M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est la mémoire du risque !

M. François Fortassin. Il convient de rétablir cette mémoire du risque, comme le dit M. le rapporteur, qui a tendance à s’estomper.

Il est dès lors fondamental de tout mettre en œuvre pour faire face à ces phénomènes climatiques violents. À défaut de pouvoir les contenir, il faut être en mesure de les prévoir et d’en minimiser les dégâts, en anticipant au mieux toutes leurs conséquences. Pour cela, la prévention et la préparation sont essentielles. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’une fois passé le pic de la crise, l’enjeu primordial est aussi de rétablir au plus vite la distribution de l’électricité et de l’eau, les télécommunications ainsi que les liaisons routières et ferroviaires.

Permettez-moi, mes chers collègues, de formuler une remarque sur ce point. Quelquefois, le mieux peut être l’ennemi du bien. Nombreux sont ceux qui croient, au-delà d’un point de vue esthétique, que l’enfouissement des lignes électriques est la panacée et permettra de résoudre tous les problèmes. Or, généralement, les désordres constatés sur des lignes aériennes sont rétablis en une dizaine de jours. En revanche, si les lignes sont enfouies, les dégâts résultant de glissements de terrain, voire de simples mouvements du sol, moins facilement décelables, risquent de n’être réglés qu’au bout de plusieurs mois. Par conséquent, soyons extrêmement prudents !

Afin de faire évoluer la législation au plus vite, une mission commune d’information, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, a été créée au Sénat immédiatement après la tempête Xynthia. Je tiens à féliciter et à remercier son président, Bruno Retailleau, ainsi que son rapporteur, Alain Anziani, de leur gestion admirable de ses travaux et de la qualité de leur réflexion approfondie et aboutie.

Comme eux, je veux à mon tour souligner la sérénité et l’objectivité qui ont présidé aux dizaines d’auditions menées par la mission, permettant ainsi une réflexion sans tabou.

Nous avons désormais pris conscience qu’il est indispensable de promouvoir une approche globale du risque de submersion marine, auquel la France est très mal préparée. Jusqu’à ce jour, les plans de prévention des risques d’inondation n’ont traité cette problématique que sous l’angle des crues, ce qui est insuffisant.

Les plans de prévention des risques ont été créés en 1995 par la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier ». Ce point ayant été rappelé précédemment, je n’insisterai pas.

Globalement, la culture du risque est jusqu’à présent quasiment inexistante dans notre pays. Espérons que les deux propositions de loi identiques y remédieront.

Ces deux textes sont primordiaux. Les travaux de la commission de l’économie et de la commission des lois ont permis de les fusionner, tout en apportant des améliorations importantes.

Soulignons, surtout sur des sujets majeurs comme ceux que nous traitons ce jour, le consensus politique qui s’est dégagé, ce qui est relativement rare. Lorsqu’il existe, nous devons nous en féliciter.

La proposition de loi que nous examinons aborde les questions du droit des sols, des ouvrages de protection, de l’indemnisation des victimes.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de vous livrer une réflexion de bon sens, allant au-delà de l’examen de ce texte, et de formuler une suggestion qui concerne tous les dérèglements climatiques et dont le coût serait peu onéreux. Loin de moi l’idée d’abattre des chênes tricentenaires, mais force est de constater que nombre de dégâts sont liés à des chutes d’arbres. Si vous élaboriez un décret interdisant toute plantation arborée à moins d’une certaine distance des espaces bâtis et des lignes électriques, en limitant leur hauteur à six ou huit mètres, par exemple, de nombreux dommages matériels, voire des pertes humaines, seraient évités. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à mon tour, je veux souligner à quel point les membres du groupe CRC-SPG ont été marqués par les conséquences humaines de la submersion marine liée à la tempête Xynthia et impressionnés par les services de secours qui sont intervenus sur le terrain.

Cette catastrophe a confirmé l’insuffisante culture du risque des régions littorales et les déficiences en matière d’urbanisme que la loi Littoral n’est pas parvenue à endiguer.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est le résultat des réflexions de la mission commune d’information et son intitulé traduit ce que tous ses membres ont ressenti sur le terrain, à savoir la nécessité de veiller à ce que l’aménagement intègre mieux la protection des vies humaines face aux risques.

Bien entendu, nous le savons tous, le risque zéro n’existe pas ! De ce point de vue, peut-être faudrait-il mieux identifier le risque considéré comme acceptable par la société aujourd'hui.

Le traitement spécifique mais intégré du risque de submersion marine avec les autres risques naturels me semble constituer une réponse à nos interpellations. En effet, envisager un risque requiert une vision large, car certains risques ont des conséquences sur d’autres, et les différents milieux ne sont pas imperméables les uns aux autres. Ainsi, comme le disent souvent les techniciens de ces domaines, l’effet domino est bien souvent très lourd.

Prendre également en compte l’érosion qui fragilise le littoral et qui peut accroître le risque de submersion marine et parler de « risques littoraux », c’est, selon moi, une bonne chose. Il est aussi indispensable de travailler sur la prévision de tels phénomènes de submersion, comme le suggèrent les auteurs du présent texte. Leur prévention, notamment par le biais d’un recensement et d’une évaluation du fonctionnement des ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines, est également essentielle. C’est pourquoi – j’insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, par expérience – l’analyse des risques ou, si vous voulez, l’étude de danger réalisée par les services de l’État doit associer les élus concernés et tous les acteurs de terrain, y compris la population.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tout à fait d’accord !

Mme Marie-France Beaufils. En outre, l’idée selon laquelle la prise en compte des risques doit rester en permanence dans l’esprit de chacun doit être promue.

Je constate avec satisfaction que tel est l’objectif du texte, issu de deux propositions de loi identiques, que nous examinons aujourd'hui.

La nécessaire adaptation du droit des sols au risque de submersion marine constitue également un chapitre important de cette réforme, qui tire les conséquences des anomalies que nous avons constatées sur le terrain. Pour les collectivités concernées, l’interdiction des permis tacites dans les zones exposées aux risques naturels est l’un des aspects importants de la gestion de leur territoire.

J’émettrai cependant un certain nombre de réserves.

Si je ne nie pas que les collectivités locales ont une part évidente de responsabilité en matière de prévention des risques, le transfert d’un certain nombre de prérogatives sans les financements correspondants ne me semble pas une bonne idée.

En juin 2010, j’étais intervenue pour souligner l’absence de ressources humaines mises à disposition des petites communes pour la réalisation de leurs plans communaux de sauvegarde. Or le texte qui nous est soumis précise que les communes disposeront éventuellement de l’appui technique de l’État, qui pourra être délégué au conseil général ou à toute autre collectivité avec son accord.

Malheureusement, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, la RGPP, la révision générale des politiques publiques, a fait fondre sur le terrain les effectifs des services de l’équipement. Face aux difficultés financières des conseils généraux, les communes risquent de se retrouver seules.

En outre, vous renforcez le droit de préemption des départements. Vous proposez de compenser les pertes des bases d’imposition que subissent les collectivités après toute catastrophe naturelle, mais le Gouvernement a déposé des amendements qui visent à abandonner ce mécanisme.

Enfin, vous proposez un dispositif d’expérimentation pour le transfert aux collectivités de la propriété d’ouvrages de défense contre la mer.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez formulé cette dernière proposition, car la propriété des ouvrages de protection contre les submersions marines, vous le savez, est un problème complexe et récurrent.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Tout à fait.

Mme Marie-France Beaufils. Toutefois, si nous nous contentons d’inciter les collectivités à demander des transferts de propriété, avec toutes les contraintes de gestion afférentes, sans leur donner les financements pérennes nécessaires pour y faire face, ces mesures ne pourront devenir effectives !

Pour renforcer le droit de préemption des communes dans les zones définies par les plans de prévention des risques naturels prévisibles, il faut donner à ces collectivités les moyens de garder ces territoires classés en zones dangereuses. En effet, nous le savons tous, des espaces non entretenus et inconstructibles sont très vite « habités » par des occupants sans titre – nous ne manquons pas d’exemples en la matière.

Pour financer ces propositions, ce texte tend à élargir la possibilité d’augmenter à 20 % le taux de la part communale de la taxe d’aménagement au motif de création ou de réhabilitation d’ouvrages de protection contre les crues et les submersions marines.

Mes chers collègues, ajouter une nouvelle strate à une taxe qui n’est même pas encore entrée en vigueur et dont le montage complexe ne manquera pas de poser des difficultés ne me semble pas constituer une réponse appropriée. Toutefois, la discussion de ce texte apportera peut-être des éclaircissements à cet égard.

Le préfet aura un rôle important dans la mise en conformité des SCOT, des PLU et des cartes communales. Cependant, là encore, les moyens humains des services préfectoraux sont-ils suffisants pour exercer tous ces contrôles et ces révisions de plans et de schémas ? Pour faire respecter l’interdiction des permis tacites en zone dangereuse, il faudrait affecter un nombre plus important de personnes à l’examen des permis de construire et à l’instruction des autorisations du droit des sols. L’urbanisme français souffre toujours de la révision générale des politiques publiques, appliquée de façon abrupte et, bien souvent, sans discernement.

Enfin, je m’interroge sur les modifications que vous voulez apporter au régime CAT-NAT, c'est-à-dire relatif aux catastrophes naturelles. Une réforme est en cours, comme M. le rapporteur l’a signalé. Dès lors, pourquoi avoir proposé de transformer le plafond du prélèvement sur le produit des cotisations additionnelles de 12 % en un seuil fixe de 14 %, alors que l’article 18 de la proposition de loi, qui prévoyait de déterminer les modalités de calcul de la cotisation ou prime additionnelle par décret, a été supprimé lors de l’examen en commission, précisément parce qu’une réforme de ce régime était envisagée ?

Là encore, l’examen des amendements nous aidera peut-être à mieux cerner la situation.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce sera le cas !

Mme Marie-France Beaufils. Nous manquons clairement de visibilité sur les recettes de cette cotisation additionnelle à la cotisation principale des assurances qui est destinée à garantir le risque de catastrophe naturelle.

Monsieur le secrétaire d'État, que devient l’excédent qui ne sert ni à financer le fonds Barnier ni à indemniser les victimes ? Quel est son montant ? Jusqu’où pourra-t-on augmenter le taux de prélèvement sur ces cotisations additionnelles sans accroître la facture de l’assuré ? Telles sont les questions que nous nous posons, d’autant que, il faut s’en souvenir, lors de la grande sécheresse de 2003, certaines des ressources de ce fonds avaient été reversées au Fonds de garantie des assurances ou à l’État.

Le régime CAT-NAT doit rester solidaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Néanmoins, il nous faut nous interroger. Ne devons-nous travailler que sur la réparation des dommages ? N’est-il pas indispensable d’imposer des obligations lors de la construction de biens ? Ne serait-il pas intéressant d’introduire des modulations sur le montant de la prime d’assurance dont bénéficieraient les propriétaires qui respectent des contraintes spécifiques pour la construction de leur bien, et cela afin d’atténuer leur vulnérabilité aux risques ? Ces mesures, que je propose aujourd'hui, je les ai aussi défendues devant les responsables des sociétés d’assurance.

La construction d’une maison sur pilotis ou simplement comportant un étage dont le niveau est supérieur à celui des plus hautes eaux connues entraîne des coûts supplémentaires, certes. Toutefois, nous le savons, un bien qui a été mieux conçu, en y intégrant le risque, est aussi moins dégradé en cas de catastrophe.

Ce système incitatif, qui pousserait les propriétaires à faire le choix de l’adaptation à leur environnement et de la prévention des risques, participerait du nécessaire apprentissage de la culture du risque par tous les acteurs : habitants, entreprises, élus.

Par ailleurs, je regrette le silence du texte sur la loi Littoral. En effet, cette dernière a tout de même été significativement amoindrie en 2005 ; il serait temps de revenir sur les assouplissements accordés alors. En effet, l’affaiblissement et le contournement de la loi Littoral ont aussi accru les risques encourus par les populations.

La pente naturelle qui consiste à oublier l’existence de risques sur la côte, du fait de l’attrait de celle-ci, de son climat souvent clément, de la proximité des plages, de l’intérêt, y compris économique, que trouvent nos concitoyens à s’y installer, pose véritablement problème. Il convient de diffuser, ou de réintroduire, cette culture du risque dans les régions littorales.

Je terminerai mon intervention en soulignant que la culture du risque reste insuffisante dans notre pays.

La création d’une journée nationale de prévention des risques naturels est sans doute un premier pas, même s’il est modeste. Encore faut-il donner du sens et de la lisibilité à un tel événement et le coordonner avec les dispositifs existant à l'échelon international, qui sont brièvement évoqués dans le rapport pour avis de la commission des lois. Nous proposerons d'ailleurs un amendement en ce sens.

Au-delà, je me dois de répéter les propos que j’avais déjà tenus devant la mission d’information : il est indispensable de prévoir des temps de formation, non seulement pour les enseignants chargés de la sensibilisation et de l’éducation au risque, mais aussi pour les élus locaux, dont la responsabilité est de plus en plus souvent engagée en la matière. Tant qu’aussi peu d’acteurs se seront appropriés cette question sur le terrain, ce ne sera pas en décrétant une journée nationale de la prévention des risques naturels que cette dernière deviendra subitement effective et qu’elle sera appréhendée par tous.

Si les deux propositions de loi identiques ont le mérite de répondre au drame de la tempête Xynthia – elles visent à améliorer un certain nombre de dispositions des codes de l’urbanisme et de l’environnement afin de rendre plus cohérente l’articulation des documents d’urbanisme avec les plans de prévention des risques – et de donner aux préfets davantage de possibilités pour agir et participer à la réduction de ces risques, l’essentiel des efforts de financement est laissé aux collectivités.

En outre, une fois de plus, les ressources qu’il est prévu de mobiliser ne sont pas pérennes. Ainsi, un certain nombre de mesures seront malheureusement inopérantes. Pis, elles risquent d’être vécues par les collectivités comme un nouveau fardeau si celles-ci ne se voient pas attribuer des moyens supplémentaires.

Ce texte marque une étape, me semble-t-il, mais il faut accorder les ressources financières et humaines nécessaires et définir les mesures que notre société est prête à mettre en œuvre pour que soit intégré le risque, dès le stade de l’aménagement de nos territoires et de la construction des bâtiments.

Faute de réponse à ces questions, nous nous abstiendrons sur ce texte, même si nous souscrivons à ses orientations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que sénateur de Vendée et élu local, j’ai été particulièrement bouleversé par les conséquences de la tempête Xynthia, qui a sévi sur le territoire du département où j’exerce mes responsabilités, le 28 février 2010.

La conjonction de vents violents et de fortes marées a causé d’importantes inondations, qui ont elles-mêmes provoqué de lourds dégâts matériels ainsi que le décès de cinquante-trois personnes.

Deux mois plus tard, des inondations dans le Var ont fait encore vingt-cinq morts. Nous n’oublions pas toutes ces victimes, ni les familles si durement éprouvées. À mon tour, je veux remercier chaleureusement tous ceux qui ont porté secours ou participé à cet immense élan de solidarité, qui a fait tant de bien.

La violence des événements climatiques susceptibles d’entraîner une submersion marine des territoires situés sur le littoral doit retenir toute notre attention afin d’en limiter les effets sur les populations, faute de pouvoir agir sur les causes.

Comme dans toute situation de crise, les uns et les autres ont pu chercher à se décharger de leurs responsabilités : les services de l’État, les élus locaux, les promoteurs immobiliers ou les propriétaires. Tout le monde a tort et raison à la fois, puisque, en réalité, les responsabilités sont partagées. J’y insiste, car c’est ma conviction : il y a eu des insuffisances et des carences à tous les échelons en matière d’évaluation et de gestion du risque.

Certaines premières mesures d’urgence ont été prises, notamment le classement de centaines de maisons en zones « noires », rebaptisées ensuite « de solidarité », ou « jaunes ». Il s’agit maintenant de régler le problème au fond, d’anticiper ces phénomènes et d’en réduire les effets par des mesures concrètes.

L’examen de la présente proposition de loi, un peu plus d’un an après la catastrophe, est ainsi d’une importance capitale pour nos territoires et leurs habitants, afin que ces événements ne se reproduisent plus. Rien ne devra être comme avant Xynthia !

Avant tout, je tiens à saluer l’initiative du président du Sénat Gérard Larcher …

Mme Nathalie Goulet. Excellent ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Merceron. … et des élus de Charente-Maritime et de Vendée, qui ont décidé, dès le 10 mars 2010, soit dix jours à peine après les événements, de constituer une mission d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

Je remercie tout spécialement nos collègues Bruno Retailleau, président de la mission d’information et rapporteur de la proposition de loi, et Alain Anziani, rapporteur de la mission d’information. L’efficacité du travail de cette structure a conduit, dans un calendrier resserré – trois mois ! –, à l’élaboration d’un rapport, dont les propositions, loin de rester dans un tiroir, ont été reprises dans le présent texte. Néanmoins, le temps de l’écoute et de la réflexion n’en a pas été écourté.

Cette proposition de loi, en cherchant à consolider une « chaîne de gestion du risque » en ce qui concerne tant la prévision que la prévention et la protection, prend en effet directement la suite des conclusions de notre mission d’information.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec conviction et émotion que j’apporte mon soutien et celui des sénateurs de l’Union centriste à cette proposition de loi.

D’une manière générale, je me félicite du travail de la mission et de la commission sur ce texte, pour sa méthode comme pour son esprit.

Parmi cet ensemble cohérent, je souhaiterais souligner certaines mesures qui, à mes yeux, doivent retenir plus particulièrement l’attention.

Je suis convaincu que le plan gouvernemental « Submersions rapides » permettra une approche globale efficace de la gestion des risques littoraux. J’apprécie notamment l’implication dans sa mise en œuvre de différents acteurs – ministères, autorités déconcentrées et élus locaux –, dans une perspective de responsabilité partagée et en vue de réduire la vulnérabilité des zones concernées.

Je pense également que le plan de prévention des risques d’inondation, destiné à s’appliquer à la fois aux cours d’eau en crue et aux littoraux, constitue un outil indispensable.

L’élaboration de plans de gestion des risques d’inondation, applicables pour chaque bassin homogène, permettra, pour sa part, de mettre en place une stratégie globale de prévention, de protection et de préparation aux situations de crise.

L’ensemble de ces outils constitue une avancée considérable par rapport aux plans actuels de prévention des risques.

D’autres mesures importantes viennent utilement renforcer la chaîne de gestion des risques. Je pense notamment aux dispositions qui concernent les digues. Je rappelle que la commune de La Faute-sur-Mer, village sinistré situé en dessous du niveau de la mer, était protégée par des digues, notamment celle de L’Aiguillon-sur-Mer. Encore faut-il que ces ouvrages soient correctement entretenus. Il est donc indispensable de veiller à ce que, tous les six ans, l’État élabore un plan d’action concernant les digues, à l’instar de ce qui se pratique aux Pays-Bas.

Je regrette seulement que l’épineuse question du morcellement de la propriété et de la gestion des digues n’ait pu être résolue. Il est en effet dangereux que de tels ouvrages ne soient pas la propriété de l’État ou celle d’une collectivité territoriale. On imagine sans peine la tentation pour chaque partie prenante de faire l’économie de mesures d’entretien coûteuses en renvoyant aux autres la charge et la responsabilité de celles-ci.

Il me paraît important que nos débats abordent cette question. La gestion locale opérationnelle de proximité doit être maintenue, tant pour la surveillance que pour l’entretien.

M. Charles Revet. C’est très important !

M. Jean-Claude Merceron. En revanche, je suis satisfait de voir que le Gouvernement a déposé un amendement visant à permettre le financement à hauteur de 40 % du fonds Barnier dans le cas où les communes chargées de l’entretien des digues ont souscrit un plan de prévention des risques.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Claude Merceron. Cela accélérera, à coup sûr, le programme de rénovation de ces ouvrages, avant même que le PPR ne soit définitivement adopté.

Une autre série de mesures que je souhaiterais souligner a trait à la primauté de la prévention des risques sur le droit de l’urbanisme.

On connaît la difficulté rencontrée par les préfets pour faire appliquer certaines précautions urbanistiques dans des zones fortement touchées par la tempête. La mission d’information avait donc recommandé un aménagement et un développement de l’espace littoral adapté au niveau du risque de submersion marine.

La proposition de loi, telle que la commission l’a réécrite, vise à ce qu’aucun PLU, SCOT ou carte communale ne puisse autoriser des constructions interdites par le plan de prévention des risques. Le texte n’est pas seulement un guide de bonnes pratiques, il s’attache aussi à la bonne exécution des mesures qu’il prescrit.

Ainsi, les pouvoirs de substitution du préfet à la commune, si celle-ci ne modifie pas un PLU contraire au plan de prévention des risques, m’apparaissent-ils comme absolument nécessaires.

Pour conclure, je rappellerai que, s’il faut avoir conscience des risques qui nous entourent, il n’est ni possible ni souhaitable de s’empêcher de vivre sur notre littoral.

Chacun connaît l’importance des ressources touristiques pour les collectivités installées sur le littoral. La proposition de loi ne doit pas empêcher que le littoral puisse, au même titre que la mer, être mis en valeur dans le cadre du schéma de cohérence territoriale.

Les maires doivent pouvoir organiser ce développement au travers d’un document de planification du développement du littoral, en cohérence avec le plan de prévention des risques. C’est d’ailleurs l’objet d’un amendement que je soumettrai à notre discussion et qui me semble un bon vecteur pour conduire l’aménagement économique du littoral en prenant correctement en compte les risques de submersion marine.

Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les propos liminaires que je souhaitais vous faire partager.

Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste apportera un soutien ferme à la présente proposition de loi et se félicite de l’excellent travail qu’a effectué sur ce texte notre commission, notamment son rapporteur. Cette proposition de loi constitue une réponse adéquate et attendue de la part des élus, des habitants et des familles des victimes de submersions marines.

En mettant en place la mission sénatoriale d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, nous nous étions engagés vis-à-vis de la population victime en disant : « Rien ne sera comme avant Xynthia ! ». La proposition de loi, qui, je l’espère, sera adoptée, le permettra assurément. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cela a été dit avec beaucoup de force par nombre d’intervenants : il faut que les choses bougent ! Je ne saurais mieux dire.

Voilà un texte d’une extrême importance, un immense défi à relever et, d’emblée, je voudrais avoir une pensée pour les victimes et leurs familles.

Je tiens aussi, dès cet instant, à rendre un hommage appuyé à la mission commune d’information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, à ses membres, bien sûr, et, plus particulièrement, à son président, Bruno Retailleau, et à son rapporteur, Alain Anziani.

Je veux d’abord les féliciter pour la qualité de leur rapport intitulé Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames. Tout est dit en quelques mots. Il est en effet très vrai que, si les catastrophes naturelles ne peuvent être évitées, les drames que celles-ci provoquent pourraient, eux, souvent l’être.

Voilà, en tout cas, une initiative qui aura déclenché une vaste réflexion collective pour comprendre ce qui s’est passé et faire en sorte que de tels drames ne se reproduisent plus.

Je veux ensuite féliciter Bruno Retailleau et Alain Anziani pour leur initiative visant à formaliser, par ces deux propositions de loi, les recommandations de nature législative de la mission. Je pense en effet qu’il était capital de tirer toutes les conséquences de ces catastrophes naturelles, tout en faisant, comme cela a été dit, « un juste partage entre la fatalité, d’une part, et la prévention des risques, d’autre part ».

Globalement, le groupe socialiste est favorable à ces deux propositions de loi et aux principales dispositions qui nous sont soumises, à quelques remarques près, qui justifient d’ailleurs nos amendements. J’espère que, à l’issue de notre discussion, on pourra dire, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur le rapporteur, qu’il y a eu un avant et un après Xynthia.

Notre pays est de plus en plus souvent confronté à des phénomènes météorologiques extrêmes et, donc, à de nombreuses inondations ou submersions marines. Je citerai, à titre d’exemple, la tempête Xynthia en Charente-Maritime et en Vendée, les récentes inondations dans le Var ou encore les terribles inondations dans l’Aude, en 1999. Dans tous les cas, ils ont provoqué des drames et des traumatismes durables. D’ailleurs, l’Aude, sur l’initiative de son conseil général et de son président, Marcel Rainaud, a, depuis lors, lancé un très important plan de prévention des crues : 130 PPRI et autant de plans communaux de sauvegarde.

Cela dit, la multiplication de ces phénomènes météorologiques liés au dérèglement climatique, qui ne vont malheureusement aller qu’en s’aggravant, doit impérativement et urgemment être prise en compte, notamment dans cette spécificité des risques que sont les submersions marines. En effet, jusqu’à présent, les plans de prévention des risques consacrés aux inondations ne traitent que des seuls risques de crues. Il faut le souligner avec d’autant plus de force que nous assistons, depuis ces dernières années, à un nouveau phénomène, je veux parler de la littoralisation, c’est-à-dire l’accroissement de l’occupation humaine des régions côtières. (M. le rapporteur opine.)

Dans un tel contexte, gardons-nous aussi d’omettre de prendre en compte cet autre phénomène qui résulte du réchauffement climatique : je veux parler de la hausse du niveau des océans et des mers. Ainsi, les extrapolations générales conduisent les chercheurs à prévoir une hausse évaluée entre quarante centimètres et un mètre à l’horizon de 2100 compte tenu des incertitudes concernant l’évolution des régions polaires. Voilà encore un élément à prendre en compte dans la perspective des mesures d’adaptation possibles et de la mise en œuvre des PPRI.

Ne faut-il pas considérer l’interdiction de constructions nouvelles, dans la « bande de cent mètres », comme un minimum ? À ce propos, nous reprenons volontiers l’amendement de M. de Legge. Examiné en commission mais non retenu, il permettrait notamment d’étendre la « bande de cent mètres » par le PLU pour limiter l’exposition des populations aux risques naturels.

Dois-je préciser que, à ces problèmes d’origine plutôt météorologique, il faudrait ajouter la prise en compte de certains autres phénomènes, d’origine géologique, tels que les séismes sous-marins et autres instabilités gravitaires susceptibles de provoquer ces phénomènes que sont les tsunamis ? Nulle mer, nul océan sur la planète n’est à l’abri de ce risque, et la France ne l’est pas davantage ! Il est à noter que ce type de risque est tout à fait distinct, dans ses causes et dans ses effets, de celui qui est relatif aux submersions marines issues des tempêtes.

Ces particularités plaident donc pour une prévention et une gestion particulières de ce risque avec, notamment, des dispositifs d’alerte totalement distincts des dispositifs d’alerte météorologique.

Croyez-moi, chers collègues, de tels phénomènes ne se manifestent pas que chez les autres ! Je laisse chacun libre de son interprétation, mais je tiens à le dire, sur trente ans, la décennie 2001-2010 est celle qui a connu le plus grand nombre d’événements dans le monde. Pour ce qui est de la France, les inondations par crues ou submersions marines arrivent largement en tête des événements dramatiques. On en a relevé cent trente-six en dix ans, comme Alain Anziani l’a rappelé tout à l’heure. Quant à l’année 2010, elle fut l’une des plus meurtrières depuis vingt ans. Qu’en sera-t-il de l’actuelle décennie ?

Et pourtant, une fois retombée l’émotion, l’oubli s’installe trop fréquemment ! Dès lors, entretenir le souvenir de tels drames serait certainement l’une des garanties qu’ils ne se reproduiront pas ou se reproduiront moins, à la condition aussi et surtout que nous développions une réelle culture du risque, comme savaient le faire avec efficacité nos anciens.

Or les nouvelles populations, aux cultures souvent plus urbaines, et au-delà d’elles, les nouvelles générations n’ont plus cette culture du risque. Pourtant, seules les sociétés qui auront su développer une culture des dangers de la nature et de la mer seront suffisamment préparées pour se protéger.

Oui, il importe par-dessus tout de redonner vie à cette culture et de la maintenir vivante, à l’image de certains pays, comme les Pays-Bas ! L’institution d’une journée nationale de prévention des risques naturels devrait, en partie, nous y aider, de même que les exercices de simulation, les actions de sensibilisation de terrain, dans le cadre de la mise en œuvre de plans communaux de sauvegarde destinés à être régulièrement diffusés auprès des populations concernées.

Pour l’heure, le constat est plutôt amer : en permettant à des populations de s’installer dans des zones à risque, force a été de constater qu’un aléa naturel pouvait alors se transformer en désastre. Que n’a-t-on remarqué plus tôt que le territoire français n’était couvert que partiellement par des PPRI et que les communes littorales l’étaient encore moins ! C’est aussi un impératif : l’urbanisme doit, de manière contraignante, s’adapter aux conclusions des PPRN.

Je suis donc très heureux de constater que les deux propositions de loi identiques de nos collègues Retailleau et Anziani apportent suffisamment de réponses aptes à concilier la gestion du risque et l’aménagement de l’espace littoral. À quelques remarques près, nous approuvons, je le répète, l’ensemble des dispositions de ces textes. Effectivement, comme cela a été récemment souligné, il y a une véritable priorité à réduire la vulnérabilité, à améliorer la chaîne prévision-alerte, à porter l’effort sur les plans communaux de sauvegarde et, surtout, à conforter les ouvrages de protection.

Concernant les ouvrages de protection, je m’associe bien volontiers aux fortes demandes de Bruno Retailleau et d’Alain Anziani visant à porter à 40 % le montant de l’aide fournie par le fonds Barnier dans les zones où les PPR sont prescrits, et non plus seulement approuvés.

Se pose aussi un problème majeur : la clarification du régime de propriété des digues. Selon le rapport du Centre européen de prévention du risque d’inondation, le CEPRI, instance présidée par notre collègue Éric Doligé, 3 000 kilomètres sont en bon état et 5 600 kilomètres sont dans un état très dégradé. J’imagine que la proportion doit être la même pour les quelque 500 kilomètres de digues contre les submersions marines. Combien d’années faudra-t-il pour conforter tout cela ? Quinze ans ? Vingt ans ? Et je ne parle pas du casse-tête consistant à trouver les propriétaires ! Trois mille kilomètres de digues seraient sans propriétaires identifiés. Faudra-t-il modifier l’arsenal législatif concernant la reconstitution de propriété et l’organisation de la gestion ?

J’aborde maintenant un autre point, qui porte toujours sur les ouvrages de protection.

À l’article 1er, nous proposerons d’entériner le principe dit de « transparence des digues », selon lequel, dans la délimitation du zonage des PPR, les surfaces qui seraient atteintes par les eaux, si les digues venaient à être rompues ou submergées, doivent être considérées comme inondables. Il s’agit d’éviter une sorte d’illusion de sécurité créée par les digues, ce qui limiterait d’autant la culture du risque.

Il est un autre sujet de préoccupation que nous souhaitons dissiper par voie d’amendement. Nous considérons que le souci de mise en cohérence des aménagements opérés sur un territoire face au risque d’inondation doit aussi viser les infrastructures de transports susceptibles de constituer, dans une zone inondable, un facteur aggravant par le blocage ou le ralentissement de l’écoulement des eaux et, par conséquent, de mettre en danger les populations. Je pense, hélas ! à un exemple bien précis que j’évoquerai lors de l’examen des articles.

Par ailleurs, je salue l’initiative consistant à intégrer, dans l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui définit les dispositions générales communes aux SCOT, aux PLU et aux cartes communales, un nouvel objectif de protection des vies humaines face aux risques naturels majeurs. Jusqu’à présent, cet objectif n’était mentionné que dans le code de l’environnement.

Je salue également la volonté des auteurs de ces deux propositions de loi identiques de « faire coïncider parfaitement la carte du risque et la carte d’occupation des sols ».

Nous partageons aussi le souhait de la commission et de son rapporteur, d’une part, de rétablir dans le texte le droit actuel aux termes duquel les PPR valent servitude d’utilité publique et, d’autre part, de prévoir que toutes les dispositions contraires au PPR doivent être supprimées des PLU, des cartes communales ainsi que des SCOT, selon le souhait de notre collègue Alain Anziani.

Nous souhaitons par ailleurs que les plans communaux de sauvegarde soient mis en place dans les communes littorales, notamment dans les cas où le risque de tsunami serait visé dans le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques.

Bien sûr, les articles tendant à rendre prioritaires les appels d’urgence en cas de crise ou l’article visant à compenser les pertes de bases d’imposition à la suite d’une catastrophe naturelle recueillent notre entier soutien.

J’en viens maintenant à deux points qui n’emportent pas totalement notre adhésion.

Sur le premier, je n’ai plus rien à ajouter aux propos que j’ai tenus en commission, puisque vous avez eu l’heureuse idée, monsieur le rapporteur, de proposer la suppression de l’article visant à moduler les primes et cotisations additionnelles d’assurance en fonction du risque de catastrophe naturelle.