M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis avant toute chose de rendre hommage aux vingt-quatre policiers et gendarmes morts en 2009 dans l’exercice de leurs missions et d’apporter, en votre nom à tous, un message de soutien et d’estime à leurs familles respectives.

Je ne reviendrai pas en détail sur les chiffres qui ont déjà été commentés lors de l’intervention précédente. J’aimerais, en revanche, faire quelques remarques sur la mission « Sécurité ».

Tout d’abord, cela fait longtemps que je plaide, au sein de la commission des lois et dans cet hémicycle, pour la suppression des tâches, dites « indues », effectuées par les services de la police et de la gendarmerie, c’est-à-dire les concours apportés à la justice, les gardes statiques et les tâches administratives réalisées au profit d’autres administrations.

Elles désorganisent, en effet, bien souvent les services et réduisent leur efficacité dans l’accomplissement de leurs véritables missions. C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir que des progrès significatifs soient sur le point d’être accomplis sur ce sujet, et je vous en remercie, monsieur le ministre.

Dans un autre domaine, mais avec le même souci d’assurer la meilleure adéquation entre les personnels et les missions qui leurs sont confiées, le ministère menait depuis plusieurs années une politique de recentrage des policiers et des gendarmes sur leur cœur de métier, associée à la création d’emplois pour les personnels spécialisés dans les soutiens logistique, administratif et financier.

Monsieur le ministre, compte tenu des efforts consentis en matière de maîtrise des effectifs, cette action pourra-t-elle se poursuivre au cours de l’année 2011 et des années suivantes ? C’est ma première interrogation.

J’évoquerai, ensuite, la nécessaire amélioration du taux d’élucidation des faits de délinquance. Il faut d’abord saluer l’abandon, comme indicateur du projet annuel de performance, du taux global d’élucidation : il s’agissait, en effet, d’une moyenne entre des réalités par trop disparates. La nouvelle présentation, plus claire, permet de faire ressortir de bons résultats en matière d’atteinte volontaire à l’intégrité physique des personnes, avec près de 60 % de faits élucidés.

Cependant, elle met également en avant un taux de seulement 15 % d’élucidation pour les atteintes aux biens : il reste très difficile d’élucider les vols à la roulotte ou les cambriolages, pour ne prendre que ces exemples. C’est justement pour améliorer cette situation que la commission des lois a adopté sur mon initiative, lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, un amendement tendant à créer un fonds de soutien permettant, en particulier, d’effectuer plus souvent des recherches ADN, et alimenté en partie par les sociétés d’assurance.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, – c’est ma deuxième interrogation – nous faire part de l’état d’avancement des négociations que vous menez avec celles-ci pour faire aboutir ce nouveau dispositif qui sera probablement créé après l’adoption définitive de la LOPPSI ?

Par ailleurs, ma troisième interrogation porte sur l’organisation de nos services de renseignement intérieurs telle qu’elle résulte de la réforme qui a fusionné les renseignements généraux et la direction de la surveillance du territoire, la DST. La direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, issue de cette fusion, est rattachée à la direction générale de la police nationale.

De ce fait, la DCRI ne possède pas, des points de vue organisationnel et financier, la même autonomie que son homologue chargée du renseignement extérieur, ce qui peut nuire, notamment, à sa capacité à recruter de jeunes talents ou à adapter l’organisation de ses personnels à la spécificité de ses missions.

Ne serait-il pas préférable, monsieur le ministre, de placer cette direction sous votre autorité, de la même façon que la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, est placée directement sous l’autorité du ministre chargé de la défense ?

Enfin, j’aimerais aborder la question du rapprochement entre la police et la gendarmerie nationale. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Ce rapprochement a connu récemment d’importantes étapes avec, notamment, la création de deux nouveaux services communs : d’une part, le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, rattaché organiquement à la direction générale de la gendarmerie nationale, mais copiloté par les deux directeurs généraux, d’autre part, la direction de la coopération internationale rattachée à la police et constituée par la fusion de la sous-direction de la coopération internationale, de la direction générale de la gendarmerie nationale et du service de coopération technique internationale de police.

D’un point de vue opérationnel, de nouvelles unités de coordination ont également été créées : l’unité de coordination pour la lutte contre l’insécurité routière, l’UCLIR, et l’unité de coordination des forces d’intervention, UCOFI, afin de rapprocher le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN, et la force d’intervention de la police nationale, la FIPN. Malgré ces créations, certains représentants syndicaux m’ont fait part de difficultés persistantes pour les deux forces à travailler véritablement de concert.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, de manière très concrète, et pour ne prendre que cet exemple, en quoi a consisté en 2009 et en 2010 la coopération des deux forces d’intervention de la police et de la gendarmerie que sont la FIPN et le GIGN ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable aux crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de la brièveté du temps qui m’est imparti, je souhaite évoquer trois sujets qui sont l’expression de la préoccupation de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le premier sujet concerne le maintien de la capacité opérationnelle de la gendarmerie et du maillage territorial.

Après la suppression de 3 500 emplois entre 2008 et 2010, la gendarmerie devrait perdre de nouveau 3 000 postes entre 2011 et 2013, en application de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Comme nous le savons tous ici, les contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays sont particulièrement fortes.

Toutefois, je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que la commission des affaires étrangères, à l’unanimité, s’est montrée préoccupée par la poursuite de cette baisse des effectifs au sein de la gendarmerie.

En continuant à ce rythme, ne risque-t-on pas de remettre en cause, à terme, la capacité opérationnelle de la gendarmerie et la densité du maillage territorial assuré par les brigades territoriales ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, applaudirez-vous à la fin de mon intervention ?

M. Jean-Louis Carrère. Nous applaudissons quand bon nous semble !

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Ne pourrait-on pas faire porter cet effort par une réduction équivalente des gendarmes employés à des tâches indues ? À cet égard, je me félicite que vous ayez obtenu, monsieur le ministre, l’attribution des transfèrements judiciaires à l’administration pénitentiaire. Comme je peux le constater dans mon département, cette charge pèse très lourdement sur la gendarmerie et désorganise les unités.

Ma deuxième préoccupation a trait à la forte réduction des crédits d’investissement de la gendarmerie au cours des prochaines années.

Cette réduction de l’enveloppe des investissements devrait retarder le renouvellement des hélicoptères Écureuil, en service dans la gendarmerie depuis 1978, et des véhicules blindés. Elle devrait également retarder la modernisation des casernes du parc domanial de la gendarmerie, dont 70 % ont plus de vingt-cinq ans et ont atteint un degré de vétusté préoccupant.

Enfin, le troisième sujet que je veux évoquer concerne le financement des opérations extérieures, les OPEX.

Actuellement, plus de 700 gendarmes sont engagés dans des OPEX, notamment en Afrique, dans les Balkans et en Géorgie. Plus de 200 gendarmes français sont déployés en Afghanistan où ils conseillent la police afghane.

Comme j’ai eu l’occasion de le constater lors d’un déplacement dans ce pays à vos côtés, monsieur le ministre, l’action des gendarmes français est très appréciée en Afghanistan, tant par les autorités afghanes que par les responsables militaires américains. Au titre des OPEX, la gendarmerie bénéficie d’un financement de 15 millions d’euros, mais cette dotation est structurellement insuffisante pour couvrir les dépenses.

Pour la seule mission en Afghanistan, le coût est évalué à 20 millions d’euros. Chaque année, le surcoût est de 10 millions à 15  millions d’euros ; cette année, il pourrait même s’élever à près de 30 millions d’euros. Or, faute de financement suffisant, ces crédits sont prélevés sur les autres postes de dépenses du budget de la gendarmerie par des redéploiements de crédits.

Monsieur le ministre, il serait souhaitable de mieux évaluer le coût prévisible des OPEX et, en cas de dépassement, de financer ces dernières par la réserve interministérielle, à l’instar de ce qui est prévu pour les armées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

En conclusion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, malgré les réserves que je viens d’évoquer, vous invite à adopter les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité me conduit à introduire mon propos par une citation extraite de la résolution générale du quatre-vingt-treizième Congrès des maires et présidents de communautés de France, le 26 novembre dernier : « Le Congrès rappelle que la sécurité des citoyens est l’affaire commune de l’État et des collectivités territoriales, mais avec des responsabilités bien distinctes. Le Congrès appelle à un véritable partenariat entre les services des collectivités et ceux de l’État, dans le respect des compétences de chacun. Il rappelle son attachement vigilant au maintien des effectifs et à la présence des services de l’État sur le terrain. » Nous n’en prenons pas le chemin !

Voyons l’évolution de la gendarmerie. Ce sujet intéresse au plus haut point les élus locaux et, par voie de conséquence, les sénateurs. Pourquoi ? Parce que les maires de France pensent, monsieur le ministre, que la gendarmerie n’est plus en situation d’assurer une présence rurale et nationale adaptée aux évolutions de la délinquance et aux besoins du maintien de l’ordre et capable de prévenir, d’anticiper, d’agir avant que des faits délictueux ne se produisent. C’est simple : aujourd’hui le service public de la sécurité n’est plus assuré également sur l’ensemble du territoire !

On nous dit, comme cela vient encore d’être rappelé à l’instant, que le rattachement police-gendarmerie fonctionne bien, qu’il est en bonne voie…

Le problème est que ce rattachement devient petit à petit une fusion, une marche inévitable vers une force unique de sécurité ! À terme, il y aura non plus deux, mais une seule force, avec des spécialités différentes. Il sera alors impossible, vous le savez bien, de maintenir deux statuts, l’un, civil et l’autre, militaire. Or l’organisation de la République requiert deux forces, deux statuts, avec une bonne coordination, au travers d’un dispositif fonctionnel et opérationnel qui garantisse le maintien de la spécificité de la gendarmerie, indispensable pour notre sécurité en milieu rural et rurbain.

Je suis donc tout à fait défavorable à la concentration de tous les pouvoirs de police au sein d’un même ministère.

Quel est le sentiment sur le terrain ? Je vais vous le dire : les gendarmes ne sont plus là, ni là où il faut. La raréfaction de leur présence sur le terrain est la conséquence directe de votre politique depuis 2002. Je réside à côté de la gendarmerie d’Hagetmau. Depuis presque trois ans, celle-ci est toujours fermée. Il faut téléphoner, bientôt il faudra prendre rendez-vous, pour être assisté par ce corps de sécurité qui, naguère, garantissait une présence territoriale inégalée !

Monsieur le ministre, de vastes zones rurales et périurbaines sont désertées pour parer au plus pressé en zone urbaine, dans les grandes agglomérations et leurs quartiers.

Pour les élus locaux, ce qui importe, c’est la présence et l’action des forces de sécurité sur le terrain, dans la durée, en particulier en zone rurale. La diminution des effectifs de gendarmes a pour effet, notamment, d’allonger les délais d’intervention. Cette politique ne cesse de montrer ses limites.

Je dirai à présent un mot de votre budget, qui est le reflet de cette mauvaise politique.

La révision générale des politiques publiques, cela vient d’être rappelé, continue à faire des ravages parmi les forces de sécurité. La saignée se poursuit. Dans la gendarmerie, 957 emplois sont concernés.

Nous voudrions savoir, monsieur le ministre, quels sont exactement les secteurs affectés et les fonctions touchées par cette baisse constante des effectifs.

Permettez-moi de donner un premier exemple : la baisse des effectifs de gendarmes vous contraindra à supprimer des escadrons de gendarmerie mobile, et même à diminuer le nombre de personnels dans les escadrons. Leur nombre s’élève aujourd’hui à 110 ou 115 ; combien seront-ils demain ?

Affaiblir la « mobile », sollicitée aussi par ses missions dans le cadre des opérations extérieures, est chose dangereuse, face aux risques inhérents aux missions de maintien de l’ordre, très exigeantes pour les personnels qui les composent. Actuellement, des unités rencontrent des difficultés pour partir en mission avec l’effectif demandé et sont obligées d’obtenir des renforts en personnel provenant d’autres escadrons.

Deuxième exemple : la brigade doit être placée au cœur de la population, pour lui permettre, grâce à sa connaissance approfondie du milieu dans lequel elle évolue, d’intervenir avec rapidité et efficacité, voire de prévenir les infractions. Est-ce toujours le cas ? Non, et les élus éprouvent un sentiment d’abandon !

Au Sénat, nous le savons, parce que, comme vous, monsieur le ministre, nous écoutons les élus qui nous disent que certaines communes sont délaissées et qu’il ne suffit pas d’envoyer en urgence des gendarmes quand « ça chauffe » : de gros problèmes se posent et il est nécessaire d’assurer partout une présence constante et régulière.

Regroupés en plusieurs brigades, les gendarmes sont appelés à intervenir sur un grand territoire ; ils sont donc souvent bien loin lorsqu’arrive un appel urgent et ils doivent parcourir de nombreux kilomètres les jours suivants pour mener auditions et enquêtes. La permanence n’est, de fait, plus assurée à la gendarmerie locale, car ces personnels sont très souvent sur la route. Bref, l’organisation de la gendarmerie est aujourd'hui très insatisfaisante.

On ne pourra pas poursuivre sur le même rythme les suppressions d’emplois sans affecter véritablement la capacité opérationnelle de la gendarmerie. Monsieur le ministre, sans le vouloir peut-être, vous l’avez réellement affaiblie !

Votre échec en matière de sécurité est patent. L’excès de communication ne remplace pas l’action et nos concitoyens savent bien que, depuis 2002, peu de chose ont été résolues en profondeur. Une politique sécuritaire faite de coups d’éclat médiatisés n’apporte ni tranquillité ni sécurité dans la durée.

En outre, monsieur le ministre, nous savons que vos prévisions budgétaires ne sont pas bonnes. Il suffit de relire les commentaires du président de la commission des finances pour être édifié.

Mauvaise gouvernance encore que cette demande d’ouverture de crédits d’urgence – elle me surprend beaucoup – de 930 millions d’euros pour assurer le versement des traitements de décembre de certains fonctionnaires appartenant à huit ministères, dont l’éducation nationale, la défense et l’intérieur. Vos contestables prévisions budgétaires posent avec force la question de la sincérité des budgets présentés au Parlement. En même temps, la France n’a-t-elle pas l’arrogance de donner des leçons de gouvernance aux autres pays européens ?

Non, monsieur le ministre, la politique que vous conduisez n’est pas la bonne ! Elle nous conduit à la diminution de l’assise territoriale de la gendarmerie ; alors que la délinquance et l’insécurité progressent, vous réduisez le format de nos forces de sécurité. Votre politique n’est qu’apparences, chiffres et coups d’éclat : nous la combattrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est ferme !

M. Alain Anziani. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je m’interdirai aujourd’hui, plus que d’autres fois encore, d’être excessive.

M. Laurent Béteille. C’est bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. L’excès rend inaudible la prise de parole, qu’il consiste à critiquer ou, à l’inverse, à se féliciter d’une opération, d’un texte, d’un événement, dont on sait, dans son for intérieur, qu’il est perfectible.

Je ne me référerai donc pas à cette diatribe portée contre l’administration de la police par des policiers eux-mêmes, ni à ces satisfecit à propos de statistiques qui me laissent toujours perplexe.

Comme sûrement nombre de membres de cette Haute Assemblée, je fais le constat d’une société où se creusent les écarts, où les personnes les plus fragiles sont de plus en plus fragiles, les plus déstructurées de plus en plus déstructurées, les plus violentes de plus en plus violentes. Dans ce contexte, la mission de l’État, qui est d’être le garant de la liberté de chacun et le protecteur de toutes les personnes, est d’une particulière difficulté, personne ne le méconnaît.

Je veux saluer la manière de servir exemplaire de nos forces de police et de gendarmerie.

Mmes Nathalie Goulet et Christiane Kammermann. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Ils ont bien du mérite !

Mme Anne-Marie Escoffier. Elle est exemplaire dans ce contexte sociétal, exemplaire au regard de la nouvelle organisation de ces deux forces qui est venue rompre avec les habitudes antérieures, exemplaire encore, si l’on mesure les constantes adaptations qui leur sont demandées : formation, technologie, moyens d’intervention, etc.

Mais cette exemplarité a un prix : quelques « dérapages » dont on aurait souhaité qu’ils n’existent pas ou, à l’inverse, des faits de courage et de bravoure qui endeuillent aujourd’hui les familles de nos policiers et de nos gendarmes.

Le budget de la mission « Sécurité » a vocation à garantir l’équilibre fragile entre liberté et protection des biens et des personnes sur tout le territoire, voire au-delà pour les militaires de la gendarmerie envoyés en opérations extérieures. Inscrit dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, il est fortement marqué par le durcissement général de la politique de sécurité qui a vu se multiplier les dispositions législatives et réglementaires : pas moins de dix-sept textes depuis 2002, surabondants parfois, répondant souvent à un phénomène isolé dont on a fait une généralité.

Mon premier constat portera sur les effectifs, des effectifs en principe utiles au respect de la loi. Or ce projet de budget reste particulièrement discret – à moins que ce ne soit peu « lisible » – sur l’évolution des emplois dans la gendarmerie et la police, en dépit de l’existence d’un schéma d’organisation des forces de sécurité intérieure, qui reste opportunément silencieux sur les unités territoriales de quartier, les UTEQ, et les compagnies de sécurisation, éléments majeurs de la politique récente du Gouvernement.

La baisse prévue des effectifs en gendarmerie, de 3 509 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dans le cadre triennal 2009-2011, a suscité de nombreuses inquiétudes, en particulier dans le milieu rural : au terme des deux premières années, 2 549 ETPT ont déjà été supprimés ; l’année 2011 ne devrait connaître « que » 960 suppressions nouvelles. Ces suppressions imposent une réorganisation territoriale, avec l’élargissement des zones d’intervention dans des communautés de brigade qui s’efforcent de maintenir le lien de proximité, essentiel dans les territoires ruraux.

S’il faut constater la modification numérique de la gendarmerie, il faut aussi en souligner l’évolution structurelle, avec la transformation des postes d’officiers, de sous-officiers et de gendarmes-adjoints volontaires en postes de personnels de soutien technique et administratif, gendarmes ou civils. Cette évolution répond aux nouvelles technologies adoptées en matière de recherche et d’investigation et a pour objectif de libérer les militaires de tâches purement administratives, ce dont il faut se féliciter.

Pour la police nationale, le mouvement de baisse des effectifs constaté en 2009 et en 2010 s’est stabilisé. L’augmentation de 714 ETPT affichée pour 2011 n’est en fait qu’apparente, traduisant des transferts d’emplois vers d’autres programmes compensés par l’arrivée d’adjoints de sécurité. Les policiers sont conscients des efforts qui vont leur être demandés pour maintenir le même niveau de service aux citoyens et, d’ores et déjà, certaines missions souffrent du manque de disponibilité : je pense, en particulier, aux dépôts de plainte, trop souvent transformés en une simple main courante.

J’en viens maintenant aux moyens dont disposent police et gendarmerie. Tant en fonctionnement qu’en investissement, la réduction des moyens est préoccupante, car elle porte sur des équipements essentiels pour assurer les missions imparties : véhicules, informatique, équipements de vidéoprotection à la charge de la police et de la gendarmerie, instruments de contrôle en matière de sécurité routière.

Il va de soi que la réduction importante de ces moyens rend inopérantes certaines priorités fixées par le Gouvernement. Je n’en veux pour preuve que les limites apportées à l’action des forces de police et de gendarmerie sur le terrain aux heures les plus sensibles de la journée.

Je veux, en dernier lieu – et la note sera plus optimiste –, me réjouir de ce que l’on peut appeler la « coproduction de sécurité ». Cette coproduction, certes, réclame des moyens, mais elle est surtout le résultat d’une autre culture. Nous avions été nombreux à craindre le « rapprochement » de la police et de la gendarmerie et à penser que de « rapprochement » on passerait rapidement à « fusion ». Pour le moment, il n’en est rien ; les gendarmes restent bien des militaires, les policiers conservent leur statut civil, mais les uns et les autres participent à cette production commune de sécurité, et ils y participent en bonne intelligence. C’est là un point qu’il convient de souligner, car tel n’a pas toujours été le cas ; mais il s’agit le plus souvent, c’est vrai, de problèmes de relations humaines. En tout état de cause, aujourd’hui, une meilleure complémentarité s’est instaurée entre des territoires urbains et des territoires ruraux redessinés.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier. Cette production commune devient coproduction avec d’autres services de l’État, les groupes d’interventions régionaux, ou GIR, imaginés voilà plus de dix ans et réactivés récemment à l’échelon départemental.

Je n’évoquerai pas, en revanche, la coproduction avec les collectivités locales, évoquée il y a quelques semaines dans cet hémicycle : si elle devient indispensable, elle ne doit pas pour autant se substituer aux prérogatives régaliennes.

On ne peut que se réjouir de toutes les mesures prévues par la LOPPSI 2 et qui ont pour objet d’améliorer le fonctionnement harmonieux des services de l’État entre eux : suppression des doublons, répartition des tâches à raison des vocations premières des services, suppression des tâches indues, mise en cohérence des fichiers de la police, de la gendarmerie et des douanes, élargissement de la vidéoprotection, etc.

Mais vous seriez étonné, monsieur le ministre, que je me montre si favorable à ces nouvelles mesures sans, en même temps, en souligner les difficultés d’application : comment la justice assumera-t-elle les nouvelles charges qui lui incombent ? Qui remplacera, et sur quel budget, les personnels aujourd’hui affectés à des missions indirectes de sécurité ? Quelle externalisation ? Comment, et avec qui, donner à la vidéoprotection toute son efficacité ?

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre détermination à faire de ce budget pour 2011 le meilleur outil au service de la politique voulue par le Gouvernement. Mais le groupe auquel j’appartiens, pour certains de ses membres du moins, se pose la question de la pertinence de cette politique et, dès lors, ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’obsession sécuritaire du Gouvernement, conjuguée à la baisse continue des dépenses publiques et, par-là même, des effectifs des forces de l’ordre, tous corps confondus, nous laissent toujours sceptiques sur la véracité de son engagement en faveur de la tranquillité publique.

Le budget de la mission « Sécurité » se situe dans la droite ligne des années précédentes et il est intéressant de resituer cette évolution dans le temps.

Dès le projet de loi de finances pour 2008, le plafond d’emplois a baissé de 1 770 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT : le doute n’était déjà plus permis ! Les engagements de campagne ont été reniés, et le locataire de l’Élysée n’a plus grand rapport avec le candidat qui proclamait à Perpignan, le 23 février 2007, vouloir « un État qui consacre plus de moyens à ses missions régaliennes qui ont été trop négligées ».

En 2009, le démantèlement de la maison « police » s’amplifie. Entre le 1er juillet 2009 et le 1er juillet 2010, les effectifs réels de la police ont diminué de 2 603 agents, selon les données recueillies par le député UMP Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la mission « Sécurité » à l’Assemblée nationale.

Le chiffre total prend en compte la suppression de 1 182 postes d’élèves policiers – je rappelle à ce propos qu’aucun concours de recrutement de gardiens de la paix n’a été organisé en 2009 –, mais aussi celle de 1 291 postes de policiers, personnels administratifs et techniques.

L’article 1er de la LOPPSI 2, nous demandant d’approuver le rapport annexé sur les moyens et les objectifs de la sécurité intérieure à l’horizon 2013, évoquait déjà les nécessaires « économies d’échelle » et autres « synergies », pour justifier le dégraissage des « emplois de soutien techniques et administratifs des forces de police et de gendarmerie ».

Il s’agit d’une mutualisation, ou d’une modernisation, comme vous vous plaisez à l’appeler, qui agit selon le mode opératoire des fusions-acquisitions, avec plan social à la clé.

À l’instar de ce vocabulaire issu du verbiage néolibéral, destiné à masquer cette réalité, vos chiffres ne sont que poudre aux yeux.

En 2011, le recrutement de 500 adjoints de sécurité est utilisé pour stabiliser les effectifs.

Le député Guy Geoffroy, auquel je me suis référée tout à l'heure, a souligné en outre que « contrairement aux années précédentes et malgré cette stabilisation globale des effectifs, le nombre d’emplois administratifs, scientifiques et techniques n’augmente plus. Il devrait en effet diminuer de 307 en 2011, après une augmentation nette de 689 en 2010 ». Il conclut en indiquant que cette diminution « ne permet donc pas de poursuivre en 2011 la politique de substitution entre actifs et personnels administratifs, techniques et scientifiques, pourtant inscrite dans le projet de LOPPSI, afin de mettre fin à la pratique, très coûteuse, consistant à confier des tâches administratives à des fonctionnaires actifs de la police nationale ».

Pour 2011, les crédits demandés sur le programme Police nationale s’élèvent donc à 9,1 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,9 %, et à 9,14 milliards d’euros en autorisations d’engagement, en augmentation de 2,9 %.

aux yeux, disais-je donc, car cette hausse globale ne parvient pas à cacher la diminution des dépenses de fonctionnement et d’investissement, qui sera de 6,4 % en 2011. En effet, ces dernières diminuent, entre la loi de finances initiale de 2010 et le projet de loi de finances 2011, de 66 millions d’euros, passant ainsi en crédits de paiement à un niveau inférieur à un milliard d’euros, soit un montant de 967 millions d’euros exactement.

Cette baisse, monsieur le ministre, est pour le moins préoccupante.

Certes, on pourrait constater une hausse de quelque 5,2 % des dépenses de personnel, qui pourrait nous laisser croire que vous faites des efforts. Pourtant, en réalité, elle ne traduit aucunement une politique de recrutement intensive ; RGPP oblige.

Elle s’explique principalement par le financement des mesures catégorielles, négociées depuis 2004, et par le vieillissement de la population policière, liée notamment à la suppression des limites d’âge de départ automatique en retraite des corps actifs de la police nationale, à compter du 1er janvier 2010.

Le Président de la République avait pourtant fait du thème de l’insécurité un tremplin pour accéder à l’Élysée, thème qui nous est d’ailleurs resservi après le remaniement ministériel.

Au regard de ces évolutions, la révolution sarkozyste n’aura pas lieu. Le bilan de votre politique sécuritaire est désastreux.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ah non !

Mme Éliane Assassi. Pour pallier la baisse drastique des effectifs des forces de l’ordre, le Gouvernement a eu recours à une externalisation de missions historiquement dévolues à l’État, monsieur le rapporteur pour avis.

L’extension des effectifs de la police municipale et de leurs prérogatives est édifiante. On compte aujourd’hui 18 000 policiers municipaux, soit une augmentation de leur effectif de 120 % en six ans.

Si leurs missions se sont largement étoffées, ils n’ont pas pour autant bénéficié de la formation nécessaire à leurs responsabilités, notamment dans le maniement des armes. Pourtant, et nous le regrettons, 13 000 d’entre eux portent une arme de quatrième ou de septième catégories.

Il faut aussi noter que les agences de sécurité privées ne se sont jamais aussi bien portées : on compte 170 000 agents privés pour 220 000 policiers et gendarmes, sans parler des bénéfices que les sociétés de vidéosurveillance s’apprêtent à réaliser grâce à vos vœux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, et à ceux de M. le ministre de l’intérieur.

C’est une aubaine pour ces sociétés, mais une catastrophe pour les fonctionnaires de la police nationale et nos concitoyens, comme l’atteste l’enquête publiée la semaine dernière par l’Observatoire national de la délinquance.

Cette étude nous révèle fort bien la distorsion importante entre les statistiques officielles de la police et la réalité de l’insécurité dans l’Hexagone.

Tel est l’ultime désaveu auquel nous nous adosserons pour voter contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour le ministre de l’intérieur et son action menée en faveur de la sécurité de tous les Français.

M. Roland Courteau. Il n’est plus là !