M. Jacques Gautier. … sur des pays encore soumis au poids de la féodalité et de spécificités tribales, mais il est nécessaire que le Gouvernement afghan progresse pour répondre à l’attente des populations.

En Afghanistan comme ailleurs, la France joue un rôle particulier, elle qui incarne aux yeux du monde la liberté et la démocratie.

M. Jean-Louis Carrère. De moins en moins !

M. Jacques Gautier. Cependant, nous ne pouvons prétendre régler tous les maux de la planète. C’est pour cette raison que les puissances régionales doivent s’impliquer pleinement dans la résolution des tensions ou des conflits locaux.

Au-delà des formules toutes faites et des critiques à l’emporte-pièce, souvent exprimées d’ailleurs a posteriori, il est nécessaire de travailler dans la durée et de faire confiance aux premiers concernés, c’est-à-dire aux populations elles-mêmes. L’ingérence ou toute autre forme de paternalisme doit laisser place à la responsabilisation, qu’il s’agisse de nos amis Tunisiens, Ivoiriens ou Afghans.

C’est donc avec modestie, avec amitié mais aussi avec fermeté, que nous devons accompagner ces peuples sur le chemin de la démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, madame le ministre d’État, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer l’initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a organisé ce débat parlementaire pour interroger le Gouvernement sur les questions de politique étrangère. Il s’agit d’un sujet essentiel dans un monde de plus en plus globalisé, où les crises se succèdent.

En ce début d’année 2011, il est difficile de ne pas évoquer les événements malheureux qu’a connus le monde au cours de ces derniers mois, notamment l’impasse politique en Côte d’Ivoire, les violences qui secouent le Maghreb, le risque de retour d’un conflit au Soudan, les prises d’otages et les assassinats dont nos compatriotes sont victimes en Afghanistan, au Mali, en Mauritanie ou encore au Niger.

Cependant, j’évoquerai aussi des événements qui ont connu, ou qui devraient connaître, un dénouement plus heureux : je pense à la libération de la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, à la possible annulation de la condamnation à la peine de mort par lapidation pour adultère prononcée contre l’Iranienne Sakineh Mohammadi Ashtiani, ainsi qu’à l’attribution du prix Nobel de la paix au Chinois Liu Xiaobo, pour son engagement en faveur de la démocratie dans son pays.

Face à tous ces événements, notre diplomatie a su rester mobilisée pour la défense de la justice, du droit, de la démocratie, ainsi que pour la protection de nos compatriotes pris pour cibles dans des zones difficiles.

Ce débat parlementaire me donne l’occasion, madame le ministre d’État, de vous interroger sur les relations entre la France et les Comores, la crise politique à Madagascar et la lutte contre la piraterie maritime dans l’océan Indien.

Tout d’abord, concernant la situation aux Comores, vous le savez, la Cour constitutionnelle a validé l’élection de M. Ikililou Dhoinine comme nouveau président de l’Union des Comores. Il succédera prochainement à M. Ahmed Abdallah Sambi.

À ce propos, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce nouvel exécutif de l’État comorien, vos priorités en matière de coopération avec les Comores, ainsi que l’état d’avancement du dossier de demande d’extradition de M. Ahamada Saindou, auteur présumé du viol d’une magistrate à Mayotte.

Ensuite, tandis que les Comores quittent la zone d’instabilité politique, Madagascar reste, depuis deux ans, plongée dans celle-ci, avec l’éviction de M. Marc Ravalomanana et l’arrivée au pouvoir de l’ex-maire d’Antananarivo, M. Andry Rajoelina, qui préside désormais la Haute Autorité de transition, la HAT, non reconnue par l’ensemble de la communauté internationale.

Malgré les critiques de l’opposition, le président de la HAT a mis en œuvre la feuille de route issue de l’accord d’Ivato du 13 août 2010 et de la Conférence nationale de septembre 2010, en organisant le référendum du 17 novembre dernier, qui a créé la ive République de Madagascar.

Madame la ministre d’État, pourriez-vous nous indiquer quelles initiatives sont prises par la France pour aider ce pays ami à sortir d’une crise qui risque de l’isoler davantage encore et qui a tant de conséquences sur la population malgache et sur la région ?

Enfin, l’un des enjeux de la coopération entre la France, Madagascar et les Comores est la lutte contre la piraterie maritime dans la zone.

Je rappelle qu’un accord de coopération militaire a été signé à ce titre avec le ministère de la défense de l’Union des Comores en septembre dernier, mais les événements de ces dernières semaines doivent nous inciter à la vigilance.

En effet, à la fin du mois de décembre, un navire de pêche mozambicain, le Vega 5, a été saisi par des pirates à environ 200 milles au sud-ouest des Comores avec, à son bord, quatorze marins dont la nationalité n’a pas été révélée à ce jour. C’est la première fois qu’une telle attaque a lieu non loin des côtes de l’archipel, et c’est ce qui rend la situation préoccupante.

Malgré les efforts déployés par la force maritime européenne Atalante, la zone des attaques ne cesse de s’étendre. Ainsi, pas plus tard qu’à la fin de la semaine dernière, un bateau de plaisance en croisière dans la zone, le Spirit of Adventure, battant pavillon britannique, a été pris en chasse par un hors-bord au large des côtes mahoraises, heureusement sans succès. Ce paquebot, qui avait fait escale à Mayotte le 11 janvier, devait y revenir le 22 janvier prochain, mais cette escale a été annulée eu égard aux risques encourus, ce qui met le point final à une piètre saison touristique dans l’île. Certaines sources avancent le chiffre de vingt-six navires et plus de 600 otages détenus par les pirates à ce jour.

Outre qu’il est nécessaire de renforcer les moyens techniques de la force Atalante, le cadre juridique actuellement en vigueur ne permet pas de juger efficacement les auteurs de ces actes de piraterie. La loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer permet à la France d’améliorer l’efficacité de la lutte contre les actes de piraterie commis en mer, mais, face à la complexité, notamment sur le plan juridique, de la question, comment le Gouvernement coopère-t-il avec les États voisins et dans quelle mesure les forces maritimes disposées à Mayotte et à la Réunion peuvent-elles intervenir contre ce fléau qui semble se rapprocher chaque jour de nos côtes ?

Telles sont, madame le ministre d’État, les questions sur lesquelles je souhaitais attirer votre attention, car la situation très instable dans laquelle se trouve la zone sud-ouest de l’océan Indien ne laisse pas indifférents les Mahorais. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre monde change vite. Ainsi, en l’espace d’un mois et demi, trois événements ont appelé une réponse rapide et appropriée de la diplomatie française, réponse qui doit se rattacher à une ligne directrice forte.

En Côte d’Ivoire, tout d’abord, la France a un rôle à jouer pour favoriser l’émergence d’une solution africaine à la crise. La situation actuelle annonce-t-elle la fin de la Françafrique ? Ne faudrait-il pas, comme M. Dulait, M. Hue et moi-même l’avions suggéré voilà quelques années dans un rapport rédigé au nom de la commission des affaires étrangères, mener une politique plus dynamique à l’égard des grandes puissances africaines que sont le Nigéria, l’Angola et l’Afrique du Sud ?

Par ailleurs, samedi 8 janvier, le décès dramatique de deux jeunes Français enlevés au Niger a bouleversé tous nos compatriotes. Ils ont donné l’image d’une jeunesse française courageuse et curieuse du monde qui nous entoure. La France entière a été profondément touchée par leur sort.

Tous les moyens doivent être mobilisés pour éradiquer la mouvance terroriste qui opère dans la bande sahélo-saharienne et pour que nos concitoyens soient en sécurité dans cette région. Peut-être faut-il s’interroger sur la politique de déstabilisation de cette région entreprise par une grande puissance régionale, pour ne parler que de l’Algérie.

Enfin, en Tunisie, un gouvernement provisoire d’union nationale a été formé hier, trois jours après la fuite précipitée du président Ben Ali, chassé par un mois de contestation dans la rue. Ce fut un beau moment de réaction démocratique. Là encore, la France doit être aux côtés de la nation tunisienne, voisine et amie, pour l’aider à rétablir le calme et à opérer sa transition vers la démocratie. Je pense qu’à ce titre nous devons faire preuve de vigilance, afin que ce nouveau gouvernement ne soit pas le « faux nez » d’un régime tout juste rejeté.

Après la gestion de la crise et de l’urgence, la France, l’Union européenne et les pays du Maghreb devront s’interroger ensemble sur la nature du partenariat qu’ils veulent bâtir. Là aussi, il me semble que l’Algérie détient la clé.

Il n’existe pas réellement d’organisation régionale qui permette aux États du Maghreb de coopérer, de régler leurs litiges et d’entretenir des relations commerciales et politiques mutuellement bénéfiques. Depuis sa création en 1989, l’Union du Maghreb arabe ne s’est pas développée, et elle n’a été que peu soutenue par l’Union européenne au travers du partenariat euro-méditerranéen, ou Euromed, dit aussi « processus de Barcelone ».

En outre, deux ans et demi après sa création, force est de constater que l’Union pour la Méditerranée n’a pas permis le rapprochement attendu avec les pays du pourtour méditerranéen.

M. Didier Boulaud. Elle n’existe pas ! C’est un mythe sarkozien !

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce constat appelle une réaction. Comme vous l’avez justement indiqué dès votre prise de fonctions, madame la ministre d’État, le monde d’aujourd’hui se dessine autour de grands pôles, de grands ensembles réunissant chacun environ un milliard d’habitants. Ne comptant que 450 millions d’habitants, l’Europe doit se demander avec quelles régions du monde elle souhaite bâtir un partenariat stratégique et commercial pour faire face aux autres grands ensembles. Pouvez-vous nous indiquer quelles initiatives pourraient être prises pour qu’un partenariat avec les pays du Maghreb se dessine ?

Ces considérations m’amènent à évoquer la construction d’une relation plus étroite avec la Russie, puisque je suis convaincu que c’est l’autre partenariat stratégique que nous devons bâtir pour continuer à peser.

La Russie est le plus grand voisin de l’Union européenne, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur d’hydrocarbures. De son côté, l’Union européenne représente le premier partenaire commercial de la Russie. De toute évidence, il existe une réelle interdépendance. La seule voie d’avenir me paraît donc être celle d’un partenariat stratégique, comme l’ont reconnu les présidents des pays concernés, ainsi que l’Union européenne.

Permettez-moi de vous interroger, madame la ministre d’État, sur ce qui pourra être fait en ce sens aux niveaux bilatéral, communautaire et multilatéral.

Sur le plan bilatéral, pouvez-vous indiquer quelles suites seront données à l’année croisée France-Russie, pour faire en sorte que ce grand succès porte ses fruits et que l’élan ne retombe pas ? Par exemple, je pense qu’il est indispensable de développer la mobilité des chercheurs et des étudiants entre les deux pays.

À l’échelon communautaire, dans le même esprit, je suis partisan de supprimer l’obligation de visa pour les ressortissants russes. J’espère que la France pourra user de son influence pour lever les réticences de nos partenaires européens, notamment de l’Allemagne, à ce sujet. Si le sommet de Deauville a été globalement un beau succès, il a quelque peu échoué sur ce point. Il importe de ne pas attendre cinq ou dix ans, madame la ministre d’État, pour que les citoyens russes désirant se rendre dans un pays de l’Union européenne soient dispensés de visa. Je compte sur votre action et sur celle du Président de la République pour que la situation évolue. Je rappelle que, en 2008, quelque 400 000 Russes sont venus en France : c’est à eux que nous avons accordé le plus de visas, ils ont soif de connaître l’Europe et le monde. Il convient de multiplier les échanges entre l’Union européenne et la Russie.

Enfin, à l’échelle multilatérale, le rôle et la place de la Russie détermineront le succès de trois événements internationaux en 2011. Je suis ainsi convaincu que la réussite de la présidence française du G8 et du G20 dépendra notamment de la place qui sera accordée à la Russie dans ces deux instances. Nous avons récemment eu l’occasion de débattre avec M. Juppé de la défense antimissile : de nombreuses difficultés entre la Russie et l’OTAN sont en germe, malgré l’accord de Lisbonne des 19 et 20 novembre derniers. Comment ce dossier évolue-t-il ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Madame la présidente, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs, en quelques jours, deux événements exceptionnels viennent de secouer le Sahel et le Maghreb.

Le premier, tragique, c’est l’enlèvement et l’assassinat de deux de nos compatriotes à Niamey. Permettez-moi de rendre hommage à leur mémoire, d’adresser une pensée à leurs familles et à leurs proches.

Le second, c’est la fin de la dictature en Tunisie.

Ces deux événements, totalement différents, touchent directement la France et nous obligent à analyser la politique que notre pays mène au Sahel, au Maghreb et, d’une manière générale, en Afrique.

Concernant le Sahel, force est de constater que nous avons complètement perdu pied dans cette région de l’Afrique. Notre présence économique, culturelle, sociale y est réduite à sa plus simple expression, et nos aides diminuent chaque année. Pendant ce temps, la pauvreté progresse, accentuée par les aléas climatiques. Vous le savez bien, madame la ministre d’État, une situation humanitaire critique est le terreau de prédilection des trafics, des activismes et des intégrismes.

Notre absence et notre manque d’ambition nous éloignent de plus en plus des centres de décision, politiques ou économiques, de la plupart des États africains. Aujourd’hui, la Chine tend à remplacer la France. Elle s’implante et investit avec pour seul but le pillage des matières premières, très abondantes dans le sous-sol de ces pays, sans se soucier de l’évolution sociale et démocratique de ces derniers.

Votre politique, madame la ministre d’État, montre bien ses limites. La France a perdu la confiance de millions d’Africains, pour la simple et bonne raison que votre politique en Afrique est inconsistante. Quelques tonnes de riz ne suffisent pas à faire illusion !

Votre politique est faite beaucoup plus de déclarations d’intentions que d’actes de coopération, et ce ne sont pas les propos tenus par le Président de la République en juillet 2007 à Dakar qui ont facilité nos relations avec l’Afrique.

M. Didier Boulaud. Cela restera dans l’histoire !

M. Jacques Berthou. Ce discours a marqué les Africains, particulièrement étonnés, choqués que la France ait encore des idées passéistes et une telle méconnaissance de la société africaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Il est donc grand temps, madame la ministre d’État, que la France réagisse, en s’associant avec l’Union européenne, elle aussi concernée par cette partie du monde si proche de l’Europe. La tenue d’une conférence de l’Union européenne avec les États africains du Sahel et du Maghreb est devenue urgente et nécessaire.

S’agissant de la Tunisie, nous saluons, bien sûr, la chute de la dictature. Nous espérons que, dans les prochains jours, ce pays retrouvera le calme et pourra se doter d’un véritable gouvernement provisoire d’ouverture, dans l’attente d’élections législatives vraiment libres et démocratiques. Là encore, que de complaisance montrée par le Gouvernement à l’égard de l’ancien président ! (Protestations sur les travées de lUMP.) Le terme de dictature n’est employé que depuis quelques jours, alors que le népotisme et le pillage du pays par les proches de l’ancien président apparaissent en pleine lumière. Ces faits n’étaient pas ignorés, mais vous avez préféré le silence, pensant que cette dictature était un rempart contre l’intégrisme, fermant les yeux sur l’absence de démocratie et de liberté de la presse,…

M. René Beaumont. Vous aussi !

M. Jacques Berthou. … ainsi que sur le sort réservé aux opposants envoyés en prison ou en exil.

M. René Beaumont. Mémoire sélective !

M. Jacques Berthou. Quant à votre proposition de la semaine dernière, madame la ministre d’État, d’apporter une aide policière au régime tunisien,…

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. C’est complètement faux, vous le savez !

M. Jacques Berthou. … vous conviendrez qu’il s’agit d’une très grave erreur, qui laissera pendant des années des traces indélébiles au Maghreb et en Afrique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Cette déclaration montre combien ce gouvernement est déconnecté des réalités du Maghreb. En fait, votre politique à l’égard de la Tunisie a consisté à accompagner le gouvernement tunisien, jusqu’à la fuite de l’ancien président. Vous avez subi les événements, ne prenant le train en marche que lorsque tout fut joué ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Où est le temps, madame la ministre d’État, où la France avait une politique étrangère qui, par son originalité, ses propositions, ses arbitrages, était écoutée et tenait un rôle majeur dans la diplomatie mondiale ? Que sommes-nous devenus, maintenant que nous nous alignons systématiquement sur la politique des États-Unis ?

M. Jacques Berthou. Comment voulez-vous que notre crédibilité soit reconnue, dès lors que la politique française, au Moyen-Orient par exemple, est en fait celle des États-Unis ? Nous ne pesons plus sur le conflit israélo-palestinien, alors que tout ce qui se passe dans cette partie du monde déstabilise la paix et favorise la continuelle montée de l’intégrisme !

Nous pouvons faire le même constat s’agissant du Pakistan : notre alignement sur les États-Unis nous prive de toute influence, nous interdit toute discussion avec le gouvernement de ce pays, dont on sait le soutien qu’il apporte aux talibans.

La France doit changer sa diplomatie, être une force de proposition avec l’Union européenne et favoriser l’émergence de politiques économiques, sociales et culturelles avec ces pays en voie de développement.

L’Union pour la Méditerranée, souhaitée par le Président de la République, est un échec.

M. Jacques Blanc. C’est une belle ambition !

M. Didier Boulaud. Il n’y a rien, dans ce projet ! C’est une outre vide ! Du pipeau !

M. Jacques Blanc. On ne fait rien sans ambition !

M. Jacques Berthou. Un premier sommet fastueux a été organisé à Paris en juillet 2008, mais le deuxième ne cesse d’être reporté, bloqué qu’il est par le conflit israélo-palestinien.

Pour que nous soyons crédibles, en mesure d’agir et de nous montrer convaincants, nous devons associer à une nouvelle politique l’Union européenne, de la Méditerranée à la Baltique. Il est bien dommage que, là encore, la France passe à côté de l’histoire et ne soit plus à la hauteur des enjeux mondiaux.

Il est grand temps, madame la ministre d’État, que vous réagissiez et que vous redonniez à notre politique étrangère l’influence qu’elle a perdue dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame le ministre d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains propos tenus sur les travées de gauche m’étonnent quelque peu !

M. Jean-Louis Carrère. C’est normal !

M. Robert del Picchia. En effet, en tant que représentant des Français établis hors de France, je ne pense pas que nos compatriotes résidant dans les pays qui ont été évoqués partagent les points de vue exprimés par certains donneurs de leçons semblant se flatter d’avoir tout prévu à l’avance… Mais qui avait prévu la chute du régime tunisien ? Personne !

M. Jean-Louis Carrère. Il fallait écouter Mme Cerisier-ben Guiga !

M. Robert del Picchia. Cela me rappelle un peu la chute du communisme : après coup, tout le monde expliquait avoir perçu tel ou tel signe annonciateur et prévu l’issue finale !

Quant au reproche adressé au Gouvernement de ne pas avoir réagi d’emblée,…

M. Jean-Louis Carrère. On a touché la corde sensible !

M. Robert del Picchia. … je ferai observer que toute prise de position de sa part aurait immédiatement suscité une levée de boucliers et des accusations d’ingérence !

Mme Michelle Demessine. Soyez modestes et reconnaissez votre erreur !

M. Robert del Picchia. Quelle que soit l’attitude du Gouvernement, vous la critiquerez !

M. Didier Boulaud. Si vous n’êtes pas capables d’exercer le pouvoir, laissez-le ! Si cela vous fait peur, abandonnez-le !

M. Robert del Picchia. Nous en reparlerons lorsque vous aurez gagné les élections, si un jour vous les gagnez ! Pour l’instant, vous n’avez pas de leçons à nous donner ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Michelle Demessine. Si vous ne voulez pas qu’on vous en donne, ne nous en donnez pas !

M. Robert del Picchia. Je vous ai écoutés, laissez-moi parler maintenant !

M. Jean-Louis Carrère. Ne nous provoquez pas !

M. Robert del Picchia. Madame le ministre d’État, je vous remercie de l’action de vos services auprès des Français de l’étranger, notamment en matière de sécurité.

S’agissant de la Tunisie, notre politique ne devrait-elle pas être, à l’avenir, d’aider ce pays à cheminer vers la démocratie, une fois le calme revenu, en apportant un soutien à son peuple ? Il a été question d’un fonds d’aide bilatérale : l’Union européenne ne pourrait-elle pas jouer un rôle dans la mise en place d’un tel fonds, ou même envisager la conclusion d’un partenariat avancé, comme il en existe un avec le Maroc ? Ce serait peut-être une façon d’aider la Tunisie, une fois la démocratie en place.

M. Jean-Louis Carrère. Pour faire quoi ?

M. Robert del Picchia. Pour l’heure, je signale que trois ministres issus de l’opposition ont déjà démissionné du nouveau gouvernement.

Madame le ministre d’État, il nous semble difficile, pour une puissance moyenne comme la France, d’exercer toute seule une réelle influence sur une communauté internationale de plus en plus complexe. Agir dans le cadre de l’Union européenne est donc devenu un principe presque absolu de politique étrangère, et il est essentiel, pour notre pays, de jeter les bases d’une nouvelle diplomatie européenne, plus solidaire et indépendante. Il n’y a pas de doute que si les Vingt-Sept adoptent et défendent une position commune sur des problèmes internationaux, l’Europe sera plus forte et mieux entendue dans le monde.

Le service européen pour l’action extérieure, créé par le traité de Lisbonne et opérationnel depuis le 1er janvier dernier, doit être un instrument crucial pour développer la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que les stratégies communautaires à l’égard des États-Unis, de la Chine, de la Russie ou de l’Afrique.

L’Union européenne et la France doivent être déterminées à défendre nos valeurs dans le monde, au travers de la politique étrangère et de sécurité commune. La feuille de route nous semble claire : nous pouvons faire la différence, dans le monde, si nous savons utiliser nos atouts politiques et économiques.

Notre crédibilité diplomatique reposera d’abord sur l’action menée dans les pays voisins, par exemple pour favoriser le dialogue entre la Serbie et le Kosovo, pour aider la Bosnie-Herzégovine à sortir de l’impasse ou pour faire progresser le processus d’intégration européenne des pays des Balkans occidentaux, ainsi que de la Turquie.

Nous savons que l’adhésion de ce dernier pays à l’Union européenne est inopportune pour des raisons à la fois géographiques, institutionnelles, politiques, voire économiques. Toutefois, la Turquie reste le pays tiers le plus étroitement lié à l’Europe, tout en gardant son autonomie et sa liberté d’action, notamment en matière de politique étrangère, et les liens pourraient encore être renforcés. Il ne s’agit donc pas de choisir entre l’adhésion ou rien. Notre diplomatie devrait avoir le courage de dire que si nous devons respecter nos engagements à l’égard des pays tiers, notre devoir est aussi de sauvegarder les acquis de la construction européenne.

On a beaucoup parlé de l’Union pour la Méditerranée, qui, hélas, peine à exister concrètement. Elle ne parvient pas à organiser un sommet. On nous dit que, pour leurs relations avec l’Union européenne, les pays tiers méditerranéens ont des objectifs et des ambitions divergents, et que les conflits entre eux s’amplifient. Cela ne simplifie pas la tâche !

En réalité, l’UPM ne semble guère être une union. Comment l’objectif de créer une zone de libre-échange globale est-il concevable ? Comment parler d’un groupe compact, si chaque pays tiers méditerranéen ou presque aspire à établir des relations spécifiques avec l’Union européenne ?

Pourtant, la coopération entre les deux rives de la Méditerranée est plus que jamais indispensable face aux problèmes réels, très sérieux, qui se posent, par exemple en Tunisie. Notre pays est le plus directement concerné.

Dans tous ces dossiers, la politique étrangère de la France a un rôle majeur à jouer, une voix claire à faire entendre.

Les citoyens européens demandent que l’Union européenne joue un rôle politique plus important dans le monde. Avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, la France peut aider à définir les grandes lignes de sa politique étrangère.

Que ce soit d’un point de vue communautaire ou intergouvernemental, nous pensons que la diplomatie européenne ne peut se concevoir hors l’influence de la France et de sa diplomatie. Soyons clairs, il n’y aura pas de politique étrangère européenne si la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ne sont pas sur la même ligne. Bien entendu, chaque pays devra garder une politique étrangère autonome, mais en l’adaptant à celle des autres.

Le succès du service européen pour l’action extérieure dépendra de la volonté des États membres de coopérer et d’accepter le transfert d’une partie de leur souveraineté nationale en matière de politique étrangère à l’échelon supranational, au profit d’une nouvelle souveraineté collective. Mais n’est-ce pas là la recette de la construction européenne depuis cinquante ans ?

Enfin, comment imaginer que nous puissions apporter, chacun de notre côté et dans la désunion, une réponse crédible, forte et solennelle au cri d’alarme poussé par les chrétiens d’Orient, par exemple ? Les persécutions dont ceux-ci sont victimes exigent que nous ne restions ni inertes ni indifférents. Bien sûr, notre tradition diplomatique nous impose aujourd’hui de protéger les minorités chrétiennes d’Orient et de garantir le libre exercice de leur culte. C’est un combat pour la liberté de conscience et pour la paix que notre pays sait mener, mais il est important que l’Union européenne se joigne à nos efforts.

Avec le départ des chrétiens, c’est tout le Moyen-Orient qui perd de sa substance. Nous savons que la composante chrétienne du Moyen-Orient n’est pas une anomalie de l’histoire.