M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble utile de préciser en propos liminaire que la chasse est un sujet si controversé que, parfois, nous sommes amenés à penser que moins on en parle et mieux on se porte !

Le sujet réveille chaque fois les passions des amoureux de la chasse, comme celles des anti-chasse de tout poil, toujours prêts à nous plumer. (Sourires.)

La proposition de loi de notre collègue Pierre Martin, président du groupe Chasse et pêche au Sénat, s’inscrit dans un paysage plutôt apaisé, ce qui ne signifie pas qu’il soit exempt de dangers.

L’article 1er du texte inscrit dans la loi les missions « d’information et d’éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu’en matière de gestion de la biodiversité ».

Ces missions, conduites par les fédérations départementales, sont réelles et ne demandent qu’à croître. Au-delà de la formation au permis de chasser, des interventions auprès des scolaires, des conventions avec le monde agricole, des millions de nos concitoyens utilisent la nature dans le cadre de leurs loisirs, tout en ignorant la diversité qu’elle recèle en matière de faune et de flore.

Sans prétention, et avec d’autres organisations, les fédérations de chasseurs sont particulièrement performantes pour le volet diversité faunistique et l’entretien des milieux où vit la faune sauvage.

Qui mieux qu’un technicien cynégétique pourra vous expliquer quelles espèces vivent cachées dans la nature, quelles sont leurs mœurs, quels indices de présence permettent de les détecter ? Au même titre qu’un mycologue pour les champignons ou qu’un ornithologue pour les oiseaux, leur rôle est essentiel pour une bonne connaissance et une protection intelligente des milieux naturels.

L’article 3 vient compléter ces missions par la reconnaissance du rôle de la chasse en matière de « gestion équilibrée des écosystèmes et de la biodiversité ». Tout se tient dans le mot équilibre et aucun chasseur n’a intérêt à déséquilibrer une espèce en faveur d’une autre, un espace au détriment d’un autre. À ce titre, l’équilibre agro-sylvo-cynégétique illustre bien ce qui doit être fait pour permettre à chacun des chasseurs, agriculteurs et forestiers de cohabiter en bonne intelligence.

Le milieu naturel est constamment façonné par l’homme, par les pratiques agricoles et forestières, modifié par l’évolution de l’urbanisme, restructuré par les différents modes de propriété. Les chasseurs doivent donc à la fois s’adapter à ces évolutions et collaborer avec les différents acteurs pour préserver la biodiversité et la possibilité de pratiquer leur loisir favori.

Chacun le sait, les principaux dégâts causés à la biodiversité ne sont pas liés à la chasse. Les pesticides, les broyages, certaines pratiques culturales, la myxomatose ont tué bien plus que la chasse elle-même.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Sûrement !

M. Gérard Le Cam. Les migrateurs, quant à eux, sont souvent victimes des conditions climatiques et de la modification par l’homme de biotopes qui leur étaient favorables.

Cette reconnaissance de la chasse comme instrument efficace de gestion de la biodiversité encouragera à poursuivre les multiples actions déjà engagées dans les zones humides, pour les différents biotopes, les haies, les cultures à gibier, les jachères fleuries...

L’article 4 précise les responsabilités des différents propriétaires de zones non chassées ou sous-chassées, qui abritent parfois des populations conséquentes de sangliers. Ces derniers provoquent des dégâts importants et coûteux sur des territoires voisins qui sont chassés. Il n’est pas inutile de rappeler que ce sont les chasseurs, via leurs fédérations, qui paient les dégâts de gibier aux agriculteurs dont les cultures sont parfois ravagées.

Les articles 5 et 6 concernent les associations communales de chasse agréées, afin, d’une part, de leur permettre de se regrouper en associations intercommunales de chasse agréées et, d’autre part, d’assouplir les modalités d’adhésion.

Ces deux articles témoignent des difficultés que rencontre le monde de la chasse, dont les effectifs se réduisent. Serons-nous suffisamment nombreux, demain, pour maintenir les équilibres de la biodiversité, pour financer les dégâts de gibier, pour réguler les nuisibles ? C’est une véritable question, un véritable problème pour demain, qui ne doit réjouir personne, dans la mesure où tout ce qui se fait naturellement, aujourd’hui, par les chasseurs pourrait être, demain, à la charge de la société, donc sur notre feuille d’impôt.

Enfin, l’article 7 précise les conditions d’attribution de la diminution de moitié des redevances à régler par les chasseurs prenant leur premier permis.

Cet article permet d’évoquer le manque d’engouement des nouvelles générations pour la chasse. Sans aucun doute faudra-t-il trouver d’autres moyens pour sensibiliser les jeunes à ce sport-loisir, qui en vaut bien d’autres.

La chasse en France aura certainement toujours à imaginer et à créer pour assurer son avenir. La fonte des effectifs de chasseurs est un danger réel ; le rapport qu’a la chasse vis-à-vis de la société évoluera-t-il ou non en sa faveur ?

C’est donc dès aujourd’hui qu’il nous faut anticiper ce que sera la chasse de demain. Nous avons pour l’instant la force du nombre et celle de l’ancrage populaire au sein de nos collectivités locales. Ce texte conforte notamment le rôle de la chasse en faveur de la biodiversité et de l’environnement. C’est dans cette voie qu’il faut poursuivre, en maintenant les équilibres, en réintroduisant des souches naturelles et résistantes pour le petit gibier, en consacrant encore davantage de temps et de moyens à l’entretien des espaces naturels. Une nature morte, c’est très beau sur un tableau, mais une nature vivante dans une ruralité vivante, c’est encore plus beau.

Le groupe CRC-SPG votera cette proposition de loi qui vise à moderniser la chasse. Il reste vigilant, avec son réseau d’élus locaux, pour que la chasse populaire continue d’être accessible et attractive pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Joseph Kergueris applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi qui vise à moderniser le droit de la chasse est constituée de propositions apparues nécessaires pour permettre aux chasseurs l’accomplissement de leur passion dans les meilleures conditions tout en leur reconnaissant une contribution importante à la préservation des territoires.

L’image de la chasse est souvent malmenée, et après les États généraux de la chasse organisés en février dernier par la Fédération nationale des chasseurs, qui ont été un grand succès, la discussion de cette proposition de loi, déposée il y a près d’un an par notre collègue et ami Pierre Martin, contribuera utilement à la rectifier.

En commission, vous l’avez rappelé tout à l’heure monsieur le rapporteur, on se demandait s’il était bien indispensable de soumettre au Parlement pratiquement un texte par an. Je répondrais facilement oui, ne serait-ce que pour dissiper l’image caricaturée qui s’applique trop souvent à la chasse.

Il faut dire et redire l’implication des chasseurs dans l’environnement, et leur importance primordiale dans la gestion de la biodiversité. L’image de l’acteur de la protection de l’environnement et de la régulation des espèces doit s’imposer sur celle du prédateur. La cristallisation de l’opposition entre ruraux et urbains ou entre chasseurs et « protecteurs » n’est pas une solution républicaine.

Il faut donc rappeler sans cesse l’implication des chasseurs dans l’environnement, et c’est l’un des objets de ce texte qui vise, dans un souci pédagogique, à faire reconnaître le rôle de la chasse comme instrument efficace de gestion de la biodiversité.

La chasse est un atout pour la protection de la biodiversité. La présence du petit gibier est par exemple indispensable à la préservation de la chasse dans de nombreux départements. Il est donc nécessaire de disposer d’habitats respectant ce gibier en lui permettant de se reproduire dans de bonnes conditions. Les premiers à défendre le développement et l’agriculture durable dans le respect de la faune sauvage sont les chasseurs.

Je rappelle d’ailleurs que le rôle de régulation des espèces tenu par la chasse est indispensable à la biodiversité.

Une traduction essentielle de cette reconnaissance concerne l’action des chasseurs dans les zones humides. Les chasseurs contribuent incontestablement au maintien et à la gestion de zones humides très importantes pour la préservation de la biodiversité, comme le rappelle dans son rapport notre collègue Ladislas Poniatowski. C’est une réalité trop méconnue. Il était donc souhaitable de favoriser leur action par une exonération de taxe foncière pour les aménagements de chasse, comme c’est le cas pour la gestion d’autres territoires. L’extension de l’exonération de taxe foncière prévue dans le texte est une mesure positive.

Plus généralement, un travail de pédagogie sur le terrain doit être constamment réalisé. La reconnaissance dans ce texte de la mission d’éducation au développement durable et de sensibilisation à la protection de l’environnement confiée aux fédérations départementales de chasseurs est évidemment positive.

La loi était muette sur cette compétence, alors que 81 fédérations sont des associations agréées de protection de l’environnement, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les fédérations de pêcheurs. Cette précision législative nouvelle est d’abord une reconnaissance du travail réalisé sur le terrain par de nombreux bénévoles, en interne dans l’accueil des nouveaux chasseurs et auprès des écoles comme du grand public.

Sur le fond, pour mieux gérer la biodiversité, le texte prévoit des mesures visant à gérer les espaces non chassés ou sous-chassés où certaines espèces se multiplient au détriment des récoltes et d’autres espèces.

L’article 4, qui vise l’indemnisation des dégâts provoqués par le gros gibier dans les territoires non chassés, était d'ailleurs au cœur des discussions de l’assemblée générale des chasseurs du Cher à laquelle j’ai participé samedi dernier ; nous y avons consacré les trois quarts de la réunion.

Ces dégâts liés au grand gibier constituent, vous le savez, un sujet sensible, qui souvent fâche. Je ne le dis pas seulement du haut de cette tribune, mais aussi les deux pieds dans la terre du Berry que je connais bien. Ces dégâts ont tendance à augmenter avec la prolifération du gros gibier, notamment des sangliers ; il suffit de se rendre dans un champ traversé et labouré par des sangliers pour le comprendre.

Jusqu’à présent, les chasseurs étaient les seuls à mettre la main au portefeuille pour indemniser ces dégâts. Ils ne peuvent, ni leurs fédérations, continuer à supporter seuls de tels coûts.

Il y avait donc urgence à réfléchir aux mesures complémentaires de nature à réduire les dégâts subis par les agriculteurs et à alléger la facture croissante supportée par les chasseurs. La solution ne passe évidemment que par une coopération entre chasseurs, agriculteurs et propriétaires.

La solution proposée ici, consistant à confier au préfet, à la demande de la fédération des chasseurs, le pouvoir d’imposer un plan de tir aux propriétaires de territoires non chassés sous peine de sanctions financières appliquées au propriétaire me semble équilibrée, quoique légèrement ambiguë : qu’en est-il des propriétés de l’État ?

M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !

M. Rémy Pointereau. Quelle est l’étendue exacte des pouvoirs du préfet ? Même si un amendement du rapporteur a été adopté en commission remplaçant l’expression « plan de tir » par celle, un peu plus précise, de « prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux », la pratique montrera si cela fonctionne, et comment.

Dans le Cher, il existe un polygone de tir, destiné non pas à la chasse mais à des essais d’armement. Ces 13 000 hectares, qui appartiennent au ministère de la défense, constituent, certes, une véritable réserve naturelle mais surtout une réserve de sangliers, lesquels occasionnent des dégâts sur une large partie du département. Pourtant, il est très difficile de trouver des solutions pour réguler le nombre de ces sangliers.

M. Jean-Louis Carrère. Nous avons cela aussi dans les Landes !

M. Rémy Pointereau. Il était donc pour le moins urgent de transférer sur les propriétaires qui ne font pas le travail de régulation une responsabilité financière en cas de dégâts. Les chasseurs n’auront plus à assumer cette charge, qui est devenue de plus en plus lourde compte tenu de l’augmentation des produits agricoles, comme l’a souligné Jean-Louis Carrère.

Par ailleurs, il faut souligner que nous avons assisté à une augmentation vertigineuse du nombre d’accidents de la circulation dus au grand gibier, coûteux parfois en vies humaines mais aussi pour les automobilistes et les assurances.

Moderniser le droit de la chasse, c’est évidemment favoriser sa pratique, alors que l’on assiste à une baisse constante du nombre des chasseurs, divisé par deux en moins de trente ans, comme l’a dit notre rapporteur.

Pour y remédier, le texte sécurise la diminution du coût du permis pour les nouveaux chasseurs, ce qui, bien sûr, va dans le bon sens.

J’affirme que le prix du permis de chasser est aujourd’hui prohibitif. Nous devons trouver des formules permettant aux nouveaux chasseurs d’accéder à notre activité dans de meilleures conditions. Il faut que la chasse soit plus attractive et plus accessible, notamment pour les jeunes, sinon nous n’aurons plus de chasseurs dans les années à venir.

L’ouverture aux jeunes doit être favorisée. J’avais déposé en commission un amendement selon lequel la validation du permis de chasser départemental pourrait ouvrir droit à une validation d’une journée valable dans un autre département. Il s’agit ainsi de répondre à une demande constante des jeunes qui vont chasser à titre familial dans un département, une fois par an. Ces jeunes n’utilisent pas la validation de trois jours, car elle est chère, et ils utilisent encore moins celle de neuf jours. Cet amendement, dont j’avais discuté avec la fédération des chasseurs de mon département, a été adopté en commission après une discussion serrée ; il figure désormais dans le texte et est étendu à tous les chasseurs, ce qui accroît ma satisfaction, que je tenais de nouveau à souligner.

Je rappelle que cette ouverture correspond à une réelle demande. Notre rapporteur ayant déposé pour examen en séance un amendement encadrant son application, nous aurons l’occasion d’en reparler.

Enfin, permettez-moi quelques mots sur l’article 8 de ce texte déposé en mars 2010, qui créait un observatoire national de la délinquance et pour la défense de la « cause animale », et qui est devenu sans objet depuis la parution du décret très attendu du 4 juin 2010, qui sanctionne tous les actes délibérés et concertés d’obstruction à une activité en relation avec la chasse.

En effet, une des actions les plus fréquentes des extrémistes dans ce registre consiste à perturber le déroulement de différents types de chasse, et notamment de la chasse à courre. Entre janvier 2007 et mars 2009, 18 opérations de sabotage ont ainsi été recensées. Si de telles exactions ne sont pas très républicaines, le rapporteur et la commission n’ont pas souhaité rouvrir ce dossier, dans un souci d’apaisement et dans un esprit constructif et non sectaire.

Pour terminer, madame la ministre, je serais heureux que vous m’indiquiez si le décret du 4 juin 2010 a bien été appliqué depuis sa parution, et dans quelles conditions il l’a été. Pour ma part, j’espère que son application s’est faite sans complaisance.

Au total, si, comme cela a été dit, ce texte est ciblé et n’entend pas tout bouleverser, il remplit son objectif qui est d’apporter des solutions équilibrées, de reconnaître le chasseur comme un acteur et un défenseur de la biodiversité ainsi que l’investissement des nombreux bénévoles dans la pédagogie –  nécessaire – d’une pratique ancrée dans la culture française et qu’il faut s’attacher à préserver. Parmi ces bénévoles, je pense aux lieutenants de louveterie dont l’énorme travail n’est ni rémunéré ni indemnisé. Il faudra, je pense, trouver un jour une solution pour les indemniser, afin de ne pas décourager les vocations.

M. Jean-Louis Carrère. C’est une bonne idée !

M. Rémy Pointereau. Pour conclure, chaque fois que les chasseurs montrent leurs talents en matière de pédagogie – et il en faut beaucoup ! –,…

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. À nous aussi !

M. Rémy Pointereau. … leur savoir-faire, leur capacité à gérer leur territoire, chaque fois qu’ils font preuve d’humanité, ils réussissent à convaincre non seulement l’ensemble du monde rural, mais aussi parfois les urbains ou les rurbains, voire les opposants à la chasse.

J’espère que ce texte permettra un nouveau pas en avant vers ceux qui doutent encore du rôle déterminant de la chasse, en matière de lien social comme sur le plan économique, comme cela a été si bien dit par Mme la ministre voilà quelques instants. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui fait écho, par sa tonalité, au rapport que j’avais rédigé à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, il y a un peu plus de dix ans, « pour une chasse responsable et apaisée ».

Les débats organisés alors sur le rôle de la chasse, son utilité, ses excès parfois, mais aussi ses grandeurs, ont abouti à la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, que j’estime être un texte équilibré, renvoyant chacun à ses responsabilités et permettant de faire entrer la chasse dans le droit positif en France, alors qu’elle n’existait auparavant que dans le droit « négatif ».

Avec ce texte, le monde de la chasse a obtenu de nombreuses avancées : la reconnaissance des fédérations, le rôle des schémas de gestion cynégétique, l’autorisation de chasser accompagné, l’octroi du permis par les fédérations… Dans le même temps, ce texte, voté à l’Assemblée nationale au matin, à sept heures, après une nuit de discussion, avec 350 députés en séance et des tribunes pleines, était respectueux à l’égard des opposants à la chasse, ou en tout cas de ceux qui défendent davantage l’environnement.

Les choses sont aujourd'hui très différentes. Elles ont avancé dans le bon sens. Nous avons progressé. Je me souviens d’ailleurs que M. Poniatowski, qui voulait apporter des améliorations à la loi, m’avait proposé de participer à ses auditions au Sénat, de la même manière que j’avais participé avec lui aux états généraux de la chasse.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est exact !

M. François Patriat. Sommes-nous dans l’urgence ? Non. Sommes-nous dans l’essentiel ? Sans doute pas non plus. Nous sommes, comme l’a dit Mme la ministre, à la marge. Permettez-moi un petit trait d’humour : si une expression populaire parle de « pêche aux voix », j’ai un peu le sentiment, comme l’a affirmé précédemment M. Carrère, que nous sommes ici à la « chasse aux voix ».

M. François Patriat. Faut-il toujours parfaire ?

Certes, les chasseurs qui se sont réunis à la Maison de la Chimie il y a quelques semaines ont manifesté leur souhait de participer à l’aménagement et à l’attractivité du territoire, ainsi qu’à l’activité économique de la France. Ils sont aujourd’hui face à de nouveaux défis. Mais j’appelle le monde de la chasse, madame la ministre, à assumer aujourd’hui les responsabilités qu’il a voulues naguère. Certes, ce n’est pas si facile. Les articles de la proposition de loi, que nous allons voter en les encadrant, tendent à cet égard à faciliter le rôle de la chasse et même à lui apporter un surcroît d’efficacité, notamment dans les zones humides, dans la gestion par les ACCA, ou dans l’accompagnement à l’éducation, autour de la faune, de la flore et de la gestion des espaces et des espèces.

M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !

M. François Patriat. Mais les deux vrais problèmes qui se posent aujourd’hui au monde de la chasse, comme l’a dit en particulier Jean-Louis Carrère, sont les dégâts de gibier et les surpopulations.

M. François Patriat. Ces deux problèmes sont liés. Le problème des surpopulations n’est toutefois pas seulement à considérer sous l’angle économique ou accidentel. Il a aujourd’hui également des conséquences sanitaires. Le vétérinaire que je suis sait qu’il y a, un peu partout sur notre territoire, que ce soit dans la courbe de la Seine, dans la forêt de Bretagne ou dans l’est de la France, des problèmes graves de maladie, notamment de tuberculose,…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. C’est sûr !

M. François Patriat. … qui créent des affrontements entre les mondes agricole et cynégétique, parce que les responsabilités ne sont pas déterminées. Je crois que nous pouvons y remédier ensemble.

Sans revenir sur le gibier d’eau, dont Jean-Louis Carrère a parlé dans des propos excellents auxquels je souscris tant sur le plan politique que sur les questions de chasse et des prélèvements, quand je dis « responsabilité », je pense aux fédérations responsables des schémas cynégétiques ainsi qu’au problème des surpopulations, lié à la volonté – naturelle – du monde de la chasse de protéger les populations et de les développer. Je rappelle qu’on a ainsi transporté des cerfs de Chambord dans toutes les régions de France, en Italie et ailleurs !

Les plans de gestion et de tir ont fait croître les populations, jusqu’à aboutir à une surpopulation. La presse s’en fait l’écho chaque semaine, avec la présence de sangliers dans les piscines ou au bord de la mer, un peu partout en France, notamment dans le Luberon. Ce problème doit aujourd’hui être réglé. Les lieutenants de louveterie, dont je salue le bénévolat, ne sont pas à même de le régler seuls.

Chacun doit donc prendre ses responsabilités : les chasseurs, leurs fédérations, ainsi que, bien entendu, l’État. Comme la proposition de loi le prévoit, pour des raisons louables, ou du moins tout à fait compréhensibles, ce dernier doit éviter que ne se créent, sur les territoires non chassés, des refuges à gibier ayant pour conséquences une dissémination de population potentiellement dangereuse et surtout la création de réservoirs à problèmes sanitaires importants.

La responsabilité s’exerce aussi vis-à-vis de la société. Nous devons aujourd’hui légitimement offrir des solutions de simplification aux problèmes que rencontrent les chasseurs.

Ce texte est-il urgent ? Non ! Est-il utile ? Sans doute ! Je pense toutefois que nous aurons encore, au cours des prochaines années, à revenir sur ce sujet, en abordant les vrais problèmes que j’évoquais à l’instant. Mais il faut que, dans le même temps, les chasseurs poursuivent leurs efforts, au-delà de l’image qu’ils cherchent à donner d’eux-mêmes, comme responsables de la nature et comme gestionnaires. Et il est vrai que c’est grâce à eux qu’existent tant le tourisme cynégétique que les populations actuelles de cervidés, notamment de chevreuils, ou d’autres animaux.

Enfin, de même qu’il y a, comme je l’ai toujours dénoncé, une « ultra-chasse », un excès de chasse dans certains endroits, il y a aussi parfois des excès de la part des défenseurs.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est vrai !

M. François Patriat. Défendre à tout prix le renard ou le cormoran en période de surpopulation ne paraît pas approprié à quelqu’un qui, comme moi, a connu la rage, en France, dans le cadre ses responsabilités professionnelles.

En conclusion, si ce texte nous permet de nous écouter un peu plus les uns les autres pour résoudre ensemble des problèmes qui sont à la fois sociétaux, économiques et environnementaux, ce que nous souhaitons, nous aurons, je crois, avancé et fait œuvre salutaire.

Dès lors, sous réserve que certains de ses articles soient encadrés, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Elle permettra d’avancer sur un sujet qui n’est sans doute pas essentiel, mais qui est ô combien épidermique. La chasse n’est certes plus un sujet d’affrontement, mais l’irrationnel y a encore sa place. Il nous faut y apporter un peu plus de raison. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Joseph Kergueris et Pierre Martin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’apporterai ma contribution à la biodiversité sénatoriale par des propos quelque peu décalés dans cette ambiance assez unanime.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Et virile !

Mme Marie-Christine Blandin. Avant d’aborder le texte sur le fond, je voudrais attirer votre attention sur son occurrence. Des salariés et des agriculteurs se suicident, des écoles ferment, il n’y a plus de médecins dans les campagnes, la sécurité sanitaire vacille sous la pression des influences, mais, environ tous les trois ans, et de préférence avant les élections, il faut que nous occupions le Parlement avec la chasse.

M. Yvon Collin. C’est pratique !

Mme Marie-Christine Blandin. Ni les artisans, ni les universités, ni les PME, ni les chômeurs n’ont cette chance. Sur les travées, les groupes ont délégué les plus fervents et les meilleurs de leurs orateurs. (Sourires.) L’unanimité est à portée de main, même s’il ne reste en France que 1 300 000 chasseurs, soit 2 % de la population.

L’unanimité, vous l’obtiendrez sur des articles utiles et raisonnables, comme l’article 5 relatif aux fusions d’associations communales de chasse agréées, ou sur des actes de bon sens, comme l’article 7 qui a trait au permis de chasser.

Mme Marie-Christine Blandin. Mais ce qui relève de l’inutile, comme le remplacement du terme « écosystèmes » par le terme « biodiversité », du prosélytisme, comme le renforcement du droit d’intervention dans les écoles, ou de la tentative de privation de liberté des non-chasseurs sera combattu par les écologistes.

L’article 1er sur les actions d’éducation n’apporte rien. Un de vos représentants, M. Ettori, vice-président de la Fédération nationale des chasseurs, n’a-t-il pas obtenu du Gouvernement la convention, dite « du 4 mars », autorisant cet entrisme pédagogique ? Et n’a t-il pas d’ailleurs déclaré : « Une fédération a le droit de proposer des animations auprès des jeunes, que l’inspecteur d’académie le veuille ou non ? » Et, même si je le regrette, les faits sont là. Dès 2008, 50 fédérations départementales étaient intervenues à l’école, et 14 avaient participé à la formation des enseignants, alors même que 62 % des Français désapprouvent ce type d’actions.

Alors, pourquoi vouloir encombrer le code ? Imaginerait-on les boulangers qui viennent en classe montrer l’eau, la farine…