M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il existe bien entendu des difficultés d’ordre matériel dès lors qu’une nouvelle organisation doit être mise en place. Comment trouver un établissement adapté ou des personnels qualifiés en cas de maintien à domicile ?

Cela étant, les difficultés sont également psychologiques, parce que la dépendance entraîne une modification des rôles, l’appropriation d’une nouvelle place. L’époux ou le père dont je m’occupe est-il encore pleinement mon mari ou mon père ?

Il est d’ailleurs intéressant, lorsque l’on interroge les Français, de constater que la question du reste à charge n’est pas leur première préoccupation. Leurs craintes portent davantage sur l’impact de la dépendance sur leur vie quotidienne et surtout la charge psychologique et émotionnelle qu’elle représente.

Notre société doit non seulement trouver des solutions pour les personnes âgées, mais aussi pour leurs proches. Combien de femmes – on parle toujours des aidants, mais je tiens à mettre ce mot au féminin –, après avoir élevé leurs enfants et mis parfois leur carrière de côté, se retrouvent confrontées à la dépendance de leurs parents ou de leurs beaux-parents, à l’âge où elles auraient voulu, enfin, profiter de la vie et s’occuper d’elles !

Mme Christiane Demontès. En travaillant jusqu’à soixante-sept ans !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette dimension a peut-être été absente du débat.

Je parle des femmes car, je le répète, ce sont elles qui constituent la grande majorité des aidants. C’est pourquoi je souhaite que cet aspect de la question soit également abordé dans le débat sur la dépendance.

Les questions financières sont bien entendu présentes.

M. Guy Fischer. Quand même !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le reste à charge, notamment en établissement et pour les personnes les plus dépendantes, peut être important.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nombre d’entre vous l’ont rappelé, je pense notamment à Jean-Jacques Jégou.

Rappelons que le tarif d’hébergement moyen en établissement est de l’ordre de 1 750 euros par mois et peut être nettement plus élevé en région parisienne. Il doit être comparé au montant moyen de la retraite, qui est de 1 400 euros par mois, d’environ 1 000 euros pour les femmes, lesquelles représentent les trois quarts des résidents.

Ce défi, s’il se pose aujourd’hui, il se posera encore plus demain. Alain Vasselle le rappelle dans son rapport en citant une statistique de l’INSEE : « Les plus de soixante-quinze ans doubleraient quasiment d’ici 2050 pour représenter 15,6 % de la population française, contre 8 % aujourd’hui ».

C’est pour répondre à tout cela que le Président de la République a souhaité l’ouverture d’un grand débat sur la dépendance, qu’il m’a chargée de conduire. Comme il l’a dit lui-même, il y a urgence à se pencher sur cette question, car plus nous attendons, plus les problèmes seront difficiles à résoudre.

De ce point de vue, nous avons un devoir d’anticipation.

Néanmoins, nombre d’entre vous l’ont rappelé, nous ne partons pas de rien.

En effet, notre société consacrera, en 2011, 25 milliards d’euros à la prise en charge de la dépendance, dont 5 milliards d’euros par les départements. L’engagement de l’État est donc fort.

Quant aux départements, ce sont eux qui versent l’APA. Cette allocation bénéficie aujourd’hui à 1 174 000 personnes pour un montant moyen de 500 euros par mois et permet de financer, par exemple, une aide ménagère.

Je n’ignore pas, monsieur Baylet, les difficultés financières que rencontrent certains départements, en particulier les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques et qui doivent en même temps faire face aux charges les plus importantes. Ce sera l’un des enjeux de la réforme. J’ai noté que quatre présidents de conseil général et au moins deux vice-présidents étaient intervenus au cours de ce débat.

Je ne résiste pas au plaisir – ou à la cruauté – de rappeler à ceux qui plaident pour la prise en charge de l’APA à parité entre les départements et l’État que Michel Mercier avait déposé un amendement en ce sens, lequel avait été rejeté par le gouvernement de Lionel Jospin, représenté par Élisabeth Guigou. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je ne me livre pas souvent à un exercice de cruauté, mais en l'occurrence, je n’ai pu résister. (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Isabelle Debré. Il fallait le rappeler !

M. Paul Blanc. Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Néanmoins, je crois que nous pouvons aborder ce débat avec sérénité, puisque l’effort de notre collectivité est déjà élevé.

Nous ne partons pas de rien, car, comme l’a rappelé Jean-Paul Fournier, les outils sont nombreux et de qualité. Si l’on parle souvent des départements, n’oublions pas non plus les communes, qui déploient également de nombreux outils de proximité. On peut énumérer les CLIC, les EHPAD, les SSIAD, la HAD, les MAIA, les services de maintien à domicile – restauration, ménage, téléalarme –, les réseaux de soins palliatifs et toutes les animations menées par les associations.

Nous ne partons pas de rien, car nous pouvons nous appuyer sur de nombreux rapports particulièrement éclairants, comme le vôtre, cher Alain Vasselle, élaboré avec Philippe Marini et plusieurs de vos collègues, ou celui de la députée Valérie Rosso-Debord.

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux rendre hommage à vos propositions étayées, astucieuses et innovantes. Vous avez ainsi suggéré de relever les plafonds d’aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neurodégénératives ou encore d’établir une échelle dégressive de versement de l’APA en établissement.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai, vous avez bien lu le rapport !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le débat national nous dira si vos propositions seront retenues. En tout cas, il est certain qu’elles rejoignent nos priorités communes, notamment le libre choix ou la réduction des restes à charge.

Vous avez par ailleurs proposé d’accroître l’efficience de la dépense de soins en établissement.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des marges existent en effet. Comme cela a été évoqué, le coût de l’accueil en EHPAD peut aller de un à trois selon les départements pour certaines catégories d’âge.

Je le répète, l’efficience de la dépense de soins en établissement peut être améliorée en agissant dans trois directions : la généralisation des forfaits globaux, la résorption des écarts de coût par la mise en place d’une convergence des tarifs de soins, la reconversion de lits de court séjour en lits d’EHPAD. C’est le sujet du décloisonnement, fil rouge de la loi HPST, laquelle a posé le cadre de la reconversion des lits d’hôpitaux et créé les ARS.

Je souhaite que cet objectif soit l’une de leurs priorités.

Quel modèle voulons-nous construire ?

Les questions qui se posent à nous sont nombreuses et, si je me réfère à l’extrême diversité des solutions qui ont été proposées, les réponses seront certainement multiples.

Faut-il faire prévaloir la solidarité nationale, la solidarité familiale, la prévoyance individuelle ou collective ?

Certains préconisent d’augmenter les prélèvements sociaux, par exemple la CSG des retraités. Jean-Jacques Jégou a constaté que le niveau de vie moyen de ces derniers s’était considérablement amélioré depuis les années 1970 et était même supérieur à celui des actifs. (M. Jean Desessard proteste.)

D’autres proposent la mise en place d’une seconde journée de solidarité – Valérie Létard a parlé avec beaucoup de pertinence de cette question – ou a minima d’étendre cette journée aux professions qui en sont aujourd’hui exclues, comme les professions libérales. Mais j’ai entendu aussi l’opposition résolue de Bernard Cazeau sur ce sujet.

D’autres proposent plutôt un recours sur succession, soit par un gage individuel, soit via une hausse de la fiscalité sur la transmission du patrimoine. C’est également Valérie Létard qui propose d’affecter une fraction des droits sur les successions au financement de la dépendance.

C’est vrai que la question peut être posée : est-il normal qu’une personne disposant d’un patrimoine élevé soit entièrement prise en charge par la solidarité nationale ?

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas la question !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. N’est-ce pas courir le risque que nos concitoyens se privent, dans ce cas, de certaines prestations ?

Dans le même temps, on ne peut ignorer que les restes à charge importants conduisent déjà les personnes et leurs familles à mobiliser une partie de leur épargne ou de leur patrimoine. De fait, le recours sur succession existe déjà.

Votre mission a proposé que le gage patrimonial soit limité à l’APA à domicile. Je m’interroge, car je me demande si cela ne risquerait pas d’inciter certaines personnes qui pourraient rester chez elle à entrer en établissement.

D’autres encore suggèrent de développer la prévoyance individuelle, en donnant une place plus grande aux mutuelles, comme cela existe déjà dans la prise en charge des dépenses de santé et en matière de retraite complémentaire.

Les Français comprennent bien, dans ces deux domaines, le recours aux mutuelles. Serait-ce complètement choquant d’imaginer la même chose pour la dépendance, c’est-à-dire une solution qui combine la solidarité nationale, restant le socle de la prise en charge, et la prévoyance ? C’est la voie qui a été choisie par nos voisins en Europe.

Et renforcer la solidarité nationale, n’est-ce pas prendre le risque d’affaiblir les solidarités familiales en justifiant les égoïsmes ?

Plusieurs pistes s’offrent à nous. Nous pouvons, nous devons, les examiner ensemble. Sans doute, comme nombre d’entre vous l’ont exprimé, la solution que nous retiendrons sera-t-elle une solution mixte. Votre mission a d’ailleurs proposé la mise en place d’un partenariat public-privé. Je note que plusieurs d’entre vous y sont favorables – je pense à Jean Jacques Jégou.

Cependant, je le répète, à ce stade du débat, aucune piste n’est privilégiée par le Gouvernement. Il ne s’agit pas d’un débat en trompe-l’œil ; il n’y a pas de projet caché !

Nos discussions sont très ouvertes ; elles sont guidées par un certain nombre de principes intangibles, qui resteront notre ligne de conduite.

Le premier principe, évoqué par Valérie Létard au début de son propos, est le libre choix, pour les familles et pour les personnes en perte d’autonomie, entre le maintien à domicile et la prise en charge par des structures adaptées à leurs besoins. En aucun cas, ce choix ne doit se faire par défaut.

Au cours du débat, nous devrons alors nous interroger : comment favoriser le maintien à domicile, que la très grande majorité d’entre nous veut privilégier ? Dans certaines situations, est-ce toujours raisonnable ? Comment faire pour que ce ne soit pas un choix contraint ? Mais aussi, comment faire baisser le reste à charge en établissement, difficilement supportable pour beaucoup de nos concitoyens ? Alain Houpert a proposé une solution innovante, à savoir que les EHPAD soient installés sur des territoires à faible pression foncière, permettant ainsi d’alléger les coûts d’hébergement et une meilleure valorisation des territoires ruraux.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bonne idée !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est bien évident que la dimension territoriale fait également partie du débat.

Deuxième principe intangible : une vigilance étroite sur la qualité des prises en charge. Cette exigence est une évidence, mais il convient sans doute de la rappeler.

La palette d’offres dont nous disposons est l’un des points forts du système actuel, mais elle peut très certainement évoluer encore, pour permettre, à volume égal de financement, une amélioration de la prise en charge pour les personnes les plus lourdement dépendantes.

Pour garantir la qualité de nos prises en charge, nous devrons, par ailleurs, concilier deux exigences : assurer une prise en charge de proximité, au plus près des besoins – c’est le rôle des conseils généraux, mais cela peut susciter des inégalités d’un territoire à l’autre – et garantir, dans le même temps, une équité de traitement sur tout le territoire, sans verser pour autant dans la gestion centralisée et technocratique.

Troisième principe : un principe de responsabilité quant au financement. Il n’est pas question, comme nous l’avons fait dans d’autres secteurs de la protection sociale, de reporter la charge sur les générations futures, au risque d’alourdir la dette.

Cela ne signifie pas, bien au contraire, que les pouvoirs publics se désengagent, ni que nous allons privatiser l’assurance maladie. Soyez complètement rassuré, monsieur Ficher ! Cette année, comme je vous le signalais, 25 milliards d’euros seront mobilisés.

Le Président de la République a également écarté une autre voie : celle qui consisterait à taxer davantage le travail.

Pour le reste, le débat est ouvert. Des pistes de financement sont évoquées, dont la prévoyance individuelle. Pourquoi l’écarter d’emblée, alors que 5 millions de nos concitoyens ont souscrit de tels contrats ?

Bien sûr, il nous faudra répondre à des urgences criantes. Vous avez évoqué la situation de certains départements ; on peut aussi évoquer celle des classes moyennes modestes, qui n’ont pas accès aux aides destinées aux plus défavorisés, et qui, pour autant, n’ont pas les moyens d’assumer des restes à charge importants. Il nous faut apporter très rapidement des solutions à ces situations.

Mais il s’agit aussi et surtout de construire un modèle pour les trente prochaines années, et cette élaboration ne saurait se réduire à des aspects strictement financiers.

Ce sont les contours de notre société, ce projet commun, ce bien-vivre ensemble que nous allons définir. Ce modèle devra être pensé pour s’adapter aux ruptures de tendance dans les modes et les techniques de prise en charge, ainsi qu’aux changements de courbes, notamment démographiques.

Vous le savez, le Président de la République a évoqué une « cinquième protection » pour la prise en charge de la dépendance. Cela n’implique pas nécessairement la constitution d’une nouvelle branche de la sécurité sociale.

Comme cela a été évoqué dans le débat, je précise que la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale peut relever d’une simple loi ; l’analyse juridique conduite par mes services a établi qu’une loi organique n’était pas nécessaire.

Une chose est certaine : le cinquième élément de la protection sociale sera différent des quatre branches actuelles de la sécurité sociale.

Nous devons faire de l’innovation sociale, bâtir quelque chose d’original. À nous donc d’imaginer au cours de ces prochains mois quelle sera, demain, la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Le débat qui s’engage, je le dis à Yves Daudigny, doit être le plus ouvert possible, dans les quatre groupes de travail que j’ai lancés, dans les vingt-six régions où se tiendra un colloque interdépartemental, dans les quatre débats interrégionaux et sur le site internet.

Je souhaite enfin, à la suite de certains d’entre vous, que sur un tel sujet nous puissions éviter les clivages politiques, socioprofessionnels ou générationnels, et faire que ce débat sur la dépendance soit une opportunité pour renforcer notre cohésion nationale. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous en avez donné un bel exemple cet après-midi ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

8

Demande de constitution d'une commission spéciale sur un projet de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par le Premier ministre, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique. Ce texte a été déposé et publié sous le numéro 304.

En application de l’article 16, alinéa 2 bis, du règlement, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, a saisi M. le président du Sénat d’une demande de constitution d’une commission spéciale sur ce projet de loi.

Cette demande va être affichée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes.

Cette demande sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cet affichage, soit à l’ouverture de la séance du jeudi 17 février, le président du Sénat était saisi d’une opposition par le Gouvernement ou le président d’un groupe.

9

Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque (suite)

M. le président. Nous reprenons le débat d’orientation sur les conclusions de la mission commue d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. La mission commune d’information ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer la question, importante pour la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, des services à la personne et du régime fiscal et social qui leur est applicable.

La loi de finances pour 2011 a supprimé deux exonérations spécifiques de cotisations sociales à la charge de l’employeur : d’une part, l’abattement forfaitaire de 15 points précédemment accordé aux particuliers employeurs cotisant sur l’assiette réelle ; d’autre part, la franchise de cotisations patronales dans la limite du SMIC dont bénéficiaient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles ».

Ces mesures ont donné lieu à un débat passionné dans notre assemblée et n’ont été acceptées qu’à la suite d’engagements très précis du Gouvernement sur leur absence d’impact sur les publics fragiles.

De fait, les exonérations de cotisations sociales pour ces publics sont maintenues, tant pour les structures agréées que pour les particuliers. Toutefois, les représentants des services d’aide à domicile entendus par la mission soulignent les effets indirects négatifs de la suppression des exonérations de cotisations sociales. Elle pourrait conduire, d’une part, à un renchérissement des coûts horaires de prise en charge des publics « non fragiles » de l’ordre de 3 à 4 euros de l’heure et, d’autre part, à une réduction éventuelle de la demande de services de la part de ces publics.

Si tel est le cas, une fraction plus importante des coûts fixes de gestion de l’opérateur de soins, dont la clientèle est constituée à la fois de publics fragiles et de publics non fragiles, sera répercutée sur les populations les plus en difficulté.

Quelles dispositions envisagez-vous de prendre, madame la ministre, pour évaluer très précisément les effets des mesures prises en loi de finances, afin qu’elles ne pénalisent en rien les interventions auprès des publics fragiles, au moment même où nous réfléchissons aux moyens d’améliorer la prise en charge des personnes dépendantes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Je tiens à rappeler l’effort financier massif consenti par l’État pour développer les services à la personne : le coût des aides au secteur des services à la personne, qui représente 6,5 milliards d’euros par an, a augmenté de 40 % depuis 2006. On ne saurait donc parler, comme certains, d’une réduction des exonérations !

Dans le cadre du chantier de la réduction des niches fiscales et sociales, nous avons suivi les préconisations de la Cour des comptes qui indiquaient que, la montée en puissance du secteur étant maintenant assurée, il fallait recentrer les aides sur les publics prioritaires.

Nous avons donc fixé certaines priorités, madame Dini, vous l’avez rappelé : ne pas toucher aux personnes les plus fragiles – les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes dépendantes, les personnes handicapées – ayant besoin d’un employé à domicile. Le dispositif propre d’exonération pour ces publics, plus favorable, sera quasiment inchangé.

Nous avons voulu préserver un équilibre global sur le secteur : nous ne remettons pas en cause le crédit et la réduction d’impôt de 50 %, qui seront exonérés de la diminution forfaitaire des niches fiscales. Cet avantage fiscal va compenser, pour les particuliers, la moitié du surcoût lié à la suppression des exonérations spécifiques.

L’impact pour les employeurs sera limité. Le coût moyen pour un particulier employeur de la suppression des exonérations sera de 380 euros par an pour un volume de cinq à six heures hebdomadaires déclarées à 1,1 SMIC, soit 190 euros après crédit ou réduction d’impôt. C’est moins de 16 euros par mois. L’incidence pour les employeurs sera d’autant plus limitée que, pour les salariés concernés par la suppression de l’abattement de 15 %, il devient alors possible de bénéficier des allègements dits « Fillon ».

Un bilan de ces dispositions sera établi, je m’y suis engagée. Je suis à la disposition du rapporteur, Alain Vasselle, qui a souhaité qu’une analyse soit réalisée.

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Je souhaite revenir sur deux points soulevés dans l’excellent rapport d’information, au demeurant fort intéressant.

Premièrement, je suis satisfait que, contrairement à la proposition qui figurait dans le rapport d’information de la députée Valérie Rosso-Debord, la mission du Sénat n’ait pas retenu la suppression du GIR 4. La ficelle est un peu grosse : près de 500 000 personnes sont concernées, pour un coût moyen de 200 à 230 euros ; ce seraient donc 100 millions d’euros qui passeraient par pertes et profits. En outre, on oublie de mentionner que les difficultés de financement se reporteraient sur l’assurance maladie, à travers la prise en charge médicale et paramédicale de ces personnes.

Deuxièmement, en revanche, pour ce qui est du recours sur succession, on assiste à un véritable retour en arrière. La PSD concernait 120 000 à 130 000 personnes ; l’APA, Mme la ministre vient de le rappeler, 1 174 000 personnes. Il existe bien un véritable problème.

À cet égard, je retiens les propos de notre collègue Alain Houpert au sujet de l’incidence d’un tel mécanisme sur les départements. Afin de conserver un petit héritage, les personnes concernées risqueraient de privilégier le transfert en établissement. Ce serait un formidable retour en arrière et la prise en charge correcte des personnes dépendantes maintenues à domicile risquerait de se dégrader même si les propositions subtiles contenues dans le rapport peuvent nous faire croire le contraire. Une telle mesure mettrait nos concitoyens en difficulté : nous ne saurions y souscrire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Effectivement, monsieur le sénateur, la proposition de supprimer le GIR 4 figurait dans le rapport de l’Assemblée nationale. Il s’agissait de concentrer l’effort sur le GIR 1 et le GIR 2, au motif que c’est dans ces catégories que le reste à charge est le plus lourd pour les familles et les soins les plus nécessaires. Néanmoins – j’ai beaucoup insisté dans mon propos liminaire sur la prévention –, je pense que vous avez tout à fait raison, monsieur Le Menn, et que ce serait un mauvais calcul de supprimer la prise en charge du GIR 4.

Je m’avance un peu – je suis évidemment tenue à la réserve –, mais je le déclare de façon claire : pour ma part, je veux que l’on continue de prendre en charge le GIR 4. De toute façon, si tel n’était pas le cas, ce serait financièrement une mauvaise opération.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Je n’interviendrai pas sur le GIR 4, car notre rapport était très clair sur ce sujet. En outre, Mme la ministre vient de donner la position du Gouvernement à cet égard. Mon intervention portera, cher collègue, sur le gage.

Le gage ne doit pas être assimilé au recours sur succession, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord – Philippe Marini l’a très bien expliqué dans la discussion générale –, il s’agit d’un choix effectué en toute connaissance de cause par la personne confrontée au problème de la dépendance lorsqu’elle établit sa demande d’aide.

Ensuite, le montant est forfaitaire et n’a pas de caractère confiscatoire sur l’ensemble du patrimoine de la personne bénéficiaire. Il ne remet pas en cause le caractère universel de l’APA.

Enfin, il faut prendre en considération le seuil. Nous proposons de le fixer aux environs de 150 000 euros ; pour ma part, je plaide pour un montant compris entre 200 000 euros et 250 000 euros. L’un résulte de l’analyse de la situation telle que nous la connaissons, l’autre est personnel.

En 2003, la valeur moyenne du patrimoine des personnes âgées en perte d’autonomie était estimée à 120 000 euros. Actualisé à la valeur de 2008, ce patrimoine est estimé à 150 000 euros. La principale critique formulée contre le recours sur succession était son caractère dissuasif pour les bénéficiaires potentiels de la prestation, les personnes possédant un petit patrimoine ne voulant pas que l’on touche au patrimoine qu’elles se sont constitué au cours de leur vie professionnelle, qu’elles souhaitent transmettre à leurs enfants. En fixant ce seuil à un niveau élevé, nous évitons ce risque.

J’en viens à l’élément d’appréciation plus personnel. Pour ma part, je considère que la valeur du patrimoine sur l’ensemble du territoire national varie très sensiblement suivant le département. Elle n’est pas la même selon que l’on vit dans la région Île-de-France, en Corrèze ou en Lozère, c'est-à-dire dans un département très rural.

Il me semble – et je l’ai dit à Éric Doligé, qui mène actuellement une réflexion sur les problèmes de l’évolution des normes – qu’il y aurait lieu de proposer un dispositif dont le montant varierait suivant la région ou le département de résidence. Tel est déjà le cas pour les aides publiques accordées pour le logement social. Trois zones ont été définies : la zone 1, la zone 2 et la zone 3. La zone Île-de-France bénéficie de plafonds d’aides différents, supérieurs au département picard ou aux départements de régions très rurales comme la région centre ou la région Bretagne.

Telles sont, monsieur le président, les précisions supplémentaires qu’il me paraissait utile d’apporter pour notre débat.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Je tiens d’abord à remercier M. le rapporteur d’avoir évoqué un dossier qui me préoccupe.

Vous avez déclaré, madame le ministre, tout comme M. le rapporteur, que le problème de la dépendance était distinct de celui des personnes handicapées. Il s’agit de situations différentes, qu’il ne faut pas confondre et qu’il ne faut pas réunir dans une voie unique de prise en charge.

Pour ma part, je considère qu’il est important que les personnes handicapées sachent que si, dans leur vieillesse, à leur handicap s’ajoutait un problème de dépendance, elles pourraient bénéficier des modalités de prise en charge de la dépendance. Offrir une telle perspective aux personnes handicapées me paraît être une réponse très forte, de nature à les rassurer.

Par ailleurs, notre collègue a évoqué la capacité des zones rurales à accueillir des établissements pour personnes dépendantes. À cet égard, il me semble important de revenir sur la question du domicile de secours, comme nous l’avions fait au moment de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées il y a maintenant longtemps, car une personne handicapée qui conserve son domicile de secours d’origine permet le développement d’institutions d’accueil dans des communes ou des départements ruraux.

La situation est la même pour les établissements pour personnes âgées et pour les personnes dépendantes. Il faudra donc aborder le problème du domicile de secours, lequel doit demeurer le domicile de secours d’origine.