Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 10 bis

Articles additionnels après l'article 10

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 203 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 221-5. - Un mineur ne peut être placé en centre de rétention, ni être séparé de ses parents ou de ses collatéraux. »

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Les mineurs étrangers doivent bénéficier d’une attention particulière, quelle que soit la procédure engagée à leur encontre, du fait même de leur condition de mineur, laquelle les place dans une position particulièrement vulnérable.

Les conditions d’accueil en centre de rétention administrative sont singulièrement dégradantes et sont dénoncées par de nombreuses organisations : en raison de la surpopulation et de l’absence d’intimité, on peut parler de « lieux déshumanisés ». Ceux-ci sont, en outre, des lieux de privation de liberté. La banalisation du placement des enfants dans ces centres prévu par le présent projet de loi est particulièrement dangereuse, d’autant que la durée maximale de ce dernier sera également renforcée.

Ce placement a plusieurs fois déjà été considéré comme un traitement inhumain et dégradant, au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ce projet de loi prévoit pourtant qu’il sera possible d’enfermer les enfants durant des périodes pouvant atteindre jusqu’à quarante-cinq jours, au mépris de l’intérêt supérieur des enfants. La directive Retour préconise pourtant un tel placement « en dernier ressort ».

Le présent amendement vise donc à interdire le placement de mineurs en centre de rétention et leur séparation de leurs parents.

M. le président. L'amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal ne peut être renvoyé. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de cet amendement est l’occasion pour vous de prouver à notre assemblée que vous êtes attentifs aux droits humains, notamment à ceux des plus fragiles, à savoir les mineurs. Vous devriez faire preuve d’ouverture et l’accepter, ainsi que le précédent.

En l’état actuel du droit, les mineurs étrangers isolés qui ne sont pas admis sur notre territoire peuvent être refoulés à l’issue d’un placement en zone d’attente. Ce régime est dérogatoire au droit commun.

La législation française prohibe en effet toutes les formes d’éloignement forcé à l’égard des mineurs, qu’il s’agisse de mesures administratives – une expulsion – ou judiciaires – une interdiction du territoire français. Les enfants maintenus en zone d’attente sont donc traités comme des étrangers adultes !

Ce dispositif n’a pas d’équivalent dans les États européens qui connaissent des flux migratoires entrants comparables à ceux de la France. Très souvent, vous faites référence à l’Europe, notamment à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Or ces deux pays ne recourent pas au placement en zone d’attente pour les mineurs étrangers isolés. Ils ne leur refusent pas non plus l’entrée sur leur territoire.

En 2008, sur environ 1 000 mineurs étrangers isolés arrivés à l’aéroport de Roissy, 341 ont été expulsés ou ont poursuivi leur voyage vers une autre destination.

Cette pratique n’est pas acceptable car, selon le Conseil d’État, la décision de renvoyer un mineur étranger isolé vers son pays d’origine peut porter « atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et doit être regardée comme contraire à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ».

Par ailleurs, les mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente sont parfois éloignés vers des pays où ils n’avaient fait que transiter – de tels cas sont connus –, sans bénéficier des garanties suffisantes permettant de leur assurer qu’ils ne seront pas exposés à des exactions et qu’ils seront pris en charge à leur arrivée. Ce faisant, les autorités françaises mettent ces enfants en situation de danger.

Une telle pratique est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans un arrêt du 12 octobre 2006, a considéré qu’une « situation d’extrême vulnérabilité » est « un élément qui est déterminant et que celui-ci prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ».

Soucieux de garantir le respect des droits de l’enfant, nous proposons d’interdire l’expulsion des mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente. Le présent amendement vise à permettre d’organiser la protection de ces migrants en prenant en considération leur intérêt supérieur, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Il n’est pas dans notre intention d’autoriser de façon absolue tous les mineurs étrangers isolés à séjourner en France. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant peut en effet dicter une décision de retour dans le pays d’origine.

Nous souhaitons laisser du temps aux autorités compétentes pour qu’elles puissent évaluer sereinement les dangers auxquels les mineurs étrangers isolés risquent d’être confrontés en cas de retour dans le pays où ils ont leur résidence habituelle. En cas d’éloignement, les autorités devraient également s’assurer que la procédure est menée avec l’accord du mineur et qu’elle prend en considération prioritairement son projet de vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je pense que l’amendement n° 203 rectifié comporte une confusion. En effet, ses auteurs visent le placement de mineurs en centre de rétention tout en faisant référence à l’article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif aux mineurs isolés en zone d’attente. Or ces deux types de placements obéissent à des règles différentes.

L’amendement n° 203 rectifié tend à interdire le placement des mineurs en centre de rétention qui est d’ores et déjà impossible.

Au surplus, pour ce qui concerne les mesures d’éloignement dont peuvent faire l’objet des mineurs accompagnant leurs parents, je rappelle que le code précité n’empêche pas l’éloignement de parents d’enfants mineurs et que l’administration s’efforce de ne pas séparer les enfants de leurs parents, ce qui rend inévitable parfois, malheureusement, la présence d’enfants en centre de rétention. Toutefois, cette situation n’est pas visée par le dispositif de l’amendement.

En conséquence, la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 309 rectifié vise à interdire le renvoi dans son pays d’un mineur isolé qui n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire et qui se trouve donc en zone d’attente.

Le droit positif prévoit d’ores et déjà que les mineurs dans une telle situation se voient désigner un administrateur ad hoc, qui les assiste durant leur maintien en zone d’attente et assure leur représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’administrateur ad hoc doit être désigné sans délai.

Par ailleurs, en cas de danger pour le mineur, le juge pour enfants peut prendre l’ensemble des mesures de protection qu’il estime utiles.

Le droit apporte donc déjà de nombreuses garanties aux mineurs isolés qui se présentent à la frontière.

L’amendement n° 309 rectifié est trop systématique. De surcroît, son adoption risquerait d’encourager les filières de passeurs, pour lesquelles, on le sait, tous les moyens sont bons pour faire entrer des étrangers sur notre territoire.

La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Tout d’abord, monsieur Assouline, je me suis exprimée longuement sur un certain nombre d’amendements, notamment lorsqu’une précision complémentaire devait être apportée. En revanche, il ne m’a pas semblé utile de répéter les propos de M. le rapporteur ; je ne vois pas ce que cela aurait apporté au débat !

J’en viens plus précisément aux amendements nos 203 rectifié et 309 rectifié.

Je vous rappelle que la protection des mineurs concernés par le dispositif est une préoccupation constante du Gouvernement. Il n’est pas question de déroger à ce principe, y compris en matière de mesures d’éloignement. D’ailleurs, comme vous le savez, un mineur ne peut pas être placé en rétention à titre individuel.

Cependant, les enfants peuvent accompagner leurs parents lorsque ceux-ci font l’objet d’un placement en rétention. Les familles sont alors dirigées vers des centres spécialisés, qui sont aménagés dans le respect de normes exigeantes.

Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il était, me semble-t-il, utile de le préciser.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. David Assouline. Ils ne sont pas identiques !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Non, mais ils sont très proches.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l'amendement n° 309 rectifié.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Il arrive parfois que les jeunes concernés ne sachent pas s’exprimer dans notre langue et que l’on ne connaisse pas leur âge. Ce sont alors les services médicaux qui déterminent si la personne est mineure ou non. Or, selon certains services de l’Assistance publique, la méthode utilisée à cette fin – il s’agit d’un bilan osseux – ne serait pas toujours fiable et ses résultats auraient besoin d’être confirmés par des examens complémentaires.

C’est donc un véritable problème, et je crois qu’il faut mener une réflexion sur le sujet. En tout cas, je tenais à attirer l’attention du Gouvernement et de la Haute Assemblée sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame Hermange, j’ai déposé un amendement sur le sujet que vous venez d’évoquer. J’espère que je pourrai compter sur votre soutien lorsque nous l’examinerons…

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, nous, nous vous soutiendrons, madame Boumediene-Thiery.

Je souhaite remercier Mme Hermange d’avoir soulevé un tel problème.

Pour ma part, j’ai interpellé à maintes reprises les gouvernements successifs sur la question des évaluations osseuses. À chaque fois, on m’a répondu qu’une réflexion sur le sujet s’imposait, mais qu’il fallait continuer d’utiliser la méthode employée, pourtant sujette à caution. La situation n’a guère évolué…

Mais, aujourd'hui, puisque nous discutons des mineurs, l’occasion nous est donnée de nous poser les véritables questions. Quels moyens d’évaluation faut-il retenir ? La méthode utilisée ne devrait-elle pas être abandonnée compte tenu du nombre d’erreurs qu’elle a provoquées ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 309 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 222-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’étranger est maintenu à disposition de la justice dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 515, présenté par M. François-Noël Buffet, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 90.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est important.

En fixant au juge des libertés et de la détention un délai de vingt-quatre heures, pouvant éventuellement être porté à quarante-huit heures, pour statuer, l’article 9 du projet de loi lui permettra de ne plus rendre son ordonnance sans délibérer, afin, éventuellement, de prendre le temps de mener les investigations qui lui paraîtraient nécessaires.

Le présent amendement vise à indiquer que, pendant ce temps, et jusqu’au prononcé de l’ordonnance, l’étranger est maintenu à la disposition de la justice dans des conditions définies par le procureur de la République. C’est une précision qui me semble utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de précision.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 515.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 117 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 308 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mineur isolé ne peut être éloigné avant d'avoir rencontré l'administrateur ad hoc qui lui a été désigné. »

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 117.

M. Jean-François Voguet. Cet amendement a pour objet d’introduire une protection renforcée des mineurs étrangers placés en zone d’attente.

Alors que 40 % d’entre eux restent moins de vingt-quatre heures dans la zone avant d’être éloignés, ils ne peuvent pas faire valoir les protections juridiques qui leur ont pourtant été accordées, notamment la rencontre avec un administrateur ad hoc qui les informe de leurs droits et les représente juridiquement. Eu égard aux actuels délais, l’administrateur n’a pas le temps d’être désigné avant que le mineur soit refoulé.

Pourtant, l’administrateur a pour rôle d’améliorer la situation juridique du mineur isolé, qui se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière. Le droit commun doit être appliqué à tous, et l’administrateur, qui en est en l’espèce le garant, ne devrait en aucun cas pouvoir être évincé.

C’est pourquoi nous souhaitons introduire une obligation dans la loi : le mineur ne peut pas être éloigné sans avoir rencontré l’administrateur ad hoc.

Ce qui doit primer, c’est le respect des droits humains, et non l’efficacité d’une procédure de refoulement précipitée !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 308 rectifié.

M. David Assouline. Conformément à l’article L. 221-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal qui n’est pas autorisé à entrer en France est placé en zone d’attente, le procureur de la République, saisi par la police de l’air et des frontières, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc pour assurer sa représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives au maintien en zone d’attente.

Ce dispositif, qui a été créé en 2002, connaît de nombreux dysfonctionnements préjudiciables aux droits des mineurs étrangers isolés.

Un administrateur ad hoc n’est pas présent au moment de la notification au mineur du refus d’entrée qui lui est opposé et de son placement en zone d’attente.

En outre, ces administrateurs sont souvent victimes d’obstruction policière et doivent engager une course contre la montre lorsqu’ils essaient d’empêcher l’éloignement d’un mineur vers un pays où celui-ci serait exposé à des risques.

Dans ces conditions, nombre de mineurs étrangers isolés sont expulsés sans même avoir pu contester leur placement en zone d’attente, ainsi que leur expulsion.

Nous craignons que ces difficultés – elles existent déjà ! – ne s’accentuent en cas de création d’une zone d’attente spéciale. Ces inquiétudes sont partagées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, qui, dans un avis très critique en date du 5 juillet dernier, a affirmé ceci : « Du fait de la mobilité des zones d’attentes ad hoc, les difficultés rencontrées pour désigner un administrateur ad hoc qualifié dans les meilleurs délais, comme l’exige la loi, vont être démultipliées et la représentation des mineurs risque d’être inexistante. »

Afin de garantir le respect des droits des mineurs étrangers isolés, nous proposons d’insérer un article additionnel après l’article 10 pour poser le principe selon lequel ceux-ci ne peuvent pas être éloignés avant d’avoir rencontré un administrateur ad hoc. Franchement, c’est bien le moins que nous puissions faire !

Certains nous disent qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, le droit des mineurs garantissant déjà la désignation de l’administrateur. Soit ! Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas ajouter dans le projet de loi une disposition précisant que le mineur isolé ne peut pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement avant d’avoir rencontré un administrateur ad hoc ?

Aujourd'hui, certains mineurs n’ont même pas le temps de rencontrer une telle personne. Ce fait justifie que vous acceptiez notre amendement, mes chers collègues.

La précision que nous proposons d’ajouter dans le projet de loi ne déforme en rien ce qui existe déjà, mais elle donnerait du crédit aux propos de ceux qui nous invitent à ne pas nous inquiéter pour les mineurs étrangers…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements identiques concernent les mineurs isolés présents sur le territoire national.

Or, aux termes des articles L. 511–4 et L. 521–4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mineurs isolés ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement. Le dispositif souhaité par les auteurs de ces deux amendements est donc satisfait par le droit en vigueur. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)

Toutefois, j’observe qu’il y a une contradiction entre le dispositif et l’objet de l’amendement n° 117.

En effet, l’exposé des motifs de cet amendement vise le cas des mineurs isolés placés en zone d’attente, c’est-à-dire n’ayant pas été autorisés à entrer sur le territoire.

Là encore, les dispositions de l’article L. 221–5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient – cela vient d’être évoqué – la présence et la désignation sans délai de l’administrateur ad hoc durant le maintien en zone d’attente. C’est donc ce dernier qui assure la représentation du mineur dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 117 et 308 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Articles additionnels après l'article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 11

Article 10 bis 

(Supprimé)

Article 10 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 12 (Supprimé)

Article 11

À la seconde phrase de l’article L. 222-5 et à la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 222-6 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ».

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. Cet article concerne l’appel suspensif du parquet.

Il est proposé de donner davantage de temps au ministère public pour contester des décisions de remise en liberté ou de maintien en zone d’attente prononcées par le juge des libertés et de la détention. L’article 11 porte ainsi de quatre heures à six heures le délai dont dispose le parquet pour demander un appel suspensif de la décision de remise en liberté par le juge des libertés et de la détention.

Cette prolongation est valable tant pour le maintien en zone d’attente prévu par l’article 11 qu’en matière de placement en rétention administrative ; nous le verrons lors de l’examen de l’article 44.

Concrètement, une telle procédure, qui est ancienne, consistait à limiter les décisions des juges ayant pour effet de remettre les étrangers en liberté.

À nos yeux, rien ne justifie que le délai imparti au ministère public pour former un appel suspensif auprès du président de la cour d’appel contre une décision de refus de maintien en zone d’attente prise par un juge des libertés et de la détention soit porté à six heures, contre quatre actuellement. En réalité, il s’agit, une nouvelle fois, d’une volonté de mettre ce dernier magistrat sous contrôle et de limiter ses prérogatives !

Ce n’est pas étonnant. Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, le présent projet de loi est imprégné d’un esprit de défiance à l’égard du juge judiciaire, accusé d’être laxiste, de relâcher trop souvent les étrangers et d’empêcher le Gouvernement d’atteindre ses objectifs chiffrés d’expulsion. Voilà donc une nouvelle manifestation de défiance vis-à-vis du juge judiciaire et une tentative de réduire l’indépendance du juge, en général !

L’effet suspensif n’a d’effectivité que dans un sens, celui permettant le maintien en rétention de l’étranger, dont les garanties une fois de plus sont affaiblies.

L’article 11 renforcera encore une disposition déjà fortement défavorable aux droits de l’étranger, puisque le caractère suspensif de l’appel est réservé exclusivement au procureur, sans que l’étranger puisse user, via son avocat, d’une disposition symétrique en cas de décision qui lui serait défavorable, c'est-à-dire la prolongation de sa détention. Pourtant, l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance mettant fin à son maintien en zone d’attente peut voir cette ordonnance faire l’objet d’un appel suspensif de la part du procureur de la République. C’est dire à quel point il n’y a pas égalité des armes.

C’est contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui exige, notamment, l’égalité des armes entre parties, l’égalité des parties en termes de moyens de recours. Or en faisant passer de quatre à six heures le délai au cours duquel le procureur peut demander l’effet suspensif, vous aggravez encore cette inégalité qui porte atteinte au principe même d’un procès équitable.

On peut faire beaucoup de reproches à l’Europe, mais force est de reconnaître que, en matière de droit de l’homme, elle est souvent en avance sur la France.

M. David Assouline. C’est très vrai !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 38 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 118 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 307 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. J’ajouterai deux arguments à ceux qui viennent d’être développés.

Premièrement, l’allongement du délai imparti au parquet pour former un appel suspensif créera stress et inquiétude pour l’étranger, ce qui n’est pas acceptable.

Deuxièmement, les avocats seront dans l’obligation de réagir encore plus rapidement.

Ces deux lourdes conséquences justifient pleinement la suppression de l’article 11.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 118.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous proposons de maintenir le délai de quatre heures dont le ministère public dispose pour former un appel suspensif après la décision du juge des libertés et de la détention de ne pas maintenir l’étranger en zone d’attente.

Rien ne saurait justifier qu’un tel délai passe à six heures. Quatre heures suffisent largement au parquet pour fournir une demande motivée.

L’allongement du délai facilitera le recours à la procédure en cause, qui est utilisée pour neutraliser une décision favorable à l’étranger.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 307.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 11 tend à faire passer de quatre à six heures le délai pendant lequel le procureur de la République peut relever appel d’une décision de refus de maintien en zone d’attente.

Comme mes collègues l’ont souligné, l’allongement du délai facilitera l’usage par le parquet de cette arme redoutable, qui permet de neutraliser une décision favorable à l’étranger.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 11 renforcent encore, au détriment de l’étranger, l’inégalité résultant déjà du fait que l’appel suspensif est réservé au seul procureur de la République. Elles sont donc contraires au principe d’égalité des armes posé par la Convention européenne des droits de l’homme.