PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Nous en sommes parvenus aux interventions des représentants des groupes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2011 de la mission « Enseignement scolaire » répond à deux objectifs : d’une part, la mise en œuvre concrète des engagements du Président de la République en matière de maîtrise des dépenses publiques ; d’autre part, la garantie pour tous les élèves de l’acquisition des connaissances fondamentales.

Ce budget illustre clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement scolaire. La mission « Enseignement scolaire » reste ainsi la plus importante du budget de l’État, avec plus de 61 milliards d’euros. Nous nous satisfaisons que ses crédits soient en hausse de 1,6 % par rapport à 2010.

Pour autant, la mission ne fait pas exception et contribue à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, 16 120 emplois ne seront pas remplacés en 2011. Vous avez, monsieur le ministre, la volonté de mener des réformes ambitieuses avec le souci permanent de la performance du système éducatif. Et vous le démontrez en évaluant au plus près du terrain les réalités et besoins des établissements scolaires.

Nous soutenons votre politique de réforme visant à favoriser la réussite de tous les élèves et à leur garantir l’acquisition d’un socle commun de compétences. La réforme de l’école élémentaire se poursuivra en 2011 avec un programme Enseignement scolaire public du premier degré de plus de 18 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2010. Plus de 29 milliards d’euros seront consacrés en 2011 au programme Enseignement scolaire public du second degré, prévoyant l’acquisition des connaissances et des compétences indispensables pour favoriser l’orientation des élèves.

La poursuite de cette politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007 repose aujourd’hui sur trois piliers : l’aide personnalisée apportée à chaque élève, la responsabilisation des établissements et la valorisation des enseignants, qui bénéficient d’un nouveau « pacte de carrière ».

Je commencerai donc par la personnalisation du suivi de l’élève, car l’accompagnement individuel est le meilleur rempart contre l’échec scolaire. Il s’agit de poursuivre l’individualisation de la prise en charge, afin de mieux répondre à la diversité des élèves et aider chacun d’eux à trouver sa voie.

Cette personnalisation est présente à tous les niveaux de la scolarité : à la maternelle et en élémentaire, avec les deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée et les stages gratuits de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances scolaires pour les élèves de CM 1 et de CM 2 qui rencontrent des difficultés scolaires ; au collège, avec les deux heures d’accompagnement éducatif pour les élèves ayant besoin d’un encadrement personnalisé.

Ces mesures ont été reconduites et amplifiées par la mise en œuvre de la réforme du lycée, qui se traduit notamment par des dispositifs de tutorat, de stages de mise à niveau dans les nouvelles classes de seconde et d’accompagnement individualisé. Nous saluons ces avancées notables car il est important de porter une attention particulière à la réussite de chaque élève.

Ensuite, le Gouvernement a laissé davantage d’autonomie aux établissements, afin de mieux adapter les réponses pédagogiques aux besoins des élèves. Cette orientation va de pair avec une plus grande responsabilisation des recteurs, des inspecteurs et des chefs d’établissements dans leurs domaines de compétence, afin de prendre en compte les réalités quotidiennes du terrain. Ainsi, 25 % des heures d’enseignement de seconde seront librement organisées par chaque lycée, sur proposition du conseil pédagogique.

Enfin, la mission « Enseignement scolaire » prévoit le financement de mesures en faveur de la gestion des personnels et de la revalorisation de la condition enseignante.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le nouveau pacte de carrière des enseignants, ambitieux et complet, répond à quatre engagements : une meilleure formation des enseignants, initiale et continue ; un plus grand accompagnement tout au long de leur vie professionnelle ; des possibilités plus larges et réelles de mobilité et d’évolution de parcours ; un métier mieux considéré et mieux rémunéré.

Cette reconnaissance accrue permettra aux enseignants de s’investir pleinement dans leur mission : la réussite de chaque élève.

Je souhaiterais revenir plus particulièrement sur la réforme de la formation des enseignants. L’allongement de la durée de formation initiale à cinq ans permettra sans conteste de leur offrir une meilleure spécialisation. Le nouveau concours permet ainsi de conjuguer connaissances théoriques et académiques, mais aussi connaissances pédagogiques, puisque la pratique professionnelle fait partie intégrante du cursus des nouveaux arrivants. Cette réforme a été mise en place récemment, j’en conviens, monsieur le ministre, mais quel bilan pouvez-vous d’ores et déjà en tirer ?

L’objectif est ainsi de construire une politique de ressources humaines ambitieuse, avec des enseignants mieux formés, mieux accompagnés et mieux payés. À ce jour, cependant, des ajustements paraissent encore nécessaires pour mener à bien cette réforme.

Je souhaiterais aussi, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur les mesures annoncées par le Gouvernement pour résoudre les problèmes, trop souvent constatés, de non-remplacements des enseignants et donc de rupture dommageable dans l’enseignement de certaines matières. En effet, des postes restent inoccupés durant de longues périodes, ce qui suscite l’incompréhension très légitime des familles.

Si la politique d’enseignement que vous menez est ambitieuse, elle n’en est pas moins novatrice, puisque vous avez ouvert quatre chantiers d’expérimentation sur notre territoire.

Tout d’abord, onze nouveaux internats d’excellence ont été ouverts pour accueillir des élèves motivés, mais ne bénéficiant pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études : c’est la concrétisation de la politique d’égalité des chances, de promotion sociale et d’accès à l’excellence.

Ensuite, le dispositif « Cours le matin, sport l’après-midi », expérimenté dans 124 établissements scolaires, concernera plus de 7 000 élèves.

Par ailleurs, des établissements de réinsertion scolaire accueillant des élèves ayant été exclus de leur établissement seront créés.

Enfin, le lancement du programme CLAIR, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite, renforcera la stabilité des équipes éducatives, facteur de réussite scolaire et de meilleure maîtrise des situations de violence.

Je voudrais également appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la mise en place d’écoles numériques. De nombreuses initiatives ont été prises, en particulier en milieu rural. Il est important de les soutenir, car les moyens sont très limités dans beaucoup de communes. Le numérique, qui n’en est qu’à ses balbutiements sur le plan scolaire, est certainement appelé à se développer rapidement. Nous avons le devoir de l’accompagner.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire à votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire, de consolider les réformes entreprises et d’assurer l’équité de traitement des territoires en renforçant les chances de réussite de chaque élève et en permettant d’assurer la qualité des enseignements.

Vous pouvez compter sur le soutien du groupe UMP pour accompagner le nécessaire mouvement de modernisation de l’enseignement scolaire que vous poursuivez. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Merci !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un budget de 62 milliards d’euros, le concours de plus d’un million d’agents de la fonction publique en charge de douze millions d’élèves, l’enseignement scolaire est assurément une priorité de l’action gouvernementale. Reste que, selon les estimations, 130 000 à 150 000 jeunes sortent encore du système éducatif sans aucune qualification. Cela représente 20 % d’une classe d’âge, un jeune sur cinq !

Hormis assurer le socle commun de connaissances, comme le réaffirme la loi sur l’école de 2005, la mission de l’éducation nationale doit porter une ambition fondamentale.

Cette ambition doit être de « favoriser la réussite », mais aussi et surtout d’« assurer l’épanouissement personnel et intellectuel des élèves » afin que ceux-ci fassent le meilleur choix, soit celui de l’enseignement supérieur, soit celui de la professionnalisation. Il faut que ce choix, les jeunes soient aidés à le faire de manière éclairée, qu’ils soient soutenus et conseillés tout au long de leur parcours, que ceux qui les conseillent connaissent vraiment le monde du travail, de l’entreprise et cessent de les orienter par défaut.

La question de l’orientation reste un immense problème. La mission « Jeunesse » que nous avons conduite il y a deux ans au Sénat l’a bien rappelé : l’orientation, de par son mode organisationnel, est l’une des grandes carences de notre système. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire quelles sont ces nouvelles mesures, que vous avez évoquées lors de votre audition, qui ont été mises en œuvre depuis la rentrée scolaire ?

L’école, dont le système, vous en conviendrez, est très normatif, ne convient pas à tous. Je pense aux jeunes qui sont en situation de décrochage scolaire ou à ceux rendus inadaptables en raison de leur situation sociale ou familiale. Pourtant, tous les jeunes ont droit à la scolarité. Il faut donc trouver des voies et des moyens pour répondre à cet impératif.

En ce sens, l’ouverture lors de cette rentrée scolaire des établissements spécifiques, tels que les internats d’excellence ou les établissements de réinsertion scolaire, est une bonne chose.

Avec des classes de taille adaptée, un « dépaysement » des jeunes par rapport à leur milieu souvent précaire, un encadrement spécialisé, les ERS sont une solution à la violence de certains jeunes en situation de « précarité éducative et scolaire ». Ainsi, malgré les incidents de Craon, en Mayenne, l’expérimentation doit absolument se poursuivre.

Acceptons de mettre les moyens correspondant à cette ambition pour l’enseignement scolaire en termes non seulement d’enseignants, mais également de personnel d’assistance éducative : assistantes sociales, médecins scolaires, psychologues, CPE, ... Ce sont eux qui permettent de prévenir certaines violences ou décrochages. Rappelons, comme notre rapporteur spécial, que la médecine scolaire reste le parent pauvre de l’éducation nationale, hélas !

On comprend qu’il faille que chaque ministère participe à l’effort de redressement des déficits publics de notre pays, mais quand on parle des « leviers d’efficience de l’enseignement scolaire », notamment des moyens à mettre en œuvre pour ne pas remplacer un enseignant sur deux partant à la retraite, je trouve qu’il y a là un risque. Certes, il nous faut raisonner en termes de taux d’encadrement, mais il y a tout de même des postes spécifiques qui disparaissent. Je pense aux RASED.

Mme Maryvonne Blondin. C’est vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je pense également à la suppression des intervenants en langues étrangères en primaire. Permettez-moi de vous dire en tant que linguiste que, en dépit de la bonne volonté des instituteurs pour se former, rien ne remplacera les professionnels ou les locuteurs natifs pour mettre en place correctement les bases et les premiers réflexes.

Mme Catherine Morin-Desailly. Aussi je voudrais que les discussions sur les rythmes scolaires, qui procèdent d’une excellente initiative, soient menées non pas au travers du prisme de la réduction des moyens, mais en fonction de l’intérêt des jeunes et d’un système équilibré. Nous serons très attentifs sur ce point.

On remarque bien l’écueil qu’il y a à ne raisonner qu’en termes de réduction d’effectifs. L’enseignement privé sous contrat, comme l’a également rappelé M. le rapporteur spécial, qui connaît une forte croissance depuis 2002, devrait fermer ces trois prochaines années 1 000 écoles, 100 collèges, et 70 lycées.

Que l’on soit pour ou contre l’enseignement privé – ma remarque s’adresse à certains de mes collègues –, reste que ce sont des élèves qu’il faudrait de toute façon scolariser.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Exactement !

Mme Catherine Morin-Desailly. Portons cette ambition : que l’éducation nationale soit attentive aux besoins de chacun, en les adaptant à l’évolution des jeunes et selon les territoires. En ce sens, la recommandation du député Frédéric Reiss visant à sortir du modèle de l’école unique, en prônant l’esprit d’initiative des équipes, l’élaboration d’expérimentations à partir d’un projet commun, doit être suivie.

S’adapter aux évolutions rapides de notre monde, voilà une obligation ! L’école du XXIe siècle doit prendre en compte que l’internet et les nouvelles technologies sont devenus omniprésents dans notre quotidien, avec toutes les conséquences culturelles, sociales et économiques que cela induit. Les jeunes de primaire, qui savent se servir d’un téléphone mobile, d’un lecteur MP3 ou d’un iPad, sont certainement de plus grands utilisateurs de l’internet et de supports numériques que leurs enseignants.

Or, si ces nouveaux médias sont incontestablement une source d’enrichissement des connaissances, ils représentent un risque de perte de repères et de manque de hiérarchisation de l’information. La dissolution du sens critique, la mise en péril de leur intimité, les effets sur la santé, la violence des images, dont le rôle ne peut être minimisé, sont des craintes que l’on peut avoir.

Il est frappant de constater, alors que les jeunes vivent désormais dans un monde multimédiatique omniprésent, que l’école et la famille les laissent sans accompagnement par rapport à ces nouveaux outils. La proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur pour avis, a été l’occasion d’une prise de conscience du rôle fondamental que doit assumer l’école de la République.

Intégrer ce monde numérique dans sa culture et ses pratiques est essentiel. Or l’école est en décalage, en termes de supports pédagogiques, avec l’environnement numérique dans lequel ces jeunes grandissent. La France est classée vingt-quatrième sur vingt-sept par la Commission européenne pour l’utilisation des technologies numériques à l’école. C’est inquiétant !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Certes !

Mme Catherine Morin-Desailly. Par ailleurs, au-delà du simple enseignement dans le cadre du brevet informatique et internet, le B2i, les enseignants sont-ils vraiment sensibilisés au rôle éducatif qui doit être le leur ?

Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous nous aviez précisé que vous feriez l’annonce au salon de l’éducation, le 25 novembre, d’un plan de développement des usages du numérique à l’école. Peut-on maintenant en savoir plus ?

Dans ce domaine, je note que le projet de budget n’a pas prévu de crédits dédiés. À cet égard, je regrette que le plan de développement du numérique dans les écoles rurales, qui a été un grand succès, n’ait pas été prolongé. Des demandes sont en effet restées insatisfaites malgré la rallonge budgétaire consentie l’année dernière et au-delà des 70 millions d’euros qui avaient été répartis par académie afin de permettre le cofinancement de tableaux numériques.

C’est pourquoi je me félicite que notre commission, sur l’initiative de son président, propose d’introduire dans le projet de loi de finances, via un amendement, une enveloppe de 25 millions d’euros. Il y a en effet une attente forte sur ce sujet, attente que j’ai encore pu mesurer dans mon propre département, vendredi dernier, lors d’une visite de canton.

Même si ce ne sont pas les mêmes missions budgétaires, 25 millions d’euros, c’est également le coût de la carte musique. En l’occurrence, peut-être y aurait-il un choix à faire ? Quoi qu’il en soit, il nous faut avant tout répondre à une priorité, à savoir la formation des jeunes.

Toujours dans ce domaine, on pourrait aussi évoquer la formation initiale et continue des enseignants, cette dernière étant notoirement insuffisante dans de nombreux domaines. Au reste, cela ne date pas d’aujourd’hui. Nombre d’anciens enseignants qui siègent dans cet hémicycle pourraient en parler en connaissance de cause.

La formation est un vaste sujet. C’est aussi dans ce secteur qu’il y aurait matière à agir, pour autant qu’on ait réglé ce qui cause beaucoup d’inquiétudes ces derniers temps : la mastérisation. Notre collègue Jean-Jacques Pignard évoquera en détail ce point.

Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire au nom du groupe de l’Union centriste. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son intervention télévisée du 16 novembre, le Président de la République n’a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». On ne pouvait pas mieux avouer aux Français que l’éducation ne faisait pas partie des priorités du Gouvernement. Pourtant, si un poste budgétaire est à préserver, surtout en période de crise, c’est bien celui-là.

L’éducation n’est pas une charge, l’éducation est un investissement, déterminant pour l’avenir d’un pays.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Yannick Bodin. Investir dans l’éducation, c’est permettre à un pays de s’enrichir, notamment par une augmentation des gains de productivité. L’OCDE l’a encore rappelé en septembre dernier. Nous ne pouvons que déplorer l’absence de prise en compte des recommandations de cette instance internationale par le Gouvernement.

Je vous le demande en effet, monsieur le ministre : avec une hausse de 1,5 % du budget de l’enseignement scolaire, hausse équivalente à l’inflation, peut-on sérieusement prétendre que nous traitons l’éducation comme un secteur d’avenir de notre pays ? Les 61,79 milliards d’euros que vous nous proposez n’atteignent même pas les objectifs prévus au titre de la programmation pluriannuelle 2009-2011, à savoir 63,2 milliards d’euros.

La mission « Enseignement scolaire », loin de représenter une priorité, est emblématique des économies réalisées par le Gouvernement, même si elle absorbe 21,6 % des crédits de paiement du budget général de l’État.

Pour masquer les nombreuses coupes sévères, des expérimentations sont régulièrement annoncées dans les médias, comme le dispositif CLAIR, les internats d’excellence, les ERS. Mais ce ne sont pas ces quelques initiatives créées dans la précipitation – on en voit parfois les résultats – et sans concertation avec les personnels concernés qui nous permettront de faire oublier les accablants résultats décriés par les rapports et classements nationaux et internationaux.

Permettez-moi seulement de vous rappeler que, parmi les élèves de quinze ans de trente pays européens, la France occupe désormais le dix-septième rang pour la compréhension de l’écrit et la culture mathématique et le dix-neuvième rang pour la culture scientifique. Quelques expérimentations ciblées ne font donc que masquer l’absence de la véritable politique globale d’éducation dont notre pays a besoin.

Les conséquences des sacrifices de l’éducation nationale sont nombreuses.

La réduction continue des postes depuis cinq ans, alors que les effectifs d’élèves sont en constante augmentation, est la preuve même que le Gouvernement n’a qu’une obsession : faire des économies ! Vous avez déjà supprimé près de 50 000 postes en quatre ans et vous voulez encore en éliminer 16 000 en 2011. Comment pensez-vous être crédible lorsque vous prétendez que l’éducation reste une priorité du Gouvernement ?

On a bien vu que vous essayez de regonfler le solde officiel des emplois pour 2011 en le majorant de 20 000 emplois « retrouvés ». Mais la situation sur le terrain n’est plus tenable dans beaucoup d’établissements.

Les conséquences néfastes de ces suppressions massives de postes sont fortement ressenties par les élèves et leurs parents.

Du côté du personnel de l’éducation nationale, un climat de tension généralisée règne, la démotivation et le découragement s’installent progressivement. Les chefs d’établissement et les équipes de direction sont cantonnés dans une gestion de moyens de plus en plus difficile et ils ont perdu toute marge d’autonomie.

La rentrée de 2010 a représenté pour beaucoup le summum du recul de ces dernières années. Il est à craindre que la situation ne fera qu’empirer l’année prochaine.

Quant aux étudiants qui souhaiteraient devenir professeurs, ils sont découragés avant même d’avoir commencé leur métier et parfois avant même d’avoir commencé leurs études.

Un exemple démonstratif : en septembre dernier, au concours de professeur des écoles dans l’académie de Créteil, seuls 1 324 candidats ont tenté leur chance à l’écrit, contre 2 747 l’an dernier. Comment souhaitez-vous motiver les nouvelles générations à entrer à l’éducation nationale ?

Ce qu’on leur offre aujourd’hui se résume à bien peu de chose : pas de formation professionnelle, pas de moyens suffisants pour mener à bien leurs projets éducatifs. Il est évident que les témoignages actuels ne donnent pas envie de poursuivre dans cette voie professionnelle. Le nombre de démissions et d’arrêts maladie des stagiaires à deux mois de cette rentrée 2010 est d’ailleurs un signe alarmant.

L’éducation n’est plus une priorité politique. Derrière la quasi-stagnation du budget de cette mission dans son ensemble se cachent d’importantes réductions de moyens. Ainsi, les dépenses de fonctionnement ou celles d’intervention du premier degré enregistrent des baisses respectives de 6,4 % et de 5 %. Dans le secondaire, les crédits pédagogiques diminuent de 5 % pour le collège et de 7,22 % pour le lycée général et technologique.

En revanche, l’enseignement privé est privilégié puisque, proportionnellement, on y supprime deux fois moins de postes que dans l’enseignement public. Pourtant, dans le premier degré, les établissements privés accueilleront 2 400 élèves de moins que cette année, alors que les établissements publics verront leurs effectifs augmenter de 3 900 élèves.

C’est l’idée même d’école républicaine qui est aujourd’hui menacée : l’idée d’une école pour tous, qui donne ses chances à tous.

Je pense ainsi à la réduction continue des réseaux d’aides spécialisés aux élèves en difficulté, RASED, qui ne sont plus affectés sur leur « cœur de métier », à la confusion que vous entretenez entre aide personnalisée et aide spécialisée. Je pense aux enfants handicapés, pour qui la possibilité même d’être scolarisés est compromise. Je pense aux enfants de deux ans à qui l’école ferme ses portes, alors que les bénéfices d’un accueil anticipé sont unanimement démontrés. Je pense aux élèves qui quittent l’école primaire en rencontrant des difficultés, et pour qui le choc du passage au collège est brutal, et souvent fatal. Je pense à tous ceux qui subissent leur orientation au lieu de la choisir. Je pense à tous ceux qui redoublent sans pour autant sortir de l’échec scolaire.

Un chiffre, que tout le monde connaît et dénonce, est révélateur de la situation : 150 000 élèves quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification. Il est facile de déclarer que demain tous les enfants de CE1 sauront lire. Mais encore faut-il se donner les moyens d’y parvenir. Le socle commun de connaissances et de compétences doit être acquis par tous les élèves à la fin du collège.

Les enquêtes et rapports se multiplient pour pointer les failles de notre système éducatif. Et ces failles ne vont pas en se comblant, loin s’en faut. Le haut conseil de l’éducation est sans appel : « Non seulement le collège ne parvient pas à réduire les inégalités scolaires d’origine sociale, mais il aurait même tendance à les accroître. » Là encore, les chiffres de nos voisins européens devraient nous faire réfléchir : en France, un lycéen de milieu défavorisé a deux fois moins de chances d’entrer dans l’enseignement supérieur qu’un Espagnol ou un Irlandais de même milieu.

Face à ces échecs, il faut agir énergiquement et prioritairement. Vous et vos amis de l’UMP, monsieur le ministre, avez l’habitude de clamer que les socialistes ne proposent rien. Permettez-moi de faire la démonstration du contraire. Ne faites pas semblant de ne pas entendre nos propositions.

La formation des maîtres par exemple, ne doit pas être décomposée mais plutôt renforcée, afin de leur donner la possibilité de transmettre le socle commun de connaissances et de compétences inscrit dans la loi de 2005, mais aussi de leur permettre d’individualiser la pédagogie en fonction des besoins variables des élèves. Par ailleurs, une réelle autonomie, en termes de dotation, doit être accordée à tous les établissements, pour la mise en œuvre de leurs projets.

Le programme socialiste prévoit également de concrétiser l’idée de mixité sociale en reconsidérant la sectorisation et en créant un indice de mixité sociale, y compris pour les établissements privés. Le collège ne doit plus être conçu seulement comme une antichambre du lycée d’enseignement général mais bien comme une continuité logique de l’école élémentaire, pour qu’en fin de scolarité obligatoire soit acquis le socle commun de connaissances et de compétences. Les liens entre les lycées et l’enseignement supérieur doivent être renforcés pour permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’acquérir un diplôme.

Voilà des propositions claires et structurantes, susceptibles d’aider tous les élèves, le corps enseignant, et d’assurer la pérennité de l’école républicaine.

Pour conclure, je vous livrerai une pensée de Condorcet que je vous invite, monsieur le ministre, à méditer : « La nation qui a les meilleures écoles est la première nation au monde. Si elle ne l’est pas aujourd’hui, elle le sera demain. » Comptez sur les socialistes pour qu’il en soit ainsi dans un proche avenir sinon un avenir proche !

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.