Article 19
Dossier législatif : projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles
Article 21 (Texte non modifié par la commission)

Article 20

(Non modifié)

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A Le 1° de l’article 398-1 est ainsi rédigé :

« 1° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ; »

1° L’article 495 est ainsi rédigé :

« Art. 495. – I. – Le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour les délits mentionnés au II lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à celui fixé à l’article 495-1 et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.

« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes :

« 1° Le délit de vol prévu à l’article 311-3 du code pénal ainsi que le recel de ce délit prévu à l’article 321-1 du même code ;

« 2° Le délit de filouterie prévu à l’article 313-5 du même code ;

« 3° Les délits de détournement de gage ou d’objet saisi prévus aux articles 314-5 et 314-6 du même code ;

« 4° Les délits de destructions, dégradations et détériorations d’un bien privé ou public prévus à l’article 322-1 et aux premier alinéa et 2° de l’article 322-2 du même code ;

« 5° Le délit de fuite prévu à l’article 434-10 du même code, lorsqu’il est commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule ;

« 5° bis Le délit de vente à la sauvette prévu aux articles 446-1 et 446-2 du même code ;

« 6° Les délits prévus par le code de la route ;

« 7° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;

« 8° Les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue ;

« 9° Le délit d’usage de produits stupéfiants prévu au premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;

« 10° Le délit d’occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs d’habitation prévu à l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation ;

« 11° Les délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne ;

« 12° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ;

« 13° Les délits de port ou transport d’armes de la 6e catégorie prévus à l’article L. 2339-9 du code de la défense. 

« III. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale n’est pas applicable :

« 1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l’infraction ;

« 2° Si la victime a fait directement citer le prévenu avant qu’ait été rendue l’ordonnance prévue à l’article 495-1 du présent code ;

« 3° Si le délit a été commis en même temps qu’un délit ou qu’une contravention pour lequel la procédure d’ordonnance pénale n’est pas prévue ;

« 4° Si les faits ont été commis en état de récidive légale. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 495-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le montant maximal de l’amende pouvant être prononcée est de la moitié de celui de l’amende encourue sans pouvoir excéder 5 000 €. » ;

2° bis Au second alinéa de l’article 495-2, les mots : « dernier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;

3° Après le même article 495-2, il est inséré un article 495-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-2-1. – Lorsque la victime des faits a formulé au cours de l’enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile conformément au deuxième alinéa de l’article 420-1, le président statue sur cette demande dans l’ordonnance pénale. S’il ne peut statuer sur cette demande pour l’une des raisons mentionnées au dernier alinéa du même article 420-1, il renvoie le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils. L’article 495-5-1 est alors applicable. » ;

4° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 495-3, les mots : « et que cette opposition » sont remplacés par les mots : «, que cette opposition peut être limitée aux dispositions civiles ou pénales de l’ordonnance lorsqu’il a été statué sur une demande présentée par la victime et qu’elle » ;

5° Après l’article 495-3, il est inséré un article 495-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-3-1. – Lorsqu’il est statué sur les intérêts civils, l’ordonnance pénale est portée à la connaissance de la partie civile selon l’une des modalités prévues au deuxième alinéa de l’article 495-3. La partie civile est informée qu’elle dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de cette notification pour former opposition aux dispositions civiles de l’ordonnance. » ;

6° Après la première phrase du premier alinéa de l’article 495-4, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« En cas d’opposition formée par le prévenu sur les seules dispositions civiles ou par la partie civile, le tribunal statue conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article 464. » ;

6° bis À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, les mots : « n’est pas susceptible d’opposition » sont remplacés par les mots : « est susceptible d’opposition dans les conditions prévues aux articles 489 à 494-1 » ;

7° Le second alinéa de l’article 495-5 est ainsi rédigé :

« Cependant, l’ordonnance pénale statuant uniquement sur l’action publique n’a pas l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’action civile en réparation des dommages causés par l’infraction. » ;

8° Après l’article 495-5, il est inséré un article 495-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-5-1. – Lorsque la victime de l’infraction est identifiée et qu’elle n’a pu se constituer partie civile dans les conditions prévues à l’article 495-2-1 ou lorsqu’il n’a pas été statué sur sa demande formulée conformément à l’article 420-1, le procureur de la République doit l’informer de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article 464, dont elle est avisée de la date pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal statue alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. » ;

9° Les articles 495-6-1 et 495-6-2 sont abrogés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

L'amendement n° 19 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 44 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Jean-Pierre Michel. Comme M. Anziani et moi-même l’avons précisé lors de la discussion générale, nous demandons la suppression de l’article 20, qui vise à étendre le champ de l’ordonnance pénale.

Je signale, monsieur le président, que j’ai demandé, au nom de mon groupe, un scrutin public sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 19.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous l’avons dit et redit, nous sommes opposés aux procédures simplifiées.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.

M. Jacques Mézard. Je me suis expliqué au cours de la discussion générale sur cet amendement de suppression de l’article 20.

Contrairement à ce qu’on peut lire à la page 24 du rapport, cet article ne prévoit pas l’« extension [du champ de l’ordonnance pénale] à un faible nombre de délits précisément énumérés ». Il suffit en effet de reprendre le texte pour découvrir la liste très importante des délits visés par cette extension. Tous les domaines sont concernés : le vol, le recel, la contrefaçon et un certain nombre de délits en matière commerciale. Il s’agit vraiment de confier au parquet un pouvoir d’appréciation extrêmement important, dans des conditions que nous jugeons tout à fait dommageables, en particulier par rapport au statut actuel de ces magistrats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Par le passé, notre commission a eu l’occasion d’émettre des réserves sur l’extension du champ de l’ordonnance pénale.

Ces réserves ont été confirmées ce matin, puisque la commission des lois a émis un avis favorable sur ces trois amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour des raisons que j’ai déjà données à de nombreuses reprises et sur lesquelles je n’ai pas l’intention de revenir, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 19 et 44 rectifié tendant à supprimer l’article 20.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 2 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l’adoption 174
Contre 170

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 20 est supprimé.

M. Alain Anziani. Bravo !

Article 20 (Texte non modifié par la commission)
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Article 21 bis

Article 21

(Non modifié)

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 180, il est inséré un article 180-1 ainsi rédigé :

« Art. 180-1. – Si le juge d’instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu’elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l’accord du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile, prononcer par ordonnance le renvoi de l’affaire au procureur de la République aux fins de mise en œuvre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément à la section 8 du chapitre Ier du titre II du livre II.

« La détention provisoire, l’assignation à résidence sous surveillance électronique ou le contrôle judiciaire de la personne prend fin sauf s’il est fait application du troisième alinéa de l’article 179.

« L’ordonnance de renvoi indique qu’en cas d’échec de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si, dans un délai de trois mois ou, lorsque la détention a été maintenue, dans un délai d’un mois à compter de celle-ci, aucune décision d’homologation n’est intervenue, le prévenu est de plein droit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Si le prévenu a été maintenu en détention, les quatrième et cinquième alinéas du même article 179 sont applicables.

« Le procureur de la République peut, tout en mettant en œuvre la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, assigner le prévenu devant le tribunal correctionnel ; cette assignation est caduque si une ordonnance d’homologation intervient avant l’expiration du délai de trois mois ou d’un mois mentionné au troisième alinéa du présent article.

« La demande ou l’accord du ministère public et des parties prévus au premier alinéa, qui doivent faire l’objet d’un écrit ou être mentionnés par procès-verbal, peuvent être recueillis au cours de l’information ou à l’occasion de la procédure de règlement prévue à l’article 175 ; si ces demandes ou accords ont été recueillis au cours de l’information, le présent article peut être mis en œuvre sans qu’il soit nécessaire de faire application du même article 175. » ;

2° L’article 495-7 est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Pour les délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans » sont remplacés par les mots : « Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans » ;

b) la référence : « des dispositions de l’article 393 » est remplacée par la référence : « de l’article 393 du présent code ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

L'amendement n° 20 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement tend à supprimer l’article 21, qui étend le champ d’application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, introduite par la loi Perben II.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, cette procédure donne au parquet des pouvoirs accrus ; dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons pas l’accepter.

Je vous indique, monsieur le président, que je demande un scrutin public sur cet amendement.

M. Joël Guerriau. Bien sûr, puisqu’ils ne sont pas là !

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui, ils ne sont pas là !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 20.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous sommes également exprimés sur cette question. Nous n’allons évidemment pas soutenir l’extension du « plaider-coupable », puisque nous sommes contre le principe même de cette procédure !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 45 rectifié.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même cause, mêmes effets !

Nous sommes tout à fait hostiles à l’extension de la CRPC, pour des raisons que j’ai plusieurs fois développées lors de l’examen en première lecture du projet de loi, le 14 avril dernier, dans la discussion générale comme dans la présentation de la motion tendant au renvoi à la commission.

Je rappelle que la modification de l’article 495-7 du code de procédure pénale ici proposée se traduirait par une extension extrêmement importante du champ d’application de la CRPC : celle-ci pourrait s’appliquer à pratiquement tous les délits pour lesquels une peine d’emprisonnement de cinq ans est encourue.

Cela permettrait en fait au parquet d’éviter dans nombre de cas, notamment pour les délits à caractère financier, la tenue d’une audience publique.

Pourtant, les conditions actuelles de recueil de l’aveu sont particulièrement discutables et la procédure française n’est absolument pas une copie conforme du plea bargaining américain.

Cette solution, à notre avis, met en danger l’équilibre de la procédure pénale.

C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 21.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces trois amendements identiques visent à supprimer les dispositions tendant à étendre le champ d’application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Ces dispositions résultaient des travaux de notre commission, qui les avait introduites dans le projet de loi.

Ces amendements ont donné lieu ce matin à de longs échanges au sein de la commission.

J’ai rappelé que les acteurs de la chaîne pénale tiraient un bilan plutôt positif de cette procédure, sept ans après sa création ; elle est par ailleurs entourée de garanties minimales, dans la mesure où la personne concernée est nécessairement assistée d’un avocat et que la sanction – proposée en effet par un membre du parquet – doit être homologuée par un juge du siège dont personne sur les travées de notre assemblée ne conteste la qualité de magistrat.

Toutefois, certains membres de la commission ont fait observer que l’article 21 permettrait que soit désormais jugés dans le bureau du procureur, avec pour toute publicité une rapide audience d’homologation, la totalité des délits en matière financière.

Au total, notre commission, partagée à parts égales, n’a pas émis d’avis sur ces trois amendements ; elle s’en remet donc à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est naturellement défavorable à ces amendements de suppression.

Je crois que la CRPC a fait ses preuves. Elle repose sur un partage des rôles. Le juge du siège détient un véritable pouvoir : c’est lui qui homologue, ou non. Quant aux parties, elles acceptent, ou non, de s’engager dans la procédure.

J’ajoute qu’une autre procédure existe, très proche de celle que vous condamnez aujourd’hui : la composition pénale, créée il y a quelques années – vous vous en souvenez certainement, monsieur Michel. (M. Jean-Pierre Michel s’exclame.)

Il ne faudrait pas que, tout d’un coup, à l’occasion de ce pauvre projet de loi, M. Michel vienne se faire pardonner tous les péchés qu’il a pu commettre dans le passé… Mais nous sommes sensibles aux nombreux efforts qu’il accomplit ce soir dans le sens de la rémission, et avec l’aide de Mme Borvo Cohen-Seat ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

L’avis du Gouvernement est en tout cas défavorable !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. Je pense qu’un débat existe en toile de fond de ces amendements. Pour reconnaître leur insuffisance, replaçons-nous sur le plan de la technique : lorsqu’il est recouru à ce mode de traitement d’une infraction, le parquet reçoit l’auteur, nécessairement assisté d’un avocat ; lorsqu’un accord est intervenu sur la culpabilité et l’étendue de la peine, une audience publique – pas une audience de cabinet ! – est organisée pour que le juge homologue cet accord portant – je le répète – sur une mesure pénale, sur une sanction pénale ; au cours de l’audience publique, le juge, face à l’assistance, aux journalistes, explique à nouveau quelles sont la nature, l’étendue et la gravité de l’infraction, quelles en ont été les victimes et quelle sanction a été admise par le procureur.

Où la défense verrait-elle ses droits violés ? Où la puissance régalienne le verrait-elle ? En quoi la justice ne serait-elle pas rendue, dès lors qu’en dernier lieu c’est un juge qui homologue l’accord intervenu ? Je ne le vois pas.

J’ajoute – d’une manière certes un peu pragmatique et qui peut me valoir certaines critiques – que cette procédure présente l’avantage de faire adhérer le prévenu à la sanction qui lui est infligée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) On évite ainsi quelquefois des appels totalement inutiles.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Mon excellent collègue François Pillet a une vision assez idyllique des audiences de CRPC, mais celle-ci ne me paraît pas correspondre à l’expérience que j’en ai…

Je rappelle que le projet de loi prévoit, selon les termes mêmes du rapport de la commission, d’« ouvrir au parquet la possibilité de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, CRPC, à l’ensemble des délits – à l’exception des délits commis par des mineurs, des délits de presse, des délits d’homicide involontaire, des délits politiques ainsi que des délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. »

Autrement dit, l’immense majorité des délits seraient concernés par la CRPC.

Quant à dire que la personne poursuivie adhérerait avec plaisir à la sanction proposée, c’est vraiment ne pas connaître la manière dont la procédure se déroule !

M. Jacques Mézard. Il arrive, c’est vrai, que des magistrats refusent d’homologuer, mais le cas est extrêmement rare, parce que la CRPC est surtout un moyen d’aller vite, en concluant un marchandage avec le prévenu dans des conditions qui ne sont, au reste, pas toujours les meilleures.

Il eût peut-être été plus sage de recourir davantage à cette procédure – à supposer qu’on la trouve excellente – pour les infractions qu’elle concerne déjà aujourd’hui.

Nous risquons, avec l’extension ici proposée, de voir apparaître une nouvelle fois des distorsions, selon les territoires, selon les parquets, dans la manière dont seront traités nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. N’en déplaise à ses détracteurs, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité fonctionne bien.

D’ailleurs le Sénat, s’interrogeant il y a quelque temps sur son bilan, a rendu des conclusions tout à fait favorables au nouveau dispositif ; aussi je pense qu’il y a lieu d’étendre son champ d’application.

Au risque de paraître insister, je rappelle à mon tour que la procédure est entourée de très sérieuses garanties.

Ainsi, la présence d’un avocat auprès du mis en cause est obligatoire, contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des audiences correctionnelles, où les prévenus ne sont pas assistés. Par conséquent, j’y vois là un avantage.

Par ailleurs, c’est bien évidemment le juge qui a le dernier mot.

Tous les praticiens qui ont eu à participer à cette procédure ces dernières années, loin d’avoir eu l’impression de prendre part à un marchandage, ont plutôt eu le sentiment d’améliorer le fonctionnement de la justice.

On ne peut pas en même déplorer que la justice ne soit pas rendue et refuser des façons modernes et adaptées qui permettent de la rendre.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, que veut-on dire lorsque l’on affirme que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité « fonctionne » bien ? Que la procédure va plus vite ou que la justice rendue est meilleure ?

Ce débat me fait penser aux objectifs assignés à la justice par la loi organique relative aux lois de finances : une « justice de qualité » rendue dans des « délais raisonnables ». On doit pouvoir s’entendre sur ce qu’il faut comprendre par « délais raisonnables », mais on se demande bien, en revanche, ce que recouvre l’expression « justice de qualité » !

M. Pierre-Yves Collombat. Cette évolution, à savoir l’abandon de l’audience au profit, sinon d’un marchandage, à tout le moins d’un face-à-face entre le prévenu et le procureur, trahit un glissement dans la conception de la justice. C’est bien là le fond du débat.

Certes, il revient au juge du siège d’homologuer ou non la sentence, mais il n’a pas la possibilité de modifier celle-ci. Par conséquent, il ne peut pas véritablement exercer son pouvoir de juge. Je le répète, il s’agit là d’un glissement considérable.

Peut-être l’extension du champ de la CRPC permettra-t-elle de réaliser quelques économies, et il semble bien que ce soit le seul objectif visé par le Gouvernement ; en revanche, je ne suis pas persuadé qu’elle contribue à améliorer la qualité de la justice, bien au contraire.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je m’étais prononcé contre le principe même de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité lorsque celle-ci avait été créée ; aussi, je ne peux qu’être défavorable, aujourd’hui, à l’extension de son champ d’application.

Il convient de rester prudent, car ces nouvelles procédures rompent avec notre conception traditionnelle de la justice, une justice proche des gens et reposant sur le débat contradictoire.

Je le répète, je reste très réservé. Avant d’aller plus avant, je pense qu’il vaudrait mieux attendre quelques années afin de pouvoir dresser un bilan nourri par l’expérience.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 20 et 45 rectifié tendant à supprimer l’article 21.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Je rappelle que la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)