compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à deux soldats français morts en Afghanistan

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je veux saluer la mémoire de Florian Morillon et Cyrille Hugodot, deux soldats du premier régiment de chasseurs parachutistes tombés au champ d’honneur en Afghanistan, à quelques jours d’intervalle. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Nous avons déjà salué leur mémoire la semaine dernière, mais, aujourd’hui, je tiens à renouveler cet hommage de manière particulière.

Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer leurs familles de notre compassion et présenter nos condoléances les plus attristées aux chefs de corps, officiers, sous-officiers et soldats du premier régiment de chasseurs parachutistes.

Tous, nous tenons à exprimer l’admiration que nous inspirent l’engagement, le courage et l’ardeur dont font preuve nos soldats, en Afghanistan, où l’environnement est particulièrement difficile, comme ailleurs.

Soixante-trois de nos soldats sont tombés en Afghanistan dans le cadre des missions ardues qui leur avaient été confiées, en vue de contribuer au retour de ce pays à la paix, à la stabilité et au développement.

La situation en Afghanistan nous interpelle ; nous aurons encore à débattre de la durée et de l’ampleur de notre engagement dans ce pays, qui connaît une situation dramatique depuis plusieurs décennies.

Nos forces armées méritent la reconnaissance de la nation. Nous nous inclinons devant les soldats disparus. En leur mémoire, je vous propose, madame la ministre, mes chers collègues, de respecter un moment de recueillement. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

3

Tourisme et environnement outre-mer

Débat organisé à la demande de la commission de l’économie

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le tourisme et l’environnement outre-mer, organisé à la demande de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

La parole est à M. Michel Magras, au nom de la commission de l’économie.

M. Michel Magras, au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que la Haute Assemblée se saisisse aujourd’hui du problème du tourisme ultramarin, de sa situation actuelle et des défis qui se présentent à lui. En effet, ce secteur d’activité est essentiel pour l’avenir de nos outre-mer.

Notre débat constitue une nouvelle illustration du profond attachement du Sénat aux territoires ultramarins ; à cet égard, je veux remercier le président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine, qui a pris l’initiative de demander son organisation.

En septembre dernier, la commission de l’économie m’a confié la rédaction d’un rapport d’information portant sur le thème du présent débat : « Tourisme et environnement outre-mer ». Le 24 mai dernier, j’ai présenté mes conclusions devant la commission ; celle-ci, à l’unanimité, a autorisé la publication de mon rapport.

Dès le début de mes travaux, je me suis interrogé sur l’étendue géographique de mon sujet. Il m’est apparu irréaliste de vouloir traiter l’ensemble des collectivités ultramarines. Ce choix est justifié, non seulement par d’évidentes raisons logiques, mais aussi par le constat que, en matière touristique comme dans bien d’autres domaines, il n’y a pas un, mais des outre-mer.

Quel est le point commun, en effet, entre Saint-Pierre-et-Miquelon, une île au climat océanique froid, et la Guyane, un département d’une taille comparable à celle du Portugal et dont la forêt équatoriale recouvre près de 90 % du territoire ?

Quel est le point commun entre les collectivités, comme les quatre territoires antillais, dont le tourisme est essentiellement orienté vers le secteur balnéaire, et celles où se sont développées d’autres formes de tourisme, à l’exemple de la Réunion, qui compte seulement quelques kilomètres de plage ?

Aussi, j’ai fait le choix de concentrer mon travail sur deux départements antillais : la Guadeloupe et la Martinique. En effet, pendant longtemps, ces territoires ont été des destinations touristiques de premier ordre, alors qu’ils rencontrent aujourd'hui de graves difficultés.

Pourtant, j’estime que certaines des recommandations que je formule dans mon rapport sont également adaptées à d’autres collectivités ultramarines ; j’espère que notre débat le mettra en évidence, comme je souhaite qu’il fasse apparaître la diversité des enjeux et des difficultés auxquelles sont confrontées les différentes collectivités d’outre-mer.

Au terme de mes travaux, qui ont pris la forme d’une vingtaine d’auditions conduites à Paris et de plus d’une trentaine d’autres menées lors de mon déplacement dans les Antilles, j’ai formulé onze recommandations. Celles-ci sont destinées à permettre la relance du tourisme antillais et à souligner combien est essentielle la prise en compte de la dimension environnementale dans la stratégie touristique de ces destinations.

À mes yeux, les Antilles doivent passer d’un tourisme subi à un tourisme intégré, c’est-à-dire inscrit de manière harmonieuse dans la société comme dans le milieu naturel.

Je veux souligner que mon rapport s’adresse à l’ensemble des acteurs du secteur ; en d’autres termes, les recommandations qu’il comporte sont destinées aux socioprofessionnels, aux élus locaux, à la population et à l’État.

J’écouterai avec grand intérêt, madame la ministre, le point de vue du Gouvernement sur certaines des propositions que je formule dans mon rapport.

Par exemple, entendez-vous prendre des initiatives pour renforcer l’apprentissage des langues étrangères dans les établissements scolaires des Antilles ? Dans ces départements, en effet, le bilinguisme est une nécessité absolue : les Antilles sont la France, mais une France qui doit parler l’anglais et l’espagnol si elle veut réussir son intégration régionale !

De même, le Gouvernement est-il disposé à ajuster la politique de défiscalisation pour donner naissance à une « défiscalisation de projet » mise au service de la rénovation hôtelière ?

Je ne veux pas m’attarder, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’ensemble des recommandations que mon rapport contient. Je souhaite concentrer mon propos sur certaines d’entre elles, qui me paraissent essentielles ou originales.

La première recommandation mentionnée dans mon rapport vise à faire du tourisme la priorité des Antilles en matière de développement économique.

La situation de ce secteur est aujourd’hui très inquiétante. La fréquentation touristique de la Martinique et de la Guadeloupe s’est effondrée depuis le début des années 2000 : alors que la Martinique accueillait en 1998 plus d’un million de touristes, elle en a accueilli seulement 580 000 en 2009, ce qui représente une chute de 45 % en onze ans.

Parmi les facteurs qui permettent d’expliquer cette évolution, il y a d’abord la concurrence des nouvelles destinations et l’instabilité sociale.

Il est clair également que la volonté politique de favoriser l’essor du tourisme a longtemps fait défaut, alors même que cette activité constitue pour ces deux départements un secteur économique central et un gisement d’emplois potentiels considérable – pour ne pas dire exclusif –, puisqu’elle représente environ 10 % des emplois directs et indirects.

C’est pourquoi j’estime que les acteurs locaux doivent se mobiliser, dans un domaine qui relève de leurs compétences, et l’État prendre les mesures nécessaires pour les accompagner. Pour cela, il importe que les acteurs locaux établissent une véritable stratégie touristique et progressent en direction d’un tourisme intégré, en phase avec l’ensemble des acteurs de la filière et, plus généralement, de la société.

Aussi, je propose que, après chaque renouvellement des instances de la collectivité régionale, une conférence réunisse l’ensemble des acteurs concernés afin de déterminer la stratégie touristique et d’orienter prioritairement les dépenses publiques en direction de ce secteur.

Lors de mon déplacement en Martinique, il m’a semblé qu’une dynamique durable, impliquant tous les partenaires, avait été récemment mise en place. La visite du Président de la République en janvier dernier et la politique mise en œuvre par le nouveau président du conseil régional ont conduit à un résultat clair : le tourisme est devenu la véritable priorité du développement économique martiniquais et l’ensemble des acteurs œuvrent dans la même direction.

Lors d’un débat en Guadeloupe, au cours duquel j’ai présenté mon rapport aux élus et aux autres acteurs locaux du tourisme, j’ai nettement perçu une volonté de s’engager dans cette voie ; je ne peux que m’en féliciter.

Ma quatrième recommandation concerne les initiatives qui devraient être prises afin d’attirer les touristes en provenance du bassin américain, c’est-à-dire des États-Unis, du Canada, mais aussi du Brésil ; pour y parvenir, il convient, notamment, d’inciter les compagnies aériennes américaines à desservir les Antilles.

Les deux départements antillais souffrent aujourd’hui d’un phénomène de monoclientèle : plus de 90 % des touristes qui y séjournent sont Français. Cette situation s’explique en partie par l’existence d’une desserte aérienne au départ de l’aéroport d’Orly, qui nuit à l’ouverture aux autres marchés européens.

Je veux saluer l’engagement dont font preuve à ce sujet le Président de la République et le Gouvernement : grâce à leur détermination, une desserte au départ de l’aéroport de Roissy sera mise en place par la compagnie nationale en novembre prochain. J’espère que les modalités de cette expérimentation rendront possible son succès.

Si la question des touristes européens est régulièrement posée, il n’en va pas de même de celle des touristes nord-américains, qui représentent pourtant, pour les Antilles, une clientèle potentielle très importante ; le cas de Saint-Barthélemy est révélateur de ce point de vue.

Les clients nord-américains, qui furent les premiers à faire le pari de la Guadeloupe et de la Martinique – je rappelle que les premiers touristes ont été conduits sur ces îles par la Pan Am ! –, ont déserté ces territoires depuis les années 1980. L’instabilité sociale a conduit les compagnies aériennes américaines à cesser leurs dessertes. À l’heure actuelle, il s’agit des deux seules îles de la Caraïbe à ne disposer d’aucune liaison directe avec les États-Unis.

À mes yeux, les Antilles possèdent pourtant des atouts pour séduire les clientèles américaine et canadienne : la proximité géographique, bien entendu, mais aussi la sécurité, entendue sous tous ses aspects, notamment dans sa dimension sanitaire.

Aussi, je considère que le retour des touristes nord-américains doit constituer une priorité. Il convient, notamment, que les acteurs du tourisme se mobilisent pour inciter les compagnies aériennes américaines et canadiennes, y compris, le cas échéant, les low cost, à desservir de nouveau les départements de la Martinique et de la Guadeloupe.

La compagnie nationale aurait l’intention de prendre des initiatives en la matière. Toutefois, je m’interroge : les démarches doivent-elles se limiter aux seules propositions de l’alliance Skyteam ?

Ma cinquième recommandation est d’ajuster le dispositif de défiscalisation pour l’hôtellerie, afin d’aboutir à une « défiscalisation de projet » et de permettre la mise à niveau des établissements hôteliers.

La situation du secteur hôtelier antillais est aujourd’hui dramatique.

Premièrement, le parc hôtelier a fondu : il a été divisé par deux au cours des dix dernières années.

Deuxièmement, ce parc est globalement obsolète et n’offre plus du tout le confort et les équipements exigés par la clientèle actuelle. Je note cependant qu’une réelle volonté de le rénover existe aujourd’hui ; des moyens seront nécessaires pour qu’elle aboutisse à des résultats tangibles.

Troisièmement, les établissements sont dans une situation financière très difficile, près de 80 % des structures hôtelières étant déficitaires.

Je tiens à saluer, madame la ministre, la création par le Gouvernement, en février dernier, d’une mission qui proposera, je l’espère, des solutions adaptées aux difficultés du secteur.

Ce constat m’a amené à examiner l’impact de la défiscalisation. Cette dernière a, objectivement, permis un développement important du parc hôtelier à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix ; le parc a ainsi presque doublé en Guadeloupe entre 1986 et 1995.

Dans le même temps, la défiscalisation a eu des effets pervers importants, comme la vente à la découpe de nombreux hôtels.

Ces effets contrastés s’expliquent parce que, à mes yeux, la défiscalisation n’a pas été conçue comme un outil de développement durable du tourisme. J’en suis convaincu et c’est pourquoi je suis, à titre personnel, partisan d’une défiscalisation choisie.

Il n’est pas question pour moi de remettre en cause ce dispositif. En revanche, il est indispensable de faire de la défiscalisation en matière hôtelière, qui ne constitue aujourd’hui qu’un placement financier, un véritable outil de développement économique durable.

À cette fin, l’allongement de la durée d’exploitation des biens défiscalisés dans le domaine de l’hôtellerie serait, à mes yeux, particulièrement utile. Cette durée pourrait être portée de cinq à dix ans, voire quinze ans, ce qui permettrait de resserrer les liens entre le gestionnaire et les investisseurs et de faire émerger une véritable « défiscalisation de projet ».

Je sais que cette position n’est pas consensuelle. Les Antillais qui exploitent des hôtels en défiscalisation veulent devenir très vite propriétaires de ces biens, ce que je peux tout à fait comprendre, mais à quoi servirait-il d’être propriétaire sans disposer des moyens permettant de garantir l’entretien et le maintien à niveau de ces établissements ?

Un autre ajustement est souhaitable : la défiscalisation doit désormais s’appliquer, dans ce secteur, uniquement à la rénovation des hôtels existants. Comme je l’indiquais tout à l’heure, la priorité actuelle est la rénovation des hôtels, afin de mettre le parc à niveau.

Je pourrais évoquer également les propositions que je formule en matière de croisières ou de formation, mais je souhaite maintenant aborder le volet environnemental de mon rapport.

L’environnement constitue en effet un atout majeur pour le tourisme antillais. Dans mon esprit, cela signifie non pas seulement qu’il faut développer le tourisme vert, mais que la dimension environnementale doit être prise en compte dans l’ensemble de la politique touristique de ces territoires, notamment parce que la clientèle actuelle est très sensible à cette dimension.

Je souhaite revenir sur deux de mes propositions.

Il s’agit tout d’abord de ma neuvième recommandation : prendre des initiatives en matière de cadre de vie, par exemple en utilisant les dispositifs législatifs permettant d’encadrer et de réguler l’affichage publicitaire.

Il est clair que la qualité du cadre de vie est un élément essentiel, un préalable pour la réussite d’une destination. C’est encore plus vrai pour la Guadeloupe et la Martinique dans le contexte actuel, marqué par l’essor du tourisme de gîtes. Or ces deux départements ont un déficit d’image important. J’évoque deux aspects de cette question dans mon rapport : la gestion des déchets – sujet ô combien sensible –, ainsi que l’affichage publicitaire, un aspect moins souvent évoqué, mais tout aussi essentiel, me semble-t-il.

Je souhaite revenir brièvement sur ce dernier sujet. Lorsque, sur le trajet menant les touristes de l’aéroport à leur hôtel, le paysage est défiguré par des panneaux publicitaires plus ou moins délabrés par les phénomènes climatiques et répartis de manière anarchique, lorsque ce paysage offre le spectacle de déchets en tous genres abandonnés le long des routes, il n’est pas étonnant que ce premier contact avec l’île, aussi belle soit-elle par ailleurs, laisse des traces et contribue à entretenir une image négative de la destination.

Pourquoi offrir à nos visiteurs une impression négative alors que ces îles disposent de richesses et d’atouts naturels parmi les plus appréciés et les plus recherchés au monde ?

Je suis d’autant plus conscient de l’enjeu en la matière que j’ai été à l’origine, à Saint-Barthélemy, d’un règlement local de publicité particulièrement strict. La quasi-totalité de l’île est classée aujourd’hui en « zone de publicité restreinte ». Cette décision, certes radicale, est considérée comme l’un des éléments qui participent de la très bonne image de l’île.

Il revient donc aujourd’hui aux élus locaux guadeloupéens et martiniquais de prendre des initiatives en la matière afin d’assurer une intégration harmonieuse de l’affichage publicitaire dans le paysage, notamment sur les lieux de séjour des touristes. Ils disposent à cette fin des outils législatifs adéquats, qui ont d’ailleurs été renforcés dans le cadre de la loi sur le Grenelle II.

Dans ces domaines, la Guadeloupe et la Martinique doivent donc se mobiliser pour acquérir définitivement une image d’îles propres.

Autre proposition en matière d’environnement, la recommandation n° 10 de mon rapport : promouvoir les Antilles comme une destination touristique « verte ».

Les Antilles disposent d’atouts très importants en matière environnementale.

D’une part, pour reprendre les termes du rapport de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, les Antilles constituent un véritable « trésor environnemental », avec une biodiversité d’une grande richesse, de très nombreux sites protégés – le tiers du territoire de la Guadeloupe bénéficie ainsi, à un titre ou à un autre, d’une protection –, ou encore une grande diversité de paysages.

Nous connaissons tous le dynamisme du mouvement associatif local et des organismes intervenant dans ce domaine – je pense, notamment, au Conservatoire du littoral –, mais les résultats obtenus ne sont pas suffisamment mis en valeur.

D’autre part, les Antilles constituent un laboratoire pour la France en matière d’énergies renouvelables. Si la politique volontariste mise en œuvre à la Réunion par le biais du plan GERRI – Grenelle de l’environnement à la Réunion, réussir l’innovation – produit des effets impressionnants, les spécialistes que j’ai rencontrés soulignent que le potentiel des Antilles en matière d’énergies renouvelables serait supérieur à celui de la Réunion.

Le solaire, la biomasse, l’éolien, la géothermie ou encore les énergies marines peuvent y être développés. Les deux départements devraient atteindre la limite de 30 % d’énergies renouvelables intermittentes dès 2012.

Ces atouts ne sont aujourd’hui pas assez « vendus » pour promouvoir ces destinations Ils doivent être mis à profit pour changer leur image et, notamment, sortir du cliché réducteur de destinations « plages de cocotiers ». À mes yeux, il est donc indispensable que la promotion soit orientée vers leur richesse environnementale, ce qui pourrait produire des effets très positifs. Selon certaines estimations, la Martinique disposerait ainsi d’un potentiel de 300 000 écotouristes par an !

Les sites internet de chacune de ces destinations pourraient utilement mettre en avant cette image d’« îles vertes ». De même, je pense que l’industrie touristique, notamment l’hôtellerie, pourrait participer à cette politique de promotion en mettant en œuvre de nouvelles pratiques.

Voilà donc, mes chers collègues, quelques-unes des propositions que je formule dans mon rapport d’information, lequel contient bien d’autres recommandations.

S’agissant de la relation entre la population et le tourisme, je reprends à mon compte la belle formule du rapport de 2007 de Mme Felzines, qui écrivait ceci : faire du tourisme, c’est « accueillir sans se faire envahir, offrir sans se sentir dépossédé ».

Je souhaite que mon rapport soit utile et permette d’orienter les décisions prises au niveau local et à l'échelle nationale afin de relancer le tourisme antillais.

Je l’ai présenté en Guadeloupe voilà deux semaines. Les acteurs locaux m’ont paru très réceptifs à mes recommandations, ce dont je me réjouis. J’espère pouvoir, au cours des prochaines semaines, me rendre en Martinique afin d’effectuer une présentation similaire ; il est en effet pour moi essentiel que les acteurs locaux s’approprient ces propositions.

J’espère, madame la ministre, mes chers collègues, que notre débat sera constructif et qu’il permettra de souligner les problèmes communs en matière de tourisme des différentes collectivités ultramarines, ainsi que ceux qui sont propres à chacune d’elles.

Il s’agit en tout cas d’un sujet majeur pour l’avenir de nos outre-mer. C’est, dans les Antilles notamment, le seul secteur d’activité dont on peut espérer qu’il permette un développement économique durable. (Applaudissements.)

4

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, lors du vote sur l’ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, le 23 juin dernier, j’ai été considérée comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

Tourisme et environnement outre-mer

Suite d’un débat organisé à la demande de la commission de l’économie

M. le président. Nous reprenons le débat sur le tourisme et l’environnement outre-mer.

La parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux que notre assemblée ait accepté d’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux la question du développement touristique de l’outre-mer. Le tourisme apparaît en effet aujourd’hui comme un chapitre important de notre politique de développement.

Notre collègue Michel Magras, dans son remarquable rapport intitulé Guadeloupe et Martinique : d’un tourisme subi à un tourisme intégré, a jugé réaliste de ne pas traiter en termes simplement généraux la situation des onze collectivités ultramarines, mais de bien faire ressortir la diversité des moyens et des ambitions, des atouts et des problèmes des collectivités antillaises.

Un tel souci de réalisme et d’adaptation aux réalités locales s’impose à tous, afin de tenir compte des spécificités géographiques, culturelles et humaines de nos territoires.

En outre, M. Magras a eu le mérite, au terme d’une analyse précise du secteur touristique des Antilles, de formuler diverses propositions sur plusieurs aspects qu’il juge essentiels.

Il a par ailleurs examiné les conditions dans lesquelles l’environnement local peut représenter un atout significatif pour le tourisme ultramarin.

Nous pouvons donc nous inspirer largement des onze recommandations formulées à l’adresse des acteurs locaux, ainsi qu’à celle de l’État.

Permettez-moi, monsieur le président, d’adresser mes très cordiales félicitations au nouveau président du comité du tourisme mahorais, M. Rastami Abdou, pour sa récente élection.

Je lui demande de s’entourer avec soin de techniciens spécialisés dans le tourisme afin de permettre le véritable démarrage d’une politique touristique à Mayotte. Il faudra, bien entendu, que l’État nous apporte son concours financier, lequel viendrait utilement compléter l’enveloppe allouée par le conseil général, qui demeure encore insuffisante compte tenu de la modestie de nos ressources budgétaires.

Notre collectivité, chacun le sait, est située à l’extrême nord du canal du Mozambique. Elle comprend deux îles principales, ainsi qu’une trentaine d’îlots. L’ensemble forme l’un des plus grands lagons fermés du monde, reconnu sur le plan international.

Devenue le cent unième département français le 31 mars 2011, actuellement en pleine mutation économique et sociale, Mayotte se développe rapidement et le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en a fait sur place la constatation encourageante : il a promis une aide de l’État afin de moderniser les installations et infrastructures destinées au développement touristique.

Ainsi, nous disposons de nombreux atouts pour structurer un développement touristique autour d’un projet alternatif d’écotourisme, en association avec le tissu associatif et en favorisant les microprojets.

Parmi les atouts de Mayotte, on peut citer sa position géographique entre l’Afrique de l’Est et les autres îles de l’océan Indien ; un lagon exceptionnel doté de cent spots de plongée qui en font, suivant l’expression des spécialistes, « le temple de la plongée » dans la région ; le premier parc naturel marin outre-mer, aujourd’hui créé ; une flore et une faune originales – l’île possède un quart de la diversité mondiale des mammifères marins – ; une culture locale d’une remarquable richesse.

Le comité du tourisme mahorais a le projet de « construire une offre authentique, identitaire et respectueuse du bien-être de la population locale, de la préservation des ressources et de la biodiversité de l’île ». Mayotte « doit offrir à ses visiteurs de vraies occasions de rencontres, d’échanges et de partage avec la population ».

Plus de 53 000 touristes se sont rendus à Mayotte en 2010, soit 3 000 de plus qu’en 2009. Cette hausse de la fréquentation est due principalement au tourisme d’agrément, pour 49 %, contre 28 % pour le tourisme affinitaire et 20 % pour le tourisme d’affaires.

Au total, 48 % de l’ensemble des touristes qui se rendent à Mayotte résident en France métropolitaine et 44 % à la Réunion.

À l’horizon 2015-2020, Mayotte ambitionne d’accueillir entre 120 000 et 150 000 visiteurs par an et d’augmenter le chiffre d’affaires du secteur, aujourd’hui estimé à 30 millions d’euros.

Fondés sur le schéma de développement et d’aménagement du tourisme et sur les conclusions des assises du tourisme de Mayotte, qui se sont tenues en décembre 2010, les axes majeurs de la politique de développement du tourisme à court, moyen et long terme sont les suivants.

Premièrement, construire la destination, son identité, son image, sa plus-value, et s’appuyer sur la coopération régionale.

Deuxièmement, améliorer sa desserte aérienne dont les nouvelles infrastructures aéroportuaires ne seront pleinement opérationnelles qu’en 2013. Celles-ci permettront de passer de 305 000 à plus de 600 000 passagers par an. L’île est desservie par des lignes aériennes au départ de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, ce qui favorise l’ouverture au marché européen.

Troisièmement, créer des circuits-combinés avec les territoires voisins. En effet, sa situation privilégiée dans l’océan Indien permet diverses formules de coopération avec d’autres destinations telles que la Réunion, l’île Maurice, Madagascar, le Kenya.

Nous avons l’ambition de nous repositionner à l’échelle régionale et de développer de nouveaux partenariats d’économie touristique avec les îles voisines pour assurer la complémentarité de l’offre et renforcer la commercialisation et la distribution de nos produits.

Quatrièmement, développer un hébergement important, pour répondre aux attentes des tours opérateurs.

Cinquièmement, former des hommes aux métiers du tourisme : le secteur devra bénéficier de formations qualifiantes sur place afin de permettre à la population locale d’accéder aux différents métiers du tourisme.

Le comité du tourisme mahorais vient de passer un accord avec la direction du travail pour prendre en charge une formation sur deux ans. Cette formation permettra aux étudiants titulaires d’un brevet d’études professionnelles d’obtenir un bac professionnel. Pour les bacheliers, l’accord prévoit une formation conduisant au niveau bac+2.

Par ailleurs, le comité du tourisme mahorais forme des gardiens à l’entretien, au balisage et à la propreté des 200 kilomètres de sentiers de randonnées dont l’île est dotée.

Sixièmement, préserver les ressources et richesses du lagon à travers, notamment, l’assainissement et le développement durable.

Septièmement, développer des produits, sites et services pour la clientèle régionale tout en recentrant la politique touristique au bénéfice des populations locales.

Huitièmement, développer l’artisanat local, en améliorant, notamment, la présentation des produits naturels.

Neuvièmement, appuyer et soutenir les micros projets touristiques.

Dixièmement, développer l’hébergement chez l’habitant et améliorer les gîtes et chambres d’hôtes.

Onzièmement, mettre en place un système d’accompagnement de conseil et de classement pour le développement des chambres d’hôtes : architecture extérieure et intérieure, services, aménagement de l’espace, équipements.

Dans le cadre de projets hôteliers, nous demandons l’intervention d’un architecte agréé de la Réunion. Pour les petits projets, un appui et un conseil technique devraient être accessibles aux petits entrepreneurs ou aux communes pour les restaurants, chambres d’hôtes et gîtes.

Douzièmement, accroître la diversité des activités offertes dans le lagon.

Treizièmement, programmer une formation et une clarification des statuts des guides naturalistes et guides de pays : qualification, compétences, carte professionnelle.

En définitive, il apparaît que le développement du tourisme à Mayotte doit nécessairement être envisagé dans une logique de « gouvernance participative ». La position des élus locaux est en effet de construire le tourisme mahorais en associant, en consultant et en écoutant les différents acteurs locaux au sujet de l’action touristique à conduire, notamment les maires, les professionnels, le tissu associatif et, plus largement, la population mahoraise elle-même.

Le tourisme constitue pour Mayotte, ainsi que pour l’ensemble des territoires d’outre-mer, l’un des secteurs d’activités présentant un fort potentiel de valeur ajoutée et de création d’emplois.

Laissons à ceux dont c’est le métier le soin de développer une concertation sur une stratégie, à charge pour l’État et les collectivités territoriales de pourvoir aux besoins en infrastructures.