M. le président. Je suis saisi de trente et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

M. Jean Desessard. C’est un tunnel, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 3211-12, après le mot : « statuant », sont insérés les mots : « à bref délai » ;

2° Après l’article L. 3211-12, sont insérés des articles L. 3211-12-1 à L. 3211-12-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 3211-12-1. - I. - L'hospitalisation d'un patient sans son consentement ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II, ou par le représentant de l'État dans le département, lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, n'ait statué sur cette mesure :

« 1° Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 ;

« 2° Avant l'expiration d'un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application des articles L. 3211-12 ou L. 3213-5 du présent code ou du présent article, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai sur le fondement de l'un des mêmes articles 706-135, L. 3211-12 ou L. 3213-5 ou du présent article fait courir à nouveau ce délai.

« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné, avant l'expiration de l'un des délais mentionnés aux 1° et 2° du présent I, une expertise, à titre exceptionnel, en considération de l'avis conjoint des deux psychiatres, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation complète du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.

« Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée au quatrième alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés ces délais, il statue immédiatement.

« II. - La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée d'un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l'établissement d'accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation.

« III. - Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation.

« IV. - Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l'issue de chacun de ces délais.

« Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration d'un délai fixé par décret en Conseil d'État, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.

« Art. L. 3211-12-2. - Lorsqu'il est saisi en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1, le juge, après débat contradictoire, statue publiquement, sous réserve des dispositions prévues à l'article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile.

« À l'audience, la personne hospitalisée sans son consentement est entendue, assistée de son avocat. Si, au vu d'un avis médical, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat choisi ou, à défaut, commis d'office.

« Art. L. 3211-12-3. - Le juge des libertés et de la détention saisi en application de l'article L. 3211-12-1 peut, si un recours a été formé sur le fondement de l'article L. 3211-12, statuer par une même décision suivant la procédure prévue au même article L. 3211-12-1.

« Art. L. 3211-12-4. - L'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2.

« L'appel formé à l'encontre de l'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue alors à bref délai dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Mes chers collègues, la rédaction de l’amendement n° 66 rectifié nous imposait ce « tunnel ». Dans la mesure où il n’est pas défendu, je vous propose de limiter la discussion commune à l’examen des amendements nos 1 à 18, puis d’appeler successivement les amendements nos 45 à 53. (Assentiment.)

Je suis donc saisi de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 65

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’objet de cet amendement est de limiter la rédaction de l’article 1er au seul point positif qu’il contient. Imposé par le juge constitutionnel, celui-ci permettrait, s’il était véritablement encadré par un dispositif efficient, de garantir dans une certaine mesure les libertés individuelles et la dignité des patients.

De plus, les alinéas que nous proposons de supprimer mélangent plusieurs éléments qui ne devraient pas l’être.

On sait que, dans un premier temps, le Gouvernement envisageait, dans son plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques de 2008, des mesures bien plus sévères, et totalement inadaptées, comme le contrôle des patients par bracelet électronique ou la multiplication des chambres d’isolement. Devant l’injonction du juge constitutionnel, il a quand même revu sa copie et prévu l’examen par le juge judiciaire de la mesure d’internement sans consentement. Il en résulte un texte très imprécis, qui, en dépit d’une avancée pour le droit des malades, s’appuie surtout sur une conception dépassée de la maladie mentale.

Nous considérons que la réflexion sur la prise en charge des malades devrait se faire dans le cadre d’une loi de santé mentale qui serait dégagée du seul objectif sécuritaire. Vous pourriez alors écouter les arguments des patients, des familles, des médecins et des soignants : ils reconnaissent que des questions d’ordre public se posent, mais estiment que, dans ce texte, vous mélangez ce problème, prioritaire à vos yeux, et la question des soins. Une telle loi nous semble indispensable.

En attendant, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer les alinéas de cet article relatifs à de pseudo-soins.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

dans les centres médico-psychologiques, les centres d’accueil thérapeutique, les appartements thérapeutiques, et les hôpitaux de jour. Si son état ne le permet pas, cela peut être fait

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. À l’occasion de l’examen par le Sénat de ce projet de loi en première lecture, nous avions déposé un amendement très proche de celui-ci visant à donner la priorité aux centres médico-psychologiques et aux hôpitaux de jour, à condition, bien entendu, que l’état de santé du patient le permette.

M. le rapporteur avait alors considéré que notre liste était trop limitative et qu’il convenait, à tout le moins, de tenir compte d’autres formes de structures telles que les centres d’accueil thérapeutique et les appartements thérapeutiques. Partageant son analyse, nous présentons donc cet amendement en espérant que dans cette nouvelle rédaction trouve grâce à ses yeux et recueille l’adhésion d’une majorité des membres de notre assemblée.

Derrière la question des structures, c’est bien celle de la logique de soins que nous entendons soulever. Comme vous le savez, mes chers collègues, c’est par une simple circulaire ministérielle qu’est officiellement née, en mars 1960, la psychiatrie de secteur, dont le principe fondamental, tant pour les soignants que pour les patients, est de « soigner hors des murs, dans la cité ». L’un des objectifs de la psychiatrie de secteur est en effet d’assurer, le plus souvent possible, le traitement des patients en dehors de l’hôpital psychiatrique, au plus près de leur milieu de vie habituel. Comme le souligne le docteur Guy Baillon, psychiatre des hôpitaux, « son souci est d’impliquer l’ensemble des Français en respectant la réalité de leurs liens lorsqu’ils ont comme objectif de construire une Cité, celle où ils vivent ». Il précise en outre que « ces liens sont essentiellement ceux d’une “citoyenneté” ».

Or ce projet de loi est totalement dédié à l’enfermement, lequel se réalise tantôt dans les établissements psychiatriques, tantôt au domicile des patients ou de leurs proches. Car il ne suffit pas que les soins soient réalisés hors les murs des hôpitaux pour qu’ils relèvent de la politique de secteur.

Quand on parle de secteur, on parle certes de visites ambulatoires, mais aussi d’une méthode de soins qui repose sur la volonté du patient, et non sur la contrainte, comme cela est le cas dans ce projet de loi.

En outre, si cet amendement nous paraît tellement important, c’est parce que la notion de contrainte a disparu de la nouvelle rédaction de l’intitulé du projet de loi et de son contenu, ce qui pourrait laisser accroire que les soins psychiatriques sont exclusivement ou prioritairement délivrés sans que le patient y consente.

Aussi, afin d’équilibrer ce projet de loi, il nous semble important que cet amendement soit adopté.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La prise en charge dans les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour est privilégiée lorsque l’état du patient le permet.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. L’intérêt du patient doit demeurer au centre de nos préoccupations. C’est au regard de cet impératif que nous devons considérer l’alinéa 16, qui a trait aux soins ambulatoires sans consentement, plus spécifiquement à ceux qui sont dispensés à domicile.

Avec la loi de 1990, la prise en charge d’une personne sans son consentement ne pouvait s’effectuer que par le biais d’une hospitalisation complète. Cela représente près du quart, plus précisément 22 %, des hospitalisations en établissement psychiatrique.

Un article du journal Le Monde daté du 15 juin 2011 rappelle l’inquiétante hausse des hospitalisations sous contrainte depuis dix ans et la disparité de leur répartition à l’échelle nationale. Or, dès 2005, l’Inspection générale des affaires sociales recommandait dans un rapport de mettre fin à cette solution univoque et estimait nécessaire de rechercher d’autres modalités de prise en charge sous contrainte.

Nous devons tout mettre en œuvre pour que des soins adéquats et indispensables soient prodigués à ces personnes en souffrance. C’est pourquoi nous pensons important de préciser que, si l’état de santé du patient le permet, les centres médico-psychologiques ainsi que les hospitalisations de jour doivent être privilégiés. Ces structures spécialisées peuvent faire bénéficier les patients d’une prise en charge de grande qualité, assurée par des professionnels rompus au travail en équipe.

Ces espaces de soins constituent le premier lieu de référence et d’implantation des équipes polyvalentes de secteur, lesquelles regroupent des médecins psychiatres, des psychologues cliniciens, des infirmières, des assistantes sociales, des psychomotriciens, des orthophonistes et des éducateurs spécialisés.

Unités de coordination et d’accueil en milieu ouvert, elles organisent les actions de prévention, de diagnostic, de soins et de suivi. Dès lors, nous pouvons affirmer objectivement que ce sont les structures pivot les plus à même d’élaborer les stratégies thérapeutiques permettant de réduire la durée d’hospitalisation et d’enclencher une réelle dynamique de réinsertion de la personne. Il s’agit donc d’une alternative aux soins ambulatoires d’office.

La rédaction que nous proposons ne vise pas à imposer des choix thérapeutiques aux psychiatres. Ces derniers demeurent au contraire maîtres du choix de l’outil thérapeutique qu’ils jugent le plus approprié au regard de l’état clinique du patient.

Aussi, et compte tenu de la situation existante, privilégier la prise en charge au sein des centres médico-psychologiques ou via une hospitalisation de jour nous apparaît comme un élément incontournable de la nécessaire recherche de l’amélioration de la santé du patient. Elle constitue également une reconnaissance du travail effectué par l’ensemble des professionnels de santé œuvrant au sein de ces structures

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par les mots :

, après avis de la Haute autorité de santé

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Le programme de soins est un élément clé du projet de loi. En tant que tel, il porte toutes les contradictions de ses inspirateurs. La démarche thérapeutique dans laquelle il s’inscrit devrait dépendre d’abord de l’expertise de la Haute Autorité de santé, afin que le décret en Conseil d’État prévu par ce texte n’alimente pas la confusion entre anormalité et illégalité.

L’avis préalable de la Haute Autorité de santé, que nous souhaitons, arrêtera les types de soins, leur périodicité et leur contenu en tenant compte des recommandations admises par la profession, et non des injonctions de la dernière circulaire du ministère de l’intérieur.

Le programme pourra, par exemple, chercher à préserver toutes les chances d’insertion du malade. L’épidémiologie psychiatrique et la sociologie ont pu démontrer que le gradient social jouait un rôle dans la distribution de la plupart des troubles mentaux, d’où l’intérêt de cet appel à la Haute Autorité de santé. C’est pourquoi il nous paraît préférable que le décret en Conseil d’État soit précédé de l’avis de celle-ci.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge saisi des conditions de sa faisabilité est habilité à prononcer un retour en hospitalisation complète, ou la prise en charge du patient dans un centre médico-psychologique, si son état le permet. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à ouvrir le contrôle par le juge des soins psychiatriques quand ils sont prescrits en ambulatoire, spécialement lorsqu’il s’agit de soins à domicile. Il est important que son examen porte sur le respect des droits, en général, et sur celui de la vie privée en particulier.

Il ne s’agit pas, comme d’aucuns ont pu le prétendre, de donner au juge le pouvoir de contrôler le contenu du programme de soins – le juge n’est pas médecin ! Mais le juge sera attentif aux dangers qui peuvent peser sur le patient, eu égard aux caractéristiques de son environnement social.

Cet amendement vise donc à lui permettre de s’assurer que l’application du programme sera possible, compte tenu de l’environnement social du malade, de sa personnalité et de la qualité des liens qui l’unissent à ses proches. Nous pensons ici particulièrement aux soins à domicile. Devant le cas de malades dont les difficultés déborderont sur leur voisinage, le maire pourra saisir le juge afin qu’il prenne les mesures correctrices nécessaires. Les bailleurs sociaux connaissent la complexité de ces situations et mesurent tous les jours qu’elles ne se résolvent pas ex abrupto. L’intervention du juge leur apportera l’équilibre nécessaire, en permettant le retour à des formes plus encadrées et plus outillées en compétences médicales.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons que le juge puisse contrôler l’application du programme de soins quand il est prescrit en ambulatoire.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si la personne admise en soins psychiatriques s’y oppose, aucun traitement médical autre que somatique ne peut lui être imposé, sauf si son état présente un risque pour elle-même.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’objet de cet amendement est de prévenir l’une des plus grandes atteintes à l’établissement d’un diagnostic sûr en matière de médecine psychiatrique.

Nous savons toutes et tous sur ces travées que nos hôpitaux psychiatriques sont aujourd’hui dans un état déplorable, en particulier à cause du manque de personnels et de moyens. Dans ces conditions, de plus en plus de « camisoles chimiques » sont mises en œuvre pour calmer les patients. Malheureusement – voilà pourquoi nous proposons cet amendement –, cette mise en œuvre intervient très souvent dès l’admission en hôpital psychiatrique. Or, vous en conviendrez, mes chers collègues, ce genre de prescriptions s’accommode mal avec un diagnostic éclairé.

Le rôle du médecin est pourtant d’établir un certificat médical dans les soixante-douze heures. Mais devant des patients léthargiques, assommés par des doses massives de sédatifs, incapables de répondre à des questions, parfois tout simplement endormis, le médecin ne peut établir ce diagnostic que sur la base de faits rapportés. Il est donc, à cet instant, totalement dépourvu d’une réelle vision de l’affection dont souffre le malade.

Cette situation n’est concevable dans aucune branche de la médecine et, à notre avis, parce que la psychiatrie est une branche de la médecine, elle ne devrait pas échapper à ces règles intangibles. La consultation, le diagnostic, l’examen, les bases de l’art médical telles que définies par Hippocrate, tout cela est bafoué avec la camisole chimique.

Par cet amendement, nous souhaitons mettre en lumière les problèmes auxquels les soignants sont confrontés.

Dans le même temps, nous devons admettre que certains patients nécessitent, pour eux-mêmes, ce genre de traitement. Mais nous devons entendre également ce qu’ont à nous dire les patients qui ont eu à subir ces expériences douloureuses.

Nous devons refuser des pratiques, qui, si elles sont injustifiées, sont tout à la fois dégradantes et inefficaces à long terme, et qui empêchent l’établissement d’un diagnostic réellement fiable.

Parce que le diagnostic est capital dans le maintien de la mesure d’hospitalisation, on ne peut accepter qu’il soit fait en dehors des normes de la médecine. C’est la raison pour laquelle la phase d’observation doit selon nous permettre aux patients d’émettre le refus de recevoir des traitements autres que somatiques.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 23 et 24

Remplacer le mot :

soixante-douze

par le mot :

quarante-huit

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Les alinéas 21 à 24 de l'article 1er portent sur la période d’observation et de soins initiale nouvellement créée, que de nombreux praticiens assimilent à une « garde à vue psychiatrique ».

Durant cette phase, la personne admise en soins psychiatriques sans consentement est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.

Un premier certificat médical est établi au terme de vingt-quatre heures afin de confirmer ou d’infirmer la nécessité de maintenir ces soins.

Après soixante-douze heures, un nouveau certificat médical est édicté ; si les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques sans consentement, un psychiatre de l’établissement d’accueil propose la forme de la prise en charge prévue et rédige, le cas échéant, un programme de soins.

Ainsi, le délai d’une telle « garde à vue », qui comprend, certes, un volet sanitaire, mais qui consacre surtout l’orientation sécuritaire du projet de loi, est fixé à soixante-douze heures.

Au regard des atteintes portées aux libertés publiques, ce délai nous paraît excessivement long. Songeons que, durant cette période, qui doit être considérée comme un moyen de guérir la personne admise en soins sans consentement et non comme les prémices d’un traitement psychiatrique durable fondé sur la contrainte, le patient est enfermé, privé de sa liberté d’aller et venir. C’est pour cette raison que nous souhaitons réduire le délai de la phase initiale à quarante-huit heures ; plus protecteur des libertés fondamentales, en particulier de la liberté individuelle, ce délai ne serait, pour autant, aucunement un frein au traitement thérapeutique du patient.

À cet égard, rappelons-nous les propos de Guy Lefrand, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale : « Nous avons en effet auditionné des psychiatres qui nous ont indiqué que, pendant ce délai, ils se borneront à observer le malade dans sa chambre sans le traiter ». Autrement dit, notre collègue député admet que fixer la durée de la période d’observation et de soins initiale à soixante-douze heures n’est même pas une garantie de son utilité ; son opportunité est conditionnée à son acceptation par les praticiens et les patients.

Si notre amendement était adopté, l’équilibre entre protection de la santé du patient, sauvegarde de ses libertés et préservation de l’ordre public serait bien entendu mieux respecté.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Remplacer le mot :

soixante-douze

par le mot :

quarante-huit

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous considérons, nous aussi, que la mesure prévue s’apparente à une garde à vue psychiatrique.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. « Garde à vue » ? Allons bon !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le délai ne saurait donc dépasser celui de la garde à vue, à savoir quarante-huit heures.

L’internement est une mesure privative de liberté, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel. À cet égard, et parce que ce qui nous pose problème dans ce projet de loi est bien la toute-puissance du préfet et la part minimale donnée aux médecins, nous estimons que la mesure d’internement doit être réévaluée au bout de quarante-huit heures et non de soixante-douze heures.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 31

Après les mots :

soins psychiatriques

rédiger ainsi la fin de l’alinéa :

et sa famille ou la personne de confiance désignée par le patient conformément à l’article L. 1111-6 sont informées de ce projet de décision et mises à même de faire valoir leurs observations, le cas échéant par tout moyen et de manière appropriée à l’état du patient.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Aux termes de l’alinéa 31, qui est relatif aux droits des malades, une information est dispensée à la personne faisant l’objet d’une mesure sans consentement si son état de santé le permet. Cette information a trait à la forme de la prise en charge prévue – hospitalisation complète ou soins ambulatoires – ainsi qu’à la reconduite ou à la levée de la mesure de soins.

Le fait que cette information soit dispensée au patient est fondamental. Néanmoins, il nous semble également important de la transmettre à la famille ou à la personne de confiance, ainsi que le prévoit l’article L. 1111-6 du code de la santé publique.

Sur la forme, nous n’ignorons pas que la notion de famille est difficile à identifier clairement. En cela, elle est une parfaite illustration des évolutions que connaît notre société. Nous ne méconnaissons pas non plus les situations de liens distendus entre membres d’une famille, qui amèneraient le patient à refuser que celle-ci soit tenue informée des décisions le concernant. Dès lors, nous proposons une rédaction construite sur l’alternative entre famille ou personne de confiance, respectant ainsi la lettre et l’esprit de ce même article L. 1111-6.

Notre proposition vise un objectif sanitaire. En informant la famille ou la personne de confiance, la transmission d’éléments qui pourraient être importants, voire essentiels, pour la prise de décision de l’équipe soignante est rendue possible. Cette dimension nous semble d’autant plus importante que nous parlons bien de personnes appelées à recevoir des soins sans consentement.

Il est légitime de présupposer que le patient peut être dans le déni de son état de santé. Dans ce cas, la possibilité, pour l’équipe médicale, d’avoir accès à certaines informations et, le cas échéant, de construire un vrai dialogue avec l’entourage du patient est de nature à fonder la prise de décision.

Nous ne doutons pas que la prise en considération de l’entourage demeure d’une grande importance dans une pareille situation, comme dans bien des cas de pathologies avérées. En l’espèce, informer participe de la nécessaire transparence et constitue précisément une réponse aux légitimes inquiétudes et angoisses de l’entourage. Qui plus est, notre proposition s’inscrit dans le respect de la liberté du médecin d’informer ou pas et elle ne s’oppose pas au respect du secret médical.