M. Alain Milon, rapporteur. Nous en aurons parlé !

M. Jean-Pierre Godefroy. Soit, mais à un moment donné il faut essayer d’obtenir des avancées positives.

Je reviendrai tout à l’heure sur le problème annexe, mais ô combien grave et important, de la situation des enfants nés d’une gestation pour autrui dans des pays étrangers auxquels on ne reconnaît pas d’acte d’état civil français.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Je me félicite de la qualité, de la tenue, de la sérénité de ce débat, que je souhaitais.

En 2007, j’ai été nommé, avec Henri de Richemont, rapporteur du groupe de travail sur la maternité pour autrui, au nom la commission des lois et de la commission des affaires sociales, sous la présidence de Michèle André. J’avoue que, au départ, Henri de Richement et moi-même n’étions guère des « acharnés » de la gestation pour autrui. Cependant, au fur et à mesure de nos auditions, nous sommes devenus, de même que Michèle André, extrêmement favorables à cette technique. Nous avons en effet compris que la seule question qui vaille était celle de la vie.

J’ai remis notre rapport d’information le 25 juin 2008 et nous avons rencontré de grandes difficultés pour obtenir l’autorisation de le publier. Il a fallu les interventions particulièrement vigoureuses de Nicolas About et de Robert Badinter pour que nous obtenions cette autorisation.

J’ai continué à travailler sur ce sujet aux côtés de Michèle André – le sort électoral n’ayant malheureusement pas été favorable à M. de Richemont –, avec l’aide de magistrats et de juristes. Ces amendements identiques que nous vous proposons ont été préparés par des magistrats, ce qui leur confère une véritable sécurité juridique. J’insiste sur ce point qui devrait rassurer ceux d’entre vous qui ont soulevé de petites difficultés de nature juridique.

J’ajoute que j’ai confiance dans l’avenir. Ce texte ne sera probablement pas voté ce soir, mais je sais que nous serons obligés de revenir sur cette question.

Je souhaiterais attirer l’attention de ceux qui voteront contre sur une injustice de notre législation, qui m’a perturbée tout au long du travail que nous avons consacré à la gestation pour autrui : une femme qui ne peut donner la vie faute d’ovules, on lui permet de donner la vie et d’avoir un enfant de son mari grâce à un don d’ovule ; en revanche, une femme qui peut donner la vie, c’est-à-dire qui a des ovules, mais qui est dépourvue d’utérus, on le lui refuse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste et de l’UMP.)

Je conclurai mon propos sur une réflexion d’Axel Kahn, que nous avons auditionné dans le cadre du groupe de travail : défavorable à une légalisation de la gestation pour autrui, il précisait qu’il ne fallait pas non plus ouvrir la porte à une pratique que l’on récuse et qu’il faudrait par conséquent la pénaliser, même lorsqu’elle est réalisée à l’étranger, comme cela se fait pour la pédophilie.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié quater et 75 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 184 :

Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 281
Majorité absolue des suffrages exprimés 141
Pour l’adoption 80
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 132, présenté par Mme Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 16-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, lorsque conformément à l’article L. 2144-6 du code de la santé publique, une décision judiciaire est intervenue, une convention portant sur la révision de la somme déjà allouée afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par la sécurité sociale, peut-être valablement conclue entre les parties, en cours de grossesse. »

Cet amendement n’a plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 4 rectifié ter est présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet.

L'amendement n° 131 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 3 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code civil est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. 311-20-1. - Dans le cas d'une gestation pour autrui menée conformément au chapitre IV du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des membres du couple ayant bénéficié de la gestation pour autrui sont inscrits sur le ou les actes de naissance sur présentation, par toute personne intéressée, de la décision judiciaire prévue à l'article L. 2144-6 du code de la santé publique. La filiation du ou des enfants à leur égard n'est susceptible d'aucune contestation. »

Ces amendements n’ont plus d’objet.

L'amendement n° 5 rectifié ter, présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 227-12 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, sans préjudice du chapitre IV du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le non-respect des articles L. 2144-4 et L. 2144-5 du code de la santé publique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 133, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 227-12 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , sans préjudice du chapitre IV du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° … du … relative à la bioéthique » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre, commis à titre habituel ou dans un but lucratif, au mépris des dispositions prévues par l’article  L. 2144-5 du code de la santé publique, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 46 rectifié bis, présenté par Mmes Dini, Létard et Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 1121-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa, les mots : « d’un chirurgien-dentiste et d’un médecin » sont remplacés par les mots : « d’un chirurgien-dentiste ou d’un médecin » ;

2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les recherches biomédicales concernant le domaine de la maïeutique et conformes aux dispositions du troisième alinéa de l’article L.1121-5, ne peuvent être effectuées que sous la direction et la surveillance d’un médecin ou d’une sage-femme.

II. - Après le troisième alinéa de l'article L. 1121-11 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les recherches biomédicales concernent le domaine de la maïeutique et répondent aux conditions fixées au troisième alinéa de l’article L.1121-5, les résultats de cet examen leur sont communiqués directement ou par l'intermédiaire du médecin ou de la sage-femme de leur choix.

« Lorsque les recherches biomédicales concernent le domaine de l'odontologie, les résultats de cet examen leur sont communiqués directement ou par l'intermédiaire du médecin ou du chirurgien-dentiste de leur choix. »

III. - Après le huitième alinéa de l’article L. 1122-1 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de la maïeutique et répond aux conditions fixées au troisième alinéa de l’article L.1121-5, l’investigateur peut confier à une sage-femme ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement.

« Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de l’odontologie, l’investigateur peut confier à un chirurgien-dentiste ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes font partie des professions médicales à compétences définies.

La formation initiale des sages-femmes a connu de profonds bouleversements, notamment par le fait que celle-ci peut dorénavant avoir lieu au sein des universités.

Cette formation offre en particulier la possibilité aux sages-femmes de perfectionner leur discipline grâce à la recherche, essentiellement dans l’eutocie – l’eutocie se dit d’un accouchement qui se déroule dans des conditions normales –, pour le plus grand bénéfice des femmes et des nouveau-nés.

Les études de chirurgie dentaire sont aussi universitaires et sont dispensées au sein des unités de formation et de recherche, ou UFR, d’odontologie.

Les UFR d’odontologie ont donné une place prépondérante à la recherche biomédicale, en créant et en soutenant le développement de laboratoires, au sein desquels les enseignants et les étudiants participent à des projets de recherche clinique fondamentale. Elles collaborent également avec les institutions publiques de recherche.

En outre, les postes de professeur des universités-praticien hospitalier, ou PU-PH, sont ouverts aux odontologistes. Ceux-ci sont titulaires d’une habilitation à diriger des recherches.

Dans le paragraphe I de cet amendement, il est proposé de modifier les dispositions du code de la santé publique afin de reconnaître la pleine capacité des sages-femmes et des chirurgiens-dentistes d’initier et de diriger des recherches portant strictement sur leur domaine de compétence.

Pour les unes et les autres, et comme pour tout protocole de recherche, les autorités compétentes vérifieront que les projets sont en accord avec leurs spécialités et leur formation.

Les recherches concernant la maïeutique devront respecter la règle du bénéfice pour autrui, figurant au troisième alinéa de l’article L. 1121-5 du code de la santé publique. Les dispositions proposées aux paragraphes II et III de l’amendement découlent de celles du paragraphe I.

Il s’agit d’associer la sage-femme ou le chirurgien-dentiste aux informations et résultats communiqués aux personnes susceptibles de se prêter à des recherches biomédicales dans leur domaine de compétence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tient compte des remarques qu’il avait formulées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Lorrain. Je soutiens totalement la participation à la recherche des chirurgiens-dentistes, ainsi que celle des sages-femmes. Cependant, madame Dini, vous avez signalé que ces personnes pourraient diriger la recherche. Or, pour obtenir une habilitation à diriger des recherches, ou HDR, il est nécessaire d’être praticien hospitalier et de posséder un doctorat qualifié.

Par conséquent, les professions que vous mentionnez, pour diriger des recherches, devront répondre aux exigences universitaires qui sont imposées aux autres matières.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame Dini, je voudrais formuler une remarque qui rejoint en partie celle de notre collègue Jean-Louis Lorrain.

Votre amendement prévoit que les recherches biomédicales concernant le domaine de la maïeutique ne peuvent être effectuées que sous la direction et la surveillance d’un médecin « ou » d’une sage-femme. La première version de cet amendement que vous aviez présentée en commission, avant de la retirer, employait la conjonction de coordination « et », qui avait ma préférence.

Si j’ai bien compris, la recherche biomédicale pourrait être confiée à une sage-femme.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. Lors de la première réunion de la commission, nous avions en effet présenté un amendement employant la conjonction « et ». Plusieurs d’entre nous avaient cependant fait remarquer qu’il était aberrant de placer une fois de plus les sages-femmes sous l’autorité des médecins alors que celles-ci étaient extrêmement compétentes dans leur domaine, et qu’il était donc souhaitable d’employer la conjonction « ou ».

Je l’avais donc retiré pour le présenter, modifié en ce sens, lors de la deuxième réunion de commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 quater.

L'amendement n° 134, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 47 du code civil, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Fait également foi l’acte de naissance établi par une autorité étrangère à la suite d’un protocole de gestation pour autrui. Il est procédé à la transcription de cet acte  au registre  français de l’état civil, où mention est faite de la filiation établie à l’égard de l’homme ou de la femme à l’origine du projet parental, respectivement reconnu comme père et mère, sans que l’identité de la gestatrice soit portée sur l’acte. La filiation ainsi établie n'est susceptible d'aucune contestation du ministère public. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, extrêmement important à la lumière de l’arrêt qui a été rendu, hier, dans la douloureuse affaire des jumelles Mennesson, vise à régler une question qui me semble fondamentale, à savoir la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger.

En effet, ces enfants, en quelque sorte « fantômes », voire, demain, sans-papiers, pâtissent de l’absence de transcription de leur acte de naissance au registre français de l’état civil. Or, malheureusement, ils sont nombreux à se trouver aujourd’hui dans cette situation ! Dans l’affaire Mennesson, l’avocat général près la Cour de cassation avait pourtant requis la cassation de l’arrêt d’appel et, de fait, il sollicitait la transcription à l’état civil des actes de naissance étrangers de ces enfants.

Or la haute juridiction, en rejetant hier le pourvoi formé par les époux, place ces enfants dans une situation aberrante. Il nous appartient, en tant que législateurs, de régler cette question que les instances judiciaires se refusent à trancher. En effet, en statuant ainsi, la Cour de cassation renvoie implicitement les législateurs que nous sommes à leurs responsabilités.

Mes chers collègues, j’en appelle aujourd’hui à votre vote, afin que cet amendement puisse être adopté et que la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger soit valablement autorisée en France, sans contestation possible.

Pour tous ces enfants, il est impossible d’en rester à la décision rendue hier par la Cour de cassation. En effet, la France reconnaît leur filiation maternelle et paternelle, telle qu’elle est inscrite sur l’acte de naissance étranger, mais refuse de transcrire ce dernier, ce qui est juridiquement infondé.

Si la filiation est établie à l’égard de parents dont l’un au moins est français, notre code civil prévoit que l’enfant aura la nationalité par filiation. Dès lors, cet enfant français, né à l’étranger, devrait voir son acte de naissance transcrit au registre de l’état civil, comme tous les enfants de Français nés à l’étranger.

Si ces enfants sont nés par GPA dans un pays étranger qui ne reconnaît pas le droit du sol, ils sont apatrides. En effet, dans ce cas de figure, bien qu’ils soient nés de parents français, et comme ils n’ont pas la possibilité d’obtenir la nationalité du pays de naissance, ils sont dépourvus de nationalité, donc d’identité.

Les jumelles Mennesson sont nées aux États-Unis. Ce pays accordant la nationalité selon le droit du sol, elles ont pu bénéficier d’un passeport américain, ce qui a permis à certains d’affirmer qu’elles n’avaient pas besoin de papiers français !

Cette remarque est aberrante à plus d’un titre. D’une part, elle est contraire aux règles de notre droit de la nationalité, telles qu’elles sont posées par le code civil – j’y ai fait référence tout à l'heure. D’autre part, elle est privée de fondement pour les enfants nés dans un autre État, qui, à la différence de la France, ne reconnaîtrait pas le droit du sol.

Par ailleurs, dans cette affaire, la Cour de cassation aurait dû faire application de la notion d’ordre international public atténué, dans la mesure où il s’agit d’une situation valablement constituée à l’étranger. Dès lors que la filiation envers les époux Mennesson a été reconnue par l’État français, la Cour aurait dû en tirer toutes les conséquences juridiques et casser l’arrêt d’appel qui a refusé la transcription des actes de naissance.

Si la GPA n’est pas encore autorisée en France – elle le sera peut-être, un jour, à l’issue d’un autre débat que nous aurons mené sur cette question – et si elle est pour le moment contraire à notre ordre international public direct, il en va différemment des enfants nés par GPA à l’étranger, qui devraient pouvoir bénéficier de l’effet atténué de notre ordre international public.

En effet, un raisonnement par analogie devrait être opéré avec d’autres situations qui sont interdites en France, mais auxquelles notre pays fait produire des effets lorsqu’elles ont été valablement constituées à l’étranger. Je pense, par exemple, au mariage homosexuel valablement contracté à l’étranger, qui peut produire en France des effets, notamment en matière fiscale ou successorale.

Il en va de même des mariages polygamiques qui, s’ils ne peuvent être célébrés sur notre territoire, ne sont pas pour autant dépourvus de portée juridique, par le jeu de l’effet atténué de notre ordre public. Je pense, par exemple, à la pension alimentaire, qui peut être sollicitée par la deuxième épouse, ou aux successions.

Quoi qu’il en soit, le droit international privé français distingue selon que les situations sont valablement constituées à l’étranger ou se réalisent en France.

Ce n’est pas parce que notre pays refuse actuellement de légaliser la GPA sur son territoire qu’il doit méconnaître les règles de son propre droit international privé.

Enfin, comme l’a rappelé à juste titre l’avocat général dans l’affaire Mennesson, l’absence de transcription des actes de naissance des fillettes aux registres français de l’état civil est contraire à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990, ainsi qu’à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, cette situation porte atteinte à la fois à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à mener une vie familiale normale.

Pour toutes ces raisons, et afin d’éviter qu’ils ne restent clandestins, illégaux, sans-papiers, ces enfants doivent retrouver une nationalité.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 29 est présenté par M. Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Mazuir, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 161 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-2 ainsi rédigé :

« Art. 336-2. – Lorsque l’état civil de l’enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité avec une décision de justice faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit dans les registres français sans contestation possible aux conditions que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l’enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours contre cette décision soient épuisées. »

La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l’amendement n° 29.

M. Bernard Cazeau. Au travers de son intervention très complète, Mme Boumediene-Thiery a déjà défendu excellemment cet amendement.

Je n’allongerai donc pas inutilement nos débats en répétant ses propos.

M. le président. L’amendement n° 161 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 134 et 29 ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, et ce pour une raison évidente : si ces dispositions étaient adoptées, nous entérinerions la GPA à l’étranger.

Dans la mesure où – pour l’instant ! – le Parlement refuse la GPA en France, il n'y a pas de raison d’autoriser cette pratique à l’étranger, même si nous comprenons bien que la situation de ces enfants est particulièrement dramatique.

En fait, il est préférable que cette situation dramatique persiste, me semble-t-il, afin que le Parlement soit conduit à adopter de meilleures décisions. (Sourires.)

M. Guy Fischer. Voilà un raisonnement qui ne vous ressemble guère !

M. Christian Cointat. C’est audacieux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Exception faite de la dernière phrase de son avis, je suis sur la même ligne que M. le rapporteur.

J’émets donc également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Jusqu’à nouvel ordre, la faute des parents – en admettant qu’il y en ait une et que la GPA soit délictuelle –, ne doit pas retomber sur les enfants.

Le déni de droit infligé à ces enfants contrevient largement aux obligations d’un pays comme le nôtre, me semble-t-il, en particulier en matière de respect de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a signée.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. L’amendement n° 134 a pour objet de permettre la transcription à l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger du fait d’une gestation pour autrui.

Comme vous le savez, mes chers collègues, notre groupe est dans sa quasi-totalité opposé à la gestation pour autrui, que nous assimilons à un commerce réduisant le corps de la femme à un objet. Je n’y reviendrai pas : nous sommes partagés sur cette question, mais une très large majorité se dessine parmi nous.

Adopter cet amendement nous placerait donc dans une situation difficile, puisque ce vote reviendrait à légaliser les conséquences d’une pratique que nous critiquons. Or nous ne la dénonçons pas pour les seules femmes françaises, mais bel et bien pour toutes les femmes, sans distinction d’origine.

Voter pour cet amendement constituerait donc une hypocrisie majeure, puisque nous tirerions les conséquences administratives d’une mesure que nous proscrivons, un peu comme si, appliquant des principes à notre pays, nous n’avions que faire de ces derniers une fois passées les frontières nationales.

Dans le même temps, ne pas voter cet amendement reviendrait à priver les enfants dont il est question ici de l’établissement d’une filiation au regard de notre droit national, les empêchant par là même d’accéder à la nationalité. Et nous ne pouvons naturellement pas nous satisfaire de l’explication selon laquelle, dans certains cas, ces enfants possèdent la nationalité de la mère porteuse.

À l’évidence, cette situation prive les enfants dont il est ici question d’un certain nombre de prérogatives associées à la nationalité, telles que le droit de vote ou la possibilité d’intégrer la fonction publique, entre autres.

Afin d’éviter cette difficulté, il serait naturellement souhaitable que les pays légalisant la pratique des mères porteuses la limitent à leurs seuls ressortissants, afin d’éviter que les enfants ne soient, en quelque sorte, les victimes d’un conflit de droit entre deux États. Toutefois, nous sommes loin de cette évolution, que nous appelons de nos vœux car elle limiterait par ailleurs le tourisme reproductif. Et les interrogations que tend à soulever cet amendement sont, quant à elles, plus concrètes.

Selon nous, les enfants qui, selon la législation de leur pays d’origine, n’ont pas d’autres parents que ceux qui ont contracté un contrat de gestation pour autrui ne peuvent être les victimes de cette situation.

Comme le rappelle l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». On ne saurait tolérer que notre droit prive les enfants concernés de la possibilité de bénéficier d’une filiation, ni qu’il méconnaisse l’article 8 de ce même texte, qui pose le principe du droit de l’enfant à voir respectée son identité.

Vous le voyez, mes chers collègues, notre conviction en la matière n’est pas forgée : j’ai surtout posé des questions. Aussi, le groupe CRC-SPG s’abstiendra, afin de ne pas faire obstacle à une disposition utile en droit mais dont nous contestons les fondements politiques, c’est-à-dire la volonté de légaliser la gestation pour autrui.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je fais exactement la même analyse que M. le rapporteur, mais je parviens à une position inverse de la sienne : pour les raisons qu’il a exposées, je voterai pour ma part ces amendements.

Plus sérieusement, un véritable problème se pose pour ces enfants : que se passerait-il s’ils étaient nés dans un État qui ne reconnaît pas le droit du sol ? Ils seraient sans nationalité, apatrides, dépourvus d’état civil. Ils n’existeraient pas ! Pourtant, n’importe quel test ADN démontrera qu’ils sont les enfants à la fois du père et de la mère concernés. Il s'agit d’une situation totalement ahurissante !

Franchement, les législateurs que nous sommes doivent-ils négliger cet aspect et voter une loi en disant : « Nous nous en moquons. Ce n’est pas notre affaire. Ils n’avaient qu’à ne pas faire naître ces enfants à l’étranger » ?