Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, je ne demande qu’à vous faire confiance ! Nous prenons acte de vos déclarations vis-à-vis des Franciliens et des Parisiens.

Je tiens cependant à souligner que le facteur temps est important. Certes, prenons en compte le long terme, mais n’oublions pas pour autant le court terme et les opérations non encore réalisées.

Puisque c’est le printemps, je souhaite que le schéma directeur soit le soleil dont les rayons brilleraient autour de chaque gare, sous la forme de connexions importantes et nombreuses rapidement mises en place pour que tous les Franciliens et Parisiens puissent se déplacer.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller, en premier lieu, sur la création d’une zone de protection naturelle, agricole et forestière dans le périmètre de l’opération d’intérêt national du plateau de Saclay.

Lors de l’examen de la loi relative au Grand Paris par notre assemblée, j’avais déposé un amendement tendant à préciser que la zone de protection devrait obligatoirement comporter au moins 2 300 hectares de terres consacrées aux activités agricoles situés sur la petite région du plateau de Saclay. À l’heure actuelle, nous attendons toujours le décret définissant les conditions d’application de l’article 21 de la loi précitée. Or le calendrier initialement prévu est dépassé.

C’est la raison pour laquelle je tenais, monsieur le ministre, à réitérer l’extrême importance que nous attachons à voir cette zone de protection fixée dans les meilleurs délais, car elle conditionne l’emplacement des structures à venir. Cette zone doit être d’un seul tenant et se situer sur le plateau lui-même, comme cela avait été convenu.

Par ailleurs, je voudrais vous interroger sur l’accord signé entre l’État et la région concernant le Grand Paris. Je suis de ceux qui se félicitent de cet accord et des projets qui permettront de réaliser les liaisons tant attendues de banlieue à banlieue.

Je voudrais attirer votre attention sur le problème des RER existants. Sur la somme de 32,4 milliards d’euros d’investissement retenue dans l’accord pour les transports en commun en Île-de-France, seuls 2,3 milliards d’euros concernent les RER : 1,3 milliard d’euros seront consacrés au remplacement des rames du RER A, 220 millions d’euros seront affectés à l’opération RER B+, tandis que seulement 500 millions d’euros reviendront au RER C et 500 millions d’euros au RER D.

Je crains que ces sommes ne soient insuffisantes pour faire face à la vétusté des infrastructures, et surtout au problème d’accroissement du trafic, auquel nous ne manquerons pas d’être confrontés. Il sera nécessaire, en particulier, de doubler le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord. Or aucun financement n’est prévu pour réaliser l’opération. Il est simplement fait mention « pour mémoire » de ce projet : cela ne permettra pas de financer grand-chose !

Monsieur le ministre, le nécessaire doublement de ce tunnel est-il en bonne voie ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Je sais que vous suivez ces questions de près, monsieur le sénateur, et je tiens à vous en remercier. Vous m’interrogez sur la zone des 2 300 hectares d’espaces agricoles naturels et forestiers qui doivent être identifiés et préservés dans le cadre du projet de l’opération d’intérêt national Paris-Saclay.

L’établissement public Paris-Saclay finalise à l’heure actuelle, avec la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, la SAFER, une étude visant à délimiter précisément ces 2 300 hectares. Ces travaux donneront lieu prochainement, sans doute dès cet automne, à la publication du décret d’application auquel vous avez fait référence.

S’il paraît impossible d’éviter des enclaves qui existent déjà, un principe de continuité sera bien entendu privilégié, dans la mesure du possible, pour assurer une bonne gestion du patrimoine agricole naturel et forestier du plateau. Cela se fera en cohérence avec un projet d’aménagement qui fait la part belle au principe de compacité, en valorisant le paysage, notamment dans la frange sud du plateau.

Pour ce qui concerne la question des transports, il convient de saluer l’effort sans précédent de modernisation des RER, sur lequel la région, les départements et l’État se sont entendus.

Certains de vos collègues députés m’ont interpellé, à l’Assemblée nationale, en défendant la même thèse que la vôtre. On peut toujours considérer qu’il n’est pas suffisant de consacrer 500 millions d’euros tant au RER C qu’au RER D. Vous m’accorderez cependant qu’au vu de l’état de nos finances publiques, cette somme est objectivement considérable. Ce projet pourra donc être rapidement mis en œuvre, ce qui est un point important.

Je n’insisterai pas sur le volet de 20,5 milliards d’euros consacrés au réseau du Grand Paris Express, qui soulagera fortement la partie centrale du réseau actuel, RER compris, qui est aujourd’hui asphyxiée. Je me pencherai, à votre invitation, sur les mesures complémentaires, mais immédiates, de modernisation des lignes de RER, qui sont du ressort du STIF.

À travers leur vision partagée et responsable au vu des enjeux et de l’état des finances publiques, l’État et la région ont décidé, comme vous l’avez rappelé, d’investir massivement dans la modernisation du matériel et du réseau.

Je tiens à souligner que ces investissements prioritaires, qui seront déclinés dans le cadre des contrats de projet État-région, n’omettent pas – loin de là ! – la question, que vous avez eu raison de soulever, du décroisement des flux sur le RER C entre Paris et Juvisy, une question qui est, de fait, intégrée dans le cadre du schéma directeur du RER C. Ils n’omettent pas non plus la question du goulot d’étranglement que constitue le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord pour les RER B et D. La mise à l’étude du dédoublement de ce tunnel est d’ailleurs inscrite au protocole d’accord État-région.

Enfin, à tous ces projets s’ajoute le prolongement d’EOLE à l’ouest qui contribuera à la cohérence du réseau et au maillage fin du RER avec le Grand Paris Express.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Béteille, pour la réplique.

M. Laurent Béteille. Je vous remercie d’autant plus sincèrement de votre réponse, monsieur le ministre, que vos propos concernant le plateau de Saclay me réjouissent. Nous sommes donc dans l’attente. Même si le calendrier n’a pas été respecté jusqu’à présent, j’espère que le décret annoncé sera bien publié à l’automne.

Vous aurez compris que le sujet des RER nous tenait à cœur. Les habitants des communes de l’Essonne sont en effet confrontés quotidiennement à ces problèmes de transports et constatent que les annonces faites depuis des années ne sont jamais suivies d’effets.

Il est vrai que 500 millions d’euros ne représentent pas une somme négligeable ; c’est un nouveau signal. J’espère que la région consacrera des crédits équivalents à ce réseau, comme elle se doit de le faire, et que ceux-ci seront réellement dépensés, car nous en avons réellement besoin. Par ailleurs, les problèmes du décroisement et du doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord se posent toujours, car ils ne sont pas encore financés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. De quoi parle-t-on, au juste, lorsque l’on évoque le Grand Paris ? Du réseau de transport du Grand Paris ? De la Société du Grand Paris ? De ce nouvel ensemble, né de l’accord noué entre la région et l’État dans le creuset du débat public, et qui a pour nom de code provisoire « Grand Paris Express » ? Parle-t-on des projets de territoires « Grand Paris », « Paris Métropole », « Île-de France » ? Il faut en discuter!

Le SDRIF adopté en 1994 est à la fois techniquement obsolète et politiquement caduc, et celui qui a été adopté au mois de septembre 2008 n’a pas eu l’heur de plaire à l’État. Après deux ans de dissensions, il semble que le Gouvernement et la région aient trouvé un compromis. Au mois de juin 2010, le Gouvernement a donc finalement transmis au Conseil d’État un projet de décret portant approbation du SDRIF.

Au mois d’octobre de la même année, le Conseil d’État aurait rendu un avis négatif au motif, notamment, que le SDRIF ne prendrait correctement en compte ni les deux lois Grenelle de l’environnement, adoptées respectivement en 2009 et 2010, ni la loi sur le réseau de transports, baptisée « loi relative au Grand Paris ». Et pour cause ! Le SDRIF de 1994 n’est pas, lui non plus, compatible avec ces lois. Depuis lors, nous attendons un nouveau SDRIF afin de pouvoir valider les documents d’urbanisme des collectivités, qu’il s’agisse des plans locaux d’urbanisme, les PLU, ou des schémas de cohérence territoriale, les SCOT.

Au cours de ces derniers mois, monsieur le ministre, vous avez engagé des discussions avec le conseil régional et promis de libérer les projets des collectivités. Dans cette optique, nous étudierons demain l’excellente proposition de loi de Nicole Bricq visant à définir une solution transitoire. Je suis certaine que vous saurez trouver un moyen intelligent afin d’éviter la coexistence de situations très hétéroclites. En effet, dans le système actuel, certaines communes disposent de documents d’urbanisme compatibles avec le SDRIF de 1994, d’autres de documents révisés sur la base du SDRIF de 1994, et d’autres encore de documents d’urbanisme élaborés sur la base du SDRIF de 2008.

Il ne peut exister qu’un seul SDRIF, et non un SDRIF à la carte ! Inventer une procédure dérogatoire pour sortir du blocage, pourquoi pas ? Monsieur le ministre, quelle porte de sortie proposez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question ; elle a le mérite d’ouvrir le débat que nous aurons demain.

Mme Nicole Bricq. Oui, c’est une très bonne question !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous comprendrez cependant que je ne puisse apporter une réponse en deux minutes sur ce sujet qui donnera lieu, lors de la présentation de la proposition de loi de Mme Bricq, à une discussion générale, à l’examen d’un rapport et d’amendements.

Je vais tout de même répondre en quelques mots aux points que vous avez soulevés.

Oui, le SDRIF est bloqué, pour la bonne raison que le Conseil d’État, comme vous l’avez dit, l’a rejeté dans une décision s’imposant non seulement au Gouvernement mais aussi à la région. J’espère que la proposition de loi que la Haute Assemblée examinera demain sera effectivement adoptée, car elle permettra de débloquer la situation.

Je suis d’accord avec vous : il s’agit d’une bonne proposition de loi, et je saisis cette occasion pour saluer le travail de Mme Bricq et des membres du groupe socialiste. Ce texte nous donnera les moyens de respecter l’accord que j’ai conclu, le 26 janvier dernier, avec le président du conseil régional d’Île-de-France, Jean-Paul Huchon, et dans lequel je m’engageais à débloquer le SDRIF.

Vous le savez, madame Voynet, car je l’ai dit en votre présence devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, cette proposition de loi, qui a le mérite d’exister et permettra de débloquer les projets, n’aura cependant de vertu que transitoire. Je répondrai donc à la question, tout à fait légitime, que vous avez posée sur ce sujet : oui, nous devrons retravailler sur ce sujet !

J’ai été particulièrement sensible à deux points de votre intervention devant la commission.

Tout d’abord, vous vous êtes réjouie qu’un débat public ait eu lieu. En cela, vous avez eu raison car, sur le terrain, ce débat a été formidable : plus de 20 000 Franciliens y ont participé et des dizaines de cahiers d’acteurs ont été rédigées.

Ensuite, là encore, vous avez raison, tout ce travail ne doit pas être perdu. Grâce à la proposition de loi présentée par Mme Bricq, nous ferons en sorte que ce travail enrichisse le futur schéma régional d’Île-de-France. En attendant, nous avons vraiment besoin d’un dispositif transitoire afin de libérer les projets.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour la réplique.

Mme Dominique Voynet. Je souhaite, en premier lieu, formuler une remarque : le Conseil d’État a rendu non pas une décision, mais un simple avis consultatif, qui ne s’impose pas au Gouvernement.

En second lieu, je prolongerai notre discussion sur un point. Le Gouvernement a décidément un problème de gestion du temps ! Il aurait pu se hâter davantage pour permettre l’adoption définitive du SDRIF de 2008, et travailler durant quelques mois supplémentaires pour construire un consensus plus solide sur les tracés du projet de réseau de transports qu’il nous propose. Ainsi, s’agissant de la desserte du plateau de Saclay, le débat reste vif. Doit-on se contenter d’un bus à haut niveau de service ? Faut-il un tramway, un métro automatique léger, ou un métro souterrain, beaucoup plus coûteux ?

Pour ce qui concerne le principe d’une double boucle à l’Est, nous sommes tombés d’accord sur l’obligation de desservir correctement Clichy-Montfermeil ou la Cité Descartes au moyen de la boucle distale. En revanche, la boucle proximale est loin de faire l’objet d’un consensus. Si aucune proposition n’est faite afin de desservir correctement Val de Fontenay, nous allons au-delà de grandes difficultés.

J’aimerais également que nous puissions revenir en détail sur des décisions prises trop hâtivement. Je pense aux ambiguïtés ou aux insuffisances pointées par le STIF lors de son dernier conseil d’administration, et qui concernent notamment la ligne 11 du métro. Sans doute faudra-t-il aussi affiner d’autres propositions … Donnons-nous quelques semaines ou mois de plus, afin de mener à son terme ce débat sur les tracés !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, face à l’engorgement quotidien des voiries et des transports en commun à l’est de l’agglomération parisienne, le Val-de-Marne et l’ensemble de ses collectivités ont été les premiers à mettre en évidence la nécessité absolue de disposer d’une double boucle, à travers le projet de métro automatique Orbival. Il s’agit en effet de fluidifier les échanges par une liaison de rocade de banlieue à banlieue de grande capacité et avec une desserte cadencée du territoire.

Ce projet a fait l’objet d’études techniques approfondies, qui ont confirmé la faisabilité, la viabilité économique et, plus encore, l’effet majeur de développement qu’il peut susciter sur les territoires qu’il traverse. Il a du reste été le précurseur du projet Grand Paris Express.

Deux possibilités de tracés sont actuellement proposées par vos collaborateurs : le passage du Grand Paris Express par Noisy-le-Grand-Mont d’Est et Neuilly-sur-Marne, tracé suggéré par le conseil général de Seine-Saint-Denis,...

M. Jacques Mahéas. Absolument nécessaire pour désenclaver !

M. Christian Cambon. ... qui est fondé sur des statistiques anciennes et d’hypothétiques perspectives de développement ; le passage par Val de Fontenay et Champigny, qui disposent d’ores et déjà de pôles économiques, et donc de milliers d’emplois existants.

M. Jacques Mahéas. Il y a déjà le RER E !

M. Christian Cambon. Il est évident que ce dernier tracé est le seul qui puisse donner satisfaction aux populations et aux territoires concernés, car il apportera une solution efficace et immédiate à l’asphyxie des réseaux dans cette partie de la région.

M. Jacques Mahéas. C’est une position très partisane !

M. Christian Cambon. C’est donc un choix décisif que vous allez faire à l’Est ! Il doit s’appuyer sur des critères objectifs et irréfutables, faute de quoi le débat public sur le Grand Paris n’aura pas servi à grand-chose.

Il me semble donc nécessaire de réaliser des études actualisées du trafic et de la cartographie économique de l’Est parisien, afin que ce choix se fonde sur des chiffres de trafic fiables et actuels, et prenne en compte l’attractivité de ces pôles installés dans le Val-de-Marne. Monsieur le ministre, je souhaite connaître votre avis sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. M. Cambon a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur Cambon, vous avez raison de souligner le rôle moteur et précurseur qu’ont joué l’association Orbival et son projet de métro automatique en rocade dans le Val-de-Marne.

Vous évoquez également la question de la desserte de Val de Fontenay…

M. Jacques Mahéas. Déjà très bien desservie !

M. Maurice Leroy, ministre. … et illustrez bien ainsi les enjeux de l’utilisation adéquate des infrastructures existantes et de la desserte efficace des pôles de développement actuels et à venir.

À cet égard, le RER E, qui assure, avec le RER A et, à terme, la ligne T 1 du tramway, une excellente desserte de Val de Fontenay, a encore beaucoup de marge de croissance et son cadencement pourra être renforcé. Je tiens donc à vous rassurer sur ce point.

M. Jacques Mahéas. Très bien !

M. Maurice Leroy, ministre. La tangentielle nord pourrait également être prolongée en une tangentielle est – voilà qui vous donnerait satisfaction –, qui, à l’horizon de la réalisation de l’interconnexion sud des TGV, pourrait rallier Orly par la grande ceinture.

Vous évoquez également les options de liaison en métro automatique entre le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. Ce projet, extrêmement complexe, est inscrit au protocole d’accord État-région du 26 janvier 2011 pour un budget de 2 milliards d’euros ; je le rappelle sous le contrôle du sénateur Jean-Pierre Fourcade. À ma demande, il fait actuellement l’objet d’une expertise conjointe de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, et de la Société du Grand Paris pour fixer les hypothèses de trafic – vous l’évoquiez, monsieur le sénateur – et les potentiels de développement sur lesquels s’appuiera la décision finale.

Je tiens à l’énoncer très clairement devant vous : j’ai demandé une expertise et des études, afin que nous puissions être éclairés avant de prendre la décision finale. En outre, et je l’affirme très nettement devant la Haute Assemblée, nous devons travailler à un projet commun entre la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne ; c’est ce que j’ai demandé à la DATAR.

M. Jacques Mahéas. Oui ! Tout à fait !

M. Maurice Leroy, ministre. Il ne doit pas y avoir d’opposition entre ces deux départements : il faut pouvoir conjuguer les efforts et travailler conjointement.

M. Jacques Mahéas. N’abandonnez pas la Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre !

M. Maurice Leroy, ministre. Le rapport d’expertise me sera remis dans le courant du mois d’avril ; ses conclusions pourront ainsi étayer l’élaboration du schéma d’ensemble que présentera la Société du Grand Paris au mois de mai.

Monsieur Cambon, je pense sincèrement que vous pouvez être rassuré : au-delà de mes déclarations, il s’agit d’un engagement clair. Si j’ai confié une mission d’expertise, d’étude, afin de rapprocher les points de vue entre le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, c’est pour que nous puissions vraiment travailler à un bon projet commun de desserte, qui ne laisse de côté aucun de ces deux départements.

M. Jacques Mahéas. Surtout pas la Seine-Saint-Denis !

M. Maurice Leroy, ministre. Ni l’un ni l’autre !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, pour la réplique.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie des clarifications que vous venez d’apporter, car un certain nombre d’informations pouvaient en effet nous laisser penser qu’un choix avait déjà été fait. Vous venez de confirmer devant la Haute Assemblée qu’il s’agira de valider les expertises actuellement en cours par des études sérieuses.

Il n’est bien évidemment pas question de mettre la Seine-Saint-Denis de côté,…

M. Christian Cambon. … et je l’affirme avec sympathie à l’égard de mon collègue Jacques Mahéas, avec lequel nous travaillons pour un autre Grand Paris, celui de l’eau. Il s’agit simplement de prendre en compte la souffrance des personnes qui travaillent dans l’est de Paris, singulièrement dans le Val-de-Marne.

Je rappelle que la ligne A du RER véhicule 1 million de voyageurs dans des conditions incroyablement difficiles. Près de 270 000 véhicules par jour circulent sur l’autoroute A 4. J’espère que les deux départements susvisés trouveront un avantage concret à la réalisation de ce projet, comme vous venez de l’affirmer, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, le présent débat démontre que l’impulsion donnée par le Président de la République quelques mois après son élection suscite l’intérêt. Elle est en effet nécessaire pour une vision non seulement quotidienne mais également économique et internationale de la région d’Île-de-France. Ce débat porte bien au-delà des limites de cette région.

Pour autant, le mécanisme employé pour l’organisation des transports, dont la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris constitue la première étape, obéit à une logique quelque peu conservatrice.

Monsieur le ministre, vous avez répondu tout à l’heure à M. Vera, qu’il n’y avait pas de vision libérale ; je vous en donne acte. En effet, la région d’Île-de-France est la seule région de notre pays, voire du monde, à conserver un monopole public pour les transports collectifs, contrairement à toutes les villes-monde que nous voulons concurrencer au travers du projet du Grand Paris.

Or tout cela a évidement un coût – 32 milliards d'euros –, qui pèsera sur les Franciliens, les entreprises et l’emploi par la création d’impôts nouveaux et la modification d’impôts existants, notamment le versement transports.

Je suppose que le Gouvernement a choisi une telle option pour des raisons de paix sociale et de rapidité dans l’exécution du projet.

Le coût est tout de même particulièrement élevé. D’ailleurs, si les trois sociétés de transports d’État créées jusqu’à présent – la SNCF, la RATP, Réseau ferré de France – ne fonctionnent pas, pourquoi en créer une quatrième ?

Deux questions peuvent être posées.

Premièrement, mon collègue M. Béteille l’a évoqué voilà quelques instants, si le projet fonctionne, il faut renforcer l’axe central et, dans ce cas, l’étude envisagée ne suffit pas.

Deuxièmement, il existe une incohérence technique : pourquoi y a-t-il rupture de charge entre le centre de l’agglomération et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ? Surtout, que se passera-t-il si, comme d’habitude, l’État ne respecte pas le budget de départ ? Qui paiera le surcoût ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur le sénateur, vous resituez bien l’enjeu du Grand Paris. Je veux vous rassurer. Si j’ai bien compris – parlons clairement et franchement, si vous le voulez bien –, votre inquiétude concerne la Société du Grand Paris, puisque vous avez fait référence à la SNCF. Par pudeur, ce que je comprends – et je vous en remercie –, vous ne l’avez pas évoquée directement, mais je préfère que l’on aborde sans détour le sujet.

Issue de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, la Société du Grand Paris est, par définition, un établissement public biodégradable – voilà qui devrait faire plaisir à Mme Voynet –, puisque sa mission consiste à réaliser le métro automatique en rocade d’une longueur de 150 kilomètres et à « porter » l’emprunt. L’exploitation sera ensuite assurée par le Syndicat des transports d’Île-de-France, d’où le questionnement légitime de Mme Catherine Tasca voilà quelques instants sur ce qu’il adviendra lors de la remise de cette exploitation.

Il est normal que nous ayons ces discussions et que celles-ci soient serrées. Je n’oublie pas que je suis élu moi-même ; si j’étais à la place des élus siégeant dans les instances dirigeantes du STIF, je me poserais les mêmes questions s’agissant des conditions de remise de l’exploitation.

Pour ce qui concerne le financement, monsieur le sénateur, c’est le Parlement, et donc vous-même, qui en a la maîtrise. Pour ma part, je fais confiance tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale pour veiller à éviter tout dérapage. Interrogez donc à ce sujet M. Jean-Pierre Fourcade, qui a été le rapporteur du texte et qui veille toujours attentivement à ces travaux : nous avons réellement tous les moyens de réaliser ce projet sans dérapage.

Votre question est intéressante. J’entends bien votre mise en garde contre les éventuels dérapages en termes de financement.

Vous savez que je suis quelqu’un de franc, qui aime parler clairement ; c’est ainsi. Comme disait Talleyrand, si toute vérité n’est pas bonne à dire, elle est toujours bonne à entendre. Permettez-moi donc cette remarque : il est curieux que, en dehors de l’hémicycle, quel que soit le lieu de mes déplacements sur le terrain, les élus me demandent des gares supplémentaires. Il faut aussi savoir ce que l’on veut !

Que je tienne bon et que je sois ferme sur ce point devrait plutôt vous rassurer ; il s’agit justement d’éviter ce type de dérapages ! Je rappelle pour mémoire que la construction d’une gare coûte au minimum 80 millions d’euros. Or il faut tenir le même discours au sein de la Haute Assemblée et sur le terrain : on ne peut pas mettre en garde contre la dérive des finances publiques en tant que parlementaire et réclamer absolument sa gare en qualité d’élu local. C’est aussi votre rôle de m’apporter votre soutien dans la mission que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre pour le maintien du Grand Paris.

Encore une fois, ce projet est également magnifique pour le rayonnement international de Paris. L’ensemble des capitales en parlent. Je ne sais pas si nous le mesurons nous-mêmes et si nous en avons toujours bien conscience. Il convient aussi de saluer les architectes français qui ont conçu ce projet et dont la renommée à l’étranger est éclatante.

J’espère vous avoir complètement rassuré, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, vous m’avez partiellement rassuré.

Si votre mission peut paraître absolument nécessaire et que vous l’accomplissez avec beaucoup d’habileté, une évolution institutionnelle est indispensable à moyen terme pour les sociétés de transport : aucune des villes-monde dont vous parlez ne s’appuie sur le mécanisme retenu pour le projet parce qu’il est trop onéreux. Nous avons en effet le même souci de l’efficacité de la dépense publique.

En outre se pose le problème du périmètre. Ma collègue Mme Morin-Desailly de Seine-Maritime s’est exprimée à ce sujet. La taxe spéciale d’équipement concernera-t-elle également ce département, par exemple ? Pour le moment, elle ne vise que les Franciliens.

Voilà une question que je poserai très prochainement lors du débat budgétaire : nous devons savoir quelle est la vision exacte du Grand Paris. Votre réponse peut me satisfaire pour ce qui est de la nécessité du court terme, mais en réalité l’évolution semble inévitable, parce qu’elle sera contemporaine.