M. Guy Fischer. C’est le bon sens même !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Permettez-moi d’apporter quelques compléments.

Je rappelle qu’il s’agit d’une hospitalisation partielle. Si nous avions parlé d’ « accueil de jour », ce dispositif n’aurait offusqué personne, suscité aucune polémique.

Le psychiatre proposera …

Mme Annie David. Imposera !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … à son patient, parce que son état le permet, un programme de soins. De son côté, le patient s’engagera, dans le cadre de la relation qui l’unit à son médecin, à le respecter.

Au moment où le malade sera autorisé à sortir, il se sera engagé dans une démarche de soins…

Mme Muguette Dini. Il y consent alors ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je suis d’accord, Muguette Dini. À sa sortie, le patient est soumis à une obligation de soins. On peut à ce propos revenir sur la discussion d’hier et reparler de la notion de consentement : le patient s’engageant à respecter un programme de soins, il y consent. J’admets finalement la terminologie que vous employez, Muguette Dini. Le patient consent à adhérer à un soin sous contrainte.

Indépendamment de la question du consentement, en sortant de l’hôpital, le patient a un programme défini, qu’il va essayer de respecter. Ce programme peut prendre la forme d’une hospitalisation partielle, d’un accueil de jour de quelques heures ou, appelons-le autrement, d’un accueil thérapeutique, ou encore d’une thérapie de groupe, d’une durée elle aussi de quelques heures. Quelle que soit la modalité retenue, le patient n’est pas privé de sa liberté d’aller et venir. Il rentre systématiquement chez lui. Il ne faut donc pas complexifier la prise en charge en faisant intervenir le juge pour toute décision.

Alors que vous dénoncez, mesdames, messieurs les sénateurs, une judiciarisation excessive, vous souhaitez faire intervenir le juge dans tout dispositif. Attention à l’excès de judiciarisation !

En l'occurrence, l’intervention du juge risque de nuire au succès thérapeutique. Le patient prend de bonne foi avec son médecin un engagement qu’il entend respecter. De toute façon, en cas de désaccord, il peut à tout moment saisir le juge. Alors, de grâce, évitons de faire intervenir le juge lorsque le patient est libre d’aller et venir !

La mesure que nous proposons n’a rien à voir avec le dispositif pénal de semi-liberté. Dans ce cas, en effet, le détenu retourne en prison s’il n’effectue pas ses soins. En la circonstance, nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. Ne faisons pas d’amalgames entre le cadre pénal et un cadre civil.

Dans ce contexte de soins, nous recherchons l’adhésion d’un patient au programme qui lui est prescrit par un professionnel de santé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement qu’on puisse avoir sur cet amendement des opinions différentes, des divergences d’appréciation, mais j’aimerais que l’on ne caricature pas l’amendement de la commission des lois. Je le dis très calmement, très sereinement.

D’une part, cet amendement ne tend à prévoir l’intervention du juge des libertés et de la détention qu’en cas d’hospitalisation partielle. Je signale tout de même qu’une telle hospitalisation peut concerner sept nuits sur sept ou encore cinq jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

D’autre part, je pense qu’effectivement le médecin et le juge doivent remplir leur rôle respectif. Je vous rassure, mes chers collègues, personne, au sein de la commission des lois, ne souhaite que le juge se substitue au médecin dans l’élaboration des soins !

Pardonnez-moi, madame la secrétaire d’État, mais le Conseil constitutionnel existe et la Constitution prévoit que ses décisions s’imposent à toutes les autorités, qu’elles soient gouvernementales, législatives ou autres. Il y a place pour des compétences concurrentes, en matière de soins d’une part, lesquels relèvent du médecin, en matière de liberté d’autre part, dont la protection relève du juge. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je ne veux pas jouer les pédagogues – ce serait tout à fait prétentieux de ma part –, mais il me semble bon de rappeler que le consentement se décompose en deux parties.

La première concerne l’obligation de soins, qui, dans la mesure où il s’agit de temps partiel, ne semble pas requérir l’intervention judiciaire.

La seconde concerne les modalités, qui s’expriment dans le soin, lequel dépend de l’appréciation du médecin. Ce consentement est souvent changeant et c’est au médecin qu’il appartient d’apprécier les mesures d’adaptation nécessaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 154
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 13 ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 137, présenté par MM. Michel et Le Menn, Mme Demontès, MM. Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 93, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

À l’audience, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement est entendue, assistée de son avocat.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Depuis la décision n° 76-70 du Conseil constitutionnel en date du 2 décembre 1976, relative à la prévention des accidents du travail, les droits de la défense sont un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En d’autres termes, ils ont un caractère constitutionnel et supra-législatif.

Parmi les principes cardinaux des droits de la défense, figure celui de liberté de communication entre l’avocat et son client, qui sous-entend le respect de la confidentialité de leurs discussions.

À cet égard, dans un arrêt du 18 janvier 2006, la Cour de cassation a réaffirmé l’importance des principes de liberté de communication et de confidentialité entre l’avocat et son client.

En effet, il serait pernicieux de concevoir une application effective des droits de la défense, tout en entravant la liberté de communication entre l’avocat et son client.

En l’espèce, l’alinéa 93 du présent article entre dans cette logique puisqu’il porte atteinte au principe de liberté de communication entre l’avocat et le patient, et par conséquent aux droits de la défense.

En effet, il prévoit « qu’à l’audience, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement est entendue, le cas échéant, assistée de son avocat ».

Afin de mesurer la portée de cette disposition, rappelons que le Gouvernement envisage de recourir à la visioconférence dans 75 % des cas, ce qui est d’ailleurs contraire à la jurisprudence du Conseil d’État. Autrement dit, d’un point de vue matériel, l’avocat ne pourrait pas être simultanément présent auprès du juge et du patient.

L’éventuelle absence de l’avocat auprès de son client pendant l’audience entraverait évidemment leur liberté de communication. Ils ne pourraient pas échanger librement pendant l’entretien conduit par le juge et la confidentialité de leurs propos ne serait pas garantie.

Dans le cadre de la défense de personnes souffrant de troubles psychiatriques, cela est d’autant plus préjudiciable et dommageable que le patient se trouve généralement dans une situation d’extrême fragilité, parfois sans famille et sans proches. Il a donc véritablement besoin d’une assistance, y compris pendant l’audience. Le dialogue confidentiel entre le patient et son avocat est essentiel et doit être préservé.

Cet amendement vise donc à mieux garantir les droits de la défense en prévoyant que le patient soit automatiquement assisté de son avocat. Il vise par ailleurs, d’un point de vue rédactionnel, à supprimer une redondance inutile concernant la représentation par un avocat, déjà prévue à la phrase suivante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Malgré les réserves de son rapporteur, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

L’amendement prévoit que, devant le juge des libertés et de la détention, la personne hospitalisée soit nécessairement assistée de son avocat.

Or une telle obligation n’apparaît pas nécessaire. En effet, le renforcement des droits des patients, qui est un des volets les plus importants de la réforme, permettra à chaque fois de rappeler au patient qu’il a la possibilité d’être assisté d’un avocat. De plus, à défaut d’un avocat choisi, il lui en sera commis un d’office.

Par ailleurs, dans les cas où le patient ne serait pas en mesure, au regard de son état de santé, de comparaître devant le juge, le projet de loi prévoit qu’il sera représenté par un avocat.

Dans tous les cas de figure, imposer la présence d’un conseil n’apparaît donc pas opportun et remettrait en cause l’équilibre trouvé par le texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 65 et 142 sont identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 142 est présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 99 et 100

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David, pour défendre l’amendement n° 65.

Mme Annie David. Les alinéas 99 et 100 s’inscrivent dans une logique qui vise à transformer tout patient atteint de maladie mentale en danger potentiel et à faire croire que celle ou celui qui a été malade un jour le restera forcément, même après une hospitalisation complète.

En effet, à travers ces deux alinéas, il est proposé que, même lorsqu’un juge des libertés a prononcé la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, le patient pourra malgré tout se voir imposé de suivre des soins psychiatriques contraints en ambulatoire.

Nous ne souscrivons pas à la démarche qui consiste à vouloir à tout prix faire passer ces malades pour des dangers potentiels. Nous ne souscrivons pas non plus à cette démarche de soins ambulatoires, d’autant plus que la vision du Gouvernement sur ces soins ne nous convient pas du tout.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de ces deux alinéas.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 142.

Mme Christiane Demontès. Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer à l’instant Annie David, nous souhaitons que ces deux alinéas soient supprimés.

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéas 99 et 100

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 3211-12-5. – Lorsque le juge a prononcé la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous forme d’hospitalisation complète en application de l’article L. 3211-12 ou du III de l’article L. 3211-12-1 sans lui substituer une autre forme de prise en charge, le patient ne peut immédiatement faire l’objet d’une décision prononçant son admission en soins sans consentement.

« Lorsque la mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète est acquise en application du IV de l'article L. 3211-12-1, le patient peut, dès cette mainlevée, faire l’objet d’une décision prononçant son admission en soins sans consentement lorsque les conditions prévues au I des articles L. 3212-1 ou L. 3213-1 sont satisfaites et selon les modalités prévues respectivement aux chapitres II ou III du présent titre."

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.

L'amendement n° 264, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 100

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 492, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 100

Remplacer le mot :

protocole

par le mot :

programme

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. L'amendement n° 493, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 100

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 3211-2-2 n’est pas applicable.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. En cas d’ordonnance de levée de la mesure d’hospitalisation prise par le juge des libertés et de la détention, le patient peut continuer d’être suivi dans des lieux alternatifs aux unités d’hospitalisation à temps plein, avec un programme de soins.

Dans ce cas, la période d’observation de 72 heures prévue à l’article L. 3211-2-2 ne s’applique pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 65 et 142 ?

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Ces amendements visent à supprimer la possibilité pour le médecin de prévoir des soins hors des unités de spécialisation à temps plein en cas de levée de l’hospitalisation par le juge.

Il s’agit pourtant d’une possibilité que nous estimons devoir être conservée afin d’assurer le suivi des soins.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements restant en discussion ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 65 et 142.

Il faut en effet, dans tous les cas, éviter les ruptures de soin. À défaut d’une hospitalisation ou d’une prise en charge sanitaire à l’hôpital, il faut prévoir des soins ambulatoires, le cas échéant.

En revanche, il est favorable aux amendements n° 492 et 493.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 142.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 493.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 473 rectifié, présenté par MM. Mézard et Barbier, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 101

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de coordination avec celui qui supprime l'alinéa 94 permettant une audience en visioconférence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 473 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote sur l'article.

M. Jacky Le Menn. Nous voici donc parvenus au terme de l’examen de l’article 1er, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, pour ne pas dire « besogné ». (Sourires.)

En effet, le rapporteur qui avait été initialement désigné au sein de la commission des affaires sociales, en l’occurrence sa présidente, a dû démissionner de ses fonctions après avoir été mis en minorité, son rapport ayant été rejeté. M. Jean-Louis Lorrain a ensuite essayé tant bien que mal de prendre le relais.

L’article 1er est, en quelque sorte, l’axe central du projet de loi. Nous avons pu le constater en commission lors des échanges qui ont eu lieu. Les propos tenus à cette occasion, ainsi que la teneur du rapport et des amendements de Mme le rapporteur, constituaient une forme de réprobation à l’égard de Mme la secrétaire d’État, qui assistait à nos travaux.

Notre groupe a repris à son compte certaines des propositions qui figuraient dans le premier rapport. Nous partageons l’idée selon laquelle notre pays a besoin d’une grande loi sur la santé mentale. Mais, pour l’instant, le compte n’y est pas. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, avec ce texte, nous sommes avant tout dans l’émotionnel.

Certes, plusieurs de nos collègues sont revenus à un peu plus de raison à la suite des incidents qui ont émaillé la séance.

Pour autant, le cœur du projet de loi, en l’occurrence la création des soins ambulatoires sans consentement du malade, bouleverse le système de prise en charge de certaines personnes souffrant de maladies psychiatriques.

Un amendement présenté en commission des affaires sociales – nous l’avions voté – visait à maintenir l’hospitalisation sans consentement et les sorties d’essai, quitte à chercher à améliorer le système.

Laissons-nous du temps ! Comme vous le savez, cela fait déjà longtemps que nous attendons un texte législatif sur le sujet ; en principe, il aurait dû intervenir cinq ans après la loi de 1990. Nous pouvons donc encore nous laisser un temps de maturation pour essayer de réfléchir à une réforme qui satisfasse l’ensemble de la communauté hospitalière, les psychiatres comme les infirmiers, mais également les familles et les différents acteurs concernés par tout ce qui a trait au champ de la maladie mentale.

Pour des raisons qui ont déjà été évoquées, l’idée de soins sans consentement en matière psychiatrique me semble quelque peu curieuse… Peut-on soigner les gens contre leur gré ? Au-delà des médicaments, même s’ils sont performants, nous avons avant tout besoin d’une alliance thérapeutique !

Le rejet de l’amendement dont je viens de parler aurait à lui seul justifié que nous votions contre l’article.

Certes, j’ai bien noté que plusieurs de nos collègues se « décarcassaient ». M. Milon a ainsi essayé de trouver un amendement de compromis pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvions à cause de cette mauvaise loi, trop rapide et trop émotionnelle. Or le « rapporteur substitutif » a immédiatement lesté l’amendement de M. Milon d’un sous-amendement particulièrement complexe… Je ne sais pas si vous l’avez lu, mes chers collègues. Pour ma part, je me suis efforcé de le lire et de le comprendre. Il s’agissait de faire rentrer par la fenêtre l’orientation sécuritaire que l’on avait évacuée par la porte !

Nous avons également soutenu d’autres amendements, notamment ceux de M. le rapporteur pour avis, Jean-René Lecerf, qui permettaient d’atténuer, tantôt à la marge, tantôt de manière plus substantielle, les atteintes aux libertés de nos concitoyens en situation de faiblesse.

Bref, le compte n’y est pas ! Notre groupe votera donc contre l’article 1er de ce mauvais projet de loi. (M. Michel Teston applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous nous sommes déjà largement exprimés sur le sujet, aussi bien à l’occasion du débat sur les motions de procédure que lors de l’examen des amendements.

La présidente de la commission des affaires sociales, qui avait initialement été choisie comme rapporteur, avait travaillé longuement sur le projet de loi. Je dois dire que ses propositions étaient intéressantes. Mais, même si le texte avait été réécrit, nous restions fondamentalement hostiles à la logique d’affichage sécuritaire qui en est l’objectif réel.

Nous avons lutté pied à pied pour démontrer à quel point les auteurs de ce projet de loi tentaient de profiter de l’émotion suscitée par un ensemble de faits divers, dont la gravité est, certes, incontestable, pour créer un climat malsain.

Nous avons rencontré hier les associations, les syndicats et les différents partis qui manifestaient devant le Sénat contre le projet de loi. Je peux dire que, contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et la majorité, ce texte provoque la colère et l’indignation des professionnels du secteur. La connotation sécuritaire y est très forte et le vocabulaire utilisé relève plus du ministère de l’intérieur que du ministère de la santé !

L’article 1er est le cœur du projet de loi ; la longueur des débats qu’il a suscités et le nombre des amendements qu’il a provoqués le démontrent. En nous opposant à cet article, nous condamnons une démarche qui fait franchir une nouvelle étape, après la création des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, où le pénitentiaire côtoie le sanitaire. Nous voterons donc contre cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre groupe votera très majoritairement contre l’article 1er. Nous avons eu l’occasion de rappeler, pendant la discussion générale comme lors des débats sur l’article, que l’on ne construit pas une bonne loi à partir de faits divers.

Cela vaut pour toute une série de textes que nous avons examinés depuis de nombreux mois, mais cela vaut encore plus particulièrement pour le présent projet de loi, qui concerne la protection des personnes souffrant de pathologies mentales.

Hier encore, l’actuel rapporteur nous indiquait que ce texte se justifiait seulement par la décision du Conseil constitutionnel ; à défaut, nous a-t-il précisé, il n’y aurait pas eu de projet de loi.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. En d’autres termes, nous aurions continué à attendre, comme nous le faisons depuis seize ans, un véritable texte sur les problèmes de santé mentale.

Certes, faute avouée pouvait être à demi pardonnée. Il aurait suffi – c’est ce que nous proposions – de réécrire l’article 1er sur la base de la décision du Conseil constitutionnel et de s’en tenir là pour l’instant, tout en engageant une véritable réflexion de fond sur un plan de santé mentale, que nombre de nos concitoyens réclament de plus en plus expressément.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 210 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 181
Contre 152

Le Sénat a adopté.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, alors que nous parvenons, non sans mal, au bout de cet article 1er, je souhaiterais, à l’instar du président Bernard Frimat hier soir, que le texte que nous transmettrons à l’Assemblée nationale pour la deuxième lecture soit aussi correctement rédigé que possible.

À la suite de l’adoption de l’amendement n° 280, modifié par le sous-amendement n° 490 rectifié, nous parlons désormais d’une personne faisant l’objet de soins psychiatriques, non plus « sans son consentement », mais « auxquels elle n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux ».

Cette formule revenant à de nombreuses reprises dans le projet de loi, je pense que nous pourrions confier au service de la séance, en liaison avec la commission des affaires sociales, le soin d’harmoniser, autant qu’il sera possible, l’ensemble du texte.

Sur cette base, la deuxième lecture nous permettra de parfaire la rédaction des articles.

M. le président. La présidence veillera à ce qu’il en soit ainsi, madame la présidente.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

TITRE II

SUIVI DES PATIENTS