Mme Annie David. Ténu ? (Sourires.)

M. Guy Fischer. C’est un cavalier !

M. Alain Milon, rapporteur. … il s’agit d’une initiative heureuse qui améliorera les conditions d’indemnisation des victimes. La commission a apporté quelques clarifications aux mesures proposées.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales demande au Sénat d’adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses travaux, complété par les amendements sur lesquels elle a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc saisis, en deuxième lecture, de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, dont je rappelle que l’objectif initial affiché était tout simplement de permettre l’application de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, plus particulièrement de son volet sur les soins de premier recours.

Si une deuxième loi était nécessaire de toute urgence, c’est tout simplement parce que, sur ce volet, le Gouvernement s’est heurté au lobbying de certains syndicats médicaux libéraux, qui n’acceptent pas les quelques mesures positives prévues dans la loi HPST. Voilà ce qui a motivé le dépôt, toutes affaires cessantes, de cette proposition de loi, sans attendre le bilan et les préconisations d’ensemble du comité de suivi de la loi HPST, lesquels devraient être présentés devant la commission des affaires sociales le 13 juillet, c'est-à-dire très prochainement.

La prolifération d’articles extérieurs au champ de la loi HPST, venus alourdir cette proposition de loi après son passage à l’Assemblée nationale, ne change rien. L’important était de « vider » d’urgence cette loi HPST des mesures qualifiées, à tort selon nous, « d’anti-médecins ». Il fallait notamment faire disparaître dans les articles concernés les alinéas les plus apocryphes par rapport à la doxa médicale supposée majoritaire parmi les médecins libéraux, plus particulièrement celui qui prévoyait des pénalités financières à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1434-8 du code de la santé publique, article impliquant par ailleurs les agences régionales de santé et créant les contrats santé solidarité.

L’adoption de ce volet de la loi HPST a presque immédiatement déclenché une fronde des médecins libéraux – dès la première lecture –, ou du moins de leur syndicat majoritaire. Un peu plus tard, le Président de la République a prononcé son fameux discours lors de son déplacement à Orbec. Enfin, Jean-Pierre Fourcade a déposé sa proposition de loi.

Pendant ce temps-là, la désertification médicale de pans entiers de notre territoire continue, voire s’accélère. Ce constat vient encore d’être fait par Emmanuel Vigneron, géographe de la santé, professeur des universités, directeur scientifique du groupe de prospective « santé et territoires », dans un entretien paru le 3 juin dernier dans le quotidien Ouest -France.

Le Professeur Vigneron sonne le tocsin. Il déclare notamment : les inégalités de santé « s’aggravent depuis plus de vingt ans. Dans 61 % des cantons français, la mortalité prématurée augmente. Le risque de mourir peut varier du simple au double en quelques kilomètres. Cette fracture des territoires reste masquée par un progrès global : on se focalise sur la moyenne nationale qui reste bonne, en oubliant la grande dispersion des valeurs locales qui, elles, s’enfoncent. C’est extrêmement dangereux. »

Et de poursuivre : « Les déserts médicaux passent maintenant des cantons aux arrondissements, de ceux-ci à des départements entiers comme la Mayenne, l’Eure, la Nièvre, voire à des régions entières comme le Centre, la Champagne-Ardenne, etc. ». Ce diagnostic est grave.

Face à cette situation, que disent les Français ?

Un sondage réalisé les 18 et 19 février 2011 par l’Institut LH2 pour le Collectif interassociatif sur la santé, qui regroupe une trentaine d’associations, nous apporte l’information suivante : « en matière de difficulté géographique d’accès aux soins, en lien avec la mauvaise répartition des médecins sur le territoire, près des deux tiers – 65 % – des Français affirment qu’il faut encadrer l’installation des médecins pour les amener à exercer dans les zones où ils sont absents, plutôt que d’augmenter les aides publiques versées aux médecins pour les inciter à exercer dans la zone où ils sont absents – option qui recueille 32 % des suffrages.

Nous n’avons pas affaire sur ce point, je suppose, à un clivage politique. Cet encadrement souhaité par la majorité des Français, qui vise à répondre à la situation décrite par le professeur Vigneron et vécue par des millions de nos concitoyens ruraux ou urbains, n’est rien d’autre que la régulation de l’installation d’un corps de professionnels de santé sur le territoire.

L’article L. 1434-8 du code de la santé publique, dans son écriture d’origine, participait de cet esprit, de cette volonté de régulation. C’est pourquoi nous l’avions soutenu. Il s’agissait de prendre non pas une mesure coercitive, mais une mesure dissuasive.

Oui, monsieur le ministre, nous le réaffirmons, il faut freiner l’installation de médecins dans les zones dites pléthoriques ! Par ailleurs, nous savons tous que les mesures financières incitatives visant à l’installation de médecins dans les zones déficitaires ne sont pas efficaces. L’assurance maladie s’y est déjà essayée depuis 2007 avec des résultats très décevants.

Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, on nous demande à nouveau de faire marche arrière. Dans tout cela, mes chers collègues, où se situe l’intérêt général ?

En revanche, parmi les dispositions de cette proposition de loi allant, nous semble-t-il, dans le bon sens, relevons les incitations au regroupement des professionnels de santé avec la création des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires.

Nous aurions souhaité que, pour ce nouveau dispositif, les aides publiques prévues soient réservées aux seules SISA ne comptant que des praticiens installés en secteur 1. Nous prenons acte néanmoins des explications avancées : cela pourrait priver ces structures, et donc nos concitoyens, de quelques praticiens spécialistes installés en secteur 2.

Nous estimons que la question importante des secteurs 1, 2 et optionnel est à réexaminer au plus vite avec toutes les parties concernées, dans le cadre d’une mise à plat de l’ensemble des modes de rémunération des médecins libéraux. Il faut trouver une solution juste, équitable et consensuelle mettant définitivement fin au scandale des dépassements d’honoraires dont pâtissent nombre de nos concitoyens, à commencer par les plus fragiles, à savoir les personnes âgées, les jeunes, ou encore les personnes bénéficiant de la couverture maladie universelle, la CMU.

Je rappelle au passage qu’en France, selon la Mutualité française et la Caisse nationale d’assurance maladie, 41 % des professionnels de santé pratiqueraient des dépassements d’honoraires. Sont-ils toujours appliqués avec « tact et mesure », comme le prévoit le code de déontologie médicale ? Permettez-moi d’en douter avec la majorité de nos concitoyens !

Nous suggérons aussi d’ajouter l’activité de prévention parmi les activités allouées aux SISA. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

De même sommes-nous satisfaits de la définition plus précise des maisons de santé désormais dotées de la personnalité juridique – M. le ministre l’a rappelé –, de leur principe de fonctionnement, du champ de leur intervention, et des modifications introduites sur ce sujet par M. le rapporteur.

En revanche, nous souhaiterions que l’application des tarifs opposables soit obligatoire pour les maisons de santé percevant des subventions ou des dotations publiques.

Nous relevons aussi, parmi les propositions positives, les dispositions de l’article 17 ter de la proposition de loi, introduit par l’Assemblée nationale, élargissant et sécurisant le champ de l’expérimentation portant sur le rôle des sages-femmes. Durant deux ans, elles pourront pratiquer des IVG médicamenteuses, prescrire des contraceptifs et assurer un suivi gynécologique de prévention durant la grossesse, hors grossesse pathologique. Mais nous regrettons la restriction introduite par la commission des affaires sociales dans la rédaction de cet article qui replace, pour ces activités, les sages-femmes sous la supervision des gynécologues-obstétriciens.

Monsieur le ministre, mon collègue Yves Daudigny interviendra sur divers autres points de cette proposition de loi, avouons-le, un peu « fourre-tout ».

Je me limiterai donc, dans le temps qui m’est imparti, à l’évocation rapide de quelques mesures nouvelles, dont beaucoup trop n’ont rien à voir avec la loi HPST.

J’en citerai deux en particulier.

L’article 22, supprimé par la commission des affaires sociales, concernait le conventionnement mutualiste avec les offreurs de soins. Il tendait à modifier le code de la mutualité, afin de permettre aux mutuelles de procéder à un remboursement différencié de leurs adhérents. Le code de la mutualité l’interdisait en théorie, mais la pratique existait depuis longtemps. Il s’agissait donc, pour les mutuelles, de légaliser ces pratiques récemment condamnées par la Cour de cassation. Notons que les compagnies d’assurance et les instituts de prévoyance peuvent, pour leur part, pratiquer le remboursement différencié.

Bien que répondant aux préconisations de la Cour des comptes, cette disposition ne manqua pas de soulever de très fortes oppositions au nom de la préservation de la liberté de choix de l’établissement de soins ou du praticien par les patients, de la qualité des prestations fournies et de l’aménagement du territoire.

Cet article 22 était complété par un article 22 bis. Celui-ci était censé, pour l’Assemblée nationale – qui prévoyait une charte rédigée par l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM –, permettre un bon encadrement de tout conventionnement en la matière. La commission des affaires sociales en a modifié la lettre et l’esprit. Nous en reparlerons au cours des débats.

Conscients des difficultés soulevées par l’ensemble de cette problématique, que l’on nous demande de traiter dans la précipitation, nous avons pour notre part déposé un amendement au nouvel article 22 bis, qui s’inscrit dans une perspective d’apaisement des craintes formulées, avec plus ou moins de bonne foi, par toutes les parties concernées.

Enfin, je dirai quelques mots sur le volet de cette proposition de loi touchant à la biologie médicale. Nous interviendrons sur cette question dans le débat mais, d’ores et déjà, nous relevons que de très nombreux biologistes hospitaliers ou libéraux, et plus particulièrement les jeunes, nous ont fait part de leur étonnement et de leurs grandes inquiétudes devant les mesures proposées par l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je soulignerai que, si nous avons bien repéré dans ce texte « complexifié » certaines dispositions susceptibles de favoriser des progrès sensibles dans la prise en charge de la santé de nos concitoyens, il n’en demeure pas moins que cette proposition de loi ne satisfait pas nos préoccupations essentielles, qui concernent les inégalités, à la fois géographiques et financières, d’accès aux soins pour nos concitoyens.

Je fonde l’espoir que nos travaux permettront de retrouver la bonne voie, celle de l’intérêt général au bénéfice de tous les Français, même si, pour cela, il nous faut écorner quelques préoccupations corporatistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, adoptée en 2009, tendait tout à la fois à rénover la gouvernance hospitalière, garantir à tous nos concitoyens l’accès à des soins de qualité et améliorer l’organisation territoriale du système de santé.

Deux ans après la promulgation de la loi, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, chargé d’évaluer la mise en œuvre des mesures relatives à l’hôpital et aux agences régionales de santé, nous propose, sans attendre les conclusions de sa mission, d’aménager certaines dispositions qui se sont révélées d’application difficile.

Vu l’ampleur du texte qui nous arrive en deuxième lecture, on pourrait imaginer que les difficultés d’application sont nombreuses !

M. Daniel Marsin. Il semble surtout que Gouvernement et parlementaires aient profité de l’occasion pour ajouter une série de dispositions qui n’ont que peu à voir avec la loi HPST.

Mme Annie David. C’est exact !

M. Daniel Marsin. Malgré la volonté de la commission des affaires sociales de resserrer le texte sur son objet initial, ce texte s’apparente plutôt à une loi portant diverses dispositions d’ordre sanitaire et social !

Quoi qu’il en soit, chacun d’entre nous a pu mesurer l’émoi suscité par certains articles, après l’examen du texte en première lecture par le Sénat et l’Assemblée nationale.

Je dois reconnaître que notre rapporteur, Alain Milon, a effectué un travail de qualité, s’attachant à faire un tri des sujets les plus essentiels et une synthèse des propositions. Le texte qu’il nous présente est plus concis que celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale, et nous l’en remercions.

Parmi les points abordés par cette proposition de loi, l’accès aux soins, notamment de premier recours, est celui qui a le plus retenu mon attention.

Jeudi dernier, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, je vous ai interrogé, monsieur le ministre, sur les difficultés structurelles et financières du CHU de Pointe-à-Pitre. En réalité, cette situation touche l’ensemble des centres hospitaliers de la Guadeloupe : celui de Basse-Terre, celui de Marie-Galante, ainsi que celui de Saint-Martin.

Les récentes coupes budgétaires aussi bien pour les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation que pour les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation, qui sont fortement touchées, et la baisse brutale des tarifs vont se traduire par une dégradation de la situation financière de ces établissements.

Faute d’accompagnement et de mesures d’urgence, l’assainissement des finances hospitalières passera par des coupes franches dans l’offre publique de soins et aura des conséquences économiques, sanitaires et sociales.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Daniel Marsin. Le taux de la démographie médicale dans nos départements est déjà l’un des plus bas de France : 206 médecins pour 100 000 habitants contre 332 en métropole, et, selon les prévisions, la situation devrait encore s’aggraver.

Il est donc nécessaire de mettre en place des mesures spécifiques, notamment en matière de formation initiale et continue pour attirer et conserver des praticiens de qualité dans nos hôpitaux publics.

La XVe conférence des fédérations hospitalières des Antilles et de la Guyane soutient l’émergence d’une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles-Guyane. En mai dernier, Valérie Pécresse a confirmé les autorisations délivrées à l’université des Antilles et de la Guyane pour mettre en place la quatrième année de médecine dès la rentrée prochaine.

La mise en place d’un cursus complet de médecine est indispensable. Il faut aujourd’hui aller de l’avant en fixant les moyens humains et logistiques, ainsi que les contributions respectives de l’État et du conseil régional.

Les spécificités des régions ultramarines ont été bien identifiées par les travaux préparatoires au rapport Larcher : nécessité de recruter et former des personnels médicaux et paramédicaux, positionnement délicat mais indispensable en matière de recherche ou de coopération interrégionale et internationale, difficultés financières, coûts de mise aux normes en matière de risques naturels ou encore montant des frais de transports sanitaires.

Elles justifient un accompagnement lui-même spécifique. Le plan santé outre-mer arrêté par le ministère de la santé en juillet 2009 doit donc devenir une réalité tangible, être financé, suivi et évalué.

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à venir aux Antilles avant la fin de l’été pour faire le point de la situation et de la mise en œuvre concrète de ce plan. Nous vous y attendons avec espoir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je respecterai mes engagements !

M. Daniel Marsin. Je vous remercie de votre confirmation, monsieur le ministre.

Ce problème de l’accès aux soins n’est malheureusement pas propre à la Guadeloupe ou aux Antilles. Il touche aussi la métropole où l’apparition de déserts médicaux constitue un risque en matière de santé publique. La loi HPST a tenté d’y apporter une première réponse, avec la régionalisation du numerus clausus, le contrat d’engagement de service public, ou encore le contrat santé solidarité.

Le texte prévoit de revenir sur la pénalité attachée au contrat santé solidarité et la déclaration obligatoire des absences programmées. Ces deux mesures furent l’objet de nombreuses discussions lors de nos débats. Face à un corps médical inquiet, qui ne comprend pas toujours l’activisme des élus de tous bords face aux risques de sous-médicalisation de certains territoires ruraux et urbains, nous hésitons, il faut le reconnaître, entre incitation et contrainte.

J’admets que les mesures coercitives ne sont pas forcément de bonnes méthodes dans un contexte de désaffection à l’égard de la médecine libérale, et celles-ci, en particulier, n’apportent pas de garanties pour une installation durable des professionnels dans les zones sous-denses.

Cela étant, ces dispositifs abandonnés, il faudra bien trouver des solutions de remplacement. Je ne suis pas convaincu, en effet, que les autres mesures prévues par la loi HPST suffisent à résoudre les difficultés actuelles ; si tel n’était pas le cas, nous n’aurions peut-être d’autre choix que d’en venir à des mesures qui seront bien plus difficiles à accepter par la profession.

Parmi les solutions envisagées, je citerai le développement des maisons de santé, qui attirent bon nombre de jeunes médecins, car ils n’ont pas la même volonté de pratique que les anciens. La médecine d’aujourd’hui est plutôt une médecine regroupée, avec une pluridisciplinarité organisée, et dont une partie de l’exercice peut être mensualisée. Sur ces points, la proposition apporte des avancées qu’il faut souligner.

Je voudrais évoquer également la responsabilité civile des professionnels, qui a déjà été abordée tout à l’heure. Il s’agit d’un problème qui suscite de fortes inquiétudes chez les professionnels de santé et a un impact négatif considérable sur l’offre de soins dans certaines spécialités. Nous avons déjà débattu longuement, et à plusieurs reprises, des « trous » d’assurance. À cet égard, mon collègue Gilbert Barbier a régulièrement défendu un amendement prévoyant l’intervention de l’ONIAM dans tous les cas où la couverture d’assurance médicale est épuisée ou expirée, et sans possibilité d’action récursoire. L’article 24 de la proposition de loi, tel qu’il a été complété par M. le rapporteur, nous satisfait.

Toujours concernant l’accès aux soins, l’Assemblée nationale a adopté un article 22 autorisant les mutuelles à moduler leurs tarifs lorsqu’un assuré a recours à un réseau de soins avec lequel elles ont contracté. Cette disposition ayant suscité de nombreuses réactions de la part de certains professionnels, la commission a fait le choix de la supprimer. Sans doute était-ce la voie de la sagesse.

Reconnaissons néanmoins que les réseaux de soins constituent un outil de régulation permettant, lorsque les professionnels prennent des engagements sur les prix, de limiter le reste à charge des assurés, et que la qualité n’y est pas forcément sacrifiée, comme certains ont pu le dire.

On peut aussi se poser la question de la distorsion de concurrence avec les assureurs, comme cela a été évoqué par M. Le Menn.

Enfin, la biologie médicale a, elle aussi, fait beaucoup parler.

Selon moi, ce qui doit guider la réforme se résume à quatre mots : médicalisation, indépendance, qualité des soins et services de proximité.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler sur cette proposition de loi. J’y reviendrai lors de l’examen des articles. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que nous nous réunirons dans quelques jours pour dresser le bilan de la loi HPST après deux années d’application, nous sommes comme par magie saisis de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui répond selon nous avant tout à une commande gouvernementale,…

M. Guy Fischer. … afin de désamorcer le mécontentement des médecins libéraux.

M. Xavier Bertrand, ministre. Que faites-vous de la séparation des pouvoirs, monsieur Fischer ?

M. Guy Fischer. Vous ne nous tromperez pas, monsieur le ministre ! (Rires.)

L’examen de cette proposition de loi en deuxième lecture nous confirme dans le sentiment que nous avions exprimé en première lecture. Cette proposition de loi, qui a pris beaucoup de densité depuis son examen par notre Haute Assemblée,…

M. Xavier Bertrand, ministre. Tant mieux !

M. Guy Fischer. … et sur laquelle M. le rapporteur a déposé un nombre important d’amendements en commission, ne correspond pas, nous semble-t-il, aux exigences de nos concitoyens, qui, vous le savez toutes et tous, attendent des réponses concrètes sur des questions essentielles.

Au regard des amendements qui ont été déposés sur cette proposition de loi, soit en séance publique soit en commission, je souhaite consacrer l’intégralité du temps de parole dont je dispose à deux sujets qui me paraissent essentiels.

J’évoquerai tout d’abord la question ô combien importante de l’accès aux soins.

En première lecture, nous avons eu un réel point de divergence avec la majorité sénatoriale et le Gouvernement sur le respect des tarifs opposables.

Pour notre part, nous réprouvons la logique que vous défendez, car elle revient à poursuivre dans la voie des politiques incitatives, reposant sur la volonté, voire sur le bon vouloir, des professionnels de santé. C’est dans cet esprit que vous avez supprimé les deux dispositions adoptées à l’occasion de l’examen du projet de loi HPST, à savoir le contrat santé solidarité et l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences à l’agence régionale de santé.

Ces deux mesures étaient sans doute assez peu opérationnelles ; nous ne les avions d’ailleurs pas votées. Mais si vous les avez supprimées, c’est moins pour leur inefficacité prévisible que pour satisfaire les médecins libéraux et leurs syndicats. J’en veux pour preuve le cadre symbolique de l’annonce de cette mesure, en l’occurrence en plein congrès des médecins généralistes à Nice… D’ailleurs, il n’aura échappé à personne que vous ne proposez aucune mesure de remplacement ou de substitution.

Ainsi, malgré l’adoption de cette loi, comme de la loi précédente, les patients demeureront bien seuls face à des déserts médicaux qui ne cessent de gagner du terrain, tout comme ils sont seuls face aux dépassements d’honoraires.

Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de 2007 – vous voyez que le phénomène n’est pas nouveau –, les dépassements d’honoraires représentaient 2 milliards d’euros sur les 18 milliards correspondant au total des honoraires. Ce rapport précisait que les deux tiers de ces dépassements étaient directement supportés par les ménages.

La situation est telle qu’elle risque, à terme, d’entraîner des modifications importantes dans notre système de santé, avec par exemple l’émergence d’un secteur optionnel. Nous y sommes opposés, car nous redoutons que cela n’ait pour effet de vider totalement le secteur 1. Sur dix ans, les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes ont, en moyenne, augmenté de 6,4 % par an.

C’est donc une situation gravissime, au point que Frédéric van Roekeghem déclarait le 18 mai dernier : « Ce système dure depuis trente ans et ne fait que dériver. Il faut y mettre un terme ! » Nous regrettons sincèrement que vous ne l’ayez pas entendu.

Pourtant, les restes à charge supportés par les assurés sont colossaux et ne font qu’augmenter. Selon la Mutualité française, un médecin sur quatre exerçant en secteur 2 facture des dépassements d’honoraires en complément des tarifs de base de la sécurité sociale. Le montant moyen des dépassements facturés par les spécialistes représente 54 % des tarifs de la sécurité sociale en 2010, contre 25 % en 1990.

Votre inaction en la matière est encore plus grave si l’on se projette dans le futur. Les jeunes médecins sont de plus en plus intéressés par le secteur 2. Dominique Polton, directrice de la stratégie, des études et des statistiques à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, précise d’ailleurs : « Les jeunes médecins s’installent massivement en secteur 2. Ce dynamisme d’installation conduit à un accroissement des dépassements d’honoraires. »

Il y avait donc urgence à agir, et vous vous y êtes refusé, contraignant les patients les plus modestes à renoncer ou à différer des soins qu’ils jugent, parfois à tort, non urgents.

Un article récent du journal Libération donne ainsi la parole à Patricia Medina, sociologue à l’observatoire régional de la santé Rhône-Alpes, que je connais bien. Selon elle, les patients mettent en place de véritables techniques de contournement pour ne plus avoir à assumer des dépassements d’honoraires. Elle explique ainsi : « De plus en plus de patients modestes s’adressent à leur généraliste, par exemple pour la pédiatrie ou la gynécologie, plutôt que d’aller voir des spécialistes qui leur coûteront plus cher. » D’autres font l’impasse sur les soins qu’ils considèrent comme « non vitaux ».

Non content de ne pas agir, vous avez également fait le choix de faire bénéficier les maisons de santé de fonds publics, au titre des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, sans aucune contrepartie. Ainsi, bien que ne pratiquant pas le tiers payant et ne respectant pas les tarifs opposables, elles pourront bénéficier de subventions publiques, ce qui est naturellement scandaleux, en particulier à l’heure où vous tentez de faire adopter par la loi organique constitutionnalisant l’hyper-austérité.

Je voulais également aborder la question de la biologie médicale, sur laquelle je conclurai.

Sous le poids de l’Europe libérale, les laboratoires de proximité, c'est-à-dire ceux que nos concitoyens connaissent bien, sont appelés à fermer un à un, un peu comme vous avez fait ou tenté de faire fermer les hôpitaux de proximité.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est vrai que c’est faux ! (Sourires.)