M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce texte permet ainsi de renforcer l’attractivité de la médecine libérale de premier recours, parce que tous les Français souhaitent avoir un médecin près de chez eux, même si je n’oublie pas que, dans la médecine de proximité, il y a non seulement le médecin généraliste, mais aussi les spécialistes et les professionnels paramédicaux.

C’est l’objectif, en particulier, d’un certain nombre de points sur lesquels je souhaite insister.

La création de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires : cette nouvelle société instaure un cadre juridique nouveau pour les professionnels de santé médicaux et paramédicaux qui souhaitent tout simplement travailler ensemble. Cette disposition permettra de ne pas exclure du dispositif des nouveaux modes de rémunération les professionnels de santé qui ont choisi d’exercer en société.

Les maisons de santé : elles seront désormais dotées de la personnalité juridique et composées de professionnels médicaux, d’auxiliaires médicaux et de pharmaciens.

Le contrat santé solidarité : la proposition de loi retire la partie coercitive du dispositif et ne maintient que la part incitative du contrat.

Les déclarations d’absence : le texte supprime l’obligation de déclaration des absences programmées des médecins qui exercent en ambulatoire.

Quant aux contrats de bonne pratique, le texte rétablit la base juridique des contrats de bonne pratique et les contrats de santé publique. Il s’agit principalement de pouvoir continuer à rémunérer sur une base satisfaisante les professionnels qui ont souscrit de tels engagements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, cette proposition de loi est très attendue par les professionnels de santé. (M. Guy Fischer s’exclame.) Ils souhaitent des mesures simples, pragmatiques et efficaces pour favoriser l’exercice médical et paramédical de proximité. Les choix que nous faisons, les choix que vous nous proposez sont des choix d’avenir.

J’en profite, même si cela n’est pas au cœur du dispositif, pour vous dire un mot de l’ordonnance de biologie médicale, point sur lequel je reviendrai devant votre assemblée au cours de l’examen des textes sur la bioéthique.

Lors de la discussion sur le projet de loi relatif à la bioéthique à l’Assemblée nationale, l’adoption d’un amendement a conduit à supprimer cette ordonnance de biologie. Les députés ont voulu ainsi donner un signal afin de soulever plusieurs difficultés posées par celle-ci, notamment la nomination de professeurs des universités–praticiens hospitaliers, de PU–PH, en biologie, les ristournes sur les prix des actes et les prélèvements par les infirmières en cabinet libéral.

Je tiens à rassurer tous ceux qui s’inquiètent de cette situation, en premier lieu les biologistes : le texte est toujours en vigueur aujourd’hui puisqu’il n’y a pas eu de vote du Sénat. Il n’est pas question non plus de supprimer cette ordonnance qui permet d’organiser le fonctionnement de la biologie dans notre pays.

Il faut, nous le savons, retravailler certains points spécifiques de cette ordonnance d’ici au passage au Sénat. Ce sera l’objet des travaux des prochaines semaines en concertation. Monsieur Fourcade, je le dis parce que je sais qu’il y avait de très nombreuses demandes à prendre en compte dans ce texte,…

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. … mais il est important…

M. Guy Fischer. … de rassurer !

M. Xavier Bertrand, ministre. … oui, de rassurer – je vous rejoins une nouvelle fois, monsieur Fischer, sans vouloir vous compromettre (Sourires.) –, pour avancer dans le cadre d’une médecine au service de nos concitoyens. C’est l’objet de cette proposition de loi, que le Gouvernement soutient totalement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, fruit d’un projet du Gouvernement et de débats très approfondis au Parlement, la loi HPST visait à garantir à tous nos concitoyens l’accès à des soins de qualité, en toute sécurité et sur l’ensemble du territoire.

Cette ambition était majeure notamment face au problème de la démographie médicale. C’est pourquoi si le vote de cette loi a constitué une étape importante, l’essentiel est surtout de réussir sa mise en œuvre, de garantir son application effective et de rendre ses effets tangibles tant pour nos concitoyens que pour l’ensemble des professionnels de santé.

C’est d’ailleurs dans cette perspective que notre collègue Jean-Pierre Fourcade s’est vu confier une mission d’évaluation de la mise en œuvre des mesures relatives à l’hôpital et aux ARS, avec des représentants de l’État, des hôpitaux et des associations.

En attendant la remise du rapport de cette mission en juillet prochain, M. Fourcade propose d’ores et déjà d’apporter à la loi HPST quelques aménagements, non pas tant dans le secteur hospitalier mais, pour beaucoup des articles, sur ce que l’on appelle communément les soins de ville, afin de mettre un terme à certains dysfonctionnements qu’il a pu constater.

Je salue bien entendu l’objectif de cette proposition de loi. Toutefois, je regrette que, sur un sujet aussi important et complexe, traitant de volets très divers et multiples, nous n’ayons eu que quelques jours pour travailler ce texte.

M. Guy Fischer. Entièrement d’accord !

M. Gilbert Barbier. Pourquoi une telle précipitation ? La commission des affaires sociales, malgré toute la bonne volonté de sa présidente, n’a pas pu se saisir sur le fond de plusieurs problèmes…

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Gilbert Barbier. … qui auraient, pour le moins, nécessité quelques auditions des professionnels concernés. Chacun d’entre nous a pu se rendre compte de l’émoi provoqué par certains articles – et c’est bien compréhensible. En dépit de ces conditions difficiles, le rapporteur a effectué un travail de qualité, s’attachant à faire une synthèse des propositions.

Je partage son analyse et approuve les amendements qu’il a présentés en commission sur de nombreux points, à l’exception de ceux qui concernent la société interprofessionnelle de soins ambulatoires, à l’article 1er, les produits de santé et plus spécialement les prothèses et appareillages dentaires, à l’article 6, ou encore le Sunshine Act, à l’article 9 bis.

Avant d’exprimer mes réserves sur ces points cruciaux, je dois remercier notre collègue Jean-Pierre Fourcade d’avoir proposé de revenir sur deux dispositions de la loi HPST que j’avais combattues en son temps : la pénalité attachée au contrat santé solidarité et la déclaration obligatoire des absences programmées.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Gilbert Barbier. Ces mesures étaient particulièrement vexatoires pour les médecins.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Depuis plusieurs années, les solutions au problème de la démographie médicale et de la continuité des soins font débat et, surtout, polémique. Personnellement, et je l’ai toujours dit, je ne crois pas que les mesures coercitives soient de bonnes méthodes dans un contexte de désaffection de la médecine libérale. À mon sens, elles seraient même plutôt dissuasives.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Gilbert Barbier. La carrière de médecin fait certes encore rêver des générations de jeunes gens qui y voient non seulement une manière de gagner leur vie, mais également une forme d’engagement, d’altérité, d’humanisme. En revanche, à la différence de leurs aînés, les jeunes diplômés rejettent le schéma traditionnel du médecin à tout faire, isolé dans son cabinet, corvéable jour et nuit.

M. Jacques Blanc. Ce que nous avons été !

M. Gilbert Barbier. Parmi les nouveaux inscrits à l’Ordre au 1er janvier 2010, moins de 10 % exercent en cabinet isolé, deux tiers ont opté pour une activité salariée et un quart pour des remplacements. Ce faible attrait pour l’exercice libéral se vérifie même en radiologie, discipline pourtant considérée comme la plus lucrative.

Contrairement aux idées reçues, ce qui prime dans le refus de l’installation, ce n’est pas le niveau insuffisant de la rémunération, c’est la charge administrative trop lourde, la solitude de l’exercice ou encore les contraintes des gardes.

En plus d’une grande difficulté d’application, les dispositifs de la loi HPST n’apportent pas de garanties pour une installation durable des professionnels dans les zones sous-denses et remettent en cause le principe de la liberté d’installation. Dans un souci d’apaisement, Roselyne Bachelot avait mis « entre parenthèses » leur application. Aujourd’hui, il est proposé de les supprimer ; je m’en félicite.

Cela étant, je suis conscient que le problème de l’accès et de la continuité des soins est réel dans plusieurs secteurs du territoire, non seulement en milieu rural mais aussi dans les zones suburbaines et les quartiers difficiles. Toutefois, l’organisation doit privilégier le volontariat et l’exercice collectif.

Le rapport d’Élisabeth Hubert – qui a déjà été cité –, remis en novembre au Président de la République, proposait un ensemble de mesures intéressantes. Vous les connaissez, il n’est pas nécessaire de les détailler.

L’article 1er de la proposition de loi tend d’ailleurs à créer une nouvelle forme de société, la SISA, permettant l’exercice en commun de certaines activités par des professionnels de santé relevant de professions différentes.

Je pourrais comprendre l’intérêt immédiat de cet article, qui est de résoudre le problème du versement et de la répartition des rémunérations perçues dans le cadre de l’expérimentation des nouveaux moyens de rémunération.

Avouez qu’à l’heure où nous faisons de la simplification administrative une priorité, inventer une nouvelle structure, de surcroît aussi complexe, n’a rien de très cohérent. Le rapporteur lui-même le disait en commission : « L’examen du statut de la SIA […] a mis mes facultés d’analyse à rude épreuve. »

Quoi qu’il en soit, cet article présente, dans sa rédaction actuelle, de nombreuses incertitudes qui font douter de son application et de son interprétation.

Alors que l’auteur de la proposition avait inclus les personnes morales dans ces structures, la commission a souhaité les réserver aux seules personnes physiques. Quelle est la justification de l’une ou de l’autre de ces positions ?

De même, pourquoi exclure du champ de cette nouvelle forme de société les activités de dépistage et de prévention ?

Se posent bien d’autres questions, sur lesquelles je reviendrai lors de l’examen de l’article.

À mon sens, cette Société interprofessionnelle de soins ambulatoires représente une menace grave pour l’exercice libéral de la médecine. En effet, elle pourra conduire à des abus de dichotomie, signalée dans le texte initial sous le terme de « compérage ». C’est pourquoi j’en propose la suppression.

Un autre point me paraît loin d’être résolu, c’est celui du coût et de la traçabilité des prothèses et appareillages, notamment dentaires.

M. Alain Milon, rapporteur. C’est vrai !

M. Gilbert Barbier. Nous avions longuement discuté de cette question lors de l’adoption de la loi HPST. Bien entendu, je ne remets pas en cause le droit à l’information des patients ni la nécessité d’une plus grande transparence. Je ne nie pas non plus qu’il y a parfois des abus de la part de certains chirurgiens-dentistes.

Mais, là encore, ne complexifions pas inutilement le texte ! On impose aux professionnels de santé de communiquer, de manière dissociée, le prix d’achat de chaque élément de l’appareillage proposé et le prix de toutes les prestations associées. Sachons reconnaître qu’un tel niveau de détail est tout simplement impossible. De surcroît, c’est inutile pour le patient. Quel est l’intérêt de connaître le prix de chacun des éléments d’appareillages, tels que les orthèses et les orthoprothèses, qui peuvent comporter un grand nombre de petites pièces ? De plus, chacun le sait ici, il est aussi facile de contourner la règle !

L’article 6 de la proposition de loi initiale atténuait un peu la rigueur voulue par la loi HPST, en substituant au prix d’achat le coût des matériels. Cette rédaction n’est peut-être pas totalement satisfaisante, mais, si nous supprimons cet article comme l’a souhaité la commission, nous nous privons de la possibilité de revenir sur ce point. Voilà pourquoi j’ai déposé un amendement rétablissant l’article 6 dans la rédaction proposée par Jean-Pierre Foucade, sachant bien que la traçabilité me paraît être l’élément déterminant pour lequel il ne faut pas transiger.

Enfin, l’article 9 bis, inséré sur l’initiative du rapporteur, vise à rendre publics les liens d’intérêts entre les entreprises pharmaceutiques et les membres des professions médicales, sur le modèle du Sunshine Act américain.

Je suis bien évidemment favorable à cette mesure. En matière de santé, plus que pour toute autre, l’indépendance de l’information et de l’expertise est un impératif. Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, et surtout pas le corps médical. Mais la gestion de la grippe A H1N1 et l’affaire du Mediator montrent clairement qu’un manque de transparence jette le discrédit sur tout un système.

Cela étant, j’aurais préféré que l’on attendît les préconisations de la mission commune d’information « Mediator : évaluation et contrôle des médicaments », récemment constituée par le Sénat. En effet, bien d’autres aspects restent à traiter et la rédaction proposée à l’article 9 bis suscite des questions. Par exemple, comment s’appliquera-t-il aux entreprises étrangères ?

Je rappelle aussi que la mission d’information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, que j’ai présidée, a rendu en son temps un rapport intitulé « Médicament : restaurer la confiance ». Malheureusement, nous n’avons pas été entendus, monsieur le ministre !

Au-delà des propositions qui nous sont faites aujourd’hui, il est un autre sujet qui mérite d’être évoqué, c’est celui de la responsabilité civile professionnelle médicale. Nous en avons débattu longuement à plusieurs reprises, la dernière fois lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

L’article 44 de cette loi est loin d’avoir réglé le problème des « trous » d’assurance. Les médecins restent ainsi exposés à un risque de ruine, tandis que les patients demeurent, eux, exposés au risque d’insolvabilité des praticiens.

Avec d’autres collègues, j’ai déposé régulièrement un amendement prévoyant l’intervention de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, dans tous les cas où la couverture d’assurance médicale est épuisée ou expirée, et sans que l’Office puisse obtenir remboursement des sommes. J’ai essayé de le réintroduire dans ce débat, mais j’ai dû passer sous les fourches caudines de l’article 40...

Monsieur le ministre, cette affaire doit trouver sans retard une solution. Elle n’a que trop duré et conditionne la survie de l’exercice libéral de l’obstétrique. Au printemps dernier, votre prédécesseur a confié à M. Gilles Johanet une mission de concertation...

M. Xavier Bertrand, ministre. On va avoir le rapport !

M. Gilbert Barbier. ... et s’est engagé devant nous sur un calendrier : remise du rapport à la fin du mois de janvier 2011 et mise en œuvre des mesures d’application dans les trois mois suivants. Où en est-on aujourd’hui ?

Enfin, permettez-moi un dernier mot sur un problème posé par un amendement de notre collègue Philippe Adnot qui fait écho à un amendement adopté par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique : je veux parler des conditions d’exercice de la profession de biologiste médical.

Sous l’impulsion des ministres de l’enseignement supérieur et de la santé, ces conditions ont été encadrées de façon très stricte. L’ordonnance prise par le Gouvernement en janvier dernier réserve l’exercice de la profession de biologiste médical aux seuls médecins et pharmaciens titulaires d’un diplôme d’étude spécialisée en biologie médicale ou d’une qualification en biologie médicale délivrée par les instances ordinales au regard des compétences prouvées par les candidats.

Aujourd’hui, certains voudraient créer une troisième voie d’accès en permettant aux personnels enseignants et hospitaliers des CHU, non-titulaires de la formation qualifiante, d’y exercer comme biologistes médicaux et d’assumer la responsabilité de pôles de laboratoires. Rejetée par le Parlement lors de l’examen de la proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire en décembre dernier, cette initiative légitime par ailleurs un système dans lequel les chercheurs tendent à se coopter entre eux au travers de critères subjectifs, donnant ainsi une image négative de notre système hospitalo-universitaire à l’international.

L’abrogation de l’ordonnance portant réforme de la biologie médicale par un amendement adopté à la sauvette, sans justification sur l’ensemble du texte, à l’occasion de l’examen d’un texte, le projet de loi relatif à la loi bioéthique, n’ayant aucun lien direct avec le sujet, a provoqué l’émoi de toute la profession. Je peux le comprendre. Mais chassez-le par la porte, il revient par la fenêtre !

Monsieur le ministre, il n’est pas raisonnable de laisser remettre en cause, pour des raisons obscures, une réforme qui s’inscrit dans une démarche de qualité, de sécurité sanitaire et de santé publique. De surcroît, cette méthode est méprisante pour le travail de fond qui a été réalisé pendant plus de deux ans par le ministère, en concertation avec l’ensemble des acteurs de la biologie médicale française.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais faire sur cette proposition de loi et que j’aurai l’occasion de développer lors de l’examen des articles. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà moins de deux ans, le Parlement adoptait le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », censé réformer l’organisation hospitalière, sanitaire et médico-sociale.

Loin de la satisfaction partagée entre le Gouvernement et les parlementaires de sa majorité, rappelez-vous, cette loi a finalement réuni contre elle l’ensemble des professionnels de la santé, des infirmiers aux mandarins, au sein des établissements du public comme du privé non commercial, et a soulevé la colère légitime des associations de patients, d’usagers et d’élus locaux.

Pour notre part, pour reprendre la formule employée alors par mon ami François Autain, nous étions convaincus qu’avec cette loi « tout convergeait vers la privatisation de notre système de santé ». Notre conviction n’a pas changé depuis et, chaque jour, on observe la manière dont cette privatisation inavouée gagne du terrain.

Il faut dire que cette loi part d’un postulat que nous récusons, selon lequel la santé devrait être subordonnée à une logique comptable. Mais notre opposition à cette règle n’exclut naturellement pas la recherche de solutions destinées à réaliser des économies dans les secteurs sanitaires et médico-sociaux, à condition toutefois qu’elles ne se fassent pas sur le compte des personnels, qui sont des acteurs incontournables de la santé, ou encore sur celui de nos concitoyens.

Or vos politiques successives se sont toutes traduites par une réduction aveugle des moyens, entraînant une réduction importante dans l’accès aux soins.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, votre obsession de transformer l’hôpital public en entreprises de soins inspirées du modèle privé commercial...

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est le contraire !

M. Guy Fischer. ... vous a conduit à imposer la tarification à l’activité, ou T2A, et la convergence public-privé.

Ces deux mesures constituent aujourd’hui de véritables handicaps pour les hôpitaux publics et sont lourdes de conséquences pour nos concitoyens. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Je ne prendrai que deux exemples.

Il aura fallu attendre l’adoption de la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour qu’il soit enfin précisé que la convergence public-privé ne devait s’appliquer qu’en faveur des prix les plus bas, et non pas automatiquement en appliquant au secteur public les tarifs du secteur privé. Cette évolution souhaitable constitue la démonstration que votre priorité résidait moins dans la réalisation de quelques économies que dans votre volonté toute dogmatique d’assimiler en tout point le privé au public.

À cet effet, je tiens d’ailleurs à rappeler que votre gouvernement s’est toujours opposé à l’intégration des tarifs des professionnels de santé aux tarifs des établissements privés lucratifs. Cette distinction artificielle permet de faire croire que les actes réalisés dans le privé coûtent moins cher, mais c’est oublier que les prix pratiqués dans le public s’entendent « tout compris », c’est-à-dire qu’ils intègrent les honoraires des médecins. Si vous tenez tant à comparer les tarifs du public et du privé, vous ne devez pas craindre de faire une comparaison intégrale !

Le second exemple porte sur la T2A. Ce mode de financement qui repose sur l’activité réalisée au sein des établissements n’est pas adapté à certaines activités hospitalières. Je pense particulièrement aux soins palliatifs, pour revenir à un débat que nous avons eu récemment.

Selon M. Gérard de Pouvourville, professeur au département Management de la Santé, ce système « pousse à l’efficience [mais avec] un risque de sous-prise en charge des patients » et une incitation à « fractionner les séjours », ce qui est naturellement impossible dès lors qu’il s’agit de soins palliatifs.

La Cour des comptes le reconnaît elle-même dans l’un de ses rapports : « Le système pourrait déboucher sur une éventuelle dégradation de la qualité des soins prodigués ou sur une sélection des patients, pour éviter de prendre en charge les cas les plus lourds. ». C’est ce que nous observons bien souvent.

Par ailleurs, et nous ne sommes pas les seuls à le penser, la T2A a des effets pervers sur les comptes sociaux. Un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances a déjà souligné qu’elle pouvait entraîner une inflation des soins.

Chaque maladie traitée rapportant une somme déterminée à l’hôpital, la T2A favorise, par exemple, l’augmentation artificielle des durées d’hospitalisation pour les pathologies rémunérées à la journée, encourage à tirer le diagnostic vers l’affection la plus lucrative ou à fragmenter la prise en charge pour multiplier les factures, ou encore à réaliser des actes qui ne sont pas indispensables.

En somme, il s’agit d’inciter les établissements à faire du chiffre, et cela d’autant plus que, depuis l’adoption de la loi HPST, le directeur général de l’agence régionale de santé peut décider de placer les établissements rencontrant des difficultés financières sous tutelle administrative.

D’une manière générale, la T2A organise une concurrence entre les cliniques commerciales et les hôpitaux publics. Une concurrence déloyale puisque ces derniers sont obligés de prendre en charge toute l’année, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les patients qui se présentent, alors que le secteur à but lucratif peut choisir les patients les plus rentables. Autrement dit, comme le souligne M. Gérard de Pouvourville, docteur en économie et administration des entreprises, les hôpitaux publics sont « pénalisés » par le fait de ne pouvoir choisir leurs patients.

On le voit bien, ces deux éléments que sont la convergence des tarifs et la rémunération à l’activité et qui constituent l’ossature de votre politique sanitaire jouent contre l’hôpital public, c’est-à-dire contre les seules structures capables d’assurer l’égalité entre nos concitoyens en matière d’accès aux soins. Je tenais à le réaffirmer en prélude à notre discussion.

À cet égard, la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Pierre Fourcade n’apporte aucune solution. Elle entérine ce modèle économique que nous ne pouvons que contester.

Par ailleurs, mes chers collègues, si nous avons, un temps, cru ou tout du moins espéré que cette proposition de loi allait apporter des réponses concrètes aux difficultés que rencontrent nos concitoyens pour accéder aux soins, aujourd’hui nous sommes déçus.

Il s’agit pourtant d’un enjeu capital, puisque l’accès aux soins se dégrade encore malgré la loi HPST, malgré les règles incitatives que vous n’avez de cesse de développer.

Lors de l’examen du projet de loi HPST, la majorité sénatoriale avait supprimé les peu nombreuses avancées obtenues à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, par cette proposition de loi, elle entend supprimer les quelques mesures, certes symboliques, qui avaient résisté à son examen, en supprimant les sanctions en cas de non-respect des contrats solidaires. Nous y sommes ! Il s’agit avant tout de donner au secteur libéral tous les gages nécessaires.

Mes chers collègues, tout cela donne l’impression que vous refusez, malgré les rapports Hubert et Vallancien, de prendre à bras-le-corps l’important dossier de la médecine libérale.

Le système actuel est à bout de souffle et ne permet pas de répondre aux besoins de nos concitoyens, qui sont pourtant clairement définis et limités à trois questions fondamentales : la permanence des soins, la persistance et l’extension des zones sous-médicalisées, ainsi que l’explosion des dépassements d’honoraires. Vous refusez pourtant d’en parler !

Pour nous, la permanence des soins doit continuer à être considérée comme une mission de service public. Il s’agit d’une exigence de qualité et d’égalité entre nos concitoyens, seule capable de rendre opposable une telle notion. Il s’agit pour nous non pas de contraindre les médecins,…

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais si !

M. Guy Fischer. … mais d’assurer la satisfaction des besoins en santé. C’est pourquoi nous considérons que cette exigence ne peut être facultative.

S’agissant des déserts médicaux, il y a fort à parier que, malgré l’adoption probable de cette proposition de loi, ils ne se résorberont pas. Bien que nous n’ayons pas voté en faveur des contrats santé solidarité, considérant qu’ils étaient difficiles à instaurer, nous avons tout de même été surpris d’apprendre par voie de presse que la ministre de la santé de l’époque, Mme Bachelot-Narquin, avait décidé seule – ce point a été confirmé –, à l’occasion d’un congrès des médecins généralistes réunis à Nice, de ne pas les mettre en œuvre.

Je veux réaffirmer ici notre opposition à ce type de procédé. Le Gouvernement ne peut pas décider seul de surseoir à l’exécution d’une mesure adoptée par le Parlement. Au moins cette proposition de loi a-t-elle le mérite de clarifier les choses, en envoyant – c’est ainsi que nous le comprenons – un signal fort en direction des médecins, qui sont de potentiels électeurs.

Car, à vrai dire, les articles concernant les soins de premier recours, que M. le rapporteur considère comme le cœur de cette proposition de loi, ne nous semblent pas suffisants. Le fait de permettre à une société civile, composée de médecins et d’auxiliaires médicaux, de bénéficier de financements de la part de l’assurance maladie ne constitue qu’une incitation marginale à l’exercice regroupé.

M. le rapporteur l’a très bien expliqué, ce mode d’exercice est aujourd’hui plébiscité. De plus en plus de jeunes médecins se déclarent intéressés, dans la mesure où il permet à la fois la complémentarité des pratiques et la rupture avec un certain isolement. Ces praticiens sont également de plus en plus nombreux à refuser de s’inscrire dans un schéma où ils seraient d’abord et avant tout des gestionnaires de structures ou des entrepreneurs.

Cela explique sans doute pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à accepter une pratique longtemps décriée, celle de l’exercice salarié. Les éléments chiffrés que vous avez donnés, monsieur Milon, parlent d’eux-mêmes. Peut-être cette nouvelle société de moyens donnera-t-elle envie à des médecins d’exercer de manière regroupée. Toutefois, la question que nous devons nous poser est en réalité la suivante : cela suffira-t-il à repeupler les déserts médicaux ? Nous répondons par la négative, car la création de ce nouveau cadre vise en réalité à empêcher toute remise en cause du dogme auquel les représentants des médecins libéraux sont très attachés, celui de la liberté d’installation.

Selon nous, il est temps que ce concept évolue. Il n’est en effet pas acceptable qu’en raison de ce principe, lié à un exercice libéral de la médecine, les pouvoirs publics ne disposent pas des outils leur permettant d’assurer un autre principe, bien plus important à nos yeux : celui de l’accès de tous à une médecine de proximité.

Les politiques incitatives que vous avez développées depuis des années présentent deux inconvénients : d’une part, celui de reposer exclusivement sur les financements des collectivités locales et territoriales, ce qui revient à appliquer à la médecine de proximité la fracture sociale liée aux richesses des territoires ; d’autre part, celui, majeur, de n’avoir aucun effet concret. Nous sommes aujourd’hui dans une situation paradoxale : alors qu’il n’y a jamais eu autant de médecins, les besoins non satisfaits n’ont jamais été aussi grands.

C’est pourquoi nous vous proposerons au cours de nos débats un certain nombre d’amendements tendant à limiter l’installation des médecins dans les zones sur-denses et à encadrer les conditions de leur installation. Je ne me fais aucune illusion sur leur adoption ! (Sourires au banc des commissions.)

En effet, il n’y a plus lieu d’attendre. Selon les projections, tout porte à croire que le nombre de médecins de premier recours aura mécaniquement tendance à décroître. Selon les atlas régionaux de la démographie médicale, le nombre total des médecins en activité devrait effectivement diminuer de 10 % à l’horizon 2025. Si la densité médicale était de 275 généralistes pour 100 000 habitants en 1985 et de 340 praticiens en 2005, toutes les études prévoient, à l’horizon 2025, qu’elle tombera à 283 généralistes pour 100 000 habitants, soit un taux à peine supérieur à celui du milieu des années quatre-vingt, alors que les besoins ont considérablement augmenté, notamment en raison du vieillissement de la population. Refuser d’agir aujourd’hui, c’est prendre le risque que, demain, la situation ne s’aggrave une nouvelle fois.

Enfin, le dernier enjeu est celui de l’accès aux soins à des tarifs opposables. Cette question est primordiale, dans la mesure où l’explosion des dépassements d’honoraires fait courir le risque d’une médecine à double vitesse – je pense plus particulièrement aux spécialistes –, écartant des soins celles et ceux qui ne disposeraient pas des ressources financières à la hauteur de leur état de santé.

À l’occasion des débats sur le projet de loi HPST, nous avions proposé que l’accès à des tarifs opposables constitue un élément essentiel pour déterminer le schéma régional de l’organisation sanitaire. Vous vous y étiez opposés, laissant perdurer une situation inacceptable et envoyant un très mauvais signal aux professionnels de santé, qui restent libres de déterminer en leur âme et conscience si les dépassements qu’ils pratiquent sont conformes au tact et à la mesure.

Aujourd’hui, certains préconisent d’autoriser la modulation du prix de la consultation en fonction de l’importance de celle-ci. Nous y sommes opposés, considérant que cela reviendrait de fait à autoriser les médecins à pratiquer des tarifs discriminatoires ou, dans le meilleur des cas, à faire naître le doute chez le patient, qui, par définition, a besoin de faire confiance à son médecin.

De la même manière, nous ne considérons pas que le secteur optionnel soit de nature à résoudre ce que l’IGAS qualifiait dans son rapport de 2007 de « recul de la solidarité nationale contraire aux principes fondateurs de l’assurance maladie ». Pour nous, ce nouveau secteur vise à inciter les médecins pratiquant les tarifs conventionnels à imposer des dépassements d’honoraires légalement autorisés et dont le pendant est naturellement une prise en charge par les complémentaires santé. (Mme Lucienne Malovry et M. Jacques Gautier martèlent leur pupitre en signe d’impatience.) On le sait, le transfert de la solidarité nationale, assurée par la sécurité sociale, vers la capacité financière des patients, par le biais des contrats complémentaires, est de nature à accroître les inégalités sociales en matière de santé.