Mme Nicole Bricq. ... et, surtout, – c’est sur ce point que je veux insister – ils ne retrouvent pas le niveau de 2007, avant la crise. Il faut quand même le dire !

M. Philippe Richert, ministre. Vous allez être surprise !

Mme Nicole Bricq. Je voudrais vous faire remarquer aussi qu’en plafonnant à 5 % les prélèvements non seulement la péréquation est limitée en montant, mais le dispositif est privé de progressivité. Les autres fonds sont renvoyés pour les communes et les intercommunalités à 2012 et, pour les régions, à 2013.

Je vais rappeler les idées que défend le groupe socialiste. Nous avons en effet quelques principes en la matière.

Fixer un objectif de réduction des écarts de richesse et mesurer ces écarts régulièrement.

Augmenter la part péréquatrice de la dotation globale de fonctionnement, car le rôle de l’État est bien d’assurer la solidarité. C’est pourquoi nous sommes attachés au principe d’un fonds national.

Prendre en compte le critère du « revenu par habitant ».

Mme Nicole Bricq. Si rien n’avance sur ces principes d’action d’ici à 2012, nous considérerons que cette majorité portera la responsabilité d’avoir entretenu, voire aggravé, les inégalités territoriales et donc les inégalités sociales qu’elles recouvrent.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Nicole Bricq. Par conséquent, nous partageons les constats des auteurs de la proposition de loi et leurs objectifs.

Premier constat : la contribution économique territoriale ne remplace pas la base imposable de la taxe professionnelle.

Deuxième constat : la contribution économique territoriale ne prend pas en compte la réalité de l’activité économique.

Troisième constat : l’absence de réforme de la péréquation est inquiétante.

Les auteurs cherchent donc à augmenter les recettes des collectivités locales en élargissant la base d’imposition économique, à orienter les entreprises vers l’investissement et l’emploi et, enfin, à redonner du sens et, surtout, des effets à la péréquation.

Ce faisant, ils proposent de créer une nouvelle taxe basée sur les actifs financiers.

Le groupe socialiste souhaite bien évidemment augmenter les recettes des collectivités territoriales. Je rappelle du reste que, lors de l’examen de la loi de finances pour 2010, nous avions proposé de remonter le plafond de la contribution économique territoriale à 3,5 % au lieu du taux de 3 % prévu par le Gouvernement et finalement arrêté.

Quant à la réhabilitation de ce qu’il est convenu d’appeler l’économie réelle à rebours de la financiarisation de l’économie, la proposition de loi que, sur l’initiative de François Marc et de François Rebsamen, le groupe socialiste défendra le 28 avril prochain, vise précisément à orienter les profits des entreprises vers l’investissement plutôt que vers la distribution de dividendes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Investissements financiers !

Mme Nicole Bricq. Il s’agit pour nous d’utiliser un outil de la fiscalité nationale, l’impôt sur les sociétés, dont on sait qu’il est très faible pour les plus grandes entreprises, celles du CAC 40, qui, si elles créent des emplois, les créent à l’étranger.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous savez pourquoi !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission des finances, je sais que vous êtes d’accord avec moi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, mais quel remède ? Ne soyons pas les chroniqueurs d’un sinistre annoncé !

Mme Nicole Bricq. J’en viens aux réserves que nous inspirent les mesures proposées par nos collègues du groupe CRC-SPG.

La première tient à l’absence de localisation territoriale du nouvel impôt qui serait créé et qui ne permettra donc pas de renforcer l’autonomie fiscale sérieusement entravée par la réforme du Gouvernement.

Concernant la péréquation, si nous nous retrouvons sur la nécessité de prendre en compte à la fois des critères de ressources et de charges, nous ne souhaitons pas nous égarer dans une multiplicité de critères. Il faut en effet assurer la lisibilité, la prévisibilité et l’efficacité de la péréquation, dont le but est de faire reculer et de résorber, fût-ce sur une longue période, les inégalités.

La proposition de loi vise à organiser la répartition en fonction d’un indice synthétique représentatif des ressources et des charges – cela pourrait ne pas correspondre aux principes que j’ai énoncés tout à l’heure – et elle renvoie à un décret la définition des critères, ce qui est très ennuyeux car le Parlement se verrait privé d’un acte essentiel et les collectivités, de toute marge de manœuvre.

En conclusion, nous estimons qu’une politique fiscale nationale est nécessaire ; elle permettrait la prise en compte de critères de revenus, le renforcement de l’autonomie fiscale et l’attribution aux collectivités locales d’assiettes à la fois prévisibles et dynamiques.

Pour autant, les arguments développés par M. le rapporteur pour s’opposer à cette proposition de loi sont essentiellement de nature politique, donc idéologique. (M. le rapporteur proteste.) Il n’y a pas de mal à cela, monsieur Guené ! C’est la raison pour laquelle il y a une gauche et une droite !

M. Roland Courteau. Évidemment ! Il faut le reconnaître !

Mme Nicole Bricq. Nous ne saurions souscrire à vos conclusions, qui m’ont quelque peu choquée, puisqu’elles visent notamment à restreindre le champ de l’initiative parlementaire et, singulièrement, des propositions de loi émanant de l’opposition, en renvoyant celles-ci au cadre de la loi de finances, au motif qu’elles seraient de nature à créer des niches fiscales.

Je souligne qu’une telle réforme constitutionnelle n’a pas encore eu lieu. Au demeurant, je souhaite m’arrêter un instant sur la question des niches fiscales. D’une part, la majorité a toujours la possibilité d’être majoritaire en séance lorsqu’une proposition de loi présentée par l’opposition est examinée. D’autre part, cette majorité oublie que, au cours des dix dernières années, elle a multiplié, dans les lois de finances, le nombre de niches fiscales. Pour ce qui concerne la période plus récente des cinq dernières années, le coût des niches nouvelles destinées aux entreprises est estimé à 15 milliards d’euros par le Conseil des prélèvements obligatoires. Si vous ajoutez à ces 15 milliards d’euros le coût final de la réforme de la taxe professionnelle, vous êtes au-delà des 18 milliards d’euros que nous propose Mme Beaufils.

M. Roland Courteau. Bien au-delà.

Mme Nicole Bricq. Lors de l’examen par le Sénat du dernier projet de loi de finances rectificative, le rapporteur général comme le ministre présent ont accepté un amendement visant à créer une niche fiscale prétendument « peu importante », bien qu’elle représente tout de même 15 millions d’euros par an. Elle est réservée aux sociétés d’extraction et d’exploitation de gaz et d’huiles de schiste, dont on parle beaucoup par ailleurs. (M. Pierre-Yves Collombat sourit.)

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les finances publiques de nos voisins allemands.

M. Philippe Richert, ministre. Oui !

Mme Nicole Bricq. Il importe à cet égard de faire un bref rappel historique. Dans les années 2000, il ne faut pas l’oublier, leur déficit augmentait de jour en jour. Par conséquent, en la matière, l’efficacité d’une règle d’or est toute virtuelle.

M. Philippe Richert, ministre. Ils sont passés des 35 heures aux 42 heures dans les collectivités locales !

Mme Nicole Bricq. Rappelons en outre que les Allemands possèdent une culture de la négociation…

M. Philippe Richert, ministre. Ah oui !

Mme Nicole Bricq. … que nous n’avons pas en France.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. Je pense notamment aux rapports entre les collectivités territoriales et l’État. En tant qu’Alsacien, vous savez très bien que des négociations sont menées avec les länder. Elles débouchent sur des décisions auxquelles chacun se tient, un bilan étant réalisé l’année suivante.

Cette proposition de loi se révèle très utile, puisqu’elle nous aura permis d’exposer nos points de vue. Vous avez compris, mes chers collègues, que, faute d’expertise en la matière, les réserves que nous venons de formuler nous conduisent à nous abstenir. (M. Roland Courteau applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit et redit, l’affaire est entendue, la taxe professionnelle est un « impôt imbécile ».

Toutefois, cette proposition de loi du groupe CRC-SPG montre opportunément que remplacer un « impôt imbécile », par une contribution comme la CVAE, sensible à la conjoncture et d’un rendement inférieur pour l’État et les collectivités territoriales, sans améliorer significativement la péréquation entre ces dernières, n’est pas vraiment un progrès.

Mme Nicole Bricq et M. Roland Courteau. Ce n’est pas plus intelligent !

M. Pierre-Yves Collombat. Je passe sous silence ce que cette réforme signifie en termes de perte, pour les collectivités, d’autonomie fiscale et de capacité d’anticipation de l’évolution de leurs ressources.

Ainsi, début mars 2011, les élus des villes moyennes s’inquiétaient, dans un communiqué de leur fédération, « du flou pesant sur les recettes réelles des villes moyennes et de leurs EPCI dans les prochaines années : en l’absence de données chiffrées précises sur les futures ressources fiscales (CVAE en particulier), les maires des villes et présidents de communautés s’interrogent sur la possibilité de voter des budgets rigoureux en 2011. »

Un mois avant l’échéance du 30 avril prochain, les collectivités ne connaissent toujours pas le produit de leur fiscalité économique. Gageons que les chiffres qui leur parviendront prochainement seront plus précis que fiables !

Cette proposition de loi traitant principalement de deux des défauts de la réforme fiscale, je me limiterai à leur évocation.

Le premier défaut majeur de la contribution économique territoriale est d’entraîner une perte immédiate de ressources pour l’État, estimée entre 7 milliards et 8 milliards d’euros en vitesse de croisière, soit le double de ce qui était prévu et annoncé (M. Roland Courteau opine.), comme l’a rappelé ma collègue. Cette somme viendra bien entendu s’ajouter aux précédents cadeaux fiscaux.

Si la perte pour les collectivités est différée, elle représente toutefois 2,5 milliards d’euros de recettes fiscales, lesquelles seront remplacées soit par des dotations, qui, à la différence de la taxe professionnelle, n’évolueront pas, soit par des recettes fiscales qui évolueront moins vite que la TP.

Ces pertes sont très inégalement réparties, les collectivités les plus touchées étant les communes et intercommunalités dont la fiscalité économique constituait une ressource importante, ainsi que les départements et les régions. (M. Roland Courteau s’exclame.)

Quoi qu’il en soit, il faut avoir un solide culot pour affirmer tout à la fois, comme le rapport Durieux, que les bases de la CVAE évolueront comme le PIB et que la nouvelle contribution sera plus dynamique que la taxe professionnelle.

On le sait, depuis 1980, la base locative et la base « investissement » de la taxe professionnelle ont augmenté plus vite que le PIB, lequel a quadruplé sur la période, la base valeur locative des matériels et outillages ayant été multipliée par sept.

Ainsi, depuis 1980, le produit de la taxe professionnelle aura été multiplié, selon les sources, par six ou sept. Selon le cabinet Klopfer, la taxe professionnelle aura été l’impôt le plus dynamique que les collectivités locales aient jamais connu.

Sur la période récente, de 2000 à 2008, son produit a augmenté de 30 %, soit de 3,75 % par an. Une telle hausse renvoie à celle des bases et des taux, ce qui ne sera plus le cas pour la CVAE.

Et l’on voudrait nous faire croire que le produit de la taxe professionnelle en période économique normale augmenterait moins vite que les seules bases de la CVAE en période de crise ! Évidemment, personne n’y croit, si ce n’est Mme la ministre de l’économie et des finances.

Ainsi une toute récente étude de la Fédération des maires des villes moyennes portant sur 155 territoires évalue-t-elle le « manque à gagner » pour les communes et intercommunalités à l’horizon 2015 à 160 millions d’euros, soit une perte de dynamique des ressources de 0,7% par an.

Cette étude montre également que les villes moyennes et leurs EPCI sont particulièrement touchés.

Le second défaut majeur concerne l’insuffisance de la péréquation, alors que la nouvelle base du principal impôt économique, la valeur ajoutée, aurait pu permettre d’adopter des mécanismes plus satisfaisants.

D’abord, et cela rejoint le point précédent, la recette fiscale globale diminuant, on ne voit pas bien comment la part à répartir pourrait augmenter. L’État n’envisage en effet aucunement d’apporter sa contribution en la matière.

Pour le reste, notre collègue Jean-Pierre Chevènement l’a rappelé, même le complaisant rapport Durieux admet que « pour les régions et départements, l’efficacité des dispositifs de péréquation créés par la loi de finances pour 2010 paraît limitée ». Cette litote révèle l’étendue du problème.

La mise en place en 2011 d’un Fonds national de péréquation des DMTO ne constitue qu’un progrès limité, le prélèvement sur les contributeurs ne pouvant excéder 5 % des droits perçus au titre de l’année précédente. Et on ignore encore tout en ce qui concerne les dispositifs relatifs aux communes et intercommunalités ainsi qu’aux départements.

Voilà pour le constat ! Il nous reste l’espoir, qui est très exactement ce qui nous permet de vivre jusqu’à présent.

La proposition de loi qui nous est soumise apporte-t-elle une réponse suffisante au problème ainsi posé ?

Nicole Bricq l’a dit tout à l’heure, tel n’est pas totalement le cas, dans la mesure où, si ce texte vise à améliorer les ressources fiscales des collectivités, il tend à mobiliser une base particulièrement sensible à la conjoncture, volatile et, donc, difficile à capter.

On comprend bien l’intention des auteurs : il s’agit de taxer l’utilisation spéculative des actifs volatils des entreprises, ce qui, à nos yeux, serait une bonne chose.

Le jugement de M. le rapporteur, qui dénonce le caractère idéologique de cette proposition de loi, m’a, je l’avoue, beaucoup amusé. En effet, selon lui, penser que la fonction des entreprises n’est pas d’enrichir les propriétaires en spéculant mais de produire de la richesse est un choix idéologique. Penser l’inverse relèverait d’une autre dimension, n’est-ce pas, cher Charles Guené ? À vos yeux, l’orthodoxie libérale n’est pas une idéologie, c’est une science ! (MM. Roland Courteau et Gérard Le Cam s’esclaffent.) Permettez-moi de rire !

Nous nous interrogeons également sur l’efficacité du dispositif péréquateur proposé.

En la matière, il importe de tout remettre à plat : quelle péréquation est-elle possible si l’on prend en compte la fiscalité et les dotations ? C’est cet ensemble qu’il faut considérer, sans se contenter d’apporter à la marge un certain nombre de modifications.

Voilà pourquoi, tout en saluant l’initiative de nos collègues, laquelle a permis de susciter un débat animé sur une question pourtant examinée un mercredi après-midi, nous nous abstiendrons, mais de façon positive, comme notre collègue Jean-Pierre Chevènement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. C’est par courtoisie, monsieur le président, que je souhaite répondre brièvement. Sur un sujet de cette importance, il ne serait pas acceptable que le ministre ne reprenne pas la parole, notamment pour apporter quelques éclairages supplémentaires sur certaines interrogations qui ont été soulevées, en particulier par Mme Bricq.

Nous l’avons bien compris, il existe deux approches de la question des ressources des collectivités.

La première consiste à mieux répartir les ressources dont nous disposons.

Dans la seconde, qui a été développée par l’auteur de la proposition de loi, on considère que, pour mieux répartir, il convient de créer une nouvelle taxe, qui handicapera davantage les entreprises. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Je me contente de rappeler, de façon tout à fait objective, le texte !

Dans ce domaine, chacun a le droit d’avoir sa propre analyse. Ce n’est pas la première fois que le groupe CRC-SPG insiste sur le besoin de mettre davantage à contribution les entreprises. Pour ma part, préférant privilégier leur compétitivité, je ne partage pas ce choix.

Je souhaite revenir sur la question de la péréquation, qui a été évoquée par plusieurs intervenants, et notamment M. Chevènement. À ce propos, je souhaite dire à l’ensemble de la représentation nationale qu’il s’agit d’un choix fondamental.

À mon avis, nous devons écarter l’idée selon laquelle la péréquation ne peut se faire qu’en s’appuyant sur des dotations de l’État résultant de taxes nouvelles.

Tout à l’heure, Mme Bricq a évoqué le cas de l’Allemagne. Comment notre voisin a-t-il financé sa réunification ? Grâce à un système de péréquation des ressources des collectivités locales !

M. Pierre-Yves Collombat. Elles sont endettées jusqu’au cou !

M. Philippe Richert, ministre. Nous-mêmes, nous avons commencé à mettre en place un système similaire, qui, vous avez raison de le dire, ne va pas encore assez loin. Mais observons la réalité : le fonds national de péréquation des DMTO atteint 440 millions d’euros.

On peut toujours dire que ce montant n’est pas très important.

M. Philippe Richert, ministre. Mais permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la clarté du débat, de vous redonner quelques chiffres : les recettes issues des DMTO étaient de 7,3 milliards d’euros en 2008, de 5,2 milliards d’euros en 2009, et de 7 milliards d’euros en 2010, soit, pour cette dernière année, 0,3 milliard d’euros de moins par rapport à 2008. Certes, je concède qu’il subsiste encore un écart, mais celui-ci est bien faible si l’on se réfère au chiffre pour 2009, soit 5,2 milliards d’euros.

Par ailleurs, Mme Bricq a déclaré que les progressions ne sont pas identiques dans l’ensemble des départements. C’est tout à fait juste. Le département qui a le moins progressé, c’est la Haute-Marne : 9,6 % en une année. Mais, grâce au système de péréquation que nous avons mis en place pour permettre notamment d’accompagner les départements qui ont connu les plus faibles taux de progression, c’est en réalité de 30 % qu’a progressé le département de la Haute-Marne, et non de 9,6 %.

Je prends un autre exemple, au hasard, celui des Hauts-de-Seine (M. Jean-Pierre Fourcade sourit.) Ce département a progressé de plus de 50 % en 2010. Par conséquent, il a dû contribuer au fonds de péréquation. À l’issue de cette opération, le taux de progression des recettes issues des DMTO est de 38 %.

Aussi, grâce au fonds de péréquation que nous avons créé, nous avons pu porter, dans chaque département, à 20 %, voire à 30 %, le taux de progression des recettes issues des DMTO, cependant que, dans les quatre ou cinq départements où, initialement, celui-ci était supérieur à 50 %, le taux était ramené à 37 % ou 38 %, ce qui est encore acceptable.

Les recettes globales tirées des DMTO représentent 7 milliards d’euros. Certes, elles sont inférieures à celles qu’escomptent tirer de leur mesure les auteurs de cette proposition de loi, mais elles ne sont pas pour autant anecdotiques.

Madame Bricq, vous avez par ailleurs expliqué que, en 2010, concernant la taxe professionnelle, le chiffre était en réalité de 7,3 milliards d’euros et non de 4,7 milliards d’euros. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) En fait, et vous le savez bien en tant que spécialiste de ces questions, l’État, en 2010, a dû continuer à rembourser les dégrèvements pour 2009, soit plus 2,6 milliards d’euros : les dégrèvements d’une année n sont toujours remboursés en année n+1. S’y ajoutent les conséquences de la réforme pour 2010, soit 4,7 milliards d’euros, et l’on arrive bien à un total de 7,3 milliards d’euros payés par l’État en 2010.

Le plus souvent, le produit de la taxe professionnelle commençait à stagner. Dans certains cas, nombreux, il diminuait même. De fait, à force de taxer les entreprises, certaines sont parties tandis que d’autres ont été confrontées à des situations difficiles.

La CVAE sera plus dynamique que la taxe professionnelle.

Mme Nicole Bricq. Qu’est-ce qui vous permet de dire cela, monsieur le ministre ?

M. Philippe Richert, ministre. Vous verrez ! Nous en reparlerons !

Lorsque nous avons affirmé que les compensations se feraient à l’euro près, tout le monde, à gauche, a dit que ce n’était pas vrai. Or c’est ce qui s’est passé : tout a été intégralement compensé…

Mme Nicole Bricq. Pas la première année !

M. Philippe Richert, ministre. … et l’État a versé non pas 98 milliards d’euros, mais 99 milliards d’euros, soit 1,1 milliard d’euros de plus. La compensation a donc été intégrale, je le répète, et, de surcroît, les collectivités territoriales disposeront demain de recettes plus dynamiques grâce à la CVAE.

Pour conclure, je remercie le groupe CRC-SPG à la fois de nous avoir rappelé sa conception de l’économie et de nous avoir offert l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles a été remplacée la taxe professionnelle.

M. le président. La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer la juste participation des entreprises au financement de l'action publique locale et à renforcer la péréquation des ressources fiscales
Article 2

Article 1er

L’article 1447-0 du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« La contribution économique territoriale est complétée par la taxation des actifs financiers des entreprises.

« Cette taxation porte sur l’ensemble des titres de placement et de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long terme. Ces éléments sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l’actif du bilan des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés d’assurances, le montant net de leurs actifs est pris en compte après réfaction du montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et obligations comptables de ces établissements.

« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des immobilisations. » 

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je voudrais formuler quelques remarques sur notre proposition de créer une taxation sur les actifs financiers.

Monsieur le ministre, contrairement à ce que certains pourraient supposer, je le dis clairement, nous ne proposons pas de créer une taxation indifférenciée sur les entreprises ; nous ne voulons taxer que les actifs financiers, dont nous pensons qu’ils sont des facteurs de spéculation et qu’ils ne contribuent, précisément, ni au développement économique, que nous ne voulons aucunement mettre en cause, ni à l’emploi.

Nous considérons qu’un certain nombre d’entreprises préfèrent utiliser la richesse produite pour spéculer et non pour promouvoir le dynamisme économique. Je le répète : il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe générale sur les entreprises. Voilà le fond de notre proposition.

Par ailleurs, je ne partage pas votre vision d’une CVAE dynamique. Un certain nombre d’économistes sont d’ailleurs très dubitatifs quant à son rendement au profit des collectivités territoriales. Par conséquent, à défaut de recettes nouvelles, je crains fort qu’il ne soit bien difficile de faire de la péréquation. De plus, vous le savez comme moi, autant il est possible de connaître assez précisément ce que rapportera la CVAE la première année, autant l’optimisation fiscale reprendra de plus belle par la suite.

Monsieur le ministre, vous avez, dans votre propos liminaire, faussement interprété l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Nous disons que « cette péréquation est aujourd’hui largement inachevée ».

M. Philippe Richert, ministre. Je suis d’accord !

Mme Marie-France Beaufils. Nous ne disons pas que vous n’en avez pas fait !

Vos propos, tels qu’ils étaient formulés, pouvaient donner l’impression que nous avions affirmé que vous n’aviez jamais fait de péréquation.

Nous avons d’ailleurs ajouté « que la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée s’apparent[e] de fait à une sorte de “cote mal taillée” destinée à compenser la disparition de la taxe professionnelle et le dynamisme des recettes qui découlait de son assiette ».

M. Philippe Richert, ministre. Non !

Mme Marie-France Beaufils. Cette remarque est d’autant plus pertinente quand on sait que, à l’échéance de 2015, vous envisagez de mettre dans le pot commun de la péréquation au mieux 1 milliard d’euros. (M. le ministre s’exclame.) Ce sont en tout cas les estimations qui ont été fournies au groupe de travail sur la péréquation des recettes fiscales des collectivités territoriales, dont je suis membre.

M. Philippe Richert, ministre. C’est le bloc communal !

Mme Marie-France Beaufils. Nous ne devons pas avoir la même perception de ce que sont les besoins des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre. Ah oui !

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le rapporteur, vous disiez tout à l’heure qu’il aurait fallu joindre une étude d’impact à cette proposition de loi. Nous en reparlerons quand les groupes politiques disposeront d’autant de moyens que les commissions ou le Gouvernement pour procéder à des études d’impact ! Je note d’ailleurs que ce dernier ne peut même pas nous fournir une telle étude sur la CVAE puisqu’il faudra attendre le mois de septembre pour savoir ce que celle-ci rapportera.

Aussi, monsieur le rapporteur, rejeter une proposition de loi d’un groupe au motif qu’il ne lui est pas joint une étude d’impact – que ce groupe n’a pas les capacités de réaliser – n’est pas un argument acceptable.

En outre, la commission utilise un autre argument pour rejeter notre proposition de loi ; voici ce qui est écrit dans le rapport : « Enfin, les propositions de loi contenant des dispositions fiscales ne seront bientôt plus constitutionnellement recevables. En effet, le Gouvernement a déposé un projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques qui prévoit le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de fiscalité. Il s’agit d’une doctrine que notre commission a d’ores et déjà faite sienne depuis les conclusions de la seconde conférence sur les déficits, qui s’est tenue voici un peu moins d’un an. »

Je suis d’accord avec Nicole Bricq : ce texte n’existe pas pour le moment, il n’a pas été débattu. En outre, que fait-on de l’initiative parlementaire ? Interdire l’examen de propositions de loi dès lors qu’elles contiendraient des dispositions fiscales dénoterait quand même une sacrée conception de la démocratie ! Si tel devait être le cas, le Parlement serait en vacances un bon nombre de mois dans l’année ! J’ai rarement vu des textes ne contenant aucune mesure d’ordre financier, ou alors ce sont des textes vides et creux dont les dispositions sont destinées à rester lettre morte.

Nous venons de vivre une crise financière importante qui a montré l’aspect négatif de la spéculation. C’est elle que nous voulons combattre et notre proposition de loi a essentiellement pour objectif de permettre de nouveau aux collectivités territoriales de répondre aux besoins des habitants et de donner aux services publics les moyens de fonctionner, puisque l’évolution des dotations de l’État en faveur de ces mêmes collectivités, qui est fixée à « zéro volume », constitue une baisse de capacité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)