compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

M. Philippe Nachbar,

M. Jean-Paul Virapoullé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 11 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 12 (Texte non modifié par la commission)

Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs

Suite de la discussion et adoption, en procédure accélérée, d'un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (projet n° 438, texte de la commission n° 490, rapport n° 489).

Nous poursuivons l’examen des articles.

TITRE II (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AU JUGEMENT DES MINEURS

CHAPITRE IER (suite)

Dispositions générales

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l’article 12.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 13

Article 12

(Non modifié)

À l’article 3, au premier alinéa de l’article 6 et au neuvième alinéa de l’article 8 de la même ordonnance, après les mots : « tribunal pour enfants », sont insérés les mots : «, le tribunal correctionnel pour mineurs ».

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 23 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 63 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 132 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 23.

M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit d’un amendement de coordination avec notre amendement de suppression de l’article 29. L’article 29 ayant été voté, je retire l’amendement n° 23, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 23 est retiré.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 63.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 132 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s’agit également d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Par coordination, la commission est défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Par conviction, le Gouvernement est défavorable à ces amendements ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 132 rectifié.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 217 :

Nombre de votants 195
Nombre de suffrages exprimés 194
Majorité absolue des suffrages exprimés 98
Pour l’adoption 37
Contre 157

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 14

Article 13

L’article 5 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou par la procédure de convocation en justice prévue par l’article 8-3 » ; 

2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « qui en sera immédiatement avisé, aux fins d’application de l’article 8-1 » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « aux fins de mise en examen. Le juge des enfants est immédiatement avisé de cette convocation, laquelle vaut citation à personne et entraîne l’application des délais prévus à l’article 552 du code de procédure pénale. » ;

b) (nouveau) La seconde phrase est supprimée ;

3° Les huitième et dernier alinéas sont supprimés.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 24 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 133 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 24.

M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit, comme à l’article précédent, d’un amendement de coordination, que je retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 24 est retiré.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 65.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article vise à transposer la procédure de comparution immédiate au tribunal correctionnel pour mineurs. Avec ce projet de loi, nous assistons à une manipulation des textes qui conduit à un retour par la petite porte de cette procédure, pourtant censurée. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 133 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s’agit aussi d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Par coordination, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 133 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 14 bis (nouveau)

Article 14

Après l’article 5 de la même ordonnance, sont insérés deux articles 5-1 et 5-2 ainsi rédigés :

« Art. 5-1. – (Non modifié) Avant toute décision prononçant des mesures de surveillance et d’éducation ou, le cas échéant, une sanction éducative ou une peine à l’encontre d’un mineur pénalement responsable d’un crime ou d’un délit doivent être réalisées les investigations nécessaires pour avoir une connaissance suffisante de sa personnalité et de sa situation sociale et familiale.

« Art. 5-2. – L’ensemble des éléments relatifs à la personnalité d’un mineur recueillis au cours des enquêtes dont il fait l’objet, y compris dans le ressort de juridictions différentes, est versé dans le dossier unique de personnalité placé sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants qui connaissent habituellement de la situation du mineur.

« Ce dossier comprend également, le cas échéant, les investigations relatives à sa personnalité et à son environnement social et familial accomplies lors des procédures d’assistance éducative dont il a pu faire l’objet.

« Il est ouvert dès qu’une mesure d’investigation sur la personnalité est ordonnée ou si le mineur fait l’objet d’une liberté surveillée préjudicielle, d’un placement sous contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence avec surveillance électronique ou d’un placement en détention provisoire.

« Il est actualisé par les investigations menées dans la procédure pénale en cours et par les éléments de procédures d’assistance éducative et pénales postérieures.

« Il est versé au dossier de chacune de ces procédures.

« Il est accessible aux avocats, aux professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse et aux magistrats saisis de la procédure.

« Les informations contenues dans le dossier unique de personnalité sont confidentielles. Il ne peut être délivré de copie de tout ou partie des pièces qu’il comprend.

« Le fait, pour une partie à la procédure, de faire état auprès d’un tiers des informations contenues dans le dossier unique de personnalité est puni de 3 750 € d’amende.

« Ce dossier ne peut être utilisé que dans les procédures suivies devant les juridictions pour mineurs. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Mon intervention vaudra également défense de l'amendement n° 66.

Nous l’avons dit et redit, avec l’imbrication des textes et les « tricotages » autour des possibilités de présentation immédiate, il est désormais possible de juger un mineur le jour même de son défèrement : les investigations préalables sur la personnalité du mineur, qui sont pourtant nécessaires, ne pourront alors être effectuées.

S’agissant du dossier unique de personnalité, ou DUP, dès lors que l’on partage l’idée selon laquelle les mineurs délinquants et ceux qui sont en danger sont largement les mêmes, il est bien évident que la création d’un tel dossier permettra d’assurer le suivi du mineur au gré des aléas de sa prise en charge civile et pénale, laquelle n’est a priori pas contestable. Mais ce dossier pourrait être ouvert aussi bien à l’occasion d’une première mesure d’assistance éducative que d’un premier dossier pénal.

Je ne développerai pas plus avant ce point, car nous avons déjà présenté nos arguments à cet égard. Par ailleurs, nous réitérons les critiques que nous avons déjà faites à l’occasion de l’examen des articles précédents.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 25 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 25.

M. Alain Anziani. Nous demandons la suppression de cet article. Nous le reconnaissons bien volontiers, le dossier unique de personnalité est une bonne idée. Mais sa mise en œuvre n’est pas satisfaisante : je pense notamment à la disposition, issue d’un amendement de M. le rapporteur, qui permet de verser au dossier les éléments recueillis au titre de la procédure d’assistance éducative.

Si nous mesurons l’intérêt du dossier unique de personnalité, nous voyons également quels en seront les inconvénients, le principal étant l’accélération de la procédure, qui ne permettra plus de recourir à des mesures d’investigation pénale.

L’accès au dossier, qui est bien entendu une nécessité impérative, pourra également soulever des difficultés. Les éléments contenus dans ce dossier concerneront non seulement le mineur, mais également sa famille et parfois ses collatéraux.

Nous pouvons donc craindre que ces éléments, qui n’ont rien à voir avec le mineur lui-même ni avec l’infraction qu’il a commise, ne puissent ensuite alimenter des tensions dans les quartiers.

Mme la présidente. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’institution d’un dossier unique de personnalité a été unanimement saluée par les personnes que j’ai entendues dans le cadre de la préparation de ce rapport.

En effet, ce dossier permettra à l’ensemble des magistrats et des personnels appelés à prendre en charge le mineur de disposer du même niveau d’information sur la situation sociale et familiale de celui-ci, ce qui ne peut que contribuer à améliorer la cohérence de la réponse pénale et la qualité des prises en charge.

En outre, la commission vous proposera un amendement tendant à limiter les possibilités de communication du dossier.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 25 et 66.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 66.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

dont il fait l’objet

insérer les mots :

, au cours des procédures pénales

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Par cet amendement de repli, nous proposons que le dossier unique de personnalité ne comporte que les enquêtes et les éléments ayant trait à des procédures pénales, et non pas ceux qui seraient relatifs à des procédures d’assistance éducative.

En effet, comme le sait quiconque ayant déjà un peu fréquenté les tribunaux pour enfants, figurent dans les rapports relatifs au mineur jugé toute une série d’éléments sur son environnement familial, la personnalité de ses parents, des membres de sa fratrie…. Tout cela n’a pas à être étalé au cours d’une procédure pénale qui concerne le seul mineur. Certes, les avocats de ce dernier, ou le procureur, peuvent être amenés à rechercher les circonstances l’ayant conduit à la délinquance. Et il peut effectivement s’agir du contexte familial, de l’insertion professionnelle… Nous pensons toutefois que ces éléments, qui sont confidentiels et concernent d’autres personnes que le mineur jugé pour des faits pouvant donner lieu à une qualification pénale, n’ont pas à être versés dans le DUP.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission comprend bien les visées de l’amendement. Elle estime cependant que ce dernier n’est pas opportun.

Le DUP vise à apporter à la juridiction et aux éducateurs en charge du mineur l’ensemble des informations sur la situation sociale et familiale de ce dernier afin de permettre une meilleure compréhension de la personnalité du jeune et une adaptation de la prise en charge.

L’amendement de nos collègues aboutirait, par exemple, à exclure le versement dans le DUP des investigations réalisées dans le cadre d’une procédure ouverte pour maltraitance, alors que de telles informations pourraient utilement éclairer la juridiction de jugement.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Michel, on ne peut qu’être défavorable à votre amendement, qui est assez contraire à l’esprit de l’ordonnance de 1945. Selon cette dernière, en effet, la juridiction pour enfants, dans ses décisions, qu’elles soient pénales ou éducatives, doit prendre en considération la personnalité du mineur. C’est ce que dispose l’article 8 de l’ordonnance de 1945, dont je ne me sépare plus désormais !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 26 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 67 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

du procureur de la République et

2° En conséquence, remplacer le mot :

connaissent

par le mot :

connaît

La parole est à Mme Virginie Klès, pour défendre l’amendement n° 26.

Mme Virginie Klès. Il s’agit de nouveau d’un amendement de repli. De repli en repli, nous faisons de plus en plus de concessions !

M. Jacques Mézard. Nous reculons !

Mme Virginie Klès. Néanmoins, l’adoption de cet amendement nous semble vraiment indispensable. Le dossier unique de personnalité doit, selon nous, être de la seule responsabilité et sous le contrôle exclusif du juge des enfants. Cela est d’autant plus vrai que, avec l’évolution de la loi qui semble se dessiner, si le mineur comparaît devant un tribunal correctionnel pour mineurs, les assesseurs qui participeront à son jugement, et qui prendront donc connaissance de son dossier, n’auront désormais plus rien à voir avec le monde de l’enfance, ni par leur profession, ni par leur implication associative, ni par aucun autre élément.

Il nous paraît donc vraiment indispensable que le dossier unique de personnalité soit sous le seul contrôle du juge des enfants. Le procureur, comme toute autre personne engagée dans la procédure, pourra demander la communication de pièces au juge des enfants, qui sera le seul à en connaître la totalité. C’est d’autant plus souhaitable que, comme l’a souligné M. Jean-Pierre Michel tout à l'heure, le DUP pourra comprendre – c’est du moins ce qui se dessine – des éléments relatifs à la fratrie ou à la famille qui ne concernent en rien les autres personnes susceptibles d’avoir accès au dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 67.

Mme Éliane Assassi. Cette intervention vaudra également défense de l’amendement n° 68.

Comme les orateurs précédents, nous pensons que la création d’un dossier unique de personnalité contenant des informations relatives au mineur et permettant ainsi de connaître ce dernier avant de le juger est une bonne chose. Nous pensons même que c’est indispensable au travail du juge des enfants, qui doit adapter ses décisions à la spécificité de chaque mineur. D’ailleurs, dans la pratique, les juges des enfants opèrent ces recherches, afin de mieux appréhender la personnalité de chaque mineur, ce qui leur permet de se situer au plus près de la réalité.

L’article 14 a toutefois une tout autre finalité. Il semble rechercher une meilleure connaissance des mineurs par les acteurs de la procédure pénale, afin que les mesures prises à leur sujet soient mieux adaptées ; il vise en fait à accélérer la procédure et la répression, par la dénaturation complète de l’ensemble du volet éducatif.

In fine, ce sont les mineurs les plus en difficultés, qui nécessiteraient donc la plus grande attention, qui verront leur cas traité le plus vite, sur la base d’éléments personnels et familiaux pouvant être utilisés à charge.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 14. À défaut, nous avons déposé des amendements de repli, visant tout simplement à supprimer, d’une part, la mention, dans le DUP, des éléments de procédure d’assistance éducative et, d’autre part, le contrôle de la constitution de ce dossier par le procureur de la République.

Je rappelle que le parquet est partie au procès. Il ne doit donc pas être responsable de la constitution du DUP, qui peut être déterminant pour la suite de la procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé que le double contrôle, opéré par le juge des enfants et par le procureur de la République, se justifiait par le rôle de plus en plus important que joue le parquet en matière de justice pénale des mineurs. Aujourd’hui, je le rappelle, plus de la moitié des affaires mettant en cause des mineurs sont classées, après mise en œuvre et réussite d’une procédure alternative aux poursuites. Cet état de fait justifie pleinement le contrôle du procureur de la République sur le DUP.

Sous réserve des explications du Gouvernement, la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 67.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 68, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

II. – En conséquence, alinéa 6

Après les mots :

en cours

supprimer la fin de cet alinéa.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 28, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. L’amendement n° 27 n’ayant pas été adopté, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 28 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 68 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ferai le même commentaire que sur l’amendement n° 27. J’ajoute simplement que, selon la commission, et contrairement à ce qui a pu être dit, les investigations réalisées au titre de la protection de l’enfance en danger permettront à la juridiction de mieux comprendre l’environnement du mineur ayant commis une infraction et, ainsi, de mieux adapter la réponse.

La commission émet par conséquent un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 165, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge des enfants peut également autoriser sa consultation par les personnels du service ou de l'établissement du secteur associatif habilité saisi d'une mesure judiciaire concernant le mineur. Tout personnel du secteur associatif habilité ayant pris connaissance du dossier unique de personnalité est tenu au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'efficacité de la mise en œuvre du dossier unique de personnalité dépendra d'un délicat équilibre entre, d'une part, la nécessité de permettre sa consultation par l'ensemble des personnes appelées à prendre en charge le mineur et à participer à sa réinsertion et, d'autre part, l'exigence absolue de protection de la vie privée de ce dernier.

D'ores et déjà, l'article 14 du projet de loi prévoit que seuls les avocats, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, ou PJJ, et les magistrats saisis de la procédure pourront consulter le DUP. La commission a par ailleurs précisé qu'aucune copie des pièces de ce dernier ne pourrait être délivrée.

Il convient toutefois d'autoriser également les personnels du service associatif habilité auquel aurait été confié le mineur à prendre directement connaissance des informations contenues dans le dossier, sans avoir à passer par l'intermédiaire de la PJJ. Ces personnels seront en effet d'autant mieux à même de prendre en charge le mineur qu'ils auront connaissance de l'ensemble des informations utiles sur sa personnalité et sur son environnement social et familial.

Le présent amendement tend à permettre au juge des enfants d’autoriser une telle consultation. Il rappelle toutefois expressément que ces personnels sont astreints au secret professionnel, dans les conditions et dans le cadre des peines prévues par le code pénal.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet excellent amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixe les conditions dans lesquelles il est conservé après la majorité du mineur.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement qui va de l’avant. Ce n’est pas un amendement conservateur, et c’est encore moins un amendement qui irait « à reculons » (M. le garde des sceaux sourit.), selon des propos sur lesquels nous reviendrons bientôt.

Comme nous le déclarons depuis le début du débat, nous ne sommes pas défavorables, loin de là, à l’institution du DUP, à condition bien sûr que sa création et son utilisation soient accompagnées de toutes les garanties nécessaires et qu’il ne soit jamais détourné de sa finalité.

La plupart des magistrats que nous avons rencontrés dans le cadre des auditions auxquelles nous avons procédé de notre côté sont également favorables à son principe.

L’une des interrogations concernait toutefois le devenir du dossier, une fois que le mineur, devenu majeur, ne dépend plus des juridictions pour mineurs. Certes, des mesures ordonnées par ces dernières doivent pouvoir continuer à être exécutées. Il ne nous semble cependant pas pertinent d’ordonner une destruction ou un effacement des données du dossier, composé de pièces éparses recueillies au fur et à mesure des enquêtes.

Ainsi que nous l’ont rappelé plusieurs magistrats, l’archivage du dossier peut en effet être utile, car il peut servir à éclairer une autre juridiction sur la personnalité de l’ancien mineur, si celui-ci est poursuivi ou même victime dans une procédure ultérieure. Comme pour le dossier d’assistance éducative, il nous paraît utile de prévoir une procédure de conservation qui soit strictement encadrée, par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Comme vient de le rappeler excellemment M. Mézard, le dossier unique de personnalité vise à permettre d’améliorer la connaissance de la personnalité du mineur, afin d’ordonner les mesures les plus appropriées. En revanche, ce dossier ne doit pas être utilisé à son détriment, par exemple en permettant que soit conservée, après sa majorité, une trace des procédures pénales diligentées pendant sa minorité. Le risque serait sinon de constituer un casier judiciaire bis.

Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à l’utilisation du DUP après la majorité du mineur, sauf lorsque les procédures diligentées contre ce dernier le sont pour des faits commis avant sa majorité, mais découverts postérieurement. En conséquence, le texte du projet de loi prévoit expressément que le dossier ne peut être utilisé que dans des procédures suivies devant les juridictions pour mineurs. Naturellement, la mise en œuvre dématérialisée du DUP nécessitera un décret d’application soumis à l’avis de la CNIL.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 134 rectifié.