compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

M. Marc Massion,

Mme Anne-Marie Payet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Discussion générale (suite)

Adaptation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (texte de la commission n° 319, rapport n° 318).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Article 1er

Mme Colette Giudicelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie au Sénat le 16 février dernier, est parvenue à un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Ce projet de loi, je vous le rappelle, a principalement pour objet d’achever la transposition en droit français de plusieurs directives européennes, notamment la directive Services, dont la transposition aurait dû être accomplie dès le mois de décembre 2009, et le troisième « paquet télécoms », dont l’examen au fond a été confié, au Sénat, à la commission de l’économie. Je tiens d’ailleurs à souligner ici la qualité du travail réalisé par son rapporteur pour avis, Bruno Retailleau, et je veux également saluer celui de Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

En dépit du caractère technique de nombreuses mesures contenues dans ce projet de loi, les discussions que nous avons eues en commission, puis en séance publique, ont été singulièrement animées, ce qui n’a pas été sans me causer un certain étonnement.

La mise en œuvre de la directive Services, en particulier, a suscité de réelles interrogations. Sans rouvrir le débat sur le fond, je pense qu’il serait utile de dresser, dans quelques années, un bilan précis des conséquences de l’ouverture du marché des services en Europe, afin d’apprécier ses effets sur l’emploi, sur les droits des salariés ou sur la protection des consommateurs, et de pouvoir ainsi procéder, le cas échéant, aux corrections nécessaires.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Au cours de la navette parlementaire, le projet de loi a été substantiellement enrichi.

Sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a notamment adopté deux articles d’habilitation, qui autorisent à procéder par ordonnance pour transposer la directive de 2009 sur le comité d’entreprise européen…

M. Guy Fischer. Ça, c’est moins bien !

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. … et à mettre en cohérence notre droit avec un règlement relatif aux produits cosmétiques.

Les députés avaient par ailleurs adopté un article portant sur les médicaments de thérapie innovante et accepté la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Le Sénat a, lui aussi, complété le texte en y introduisant plusieurs articles additionnels.

Sur proposition de la commission de l’économie, il a, par exemple, consacré le principe de neutralité des réseaux et autorisé les opérateurs à communiquer à des tiers des informations sur les réseaux de télécommunications, afin de favoriser un meilleur aménagement du territoire.

Sur proposition de la commission de la culture, il a souhaité que tous les élèves soient formés à un usage responsable d’Internet.

En revanche, le Sénat n’avait pas suivi l’Assemblée nationale sur deux mesures nouvelles : d’une part, nous avions réduit la portée de l’article relatif aux médicaments de thérapie innovante – cellulaire ou génétique – afin d’éviter tout risque en matière de sécurité sanitaire ; d’autre part, nous avions supprimé l’installation d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, considérant que cette mesure risquait de nuire à l’indépendance et à l’impartialité de cette autorité administrative.

Le texte élaboré par la commission mixte paritaire est proche de celui qu’a voté notre assemblée.

Sur les treize articles qui restaient en discussion, sept ont été adoptés dans la rédaction issue des travaux du Sénat et trois autres ont fait l’objet de modifications purement rédactionnelles.

La commission mixte paritaire a également confirmé notre souhait de ne pas créer un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP – c’était un point important pour Bruno Retailleau.

Néanmoins, elle a supprimé deux articles qui avaient été introduits au Sénat.

Le premier article, issu d’un amendement adopté contre l’avis de la commission et du Gouvernement, aurait eu pour effet de modifier de façon radicale la manière dont est appréciée la couverture des communes par les réseaux de téléphonie mobile ; cette mesure nous a semblé juridiquement difficile à mettre en œuvre et peu opportune compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques observées dans ce secteur.

Le second article a été supprimé parce que ses dispositions étaient simplement redondantes avec celles d’un autre article du texte.

Au total, je considère que le texte élaboré par la commission mixte paritaire constitue un bon compromis dans la mesure où il préserve les améliorations apportées par notre assemblée. Je vous invite donc à l’approuver de manière à permettre à la France de se mettre rapidement en conformité avec ses obligations européennes et de renforcer la sécurité juridique pour les prestataires de services et les opérateurs de télécommunications qui travaillent dans notre pays.

Pour conclure, je voudrais remercier tout particulièrement la présidente de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier Mme le rapporteur, Colette Giudicelli, de la qualité du travail réalisé sur ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

L’intitulé de ce texte souligne bien la variété des sujets qui y sont abordés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai pas été la seule à le défendre : d’autres ministres, Xavier Bertrand, bien sûr, mais également Roselyne Bachelot, Frédéric Mitterrand et Éric Besson, ont défendu les dispositions de ce projet de loi qui relevaient de leurs compétences respectives.

Mais cette variété ne doit pas masquer notre objectif commun : il est de notre devoir de mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit de l’Union européenne. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives.

C’était bien l’objet de ce projet de loi : nous permettre d’achever la transposition de plusieurs directives d’importance majeure, en particulier la directive Services et la directive Qualifications.

Mesdames, messieurs les sénateurs, aussi bien vos collègues de l’Assemblée nationale que vous-mêmes avez souligné à plusieurs reprises les difficultés suscitées par l’examen de ce texte aux facettes multiples dans un délai si contraint. Nous en sommes conscients, la tâche était ardue, mais vous avez su en mesurer l’enjeu et l’importance, ce dont je vous remercie.

S’agissant de la directive Services, par exemple, qui n’incite en aucun cas au moins-disant social,…

M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … une grande partie de ses dispositions a déjà été transposée dans le cadre de plusieurs textes de loi, comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ou encore la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Cependant, d’autres n’ont toujours pas fait l’objet d’une transposition définitive. Or nous avons depuis longtemps dépassé la date butoir, à savoir, je le rappelle, le 28 décembre 2009. À défaut d’une transposition complète de la directive Services, nous risquons une condamnation en manquement et une amende de plusieurs millions d’euros.

Ce projet de loi est donc nécessaire et même indispensable.

Pour transposer la directive Services, l’article 1er modifie la réglementation des débits de boissons : il prévoit une déclaration administrative unique, qui encadrera de manière harmonisée l’ensemble des lieux de vente de boissons alcooliques, dans le souci de garantir la santé et l’ordre public. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, cette déclaration n’engendrera aucun coût supplémentaire pour les mairies.

Les articles 2 et 2 bis simplifient la réglementation sur la revente des dispositifs médicaux d’occasion et des dispositifs médicaux in vitro, l’assurance étant néanmoins prise, eu égard à l’impératif de sécurité sanitaire, que chacun de ces dispositifs a fait l’objet d’un certificat de conformité.

L’article 8, relatif aux agences de mannequins, introduit un régime déclaratif pour les agences intervenant dans le cadre de la libre prestation de services. Il supprime également les incompatibilités professionnelles pour les salariés, dirigeants et associés des agences, ces incompatibilités étant contraires à la directive Services. Il impose cependant à ces agences de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu’elles emploient et pour éviter les situations de conflit d’intérêts.

Comme vous le voyez, cette transposition ne se fait pas d’une manière aveugle : nous veillons à préserver nos intérêts et les garanties qui peuvent légitimement être exigées pour les professions concernées.

Ce texte nous permet aussi de compléter notre adaptation à d’autres dispositions du droit européen, là aussi pour éviter d’être une nouvelle fois exposés à des condamnations financières.

Ainsi, l’article 5 complète la transposition de la directive du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, en nous permettant de tenir les délais prévus. Il ne s’agit pas, j’y insiste, de permettre la mise sur le marché de nouveaux médicaments de ce type sans autorisation.

L’article 5 bis adapte le droit national au règlement du 13 novembre 2007 relatif aux médicaments de thérapie innovante. Cet article a fait l’objet de longues discussions. Ces échanges fructueux ont ainsi permis de garantir à la fois la sécurité sanitaire et la réponse aux besoins des malades. En effet, d’une part, les établissements de santé ne pourront pas devenir des établissements pharmaceutiques, leur vocation n’étant pas de commercialiser à grande échelle des médicaments, et, d’autre part, pour les médicaments de thérapie innovante fabriqués à façon, le niveau de sécurité sanitaire exigé sera identique à celui qui est requis pour les médicaments soumis à autorisation de mise sur le marché communautaire.

L’article 5 ter complète la transposition de la directive du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade.

L’article 5 quinquies habilite le Gouvernement à mettre en cohérence les dispositions nationales avec celles qui sont prévues par le règlement du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.

L’article 14 habilite le Gouvernement à transposer la directive du 6 mai 2009 relative au comité d’entreprise européen, qui doit être transposée avant juin prochain. Pour cela, nous travaillerons, bien sûr, en concertation avec les partenaires sociaux.

Enfin, l’adoption du chapitre III du projet de loi, relatif aux communications électroniques, nous permettra de transposer le nouveau cadre réglementaire européen dit « paquet télécom ».

Je me félicite du vote conforme dont a fait l’objet l’article de loi d’habilitation du Gouvernement.

Les travaux de la commission mixte paritaire ont conduit à l’adoption d’un nouvel article L. 45 qui encadre la gestion des noms de domaine en « .fr ». Ce nouvel article répond aux préoccupations que le Conseil constitutionnel avait exprimées en octobre dernier.

Ces travaux ont inscrit dans les objectifs généraux de régulation un principe de non-discrimination dans l’acheminement du trafic sur les réseaux. Cet objectif pourrait être complété, à la suite des prochaines conclusions des travaux sur le Net qui sont en cours aussi bien à l’échelon national qu’au niveau européen.

Le Gouvernement, enfin, a pris acte du rejet de l’amendement qu’il avait déposé et qui tendait à la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP. Il reste néanmoins convaincu de son bien-fondé. En effet, avec cet amendement, le Gouvernement ne faisait qu’appliquer une proposition du Parlement et une recommandation du Conseil d’État, tout en restant respectueux du droit européen.

La présence d’un commissaire du Gouvernement était un gage de transparence et aurait permis un dialogue renforcé, rendu indispensable par les pouvoirs réglementaires de plus en plus imbriqués que la loi confère au Gouvernement et à l’ARCEP.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, ces transpositions sont urgentes et vous en avez bien mesuré l’importance. Je crois que l’on peut se satisfaire de l’équilibre du projet de loi issu de la commission mixte paritaire, et je tiens à vous remercier de la qualité des débats et du travail parlementaires.

Le Parlement apporte ainsi une réponse efficace, nous permettant de tenir nos engagements sur le plan du droit communautaire, dans le respect de notre modèle social. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, ce projet de loi visant à la mise en conformité du droit français avec les directives européennes, je suis très surpris que l’on y ait intégré un article qui n’a strictement rien à voir avec cet objet : l’article 2 bis A constitue en effet un véritable cavalier législatif puisqu’il concerne la gestion de l’état civil par les petites communes où se trouve un hôpital.

Il existe un vrai problème dans ce domaine, mais on l’a traité par-dessus la jambe, à la va-vite : de fait, on aboutit à une solution totalement inadaptée, qui ne règle rien et qui suscitera même des difficultés supplémentaires, car, lorsque nous voudrons par la suite vraiment régler le problème, ne serait-ce qu’en apportant des modifications au dispositif mis en place, on nous rétorquera que l’affaire est bouclée ! Je proteste donc avec la dernière énergie contre le procédé auquel on a eu recours en l’occurrence.

Actuellement, de nombreux hôpitaux sont implantés dans des petites communes plutôt que dans des grandes villes. Or, pour le budget de ces petites communes, c’est une véritable catastrophe ! Je connais des communes de 200 habitants qui abritent un hôpital et où il va falloir mobiliser huit à dix personnes pour gérer l’état civil ! En effet, un service d’état civil ne se contente pas d’enregistrer des naissances et des décès : c’est tout au long de la vie d’une personne qu’il faut lui délivrer des actes pour l’établissement de ses pièces d’identité, son mariage, etc.

Demander à une petite commune de débourser dix fois son budget de fonctionnement pour gérer un état civil, c’est de la pure folie !

De plus, lorsqu’une commune de 200 habitants récupère un hôpital sur son territoire, elle doit aussi s’occuper des obsèques des personnes sans famille qui y sont décédées, ce qui l’oblige, par exemple, à multiplier par trois ou quatre la taille de son cimetière.

Par cet article, une fois de plus, le Gouvernement tente de donner l’impression qu’un problème est résolu. Certes, il est issu d’un amendement d’origine parlementaire, mais je sais qu’il a en fait été rédigé par les services du Gouvernement. Les collègues qui l’ont présenté auraient mieux fait de commencer par le lire !

On propose donc un système qui ne règle strictement rien ! En effet, il est prévu que les communes dont les habitants représentent plus de 10 % des femmes qui accouchent ou des personnes qui décèdent dans un hôpital situé dans une commune voisine de moins de 3 500 habitants devront contribuer aux dépenses relatives à l’état civil ou à la police des funérailles qu’engage cette petite commune.

C’aurait pu être une solution au XIXe siècle, quand il y avait un peu partout une ville-centre entourée de petits villages. Mais, ce n’est plus le cas avec les conurbations que nous avons aujourd’hui, où l’on compte trente communes de 15 000 habitants chacune et où aucune n’atteint le seuil de 10 % qui a été fixé, alors que la petite commune voisine de 200 habitants qui accueille l’hôpital se trouve dans une situation inextricable.

Cette mesure ne règle donc rien au fond. C’est un coup d’épée dans l’eau ! On a voulu donner l’impression que l’on avait trouvé une solution à des municipalités qui géraient l’affaire sans suivre le dossier. Comme d’habitude, on a laissé le Gouvernement proposer une solution qui ne règle rien.

Ce qu’il fallait faire, c’était majorer la dotation globale de fonctionnement des communes à concurrence des coûts de l’état civil, ce qui se fait d’ailleurs dans d’autres domaines. Là, oui, le problème aurait été réglé !

Tout cela est affligeant, d’autant que l’on fourre cette disposition dans un projet de loi concernant les directives européennes ! Qu’est-ce que la gestion d’état civil par les petites communes qui récupèrent un hôpital a à voir avec les directives européennes ?

M. Jean Louis Masson. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous me répondiez. C’est une aberration complète !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, n’ayant pu être présent lors de l’examen de ce texte en première lecture, alors même que j’avais déposé des amendements, je souhaitais exprimer quelques remarques de forme et de fond à ce stade ultime des conclusions de la commission mixte paritaire.

La première concerne les conditions dans lesquelles nous avons travaillé. En effet, ce projet de loi avait donné lieu à un large et riche débat en commission des affaires sociales, qui s’était conclu par une position favorable à la suppression de nombreux articles.

M. Gilbert Barbier. Or le débat dans l’hémicycle qui s’est déroulé le 10 février dernier est loin de traduire l’esprit et la volonté de notre commission.

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Mme le rapporteur a bien donné un avis favorable aux amendements de suppression, mais en précisant qu’elle était contre à titre personnel. Quant aux membres de la commission, compte tenu de la date à laquelle a été discuté ce projet de loi, beaucoup étaient absents.

Certes, je peux comprendre qu’il soit difficile pour tous les groupes de siéger en nombre en séance un jeudi soir à trois heures du matin. Moi-même, je n’ai pu être là et ce sont mes collègues Denis Detcheverry et Daniel Marsin qui ont défendu mes amendements.

Quoi qu’il en soit, il est tout à fait anormal d’étudier un texte aussi important à une heure aussi tardive.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. Gilbert Barbier. On aurait pu espérer un résultat conforme à la décision de la commission, même si l’on peut comprendre certaines positions personnelles.

Souhaitons que cette situation ne se reproduise plus.

D’une manière générale, l’organisation du travail n’est pas très correcte ; on nous laisse trop peu de temps pour examiner des textes touchant des domaines aussi différents que ceux qui sont abordés dans ce projet de loi.

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Il y avait certes, madame le rapporteur, des délais imposés par l’Union européenne. Mais, là encore, la précipitation nous empêche d’imaginer d’autres dispositifs de transposition, peut-être plus satisfaisants que ceux qui sont proposés.

Sur le fond, le groupe du RDSE a des réserves. Comme l’a relevé Mme le rapporteur elle-même, certains articles du projet de loi peuvent susciter des craintes parfois légitimes. C’est le cas notamment de ce qui vient d’être évoqué, concernant les articles 2, 2 bis et 3 sur lesquels des amendements de suppression avaient été proposés.

Pour ce qui est des produits de santé, il s’agit de permettre à des organismes établis dans un autre État membre de venir exercer en France pour la certification des dispositifs médicaux et l’évaluation des établissements des services sociaux et médico-sociaux qui sont aujourd’hui exclusivement le fait d’organismes habilités par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, ou l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM.

M. Guy Fischer. Ça, c’est vraiment inadmissible !

M. Gilbert Barbier. Loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur quelque organisme que ce soit ou de nous opposer par principe à la libre prestation de services, mais, dans le domaine social et médical, nous sommes soucieux de garder un haut niveau de qualité et de sécurité.

Comment s’assurer que les organismes établis dans un autre État membre répondent aux mêmes exigences d’intégrité, d’objectivité et de compétence que les organismes établis en France ? Seront-ils soumis aux mêmes contrôles et aux mêmes sanctions ? Chacun sait bien que la formation et les pratiques ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.

Par ailleurs, le texte supprime l’exigence d’une attestation technique pour la revente de dispositifs médicaux d’occasion, laissant le soin au revendeur de justifier de l’entretien régulier et du maintien des performances de ceux-ci. Une attestation par un organisme agréé par l’AFSSAPS est une garantie utile en cas d’éventuels contentieux entre acquéreur et revendeur. Dans l’hypothèse où ce dernier dépose son bilan une fois la transaction effectuée, il sera en effet difficile de mettre en cause sa responsabilité.

Le nouveau président de la Haute Autorité de santé, auditionné par la mission sur le Mediator, nous a dit ignorer une telle transposition, alors qu’il existe, à mon sens, au sein de la HAS, une commission d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, présidée par l’éminent professeur Jean-Michel Dubernard, ancien député. On peut quand même s’étonner que la HAS ne soit pas saisie de ce problème de transposition de directives !

Là encore, il convient de privilégier la sécurité, s’agissant de santé publique et de dispositifs qui recouvrent une très grande variété de produits – seringues, lits médicaux, stimulateurs cardiaques, scanners – et qui sont destinés à des milliers de personnes. Je souhaite que vous nous apportiez des précisions sur tous ces points, madame la secrétaire d’État ?

Enfin, je ne vous cache pas que je suis réservé sur le recours aux ordonnances pour transposer des directives. L’urgence et la technicité des dispositions ne sauraient suffire à justifier cette méthode, notamment pour les produits cosmétiques. Ces derniers contiennent en effet de nombreux composants, dont certains peuvent se révéler potentiellement dangereux pour la santé. Chargé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de réaliser un rapport sur les perturbateurs endocriniens, je dois dire que certains produits cosmétiques sont à surveiller de près.

Quant au troisième « paquet télécoms », il contient des dispositions sur des sujets qui méritent une vraie discussion, que ne permet pas le recours à une ordonnance. Je pense en particulier au principe de neutralité des réseaux, à la couverture du territoire, au respect du droit de la vie privée…

Sur plusieurs de ces points, le Sénat a effectué un travail important. En témoigne, pour ne citer que ce seul exemple, la proposition de loi relative aux télécommunications adoptée en décembre dernier, sur l’initiative de Daniel Marsin et du groupe du RDSE.

Il est vrai que le troisième « paquet télécoms » comprend des dispositions très techniques, exigeant une transposition maximale, qui laisse peu de marges de manœuvre. Bien que le Gouvernement nous ait transmis le projet d’ordonnance, ce mode de transposition contraint le Parlement à se défaire de ses prérogatives législatives, ce qui est loin d’être satisfaisant.

En fait, cette atteinte aux pouvoirs du Parlement est la conséquence directe du retard chronique de la France dans la transposition du droit communautaire. Nous avons déjà eu, dans le passé, à adopter à la hâte des lois d’habilitation pour transposer des textes à caractère législatif.

Il est pour le moins curieux que notre pays, qui se targue souvent d’être l’un des moteurs de l’approfondissement de l’Union, soit en ce domaine un bien mauvais élève, …

M. Guy Fischer. Un des plus mauvais !

M. Gilbert Barbier. … puisqu’il se situe au quinzième rang en matière de transposition.

Dysfonctionnement des administrations, manque de volonté politique ou encombrement de l’ordre du jour des assemblées : chacun explique à sa manière les causes de cette piètre performance. Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, il conviendrait de formuler quelques propositions pour remédier d’une manière durable à cette situation.

Je ne saurais conclure sans exprimer un motif de satisfaction. Nous approuvons en effet l’initiative consistant à charger l’ARCEP d’éclairer le Parlement sur les enjeux de la qualité de service de l’accès à Internet et de l’interconnexion. Notre collègue Retailleau a proposé que le principe de neutralité s’impose à l’ARCEP. La commission mixte paritaire, pour sa part, a confirmé, dans sa grande sagesse, la suppression du commissaire du Gouvernement auprès de cet organisme. Nous sommes nombreux à considérer, dans cet hémicycle, qu’il est important de garantir l’indépendance et l’impartialité de l’ARCEP.

Toutefois, en dépit de ce motif de satisfaction, le groupe du RDSE s’abstiendra sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme du processus qui a vu la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale adopter dans les mêmes termes l’essentiel du projet de loi déposé par le Gouvernement, après que les deux chambres se sont entendues en commission mixte paritaire sur l’élaboration d’un texte commun, vous ne serez pas étonnés que les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG maintiennent leur opposition à ce texte.

Cette opposition porte tout à la fois sur la forme et sur le fond.

En effet, le Gouvernement a fait une nouvelle fois le choix de transposer dans l’urgence des éléments de plusieurs directives européennes. À cette fin, il demande aux parlementaires d’accepter de travailler sous la pression, de se dessaisir d’une partie de leurs compétences en l’autorisant à recourir aux ordonnances, en application de l’article 38 de la Constitution, au motif que ces dispositions, en tout cas beaucoup d’entre elles, n’ont pas été transposées dans les délais requis. Cela n’est pas sérieux et expose notre pays à d’importantes sanctions financières. Le Gouvernement, pour nous contraindre – ou plutôt pour contraindre sa majorité – joue d’ailleurs de cette menace, sensible dans le contexte financier tendu qui est le nôtre.

Je le dis tranquillement, mais avec fermeté : cette méthode de gouvernance, dans laquelle les parlementaires ont à pâtir du manque de sérieux des ministres compétents, doit cesser. Nous devons absolument avoir les moyens d’examiner au fond les sujets déterminants pour l’avenir de nos concitoyens. Une grande démocratie comme la nôtre ne peut fonctionner durablement ainsi. C’est à croire que les ministres prennent volontairement du retard pour éviter qu’un véritable débat ne s’instaure tant au Parlement que dans notre société dans son ensemble.