M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

II. - En conséquence, alinéas 12 à 20

Supprimer ces alinéas.

III. - En conséquence, alinéa 21

Remplacer les mots :

du deuxième alinéa du présent II

par les mots :

de l'alinéa précédent

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 157, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Si le comportement de la personne concernée constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ;

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement de repli tend à modifier la rédaction de l’alinéa 12, qui définit une des hypothèses permettant à l’autorité administrative de décider du départ sans délai d’un étranger : en cas de « menace à l’ordre public ».

Nous estimons que la notion d’« ordre public » est trop floue. Elle est toujours utilisée de façon abusive pour justifier les options idéologiques prises par le Gouvernement en matière de politique migratoire et sécuritaire.

L’ordre public renvoie au « bon ordre », à la « sécurité », à la « salubrité » et à la « tranquillité » publiques. Si cette notion est très claire lorsque le trouble provoque un danger ou une restriction des libertés des autres citoyens, elle devient beaucoup plus vague lorsqu’il s’agit d’une atteinte à la quiétude.

Il convient donc de mieux encadrer ce dispositif en précisant, par exemple, que le comportement de la personne « constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». Cette précision éviterait de recourir abusivement à cette notion aux contours sont mal définis pour décider d’un départ sans délai d’un étranger qui, faut-il le rappeler, peut être très lourd de conséquences pour lui.

M. le président. L'amendement n° 354, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

ou manifestement infondée ou

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’alinéa 13 de l’article 23 vise à permettre à l’autorité administrative de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à l’encontre d’un étranger qui s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée.

Une telle formulation laisse entendre qu’il y aurait des demandes de titres de séjour fantaisistes, qui seraient en soi totalement infondées. Pourtant, l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, introduit en 2006, prévoit l’admission exceptionnelle au séjour pour les étrangers qui font valoir des considérations humanitaires et qui justifient des motifs exceptionnels. Aucune demande de délivrance ou de renouvellement de titre ne peut donc jamais être « manifestement infondée », même si elle ne correspond pas aux conditions légales dans lesquelles l’étranger se voit attribuer de plein droit une carte de séjour temporaire.

Dans ces conditions, nous vous proposons de supprimer les termes « manifestement infondée » afin de limiter le pouvoir discrétionnaire de l’administration.

M. le président. Les amendements nos 48 rectifié et 490 sont identiques.

L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 490 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 14 à 20

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° S’il existe un risque de fuite.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement est de la même veine que ceux que nous avons défendus précédemment puisqu’il a pour objet de procéder à une transposition sincère de la directive Retour.

L’article 7 de la directive envisage trois hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder l’aide au départ volontaire : s’il existe un délit de fuite ; si une demande de séjour régulier a été rejetée comme manifestement non fondée ou frauduleuse ; si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Il convient donc de s’en tenir à ces dispositions.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 490.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le texte proposé par l’article 23 pour le II de l’article L. 511-1 du CESEDA étend considérablement le nombre d’hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire.

Les six hypothèses prévues aux alinéas 14 à 20, qui visent à transposer la notion de risque de fuite, ne correspondent ni au texte ni à l’esprit du paragraphe 4 de l’article 7 de la directive Retour. En effet, est d’abord assimilée à un risque de fuite l’absence de démarche en vue de la régularisation. Il s’agit là d’une interprétation extensive, voire outrancière de la directive.

La mise en œuvre des dispositions prévues aux alinéas 14 à 20 entraînerait également un renversement de la charge de la preuve. Il reviendrait en effet à l’étranger de démontrer que le risque de fuite n’existe pas, ce qui équivaut à exiger de sa part une preuve impossible à fournir.

En outre, est envisagée la situation de l’étranger n’ayant pas de documents de voyage ou d’identité en cours de validité. Un tel cas n’est considéré par la directive ni comme la traduction d’un risque de fuite ni comme justifiant la réduction du délai de recours volontaire. En ajoutant des possibilités à une exception qui, comme toute exception, doit s’entendre de manière limitative, les alinéas 14 à 20 de l’article 23 se révèlent contraires à « l’économie générale des dispositions de la directive », pour reprendre la formule du juge communautaire.

Selon notre rapporteur, le choix des critères permettant de présumer le risque que l’étranger se soustraie à la mesure d’éloignement relève sans doute d’une interprétation assez large de la notion de risque de fuite. Pour autant, notre collègue n’a tiré aucune conséquence de ses observations. Nous proposons donc de le faire à sa place en remplaçant les six hypothèses créées par le Gouvernement par les termes « S’il existe un risque de fuite. »

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas de ressortissants de l’Union européenne ou de leurs familles, les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

« Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à distinguer l’appréciation des motifs d’ordre public par l’autorité administrative afin d’éviter une assimilation entre les ressortissants de l’Union européenne et ceux des pays tiers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 160 et 357 visent à supprimer la possibilité pour l’administration de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Ce faisant, ils tendent à mettre l’administration dans l’impossibilité de prononcer une mesure d’éloignement semblable à l’actuel APRF, ce qui ne semble pas raisonnable.

La directive Retour permet d’ailleurs expressément de prévoir l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire dans un certain nombre de cas, que le présent article précise.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

L’amendement n° 359 tend à supprimer la possibilité de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire dans les autres cas que celui où le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public.

Or, d’une part, la directive prévoit explicitement cette possibilité en cas de risque de fuite, d’autre part, il est nécessaire que l’administration puisse continuer à prononcer des mesures d’éloignement sans délai de départ volontaire dans les cas où l’étranger relève aujourd’hui d’un arrêté préfectoral de reconduite, pour lequel, précisément, un tel délai n’est pas prévu. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 157 tend à préciser la nature de la menace contre l’ordre public qui peut justifier une mesure d’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.

Cette notion d’« ordre public » est toutefois une notion classique de notre droit public et elle fait l’objet d’une jurisprudence abondante. Dès lors, il ne paraît pas opportun de la compléter par de nouveaux éléments, du moins en dehors des cas où la législation communautaire l’exige. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Les termes « manifestement infondée », que l’amendement n° 354 vise à supprimer, s’agissant de la demande de titre de séjour, sont identiques à ceux de la directive Retour. Ils s’appliquent aux cas où le type de titre de séjour demandé ne correspond en rien à la situation réelle du demandeur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Les amendements identiques nos 48 rectifié et 490 tendent à supprimer les dispositions caractérisant le « risque de fuite » susceptible de justifier qu’aucun délai de départ volontaire ne soit accordé à l’étranger. Or ces dispositions sont absolument nécessaires pour que l’administration puisse motiver sa décision en s’appuyant sur des critères précis.

Ainsi, les critères fixés par le texte recouvrent, d’une part, les cas où le lien de confiance avec l’administration est rompu, par exemple parce que l’étranger n’a jamais demandé le titre de séjour nécessaire ou son renouvellement et, d’autre part, les cas où l’étranger n’a pas de garanties de représentation permettant à l’administration de s’assurer de sa personne en vue de l’exécution éventuelle de la mesure d’éloignement.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

Enfin, l’amendement n° 47 rectifié tend à insérer dans l’article 23 des dispositions issues de la directive dite « libre circulation ». Or les dispositions de l’article 23 ne concernent pas les étrangers ressortissants de l’Union européenne et la commission a intégré à son texte, à l’article 25, qui traite de cette question, des dispositions similaires à celles du présent amendement, dont elle souhaite donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est, pour les mêmes raisons que la commission, défavorable aux amendements identiques nos 160 et 357.

L’amendement n° 359, dont l’objet est de restreindre la possibilité de refuser un délai de départ volontaire aux seuls cas de menace pour l’ordre public, vise à supprimer deux cas de refus : lorsqu’une demande de séjour régulier a été rejetée comme manifestement infondée ou frauduleuse ; lorsqu’il existe un risque de fuite. Ces deux cas sont pourtant expressément prévus à l’article 7 de la directive Retour.

Par ailleurs, je le rappelle, il n’existe pas d’automaticité pour refuser le délai de départ volontaire et l’autorité administrative conserve un pouvoir d’appréciation. L’alinéa 11 de l’article 23 précise en effet que le délai de départ peut être refusé et l’alinéa 14 du même article que le « risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière ».

Pour ces différentes raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 157 tend à préciser la notion de menace pour l’ordre public justifiant le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français sans délai, mais les précisions qu’il est proposé d’apporter introduisent une double confusion dans notre droit de l’éloignement.

Tout d’abord, dans le cadre de l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, les auteurs de l’amendement donnent une définition de la menace à l’ordre public qui est très proche des critères pouvant justifier un arrêté d’expulsion. Or il est évident que la menace dont il s’agit à l’article 23 ne présente pas le même degré que celle qui justifie le prononcé d’une telle mesure d’expulsion.

Ensuite, comme l’a souligné M. le rapporteur, ils appliquent à l’article 23, qui concerne les ressortissants des pays tiers, une rédaction issue de la directive de 2004 sur les ressortissants communautaires.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 354 marque le refus de l’idée qu’une demande de titre de séjour puisse être considérée comme manifestement infondée et que cela puisse justifier, dans le cadre d’une décision d’éloignement, un refus de délai de départ volontaire. L’amendement vise donc à supprimer les termes « manifestement infondée », qui sont pourtant une transposition fidèle du paragraphe 4 de l’article 7 de la directive Retour. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

De fait, les amendements nos 48 rectifié et 490 reviennent à supprimer l’ensemble des critères objectifs permettant d’apprécier le risque de soustraction à la mesure d’éloignement pour les remplacer par la simple mention d’un risque de fuite. Le Gouvernement ne peut émettre qu’un avis défavorable.

L’amendement n° 47 rectifié, comme l’a indiqué M. le rapporteur, établit un rapprochement, qui n’est sans doute pas très heureux, avec les ressortissants de l’Union européenne, alors que les dispositions de l’article 23 visent les ressortissants des pays tiers. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.

Mme Anne-Marie Escoffier. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 160 et 357.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 359.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 354.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié et 490.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de prendre une décision obligeant un ressortissant communautaire à quitter le territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, l’autorité administrative tient compte notamment de la durée du séjour de l’intéressé sur le territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement se rapprochant de l’amendement n° 47 rectifié, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié est retiré.

L'amendement n° 158, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de prendre une décision obligeant un ressortissant communautaire à quitter le territoire pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique, l'autorité administrative tient dûment compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement de repli vise à transposer de façon littérale le 1° de l’article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004.

Nous estimons que l’unification de la procédure d’éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier ne doit pas aboutir à une identité de traitement entre, d’une part, les ressortissants de pays tiers et, d’autre part, les ressortissants communautaires dans un sens qui diminuerait les garanties et protections de ces derniers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion de préciser que l’article 23 ne s’appliquait pas aux ressortissants communautaires. L'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 50 rectifié, 161 et 362 sont identiques.

L'amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 161 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 362 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 22 à 32

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à supprimer l’interdiction de retour sur le territoire telle qu’elle est prévue par les alinéas 22 à 32 de l’article 23.

Tout d’abord, la directive Retour n’imposant nullement qu’une telle interdiction relève de la seule compétence des autorités administratives, nous regrettons vivement qu’elle ne soit pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire.

Cette interdiction porte également gravement atteinte au droit de mener une vie familiale normale, notamment pour l’étranger conjoint d’un ressortissant français, de même qu’au droit d’asile, dans l’hypothèse où l’étranger renvoyé dans son pays d’origine aurait ensuite besoin de le quitter en raison de menaces de persécution.

Le texte de ces alinéas ne protège aucune catégorie de personnes contre cette mesure. Il ne mentionne aucun critère pour justifier cette interdiction, mais simplement des éléments à prendre en compte pour moduler la durée de celle-ci. Ces critères de modulation nous frappent par leur imprécision : comment apprécier, par exemple, la menace pour l’ordre public permettant de justifier cette interdiction de retour ?

De surcroît, la transposition est non seulement erronée, mais aussi incomplète : la directive Retour exclut, sous certaines conditions, la possibilité de prononcer une interdiction de retour contre des personnes victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités. Cette limitation n’est même pas reprise par le projet de loi. Et quand bien même l’administration abrogerait l’interdiction de retour, l’article ne prévoit pas l’annulation simultanée de l’inscription au fichier européen.

Tous ces éléments justifient, selon nous, la suppression de ces alinéas.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 161.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les alinéas 22 à 32 visent à transposer l’une des dispositions les plus graves de la directive Retour puisqu’il s’agit d’accorder à l’administration un pouvoir démesuré, en instituant un véritable bannissement des étrangers et une « double peine administrative ». L’autorité préfectorale va ensuite pouvoir assortir l’obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, qui s’étendra au surplus à tout le territoire Schengen, le signalement dans le système d’information Schengen étant prévu par le texte.

Cette disposition va rendre plus difficile encore, voire impossible la recherche éventuelle d’une protection ultérieure en Europe en cas de nécessité !

La durée de l’interdiction de retour variera selon que l’OQTF sera assortie ou non d’un délai de départ volontaire. Il est à craindre que l’autorité administrative ne notifie largement aux étrangers renvoyés des obligations de quitter le territoire sans délai de départ volontaire. Aucun motif n’est spécifiquement prévu en ce qui concerne le droit d’asile afin d’obliger l’autorité administrative à ne pas prononcer une interdiction de retour ou à en restreindre la durée.

Dès lors, si un demandeur d’asile débouté soumis à une interdiction de retour est resté sur le territoire français, il éprouvera les plus grandes craintes à se présenter au guichet d’asile d’une préfecture pour faire valoir son nouveau besoin de protection ou encore régulariser à un autre titre sa situation.

L’interdiction de retour est exécutoire. Craignant de se rendre en préfecture, ces anciens demandeurs d’asile risquent de se retrouver ainsi dans une situation de non-droit pendant plusieurs années.

Si un étranger revient avant l’expiration du délai de l’interdiction de retour, il risque de voir cette interdiction prolongée. S’il est placé en zone d’attente, il risque fort de ne pas être admis à entrer sur le territoire en raison de son interdiction de retour.

Le projet de loi prévoit certes la possibilité pour le ressortissant étranger de solliciter l’abrogation de l’interdiction de retour, mais il exige pour cela que l’intéressé réside hors de France.

Or il sera extrêmement difficile de mener une telle procédure à distance. Quant aux demandes d’abrogation de ceux qui se maintiendront sur le territoire, elles ne seront pas recevables.

En définitive, l’étranger qui souhaitera de nouveau faire examiner son besoin de protection sera contraint de recourir au juge administratif, à condition bien évidemment qu’il le saisisse dans les délais.

Cette mesure étant laissée à la discrétion des préfectures, il y a fort à craindre qu’elle ne devienne en réalité systématique.

Il n’existe pas de cadre législatif suffisant permettant de protéger effectivement les étrangers ayant vocation à recevoir de plein droit un titre de séjour. En pratique, il sera très difficile de contester une telle interdiction de retour sur le territoire.

De surcroît, votre texte va au-delà de ce que recommande la directive Retour, celle-ci excluant, par exemple, sous certaines conditions, aux termes de l’alinéa 2 du 3° de son article 11, la possibilité de prononcer une interdiction de retour contre des personnes victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités. Or cette limitation n’est pas reprise par le projet de loi, ce que nous déplorons.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 362.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les alinéas 22 à 32 de l’article 23 tendent à instituer un véritable bannissement des étrangers, qui serait applicable à tout l’espace Schengen pendant une période maximale de cinq ans.

Cette épée de Damoclès serait suspendue au-dessus de tous les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement puisque, en dépit de l’extrême gravité de cette mesure, aucune catégorie d’étrangers ne serait explicitement protégée. L’article 23 se borne en effet à mentionner de manière floue que l’administration devrait notamment tenir compte de la durée de présence sur le territoire, de la nature et de l’ancienneté des liens avec la France.

Ce faisant, de nombreux étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner sur le territoire français, comme des conjoints de Français ou de résidents en France, mais aussi des parents d’enfants français, en seraient bannis de manière discrétionnaire pour une durée allant de deux à cinq ans !

Nous considérons que cette mesure de bannissement est contraire à la Constitution.

Contrairement à la peine complémentaire d’interdiction du territoire, l’IRTF relèverait de la seule autorité préfectorale, et ne serait pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire. Elle serait donc contraire à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que l’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle.

Ces dispositions méconnaissent également l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que la « loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ; autant dire que ces peines doivent être proportionnées.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel considère qu’une mesure d’interdiction du territoire ne peut pas être prononcée « sans égard à la gravité du comportement de l’étranger ».

Ces dispositions sont donc contraires à l’article XVI de la Déclaration de 1789, car des étrangers ayant contesté une OQTF pourraient voir prononcer contre eux une interdiction de retour avant même que leur recours, pourtant suspensif, n’ait été examiné par la juridiction administrative.

Le dispositif prévu aux alinéas 22 à 32 n’est pas non plus conforme aux prescriptions de la directive Retour. Cette directive prévoit certes que les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée « si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire ». Cependant, le 4° de son article 7 limite strictement les possibilités dans lesquelles « les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ». Or le présent projet de loi donne à l’administration la possibilité de prononcer un refus de délai de départ dans un nombre bien plus grand de situations.

La directive prévoit que l’octroi d’un délai de départ volontaire doit être la règle et le refus de délai, l’exception. Cela implique que les IRTF automatiquement liées aux OQTF sans délai aient également un caractère exceptionnel. Or le projet de loi inverse cette logique en prévoyant un dispositif dans lequel l’IRTF serait la règle et non plus l’exception.

Enfin, le signalement au fichier SIS de toute personne faisant l’objet d’une IRTF pose également problème, car il ne constitue pas un impératif au regard de la directive. J’ajoute que cette disposition ne respecte pas non plus le principe de proportionnalité des inscriptions au fichier SIS II, consacré à l’article 21 du règlement (CE) n°1987/2006.