compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

Mme Anne-Marie Payet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016
Discussion générale (suite)

Organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016

Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016
Articles additionnels avant l'article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016 (proposition n° 363, texte de la commission n° 440, rapport n° 439).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un peu plus de cinq ans, la France aura la chance d’accueillir l’un des événements sportifs les plus importants dans le monde. C’est d’ailleurs, à l’exception des jeux Olympiques et des championnats du monde de football, la compétition sportive qui rassemble le plus de spectateurs et de téléspectateurs, et qui a le plus de retombées médiatiques et économiques. L’année 2016 sera donc un très grand moment pour le sport français ; je sais que chacun sur ces travées s’en réjouit.

L’Euro 2016, très attendu par les Français, qui sont des passionnés de football, est une chance pour notre pays. En effet, chaque grand événement sportif entraîne un nombre croissant d’adhérents au sein de la fédération concernée. Quand on sait que la Fédération française de football, la FFF, a perdu environ 8 % de licenciés cette année, on imagine combien cette compétition est importante.

L’obtention de l’organisation de cette compétition a mobilisé l’ensemble du Gouvernement, le Président de la République, les parlementaires, le mouvement sportif. C’est une opportunité exceptionnelle pour la France.

L’Euro 2016 est également un levier extraordinaire de modernisation des équipements sportifs de notre pays.

La réussite de ces championnats d’Europe de football repose sur la construction ou la rénovation d’un certain nombre de stades, onze au total, parmi lesquels neuf seront définitivement retenus et deux autres serviront de réserve.

La plupart des projets ont été lancés. Nous ferons le maximum pour que les délais soient respectés et que tout se déroule dans les meilleures conditions. Nous avons pris l’engagement auprès de l’UEFA que l’ensemble des stades soient opérationnels deux ans avant la compétition, soit en 2014.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, la plupart des projets ont recours à des formules juridiques différentes : bail emphytéotique administratif, BEA ; partenariat public-privé, PPP ; maîtrise d’ouvrage publique ; chantiers entièrement privés. Nous espérons tous que le calendrier sera tenu et que les chantiers se dérouleront sans encombre.

Deux projets ayant opté pour un régime de bail emphytéotique administratif demeurent jusqu’à présent bloqués, car ils ne disposent pas du cadre juridique leur permettant de s’engager dans des démarches de rénovation d’enceinte : ceux de Lens et de Nancy. C’est à cette situation délicate que la proposition de loi du député Bernard Depierre entend apporter des réponses pragmatiques et urgentes.

Le Gouvernement confirme son soutien ferme à cette proposition de loi sur laquelle la Haute Assemblée doit se prononcer aujourd’hui.

Notre conviction est qu’il faut traiter chaque stade de manière équitable.

Les projets de construction ou de rénovation de stades ayant choisi une maîtrise d’ouvrage publique ou un contrat de partenariat public-privé bénéficient, actuellement, d’un régime particulier en matière d’aides versées par les collectivités territoriales. Votre collègue Michelle Demessine ne me contredira pas sur ce point : la communauté urbaine de Lille est très satisfaite de pouvoir bénéficier de garanties particulières dans le cadre de son PPP.

Pourquoi les projets ayant privilégié un bail emphytéotique administratif auraient-ils « droit » à un traitement différent, d’autant que les BEA constituent pour les collectivités qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas investir dans la rénovation d’un stade le moyen de faire réaliser les travaux nécessaires sans renoncer à la propriété de l’enceinte ?

En favorisant la sécurité juridique des BEA, cette proposition de loi ne cherche pas à « maximiser les profits des groupes privés », comme j’ai pu parfois l’entendre dire, mais elle vise à instituer une certaine équité entre les différentes formes juridiques. D’ailleurs, comment parler de « maximisation des profits » à propos de l’AS Nancy-Lorraine ou du RC Lens ? Jacqueline Panis et Daniel Percheron seraient d’accord avec moi pour témoigner que de tels propos sont une injure à la culture de ces clubs.

Il y a urgence à ce que ces dispositions soient adoptées si l’on veut que les villes de Nancy et de Lens puissent accueillir des matchs de l’Euro 2016 et, surtout, qu’elles puissent entrer à armes égales dans la compétition avec les autres stades pour la sélection des neuf villes hôtes sur les onze retenues par l’UEFA pour accueillir les matchs de l’Euro.

Cette urgence, le rapporteur Alain Dufaut l’a bien comprise en proposant un vote conforme sur cette proposition de loi. Je tiens à l’en remercier et à saluer les travaux qu’il a menés en amont de l’examen de ce texte en séance publique.

La commission de la culture, en rejetant l’ensemble des amendements visant à introduire des dérogations au droit de l’urbanisme, au droit de l’environnement ou aux délais de recours, a clairement indiqué qu’elle n’entendait pas prendre prétexte de l’Euro 2016 pour abaisser nos exigences en matière de respect de l’environnement ou de concertation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’engagement de l’État en faveur de la réussite de l’Euro 2016 est inébranlable. Vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement soutiennent pleinement l’organisation de cette compétition. Le Président de la République a d’ailleurs témoigné à plusieurs occasions de son attachement à cet événement. Nous avons apporté les garanties nécessaires auprès de l’UEFA et les exigences posées par le cahier des charges seront respectées.

Le Gouvernement souhaite participer à l’effort financier pour la rénovation et la construction des stades. Compte tenu des attentes des différentes collectivités, j’ai décidé de porter à 158 millions d’euros la contribution de l’État en faveur des projets de construction et de rénovation. J’ai tenu à ce que cette enveloppe ne vienne pas grever l’action du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, en faveur des autres priorités du ministère. Je pense tout particulièrement au sport pour tous. C’est pourquoi cette participation financière sera très largement couverte par le prélèvement exceptionnel et temporaire de 0,3 % sur les recettes de la Française des Jeux voté l’année dernière sur l’initiative du sénateur François Trucy.

Le soutien financier de l’État ne se résume pas à l’intervention du CNDS. L’État contribue aussi au financement des dessertes des stades, comme on a pu le voir, par exemple, à Lyon où le tramway T3 a été retenu dans le deuxième appel à projet concernant les transports en commun en site propre, ou TCSP, pour un montant de 4,1 millions d’euros, mais aussi à Lille où une participation exceptionnelle de 36 millions d’euros a été prévue.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous assurer, comme j’ai pu le faire la semaine dernière auprès de Michel Platini, que nous ferons tout pour que l’Euro 2016 se déroule dans les meilleures conditions, pour que nos engagements soient tenus et pour que l’ensemble des villes hôtes puissent accueillir comme il se doit les matchs de l’Euro 2016. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Dufaut, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France a obtenu de haute lutte voilà presque un an l’organisation du championnat d’Europe de football de 2016.

Cette compétition, organisée tous les quatre ans depuis 1960, est le troisième événement sportif mondial en termes d’impact médiatique. C’est donc incontestablement une chance et un honneur pour la France.

Faut-il pour autant une loi d’exception ? C’est la question que s’est posée la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au cours de sa séance du 13 avril dernier. La réponse a été claire : la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale n’est en rien un dispositif d’exception, dérogeant fondamentalement au droit commun pour répondre à un engagement ponctuel de la France.

Les dispositions de cette proposition de loi répondent, au contraire, à un besoin majeur du sport français, l’organisation de la coupe d’Europe offrant l’opportunité d’expérimenter de nouveaux modes de partenariat public-privé au service d’équipements sportifs à rénover ou à moderniser.

Un constat s’impose tout d’abord : nos stades sont à la fois de faible capacité et archaïques.

Les chiffres sont imparables. Alors que le taux de remplissage est plutôt bon, la capacité moyenne d’accueil du public s’établit à moins de 30 000 places dans le championnat de France de football, contre plus de 45 000 places en Allemagne. L’âge moyen des stades était en 2008 de sept ans en Allemagne, de onze ans au Royaume-Uni et de dix-sept ans en France.

La qualité de l’accueil est donc insuffisante en termes de confort et d’espaces réceptifs, avec notamment seulement 4 % de la surface totale des stades consacrés aux sièges à prestations, contre 8 % à 12 % pour les standards européens.

La multifonctionnalité, élément crucial de rentabilité des stades, est très largement insuffisante. La plupart de nos grands stades ne sont occupés que deux jours par mois pendant neuf mois, soit une vingtaine de jours par an avec les coupes. C’est ridicule et contraire à une bonne utilisation de l’argent public.

Enfin, comme l’avait noté notre collègue Pierre Martin dans son rapport d’information sur les associations de supporters, les normes de sécurité ne sont pas toujours respectées. Un travail spécifique sur cette question mérite d’être mené.

La conséquence de tout cela est que le championnat de France profite peu de la billetterie – autour de 15 % du chiffre d’affaires – et est presque totalement « télé-dépendant » : 57 % des ressources des clubs sont issues des droits télévisuels. Ces clubs sont donc à la merci d’un retournement du marché.

En un mot, il n’y a pas de modèle économique du sport professionnel en France. On peut se féliciter, en attendant, du contrôle de gestion rigoureux exercé sur les clubs, mais il faut surtout s’inquiéter du manque de compétitivité des clubs professionnels français.

En effet, ne nous y trompons pas. En dépit des salaires parfois indécents versés aux sportifs professionnels, notamment aux footballeurs, les clubs professionnels français ne sont pas des groupes « ultracapitalistiques » aux taux de rentabilité vertigineux. Nombre d’entre eux sont déficitaires en fin d’exercice.

Qu’on le veuille ou non, le sport professionnel est devenu un spectacle, dont l’objet est la rentabilité. Mais il continue à jouer un rôle essentiel pour les collectivités territoriales : les clubs assurent une notoriété très importante aux communes dans lesquelles ils sont implantés. Ils créent un ciment d’identification locale ; ils créent également du lien social en raison de la mixité dans les stades et de l’atmosphère qui y règne la plupart du temps. Il suffit d’assister à un match au Stade Vélodrome de Marseille dans le virage sud pour s’en convaincre ! Le sport professionnel tend aussi à renforcer la pratique sportive de la population.

Enfin, et surtout, le stade lui-même est « un outil de développement de l’attractivité des villes et des territoires et un facteur de contribution à la croissance économique » de ces mêmes territoires.

Quelles sont donc les causes de l’archaïsme de nos stades ?

Premièrement, elles sont historiques.

La spécificité française la plus marquante est la gestion publique des stades. Ils sont historiquement la propriété de la collectivité territoriale d’implantation dans 90 % des cas, contre 59 % dans l’Europe élargie.

Or la coexistence entre l’obsolescence des stades et la propriété publique n’est pas une coïncidence. Il y a, bien évidemment, un lien direct. Le rapport de Philippe Séguin montre que le stade, dans notre pays, est davantage perçu comme un enjeu politique que comme un centre de ressources et de profits.

Plus certainement, à partir du moment où le club résident est un simple locataire, dépourvu de droits réels et de marges de manœuvre sur la gestion du stade, il n’a que peu d’intérêt à exploiter l’équipement sur le plan économique, à y attirer des spectateurs et à moderniser l’infrastructure. Et même si le club souhaite effectuer des améliorations, il est souvent confronté à l’incapacité financière de la collectivité à rénover, voire simplement à entretenir l’installation sportive. Le sénateur qui vous parle a vécu le véritable miracle de l’accession du club Arles-Avignon en première division. Nous avons dû mettre aux normes notre stade afin d’obtenir une capacité de 17 000 places. Cette opération a coûté à la collectivité municipale 8 millions d’euros nets, une somme qui pèse lourd sur le budget municipal d’une ville comme Avignon et est difficile à résorber.

Deuxièmement, les causes de cet archaïsme sont juridiques.

Il n’existe, en effet, aucun cadre unique adapté à l’ensemble des projets, le choix dépendant de chaque situation : rénovation ou construction, maîtrise d’ouvrage publique ou privée, mode de financement…

La maîtrise d’ouvrage publique, la MOP, est un outil simple, mais de moins en moins utilisé en raison de la lourdeur de la gestion de tels projets comme du contexte financier délicat des collectivités locales, qui paient, dans ce cas de figure, l’intégralité des travaux. De plus, la MOP ne laisse aux clubs qu’un rôle secondaire.

Parmi les stades concernés par l’organisation de l’Euro 2016, le Stadium de Toulouse et le Stade Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne seront rénovés selon cette formule, qui demande un investissement très lourd aux collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la commune, de l’établissement de coopération intercommunale, l’EPCI, du département, voire de la région.

À l’inverse, les concessions et les contrats de partenariat permettent de confier à un prestataire la gestion du projet dans son ensemble et d’étaler les investissements publics dans le temps. Néanmoins, les clubs n’ont toujours pas la maîtrise du projet ni de droits sur l’infrastructure.

À mon sens, les deux régimes juridiques les plus à la mode, les mieux adaptés, sont donc les partenariats public-privé, le PPP, et les baux emphytéotiques administratifs, les BEA.

Le PPP permet d’associer la collectivité, l’opérateur et le club à la vie quotidienne du stade, aux conditions de son exploitation, et de partager les coûts et les recettes. Il semble que cette formule soit notamment adaptée en cas de construction d’un nouveau stade. Quatre stades concernés par l’Euro 2016 sont ou seront rénovés ou construits dans ce cadre : le grand Stade de Lille, le nouveau Stade bordelais, celui de Nice et le Stade Vélodrome de Marseille.

Le bail emphytéotique administratif séduit par sa souplesse et par la possibilité qu’il offre au club de mener une exploitation ambitieuse du stade. La collectivité reste propriétaire et peut imposer le respect d’un certain nombre de règles. Cependant, un flou juridique entoure encore les BEA.

La présente proposition de loi a pour objet principal d’assouplir le régime juridique des BEA, conformément aux propositions du rapport de Philippe Séguin, notamment en raison des spécificités entourant son mode de financement. Les travaux de rénovation du Parc des Princes, du Stade Félix-Bollaert de Lens et du Stade Marcel-Picot de Nancy devraient être exécutés selon cette formule.

Parlons, enfin, des constructions entièrement privées dont le modèle juridique ne pose pas de problème particulier. Il est surprenant de constater combien ce type de projets est difficile à monter. L’exemple lyonnais en témoigne. Pour autant, ces difficultés sont dues le plus souvent, j’en suis convaincu, à des causes extra juridiques.

Bref, il est encore difficile de construire des stades en dépit du rôle majeur que ces derniers jouent en matière de compétitivité du sport professionnel et d’aménagement du territoire.

La commission de la culture considère donc que l’organisation en France de l’Euro 2016 est une opportunité historique à saisir pour rénover et moderniser les stades de notre pays.

Le député Bernard Depierre, auteur de la proposition de loi, a choisi de mettre en place une forme « d’expérimentation significative d’un nouveau mode de financement des grandes infrastructures nationales », dont nous approuvons pleinement à la fois la forme et le fond.

Le cahier des charges de l’UEFA est, certes, exigeant, mais il correspond, selon moi, à des besoins réels de la France.

Neuf stades au moins doivent être proposés dont deux comptant au moins 50 000 places – nous les avons déjà ; ce sont le Stade de France et le Stade Vélodrome de Marseille –, quatre comptant 40 000 places – Lens, Paris, Lille, Bordeaux et Lyon – et quatre comptant 30 000 places – Nice, Saint-Etienne, Toulouse, Nancy. Il sera, à mon sens, assez aisé de remplir ces obligations.

Trois types d’exigences sont, ensuite, définies : spatiales, techniques et fonctionnelles. Les points noirs des équipements français, conséquences de leur ancienneté, sont les espaces dits « hospitalité » et le bloc « tribunes de presse et installations médias ».

Les travaux de rénovation se concentreront donc sur ces objectifs qui sont, en outre, des éléments majeurs de la rentabilité future de ces stades.

Le confort des stades n’est pas non plus adapté au cahier des charges de l’Euro 2016. Leur aménagement ne pourra qu’être un facteur d’attraction des familles dans les enceintes sportives et, donc, d’amélioration des performances économiques de ces derniers.

Outre que les rénovations auront un impact favorable sur la compétitivité du sport professionnel français, l’Euro 2016 aura en lui-même des conséquences économiques positives et importantes sur l’ensemble du territoire national.

Les dispositions prévues par la présente proposition de loi devraient permettre de débloquer un certain nombre de dossiers. Comme je l’ai indiqué précédemment, la voie la plus prometteuse en matière de rénovation des stades, pour des raisons historiques et culturelles, est le financement mixte entre le public et le privé.

Les deux premiers articles de cette proposition de loi vont donc dans le bon sens puisqu’ils prévoient d’assouplir la capacité d’intervention des collectivités territoriales dans le domaine des BEA et des subventions.

L’article 3 de la proposition de loi prévoit également un dispositif pertinent en ce qu’il favorise le recours à l’arbitrage pour certains contentieux concernant les stades qui accueilleront l’Euro 2016. Cette procédure est évidemment beaucoup plus souple et beaucoup plus rapide que les procédures judicaires traditionnelles.

Je suis convaincu que les dispositifs dérogatoires, notamment ceux qui sont prévus aux articles  1 et  3 de la proposition de loi, ont un réel avenir et que leur utilisation dans le cadre de l’Euro 2016, justifiée par l’urgence de la situation, sera un test « grandeur nature » parfait pour savoir s’ils devront ultérieurement être étendus à l’ensemble des stades et des enceintes sportives de notre pays. La vétusté de nos équipements sportifs l’impose.

Je suis même convaincu que notre réflexion sur les stades et, plus largement, sur l’ensemble des équipements sportifs, est loin d’être terminée. D’autres mesures en matière de facilitation de procédure et d’amélioration du cadre juridique seront certainement à examiner à l’avenir. Des véhicules législatifs concernant les sports devraient nous permettre de reprendre ce débat, en particulier à la lumière du bilan de l’Euro 2016.

En attendant, mes chers collègues, la commission de la culture a adopté ce texte sans le modifier. Il constitue un impératif pour moderniser enfin nos équipements sportifs et en faire plus que des lieux de sport : des lieux de spectacle, des lieux de vie, des lieux de rassemblement et des lieux de mixité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis, pour ma part, tout à fait partisan des conclusions du rapport Séguin. Néanmoins, cette proposition de loi m’interpelle. Alors que le rapport Séguin concerne l’ensemble des structures sportives, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise le football. Pourquoi faire un tel choix ? Par ailleurs, ne sont concernées que les infrastructures bénéficiaires de l’Euro 2016.

Je le dis d’emblée très clairement : je ne suis ni spécialement favorable ni spécialement défavorable au football. Je constate néanmoins qu’il s’agit de l’un des sports qui draine les masses financières les plus importantes.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean Louis Masson. De surcroît, le comportement de nos représentants lors de la dernière Coupe du monde a été lamentable ! Pourquoi créer de la discrimination en faveur de cette discipline et faire un cadeau à des personnes qui se sont très mal comportées, et qui brassent des millions, voire des milliards ? C’est un sport où il y a beaucoup plus d’argent que dans n’importe quel autre sport ! Bref, ce texte établit une différence de traitement dont nous ignorons le fondement.

Pour ma part, je le dis haut et fort : lorsqu’on fait une loi, elle doit être pour tous. Une loi sur les enceintes sportives ne saurait être réservée à des gens déjà financièrement beaucoup plus privilégiés que d’autres, à des gens dont le comportement lamentable et affligeant a porté atteinte à l’image de la France.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela s’appelle un penalty !

M. Jean Louis Masson. Par ailleurs, la façon dont cette proposition de loi nous est présentée est parfaitement scandaleuse. Ce texte viole l’article 40 de la Constitution !

Il existe en France un certain nombre de lois. Il y a une loi supérieure, qui est la Constitution. Il est impensable que l’on puisse faire circuler de manière subreptice un texte qui viole la Constitution en créant des dépenses supplémentaires pour l’État.

Ce n’est pas que je ne veuille pas voter le principe. Mais la proposition de loi que nous examinons enfreint délibérément l’article 40 de la Constitution, personne ne peut le nier. Or j’ai déposé un amendement qui a été refusé au titre de l’article 40. Si ce texte est acceptable, qu’il nous soit également permis de déposer nos amendements sans leur opposer l’article 40 ! Il y a là un véritable problème en matière de droit parlementaire. Pourquoi n’avez-vous pas présenté un projet de loi ? User de cet artifice au détriment des fondements mêmes de la démocratie me paraît tout à fait aberrant !

Ce plus, ce texte crée trois catégories au sein des clubs de football : ceux qui ont postulé pour l’Euro 2016 sans avoir été retenus ; ceux qui ont postulé, ont été présélectionnés, mais ne seront pas retenus ; ceux qui seront effectivement retenus.

S’il y a urgence, il faut, à mon sens, légiférer pour ceux qui seront réellement choisis, et non pour les autres catégories.

Tant qu’à prévoir une dérogation – j’y suis opposé, pour ma part, mais pourquoi pas ? –, faisons-le uniquement pour ceux qui participeront réellement à l’Euro 2016. Ou alors, si l’on veut voir plus large, faisons un texte pour tous ceux qui ont postulé, et pas seulement pour les présélectionnés qui ne seront pas retenus !

Ici, c’est un peu comme si au concours d’entrée de l’ENA ou de l’École polytechnique les admissibles bénéficiaient d’une situation plus favorable que ceux qui sont retoqués dès le départ, au seul motif que ces derniers ont espéré plus longtemps une admission !

Enfin, cette proposition de loi est contraire au principe d’égalité de traitement. Les clubs de football sont des agents économiques, au sens général du terme. Or ce texte pose un problème de rupture d’égalité entre concurrents, sur le plan national comme sur le plan européen. Lors du championnat d’Europe de football, certains bénéficieront de royalties et seront donc avantagés par rapport à d’autres qui n’en recevront pas.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean Louis Masson. Cette proposition de loi est du travail de boutiquier ! Bien évidemment, je voterai contre.

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)