la dotation générale de décentralisation. L’acte II de la décentralisation a pour sa part considérablement augmenté la part de la fiscalité transférée.

Comment, dans ces conditions, est-il possible de continuer à parler d’un « effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales », alors que, on l’a bien compris, il ne s’agit en réalité que de compensation ?

Le terme d’« effort » laisse croire à un sacrifice de l’État en faveur des collectivités territoriales. Or, en réalité, cette marche décentralisatrice s’est accompagnée d’une diminution des responsabilités de l’État et de la montée en puissance de l’action locale.

Il laisse également planer une insécurité budgétaire forte sur les collectivités territoriales, soumises à la bonne volonté de l’État qui, du jour au lendemain, peut décider de réduire son « effort ».

Il convient aujourd’hui de refonder les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, sous le signe de la responsabilité. Nous pourrions engager ce renouveau, que nous appelons de nos vœux, par l’adoption d’un langage respectueux de la part de chacune des parties. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer les termes « efforts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales » et de les remplacer par les termes « concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ».

MM. Jean-Pierre Fourcade et Claude Biwer. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les mots ont un sens et l’amendement de M. Marc ne me semble pas dénaturer le rapport. La commission y est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. N’ayant pas été convaincu par les arguments de M. Marc, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Article additionnel après l'article 7
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Article 9

Article 8

I. – L’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est fixé, à périmètre constant, aux montants suivants, exprimés en milliards d’euros :

2010

2011

2012

2013

2014

434,1

448,9

462,1

476,7

491,1

.

II. – (Non modifié) L’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est fixé, à périmètre constant, aux montants suivants, exprimés en milliards d’euros :

2010

2011

2012

2013

2014

162,4

167,1

171,8

176,6

181,6

.

III. – Pour garantir le respect des montants fixés au II, une partie des dotations relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est mise en réserve au début de chaque exercice. Son montant ne peut être inférieur à 0,3 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. – (Adopté.)

Chapitre III

L’évolution des recettes publiques

Article 8
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Article 9 bis

Article 9

I.– L’impact annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires, mentionnées dans le rapport prévu à l’article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances concernant la première année de la période de programmation et votées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1er juillet 2010, est au moins égal aux montants retracés dans le tableau ci-dessous, exprimés en milliards d’euros :

2011

2012

2013

2014

11

3

3

3

II. – (Non modifié) Le coût des dépenses fiscales est stabilisé en valeur à périmètre constant.

III. – (Non modifié) Le coût des réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement est stabilisé en valeur à périmètre constant. – (Adopté.)

Article 9
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Article 10

Article 9 bis

Nonobstant les dispositions de l’article 1er, les créations ou extensions de dépenses fiscales, d’une part, et les créations ou extensions de réductions, exonérations ou abattements d’assiette s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, d’autre part, instaurées par un texte promulgué à compter du 1er janvier 2009, ne sont applicables qu’au titre des quatre années qui suivent celle de leur entrée en vigueur. – (Adopté.)

Article 9 bis
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Article 11

Article 10

(Non modifié)

Les éventuels surplus, constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances de l’année ou de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État ou des cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit public. – (Adopté.)

Chapitre IV

Limitation du recours à l’endettement de certains organismes publics

Article 10
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Article 12

Article 11

I.– Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, ne peuvent contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, autres que l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l’État. Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s’applique cette interdiction.

II. – (Non modifié) Le 6° de l’article L. 6141-2-1 du code de la santé publique est complété par les mots : «, dans les limites et sous les réserves fixées par décret ». – (Adopté.)

Chapitre V

La mise en œuvre de la programmation

Article 11
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Article 12 bis

Article 12

I. – (Non modifié) Le Gouvernement présente chaque année au Parlement :

1° Au plus tard le premier mardi d’octobre, la prévision annuelle de coût retenue pour les dépenses fiscales de l’exercice à venir et de l’exercice en cours, ainsi que le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos ;

2° Au plus tard le 15 octobre, la prévision annuelle de coût retenue pour l’exercice à venir et l’exercice en cours des réductions, exonérations ou abattements d’assiette s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, ainsi que le montant du coût constaté, pour le dernier exercice clos, de ces réductions, exonérations ou abattements.

II. – (Non modifié) À cette occasion, il présente également un bilan des créations, modifications et suppressions de mesures mentionnées au I adoptées dans les douze mois qui précèdent ou prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l’année suivante.

III. – Dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de toute mesure mentionnée au I, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur au 1er janvier 2009, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011. – (Adopté.)

Article 12
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Article 13

Article 12 bis

À compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote. – (Adopté.)

Article 12 bis
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Article 14 (début)

Article 13

I A (nouveau). – Pour l’application de la présente loi, au titre d’une année donnée :

1° Si l’augmentation cumulée par rapport à 2010 des dépenses des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, hors administrations publiques locales, excède les montants prévus par le tableau ci-après, exprimés en milliards d’euros de 2010, cet excédent de dépenses peut être compensé par des mesures nouvelles supplémentaires au sens de l’article 9 :

2011

2012

2013

2014

5

10

15

20

Pour l’application des deux alinéas précédents, les montants des dépenses résultant du tableau ci-avant sont actualisés en fonction de la prévision d’indice des prix à la consommation hors tabac associée au projet de loi de finances pour l’année concernée.

2° Si le niveau cumulé des mesures nouvelles depuis 2011 est inférieur aux montants prévus à l’article 9, ce manque de ressources peut être compensé par une réduction des dépenses des administrations publiques, hors administrations publiques locales, par rapport aux montants prévus au 1°.

I. – Le Gouvernement établit et transmet chaque année au Parlement, avant le débat d’orientation des finances publiques, un bilan de la mise en œuvre de la présente loi. Ce bilan justifie les éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et la mise en œuvre de la présente loi.

Il est présenté dans un document unique et rendu public. Il fait le point sur la mise en œuvre de chacun des articles 3 à 11 et du I du présent article à compter de l’année 2011. Pour les articles 5, 6, 7 et 8, il indique en particulier les données d’exécution à périmètre constant.

Ce document dresse également un bilan de l’application des programmes de stabilité transmis à la Commission européenne en application de l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dont la période de programmation comprend la dernière année révolue. Il indique en particulier l’évolution des dépenses, au périmètre de l’année précédente et au sens de la comptabilité nationale, de l’Etat, des organismes divers d’administration centrale, des administrations publiques centrales, des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales, à compter de l’année 2010.

Si le Gouvernement estime qu’il existe un risque sérieux que les articles 4, 5, 6, 7, 8 ou 9 ne soient pas respectés en ce qui concerne l’année en cours ou les années suivantes, ce document indique les mesures qu’il entend prendre afin d'en assurer le respect pour l’année en cours et les années suivantes.

II. – (Non modifié) Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, les modalités de mise en œuvre des II et III de l’article 8.

III. – Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le premier mardi d’octobre, l’évaluation des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires mentionnées au I de l’article 9. Cette évaluation est présentée en prévision pour l’année suivante et, pour les années révolues, en exécution, à compter de l’année 2009. Dans les deux cas, elle distingue le coût de chacune des principales mesures nouvelles.

Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 5

Remplacer ces alinéas par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Pour l'application de la présente loi, au titre d'une année donnée :

1° Si les dépenses de l'État ou des régimes obligatoires de base de sécurité sociale excèdent les montants prévus à l'article 5 et au I. de l'article 8, ce dépassement peut être compensé par des mesures nouvelles supplémentaires au sens de l'article 9.

2° Si le niveau cumulé depuis 2011 des mesures nouvelles en recettes au sens de l'article 9 est inférieur aux montants prévus à cet article, il peut être compensé par une réduction des dépenses de l'État et des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale prévues à l'article 5 et au I. de l'article 8. 

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Le présent amendement reprend le principe de compensation entre efforts en recettes et en dépense introduit par la commission des finances du Sénat, mais précise son champ d'application en dépenses, en le limitant aux dépenses de l'État et des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sur lesquels le Gouvernement et le Parlement disposent de leviers directs d’action.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances ne peut que se réjouir de l’acceptation par le Gouvernement du principe de fongibilité, qui est un facteur de souplesse. Elle a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
Article 14 (fin)

Article 14

(Non modifié)

La loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 est abrogée – (Adopté.)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Article 14 (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
 

4

Renvoi pour avis

Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 84, 2010-2011), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

6

Débat sur les effectifs de la fonction publique

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les effectifs de la fonction publique, organisé à la demande de la commission des finances, par anticipation sur l’examen du projet de loi de finances.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie la conférence des présidents et le Gouvernement d’avoir accepté que nous débattions dès cette semaine de plusieurs thèmes qui devraient normalement être discutés dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

Ce débat sur les effectifs de la fonction publique nous permet d’anticiper sur l’examen des articles qui concernent les différents plafonds d’emplois sur lesquels le Parlement est appelé à voter.

Je rappellerai d’abord la teneur de ces dispositions, avant de procéder à quelques observations qui seront, successivement, de forme et de fond.

Commençons par les éléments qui figurent au sein du projet de loi de finances pour 2011.

L’article 47, article « d’équilibre », fixe notamment le plafond d’autorisation des emplois rémunérés de l’État. Ce plafond s’établit à 1 975 023 équivalents temps plein travaillé.

L’article 52 présente la déclinaison de ce plafond par mission budgétaire. Il prend la forme d’un tableau synthétique, conçu pour être amendé le cas échéant. Ce tableau fait apparaître que les plus importants employeurs de l’État sont, dans l’ordre : l’éducation nationale, la défense, l’intérieur et le pôle budget-économie. À eux seuls, les cinq ministères correspondant représentent 84 % des effectifs de l’État.

L’article 53 du projet de loi de finances fixe le plafond d’emplois des 584 opérateurs de l’État, conformément aux dispositions introduites sur l’initiative de notre ancien collègue Michel Charasse et applicables depuis 2009. Au total, il s’agit de 365 909 équivalents temps plein, soit l’équivalent de 18,5 % des effectifs de l’État. Plus des trois quarts de ces postes concernent la recherche et l’enseignement supérieur.

Enfin, l’article 54 fixe le plafond d’emplois des agents de droit local des établissements à autonomie financière, conformément à des dispositions introduites sur l’initiative conjointe de notre ancien collègue Michel Charasse et de notre collègue Adrien Gouteyron, et appliquées, la première fois, pour l’exercice 2010. Ce sont là 3 411 emplois.

Ces éléments appellent plusieurs séries de commentaires.

Je ferai tout d’abord des remarques d’ordre méthodologique, car les plafonds d’emplois fixés en loi de finances initiale, tels que je viens de les mentionner, prêtent à la critique.

En premier lieu, ces plafonds offrent une vision incomplète de l’emploi public national. Ainsi, par exemple, près de 98 000 agents des établissements scolaires, n’étant formellement rémunérés ni par l’État ni par ses opérateurs, se trouvent encore en dehors de tout plafond d’emplois.

En outre, les opérateurs conservent la faculté de recruter sur leurs ressources propres, hors plafond, des emplois non permanents. À ce titre, en 2011, les opérateurs de la recherche et de l’enseignement supérieur devraient disposer de près de 26 900 équivalents temps plein.

En deuxième lieu, l’unité de mesure étant différente pour chaque plafond, la comparaison entre eux s’avère approximative.

Je rappelle que les emplois de l’État sont mesurés en équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, que les emplois des opérateurs de l’État sont seulement décomptés en équivalents temps plein « simple », ou ETP, et que le plafond relatif aux établissements à autonomie financière ne vise que des « emplois », sans correction, et ne concerne que les agents de droit local recrutés à durée indéterminée.

En dernier lieu, ces plafonds sont l’objet de corrections techniques, d’une année sur l’autre, qui nuisent à la pertinence des comparaisons dans le temps. Par exemple, pour 2011, le plafond d’emplois du ministère de l’éducation nationale se trouve « techniquement » majoré de quelque 20 359 équivalents temps plein travaillé, soit plus de 2 % du plafond prévu pour le ministère. Cet ordre de grandeur laisse, convenons-en, dubitatif.

Il est prévu de supprimer 16 000 emplois à la rentrée prochaine. Ces constats nous rendent perplexes à propos de nos votes antérieurs. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous apaiser nos préoccupations sur ce point.

J’en viens au fond : sous ces importantes réserves liées au décompte, on constate que l’effort de diminution des effectifs de l’État se poursuit.

Le plafond d’emplois de l’État inscrit pour 2011 représente en effet, par rapport à celui de 2010, une réduction des effectifs à hauteur de 44 775 équivalents temps plein travaillé, soit 2,2 %. Cette diminution s’explique principalement par la reconduction de la règle de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

En cinq ans, le plafond d’emplois de l’État aura été abaissé de plus de 376 000 équivalents temps plein travaillé, soit 16 %. Entre fin 2007 et fin 2010, donc en trois ans, près de 100 000 postes auront été supprimés. Un effort équivalent – encore près de 100 000 suppressions – est prévu dans le cadre de la programmation triennale pour 2011-2013.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On doit noter que cette diminution des effectifs de l’État n’est pas compensée par des créations à due concurrence chez les opérateurs. Au contraire, à périmètre constant et hors secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, une diminution de 1,8 % de l’emploi sous plafond des opérateurs est prévue pour 2011.

Les suppressions de postes ne conduisent pas davantage à une perte de qualité du service rendu – ce point est très important. Le taux moyen de non-remplacement des fonctionnaires est bien de 50 %, mais la règle est adaptée pour chaque ministère, en fonction des priorités de l’action publique. Ainsi, 400 emplois seront créés au ministère de la justice, et aucune suppression de postes n’est programmée pour l’enseignement supérieur et la recherche.

J’ajoute que cette politique porte progressivement ses fruits sur le plan financier.

En 2009, la suppression de 100 000 postes par rapport à 2007 a induit une économie budgétaire brute de 860 millions d’euros. Pour 2010, l’économie est estimée à 890 millions d’euros et, de 2011 à 2013, à près de 3 milliards d’euros.

Ce faisant, les dépenses de personnel de l’État diminueront, entre 2010 et 2011, de 1,3 % en volume. La masse salariale s’établit à 81,1 milliards d’euros, soit une augmentation de 0,6 % en valeur, mais une diminution de 0,9 % en volume.

Cependant, ces économies sont absorbées par les mesures profitant aux agents... En 2011, les suppressions de postes engendreront 807 millions d’euros d’économies, mais 1,43 milliard d’euros sera versé aux agents, dont plus de 930 millions pour les mesures dites « catégorielles », au sens large, et 190 millions pour l’effet en année pleine de la revalorisation du point d’indice intervenue en 2010.

Les conditions de cette stabilisation, à l’horizon de 2013, paraissent claires, sous l’aspect technique, mais elles sont évidemment délicates à mener au plan social : il faudrait geler le point d’indice, et limiter les mesures catégorielles.

En outre, les fonctionnaires non remplacés deviennent des pensionnés de l’État. Les gains obtenus en matière d’évolution des rémunérations sont donc repris par la dynamique de l’évolution des pensions, qui croissent de plus d’un milliard d’euros par an.

Pour conclure, je voudrais souligner que la maîtrise des effectifs de l’État accompagne les évolutions structurelles en cours, notamment le partage des compétences avec les opérateurs et les collectivités territoriales. Les suppressions de postes s’inscrivent non seulement dans une démarche d’économies nécessaires, mais aussi dans la recherche d’une plus grande efficacité du fonctionnement des services et une modernisation de la gestion des ressources humaines.

Cette modernisation repose sur trois axes : une approche centrée sur les métiers, la mobilité des agents et l’intéressement aux gains de productivité.

La politique de l’État, en matière de fonction publique, ne se résume donc pas à des suppressions : elle poursuit, in fine, un objectif qualitatif.

M. Roland Courteau. C’est à voir !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme nous l’avons vu ce matin en commission avec l’examen des crédits de la recherche, les choix budgétaires, même quand les temps sont difficiles, ne sont par forcément aveugles.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après 100 000 postes supprimés depuis 2007, ce sont 100 000 nouveaux postes qui sont appelés à disparaître sur la période 2011-2013.

M. Jacques Mahéas. Un chiffre rond, comme un slogan publicitaire ! Une aberration alors que nous ne sommes pas sortis de la crise et qu’il faudrait au contraire soutenir l’emploi et la consommation !

M. Jacques Mahéas. Pour 2011, vous choisissez de supprimer 31 638 équivalents temps plein travaillé.

À manier la purge sans discernement, vous réincarnez peut-être Diafoirus, mais vous mettez surtout à mal des pans entiers de service public !

Cela n’a malheureusement rien d’étonnant, puisqu’il s’agit, une fois de plus, de stigmatiser la fonction publique, que vous résumez à une dépense excessive, d’où l’application constante du « raboter plus pour économiser plus » !

Dans son rapport d’information de juillet 2010 pour le débat d’orientation des finances publiques pour 2011, Philippe Marini est on ne peut plus explicite, puisqu’il intitule un passage « Les dépenses de personnels : un gisement à exploiter ? ». Une source d’économies potentielles, voilà à quoi vous réduisez la fonction publique !

Alors vous décentralisez, vous externalisez, vous privatisez... Tout est bon ! Qu’on en juge par le désastreux exemple de Pôle emploi, où vous avez fait appel à des opérateurs privés de placement peu concluants mais fort onéreux.

Votre conduite de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, tourne systématiquement à la réduction générale des effectifs. Un tout récent rapport d’information sénatorial de Mme la rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », intitulé « La RGPP dans les préfectures : pour la délivrance des titres, la qualité du service public est-elle en péril ? », s’avère ainsi très éclairant.

L’objectif pour la période 2009-2011 est de supprimer 2 107 emplois équivalents temps plein travaillé, portant sur trois métiers : la délivrance des titres d’identité, le contrôle de légalité et la gestion des fonctions support.

Je m’attarderai un instant sur le premier métier, pour déplorer une dégradation flagrante des délais de délivrance des titres d’identité. Le passeport biométrique était censé être réalisé en une semaine, contre deux à trois pour son ancêtre, le passeport électronique. En pratique, dans le département de la Seine-Saint-Denis, ces délais ont souvent atteint deux à trois mois.

De manière générale, le constat du rapport est sans appel : dans les préfectures, la RGPP conduit à des résultats qualifiés de « décevants, et même préoccupants » – page 63. Au point que le pari consistant à compenser les réductions de postes par des efforts de productivité, via une organisation plus performante des services et un recours accru aux nouvelles technologies, est « en passe d’être perdu » – page 61. D’où la préconisation, que je ne peux que soutenir, de « faire une pause » dans la RGPP et de ne pas mettre en œuvre une troisième vague de suppressions d’emplois prévue après 2011.

M. Jacques Mahéas. Revenons aux 31 638 postes promis à disparition pour 2011.

Faute de temps, je ne citerai que deux domaines qui m’inquiètent particulièrement, la sécurité et l’éducation.

La sécurité, censée être la priorité du Président de la République, n’est pas épargnée, malgré un bilan catastrophique en ce qui concerne les violences aux personnes, qui demeurent, elles, en hausse constante. Depuis le début de la RGPP, près de 5 000 équivalents temps plein ont disparu dans la police nationale. (M. Roland Courteau opine.) La vague 2011-2013 devrait déboucher sur 3 000 à 5 000 nouvelles suppressions de postes, ce qui pourrait ramener les effectifs au niveau de 1997. Or les missions de la police vont croissant, avec, par exemple, la mise en place des unités territoriales de quartier, les UTEQ. Résultat : en lieu et place des cent UTEQ prévues pour fin 2009, une trentaine d’unités seulement ont été créées. Fort heureusement, elles ont changé de nom et s’appelleront désormais des brigades spéciales de terrain, ce qui leur conférera à n’en pas douter une plus grande efficacité !

M. Roland Courteau. Cela change tout !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Vive la sémantique !

M. Jacques Mahéas. Tout cela manque de cohérence. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, le préfet de police a indiqué aux maires, lors d’une réunion, que le département comptait cinq cents policiers supplémentaires.

Dans le commissariat de Neuilly-sur-Marne et le bureau de police de Neuilly-Plaisance, nous n’avons pas vu l’ombre d’un nouveau policier. Et j’ai pu constater lors d’une récente visite que, la nuit, pour couvrir une population de 50 000 habitants, il y avait une permanence de huit policiers seulement, auxquels on peut à la rigueur ajouter la BAC si elle est disponible, et une autre voiture… Et pourtant ce département n’est pas sans connaître quelques problèmes en matière de sécurité.

Dans l’éducation nationale, 16 000 suppressions sont programmées, autant qu’en 2010. Depuis la rentrée 2007, ce ministère a déjà perdu 50 000 postes. Quel acharnement ! En juin, des documents internes incitaient les académies à « mobiliser les gisements d’efficience visant à respecter la contrainte du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux pour la période 2011-2013, sans dégrader les performances globales ».

Cette langue de bois dogmatique tourne au non-sens. On connaît les « leviers » utilisés, tous préjudiciables, de l’augmentation du nombre d’élèves par classe à la suppression d’options, en passant par le recours aux non-titulaires pour les remplacements, la suppression de postes d’enseignants dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, spécialisés contre l’échec scolaire, ou la diminution de la scolarisation des enfants de deux ans en maternelle. Tout à l’heure, j’évoquais auprès du ministre du budget la situation de Neuilly-sur-Marne : sur une classe d’âge, c’est-à-dire six cents enfants, nous en scolarisions auparavant la moitié. Désormais, nous avons besoin de trois cents places en crèche, soit cinq établissements, ce qui représente une centaine d’emplois au total. Et après, vous reprochez aux collectivités territoriales de trop embaucher ! Mais c’est par votre faute puisque vous n’accueillez plus les enfants de deux à trois ans ! (M. Roland Courteau opine.)

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Il faut créer des MAM ! (Sourires.)

M. Jacques Mahéas. Je pourrais citer de nombreux exemples.

La situation est déjà très tendue dans l’éducation nationale et de nombreux remplacements ne sont pas assurés. Les heures supplémentaires ont explosé ; la Cour des comptes a noté leur coût croissant : 140 millions d’euros de plus en 2009 ! Des inspecteurs généraux, dans un rapport sur la préparation de la rentrée 2010, révèlent que les rectorats multiplient les recours à des vacataires pour boucher les trous – pardonnez-moi l’expression, mais c’est exactement cela –, et que ces recours ont bondi de 31 % par rapport à l’année 2008-2009… Il s’agit d’une inadmissible gestion à la petite semaine !

Le 25 janvier dernier, je croyais pourtant avoir entendu M. Sarkozy affirmer sur TF1 : « Je suis tout à fait prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels. »

M. Jacques Mahéas. Neuf mois plus tard, la promesse n’a accouché d’aucun texte !

M. Roland Courteau. Ce n’est pas la première fois !

M. Jacques Mahéas. Le Gouvernement disposait pourtant du projet de loi sur le dialogue social dans la fonction publique. Dans un texte qui comporte désormais « diverses dispositions relatives à la fonction publique », des mesures concernant les non-titulaires auraient très bien pu trouver leur place. Vous avez bien trouvé de la place pour les dispositions relatives aux infirmières et aux infirmiers !

N’oublions pas qu’en dix ans la part des non-titulaires est passée de 14,4 % à 16,5 % dans l’ensemble de la fonction publique, ce qui représente tout de même 872 600 agents au 31 décembre 2008. Si l’on inclut les médecins hospitaliers, les ouvriers de l’État et les contrats aidés, leur nombre avoisinerait plutôt 1,2 million. Or beaucoup d’entre eux occupent des emplois permanents, ce qui justifie leur titularisation, comme le prévoient les statuts des trois fonctions publiques, et non l’octroi de cette bizarrerie que vous avez créée contre le statut, le CDI de droit public.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il y a une volonté de défaire le statut.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une nouvelle marotte, insistante, celle de reprocher aux collectivités territoriales de trop embaucher. Le 12 juillet, sur France 2, le Président de la République a ainsi fustigé « la politique d’augmentation du nombre de fonctionnaires » dans les collectivités et affirmé sa volonté que celles-ci « prennent la même règle que l’État », à savoir le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Comme la libre administration des collectivités ne vous donne pas le pouvoir d’imposer le « un sur deux », vous dégainez l’arme budgétaire en gelant le concours de l’État au fonctionnement des collectivités territoriales sur la période 2011-2013. Et vous faites savoir que ce concours financier pourrait par la suite être modulé afin de soutenir en priorité les collectivités qui auraient la gestion la plus vertueuse. Extraordinaire ! Autrement dit, c’est le règne annoncé de l’arbitraire ! Car appliquer aux collectivités un bonus-malus en fonction de leur vertu budgétaire supposerait déjà que l’on soit en mesure d’établir un critère incontestable de bonne gestion.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. J’en ai un, mais il est très personnel ! (Sourires.)

M. Jacques Mahéas. J’attends avec impatience que vous nous le révéliez ! (Nouveaux sourires.) Et que penser d’un État qui a transféré des emplois par milliers – plus de 100 000 ! – et se mêle de donner des leçons ?

Une enquête réalisée par le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, en avril 2009, indique ainsi que, « sur 100 agents présents dans les régions, 61 avaient été transférés entre fin 2005 et fin 2008 et 12 avaient été recrutés pour faire face aux besoins liés aux transferts ».

Je sais que vous allez brandir des chiffres hors transferts, mais je veux vous parler d’un phénomène plus sournois, celui des transferts que je qualifierais volontiers de dissimulés.

La méthode est habile : l’État se déleste de certaines de ses tâches, obligeant les collectivités à prendre le relais sans leur octroyer les moyens nécessaires, puis accuse ces mêmes collectivités de pallier ses défaillances en embauchant ! C’est ce que je viens de souligner, notamment, à propos de l’accueil des enfants de deux à trois ans que l’État n’assume plus, obligeant les collectivités locales à prendre le relais.

Moins de fonctionnaires d’État, donc… Mieux payés, osez-vous prétendre ! Ce n’est pas ce que constatent les organisations syndicales, qui ont claqué la porte des négociations salariales de juin dernier.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Elles n’ont jamais claqué la porte !

M. Jacques Mahéas. Comment ne pas les comprendre ? En effet, il n’y a rien à négocier quand vous gelez le point d’indice, au moins pour l’année 2011, alors que c’est le seul élément qui profite à tous les agents et entre dans le calcul de leur retraite. Et le même scénario se profile pour 2012 et 2013, puisque les plafonds de crédits des missions figurant à l’article 6 du projet de loi de programmation n’intègrent aucune revalorisation du point.

Les syndicats considèrent que la perte de pouvoir d’achat est de l’ordre de 9 % depuis l’an 2000. Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez pour votre part régulièrement qu’il n’en est rien et que des chiffres bien connus prouvent le contraire. Puis-je profiter de l’occasion qui m’est offerte pour vous demander communication de ces fameux chiffres ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne manquerai pas de vous les communiquer !

M. Jacques Mahéas. J’ai posé à ce sujet une question écrite à M. Woerth en février dernier ; elle reste toujours sans réponse.

Ce qui est certain, c’est que la réforme des retraites qui vient d’être votée ne fera qu’empirer la situation salariale des agents en raison de l’augmentation de leur taux de cotisation vieillesse, même lissée sur dix ans. J’ai eu l’occasion de le démontrer : une augmentation de 0,26 % chaque année correspond certes à une augmentation de seulement 6 euros par mois, comme vous vous plaisez à le dire, mais, au bout de dix ans, cela revient à 60 euros par mois, soit 720 euros par an.

Monsieur le secrétaire d’État, en conclusion du débat sur la réforme des retraites, vous affirmiez ici-même : « Celle-ci participera au grand chantier de modernisation de la fonction publique. »

Modernisation ? Après la convergence, c’est donc le nouveau masque que vous mettez sur ce qui n’est que régression !

J’ai déjà cité la perte de pouvoir d’achat occasionnée par la hausse de cotisation, mais s’y ajoutent le recul de l’âge de départ, y compris pour les catégories actives, le recul de l’âge du taux plein, la réforme du minimum garanti au détriment des plus petites pensions, ainsi que la fin du départ anticipé pour les parents de trois enfants ayant effectué quinze années de services effectifs.

Depuis que nous avons instauré dans cet hémicycle un débat sur les effectifs de la fonction publique, je n’en comprends toujours pas la finalité. À quoi bon débattre quand vous ne fonctionnez qu’au rabot, quelles que soient les conséquences néfastes sur les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu. Vous avez fait du « un sur deux » l’alpha et l’oméga de votre politique, jusqu’à l’absurde. C’est cette gestion irraisonnée des ressources humaines que dénonce d’ailleurs la Cour des comptes dans un rapport publié en décembre dernier, dressant un état des lieux des effectifs de l’État entre 1998 et 2008. La Cour constate le « recours à des mesures à caractère général, essentiellement quantitatives et d’application uniforme ». Elle déplore que « d’un outil, la norme [soit] devenue progressivement un objectif » et que l’ajustement des effectifs « ne s’opère pas avant tout au regard d’une analyse – qui souvent reste à faire – des besoins correspondant aux missions, mais en fonction, presque exclusivement, de considérations démographiques et de contraintes macro-économiques ».

C’est pourquoi il serait grand temps de revenir sur ce dogme du sarkozysme qui, à l’instar du bouclier fiscal, a fait long feu !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mahéas. Pour conclure, je crains que cet aveuglement ne soit le révélateur d’un malentendu fondamental sur le rôle de l’État. Vous vous acharnez à soumettre la fonction publique à des normes comptables, à en éteindre les spécificités, à la traiter comme n’importe quelle entreprise privée soumise au rendement.

M. Claude Domeizel. Comme d’habitude !

M. Jacques Mahéas. Dans cette dérive, vous oubliez qu’elle incarne l’intérêt général, ce qui fait sa grandeur et la rend, par essence, inconciliable avec le marketing. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste – Mmes Josiane Mathon-Poinat et Anne-Marie Escoffier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ouvrir un débat sur les effectifs de la fonction publique à quelques jours seulement de l’examen des crédits pour 2011 de la mission « Fonction publique » relève à double titre de l’exercice d’équilibriste : il s’agit en effet de parer au risque de redondance et de ne pas déflorer le sujet spécifique de l’évolution des effectifs et du financement des carrières des agents publics.

Je m’en tiendrai donc aujourd’hui au seul aspect qualitatif de la fonction publique, un aspect auquel sont, au demeurant, particulièrement attachés les Français puisque, au-delà de la fonction publique en tant que telle, ils accordent au « service public » des vertus presque magiques.

Il est d’ailleurs paradoxal de constater dans nos bourgs ruraux, mais aussi dans nos banlieues dites « difficiles », la demande pressante de « plus de service public »,…

Mme Anne-Marie Escoffier. … c’est-à-dire souvent de « plus de service au public », et les critiques parfois virulentes formulées à l’égard des fonctionnaires et agents de la fonction publique.

Je veux rendre justice à ces personnels et souligner combien, dans leur ensemble, ils ont un sens aigu du devoir au service de la collectivité, alors même que les conditions d’exercice de leurs fonctions, multiples et diverses, se sont modifiées et complexifiées.

On ne peut, à cet égard, que se féliciter du long travail de réflexion qui a été conduit sur la notion de « métier », une notion rejetée pendant de nombreuses années par l’ensemble des partenaires et aujourd’hui entrée, presque naturellement, dans le vocabulaire ordinaire de la fonction publique. Il était temps, en effet, d’admettre que le service public exige des compétences, des talents, des savoir-faire qui s’inscrivent pleinement dans des « métiers » particuliers plus que dans des « corps », voire des « cadres d’emplois », ce qui était déjà, à mon sens, un vrai progrès. Les métiers de la fonction publique sont une petite révolution à travers ce qu’ils emportent de reconnaissance de la spécificité d’un « art » particulier au service d’autrui.

On devrait pouvoir aussi se féliciter des dispositions de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique en ce qu’elles ouvraient enfin les portes entre les trois fonctions publiques, jusque-là solidement cloisonnées. L’objectif premier était bien de donner une véritable flexibilité, une véritable souplesse, de nouvelles possibilités de déroulement de carrière à des fonctionnaires, par force quelque peu statiques. Il serait intéressant de pouvoir mesurer aujourd’hui, un an après la promulgation de cette loi, quels en ont été les effets concrets.

J’ai en effet tendance à craindre que son application ne soit contrariée par la mise en œuvre concomitante de la révision générale des politiques publiques,…

M. Roland Courteau. C’est sûr !

Mme Anne-Marie Escoffier. … cette RGPP dont je voudrais souligner le dévoiement.

Je ferai un bref point d’histoire pour rappeler que la RGPP est le pur produit de la LOLF, une LOLF qui fut adoptée unanimement parce qu’elle était regardée par tous comme un outil moderne, efficace, transparent, de gestion du budget de l’État.

M. Jacques Mahéas. C’est ce qu’elle devrait être !

Mme Anne-Marie Escoffier. Mais cet outil est venu bousculer l’organisation des administrations de l’État, qui ont dû se restructurer pour répondre aux nouvelles obligations des « programmes », des « missions », des « budgets opérationnels de programme »…

La RGPP est apparue comme le deuxième étage d’une immense fusée, porteuse en son socle d’un arsenal complexe de déconcentration et de décentralisation. D’où la place prépondérante donnée au préfet de région, avec ses directions techniques satellites, et l’espace réduit à la sécurité et à la gestion de crise accordé au préfet de département. D’où, aussi, la réflexion traduite dans la loi de 2005 de l’acte II de la décentralisation.

Alors que cette révision générale des politiques publiques, dont on oublie trop souvent qu’elle s’applique à toute la fonction publique, c’est-à-dire également à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, aurait dû conduire à une réflexion de fond sur les structures, mais aussi sur leur fonctionnement, leurs méthodes, elle s’est cristallisée sur la réduction des effectifs.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Anne-Marie Escoffier. La réduction des effectifs est désormais un leitmotiv, qui gomme tous les autres aspects de cette révision. Il en est fait une application systématique, et cela est rappelé avec force dans les lettres de cadrage aux administrations de l’État. Chacune de ces dernières a beau tenter de justifier ses besoins, la machine infernale est en marche et n’accepte que de maigres dérogations au principe intangible du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Loin de moi l’idée de défendre à tout prix l’augmentation des effectifs, ou même leur maintien ; loin de moi de ne pas admettre l’absolue nécessité de réduire le déficit de l’État.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Mais n’existe-t-il pas d’autres voies, encore inexplorées, qui permettraient aux services de l’État de s’organiser pour le meilleur bénéfice de tous, usagers et administrés autant que personnels de l’État ?

S’est-on suffisamment demandé quelles étaient les raisons de ces sorties intempestives de la fonction publique ? Je pense ici, notamment, à certains départs anticipés de policiers ayant choisi la retraite plutôt que de poursuivre leur activité dans des conditions qu’ils jugeaient probablement insupportables

S’est-on interrogé sur la perte de mémoire administrative, sur la rupture de la chaîne de transmission, sur la nécessité de recruter un jour, plus tard, massivement, pour rendre à la fonction publique sa juste efficacité ?

La rigidité excessive du concept d’efficience, arrivé avec la LOLF, ruine les efforts de certaines administrations pour se maintenir à un niveau d’activité raisonnable, convenable au regard de leurs missions. Il n’est que de penser à la justice, à l’éducation nationale ou à la police, que j’évoquais il y a un instant.

La même rigidité s’applique aujourd'hui à la fonction publique hospitalière et nombre de services hospitaliers s’inquiètent des directives économiques données aux agences régionales de santé pour gérer au plus près leurs budgets, trop souvent au détriment des patients.

S’agissant, enfin, de la fonction publique territoriale, je voudrais m’inscrire en faux contre cette idée selon laquelle les collectivités territoriales auraient créé des emplois sans compter,…

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. … emplois qui mettraient maintenant leurs budgets en difficulté.

La décentralisation de 1982 avait conduit, dans les premières années, à des excès, qui ont depuis été reconnus par tous. Il est clair que les collectivités se sont assagies à cet égard, car les exécutifs locaux ont bien perçu les difficultés auxquelles les exposerait une gestion non maîtrisée de leurs effectifs. Les dernières fortes augmentations enregistrées sont consécutives au transfert de compétences en matière d’éducation et de routes.

Mme Anne-Marie Escoffier. Tout juste faut-il admettre que la quasi-généralisation des intercommunalités a suscité des créations d’emplois, à l’instar de la mise en place des pays, qui n’ont pas su rester des lieux de réflexion et se sont transformés en structures consommatrices de moyens.

S’agissant donc, globalement, des effectifs des fonctions publiques, et sans méconnaître les efforts collectifs qui doivent être consentis par l’ensemble des acteurs publics, il me paraîtrait dangereux de vouloir à toute force entrer dans une stratégie d’économies, une stratégie qui ignorerait l’intérêt général, qui ne se préoccuperait pas de la dignité du travail des agents publics et qui, sans raison ni mesure, sacrifierait une génération d’administrés et d’administrations.

M. Jacques Mahéas. C’est pourtant ce que fait le Gouvernement !

Mme Anne-Marie Escoffier. Je suis sûre que le Gouvernement ne le veut pas et je forme le vœu, avec l’ensemble des membres du groupe du RDSE, qu’il trouvera les voies et raisons de la sagesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis qu’ils ont été instaurés, voilà quelques années, ces débats sans vote et sans décisions à la clé restent un peu stériles puisqu’ils sont déconnectés de toute mesure concrète. Néanmoins, nous y participons,…

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Merci !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … contribuant ainsi à apporter une réflexion sans doute différente. Mais force est de constater, au fil des années, que nos interventions restent lettres mortes, nos remarques, pourtant pertinentes, toujours ignorées et que vous continuez à tracer le sillon de votre politique plutôt antisociale.

Curiosité notable cette année, mais pas anodine, qui détourne le sujet de cet échange : avancer le débat sur les effectifs de la fonction publique, hors du contexte du projet de loi de finances, témoigne de votre souhait de masquer cette problématique.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mais non !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Quoi qu’il en soit, nous vous rappellerons ici quelques réalités et démontrerons à quel point votre politique, en plus d’être inefficace au regard de la qualité des services rendus aux usagers, est socialement injuste pour les agents eux-mêmes.

En préambule, rappelons que le Gouvernement s’est engagé auprès de l’Union européenne à réduire son déficit public. De fait, il propose un budget de rigueur qui, s’il était voté et appliqué, entérinerait la baisse la plus importante jamais réalisée par un gouvernement français. Ainsi, des économies représentant 7 milliards d’euros sont attendues dès 2011. « Tous les acteurs de la dépense publique vont être concernés », a expliqué François Baroin.

En conséquence, une fois de plus, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique continuera, avec, à la clé, 31 638 suppressions de postes en 2011.

L’éducation nationale est toujours le ministère le plus touché, avec 16 000 suppressions de postes. Sont également concernés les ministères de l’intérieur, de l’écologie, de l’agriculture et du travail, devant ceux de l’économie, des affaires étrangères et de la culture.

Depuis 2008, le Gouvernement s’acharne donc dans sa politique de suppression de postes, mais pour quels résultats ?

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a montré que cette réduction des effectifs était inefficace tant du point de vue de la réduction des dépenses publiques que de celui du bon fonctionnement des services.

Le Président de la République avait défendu cette politique de suppression de postes en arguant qu’elle devait s’accompagner d’une augmentation des salaires pour les fonctionnaires restants.

Prenons le cas de l’éducation nationale : les suppressions de postes sont censées avoir dégagé 396 millions d’euros d’économies en 2009, mais les personnels n’ont pas touché la moitié de cette somme sous forme d’augmentations. Seule une enveloppe de 138 millions d’euros leur a été redistribuée, soit un taux de rétrocession inférieur à 35 %.

Or, dans le même temps, le projet de loi de finances pour 2011 préconise le gel du point d’indice. Les observations de la Cour des comptes laissent d’ailleurs penser que ce gel se poursuivra dans les prochaines années puisqu’on peut lire dans le même rapport que « le gel du point d’indice jusqu’à fin 2013 semble techniquement nécessaire, ainsi que le strict plafonnement des enveloppes de mesures catégorielles ». Idée également relayée, hélas ! par la commission Attali, qui préconise aussi « de réduire les dépenses publiques en gelant le point d’indice des fonctionnaires pendant trois ans et en étendant la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ».

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous sommes très modérés par rapport à cela !

Mme Josiane Mathon-Poinat. À cela s’ajoute la récente réforme des retraites qui, si elle était appliquée – on peut espérer qu’elle ne le sera pas ! – conduirait à une augmentation des cotisations de retraite et donc à une baisse du revenu des fonctionnaires.

Finalement, les promesses du Président de la République d’améliorer le traitement des fonctionnaires n’ont donc pas été tenues. Au contraire, au cours de ces dernières années, les fonctionnaires ont vu s’amplifier la baisse de leur niveau de vie.

Et que constate-t-on sur le terrain ? Dans certains secteurs, la fonction publique souffre de terribles carences en personnel.

Ainsi, dans l’éducation nationale, on ne compte plus le nombre de classes fermées ou surchargées. Dans les collectivités territoriales, les administrations doivent de plus en plus souvent faire appel à des contrats à durée déterminée pour pouvoir assurer leurs missions, ce qui entraîne des coûts supplémentaires. Quant à la nouvelle structure Pôle emploi, elle fait appel à des prestataires extérieurs pour pouvoir remplir ses missions, engendrant ainsi également des dépenses qui n’ont pas lieu d’être.

Sachant que tout cela s’accompagne de la baisse des budgets et du non-respect des compensations, les services publics n’arrivent plus à exercer leurs missions et les premières victimes de cette politique sont les usagers.

De surcroît, alors même qu’on invoque la rigueur pour justifier cette politique, celle-ci est en fait génératrice de coûts différés. Ce n’est pas parce qu’il y a moins de professeurs, moins de médecins ou moins de conseillers à Pôle emploi que nos concitoyens n’auront plus besoin d’éducation, de soins ou d’emplois. Le mauvais traitement de ces situations ne fait qu’aggraver les problèmes et rend leur résolution plus difficile et plus chère.

L’inadéquation de vos mesures aux besoins réels est criante.

Prenons, par exemple, le cas de la Réunion, département cher à ma collègue et amie Gélita Hoarau. L’application mécanique de cette politique de suppression de postes y est lourde de conséquences et contribuera, dans de nombreux domaines, à accentuer le retard que ce département ultramarin accuse déjà par rapport aux départements métropolitains.

En effet, la pression démographique y est plus forte que dans n’importe quel autre département de toute la République : la Réunion compte aujourd’hui 800 000 habitants et, dans quinze ans, elle en comptera 200 000 de plus. Comment, dans de telles conditions, envisager la diminution du nombre de fonctionnaires sans dégrader profondément le service public ?

De plus, alors que la Réunion accuse un retard scolaire reconnu par tous, de nombreux postes vont être supprimés dans l’éducation nationale, accentuant ainsi le problème.

Enfin, bien que ce département connaisse un taux de chômage particulièrement élevé, la fermeture de l’accès à la fonction publique empêchera l’accès à l’emploi d’un grand nombre de jeunes.

Dès lors, comment ne pas faire le constat de l’échec de la RGPP et de la politique du Gouvernement à l’égard de la fonction publique ?

Les réductions des dépenses publiques auxquelles vous semblez tant tenir sont moindres que celles qui étaient escomptées, mais desservent surtout, en définitive, les fonctionnaires et les usagers. En effet, les fonctionnaires doivent exercer leur travail dans des conditions détériorées du fait du manque de moyens et d’effectifs. Ces carences se reportent ensuite sur les citoyens, qui doivent faire face à une offre publique dégradée, marquée par de nombreux dysfonctionnements qu’il faudra bien, hélas ! payer un jour.

Sous couvert de pragmatisme, vous menez, monsieur le secrétaire d'État, une politique dogmatique à la fois antisociale et économiquement dangereuse. Il est donc plus que temps de changer de cap !

Puisse cette énième discussion mettre un terme à votre vision entrepreneuriale des services publics, pour ne pas dire votre aspiration à des services publics a minima ! Souhaitons en tout cas que soit envisagé un véritable débat constructif sur les missions de l’État, un État assurant l’égal accès des citoyens aux services publics et répondant enfin aux besoins de la population. Il est temps de réfléchir à un service public rénové dans une optique tripartite : État, fonctionnaires, usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'état, mes chers collègues, depuis plusieurs années, nous avons coutume de débattre préalablement au débat budgétaire des effectifs dans la fonction publique. Je me réjouis que cet usage perdure, eu égard à l’importance que revêt le rôle de chacun des agents de la fonction publique pour le fonctionnement de l’État, de nos collectivités territoriales et de nos hôpitaux.

Nous abordons ainsi aujourd’hui de nouveau la spécificité de la fonction publique au travers des « effectifs ». Vous venez, monsieur le secrétaire d'État, de publier le rapport annuel 2009-2010 sur l’état de la fonction publique. À cette occasion, vous avez rappelé que l’emploi public, toutes fonctions publiques confondues, se stabilisait pour la première fois depuis 1980.

La fonction publique territoriale demeure la première créatrice d’emplois, avec 69 000 emplois, y compris 54 500 emplois transférés dans le prolongement de l’acte II de la décentralisation. La fonction publique hospitalière voit, elle, ses effectifs augmenter de 10 000 agents. Quant à la fonction publique de l’État, elle enregistre une diminution de 77 000 agents, se décomposant comme suit : 86 000 agents en moins dans les ministères, avant transfert aux collectivités au titre de la décentralisation, et 9 000 agents en plus dans les établissements.

Deux sujets essentiels ont été, ces deux dernières années, au cœur de nos discussions législatives : la mobilité et les parcours professionnels, qui ont donné lieu à la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique et la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

La loi du 3 août 2009 permet aux agents de diversifier et de valoriser leur parcours et aux administrations de recruter les compétences dont elles ont besoin. La généralisation de l’entretien professionnel annuel concourt à renforcer la prise en compte de l’expérience et des compétences acquises au cours de la carrière.

Quant à la loi du 5 juillet 2010, elle est directement issue de l’accord historique de Bercy, signé par six des huit organisations syndicales en juin 2008. Cette loi doit donner lieu très prochainement à des décrets d’application répondant à des objectifs précis : renforcer la légitimité des acteurs ; promouvoir de nouvelles pratiques de dialogue par la négociation ; renforcer le rôle des organes consultatifs et améliorer leur fonctionnement ; enfin, renforcer les garanties de carrière des agents investis de mandats syndicaux.

Vous avez également souhaité, monsieur le secrétaire d'État, travailler sur d’autres aspects fondamentaux de la gestion des ressources humaines de la fonction publique. Je tiens à saluer, au nom de mes collègues du groupe UMP, l’ensemble des mesures que vous avez prises en faveur du pouvoir d’achat des fonctionnaires et qui introduisent une nouvelle politique de rémunération, fondée sur la performance.

M. Jacques Mahéas. Allez donc le leur dire !

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d'État, j’aimerais que vous nous parliez plus précisément de l’ensemble de ces dispositifs, essentiels pour la carrière des agents publics.

Concernant le volet salarial, le groupe UMP souhaiterait savoir si, dès lors qu’il s’agit d’obtenir la stabilisation des dépenses salariales, le gel du point d’indice de la fonction publique est certain pour les trois prochaines années, comme le suggère la Cour des comptes.

S’agissant des effectifs, la Grande-Bretagne entreprend aujourd'hui une politique beaucoup plus massive que celle de la France puisqu’elle vise à la suppression de plus de 500 000 emplois publics. La France sera-t-elle contrainte de suivre cet exemple ?

Le Gouvernement a tenu les engagements pris par le Président de la République de ne pas remplacer le départ en retraite d’un fonctionnaire sur deux. Le budget pluriannuel prévoit encore des suppressions de postes chez les fonctionnaires d’État, mais qu’en est-il des opérateurs de service public ?

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner des indications quant à l’évolution des effectifs dans les autres fonctions publiques, notamment la fonction publique territoriale ?

Malgré ces quelques interrogations, qui appellent des précisions, le groupe UMP soutiendra vigoureusement les orientations et décisions prises par le Gouvernement en vue de la modernisation de nos services publics et l’accompagnement des carrières des agents des trois fonctions publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à remercier chacun de ceux qui ont bien voulu participer à ce débat. Nous sommes en effet peu nombreux à nous intéresser vraiment à la question de la fonction publique. Or, je le dis très sincèrement, il importe, quelles que soient nos divergences de vues – j’ai bien entendu vos critiques, madame Mathon-Poinat –, que nous puissions débattre de temps à autre de ce sujet qui n’a rien d’anodin. Cela nous donne en tout cas l’occasion de mesurer les évolutions.

Vous me permettrez donc de vous faire part à mon tour, avec franchise, de mes convictions et d’insister sur les quelques points à propos desquels mon analyse diffère de celle de certains d’entre vous.

Je commencerai par quelques réflexions globales, avant de vous apporter des réponses plus ponctuelles.

Je crois d’abord qu’il faut se garder d’adhérer à l’idée selon laquelle la fonction publique française serait aujourd'hui en train de dépérir, de s’appauvrir. Les chiffres – et il s’agit de statistiques incontestables – suffisent à montrer que ce n’est pas le cas : à la fin de l’année 2008, la fonction publique comptait environ 5 300 000 agents, soit à peu près 1 400 000 de plus qu’en 1980 !

Plus précisément, depuis cette date, la fonction publique de l’État a vu ses effectifs augmenter de 10,8 %, la fonction publique territoriale, de 78 % et la fonction publique hospitalière, de 36,5 %.

Bien sûr, on pourra toujours me rétorquer que cette appréciation de l’évolution des effectifs part de trop loin en arrière. Il n’empêche que ces chiffres invalident totalement l’idée selon laquelle la France serait aujourd'hui un pays sous-administré et qu’ils permettent de relativiser quelque peu la façon dont a parfois été présentée la politique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Mais je veux bien entendre l’objection : quelle est donc l’évolution si l’on prend un point de comparaison plus récent ? Entre 2000 et 2008, la fonction publique a vu ses effectifs croître de 540 000 agents, dont 340 000 agents dans les collectivités territoriales, et ce hors transfert de compétences.

J’insiste sur ce dernier point, monsieur Mahéas, puisque c’est une question qui vous préoccupe : ce sont bien, hors transfert de compétences, 340 000 agents supplémentaires qui ont été recrutés par les collectivités territoriales entre 2000 et 2008 !

M. Jacques Mahéas. Non ! Ces chiffres ne sont pas exacts !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mais si, et je les tiens à votre disposition ! Je complète même mon propos : au titre des transferts de compétences, ce sont 115 000 à 120 000 postes qui ont été créés dans la fonction publique territoriale.

Cela étant, et quelles que soient les politiques menées en matière de réduction des effectifs depuis la fin de l’année 2008, on assiste globalement à une quasi-stabilisation des effectifs par rapport à l’année 2007. C’est une première ! Je veux souligner ici que c’est évidemment en grande partie grâce à la politique concernant la fonction publique de l’État qu’une telle stabilisation a pu se produire.

L’État a en effet décidé non seulement de freiner la hausse de ses effectifs, mais aussi de les réduire en engageant une démarche volontariste et courageuse. Grâce à cette politique, les effectifs de l’État se sont établis, en 2008, à 2,4 millions d’agents. Pour autant, là encore, nous sommes loin d’être dans une situation de pauvreté accentuée.

La révision générale des politiques publiques, qui consiste à analyser méthodiquement les missions, les procédures, les résultats attendus et les moyens mobilisés pour y parvenir, a été au cœur de la politique que nous menons pour contrôler, dans un premier temps, puis réduire, dans un second temps, les effectifs de l’État.

Contrairement à ce que j’ai entendu ici ou là, cette démarche fait suite à différentes procédures qui ont été mises en place au cours de la dernière décennie, comme les stratégies ministérielles de réforme, les SMR, lancées en 2003 par Eric Woerth et les audits organisés par Jean-François Copé lorsqu’il était ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Selon des processus d’identification bien précis, des marges de productivité ont été repérées, ce qui a permis à l’État de se fixer l’objectif ambitieux de réduire les effectifs.

M. Roland Courteau. Vous avez taillé à la hache !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Au total, entre 2007 et 2011, plus de 100 000 départs en retraite n’auront pas été remplacés. Cela représente – je le précise, car nous sommes évidemment tous, à commencer par M. le président de la commission des finances, sensibles à la question de la maîtrise des comptes publics –, sur la base d’une carrière complète suivie d’une retraite, une économie comprise entre 130 milliards et 150 milliards d’euros, à raison d’un coût global par agent de l’ordre de 1,3 million à 1,5 million d’euros. (M. Jacques Mahéas fait une moue dubitative.) Encore une fois, monsieur Mahéas, ces chiffres ne souffrent aucune contestation et je les tiens à votre disposition.

Pour répondre directement aux questions qui m’ont été posées sur le sens de ces économies, je puis vous dire que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne découle pas d’une pure logique comptable. En vérité, cette démarche procède d’une réflexion approfondie, engagée voilà un certain temps.

La RGPP nous a permis de dégager des marges de productivité. L’État peut déléguer des missions très peu stratégiques ou y renoncer. En effet, pourquoi des agents publics devraient-ils se charger du gardiennage ou de l’entretien des bâtiments, par exemple ? Il s’agit d’un vrai sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler alors que j’occupais d’autres fonctions. Il y a différentes façons de procéder pour se dégager de missions qui ne relèvent pas de l’essence même du service public.

Par ailleurs, des réflexions ont été menées par les ministères afin de mieux utiliser les compétences des agents. Ainsi, en réduisant le nombre de transferts des détenus grâce à la généralisation de la visioconférence, nous avons permis à des gendarmes et des policiers de se recentrer sur des missions essentielles telles que le maintien de l’ordre, suscitant de fait des économies en termes d’emplois.

Puisqu’on évoque régulièrement la réduction des effectifs de la police ou de la gendarmerie, j’indique que ne sont concernés que les emplois liés au support logistique, en aucun cas ceux qui se trouvent au cœur des missions de ces deux corps. C'est la raison pour laquelle est dépourvue de fondement la critique selon laquelle la mission de service public qu’est le maintien de l’ordre est appauvrie.

M. Roland Courteau. C’est tiré par les cheveux !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Au ministère du budget, des gains de productivité ont aussi pu être dégagés avec, notamment, les opérations de télépaiement des impôts et la fusion de la direction des impôts et de la direction du Trésor.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la RGPP est bien une démarche rationnelle et approfondie.

Plusieurs d’entre vous, notamment le président Arthuis et M. Mahéas, se sont inquiétés du fait que la qualité de l’offre éducative pouvait être remise en cause.

Pour ma part, je suis intimement convaincu que la qualité de l’offre éducative ne dépend pas de la quantité de moyens mobilisés. Du reste, si cette vision comptable était juste, on en aurait vérifié le bien-fondé il y a belle lurette par des effets concrets. Or tel n’est pas le cas, comme l’attestent, là encore, monsieur Mahéas, quelques chiffres.

Depuis 1990, le nombre d’enseignants a augmenté de plus de 45 000, alors que, dans le même temps, le nombre d’élèves a diminué de plus de 600 000 !

Je vous ferai d’abord observer que, si nous obéissions à la logique comptable que vous avez décrite, nous ne pourrions pas constater de tels chiffres. (M. Jacques Mahéas fait une moue dubitative.)

Mais enfin, monsieur Mahéas, vous ne pouvez pas faire la moue chaque fois que je vous livre des chiffres ! Vous les avez demandés, je vous les donne !

Mais il est une autre conséquence que l’on peut tirer de cette évolution divergente des effectifs des enseignants et de ceux des élèves. Et là encore, je tiens à votre disposition – avec le ministère de l’éducation nationale – des chiffres directement issus des statistiques élaborées selon la méthode de comparaison internationale PISA. Ces chiffres, qui mettent en regard la compétitivité française avec celle des principaux pays à économie comparable, démontrent que l’augmentation du nombre d’enseignants n’aboutit pas à de meilleurs résultats.

Cela signifie que l’on est tout à fait en mesure de découpler l’augmentation du nombre d’enseignants et la performance du système scolaire et éducatif.

M. Roland Courteau. Vous aurez tout de même des classes surchargées !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Aujourd'hui, le véritable enjeu est d’adapter les moyens pour les concentrer là où ils sont utiles. C’est ce que fait le Gouvernement depuis 2007.

Par ailleurs, il faut en finir avec l’idée selon laquelle le non-remplacement serait une démarche automatique, alors qu’elle est élaborée en lien avec les différents ministères. À ce titre, sa souplesse est trop souvent ignorée. Dans l’enseignement supérieur, par exemple, cette mesure ne s’applique pas sur la période 2009-2011. Je peux également citer le cas de la justice : environ 400 emplois sont créés au ministère de la justice.

Bien entendu, cette réflexion ne devait pas oublier les opérateurs de l’État, ainsi que je l’avais déjà souligné lorsque j’étais député. Je rappelle que, depuis 2009, les opérateurs sont soumis à des plafonds d’emplois, décomptés en ETP, comme vous l’avez justement relevé, monsieur le président Arthuis. Une diminution de 2 600 emplois leur sera imposée cette année. Cela correspond à une norme de l’ordre de 1,8 %, à peu près comparable à celle que l’on applique dans les administrations centrales, c’est-à-dire au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Autrement dit, la question importante des opérateurs trouve aujourd’hui une réponse. Ainsi, je le précise à l’intention de M. Lefèvre, à partir de l’année 2011, la règle du « un sur deux » s’appliquera de manière très stricte aux opérateurs.

J’ajoute que l’on appliquera les mêmes critères concernant l’immobilier, et c’est une question que j’ai suivie avec une attention toute particulière. Comme vous le savez, nous avons appliqué une norme issue des réflexions du Conseil pour l’immobilier de l’État, norme qui veut qu’une surface de 12 mètres carrés soit dédiée à chaque agent public. Jusqu’à présent, nous n’avions pas appliqué cette règle aux opérateurs. Ce sera dorénavant le cas.

Je reviens maintenant à une observation d’ordre plus général. Il faut arrêter de penser que nous sommes les seuls au monde à réduire nos effectifs, comme je l’ai entendu dans plusieurs interventions. J’observe que tous les pays européens se sont engagés dans une voie similaire, parfois de façon plus brutale, y compris dans des pays où la gauche est au pouvoir, comme le Portugal ou l’Autriche. D’ailleurs, nous savons que les critères qui ont été appliqués dans ces pays-là ont abouti à des coupes beaucoup plus claires.

À ce sujet, monsieur Lefèvre, vous m’avez demandé si l’État français envisageait de pratiquer des réductions aussi drastiques d’effectifs qu’en Grande-Bretagne, où il est question de supprimer 500 000 postes d’agents publics. Vous auriez d’ailleurs pu également citer la Grèce.

Quoi qu'il en soit, la réponse est négative : la France ne suivra pas cet exemple…

M. Roland Courteau. Elle l’a déjà fait !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. …car nous ne sommes pas dans la même situation.

Sans entrer dans le détail, je rappelle que la situation budgétaire et financière de la Grande-Bretagne est bien plus dégradée que la nôtre : l’impact de la récession y est beaucoup plus fort, le déficit dépassant 11,5 % du PIB, contre 7,5 % en France en 2009.

Il faut également préciser que le périmètre n’est pas le même puisque la suppression des 500 000 emplois en Grande-Bretagne concerne à la fois la fonction publique d’État et les collectivités, alors que seule la fonction publique d’État est concernée dans notre pays, et ce jusqu’en 2013. À cette date, le total des suppressions de postes réalisées en France depuis mai 2007 s’élèvera à peu près 200 000.

S’agissant toujours de la règle du « un sur deux », je rappelle que les agents publics bénéficient de plus de la moitié des économies qu’elle génère. Cela se traduit pour eux par une amélioration de leur pouvoir d’achat.

Je voudrais d’ailleurs dire à M. Mahéas, à Mme Escoffier et à Mme Mathon-Poinat que la description qu’ils font de l’application du « un sur deux » est tout à fait incomplète et que leur raisonnement est, de ce fait, contradictoire.

En effet, vous nous accusez de réduire de façon beaucoup trop drastique les effectifs de la fonction publique en pratiquant cette règle et vous nous expliquez que cette réduction ne vise qu’à des économies budgétaires. Or des études réalisées par des organismes que l’on ne peut pas soupçonner d’être à la solde du Gouvernement – je fais allusion, en particulier, à la Cour des comptes – montre que, en 2010, le retour catégoriel du « un sur deux » représente non pas 50 %, mais 73 % des économies réalisées.

En d’autres termes, le retour catégoriel permet aujourd’hui de dégager, sur le milliard d’euros potentiellement économisé, 650 millions à 700 millions d’euros pour améliorer le sort des agents.

L’éducation nationale en fournit une parfaite illustration.

La mastérisation, qui correspond à une demande récurrente de tous les syndicats de l’éducation nationale, coûte 200 millions d’euros. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, ces 200 millions d’euros sont puisés directement dans le retour catégoriel du « un sur deux ».

La prime d’installation des professeurs des écoles représente à peu près 45 millions d’euros. Là encore, ces fonds sont puisés directement dans le retour catégoriel du « un sur deux ». C’est également le cas de la prime pour les proviseurs, qui coûte, quant à elle, 25 millions d’euros.

Par conséquent, on ne peut pas dire à la fois que la réduction des emplois publics est terriblement brutale et qu’elle ne profite pas aux agents.

M. Roland Courteau. Vous faites mourir le service public !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Des économies sont en réalité générées sur le long terme – 130 milliards d’euros, comme je l’ai rappelé tout à l’heure – tandis que, dans l’immédiat, nous avons en outre la capacité de verser aux agents des gratifications grâce à d’importants retours catégoriels.

La vraie question qui va se poser – elle est d’ailleurs posée par la Cour des comptes – est de savoir si, oui ou non, nous ne devons pas faire preuve de beaucoup plus de rigueur dans la façon dont nous appliquons le retour catégoriel du « un sur deux ». Lorsque vous lisez attentivement le rapport de la Cour des comptes – j’ai eu un débat hier à ce sujet avec le président Cahuzac, à l’Assemblée nationale, en commission des finances élargie –, vous vous apercevez que le véritable enjeu est le suivant : ne faudra-t-il pas, demain, atteindre le taux de 50 %, puis celui de 25 % ou de 20 % ?

C’est en tout cas, selon la Cour des comptes, l’une des conditions pour que soit stabilisée la masse salariale. La logique de la Cour des comptes et de son président, ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, est donc, de loin, beaucoup plus rigoureuse que celle que le Gouvernement suit lui-même.

J’aimerais, monsieur Mahéas, que vous m’expliquiez au passage comment on peut à la fois critiquer les positions du Gouvernement sans critiquer celles, beaucoup plus dures, de la Cour des comptes.

Je souhaite également faire litière de cette idée fausse selon laquelle la RéATE, c'est-à-dire la réforme de l’administration territoriale de l’État, servirait à supprimer des postes. C’est totalement inexact ! En réalité, cette réforme est avant tout organisationnelle et vise à rendre les services de l’État en région et dans les départements plus performants et plus lisibles pour les Français. Le fait de réduire le nombre de directions, le fait d’imprimer une nouvelle culture chez des agents qui étaient habitués à une appartenance verticale, et qui dorénavant appartiennent à des structures pluriministérielles, constituent autant d’évolutions positives.

Je le dis avec force : il ne s’agit, en aucun cas, d’amplifier le mouvement de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Je me rends suffisamment en province pour mesurer toutes les difficultés de mise en œuvre de la RéATE. Ces difficultés existent notamment parce qu’il faut trouver un point d’équilibre entre la région et le département. La région devient le pilote de l’administration déconcentrée. Disons-le franchement : elle a un peu tendance à prendre les départements pour quantité négligeable. Or le département est par définition l’administration de proximité.

Je suis d’ailleurs extrêmement sensible à la façon dont les préfets et les élus que je rencontre régulièrement me font part de leurs inquiétudes à cet égard. Je les transmets directement au Premier ministre puisque c’est auprès de lui qu’est placée la cellule qui supervise la mise en œuvre de la RéATE.

Si la Cour des comptes émet un certain nombre de critiques sur la gestion par le Gouvernement des effectifs de l’État et de sa masse salariale, elle propose des réponses qui ne me choquent en rien. J’en citerai quelques-unes, que vous avez vous-mêmes évoquées.

La Cour évoque d’abord la nécessité de geler le point d’indice de la fonction publique sur la période 2011-2013.

Vous me pardonnerez, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, d’insister quelque peu sur ce point, car il me paraît mériter certaines précisions. Je vous demande simplement, non pas de m’épargner la critique – des critiques, au-delà du grand plaisir que j’ai toujours à me trouver au Sénat, j’en ai essuyé beaucoup, dans cet hémicycle, au cours des dernières semaines ! (Sourires.) –, mais de faire preuve de cohérence.

La Cour des comptes évoque donc très clairement la nécessité de geler le point d’indice de la fonction publique sur la période 2011-2013. Or, en conséquence des accords de 2008 que nous avons signés avec les organisations syndicales, le Gouvernement a décidé de faire, en 2010, l’inverse de ce qui se fait dans tous les pays qui nous entourent : nous avons en effet augmenté de 0,5 % le point d’indice dans la fonction publique et nous avons décidé de geler ce point d’indice ultérieurement, pour une année.

Ça n’empêche pas, monsieur Mahéas, le pouvoir d’achat des agents de la fonction publique d’augmenter puisqu’il est complété, comme vous le savez, par le GVT et par les mesures catégorielles qui atteignent un montant significatif : 650 millions d’euros, je le rappelle.

Nous avons mis également en place, en application des accords signés en 2008 avec les organisations syndicales, la garantie individuelle de pouvoir d’achat, ou GIPA. Cette dernière concerne 140 000 agents de l’État, pour un montant de 120 millions d’euros, et permet, de fait, de disposer d’une garantie de stabilisation du pouvoir d’achat de la fonction publique.

M. Roland Courteau. Bref, tout va très bien !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Par conséquent, quand je constate que la Cour des comptes recommande une austérité gouvernementale au regard de la masse salariale bien plus forte que celle que nous menons, je me permets de vous interroger pour savoir si tout cela ne mérite pas une réflexion éventuellement un peu plus nuancée de votre part.

Monsieur Lefèvre, vous m’avez interrogé sur l’évolution des effectifs dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.

S’agissant des hôpitaux, j’entends trop souvent dire que l’on diminue les capacités d’accueil et de soins. Cela ne correspond pas à la réalité. La vérité, c’est qu’entre 2000 et 2008 les effectifs de la fonction publique hospitalière ont crû de 146 000 personnes. Et cette augmentation se poursuit alors même que la santé de nos concitoyens s’améliore, l’ensemble des paramètres d’évaluation l’attestent.

Les projets de réductions d’effectifs, évoqués ici ou là, concernent des établissements qui ont recruté au-delà de leurs capacités budgétaires. On ne peut que se féliciter qu’une logique de saine gestion reprenne le dessus.

Cela dit, n’ayons pas d’illusions, la tendance nationale reste à la hausse : 10 000 recrutements supplémentaires ont été effectués entre 2007 et 2008.

Concernant la fonction publique territoriale, sur laquelle M. Mahéas m’a également interrogé, je le répète, entre 2000 et 2008, en neutralisant les effets des transferts, la croissance nette des effectifs a été de 340 000 agents, soit une augmentation de 24 % et, entre 2007 et 2008, 70 000 personnels ont été recrutés ou transférés. Par conséquent, les accusations selon lesquelles nous tenterions d’imposer à la fonction publique territoriale les critères appliqués à l’État sont infondées.

Monsieur Mahéas, vous avez indiqué, avec l’amabilité qui vous caractérise et dont je vous sais infiniment gré, qu’il était difficile d’évaluer l’effort qui pourrait être demandé aux collectivités territoriales.

Comme vous, je suis maire et président d’une communauté d’agglomération. J’ai en outre, en tant que député, été en contact avec de nombreux maires. Je le demeure dans mes fonctions actuelles.

M. Roland Courteau. Vous cumulez ! (Sourires.)

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Fort de ces expériences et de ces contacts, je pense, à titre tout à fait personnel, qu’il existe un critère très simple pour procéder à cette évaluation : s’agissant des effectifs, ce pourrait être celui des dépenses de personnel rapportées aux dépenses de fonctionnement. Dans la mesure où l’État dégage, dans son budget, 55 milliards d’euros… (M. Jacques Mahéas proteste.)

Monsieur Mahéas, vous me posez une question, permettez que j’y réponde ! Vous me demandez s’il existe un critère. Je vous en propose un. Je ne vous dis pas qu’il faut le retenir. Je vous dis : voilà comment, moi, dans un débat ouvert et sympathique, j’estime que l’on peut mesurer si, oui ou non, les collectivités territoriales accomplissent un effort comparable à celui que l’État s’impose dans le domaine de la maîtrise des effectifs. Il s’agit de rapporter les dépenses de personnel à l’ensemble des dépenses de fonctionnement.

Il n’y a pas en France une collectivité qui ne soit en situation d’effectuer ce calcul. Nous disposons donc d’un critère permettant de mesurer très concrètement cet effort. Tout comme vous, monsieur Mahéas, je suis maire d’une ville de grande banlieue, dans l’Essonne plus précisément, qui n’est pas un département particulièrement facile. Je peux donc vous dire en pleine connaissance de cause que tous les maires de la grande couronne, comme ceux de la petite couronne ou de zones rurales ont les yeux rivés sur ce critère.

Si l’État considère qu’il est important de maîtriser l’embauche dans les collectivités territoriales, je ne vois pas pourquoi celles-ci ne pourraient pas admettre que ce critère est bon.

Mais cette nouvelle conception de l’emploi public ne serait rien sans une modernisation en profondeur de la gestion des ressources humaines. La GRH doit développer notre capacité de gestion prévisionnelle et de gestion coordonnée. C’est la raison pour laquelle – et je réponds ainsi indirectement à M. Lefèvre – nous avons mis en place des dispositifs nouveaux depuis plusieurs années. Je citerai trois exemples.

Tout d’abord, les conférences de gestion prévisionnelle des ressources humaines réunissent chaque année les ministères à la DGAFP – direction générale de l’administration et de la fonction publique – pour qu’ils présentent leur plan ministériel, leurs projets de recrutements, de formation, de promotion interne. Chaque ministère dispose ainsi d’outils adaptés lui permettant de prévoir les recrutements et la formation de ses agents.

Ensuite, la gestion des ressources humaines s’appuie sur des outils modernes, tel le répertoire interministériel des métiers de l’État, qui permet non seulement aux agents de préparer leurs mobilités, mais également aux candidats à des emplois de la fonction publique de choisir la filière vers laquelle ils veulent s’orienter.

Enfin, sachez qu’une école de la GRH a été mise en place par la DGAFP. Elle permet de former les gestionnaires des ressources humaines des ministères et des opérateurs afin de développer une doctrine commune de gestion, ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, est un facteur très favorable pour la mobilité.

Je voudrais maintenant aborder certains points qui me tiennent à cœur.

Concernant l’éducation nationale, je cite de nouveau deux chiffres qui me paraissent particulièrement parlants : depuis 1990, le nombre d’enseignants a augmenté de plus de 45 000, alors que, dans le même temps, le nombre d’élèves a diminué de plus de 600 000.

Ce constat me conduit à faire plusieurs remarques.

Pourquoi devons-nous continuer dans la voie que nous avons choisie ? Tout simplement, parce que la charge de l’intérêt de la dette représente désormais le premier poste de dépense budgétaire devant l’éducation nationale, hors pensions.

M. Roland Courteau. À qui la faute ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. On ne peut donc pas le regretter et, dans le même temps, protester lorsque des mesures courageuses de redressement des finances publiques sont prises.

Pour votre information, sachez que la suppression de 16 000 postes permettra d’économiser 16 milliards d’euros sur quarante ans. Voilà une bonne raison de continuer ! Je me rappelle d’ailleurs que le Sénat s’était penché, il y a quelques années, sur la question de l’affectation des emplois dans l’éducation nationale. Cela avait donné lieu à un rapport, signé par Adrien Gouteyron, si ma mémoire est bonne, qui soulevait des questions fondamentales.

L’éducation nationale compte 12 millions d’élèves et 1 250 000 agents, qui ne sont évidemment pas tous enseignants puisque ceux-ci sont au nombre de 800 000. Une véritable réflexion doit être menée pour savoir si tous ces agents sont utilisés au mieux de leurs compétences.

Je signale que l’éducation nationale accapare aujourd’hui à elle seule 90 % des heures supplémentaires que l’État dispense. Cela représente un montant de 1,4 milliard d’euros, après une augmentation de 140 millions d’euros en 2009.

En outre, les enseignants eux-mêmes souhaitent être mieux payés – à cet égard, le chiffre que je viens de citer est évocateur – et mieux considérés. Or 50 % des économies qui sont réalisées sont réinjectées au profit des enseignants. En conséquence, près de 200 000 d’entre eux perçoivent entre 60 euros et 260 euros nets de plus sur leur fiche de paie chaque mois depuis la rentrée.

Vous le voyez, cette politique de réduction des effectifs dans l’éducation nationale s’accompagne d’une revalorisation évidente de la rémunération.

M. Roland Courteau. Les classes sont surchargées !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Concernant la question des agents des établissements scolaires qui se trouvent en dehors de tout plafond d’emplois, question qui a été évoquée par le président Arthuis, il faut bien mesurer qu’un grand chemin a été parcouru depuis 2008, année de la mise en œuvre effective de la LOLF.

Les collèges et les lycées reçoivent en effet des dotations de l’État grâce auxquelles ils peuvent rémunérer directement un certain nombre de collaborateurs. En général, vous l’avez très justement souligné, monsieur le président, ce sont des emplois aidés. Ces établissements, qui sont très nombreux puisqu’on en compte à peu près 8 000, sont en général de petite taille. On parle d’une dizaine de collaborateurs en moyenne par établissement ; cela représente à peu près 80 000 à 85 000 agents sur le territoire national.

Compte tenu de la taille des établissements, il me semble assez peu réaliste de leur fixer un plafond d’emplois individualisé. En outre, les recrutements qu’ils effectuent sont déjà soumis à un encadrement sous la forme des crédits votés, puis délégués par les académies. Il existe donc d’ores et déjà des garde-fous.

En revanche, monsieur le président de la commission, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que le Parlement devrait être mieux informé de l’évolution de ces emplois. Afin d’améliorer l’information des parlementaires, un état des recrutements par type d’emplois et par académie pourrait être introduit dans chaque rapport annuel de performances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour vous montrer, madame Mathon-Poinat, que ces débats peuvent être fructueux, je vous indique que je ferai rapidement part de cette suggestion au Premier ministre.

Monsieur Mahéas, je voudrais vous donner des chiffres précis sur différents points que vous avez soulevés.

Je ne vais pas revenir sur les contractuels de l’éducation nationale, mais vous savez comme moi que, celui qui a limité les vacations à 200 heures par an, c’est Lionel Jospin.

Vous m’avez interrogé sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires et vous avez affirmé qu’aucun chiffre n’existait en ce domaine. Je vais vous prouver le contraire immédiatement puisque j’ai sous les yeux le tableau retraçant l’évolution sur les dix dernières années. Je vous le remettrai d’ailleurs à la fin de mon intervention.

Entre 1999 et 2009, il n’y a pas une année où l’augmentation de la RMPP – rémunération moyenne du personnel en place – en euros courants n’ait été supérieure à 2,5 %, et cela en intégrant le fait que la revalorisation du point d’indice a toujours été égale à 0,5 %, sauf en 2003, seule année blanche durant cette période. En 2003, la RMPP brute n’en a pas moins augmenté de 3,7 %.

Il est donc faux d’affirmer que la politique du Gouvernement vise à réduire le pouvoir d’achat des fonctionnaires. J’y insiste, car c’est un sujet dont nous discutons depuis des mois avec les organisations syndicales. Je comprends que vous le répétiez, je ferais sans doute la même chose si je siégeais sur vos travées, mais ce n’est pas vrai ! Pourquoi ? Parce que la rémunération dans la fonction publique n’est pas assise sur le seul point d’indice et qu’il faut également tenir compte du GVT et des mesures catégorielles. Si vous combinez ces différents éléments, vous vous apercevrez que la rémunération des fonctionnaires augmente.

Je tiens à le dire ici avec force : le pouvoir d’achat des agents de la fonction publique augmente de façon constante.

Tout comme Mme Mathon-Poinat, vous avez évoqué le projet de loi portant réforme des retraites, qui, je l’espère, contrairement à vous, madame la sénatrice, deviendra bientôt une loi. L’augmentation du taux de cotisation prévue par ce texte est extrêmement mesurée puisqu’elle s’étalera sur dix ans, à raison d’environ 0,27 % par an. L’ensemble des mesures catégorielles, plus le GVT, plus la GIPA permettront de l’absorber facilement.

Monsieur le président de la commission, vous avez soulevé la question de la maîtrise des effectifs pour les opérateurs de l’État. Sachez que les règles transversales de réduction de 1,5 % des emplois publics et des moyens de fonctionnement seront appliquées pour la première fois en 2011. Je le répète, cela représentera une baisse de 2 600 emplois à périmètre constant.

Madame Escoffier, vous avez évoqué la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Il s’avère que j’étais hier devant la commission des finances et la commission des lois de l’Assemblée nationale et que je leur ai délivré un certain nombre d’informations à ce sujet dans le cadre de l’examen du volet « dépenses » du projet de budget pour 2011.

De vraies plateformes « ressources humaines » ont été créées dans toutes les régions, ainsi qu’une bourse interministérielle régionale de l’emploi public.

Nous sommes en train de faire le point, avec la DGAFP, sur les différents outils qui ont été mis en place par la loi de 2009. Je serai sans doute en mesure de dresser un bilan précis d’ici à la fin de l’année.

En attendant, je veux être sincère avec vous, quelques-uns de ces outils ne marchent pas bien. Il s’agit de certaines formes de subventions qui ne sont pas utilisées par les agents. Je pense que nous serons prochainement en mesure de corriger ces dysfonctionnements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit la façon dont vous appréhendez la politique du Gouvernement, et je comprends parfaitement les critiques qui peuvent être émises, nous ne sommes pas dans une logique de « rabot », contrairement à ce qui a été dit.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous ne cherchons pas à appliquer le même modèle à toutes les fonctions publiques. Nous faisons en sorte d’ajuster le mieux possible les dispositifs à chaque situation tout en ayant présent à l’esprit le fait qu’il faut retrouver la maîtrise de nos comptes publics. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, je souhaiterais répondre brièvement à M. le secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d’État, je me permets d’intervenir à nouveau, car vous m’avez cité à de nombreuses reprises et vous m’avez demandé de m’expliquer. Soit dit par parenthèse, je vous remercie de m’avoir fait parvenir le tableau retraçant l’évolution des rémunérations, comme vous me l’aviez promis. Je note qu’il a pour source l’INSEE.

Selon vous, rapporter les dépenses de personnel aux dépenses de fonctionnement serait le meilleur moyen de savoir si une municipalité est bien ou mal gérée. Permettez-moi de vous faire remarquer que tout dépend de ce que celle-ci décide de faire en gestion directe.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. C’est vrai !

M. Jacques Mahéas. Vous le savez fort bien, si la commune s’occupe elle-même du ramassage des ordures ménagères ou possède un grand nombre de crèches, elle aura un personnel plus important. J’ai d’ailleurs parlé tout à l’heure de ces crèches que vous nous avez obligés à créer.

Par ailleurs, vous me dites que le nombre d’enseignants a augmenté. Encore heureux qu’ils soient plus nombreux qu’au début du siècle dernier ! J’ose même espérer que votre politique vise à faire progresser leurs effectifs afin que nos élèves puissent aller le plus loin possible dans leur cursus scolaire. Or vous avez supprimé une partie des RASED. Et ne me dites pas que ce n’est pas vrai !

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi les communes créent-elles des polices municipales ? Ne croyez-vous pas qu’elles s’en passeraient si les effectifs de la police nationale étaient suffisants ? J’en ai l’expérience dans ma commune où, très récemment, à la suite d’un problème qui est survenu, on m’a répondu qu’il fallait embaucher des maîtres-chiens pour garder certains équipements. Est-ce vraiment le rôle d’une commune ?

En Seine-Saint-Denis, il est question de remplacer les policiers par des entreprises privées de surveillance. Or ce service n’est-il pas mieux rendu par nos policiers ?

À Pôle emploi, il est fait appel à des entreprises privées pour placer des demandeurs d’emploi. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas une réussite ! C’est même un échec global et, en plus, cela a coûté très cher !

En fait, monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons pas du tout, vous et moi, la même conception de la fonction publique.

Vous faites des comparaisons avec d’autres pays, mais, historiquement, la France a toujours été un pays où le service public était très bien rendu. Pour ma part, ce que je souhaite, c’est que notre fonction publique donne envie aux étrangers de venir en constater toutes les qualités.

Je ne veux pas d’une fonction publique qui se cherche, en essuyant des remarques extrêmement acerbes de la part de la Cour des comptes. Car vous n’allez tout de même pas me dire que le rapport de la Cour des comptes est un satisfecit !

Enfin, s’agissant de l’évolution des salaires dans la fonction publique, vous parlez en euros courants, c'est-à-dire sans tenir compte de l’inflation. Or, selon les chiffres mêmes du ministère, le salaire net moyen des fonctionnaires d’État n’a augmenté en 2008 que de 0,9 % en euros constants et, dans la fonction publique territoriale, il a même baissé de 0,6 %. Dois-je en conclure qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans ce ministère ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je crois que M. Mahéas et moi pourrions y passer toute la nuit ! Ce serait tout à fait intéressant : un vrai bonheur ! (Sourires.)

Première observation : évidemment, le rapport entre dépenses de personnels et dépenses de fonctionnement global est un critère qui doit être utilisé en tenant compte de la singularité des situations. Il n’en demeure pas moins que ce critère prend évidemment en considération les dotations en faveur des politiques sectorielles, en particulier en matière sociale. Il est donc toujours valide.

Deuxième observation : les chiffres que je vous ai communiqués concernant les enseignants portent non pas sur le XIXe siècle, mais sur la fin du XXe siècle, celui qui s’est achevé il n’y a jamais que dix ans.

Troisième observation : non, monsieur Mahéas, les RASED n’ont pas été supprimés, et je sais de quoi je parle. Leur nombre a été limité, mais le dispositif « Réussite éducative » compense cette limitation. Là encore, je sais de quoi je parle : ma commune a mis en place un tel dispositif ; il mobilise aujourd'hui 45 personnes pour un montant global de 300 000 euros. On ne peut donc pas dire qu’il n’y a pas eu de compensation. (M. Jacques Mahéas s’exclame.)

Quatrième observation : vous dites que la fonction publique ne doit pas faire l’objet de comparaisons internationales. Bien sûr que si ! Aujourd’hui, le marché des États est comparable à celui des entreprises, même si, pour autant, les méthodes entrepreneuriales ne sont pas transposables à la fonction publique. Simplement, les comparaisons des résultats dans l’éducation nationale, par exemple, nous permettent de voir, au regard du coût par élève, si notre système est performant ou non. Refuser les comparaisons, c’est fermer les yeux sur le monde qui nous entoure.

Cinquième et dernière observation : les statistiques sur les salaires dont j’ai fait état sont évidemment en euros constants et tiennent donc compte de l’inflation. Le tableau que je vous ai transmis fait apparaître le net et le brut. Vous pourrez constater par vous-même que ce que j’ai indiqué concernant l’évolution des salaires dans la fonction publique correspond strictement à la réalité.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les effectifs de la fonction publique.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 4 novembre 2010 :

À neuf heures trente :

1. Débat sur la politique de coopération et de développement de la France.

2. Débat sur le rôle de l’État dans les politiques locales de sécurité.

À quinze heures :

3. Questions d’actualité au Gouvernement.

4. Suite de l’ordre du jour du matin.

5. Débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART