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Questions cribles thématiques

LA RENTRÉE SCOLAIRE

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, en fin de programme.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Le 21 juin dernier, le Président de la République a annoncé un moratoire sur les fermetures de classes de primaire pour la rentrée de 2012.

Avec 1 500 fermetures prévues pour la rentrée de 2011, le Président de la République a lui-même reconnu « que nous avions un problème majeur d’école primaire », l’objectif étant, pour la rentrée de 2012, de ne procéder, hors évolution démographique, à aucune fermeture.

Si je salue l’engagement du Président de la République, de nombreux problèmes persistent pour la rentrée de 2011, que ce soit au sein des écoles primaires, des collèges ou des lycées. En effet, ce ne sont pas moins de 16 000 postes qui vont être supprimés.

Si je comprends la politique du Gouvernement, qui s’est engagé à réduire l’endettement de l’État et les déficits publics sur plusieurs années, je m’inquiète du manque de moyens et, surtout, de temps d’adaptation auquel sont confrontés nombre de nos écoles, collèges, lycées et collectivités.

Je prendrai l’exemple de mon département, la Marne.

Pour le premier degré, ce département se voit retirer trente-sept postes, alors que le nombre d’élèves sera en augmentation. Il en va de même pour le second degré. L’effectif de certaines classes va atteindre ou dépasser trente élèves.

M. Guy Fischer. C’est incompréhensible !

Mme Françoise Férat. Au-delà de ses conséquences évidentes sur les conditions de travail, une telle évolution soulève également des difficultés en termes de sécurité des locaux et d’adaptation de la taille des classes. Certaines ne seront pas assez spacieuses, ni adaptées à l’accueil d’élèves en fauteuil roulant, ni équipées du matériel informatique nécessaire pour satisfaire aux nouvelles exigences de l’éducation nationale.

Le plus souvent, c’est le milieu rural qui est le plus affecté par ces suppressions de postes.

Le 23 juin 2006, la charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural était signée. S’agissant de la carte scolaire, elle prévoit que les autorités académiques doivent informer les exécutifs locaux concernés deux ans avant la mise en œuvre des projets d’ouverture ou de fermeture de classes du premier degré. Aujourd’hui, force est de constater que ce principe n’est pas appliqué, du moins dans mon département.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre afin de pallier ces manquements, auxquels nos collectivités, les enseignants et les parents d’élèves ont de plus en plus de difficultés à faire face ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame Férat, l’éducation nationale ne manque pas de moyens. La majorité sénatoriale a voté cette année un budget de plus de 60 milliards d’euros, en augmentation de 1,6 %, le plus important jamais voté par le Parlement : 22 % du budget de la nation est consacré à l’éducation nationale. Je rappelle que, dans notre pays, la dépense par élève a augmenté, en trente ans, de 80 % en euros constants.

Les moyens sont donc là. La question est de savoir comment ils doivent être répartis.

Certes, madame le sénateur, le Président de la République s’est engagé à ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Mais je dois souligner qu’il y aura, à la rentrée prochaine, plus de professeurs et moins d’élèves qu’il n’y en avait voilà vingt ans. Le taux d’encadrement est donc meilleur aujourd'hui qu’il ne l’était à l’époque ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Par ailleurs, le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux nous permet de mener une politique de revalorisation des salaires des enseignants, ce que les socialistes n’ont pas été capables de faire quand ils étaient au pouvoir. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Nous avons augmenté de 10 % les salaires des enseignants en début de carrière, ce qui est exceptionnel au regard de l’environnement économique et budgétaire européen actuel. Alors que certains pays licencient leurs fonctionnaires, que d’autres baissent leurs rémunérations, le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux nous a permis de revaloriser de manière significative les salaires des enseignants et de tous les fonctionnaires, dont le pouvoir d’achat a augmenté de 3,1 % l’année dernière ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Madame le sénateur, nous agissons avec discernement. J’ai donné des instructions claires pour que l’on tienne compte de la carte locale et que des concertations soient menées avec les élus, de manière prospective, afin que l’offre scolaire soit adaptée au mieux, notamment dans les zones rurales, dont je connais bien les spécificités pour être élu d’un département rural.

Nous faisons le choix d’une éducation nationale de qualité, qui déploie ses moyens de façon différenciée, en faisant davantage pour les élèves qui en ont le plus besoin.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.

Mme Françoise Férat. Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le ministre : ce n’est pas une question de moyens. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Pardonnez-moi d’insister, car, sur le terrain, les difficultés sont bien réelles. Élus, parents d’élèves, enseignants : tous nous font part très régulièrement de leurs problèmes.

Je ne citerai qu’un exemple pour illustrer mes propos : la prochaine rentrée verra l’arrivée de 40 000 élèves supplémentaires en classe de sixième, alors que, dans le même temps, 4 800 postes de professeur vont être supprimés.

Je ne reviendrai pas sur la charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, mais est-il vraiment utopique d’envisager une autre procédure, associant, autour de l’inspecteur d’académie, l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les maires et les associations départementales des maires pour les écoles primaires, les conseils généraux pour les collèges, les régions pour les lycées, ainsi bien sûr que les enseignants et les parents d’élèves ?

Une telle concertation entre personnes responsables permettrait sans aucun doute de prendre en compte la nécessaire rigueur budgétaire sans que cela nuise à la qualité de l’enseignement que nous devons à nos enfants. Quelle école voulons-nous pour demain ?

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. À la rentrée prochaine, 4 900 enfants supplémentaires seront accueillis à l’école élémentaire. Pourtant, dans le primaire, près de 9 000 postes d’enseignant seront supprimés et 1 500 classes fermées. Cette décision est pour le moins incompréhensible !

Les rapports se suivent et se ressemblent, le constat est sans appel : notre école souffre et une génération d’enfants est en passe d’être sacrifiée sur l’autel des restrictions budgétaires, alors que les cadeaux fiscaux se poursuivent et que la chasse aux niches fiscales est bien timide.

De la Cour des comptes au Haut Conseil de l’éducation, en passant par les travaux de nombreux parlementaires, les observateurs les plus autorisés tirent, les uns après les autres, la sonnette d’alarme. Ne leur accorde-t-on aucun crédit ? Il suffit pourtant de regarder autour de nous pour mesurer l’ampleur des dégâts !

Comment imaginer lutter contre l’échec scolaire, l’absentéisme, la violence et tous les autres maux dont souffre notre école laïque et républicaine en laissant des enseignants de plus en plus isolés, de moins en moins bien formés, face à des classes de plus en plus surchargées ? L’égalité des chances est abandonnée au profit des objectifs de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Les principes républicains et laïcs sont foulés aux pieds, au grand désespoir de ceux qui, comme moi, sont les produits de l’école de la République.

Pour tenter de calmer la colère des familles, des enseignants ou des élus, on annonce un moratoire sur les fermetures de classes en primaire pour la rentrée de 2012, mais cette mesure pourrait s’apparenter à une manœuvre à visée purement électoraliste. Pourquoi ne pas mettre en œuvre un tel moratoire dès la rentrée de 2011 ?

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. François Fortassin. Les territoires ruraux seront les plus touchés. À l’évidence, votre politique fait fi d’un élément pourtant très important : les enfants, souvent peu réceptifs et parfois allergiques à l’autorité, ne peuvent réussir que dans des classes à faible effectif.

Les dix années passées, 1 500 communes de notre pays ont vu fermer la dernière classe de leur dernière école. Certains quartiers urbains ne sont guère mieux lotis.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que l’école de la République vive en milieu rural ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais revenir sur vos propos concernant le nombre moyen d’élèves par classe.

Tout d’abord, aucune étude – j’ai le regret de vous le dire – ne démontre qu’on obtient de meilleurs résultats avec de petits effectifs. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je vous renvoie à tous les travaux parus sur le sujet !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Ensuite, il y a moins d’élèves par classe aujourd'hui que lorsque vos amis étaient au pouvoir, à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix.

Ainsi, à la rentrée prochaine, on comptera en moyenne vingt-sept élèves par classe dans les lycées généraux ou technologiques, contre trente et un en 1989-1990. De même, il y aura dix-neuf élèves par classe en moyenne dans les lycées professionnels, contre vingt-trois au début des années quatre-vingt-dix.

M. Alain Gournac. Et voilà !

M. Luc Chatel, ministre. Alors, monsieur le sénateur, de grâce, ne nous faites pas de faux procès !

Aujourd'hui, la réussite des élèves passe par une personnalisation de l’enseignement, qui manque depuis vingt-cinq ans. La massification de l’accès au système éducatif –100 % des élèves entrent au collège, 65 % d’une classe d’âge parvient au baccalauréat – est une bonne chose, mais les moyens permettant d’assurer une place à chacun à la sortie n’ont pas été mis en œuvre. Aujourd'hui, trop de jeunes quittent le système éducatif sans qualification, sans diplôme : ils seraient 180 000 d’après les statistiques que j’ai pu obtenir en connectant nos réseaux informatiques avec ceux de l’enseignement agricole et des centres de formation d’apprentis.

Pour lutter contre l’échec scolaire, notamment en milieu rural, il faut personnaliser l’enseignement tout au long de la scolarité, avec, par exemple, l’aide personnalisée en primaire ou les deux heures d’accompagnement personnalisé au lycée, qui permettent aussi bien de donner des méthodes de travail aux jeunes ayant du potentiel pour les porter vers l’excellence que d’apporter un soutien par petits groupes aux élèves en difficulté.

L’éducation nationale du futur doit apporter une réponse différenciée, en consacrant plus de moyens aux élèves en difficulté, plutôt que de maintenir un modèle égalitaire qui a, ces dernières années, montré toutes ses limites.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, j’ai du mal à adhérer à votre théorie.

M. François Fortassin. En effet, d’un côté, vous nous dites qu’aucune étude ne démontre que de faibles effectifs favorisent la réussite ; de l’autre, vous affirmez qu’il faut travailler par petits groupes !

Vous savez très bien que, en vingt ou trente ans, le comportement des élèves a changé. Pour diverses raisons, ils sont moins réceptifs aujourd'hui qu’ils ne l’étaient autrefois. À l’évidence, il y a moins de chahut dans une classe à faible effectif. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Françoise Cartron. C’est clair !

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. En l’espace d’une génération, l’école a ouvert ses portes à un nombre croissant d’élèves. Elle a relevé le défi de la massification : aujourd’hui, 66 % d’une classe d’âge obtient le baccalauréat, contre moins de 26 % en 1980.

Néanmoins, nous sommes tous conscients que l’école doit évoluer : elle doit désormais relever le défi de la démocratisation, car les résultats au baccalauréat n’évoluent plus depuis une quinzaine d’années.

Par ailleurs, force est de constater que l’école n’a pas atteint tous ses objectifs. Deux réalités le montrent : chaque année, plus de 50 000 jeunes quittent définitivement le lycée sans le baccalauréat, et un étudiant sur deux échoue en première année à l’université.

Aussi, monsieur le ministre, avez-vous décidé de mettre en œuvre une réforme du lycée. Elle s’applique depuis la rentrée de 2010 aux classes de seconde générale et technologique.

Cette réforme entre aujourd’hui dans sa seconde phase. Je voudrais vous interroger plus particulièrement sur la nouvelle classe de première. En effet, la première constitue une étape importante dans la vie de l’élève, car elle est un premier pas vers une spécialisation et un premier rendez-vous avec le baccalauréat, au travers des épreuves anticipées.

Dans cette perspective, les élèves de première doivent pouvoir commencer à se diriger vers une spécialisation, tout en conservant la possibilité de changer d’orientation en cours d’année. Par conséquent, ils doivent être mieux accompagnés dans leur parcours de formation et d’orientation.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur la réforme du lycée s’agissant de la rentrée de 2011 ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, vous êtes très attachée à cette grande institution de notre système éducatif qu’est le lycée. Nous avons voulu réformer celui-ci afin de le moderniser et, surtout, de lui permettre de relever les défis que vous avez rappelés, notamment accroître le nombre d’élèves en mesure d’accéder à l’université et d’y réussir, sachant que, aujourd’hui, un étudiant sur deux échoue en fin de première année.

Pour remédier à cet échec de notre système éducatif, nous avons voulu mettre en place un système d’orientation beaucoup plus progressif. En France, on a trop souvent estimé, par le passé, que le choix devait s’opérer systématiquement à 14 ans, au sortir du collège. Or, à cet âge, on a le droit de ne pas savoir ce que l’on veut faire dans la vie ; on a le droit de se tromper ; on a le droit de mûrir ses choix ! Le système éducatif doit être capable d’accompagner les élèves dans leur démarche et de les guider progressivement.

C’est un tel système d’orientation progressive, réversible, que nous sommes en train de mettre en place. Nous avons notamment rénové l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, l’ONISEP, en le dotant d’un site internet interactif extrêmement moderne, permettant de fournir aux élèves des conseils adaptés à leur localisation géographique.

Nous avons également décidé de mettre en place un système de tutorat. En effet, certains élèves n’ont pas la chance d’avoir des parents qui les aident dans leurs choix d’orientation : c’est à l’éducation nationale qu’il revient de leur apporter ce soutien.

Par ailleurs, des passerelles entre les différentes filières du baccalauréat – professionnel, technologique et général – et, au sein du baccalauréat général, entre les différentes séries, sont instituées. À la prochaine rentrée scolaire, il y aura ainsi, en classe de première, un tronc commun qui comprendra environ 60 % des enseignements, les autres heures de cours étant consacrées à des spécialisations qui ne seront pas définitives, des réorientations demeurant possibles au travers de « stages passerelles ».

Enfin, la refonte du baccalauréat sciences et techniques industrielles, le bac STI, qui n’avait pas été réformé depuis vingt ans, sera la dernière innovation de la prochaine rentrée. Il s’agit d’un bac technologique très intéressant, parce qu’il débouche sur l’emploi. Or l’école doit préparer notre jeunesse à s’insérer professionnellement dans des filières porteuses.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Il est vrai que la réorientation a toujours posé problème ; très souvent, elle était même impossible. Nous formons donc le vœu que beaucoup d’élèves puissent dorénavant en bénéficier.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré la « guerre » au décrochage scolaire. Il s’agit d’une urgence évidente, qui nécessite en effet un véritable plan de bataille. Malheureusement, une fois de plus, ce n’était qu’une opération de communication.

Mme Françoise Cartron. Que constatons-nous ? L’enseignement primaire, terrain pertinent d’intervention pour prévenir l’échec scolaire, est aujourd’hui sinistré, avec la fermeture de 1 500 classes à la rentrée prochaine. Combien de postes auront été supprimés à la fin du mandat présidentiel, au nom de la seule logique comptable : 50 000, 60 000 ou davantage encore ?

Dans cet exercice de divisions multiples, les territoires ruraux paient le prix fort. Oubliée, la charte sur l’organisation des services publics ou au public en milieu rural signée en 2006, qui prévoyait que toute fermeture de classes devait être anticipée deux ans à l’avance ! Ignorés, les efforts des maires pour revitaliser leur commune : comment insuffler un dynamisme local sans l’école ! Abandonnés au seul critère de la rentabilité, les enfants qui subissent des rythmes de vie scolaire harassants !

Dans ce contexte, nous avons appris que des maires ne voulant pas se résigner à cette mort programmée embauchent et rémunèrent des enseignants, se substituant ainsi à l’éducation nationale défaillante. Est-ce là la solution, monsieur le ministre ? Ces maires seront-ils montrés du doigt pour mauvaise gestion ? Qu’en pensez-vous ?

Plus extraordinaire encore, la Voix du Nord s’est fait l’écho de l’ouverture, par des écoles privées, de classes payantes, hors contrat, pour les enfants de deux ou trois ans.

M. Claude Bérit-Débat. C’est honteux !

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

Mme Françoise Cartron. Ces écoles entendent ainsi, explique le directeur de l’enseignement diocésain, répondre à « l’attente des parents et aux besoins qui ne sont plus pris en compte par l’éducation nationale ».

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !

Mme Françoise Cartron. On croit rêver : c’est l’enseignement catholique qui, s’émouvant que les jeunes enfants ne soient plus pris en compte par l’éducation nationale, entreprend de répondre aux besoins. La privatisation de la préscolarisation est en marche ! Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Oui, madame le sénateur, nous avons décidé de déclarer la guerre au décrochage scolaire. Ce n’est pas un exercice de communication ; je vais essayer de vous en convaincre.

Jusqu’à présent, personne, pas même le ministre de l’éducation nationale, ne savait combien de jeunes quittaient chaque année le système éducatif sans diplôme. Dorénavant, nous le savons, parce que nous avons pris la décision de relier les systèmes d’information de l’éducation nationale, de l’enseignement agricole, des centres de formation d’apprentis, des missions locales. Je puis ainsi vous indiquer, par exemple, que 300 000 jeunes de plus de seize ans qui étaient inscrits en juin 2010 dans nos collèges et nos lycées n’y étaient plus présents au mois de mars 2011. Sur ces 300 000 jeunes, 180 000 étaient considérés comme « perdus de vue » : on ne sait absolument pas ce qu’ils sont devenus.

Nous allons apporter à ces élèves « décrocheurs » une réponse individualisée. ¨Pour ce faire, chaque préfet est en train de mettre en place, soit à l’échelle du département, soit à celle de chaque bassin de vie, une plateforme de lutte contre le décrochage, réunissant tous les services compétents de l’État : éducation nationale, enseignement agricole, CFA… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Répondez à la question de Mme Cartron !

M. Luc Chatel, ministre. Mme Cartron m’a posé quatre questions en deux minutes ! Je commence par répondre à celle qui porte sur le décrochage scolaire : ce n’est pas un petit sujet ! Je le répète, nous avons décidé de déclarer la guerre au décrochage scolaire.

Les résultats des évaluations des élèves de CE 1, qui seront publiés demain, sont encourageants : ils montrent une progression des acquis en français et en mathématiques pour la cohorte d’élèves ayant bénéficié de la réforme de l’enseignement primaire de 2008.

Enfin, madame le sénateur, je vous rappelle que l’école est obligatoire de six à seize ans et que 97 % des enfants sont scolarisés à partir de l’âge de 3 ans. S’agissant des enfants de deux à trois ans, je mène la même politique que tous mes prédécesseurs, consistant à les accueillir dans la limite des places disponibles.

M. Yannick Bodin. Il y a de moins en moins de places !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que vos propos ne correspondent pas à la réalité. En effet, les enfants de deux ans qui sont accueillis à l’école ne sont pas comptabilisés ! Ce ne sont pas des syndicats d’enseignants qui l’affirment, c’est le directeur de l’enseignement diocésain.

S’agissant du décrochage scolaire, ce problème est lié au manque de moyens actuel de l’enseignement primaire, auquel il conviendra de remédier si l’on entend vraiment lutter contre l’échec scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, alors que la mise en œuvre de la RGPP et le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ont déjà provoqué la disparition de 56 000 postes en quatre ans, la rentrée de 2011 ne signera pas la fin de la destruction programmée du service public de l’éducation nationale. Ainsi, 16 000 nouveaux postes seront supprimés, dont 9 000 dans le primaire, alors que 60 000 élèves supplémentaires sont attendus. L’annonce de la fermeture de 1 500 classes en primaire a d’ailleurs suscité émoi et mobilisations.

Le désert scolaire s’étend, laissant des territoires enclavés, coupés des services publics, notamment de celui de l’éducation nationale. Aucun département n’est épargné. Les zones rurales, très affectées, se sont fortement mobilisées.

En réponse à la pression grandissante, le Président de la République, tout en confirmant la poursuite de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux – 14 000 nouveaux postes disparaîtront donc en 2012 –, a opportunément annoncé, à la veille d’élections, un moratoire sur les fermetures de classes en primaire,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … mais seulement pour la rentrée de 2012 ! La ficelle est grosse !

Ces annonces ne mettent pas un terme au démantèlement du service public de l’éducation nationale. Il faut, dès maintenant, cesser de supprimer des postes. Ce préalable étant posé, il est tout aussi urgent d’engager la relance du processus de démocratisation, car les réformes conduites par la majorité construisent une école inégalitaire, une école du tri social, avec, d’un côté, les élèves pour lesquels le socle commun de connaissances et de compétences constituerait un horizon indépassable, et, de l’autre, ceux qui seraient « naturellement » destinés à la poursuite d’études au lycée puis dans l’enseignement supérieur. Telle n’est pas notre conception de l’école !

M. le président. Veuillez poser votre question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous voulons mettre l’école au service de l’émancipation individuelle et collective. Oui, tous les élèves sont capables de progresser et de réussir. Il faut que l’école leur donne les moyens d’y parvenir. Quand allez-vous donc, monsieur le ministre, entendre cette exigence de démocratisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, à l’évidence, deux conceptions de l’école s’affrontent.

Depuis trente ans, votre seule réponse est : toujours plus de postes, toujours plus de moyens ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous n’avez pas écouté ma question !

M. Luc Chatel, ministre. Cette politique a-t-elle donné des résultats ? Madame le sénateur, vous dénoncez vous-même le niveau de performance insuffisant de notre système éducatif ! Il est vrai que celui-ci doit progresser, puisqu’il se classe au vingt-deuxième rang sur soixante-cinq dans les palmarès internationaux pour la compréhension de l’écrit ou le calcul, alors que la France consacre à l’école presque un point de PIB de plus que la moyenne des pays de l’OCDE.