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Dossier législatif : proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
Discussion générale (suite)

Simplification et amélioration de la qualité du droit

Discussion d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
Discussion générale (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (proposition n° 130 [2009-2010], texte de la commission n° 21, rapports nos 20, 3, 5 et 6).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux. (MM. Nicolas About et Josselin de Rohan applaudissent.)

Discussion générale (suite)
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Articles additionnels avant l'article 1er
Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
Articles additionnels avant l'article 1er

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la simplification et la qualité du droit sont au cœur de la proposition de loi soumise aujourd’hui à votre examen.

Cet objectif d’un droit plus cohérent, plus clair et plus lisible, porté en l’occurrence par une initiative parlementaire, le Gouvernement s’y associe pleinement. Et comme ministre de la justice, je suis particulièrement heureux d’y contribuer, en représentant devant vous l’ensemble des membres du Gouvernement, qui sont tous, ou presque, concernés par ce texte très riche.

L’objectif, donc, est totalement consensuel ; je reviendrai dans un instant sur les enjeux qui le sous-tendent. Mais sa mise en œuvre, est-il permis de le relever en introduction de ce propos, l’est un peu moins.

Simplifier, améliorer le droit est une œuvre passionnante ; c’est aussi, comme l’ont souligné les rapporteurs, une œuvre délicate, pour laquelle une approche apparemment technique laisse rapidement la place à des questions de nature plus politique. Chacune des assemblées parlementaires a ses attentes, ses priorités, ses préventions ; le Gouvernement peut en avoir aussi.

L’important est que nous sachions collectivement avancer de manière constructive pour progresser le plus rapidement possible vers un consensus. C’est tout le sens de la discussion qui s’ouvre, puis ensuite de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Je sais pouvoir compter sur vos débats pour veiller à mener la simplification dans le respect de la cohérence de nos lois.

Chacun d’entre nous le souligne depuis des années : le droit et, plus particulièrement, la loi souffrent d’une complexité croissante.

Cette complexité résulte de plusieurs phénomènes.

D’abord, des modifications législatives successives, dans tous les domaines du droit, se sont traduites par un empilement de textes à la cohérence parfois incertaine.

Ensuite, les sources du droit se sont diversifiées : les directives, les règlements communautaires sont ainsi, directement ou indirectement, créateurs de règles nouvelles en droit interne. Il devient particulièrement difficile à nos concitoyens, et même aux professionnels, de s’y retrouver dans ce dédale de réglementations. Une telle évolution est porteuse de risques évidents.

« Nul n’est censé ignorer la loi » : cet adage, on le sait, est une fiction, mais une fiction nécessaire. Il exprime l’idée, consubstantielle à tout ordonnancement juridique, que nul ne saurait se soustraire à la loi en invoquant l’ignorance dans laquelle il se trouvait de l’existence du texte ou de son contenu. Or ce principe risquerait de perdre tout son sens s’il n’était soutenu par un effort réel d’amélioration de la qualité du droit.

Il est donc de notre devoir de veiller à rendre la loi accessible et intelligible. C’est même, depuis une décision du Conseil constitutionnel, rendue en 1999, un objectif de valeur constitutionnelle – que l’assemblée de la rue de Montpensier rappelle dans la plupart de ses décisions –, tant il est vrai que la connaissance suffisante par les citoyens des normes qui leur sont applicables est une condition de l’égalité et de la garantie des droits proclamées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

L’enjeu est donc central : il s’agit de mieux garantir la sécurité juridique à laquelle aspirent tant les particuliers que les entreprises, et qui, trop souvent, est affectée par la superposition de règles de droit nombreuses et instables.

Un droit clair, un droit lisible est le gage d’une meilleure prévisibilité des comportements. C’est une exigence démocratique et citoyenne autant qu’un impératif économique.

Or, comme chacun le sait ici, plus de 3 300 lois ont été adoptées sous la Ve République, avec une accélération marquée et préjudiciable de la production normative au cours des vingt dernières années, si bien qu’au 1er juillet 2008 on comptait quelque 64 codes, et 2 600 lois et ordonnances en vigueur, sans compter près de 24 000 décrets.

Le constat est récurrent et la prise de conscience réelle au sein des institutions publiques, au niveau national comme, d’ailleurs, à l’échelon européen. Cette prise de conscience a donné lieu à l’adoption d’un certain nombre de mesures utiles pour l’avenir.

Une accélération a ainsi été donnée à l’exercice de codification de textes jusqu’alors épars et même difficiles à identifier.

Le 23 juillet 2008, le constituant a par ailleurs soumis la préparation des projets de loi à une exigence d’étude d’impact prenant notamment en compte les questions de sécurité juridique. Enfin, la même révision constitutionnelle a permis l’examen de propositions de loi par le Conseil d’État.

Pour autant, il est clair que le « stock » des lois en vigueur est pour partie le produit d’une instabilité normative « incessante et parfois sans cause », pour reprendre les termes figurant dans un rapport du Conseil d’État ; une instabilité à laquelle, je m’empresse de le dire, toutes les majorités successives ont occasionnellement cédé.

Mais cette instabilité a eu pour conséquence inévitable de compliquer le droit et d’en affecter la cohérence. Les textes se sont enchaînés sans que les nouveaux prévoient l’abrogation expresse des anciens, ni même assurent la mise en cohérence des règles nouvelles avec le droit existant.

Dans ce contexte, on mesure toute l’importance de toiletter le corpus législatif : de nombreuses règles désuètes ou obsolètes subsistent, qu’il faut supprimer. Il faut aussi clarifier notre droit pour corriger des redondances et des incohérences introduites par ces modifications successives.

Plusieurs lois de simplification sont déjà intervenues pour remédier, ces dernières années, à la complexité du droit.

Les premières, portées par le Gouvernement, ont été suivies d’initiatives parlementaires, dont celle qui est soumise à votre examen aujourd’hui. Je veux, à cette occasion, souligner l’excellente collaboration du Gouvernement et des assemblées pour enrichir ces textes.

Les clarifications et les mises en cohérence inscrites dans la proposition de loi sont nombreuses. Elles couvrent des domaines très divers. Certains d’ailleurs s’en inquiètent, mais à ceux-là je veux dire que c’est la contrepartie de l’ambition du texte. Son champ large témoigne avant tout, me semble-t-il, de l’étendue des besoins en matière de simplification et d’amélioration du droit.

Quels en sont les grands axes ?

Le texte simplifie, tout d’abord, les procédures administratives. Il faut faciliter les démarches de nos concitoyens, car, trop souvent, leur complexité suscite l’incompréhension et pose d’importantes difficultés pratiques.

La proposition permet ainsi d’alléger les démarches administratives des particuliers et celles qui pèsent sur les entreprises. En permettant l’échange de données entre administrations, l’usager n’aurait plus à produire une information ou une pièce qu’il aurait déjà fournie à une première autorité administrative.

L’Assemblée nationale a souhaité, et le Gouvernement soutient cette évolution, que soient apportées des garanties supplémentaires de sécurité et de confidentialité : les échanges de données doivent être encadrés et concerner les seuls éléments strictement nécessaires au traitement des demandes des usagers.

Nous serons très vigilants, et je sais que telle est aussi votre conviction, sur la protection des données personnelles.

Votre commission propose d’autres améliorations significatives de la procédure administrative, afin tout d’abord de prévenir le contentieux : vous ouvrez ainsi le champ du recours administratif préalable obligatoire à tous les actes portant sur la situation personnelle des fonctionnaires, et j’y suis particulièrement attaché.

Vous l’ouvrez à titre expérimental afin d’en évaluer les effets pratiques ; je soutiens cette démarche et veillerai à ce qu’elle soit effectivement mise en œuvre dans des délais rapprochés.

Un projet de décret est déjà prêt sur ce point et je souhaite qu’il puisse faire l’objet d’arbitrages rapides, afin que sa publication coïncide avec l’adoption des dispositions de la proposition de loi de simplification.

La proposition de loi prévoyait, par ailleurs, de permettre aux administrations d’être plus à l’écoute de leurs usagers : en facilitant les consultations publiques « ouvertes » sur internet. Votre commission propose de supprimer cet article, il me paraît important de le maintenir : car cette mesure de démocratie participative permet aux administrations de mieux comprendre les besoins des usagers. Mais nous aurons bien sûr l’occasion d’en reparler tout au long de nos débats.

Le texte soumis à votre examen ouvre également des perspectives pour valoriser l’activité économique. Il pose ainsi un cadre général pour les groupements d’intérêt économique. Cette structure, vous le soulignez, a connu un grand succès ; elle disposera désormais d’un cadre juridique adapté.

La proposition de loi vise également à renforcer la protection des droits de nos concitoyens.

Des garanties sont ainsi apportées par le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en matière de fichiers informatiques, sur l’initiative, notamment, du président Warsmann. Dans un souci de cohérence, votre commission des lois a souhaité renvoyer l’adoption de ces dispositions à une proposition de loi pendante devant l’Assemblée nationale. Mais au vu des garanties apportées par ces mesures, il me paraît intéressant de les rétablir au sein du texte soumis à votre examen. L’objectif, je le rappelle, est d’encadrer plus strictement les fichiers de police en énonçant limitativement les finalités qu’ils peuvent poursuivre. L’importance de ses dispositions doit retenir toute notre attention et leur adoption intervenir dans les meilleurs délais.

Vous avez aussi choisi de renvoyer les dispositions relatives au droit de préemption à un texte autonome. Cette décision est opportune : en effet, le sujet est complexe et nécessite une réforme d’ensemble ; il suppose donc un temps de réflexion et une concertation complémentaires. En habilitant le Gouvernement à modifier le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, nous pourrons poursuivre les travaux en cours et engager la réforme sous les meilleurs auspices.

Cette proposition de loi met, ensuite, la France en conformité avec ses engagements européens.

La proposition de loi prévoit la transposition de plusieurs directives, dont une série de dispositions de la directive « Services » ou encore la directive du 21 mai 2008 relative à certains aspects de la médiation civile et commerciale. En ce domaine, un socle commun de règles sera désormais applicable à toutes les médiations.

Afin de permettre une application uniforme de ces règles protectrices, le Gouvernement a souhaité qu’elles puissent s’appliquer non seulement aux litiges transfrontaliers mais également aux litiges nationaux. Je vous présenterai un amendement en ce sens.

Enfin, cette proposition de loi introduit des clarifications en matière pénale et l’on connaît tout l’enjeu d’un droit lisible et cohérent dans ce domaine.

Vous aurez l’occasion de débattre de chacune des évolutions proposées ; je voudrais évoquer ici les grands axes de simplification et d’amélioration en droit pénal.

Le texte entreprend des mises en cohérence, afin notamment d’harmoniser les règles applicables et de supprimer les règles obsolètes. La proposition de loi supprime ainsi des références devenues sans objet – référence à la peine de mort, par exemple – ; elle met à jour le droit pour réparer des oublis de coordination.

Elle précise par ailleurs des incriminations, notamment en matière de corruption.

La simplification de formalités en matière pénale est également prévue, avec, en particulier, la possibilité ouverte au directeur du service d’insertion et de probation de recevoir directement le bulletin n°1 du casier judiciaire, alors qu’il devait auparavant le demander au juge de l’application des peines ou au procureur de la République.

La proposition de loi introduit aussi des mesures de bonne administration de la justice pénale. Elle renforce ainsi la procédure de filtrage de la Cour de révision des condamnations pénales : le président de la commission de révision pourrait écarter seul les demandes manifestement irrecevables, mais par une ordonnance motivée.

Votre commission des lois a, enfin, introduit, dans le code de procédure pénale, de nouvelles dispositions relatives aux autopsies judiciaires, afin notamment de veiller à un meilleur encadrement procédural, de mieux protéger les droits des proches et de combler le vide juridique sur le statut des prélèvements humains. Je vous proposerai un amendement qui reprend vos propositions tout en garantissant la compatibilité de celles-ci avec les nécessités de l’enquête pénale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le chantier en faveur de la qualité de la loi retient toute notre attention. Il est vaste et il suppose une grande vigilance : on le sait, les modifications mêmes formelles des règles de droit ne sont pas sans conséquences.

Avant que ne s’engagent nos débats, gardons tous en mémoire l’idée que la qualité de la loi est le gage de sa légitimité et, donc, de sa pleine effectivité.

Je veux de nouveau remercier le président de la commission des lois et l’ensemble des rapporteurs pour la qualité du travail qu’ils ont fourni et qui va nous permettre maintenant d’engager un travail fructueux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi transmise au Sénat le 3 décembre 2009 constitue une nouvelle et consistante étape du toilettage de notre corpus législatif.

En raison de la diversité des domaines abordés, votre commission des lois, mes chers collègues, a décidé de déléguer aux commissions saisies pour avis l’examen des dispositions relevant de leur seule compétence. En conséquence, votre commission des lois a adopté leurs amendements et suivi leurs avis sur les autres amendements aux parties relevant de leur périmètre.

Pour sa part, elle a examiné en propre les 141 articles entrant dans son domaine de compétence.

Le texte transmis par les députés constitue un vaste chantier, dont certaines composantes appellent un examen approfondi dans un autre cadre.

Du « haut » de mon troisième rapport sur ces initiatives parlementaires, un constat s’impose à moi : la simplification s’avère un processus de plus en plus complexe. Force est de constater le développement inflationniste du contenu de ces propositions de loi successives : 30 articles pour la première d’entre elles, la loi du 20 décembre 2007 ; 206 pour le texte aujourd’hui soumis au Sénat.

Il ne s’agit pas, pour votre commission, de s’opposer à la conduite de ce chantier législatif indispensable à l’accessibilité et à la sécurité juridique de notre droit. Mais elle veut souligner les difficultés croissantes de l’exercice : le Parlement est amené à examiner des dispositions nombreuses, très diverses et d’inégale valeur. En effet, certaines d’entre elles s’inscrivent effectivement dans l’objet d’une loi de simplification et donc procèdent à des abrogations de textes tombés en désuétude ou inutiles, à des rectifications rédactionnelles, à des coordinations, à la simplification ou à la clarification de certaines procédures. En revanche, de nombreuses autres dispositions du texte présentent de véritables innovations ; sans préjuger leur bien-fondé, elles dépassent manifestement l’objet de la proposition de loi.

Ce rituel législatif est aujourd’hui devenu le véhicule commode pour porter, notamment, les amendements des différents ministères.

À cet égard, on peut s’interroger sur l’objet même de ce texte, entendu tant par son intitulé que par le périmètre de ses dispositions initiales : cette proposition de loi a-t-elle un objet identifié, au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ? N’est-elle pas devenue, sous son intitulé de simplification, un assemblage disparate de « cavaliers législatifs » en déshérence ? Son absence de frontières – à l’aune de ses enrichissements à l’Assemblée nationale – et son caractère éminemment disparate pourraient être interprétés comme une altération des objectifs de valeur constitutionnelle de clarté et de sincérité du débat parlementaire, et d’accessibilité de la loi.

C’est ainsi que le législateur se trouve confronté à un texte touffu, hétéroclite, qui renferme de multiples sujets dont certains produisent des conséquences lourdes pour notre ordonnancement juridique.

Pour votre rapporteur, il faudra à l’avenir revenir à l’esprit qui a animé à l’origine cet utile mouvement de toilettage du droit pour s’en tenir aux seules rectifications, coordinations, suppressions et simplifications qui y concourent.

Par un mouvement inverse, tenant à son calendrier d’examen, la proposition de loi a été partiellement démantelée. C’est le cas de l’article 3 bis, destiné à conforter le rôle de « guichet unique » joué par les centres de formalités des entreprises ; il a été introduit dans la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. L’article 111 concernant le montant de l’amende encourue pour recherche illicite d’identification génétique figure également dans le projet LOPPSI.

Si elle comprend les motivations pratiques, votre commission ne peut que déplorer la présence dans la proposition de loi de dispositions insérées simultanément dans d’autres textes…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Bernard Saugey, rapporteur. … en cours de discussion devant l’une ou l’autre assemblée. L’habilitation à transposer la directive du 11 juillet 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées aura figuré jusqu’à ce jour dans pas moins de quatre textes ! Si l’urgence qui peut s’attacher à certaines transpositions en raison du retard est compréhensible, elle ne doit pas primer sur la nécessaire clarté et sincérité du débat parlementaire.

Un rapide survol des 141 articles entrant dans le champ de la compétence de la commission des lois illustre certaines dérives auxquelles aboutit ce travail de simplification.

Différentes dispositions constituent un « nettoyage » bienvenu de la législation en supprimant les textes aujourd’hui obsolètes telles les références dans le code civil à des peines abolies comme la peine de mort ou à des procédures disparues dont la contrainte judiciaire.

En matière pénale, plusieurs dispositions apportent une réelle simplification à la législation en vigueur : l’article 14 bis clarifie le droit applicable en matière de délais de paiement d’amendes forfaitaires.

Certaines formulations, sources d’insécurité juridique, sont soumises au même exercice : l’article 114 modifie plusieurs articles du code pénal pour confirmer la suppression de toute exigence d’antériorité du pacte de corruption sur sa réalisation.

Enfin, certains articles réparent des omissions. Le droit en vigueur ne permet pas, par exemple, de sanctionner la violation de l’interdiction d’exercer une fonction publique ou de gérer.

Dans le souci de privilégier l’unité du droit, la proposition de loi procède à la suppression de certains régimes spéciaux qui ne se justifient plus. Tel est le cas de l’article 11 qui étend aux établissements publics du culte des départements d’Alsace et de Moselle les règles applicables, sur le reste du territoire, aux congrégations religieuses, pour l’acceptation des libéralités qui leur sont consenties.

D’autres articles permettent de simplifier les démarches administratives ou d’accroître l’efficience de la gestion publique : ainsi, afin de faciliter la coordination des secours, l’article 44 vise à déterminer par avance le préfet compétent lors de la survenance d’un sinistre dans un tunnel ou sur un pont s’étendant sur plusieurs départements.

Le texte contient également des clarifications diverses en matière électorale. Il prévoit ainsi de simplifier et de fluidifier le fonctionnement des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, en précisant les modalités de démission des délégués communautaires.

Enfin, dans une logique d’amélioration de la qualité formelle du droit, le texte adopté par les députés contient plusieurs habilitations législatives, afin de permettre au Gouvernement de « recodifier », à droit constant, certains codes comme celui de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

En revanche, d’autres dispositions dépassent largement le cadre de cette proposition de loi. Elles auraient mérité, quelle que soit leur pertinence, l’organisation d’un débat spécifique, comme les articles 83 A et suivants qui procèdent à une refonte très substantielle du droit de préemption.

Confirmant la position qu’elle a adoptée lors de l’examen des précédents textes, votre commission des lois adhère pleinement à cette volonté d’améliorer la lisibilité de notre droit.

C’est pourquoi elle a voulu conserver à la proposition de loi ses principes de simplification et d’allégement du bloc législatif en s’y cantonnant ; elle a donc supprimé les dispositions qui s’en écartaient comme, à l’article 37, celles qui organisent la procédure de retrait de la protection fonctionnelle des fonctionnaires, militaires et maires.

Elle a, par ailleurs, maintenu certaines garanties de procédures que les députés avaient écartées, telle, en matière de délits de probité, la condition d’autorisation délivrée par le tribunal afin de pouvoir exercer l’action appartenant à une collectivité locale qui ne l’a pas elle-même mise en œuvre.

En ce qui concerne la réforme du droit de préemption, monsieur le garde des sceaux, la commission des lois n’a pu que constater qu’elle ne relevait en rien d’une loi de « simplification », puisqu’elle est porteuse de modifications de fond considérables. Sans statuer sur leur bien-fondé, la commission a jugé préférable de supprimer ces articles, qui feront vraisemblablement l’objet d’une loi spécifique ultérieure.

En matière pénale, la commission estime qu’une redéfinition des peines encourues pour certaines infractions telles les prises d’otage devrait être envisagée dans un cadre global afin de respecter l’objectif de cohérence de l’échelle des peines. C’est pourquoi elle a supprimé l’article 107 du texte.

En revanche, elle a adopté les dispositions pénales ne relevant pas stricto sensu de la simplification dès lors qu’elles répondaient à un souci de cohérence dans l’échelle des peines et la répression.

Enfin, elle a supprimé les dispositions déjà adoptées par notre assemblée, le 23 mars 2010, dans le cadre de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique. Ce texte est toujours en instance à l’Assemblée nationale.

Au-delà de ces modifications de fond, la commission des lois a introduit des compléments et procédé à divers ajustements, clarifications et coordinations qui lui paraissaient nécessaires.

Elle a par exemple étendu la procédure simplifiée de nomination dans les commissions municipales aux conseils généraux et régionaux.

Elle a par ailleurs créé une procédure administrative spéciale d’établissement des actes de décès des personnes mortes en déportation, pour remédier au retard pris dans l’apposition de la mention « mort en déportation » sur leur acte de décès.

Elle a apporté une plus grande sécurité à l’exigence de remise, par le conjoint violent, de ses armes : les services de police ou de gendarmerie, premiers destinataires, pourront les neutraliser avant leur remise effective au greffe du tribunal.

Le même esprit a présidé à l’adoption de l’article 40 bis, qui supprime la double consultation du Comité des finances locales et de la Commission consultative d’évaluation des normes sur les textes réglementaires à caractère financier concernant les collectivités locales.

La commission des lois a adopté plusieurs amendements garantissant la transposition, dans les délais requis, de plusieurs directives du Parlement européen et du Conseil. Toutefois, lorsque ces transpositions devaient s’effectuer par voie d’ordonnance, elle en a strictement limité le champ d’habilitation.

Votre commission a adopté plusieurs amendements visant à assurer le bon fonctionnement de la justice administrative.

Ainsi, concernant l’organisation et les effectifs des juridictions administratives, elle a supprimé l’expérimentation d’une mission consultative des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel auprès des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est bien !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est dommage !

M. Bernard Saugey, rapporteur. C’est ainsi, monsieur le garde des sceaux !

La commission a confirmé la suppression du classement de sortie de l’ENA, en renvoyant, pour la nomination des auditeurs au Conseil d’État, à la procédure de recrutement de l’ensemble des élèves de cette école, en lieu et place du dispositif spécifique adopté par l’Assemblée nationale. Cette procédure renforcera la professionnalisation du recrutement des hauts fonctionnaires en permettant aux administrations de vérifier l’adéquation des compétences et des motivations des candidats.

M. Jean-Pierre Sueur. On en reparlera, monsieur le rapporteur !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Bien entendu, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Sueur. Le principe d’égalité est très important !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Cher ami Sueur, je suis là en tant que rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais ! Mais vous n’en pensez pas moins ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Saugey, rapporteur. La commission a également assoupli le cadre général des groupements d’intérêt public, les GIP.

Avant de conclure, je voudrais une nouvelle fois regretter avec force le dépôt tardif, par le Gouvernement, de ses amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. Quarante-neuf amendements ! M. Mercier n’aurait pas agi ainsi !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Vous n’étiez pas en place, monsieur le garde des sceaux, vous n’êtes donc pas visé !

Saisie le 19 octobre, quelques heures avant de se réunir, de quarante-neuf amendements, la commission des lois s’était alors déclarée défavorable à leur adoption, avant de réexaminer mercredi dernier ceux qui lui paraissaient opportuns.

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à votre délibération, mes chers collègues, le texte qu’elle a établi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme elle l’avait fait à l’occasion de l’examen des trois dernières lois de simplification du droit adoptées en 2003, en 2004 et en 2009, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis d’une trentaine d’articles de la proposition de loi qui touchent au droit du travail, à la santé publique et à la simplification des procédures applicables aux personnes handicapées.

Je remercie la commission des lois, et en particulier son rapporteur, M. Bernard Saugey, d’avoir fait confiance à notre commission et à son rapporteur pour avis pour examiner ces dispositions et émettre un avis sur les amendements portant sur les secteurs de compétence de la commission des affaires sociales. Il me paraît très positif que, grâce à la coopération organisée par la commission saisie au fond, toutes les commissions concernées aient pu être associées à l’élaboration du texte de la commission des lois aujourd’hui soumis au Sénat.

Notre commission des affaires sociales a toujours soutenu, dans son principe, la démarche de simplification du droit. La complexité et les fréquentes modifications des codes et des lois applicables dans le domaine social ne peuvent en effet que nous convaincre de la nécessité d’élaguer les textes confus ou obsolètes et de rendre la loi plus lisible et plus accessible.

Mais nous sommes également sensibles à la nécessité d’éviter deux écueils.

Il faut d’abord se garder d’oublier que la politique de simplification du droit doit aussi comporter un volet préventif. Il convient de rechercher la clarté, la concision et la rigueur dès la rédaction des projets et propositions de loi, y compris d’ailleurs des propositions de loi de simplification du droit ! Il importe donc de laisser au Parlement le temps nécessaire à un examen approfondi des textes, d’éviter la multiplication des habilitations législatives et la ratification expéditive des ordonnances. Par ailleurs, les lois de simplification du droit ne doivent pas devenir des lois « portant diverses dispositions », auxquelles on rattache des mesures qui n’ont pas trouvé place ailleurs, et qui mériteraient parfois un examen plus approfondi.

C’est dans cet esprit que la commission des affaires sociales a élaboré l’avis qu’elle a rendu sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, et que je me prononcerai en son nom sur certains des amendements que nous examinerons au cours du débat.

Le texte transmis au Sénat comportait déjà quelque 200 articles. C’est pourquoi le premier souci de la commission des affaires sociales a été d’éviter d’y insérer des dispositions additionnelles. Elle a au contraire souhaité l’alléger.

Elle a d’abord proposé de supprimer plusieurs articles qui avaient davantage vocation à figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ou dans une loi de finances que dans une loi de simplification du droit.

Suivant ses propositions, la commission des lois a ainsi supprimé l’article 23, relatif à la simplification des obligations sociales imposées aux employeurs étrangers, qui a été repris dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et l’article 51, qui a trait au régime de la taxe perçue au bénéfice de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

De même, bien qu’avec quelques regrets, la commission des affaires sociales a proposé de supprimer l’article 9 bis, qui, certes, pouvait permettre une meilleure prise en compte des conjoints des bénéficiaires du RSA pour le calcul de l’allocation, mais faisait peser sur les départements des charges nouvelles non compensées, ce qui n’était pas admissible.

La commission des affaires sociales a également proposé la suppression de plusieurs articles de transposition de la directive « Services », qui avaient été repris, souvent dans une meilleure rédaction, dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques. Il était en effet prévu que ce projet de loi, déposé en septembre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale, soit adopté avant la fin de l’année.

Comme il n’a finalement pas encore été inscrit à l’ordre du jour, le Gouvernement insiste maintenant pour que ces mesures de transposition soient rétablies ou introduites dans cette proposition de loi, dans l’espoir qu’elles seront définitivement adoptées avant que la France ne soit condamnée à payer des amendes en raison du retard de transposition de cette directive.

Je regrette quelque peu cette façon de procéder, qui nous prive d’un débat approfondi et cohérent sur les enjeux de la directive et les modalités de sa transposition. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir au moment de l’examen des articles.

Enfin, la commission des affaires sociales a aussi proposé, mais cette fois pour des raisons de fond, la suppression de diverses mesures de simplification concernant les aides aux handicapés, qui ne nous sont pas apparues très pertinentes.

Cependant, je tiens à vous rassurer, mes chers collègues, la commission a tout de même approuvé, sous réserve, pour certaines d’entre elles, d’amendements de forme ou de fond, la grande majorité des dispositions de la proposition de loi dont elle était saisie. À cet égard, je me bornerai à donner quelques exemples.

En ce qui concerne le droit du travail, on peut ainsi relever la décision d’appliquer le droit commun des congés payés aux salariés rémunérés avec le chèque emploi associatif. J’ai cependant souhaité maintenir le système actuel pour les associations les plus petites, afin de ne pas compliquer leurs formalités administratives. Il convient également de rappeler la mesure visant à la simplification des règles de tenue de compte pour les petits syndicats et celle qui tend à l’aménagement, pour les personnes morales de droit public donneurs d’ordre, du dispositif de responsabilisation en matière de lutte contre le travail dissimulé.

Dans le domaine de la santé publique, je mentionnerai la simplification du traitement des demandes d’ouverture d’établissements pharmaceutiques de gros par les associations et organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire, le renouvellement par les pharmaciens des prescriptions de certains médicaments destinés aux malades chroniques ou de contraceptifs oraux, la simplification des textes réprimant l’usurpation de la qualité de pharmacien et, enfin, la simplification des conditions de recours aux salariés et agents publics membres de la réserve sanitaire.

Lorsque j’ai été consultée par la commission des lois sur l’adoption des amendements qui lui avaient été soumis, je me suis naturellement conformée aux orientations qui avaient déterminé les positions de la commission des affaires sociales, à savoir, notamment, le souci de ne pas transformer le texte en une « loi portant diverses mesures d’ordre social ».

J’ai donc émis des avis défavorables concernant l’intégration de dispositions sans rapport avec la simplification du droit, quel que puisse être par ailleurs leur intérêt, surtout si elles relevaient de sujets que l’on peut difficilement traiter par le biais d’un amendement ponctuel. Nous évoquerons certains de ces amendements au cours de notre débat.

En revanche, plusieurs amendements m’ont paru susceptibles d’enrichir le texte, par exemple ceux qui visent à aménager les modalités de prélèvement des contributions d’assurance chômage – article 23 bis – ou à permettre, en comblant un vide juridique, la rupture du contrat de travail à durée déterminée en cas d’inaptitude du salarié – article 27 nonies.

Une partie des mesures que je viens d’énumérer ont, certes, leur utilité. La commission des affaires sociales a toutefois le sentiment que, sur les sujets qui la concernent, l’apport de ce texte est, au final, assez modeste.

Une telle situation devrait nous inciter à réfléchir à une évolution de notre méthode de simplification du droit. Peut-être faudrait-il envisager, à l’avenir, des textes plus ciblés, précédés d’une véritable concertation avec les acteurs concernés, qui chercheraient à simplifier des législations complexes, sans dissocier la forme et le fond du droit.

Je conclus ce trop long propos en vous indiquant, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les dispositions dont elle était saisie, telles qu’elles figurent dans le texte de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)