compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

M. Bernard Saugey,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Fin de mission d'un sénateur

M. le président. Par lettre en date du 3 mars 2011, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 8 mars 2011, de la mission temporaire sur le développement des véhicules décarbonnés confiée à M. Louis Nègre, sénateur des Alpes-Maritimes, auprès du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.

Acte est donné de cette communication.

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public de financement et de restructuration, en remplacement de M. Roland du Luart.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Albéric de Montgolfier pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution

M. le président. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, a demandé, le 4 mars 2011, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la mise en conformité du droit français concernant le régime des astreintes et le système de forfaits en jours sur l’année considérés par le Comité européen des droits sociaux comme violant différentes dispositions de la charte sociale européenne révisée (n° 328, 2010-2011), déposée le 4 mars 2011.

Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents, qui se tiendra le 9 mars 2011.

5

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 7 mars 2011, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a demandé d’avancer la suite de la discussion de la proposition de loi modifiant la loi portant réforme de l’hôpital du jeudi 10 mars au mercredi 9 mars 2011.

Il a également demandé d’inscrire à l’ordre du jour du matin de la séance du jeudi 10 mars 2011 cinq conventions internationales, dont la commission des affaires étrangères propose qu’elles soient examinées selon la procédure simplifiée.

Le délai pour revenir le cas échéant à la procédure habituelle pourrait être fixé au mercredi 9 mars, à dix-sept heures.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour des séances des mercredi 9 et jeudi 10 mars 2011 s’établit comme suit :

Mercredi 9 mars 2011

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite éventuelle du projet de loi relatif à la garde à vue ;

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications ;

- Suite de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital.

Jeudi 10 mars 2011

À 9 heures 30 :

- Cinq conventions internationales en forme simplifiée ;

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ;

À 15 heures :

- Questions d’actualité au Gouvernement.

6

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 mars 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-215 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

inquiétudes relatives à la carte scolaire 2011-2012 dans la région du limousin

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, auteur de la question n° 1199, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur les vives inquiétudes suscitées par la présentation de la carte scolaire pour l’année scolaire 2011-2012 dans la région du Limousin, carte qui acte la suppression de nombreuses classes, options ou filières dans les lycées et de nombreux postes dans les enseignements primaire et secondaire.

En prenant une telle direction, on est en train de créer un véritable désert éducatif dans certains territoires, à l’instar des déserts médicaux. Depuis plusieurs semaines, les syndicats, les parents d’élèves, les élus et les citoyens du Limousin se sont donc mobilisés pour protester contre ces décisions.

Je tiens en effet à rappeler l’ampleur des suppressions envisagées.

Dans le département de la Creuse, le lycée Raymond-Loewy de La Souterraine voit sa classe de première littéraire supprimée. En conséquence, sa classe de terminale le sera également l’année suivante.

Le lycée Eugène-Jamot d’Aubusson voit disparaître une option de spécialisation de son brevet de technicien supérieur, ou BTS, en informatique, alors même que la réforme de ce BTS instaure la nécessité de deux options dans cette formation.

Le lycée des métiers du bâtiment de Felletin, commune dont je suis maire, est un établissement à recrutement national. Son baccalauréat professionnel dans la filière de l’art de la pierre a pourtant été fermé, sans tenir compte des besoins exprimés par la profession. L’avenir de cet établissement se voit menacé par le refus d’ouverture de nouvelles classes de baccalauréat professionnel – « Technicien constructeur bois » et « Interventions sur le patrimoine bâti » – pouvant pallier la réforme du baccalauréat en sciences et technologies industrielles, dit bac STI.

Au lycée Jean-Favard de Guéret, la dotation pour le fonctionnement du BTS en domotique est de 40 heures en première comme en deuxième année, alors que 51 heures et 53 heures sont nécessaires. Cela pose évidemment la question de l’organisation des travaux pratiques obligatoires.

Au lycée Pierre-Bourdan de Guéret, la dotation horaire est en baisse de 5 %, alors que le nombre d’élèves est stable, avec pour résultat la suppression de trois postes d’enseignants et des classes de 35 élèves.

Je ne parlerai pas des établissements des autres départements qui ont exactement les mêmes problèmes, qu’il s’agisse du lycée Edmond-Perrier à Tulle, du lycée Bernart-de-Ventadour à Ussel, des lycées professionnels Jean-Baptiste-Darnet à Saint-Yrieix-la-Perche, Paul-Éluard à Saint-Junien, et bien d’autres encore...

À ces réductions de dotations horaires et ces fermetures de classes, vient s’ajouter l’annonce de la suppression de 95 postes dans le second degré, et ce sans parler des postes de professeur des écoles : il y en aura 13 de moins dans le seul département de la Creuse !

Monsieur le ministre, toutes ces décisions reposent sur des critères purement budgétaires et statistiques, qui ne prennent en compte ni les caractéristiques propres à certains territoires comme le Limousin, ni les problématiques liées aux transports, aux temps de trajet et aux frais engendrés, ni les conditions d’enseignement créées par les regroupements à 35 élèves par classe.

Je souhaiterais donc savoir comment, avec cette politique de désertification éducative, nous pouvons offrir des perspectives d’avenir aux jeunes dans les territoires ruraux sans établissements de proximité et comment, avec des classes pléthoriques, il sera possible de mieux prendre en compte la diversité des élèves.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. J’ai bien compris le sens de votre question, madame le sénateur. Néanmoins – permettez-moi de vous le dire –, l’on ne peut écarter d’un revers de main la donne budgétaire dans un pays qui, avec un emprunt de 180 milliards d’euros cette année, est le deuxième emprunteur mondial et consacre à l’éducation nationale 60 milliards d’euros, soit 21 % du budget de la nation, adopté par le Parlement à l’automne dernier.

L’éducation nationale participe donc à l’effort collectif, et le fait avec beaucoup de discernement. Certes, nous ne remplaçons pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, mais nous réaffectons la moitié des économies à l’amélioration de la rémunération des fonctionnaires et, surtout, nous continuons à moderniser le service public de l’éducation nationale.

C’est pour aller dans cette direction que j’ai voulu, cette année, que la répartition des postes et des budgets par établissement se fasse sur la base d’un dialogue avec les académies et avec les établissements. Il s’agissait ainsi de mieux tenir compte de la réalité locale, notamment dans votre région du Limousin.

Quelle est la situation de l’académie de Limoges ?

Après une croissance continue depuis le début des années 2000, le nombre d’écoliers devrait se stabiliser à la prochaine rentrée de septembre. Dans le second degré, les effectifs des collégiens devraient légèrement repartir à la hausse, mais le nombre de lycéens continuera à décroître.

S’agissant des moyens d’enseignement, l’académie de Limoges continuera à appartenir au groupe des académies les mieux dotées, précisément pour tenir compte de sa spécificité rurale.

Nous mettrons en œuvre à la rentrée prochaine toutes les nouveautés existantes, en lycée général et technologique, mais aussi dans la voie professionnelle.

Ainsi, nous mettrons en place, dans le cadre de la réforme du lycée, quatorze enseignements d’exploration en classe de seconde. Ce n’est pas vraiment la désertification à laquelle vous faites référence, madame le sénateur !

Nous poursuivrons la rénovation de la voie professionnelle, avec notamment l’ouverture, au lycée professionnel Delphine-Gay de Bourganeuf, du nouveau baccalauréat professionnel en trois ans « Métiers de la santé et des services à la personne », qui répond à un besoin exprimé localement.

La nouvelle série « Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable », ou STI2D, qui succède à la filière STI, permettra d’adapter l’offre de formation aux besoins des entreprises locales, notamment industrielles, qui sont implantées dans ce milieu rural.

Par ailleurs, des réflexions sont en cours pour relancer les formations aux métiers d’art sur Aubusson, ou encore pour créer un internat d’excellence à La Souterraine.

Dans le premier degré, les spécificités rurales de votre département sont respectées, puisque le tissu scolaire du territoire sera préservé : maintien du maillage des écoles rurales, continuité des projets pédagogiques en cours, renforcement de l’accueil des élèves en situation de handicap. Je pense, par exemple, à un projet d’accueil et de scolarisation adaptée d’élèves malentendants et sourds qui sera mis en œuvre, dès la rentrée prochaine, à Tulle, dans le département de la Corrèze.

Vous le voyez, madame le sénateur, la rentrée de 2011 dans l’académie de Limoges se fera dans des conditions satisfaisantes. Elle s’inscrira dans le processus de modernisation et de rénovation du système éducatif, celui-ci étant bien évidemment vital pour la région du Limousin et pour sa jeunesse.

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications tendant à nous démontrer que la situation sera satisfaisante à la rentrée. Je n’ai pas le sentiment qu’elle soit perçue ainsi par les enseignants ou par les parents d’élèves, compte tenu des manifestations auxquelles nous assistons actuellement… à moins qu’il ne s’agisse d’un problème de communication, auquel cas de nombreux progrès seraient à faire dans ce domaine !

Je ne crois pas que la réforme du bac STI, dans sa conception actuelle, et la réforme du baccalauréat professionnel donnent entière satisfaction sur le terrain, dans la mesure où elles entraînent la suppression de certaines filières et, du fait de la réduction du nombre d’années de formation, la diminution des effectifs dans certains établissements.

Vous nous dites qu’il y a une prise en compte de la ruralité ; on peut en douter lorsque l’on regarde ce qui se passe sur le terrain. Nous n’avons toujours pas de réponse quant à la classe de première littéraire de La Souterraine ; nous sommes en attente de l’ouverture au sein du lycée des métiers du bâtiment de Felletin de deux baccalauréats professionnels qui permettraient à cet établissement de se développer. Je rappelle que ce dernier répond à une demande en formation des professionnels du bâtiment et, plus largement, aux besoins locaux. Cet établissement a un recrutement national et, à ce titre – je le souligne –, il a été l’établissement référent pour la création des lycées des métiers. Il serait donc juste qu’il puisse continuer à bénéficier de cette primeur et de la notoriété qui est jusqu’à maintenant la sienne.

Pour conclure sur cette prise en compte de la ruralité, je crains à l’inverse que ne soient pas suffisamment prises en considération, dans les réflexions menées au niveau du rectorat et de la région Limousin dans son ensemble, les problématiques de transport, de temps de trajet et de coûts induits par l’obligation faite aux élèves d’étudier dans des établissements où seront proposées les filières de leur choix.

installation d'une maison de justice et du droit à château-chinon

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 1182, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, cette question, en effet adressée à M. le garde des sceaux, vise à attirer l’attention de ce dernier sur les conséquences de la suppression des tribunaux d’instance en zones rurales.

On mesure mal combien la fermeture des tribunaux d’instance comme celui de Château-Chinon dans la Nièvre a entraîné de difficultés pour les usagers. Le déplacement à Nevers, préfecture très excentrée, s’apparente, par la carence des transports et leur coût, à une véritable expédition. Une application restreinte de la justice en résulte, les plaignants hésitant à porter plainte.

Dans le cadre des opérations de tutelle – elles sont nombreuses, notamment du fait d’une population vieillissante –, l’absence du juge se fait cruellement sentir puisque le rôle de ce dernier était non seulement de vérifier le déroulement des opérations de la tutelle mais surtout, dans l’urgence, de donner aux tuteurs les autorisations nécessaires.

On constate aussi des dérives à propos des saisies sur rémunérations et des dossiers de surendettement. Environ 50 % des créanciers tenus de se présenter à une audience préalable devant le juge ne peuvent se déplacer du fait soit de leur invalidité, soit de la rareté des transports. Ils ne peuvent ainsi bénéficier de phases de conciliation et s’exposent à des mesures radicales engendrant des situations difficiles : cambriolages, vols, délinquance en forte augmentation sont aussi désormais le lot du monde rural beaucoup plus qu’on ne le dit. Les habitants attendent légitimement qu’une justice plus proche d’eux puisse, au-delà de l’action policière, les protéger.

Les multiples conflits de voisinage sont aussi, pour des gens âgés, isolés, sources de tracas et de soucis.

C’est pourquoi il serait bon que Château-Chinon, dans une zone de vide juridique, puisse bénéficier d’une maison de la justice et du droit afin d’apporter aux habitants des réponses alternatives, résoudre de manière non conflictuelle et non pénale les problèmes, les litiges et faire valoir les droits de chacun.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du garde des sceaux, M. Michel Mercier, qui est retenu par d’autres obligations ce matin.

Les maisons de justice et du droit, ou MJD, sont des établissements judiciaires implantés soit dans les quartiers classés en zone urbaine sensible au titre de la politique de la ville, soit dans des communes concernées par la réforme de la carte judiciaire. Elles constituent une réponse de proximité voulue par le Gouvernement.

Le ministre de la justice a décidé la création de cinq nouvelles maisons de justice et du droit, qui ouvriront leurs portes l’an prochain, dans des localités dont le tribunal d’instance a fermé et qui sont également éloignées de la juridiction la plus proche. Cela portera donc à seize le nombre des nouvelles maisons de justice et du droit ouvertes entre 2009 et 2012.

Comme vous l’avez indiqué, la commune de Château-Chinon, dans laquelle vous sollicitez la création d’un tel dispositif, a vu son tribunal d’instance supprimé compte tenu de la faible activité de ce dernier ; je rappelle qu’il a été saisi de 223 affaires nouvelles en 2008.

Avant de créer une nouvelle structure d’accès au droit et à la justice, il importe de s’assurer que l’activité du futur dispositif puisse être suffisante pour garantir un fonctionnement pérenne. Cela ne semble a priori pas être le cas pour l’instant en termes tant d’audiences foraines que d’alternatives aux poursuites.

Je vous rappelle, que, depuis 1998, la commune dispose d’un point d’accès au droit, ou PAD, structure qui n’a accueilli que trente-six personnes l’an dernier.

Toutefois, si des besoins accrus en matière d’accès au droit et d’accès à la justice étaient recensés, il pourrait être envisagé, en lien avec le conseil départemental de l’accès au droit de la Nièvre, décideur en la matière, de consolider et d’augmenter les permanences du point d’accès au droit de Château-Chinon, voire d’aller plus loin si nécessaire. Le ministère de la justice s’adaptera en fonction de l’évolution des choses.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui ne m’a pas déçu mais affligé.

Comme l’a dit Mme Nicoux, dont je rejoins le propos dans la mesure où, au fond, la problématique sous-tendant nos questions est la même, vous ne vous fondez que sur des chiffres, des budgets, aussi bien pour les fermetures de classes que pour les fermetures des tribunaux. Au-dessous d’un certain seuil d’activité, la suppression est décidée : c’est le seul principe que vous appliquez. Une telle méthode a un prix, qui est le dépeuplement du monde rural.

Cette méthode, vous l’assumez ; nous, nous en proposons une autre tenant compte des conséquences sur le mode de vie des habitants.

En éloignant la justice du justiciable, on ne rend service à personne ; tout le monde y perd, notamment la justice, qui n’est plus la justice démocratique, la justice pour tous. Les justiciables renoncent souvent à engager une procédure parce qu’il est difficile de rallier par des moyens de transport souvent sommaires une préfecture parfois très éloignée.

Les audiences foraines, monsieur le ministre, ce n’est quand même pas le bout du monde ! Cela ne coûte pas très cher : il faut déplacer un juge et deux secrétaires. Mais on préfère supprimer des audiences foraines et obliger des personnes âgées, impécunieuses, à se déplacer dans des conditions difficiles.

La méthode qui se fonde essentiellement sur les chiffres – cette méthode a été utilisée pour les écoles, les postes, les gendarmeries et les tribunaux – n’est pas la bonne, car elle ne tient pas compte des conséquences en résultant pour le monde rural.

Nous avons envisagé, avec nos amis de la Creuse, la mise en place d’un « bouclier rural ». Alors, monsieur le secrétaire d'État, vive le bouclier rural qui pourrait nous protéger !

libéralisation du marché de l'ammoniac en france

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, auteur de la question n° 1195, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Virginie Klès. Monsieur le secrétaire d'État, ma question relève plutôt des compétences en matière d’écologie et de développement durable de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, mais je ne doute pas que vous m’apporterez les réponses appropriées.

La société Ammoniac Agricole, filiale de la multinationale Yara, exerce en France un monopole sur la production et l’importation de l’ammoniac utilisé en agriculture. Pour des raisons qui lui appartiennent, cette entreprise a décidé brutalement de cesser cette activité à la fin de l’année 2010.

De très nombreux acteurs de cette filière – agriculteurs, CUMA, c'est-à-dire coopératives d’utilisation de matériel agricole, entreprises de travaux agricoles... –, qui ont été pour ainsi dire mis devant le fait accompli, ont alors mobilisé toutes leurs compétences et entrepris de nouer un partenariat avec une autre entreprise d’envergure nationale spécialiste de l’ammoniac industriel. Cette dernière offre toutes les garanties de fiabilité et de sécurité pour reprendre en France les activités du groupe Yara en matière d’ammoniac agricole.

Aucun accord n’a toutefois pu aboutir entre ces deux entreprises. Il semble que le groupe Yara souhaite avant tout se prémunir de la concurrence que représenterait une filière de l’ammoniac agricole devenue autonome.

Pour autant, l’ammoniac agricole est extrêmement intéressant puisque, utilisé comme fertilisant, il contribue au succès du concept d’agriculture raisonnée. En effet, il est très concentré en azote, et les quantités utilisées sont donc très faibles, beaucoup plus faibles qu’avec les ammonitrates et avec l’urée. Par ailleurs, il est injecté dans le sol sous forme gazeuse, ce qui permet de limiter la quantité injectée et d’accroître sa disponibilité pour les plantes. Le lessivage et la déperdition d’azote par évaporation sont également limités de ce fait. L’empreinte écologique est donc bien inférieure à celle des autres intrants azotés.

De plus, certaines PME innovantes, dont une implantée près de chez moi, ont développé des techniques qui présentent un second intérêt pour l’ammoniac agricole en l’associant avec l’aliment du bétail, dont la valeur nutritionnelle, les propriétés digestives et l’appétence s’en trouvent considérablement accrues.

L’ensemble de ces qualités fait que l’ammoniac agricole présente effectivement un réel intérêt public : en diminuant une fois de plus l’empreinte écologique des entreprises agricoles tout en renforçant leur compétitivité, il représente un gisement d’activités et d’emplois qualifiés pour de nombreuses entreprises et coopératives d’utilisation de matériel agricole.

C’est pourquoi j’aimerais, monsieur le secrétaire d'État, que vous me précisiez les mesures que le Gouvernement entend prendre pour libérer le marché de l’ammoniac du monopole qui aujourd’hui l’emprisonne.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, retenue par d’autres obligations. J’espère que ma réponse sera toutefois à la hauteur de vos attentes.

La technique de fertilisation par injection d’ammoniac présente effectivement certains avantages d’ordre agronomique. Cependant, l’ammoniac n’en reste pas moins un gaz particulièrement dangereux dont la toxicité est susceptible, en cas de fuite, de provoquer des effets mortels jusqu’à des distances très éloignées de la source.

Par conséquent, la sécurité du transport, de la manipulation et du stockage de l’ammoniac est encadrée par des règlementions de sécurité très exigeantes.

C’est à ce seul titre, et non pour réguler un marché, que le ministère de l’écologie intervient dans cette activité.

La société Ammoniac Agricole, qui exerçait cette activité de distribution d’ammoniac dans certaines régions françaises depuis de nombreuses années, est la filiale de plusieurs entreprises industrielles spécialisées. Disposant des compétences de ces industriels, elle avait développé tout un ensemble d’actions pour accompagner et assurer de manière intégrée la sécurité de la chaîne de distribution et d’utilisation de l’ammoniac : formation, sensibilisation et appui des acteurs agricoles aux questions de sécurité, exploitation de stockages intermédiaires, contrôles périodiques des matériels de sécurité, surveillance des opérations. À cette fin, la société Ammoniac agricole avait demandé et obtenu les différents agréments et autorisations prévus par la réglementation.

Le fait que cette société ait été la seule à intervenir sur ce marché ne résulte absolument pas d’une volonté particulière des pouvoirs publics. Toute autre société disposant de compétences et de moyens identiques aurait pu également intervenir.

Lorsque cette société nous a fait part de son intention de cesser son activité, l’administration n’a pu que prendre acte de cette situation de fait et rappeler qu’une reprise éventuelle de cette activité n’était envisageable que dans le respect des exigences de sécurité.

En définitive, il semble que cette technique ait été abandonnée dans la quasi-totalité des pays d’Europe. Dans le cas où aucun opérateur économique viable ne se manifesterait pour la reprendre, les agriculteurs concernés seraient invités à se rapprocher d’organismes compétents, comme par exemple les organisations professionnelles ou les chambres d’agriculture, pour aborder de façon maîtrisée la transition de leurs exploitations vers une nouvelle méthode de fertilisation des sols.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Je ne peux effectivement qu’approuver votre propos quant à la toxicité de ce gaz et aux mesures de sécurité importantes encadrant son exploitation. Néanmoins, l’entreprise qui a aujourd’hui été sollicitée par l’ensemble des partenaires de cette filière présente toutes les garanties nécessaires en matière de sécurité et de formation du personnel.

Je reconnais que le problème est complexe. Toutefois, un premier geste que pourrait consentir le Gouvernement serait de délivrer l’agrément pour l’année 2011 aux applicateurs d’ammoniac agricole qui bénéficiaient jusqu’à présent de cet agrément : ils possèdent la formation nécessaire et ont démontré leur fiabilité en matière de sécurité et de technicité. Il importe également de prévenir, dès 2011, une chute brutale du marché de l’ammoniac agricole, qui ne manquera pas de se produire si les applicateurs n’ont même plus les agréments pour réaliser les opérations nécessaires.

Quant au reste du dossier, il est effectivement éminemment complexe. Néanmoins, je me tiens à la disposition du ministère pour évoquer de nouveau ce sujet, qui me semble primordial, afin que nous puissions aller plus avant.