M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens d’abord à saluer Jacques Blanc pour son implication dans tous les domaines concernant les personnes en situation de handicap. C’est l’un des combats de votre vie, monsieur le sénateur, et je me doutais que vous m’en parleriez. (Sourires.)

J’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas, et nous partageons la même philosophie sur ce sujet, monsieur le sénateur, que l’on confonde les deux problématiques. Cela dit, les personnes en situation de handicap sont partie prenante à notre débat car elles sont un véritable laboratoire de l’innovation sociale et, à ce titre, elles ont beaucoup à nous apporter dans le traitement de la dépendance des personnes âgées.

Nous pourrions d’ailleurs imaginer une maison commune, qui pourrait être construite en plusieurs phases et nous demander si les solutions que nous préconisons pour les personnes âgées dépendantes ne pourraient pas être compatibles avec les problématiques du handicap.

Vous avez par ailleurs évoqué, monsieur le sénateur, à la suite d’Alain Houpert, les constructions d’EHPAD dans les zones rurales et le problème du domicile de secours. J’accepterais volontiers de faire procéder à une évaluation sur ce sujet – le département d’origine de la personne au titre de l’action sociale est toujours la collectivité versante – afin de mesurer les bénéfices que nous pourrions tirer du transfert des politiques sociales au département de résidence de la personne dépendante, même s’il ne me semble pas que cette question pose de difficultés importantes.

Enfin – je répondrai sur ce point à la fois à M. Houpert et à vous, monsieur Blanc –, il faut être très prudent en matière de construction d’EHPAD, en particulier dans les territoires ruraux, car certains établissements sont déjà sous-occupés. Nous devons veiller à ne pas répéter les erreurs que nous avons commises dans le secteur sanitaire. À l’échelon national, nous sommes actuellement en surcapacité, même si les situations sont bien sûr très différentes selon les départements. Soyons donc très prudents !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La presse, madame la ministre, s’est récemment fait l’écho, dans le cadre du débat sur la dépendance, des prix très élevés pratiqués par les établissements accueillant des personnes âgées.

Dans certains établissements, il semblerait que les prix oscillent entre 2 000 euros et 4 000 euros par mois, voire plus, soit des montants qui, très souvent, ne peuvent pas être supportés par les résidents. C’est le problème du reste à charge d’une manière générale.

On sait que ces tarifs, qui sont la conséquence des prix à la journée, sont appelés à croître au fur et à mesure que se développera la formation des personnels. La professionnalisation est naturellement capitale, car elle permettra à la fois l’amélioration des conditions de travail des personnels et celle des conditions de vie des résidents. Toutefois, il ne faudrait pas que ce processus ait pour effet secondaire d’écarter des établissements d’accueil certaines personnes en raison de leurs faibles revenus, les obligeant alors à un maintien à domicile peu compatible avec leur état de santé et leur niveau de dépendance.

Certes, le problème du nombre de places à créer dans les EHPAD est important, mais les déficits doivent être pris en charge en milieu rural, comme dans les quartiers populaires des grandes agglomérations, où l’on est confronté à ces problèmes.

Madame la ministre, nous voudrions savoir comment réduire les coûts de journée sans diminuer le taux d’encadrement actuel, indispensable pour la sécurité et le confort des résidents.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens tout d’abord à rassurer Guy Fischer : le taux d’encadrement dans les EHPAD n’a pas diminué. Grâce à différents plans, il est même en train d’augmenter. On recrute ainsi environ 10 000 personnels nouveaux par an dans les EHPAD. Par ailleurs, un programme de médicalisation des EHPAD est en cours. Grâce à ces mesures, qui ne nous mènent peut-être pas aussi loin que nous pourrions le souhaiter, ni aussi vite, on ne peut pas parler, je le répète, de recul de l’encadrement dans les EHPAD, bien au contraire.

Par ailleurs, je remarque que, dans son rapport, Alain Vasselle a évoqué la mise en place de référentiels des coûts d’hébergement opposables afin de garantir que la diminution du reste à charge bénéficie bien aux personnes et à leurs familles.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur ce sujet, une information des familles me paraît tout à fait essentielle. En effet, les familles se trouvent très isolées lorsqu’elles ont à prendre la décision de placer un proche dans un établissement. Nous devons donc travailler à un accompagnement social des familles et améliorer le référencement des EHPAD.

Aujourd'hui, le choix, lorsqu’il n’est pas fait par défaut, dépend de l’éloignement de l’établissement et de son coût. Or aucun de ces deux paramètres ne renseigne très précisément sur la qualité de la prise en charge et sur l’adéquation des services apportés par l’établissement à la situation de la personne dépendante. Nous devons mener une réflexion sur ce thème et rendre disponible, y compris sur internet, un certain nombre de renseignements permettant d’aiguiller les malades et surtout leurs familles, car ce sont elles en général qui prennent les décisions.

Enfin, vous avez évoqué un sujet très important, monsieur le sénateur, à savoir la formation des personnels. J’ai souhaité que les conseils régionaux soient associés à la réflexion sur la dépendance ; on a parlé du pivot que constitue le conseil général à travers l’APA. Les communes et les intercommunalités, qui installent des services à domicile, ainsi que le secteur médico-social et les institutions gérées par le conseil régional seront également appelés à réfléchir sur ces formations.

J’ai d’ailleurs noté avec intérêt que trois régions, gérées par vos amis politiques, monsieur le sénateur, développaient des pôles gérontologiques, dont la région des pays de la Loire. Cette démarche me paraît extrêmement intéressante, car elle permet d’associer l’enseignement, la recherche et l’animation économique au traitement de la dépendance.

En tout cas, les questions de formation doivent être au premier rang des préoccupations des conseils régionaux.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire que je partage pleinement votre sentiment sur ce débat, qui est riche et digne. C’est tout à l’honneur de la Haute Assemblée que d’échanger et de faire des propositions sur des sujets de société aussi importants que la dépendance.

Permettez-moi de revenir sur la question évoquée par notre collègue Alain Vasselle. Effectivement, l’article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 a institué une tarification à la ressource, proche dans son esprit de la tarification à l’activité, la T2A, mise en œuvre dans le secteur sanitaire.

L’objectif de cette réforme est d’attribuer les moyens aux établissements de manière plus équitable.

La mise en place de forfaits globaux et la convergence des tarifs de soins constituaient deux des principales mesures d’efficience préconisées par la mission. La tarification à la ressource devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010, mais les dispositions réglementaires permettant de la mettre en œuvre n’ont toujours pas été prises.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer à quelle date le décret sera publié ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous ne m’avez pas lâchée sur le sujet, chère Isabelle Debré ! (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. M. le rapporteur Alain Vasselle non plus ! (Nouveaux sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, votre excellent rapporteur Alain Vasselle m’avait posé la même question, et je ne lui avais pas répondu.

Il est vrai que le décret relatif à la tarification dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, a fait l’objet de multiples discussions. D’ailleurs, les pouvoirs publics ont été amenés à le modifier à maintes reprises, et nous avons déjà eu un grand nombre de versions du texte, chaque nouvelle lecture donnant lieu à des concertations importantes avec les acteurs du secteur.

Le projet initial a connu plusieurs changements lors de son examen par la section sociale du Conseil d'État. Par exemple, le dernier texte maintenait le caractère optionnel du forfait intégral. En effet, la généralisation du tarif intégral nécessitait de pouvoir s’appuyer sur des données précises et complètes – cela fait encore défaut – sur le montant à transférer entre l’enveloppe soins de ville et celle du médico-social, en contrepartie de l’intégration des honoraires des généralistes et des prestations de biologie et de radiologie dans les forfaits intégraux des établissements.

Il s’agit de redéployer des crédits entre l’assurance maladie et le reste de la prise en charge, ce qui n’est pas simple.

Un groupe de travail a été constitué entre la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, les différents acteurs campant chacun sur leurs positions pour ne pas devoir prendre en charge des dépenses indues. Le groupe continue ses travaux et a soulevé un certain nombre de difficultés, par exemple pour le suivi des données de consommation médicale des résidents en EHPAD.

Par conséquent, cher Alain Vasselle, si le décret n’a pas été publié, c’est parce que je ne disposais pas des données chiffrées nécessaires. Et même si vous m’avez invitée à ne pas user de cette facilité, monsieur le rapporteur, je suggère de profiter de notre débat pour affiner la réflexion afin de pouvoir publier le décret dans les meilleurs délais…

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Je souhaiterais tout d’abord formuler un vœu.

Madame la ministre, vous venez de lancer une grande consultation nationale sur la dépendance pour que tous ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer. Dès le mois d’avril, des débats doivent avoir lieu dans les régions. Le Conseil économique, social et environnemental doit également se pencher sur la question.

J’espère, et c’est mon vœu, que la réforme sera le fruit d’une véritable concertation – toutes les conditions pour en garantir le succès sont, me semble-t-il, réunies –, et non une décision imposée, comme a pu l’être la réforme des retraites.

Avec la majorité de mes collègues du RDSE, particulièrement attachés au respect des valeurs humanistes et au principe de solidarité, j’estime que la perte d’autonomie de nos aînés doit être prise en charge par la collectivité, au nom de la solidarité nationale.

Madame la ministre, nombreux sont celles et ceux qui espéraient beaucoup des promesses faites par le Président de la République voilà quatre ans.

Mme Françoise Laborde. Ça, c’est sûr !

M. Yvon Collin. À l’époque, il était effectivement question de la mise en place d’une cinquième branche. Vous l’avez d’ailleurs évoquée dans votre propos. Pouvez-vous y revenir ? Qu’en est-il précisément aujourd'hui ?

En effet, les récentes déclarations du Président de la République laissent entendre, sans doute un peu trop clairement, que la solidarité nationale n’est plus à l’ordre du jour et qu’il serait envisagé de confier cette branche au secteur assurantiel. Pouvez-vous nous assurer, ici et maintenant, que la solidarité nationale prendra en charge ce cinquième risque ?

Madame la ministre, ne craignez-vous pas que la privatisation de la prise en charge de la dépendance ne signifie l’institution d’un système à plusieurs vitesses ?

M. Guy Fischer. Ce n’est pas moi qui l’ai dit ! (Sourires.)

M. Yvon Collin. Vous comprendrez qu’une telle option n’ait pas nos faveurs… (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à rassurer M. Collin : la solidarité nationale reste le socle de la prise en charge de la dépendance.

Aujourd'hui, la solidarité nationale prend en charge la dépendance à hauteur de 23 milliards d’euros ; ce sera sans doute 25 milliards d’euros cette année. Il reste environ entre 5 milliards et 6 milliards d’euros – il est relativement difficile d’analyser les montants en question du point de vue de la comptabilité publique – à la charge des familles.

La solidarité nationale est assurée à hauteur de 80 % par l’État, via un certain nombre d’exonérations de l’assurance maladie ainsi que certaines sommes mobilisées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et à hauteur de 20 % par les collectivités territoriales.

À ce stade de la discussion, il ne m’appartient pas de trancher le débat sur la création d’une cinquième branche et sur la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je vous indique simplement que la création d’une cinquième branche ne signifierait pas automatiquement sa privatisation !

À mon sens, l’idée d’une cinquième protection chemine ; l’interrogation porte davantage sur la structure à retenir. En l’occurrence, le débat est largement ouvert. Faut-il, comme le suggèrent les grandes centrales syndicales – j’ai rencontré un certain nombre d’acteurs concernés par le sujet –, prendre en charge la dépendance au sein de la branche maladie, en lui conférant une certaine autonomie, un peu sur les modèles des accidents du travail et maladies professionnelles ? C’est une piste.

Actuellement, certaines branches relèvent de la solidarité nationale. Et ce n’est pas parce que l’on créerait une cinquième branche qu’elle passerait obligatoirement sous la coupe des assurances privées !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le recours à une assurance privée, obligatoire ou plutôt facultative, est une des solutions de financement possibles.

Ma question concerne les assurances dépendance souscrites dans le cadre d’un contrat individuel, ces contrats ayant vocation à assurer une aide financière en cas de survenance d’un état éventuel de dépendance.

Au cours d’une réunion récente organisée en présence de maires de mon département sur le thème de la dépendance, des élus ont évoqué un problème quant à l’interprétation de la notion de dépendance par les compagnies d’assurance.

En effet, il semblerait que, actuellement, certaines compagnies tiennent essentiellement compte du degré de perte d’autonomie physique des demandeurs dans l’accomplissement de leurs actes quotidiens.

Or l’altération des facultés mentales nécessite la plupart du temps une présence indispensable, voire continue d’intervenants, et mériterait donc la mise en œuvre de l’assurance dépendance pour garantir le financement de tels services.

Les conditions à remplir pour percevoir la rente étant très nombreuses et strictes, certaines personnes se retrouveraient ainsi dans l’obligation de continuer à verser des cotisations au titre de leur contrat dépendance, sans pouvoir bénéficier pour autant de la rente attendue par la souscription dudit contrat.

Actuellement, dix variables dites « discriminantes » sont utilisées pour le calcul du GIR.

Madame la ministre, ne vous semble-t-il pas nécessaire d’exiger à l’avenir que soient très clairement précisées les obligations pesant sur les sociétés d’assurances, s’agissant notamment des critères à définir pour l’attribution de cette rente dépendance ? La mission a formulé des préconisations en ce sens, notamment par la labellisation des contrats.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice du Maine-et-Loire, chère Catherine Deroche, vous avez évoqué un problème qui revient effectivement très souvent dans les débats.

Ne l’oublions pas, 5 millions de nos compatriotes ont souscrit un contrat d’assurance dépendance. Ce n’est donc pas une solution marginale ! (M. Yves Daudigny s’exclame.) Certes, parmi ces 5 millions de contrats, 15 000 seulement donnent lieu à des prestations.

M. Yves Daudigny. C’est bien de le reconnaître !

M. Guy Fischer. C’est du racket !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Guy Fischer, la fiabilité d’un système d’assurances ne se mesure pas à un instant donné ; c’est une dynamique ! Les prises en charge et les prestations augmenteront évidemment sans que les prestations augmentent pour autant. Les calculs actuariels ne peuvent donc pas se faire de cette manière. C’est comme si vous constatiez le versement des cotisations des primes d’assurance auto au début de l’année et ne considériez que les seuls remboursements d’accidents versés au 1er janvier ! Ce n’est pas ainsi que les calculs s’effectuent en régime assurantiel. Mais c’est une autre histoire…

Effectivement, nombre de souscripteurs de contrats d’assurance sont inquiets. Ils ont le sentiment que le dispositif n’est pas suffisamment lisible, et ils ne s’estiment pas assez bien renseignés sur le degré de dépendance leur permettant de percevoir les prestations.

Si des personnes sont encouragées à souscrire un contrat d’assurance dépendance, ce qui est positif, il faut aussi qu’elles puissent obtenir des garanties. Il faudrait également mettre en place une procédure de labellisation des contrats d’assurance. Si les contrats offerts sur le marché peuvent évidemment obéir à une logique commerciale propre, chacun d’eux devrait comporter un socle commun de nature à définir l’étendue minimale de la garantie quant au niveau de la dépendance et au montant de la rente.

Le processus de labellisation devrait également permettre de déterminer les modalités communes et minimales de la garantie, le type de prestation fournie, l’indexation, la revalorisation des prestations, la sélection médicale éventuelle, ainsi que les délais de carence et de franchise.

Aujourd'hui, une commission nationale est en train de s’établir sous l’égide de la CNSA, avec un certain nombre de partenaires spécialistes du secteur. Elle pourrait formuler un certain nombre de préconisations précises. D’ailleurs, c’est un travail qu’il conviendrait également de faire dans d’autres secteurs de l’assurance.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour aborder un autre problème, que M. Vasselle soulève dans son rapport.

La garantie de portabilité des contrats pour les souscripteurs qui souhaitent changer d’assureur est évidemment un sujet très complexe, mais qui intéresse un certain nombre de personnes.

Aujourd'hui, il n’y a pas de véritable solution « clé en mains » pour différentes raisons : l’absence de définition commune de la dépendance – vous avez évoqué ce point, chère Catherine Deroche –, la difficulté d’estimer l’engagement de l’assureur, tous sujets sur lesquels nous devons avancer.

Dans son rapport, M. Alain Vasselle envisage la mise en réduction des garanties comme solution alternative à la portabilité des droits.

Je vous avoue qu’une telle option m’apparaît avant tout comme un pis-aller. Un souscripteur qui deviendrait dépendant devrait faire appel à plusieurs assureurs pour être indemnisé à hauteur de ses cotisations, ce qui semble difficile au vu de ce que seraient alors ses capacités physiques et psychiques.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Je souhaite simplement, en tant que membre de la mission commune d’information dépendance, confirmer les propos de notre excellent rapporteur : nous nous sommes effectivement penchés sur la prise en charge des personnes handicapées. Je tiens à rassurer mes collègues qui ont abordé ce point.

Nous sommes plusieurs ici, à des titres divers, à nous intéresser au problème du handicap, ce dont je ne peux que me réjouir tant la question est d’importance. Il fallait donc qu’elle soit soulevée au cours du débat.

À ce titre, je remercie Mme la ministre d’avoir annoncé que les institutions s’occupant des personnes handicapées, notamment le CNCPH, seraient représentées au sein des quatre commissions gouvernementales afin que le problème soit suivi. Nous serons vigilants sur la prise en charge par la solidarité nationale des personnes handicapées vieillissantes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je remercie Bernadette Dupont de sa vigilance et de l’humanité dont elle fait preuve dans le traitement de tous ces problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Les évaluations catastrophiques figurant dans le rapport remis par le Sénat sur les éventuelles dépenses à venir doivent d’abord être nuancées : il existe de grandes incertitudes en raison de l’impact des progrès de la médecine sur l’évolution de l’état de santé des personnes vieillissantes. Les enquêtes montrent aujourd’hui qu’une seule personne sur six deviendra dépendante. Vous avez parlé d’une chance.

Au demeurant, ce bel optimisme et ces évaluations ne doivent pourtant pas nous empêcher de réfléchir sur le contenu et sur le sens d’une réforme portant sur un sujet aussi sensible que la prise en charge de la dépendance, véritable choix de société s’inscrivant dans le cadre de la solidarité nationale.

À la télévision, le Président de la République, pressé, annonce un large débat et décide, en même temps, sans plus attendre, la mise en place d’un cinquième risque largement ouvert à l’assurantiel. Où est le respect de la concertation, de la valeur de ce débat ? Mme la ministre vient d’ailleurs de réaffirmer sa volonté de mettre en place le cinquième risque, même si elle a nuancé ensuite ses propos dans sa réponse à M. Colin : cinquième branche, cinquième risque, il nous manque des explications.

Parallèlement à l’exagération dramatique des enjeux démographiques et financiers, vous répondez frileusement aux besoins des familles et à la demande de financement des départements. Face à vos désengagements, comment vous croire ? L’augmentation des charges pour les emplois à domicile met en difficulté financière les associations organisatrices des services, l’APA n’est pas compensée pour les départements à hauteur des engagements initiaux, etc.

Pourtant, dans mon département, alors que les services d’aide à domicile connaissent une crise économique majeure, qu’il convient de prendre en compte afin d’éviter au mieux les licenciements et les pertes d’emploi, je vous précise que les heures inscrites dans les plans d’aide APA engendrent plus de 1 000 équivalents temps plein.

Madame la ministre, pourquoi ne pas axer votre réflexion sur une meilleure prévention ? Attribuer des moyens à cette politique pourrait faire reculer l’entrée dans la dépendance et ainsi favoriser d’importantes économies, sans parler des promesses d’emploi, si nécessaires dans nos territoires ruraux, qui en découleraient.

C’est une piste que vous avez en effet relevée, mais qui, à ce stade, semble peu explorée. Nous attendons des propositions précises en ce sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, vous venez de soulever une question extrêmement intéressante. Je l’ai dit, nous construisons un modèle pour trente ans. Il ne s’agit donc pas seulement de résoudre des problèmes urgents. Or nous avons bien du mal à imaginer des scénarios sur une si longue durée.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe de travail confié à Jean-Michel Charpin et à un certain nombre d’experts doit réaliser les projections non seulement en prolongeant les courbes, mais aussi en imaginant les ruptures.

Certains d’entre vous ont affirmé que 15 % de la population serait concernée par la dépendance. D’autres ont avancé le chiffre de 20 %. C’est donc une bonne nouvelle : la majorité d’entre nous ne sera pas en situation de dépendance… (Sourires.) Pour autant, le problème de la dépendance doit être traité, car il est très lourd à la fois pour la personne elle-même, mais aussi pour son entourage. Finalement, tout le monde sera un jour concerné directement ou indirectement.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas non plus faire l’économie de penser que ce domaine connaîtra des révolutions techniques et médicales. Rappelez-vous qu’il y a soixante ans, lorsque les grands traitements de la tuberculose ont été découverts, le territoire national était parsemé de sanatoriums : ils ont fermé du jour au lendemain ! Il n’est pas exclu que l’on trouve demain un vaccin contre la maladie d’Alzheimer, qui fournit les grosses cohortes des personnes dépendantes en établissement. Ce n’est pas un rêve impossible, car de nombreuses équipes de très haut niveau travaillent sur ces sujets. Dans quinze ans, dans vingt ans, dans vingt-cinq ans, un vaccin sera peut-être mis au point, des médicaments extrêmement performants seront probablement mis sur le marché. Cette hypothèse n’est pas complètement fantasmatique. Il est donc important que le modèle que nous allons construire soit souple et capable de s’adapter à de nouvelles donnes.

Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur la question importante des services à domicile. On ne peut pas parler d’un mauvais état généralisé Il y a simplement des situations extrêmement variées. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux grandes fédérations, comme l’ADMR, l’ADESSA ou l’UNA, de me donner une liste exacte des associations concernées. Nous devons améliorer le suivi statistique de ce secteur. Les causes du mauvais état de certaines associations et de certains services sont très diverses : impact de la crise économique, coûts élevés dans certaines zones rurales en raison des frais de déplacement, mais aussi, comme l’a démontré le récent rapport de l’IGAS et de l’IGF, problèmes de mauvaise gestion et d’allocation des ressources pas forcément optimale. Tous ces points seront discutés dans les prochains mois.

Les services à domicile constituent un élément-clé du maintien des personnes dépendantes à domicile. Nous devons donc améliorer le mode d’allocation des ressources ainsi que le mode de tarification. Deux projets sont sur la table : celui de l’Assemblée des départements de France et celui préconisé par l’IGAS, qui propose de créer deux tarifications différentes selon le type d’activité réalisée au domicile du bénéficiaire, à savoir, un tarif d’aide à la personne pour des prestations nécessitant des compétences spécifiques et un tarif d’aide à l’environnement moins élevé pour les besoins d’aide ménagère.

Ce sujet est un excellent thème pour le débat sur la dépendance.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est intéressant. Je remercie Roselyne Bachelot-Narquin de sa maîtrise du dossier et des pistes qu’elle a tracées devant nous, pistes sur lesquelles nous pouvons facilement tomber d’accord au-delà de nos clivages.

Je soulignerai deux défis importants pour la dépendance. Le premier porte sur la question du libre choix des personnes âgées et des familles. Le second porte sur la question du financement.

Pour ce qui concerne le libre choix, il me semble qu’il faudra sortir du face à face entre le domicile ou l’accueil en structure d’hébergement collectif.

Bien sûr, le premier choix des personnes âgées se porte sur le maintien à domicile. Il faut tout faire pour développer cette option. Cela passera nécessairement par des solutions d’hébergement temporaire, des allers-retours entre la formule du maintien à domicile et celle des structures collectives.

Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la divergence qu’il a pu y avoir entre les places autorisées par des préfets successifs et celles qui le sont aujourd’hui par l’ARS. Dans mon département, 328 places avaient été autorisées par arrêté préfectoral et 222 places en établissement médicalisé existent. Il y a donc un hiatus. Je ne vous demande pas de réponse aujourd’hui ; je souhaite simplement vous alerter sur ce point.

Pour ce qui concerne le défi du financement, comme un certain nombre de collègues conseillers généraux l’ont indiqué, il me semble que le socle de la prise en charge de la dépendance doit rester celui de la solidarité nationale. Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule et unique bonne réponse. Cela dit, une seconde journée de solidarité me paraît être une bonne piste. Un tel choix irait dans le bon sens, y compris pour préserver la compétitivité de la France et dégager de nouvelles ressources immédiates.

Pour finir, je dirai un mot des départements, qui sont en train de s’épuiser dans le service des trois grandes prestations sociales universelles, notamment dans celui de la dépendance. L’APA n’a jamais été intégralement compensée. Dans mon département, cette allocation devait être compensée pratiquement à hauteur de la moitié. Aujourd’hui, elle l’est du tiers. N’oublions pas et n’oubliez pas, madame la ministre, cette donnée ! Les départements peuvent encore faire face, mais très vite ils ne le pourront plus. Je vous remercie de bien vouloir en tenir compte.