Article 15 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux certificats d'obtention végétale
Article 17

Article 16

I. – Les dispositions modifiées ou nouvelles des articles L. 623-4, à l'exception de celles relatives aux variétés essentiellement dérivées définies au III, et des articles L. 623-22-3, L. 623-22-4 et L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle sont applicables aux certificats d’obtention délivrés avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Ces dispositions s’appliquent également aux certificats d’obtention délivrés pour les demandes de certificat enregistrées avant l’entrée en vigueur de la présente loi.

II. – Les articles L. 623-24-1 à L. 623-24-5 du même code sont applicables aux certificats d’obtention végétale délivrés avant l’entrée en vigueur de la présente loi.

III. – (nouveau) Le IV de l'article L. 623-4 du même code ne s'applique pas aux variétés essentiellement dérivées dont l'obtenteur aura, avant l'entrée en vigueur de la présente loi, fait des préparatifs effectifs et sérieux en vue de leur exploitation, ou que l'obtenteur aura exploitées avant cette date.  – (Adopté.)

Article 16
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Article 14 (précédemment réservé)

Article 17

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et dans les îles Wallis et Futuna.  – (Adopté.)

M. le président. Nous en revenons à l’article 14, précédemment réservé.

Chapitre Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT ET COMPLETANT LE CODE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE (suite)

Article 17
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 14 (précédemment réservé)

Après la section 2 du chapitre III du titre II du livre VI du même code, il est inséré une section 2 bis ainsi rédigée :

« SECTION 2 BIS

« Semences de ferme

« Art. L. 623-24-1. – Par dérogation à l’article L. 623-4, pour les espèces énumérées par un décret en Conseil d’État, les agriculteurs ont le droit d’utiliser sur leur propre exploitation, sans l’autorisation de l’obtenteur, à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture d’une variété protégée.

« Art. L. 623-24-2. – Sauf en ce qui concerne les petits agriculteurs au sens du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, l’agriculteur doit une indemnité aux titulaires des certificats d’obtention végétale dont il utilise les variétés.

« Art. L. 623-24-3. – Lorsqu’il n’existe pas de contrat entre le titulaire du certificat d’obtention végétale et l’agriculteur concerné, ou entre un ou plusieurs titulaires de certificats d'obtention végétale et un groupe d'agriculteurs concernés, ou d'accord interprofessionnel conclu dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime, les conditions d’application de la dérogation définie à l’article L. 623-24-1, y compris les modalités de fixation du montant de l’indemnité visée à l’article L. 623-24-2, sont établies par le décret en Conseil d’État prévu par l’article L. 623-24-1.

« Art. L. 623-24-4. – Lorsque les agriculteurs ont recours à des prestataires de services pour trier leurs semences, ces opérations de triage doivent être faites dans des conditions permettant de garantir la parfaite correspondance des produits soumis au triage et celle des produits en résultant.

« En cas de non-respect de ces conditions, les semences sont réputées commercialisées et regardées comme une contrefaçon au sens de l’article L. 623-25.

« Art. L. 623-24-5. – Le non-respect par les agriculteurs des conditions d’application de la dérogation définie à l’article L. 623-24-1 leur fait perdre le bénéfice des dispositions de la présente section. »

M. le président. Je rappelle qu’il a été décidé, pour la clarté de nos débats et à la demande de la commission de l’économie, de procéder à l’examen séparé de l’amendement n° 47 tendant à rédiger cet article.

L’amendement n° 47, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après la section 2 du chapitre III du titre II du livre VI du même code, il est inséré une section 2 bis ainsi rédigée :

« Section 2 bis

« Licence implicite en faveur des agriculteurs

« Art. L. 623-24-1 - La cession à un agriculteur de matériel de multiplication de la plus basse catégorie entraîne implicitement la concession d'une licence autorisant l'agriculteur à utiliser sur sa propre exploitation, à des fins de reproduction et de multiplication, le produit de la récolte par la mise en culture de la variété acquise sans limite de durée.

« Art. L. 623-24-2 - Le prix de cession de matériel de reproduction de la plus basse catégorie à un agriculteur sera sensiblement équivalent au prix de cession du même matériel pour la production sous licence de matériel de multiplication de la catégorie suivante dans la même région.

« Art. L.623-24-3 - Le titulaire d'un certificat d'obtention végétale ou son représentant est tenu de fournir à tout agriculteur, à la demande de celui-ci, une déclaration relative aux possibilités locales d'approvisionnement en matériel de multiplication de la plus basse catégorie. Dans sa demande, l'agriculteur devra spécifier ses noms et adresse, la ou les variétés pour lesquelles il sollicite des informations relatives aux possibilités locales d'approvisionnement. Le titulaire ou son représentant est tenu de communiquer à l'agriculteur, sous un délai d'au plus dix jours ouvrés, un lieu effectif d'approvisionnement distant d'au plus cent kilomètres de l'adresse mentionnée dans la demande d'information.

« À défaut de réponse ou dans le cas d'une réponse négative, l'agriculteur demandeur pourra, exceptionnellement et dérogativement, s'approvisionner, pour les variétés mentionnées dans la demande d'information, en matériel de multiplication d'une catégorie suivante auprès d'un autre agriculteur ou d'un producteur sous licence de matériel de multiplication. L'accord de licence implicite prévu à l'article L. 623-24-1 sera étendu au matériel de multiplication ainsi acquis. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 8, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

l’article L. 623-4

insérer les mots :

et afin de sauvegarder la production agricole

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. L’article 14 tend à insérer une nouvelle section relative à la dérogation aux droits de l’obtenteur en faveur des agriculteurs dans notre législation nationale, et plus précisément dans le code de la propriété intellectuelle, au sein du chapitre qui concerne les obtentions végétales, à la suite des sections portant sur la délivrance des COV et sur les droits et obligations attachés à ceux-ci.

Comme je l’ai dit en commission, la convention UPOV laisse à chaque État membre la possibilité de restreindre le droit de l’obtenteur sur toute variété, afin de permettre aux agriculteurs d’utiliser, à des fins de reproduction et de multiplication sur leur propre exploitation, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture d’une variété protégée. La seule condition posée est la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur – or je suis un défenseur de la propriété intellectuelle et de la recherche sur les semences ! –, ce qui rend nécessaire une contrepartie financière dont nous discuterons dans un instant.

Je tiens aussi à vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le règlement communautaire de base prévoit explicitement une dérogation à la protection communautaire des obtentions végétales pour vingt et une espèces. Cette dérogation est justifiée à l’article 14 de la convention UPOV dans les termes suivants : « afin de sauvegarder la production agricole ».

Ces quelques mots sont d’un intérêt majeur, car ils permettent de reconnaître l’importance de la pratique de la semence de ferme au regard de la pérennité de notre agriculture.

On l’a déjà dit, l’autoproduction de semences sur une exploitation permet une plus grande souplesse pour ce qui concerne les emblavements, des économies substantielles et un enrobage plus adapté des semences.

Cette pratique est assez répandue, puisque, en France, on note que 60 % des surfaces de céréales à paille sont cultivées en semences de ferme. Le pourcentage est de 55 % pour les pois protéagineux, 30 % pour le colza et 25 % pour les pommes de terre.

Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même tenu à nous proposer en commission une modification du titre de cette section. Vous préférez reconnaître explicitement la pratique des semences de ferme plutôt que de parler de dérogation en faveur des agriculteurs. Je vous suis sur ce terrain.

Vous avez précisé qu’il vous paraissait juste que les agriculteurs aient toujours la possibilité de semer leur récolte année après année, et qu’il s’agissait d’un « droit ancestral ».

Ainsi, nous sommes tous d’accord. Dans ces conditions, pourquoi ne pas préciser dans notre législation nationale que la pratique des semences de ferme, aussi appelée « privilège de l’agriculteur », présente un intérêt majeur pour l’agriculture dans son ensemble ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je vous confirme que nous souhaitons supprimer le mot « dérogation » et conserver la seule mention des semences de ferme.

L’ajout que vous proposez tend à signifier que, sans semences de ferme, il n’est point de salut, et qu’il faudrait avoir recours à celles-ci partout.

L’Anjou, dont vous êtes l’élu, monsieur le sénateur,...

M. Daniel Raoul. Le jardin de la France !

M. Rémy Pointereau, rapporteur. ... produit beaucoup de semences. Vous allez donc à l’encontre des intérêts de votre région, ce que je regrette.

Vous souhaitez préciser, au travers de cet amendement, que le régime d’autorisation des semences de ferme vise à sauvegarder la production agricole. Or cette précision, qui concerne la finalité de l’autorisation des semences de ferme, aurait mieux sa place dans un exposé des motifs que dans le texte lui-même.

Certes, l’article 14 du règlement européen 2100/94 souligne la finalité des semences de ferme, mais les textes européens mélangent souvent exposés des motifs et dispositifs. Sur ce point, on ne peut pas calquer nos textes sur le droit européen.

Par ailleurs, je me permets de vous alerter sur un effet pervers de cet amendement, qui aurait pour effet de restreindre les utilisations possibles des semences de ferme, dont le seul but serait désormais de préserver la production. Ne serait-il pas regrettable, monsieur Raoul, que l’agriculteur soit mis en demeure de prouver que les semences de ferme représentent le seul moyen dont il dispose pour sauvegarder sa production ?

L’utilisation de semences de ferme doit demeurer une simple faculté pour l’agriculteur, qui ne doit pas avoir à se justifier. Il doit seulement respecter le cadre légal fixé, et notamment l’obligation de verser des droits, ou une indemnité, aux obtenteurs. Certains exploitants ne sèment que des semences certifiées sur leur exploitation ; nous ne devons pas les inciter à faire le contraire.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. Daniel Raoul. C’est un procès d’intention !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Je partage l’avis de la commission, pour les raisons exposées par le rapporteur.

M. Daniel Raoul. Cela m’aurait étonné...

M. Patrick Ollier, ministre. Il est vrai que votre amendement, monsieur le sénateur, est conforme aux règlements européens ; mais, comme l’a dit M. le rapporteur, la précision que vous apportez relève de l’exposé des motifs, et non du dispositif de la loi. Or c’est une loi que nous élaborons !

Par ailleurs, votre amendement tend à restreindre le privilège accordé à l’agriculteur en matière de semences de ferme aux seuls cas où l’objectif est la sauvegarde de la production agricole. Nous ne pouvons vous suivre sur ce point.

Le droit à l’utilisation des semences de ferme pour l’agriculture ne doit pas être restreint à ces seuls cas. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, comme ne manquera pas de vous le confirmer M. le ministre de l’agriculture (M. le ministre chargé des relations avec le Parlement se tourne vers M. le ministre de l'agriculture.), auquel je souhaite de poursuivre ce débat dans les meilleures conditions possibles.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je tiens à saluer l’attitude de mon collègue Daniel Raoul, qui fait honneur à la fonction de législateur en faisant abstraction des intérêts exclusifs des entreprises de son territoire pour élever le débat au niveau de l’intérêt général.

Au travers de son amendement, il a bien démontré, et M. le rapporteur l’a souligné, que l’on ne saurait se passer, en matière agricole, ni des semences de ferme ni du travail des obtenteurs. Les deux facteurs contribuent à favoriser la production agricole, que nous ne devons pas concevoir à court terme, mais à longue échéance, dans sa diversité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. L’interprétation faite par M. le rapporteur et M. le ministre de cet amendement m’incite à penser que sa rédaction n’est sans doute pas optimale. Son objet ayant été débattu à l’occasion de l’examen d’un autre article, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 25 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.

L’amendement n° 49 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

les espèces énumérées par un décret en Conseil d’État 

par :

toutes les espèces 

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme Marie-Christine Blandin. Selon le rapport de M. Pointereau, cet article a pour ambition de sécuriser la pratique des semences de ferme, laquelle ne se décline pas de façon identique selon que l’on se réfère à la convention UPOV, à la réglementation européenne ou à ce qui se dit en France.

On remarquera d’ailleurs l’imprécision à cet égard de la rédaction de la convention UPOV, où l’on peut lire qu’il peut y être recouru « dans des limites raisonnables, et sous réserve de sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ». Ces termes relèvent du « flou » évoqué par M. le rapporteur, à propos d’un amendement qu’il souhaitait repousser pour ce motif. En effet, les termes « raisonnables » et « légitimes » ne peuvent qu’être empreints de subjectivité et dépendent de la posture que l’on adopte.

Nous connaissons une situation de pénurie des semences destinées notamment aux semis de cultures fourragères dérobées, que l’on sème entre deux temps de cultures principales. Le besoin s’en fait particulièrement sentir quand la sécheresse oblige à avancer la date de la récolte des céréales, ou pour les couverts hivernaux des terres destinées à des semis de printemps.

La présente disposition, qui entraîne de facto une limitation du droit des agriculteurs à utiliser leurs semences de ferme, est particulièrement inadéquate dans ces circonstances.

Les semences de ferme sont, depuis toujours, largement utilisées, et ne sont pas interdites en France pour la plupart des cultures agricoles. Puisque le concept de légitimité a été évoqué, les écologistes considèrent que le droit des agriculteurs à ressemer une partie de leurs récoltes est un droit immémorial et fondamental, les graines étant autant le résultat de l’évolution et du travail des sociétés paysannes que de l’obtenteur qui a apporté sa touche finale.

Il semble donc incorrect de renvoyer cette question à un décret, dont nous n’avons même pas l’assurance qu’il ira au-delà des vingt et une espèces aujourd’hui concernées.

L’avenir de l’humanité passe par la satisfaction des besoins alimentaires : concentrer entre les mains de quelques grands sélectionneurs le droit à la reproduction restreint les possibilités d’évolution, fige les génomes, aboutit à une dangereuse homogénéisation des variétés, standardise ce qui est offert.

Après l’année de la biodiversité et la mobilisation de la communication gouvernementale, après un an de réflexion collective sur la stratégie nationale pour la biodiversité avec le groupement national des semences et plants, le GNIS, et le Réseau semences paysannes, il semble étrange de vouloir réduire la biodiversité, qui devrait être cultivée par tous les moyens et ne saurait donc faire l’objet d’un décret.

M. le président. L’amendement n° 49 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, MM. Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

les espèces énumérées par un décret en Conseil d’État

par les mots :

les espèces énumérées par le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ainsi que pour d’autres espèces qui peuvent être énumérées par un décret en Conseil d’État

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. La rédaction proposée à l’alinéa 4 de l’article 14 pour l’article L. 623-24-1 du code de la propriété intellectuelle, dispose que, par dérogation au droit exclusif du titulaire du COV, les agriculteurs ont le droit d’utiliser sur leur propre exploitation, sans autorisation de l’obtenteur, et à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture d’une variété protégée.

Il est également précisé que la liste des espèces concernées par cette dérogation, dite « privilège de l’agriculteur », sera fixée par décret. Pourquoi renvoyer une telle liste à un décret, alors que le règlement européen propose déjà une liste d’espèces de plantes agricoles concernées par cette dérogation au droit de l’obtenteur ?

Je vous rappelle que, dans cette liste, nous trouvons vingt et une espèces de plantes agricoles, ainsi qu’une autre espèce spécifique au Portugal, qui sont regroupées en quatre catégories : plantes fourragères, céréales, pommes de terre, plantes oléagineuses et à fibres.

Je vous propose de préciser dans le code de la propriété intellectuelle que les semences de ferme seront autorisées au niveau national pour ces vingt et une espèces recensées au niveau européen. Selon nous, c’est la base minimale sur laquelle nous devons travailler.

En revanche, il ne faut pas renoncer à la possibilité d’étendre, au niveau national, cette dérogation à d’autres espèces qui seraient énumérées par décret, par exemple des espèces de plantes agricoles plus adaptées aux conditions de culture qui existent dans les régions françaises et aux conditions pédoclimatiques de nos territoires.

Cet amendement porte donc sur la possibilité d’étendre la liste par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. La convention UPOV de 1991 ne justifie l’autorisation des semences de ferme que par le caractère courant de cette pratique dans les territoires. Prévoir un régime général d’autorisation de ces semences, comme vous le souhaitez, madame Blandin, ne serait donc pas conforme au droit international.

Par ailleurs, le renvoi à un décret des conditions d’application de ce régime introduit une plus grande souplesse.

Même si la commission est défavorable à l’amendement n° 25, l’avis qu’elle va émettre sur l’amendement n° 7 rectifié bis devrait vous satisfaire partiellement.

Celui-ci a pour objet de permettre d’étendre la liste européenne des vingt et une espèces pouvant être utilisées comme semences de ferme.

Cette mesure d’harmonisation du droit national avec le droit européen ne soulève pas de difficultés particulières et préserve la souplesse nécessaire pour adapter le périmètre d’autorisation des semences de ferme.

La commission est donc favorable à l’amendement n° 7 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser mon absence en début d’après-midi. Celle-ci ne fut d’ailleurs pas inutile, puisque j’ai œuvré pour porter le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique de 2 000 à 2 500 euros, répondant ainsi aux attentes des petits agriculteurs , en particulier des maraîchers, d’Île-de-France notamment.

M. Bruno Le Maire, ministre. J’en viens aux amendements que nous examinons.

Même si les intentions de ses auteurs sont louables, l’amendement n° 25, qui vise à étendre à l’ensemble des espèces le droit des agriculteurs à utiliser leurs semences de ferme, va trop loin, comme l’a indiqué M. le rapporteur.

La convention UPOV de 1991, dont nous avons parlé à plusieurs reprises depuis le début de ce débat, ne justifie l’autorisation des semences de ferme que par le caractère traditionnel de cette pratique. Élargir le champ du dispositif à l’ensemble des espèces végétales serait en contradiction avec cette convention. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

En revanche, il est favorable à l’amendement n° 7 rectifié bis, beaucoup plus ciblé et conforme à la réglementation UPOV.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 52, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après les mots :

leur propre exploitation

insérer les mots :

et d’échanger avec d’autres agriculteurs

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il est fait mention des échanges au compte de l’exploitation.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, MM. Yung, Daunis et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 623-24-2. – L’agriculteur doit une indemnité aux titulaires des certificats d’obtention végétale dont il utilise les variétés pour produire des semences de ferme sauf dans les cas suivants :

« - il s’agit d’un petit agriculteur au sens du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ;

« - il utilise le produit de la récolte des semences de ferme à des fins d’autoconsommation sur son exploitation ;

« - il utilise les semences de ferme pour des cultures réalisées en application d’obligations agro-environnementales ;

« - il est confronté à des difficultés d’approvisionnement sur le marché des semences.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, c’est probablement sur ce point que nos chemins vont diverger.

Cet amendement vise les cas dans lesquels les pratiques ne sont pas soumises au paiement d’une rémunération.

La pratique des semences de ferme est autorisée sous réserve du versement d’une rémunération aux obtenteurs, afin de préserver, conformément à la convention UPOV, les intérêts légitimes de ces derniers.

Il est en revanche prévu d’exonérer explicitement de ce paiement les petits agriculteurs, au sens de la définition européenne, c’est-à-dire ceux qui ne cultivent pas d’espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui est nécessaire pour produire quatre-vingt-douze tonnes de céréales.

Ce critère devrait d’ailleurs faire l’objet d’une précision, car, suivant la méthode de culture retenue, intensive ou non, et le volume d’intrants utilisés, il est évident que les surfaces varient. Peut-être faudrait-il ainsi spécifier les rendements à l’hectare.

J’en reviens à l’amendement n° 10 rectifié.

Tout d’abord, l’expression « dont il utilise les variétés », qui figure dans la rédaction actuelle de l’article 14, est impropre. Pour éviter toute confusion, je précise d’emblée que seuls sont concernés les agriculteurs qui utilisent des variétés protégées pour produire des semences de ferme et non ceux qui mettent en culture ces dernières.

Ensuite, je souhaite, mes chers collègues, vous proposer de retenir d’autres cas pour lesquels un agriculteur qui recourt, à des fins de reproduction ou de multiplication, au produit de la récolte obtenu à la suite de la mise en culture d’une variété protégée peut être exonéré de l’obligation de payer une indemnité à l’obtenteur de la variété concernée.

Il s’agit d’exonérer les agriculteurs qui pratiquent l’autoconsommation du produit de la récolte des semences de ferme. Je vous rappelle que tel est actuellement le cas pour le blé tendre, au titre de l’accord intervenu au niveau interprofessionnel. La rémunération des obtenteurs, sous la forme d’une CVO, ou contribution volontaire obligatoire – quel oxymore ! –, n’est due par les agriculteurs que lors de la collecte de la récolte par les collecteurs agréés, c’est-à-dire lorsqu’il y a volonté de mise sur le marché et de commercialisation. La récolte utilisée sur l’exploitation pour nourrir le bétail ou pour l’autoconsommation n’est pas concernée.

Je souhaite que cette exonération soit explicitement prévue pour tous les types de culture si de tels accords devaient être étendus. La recherche d’une plus grande autonomie des exploitations agricoles, notamment celles qui pratiquent la polyculture et l’élevage, est un objectif majeur à atteindre, eu égard, notamment, à la situation difficile à laquelle sont confrontés les éleveurs.

L’autre cas d’exonération que je vous propose d’adopter, mes chers collègues, concerne les cultures réalisées en application d’obligations environnementales. Citons à titre d’exemple la couverture hivernale des sols, imposée par la directive Nitrates. Il est logique d’autoriser la pratique des semences de ferme sans paiement de droits pour ces couverts végétaux, qui permettent d’enrichir les sols, de rompre le cycle des maladies ou de piéger le nitrate.

Ces deux exonérations respectent la finalité du certificat d’obtention végétal, qui est un droit de propriété intellectuelle permettant de protéger des variétés en cas de commercialisation.

Quand les semences de ferme ne sont pas destinées à être vendues, quand le produit de la récolte obtenue à partir de ces semences n’est pas commercialisé, voire échangé par le biais du troc, il paraît justifié de prévoir des exonérations de CVO.

D’ailleurs, monsieur le ministre, lorsque vous vous étiez exprimé sur ce sujet mercredi dernier, vous aviez souligné que, dans le cas du certificat, la protection est limitée aux usages commerciaux de la variété.

Par le biais du présent amendement, je souhaite aussi prévoir un autre cas d’exonération, dans l’hypothèse d’une difficulté d’approvisionnement sur le marché des semences. Je me réfère à cet égard aux conditions climatiques exceptionnelles que nous connaissons cette année et qui auront inévitablement des conséquences – nous le constatons d’ores et déjà – sur le volume des récoltes, la disponibilité des semences pour les semis et la couverture hivernale, que j’ai évoquée précédemment. Dans ces conditions probables de tensions et de perturbations importantes sur le marché des semences, la pratique des semences de ferme sera souvent incontournable. Dès lors, comment accepter de soumettre les agriculteurs au paiement d’une contribution financière ?

Mes chers collègues, la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat sur le présent amendement. Ce sujet, dont nous avons longuement discuté en commission et mercredi dernier, intéresse les membres de la commission et tous ceux qui étudient les problèmes agricoles ou ont exercé, voire exercent encore, une activité dans ce domaine.

Certes, à la suite des discussions que j’ai pu avoir avec M. le rapporteur, je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement. Si vous le rejetez, vous vous voilerez la face, mes chers collègues ! En effet, la plupart des pratiques que j’ai évoquées ont lieu sur le terrain et ne sont pas contrôlables. J’en veux pour preuve les usages de certains membres de la commission, exploitants agricoles, dont je ne citerai pas les noms. Cessons donc l’hypocrisie !

En conséquence, il serait souhaitable d’autoriser l’exonération de CVO uniquement pour ce qui concerne l’autoconsommation sur l’exploitation. Il n’est pas question que ces produits sortent de celle-ci, que ce soit par le biais de la mise sur le marché ou du troc.