travail et emploi

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé et concerne l’extrême malaise existant aujourd’hui au sein de Pôle emploi, au moment même où le nombre de chômeurs atteint le chiffre record de 2,78 millions.

Depuis plusieurs semaines, des manifestations et mouvements de grève des agents de Pôle emploi se multiplient à travers le pays. L’Ain, les Côtes-d’Armor, le Finistère, l’Indre-et-Loire, la Haute-Normandie, le Tarn-et-Garonne : autant de départements – et la liste n’est pas exhaustive ! – où s’exprime l’exaspération des agents de Pôle emploi.

Comment expliquer une telle contagion si ce n’est par un « ras-le-bol » des personnels face à une dégradation des conditions d’exercice de leur métier ?

Imposée par votre RGPP, la fusion de l’ASSEDIC et de l’ANPE était destinée à créer, nous avait-on dit, « un grand service de l’emploi performant ». Force est de constater aujourd’hui que, sur fond de crise et d’envolée spectaculaire du chômage, votre fusion est un échec.

Face à l’afflux des demandeurs d’emploi, la qualité des entretiens avec les conseillers s’est fortement dégradée : dans la plupart des agences, leur durée est tombée à un quart d’heure, contre une demi-heure auparavant. Dans ces conditions, il est impossible d’accompagner les personnes sur le fond ! Pis, nombre de conseillers, totalement débordés, n’arrivent plus à recevoir tous les demandeurs d’emploi. Avec un portefeuille de deux cents dossiers en moyenne, leur mission est tout bonnement impossible, même avec la meilleure volonté du monde.

Entre l’externalisation croissante des prestations de conseil aux chômeurs et la dématérialisation des services, les conseillers ont un sentiment de perte de sens généralisée.

Et ce sont les usagers qui en subissent les conséquences : défaut d’information sur l’indemnisation, erreurs qui les pénalisent financièrement, retards dans le traitement des dossiers, allongement des délais entre le licenciement et le premier entretien, déshumanisation du service à travers la plateforme téléphonique 3949.

Je tiens également, monsieur le ministre, à dénoncer le scandale des radiations massives, qui découlent de la politique du chiffre imposée à Pôle emploi. Tous les moyens sont bons pour les justifier, y compris l’absence de présentation à une convocation arrivée au domicile du demandeur plusieurs jours après la date prévue ou l’absence de réponse au bout de trois sonneries pour un entretien téléphonique…

M. Alain Gournac. La question !

M. Ronan Kerdraon. Ces quelques exemples pourraient paraître caricaturaux…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils le sont en effet !

M. Ronan Kerdraon. … s’ils n’étaient le reflet d’une réalité qui privilégie le contrôle par rapport à l’accompagnement ou à la recherche de solutions adaptées au profil des demandeurs.

Au final, les agents de Pôle emploi sont sous pression avec, à la clef, l’augmentation du stress, la violence des usagers excédés et, malheureusement, le drame des suicides au travail.

M. Alain Gournac. Il continue !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Posez votre question !

M. Ronan Kerdraon. Sans compter les arrêts pour maladie, qui se multiplient.

Surcroît de travail, dysfonctionnements multiples, perte de repères : les causes du mal-être sont nombreuses. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le ministre, face à un tel désastre, les Français veulent une autre politique. Aussi, je souhaite connaître les mesures que vous comptez prendre – et il faut en prendre d’urgence – pour faire en sorte que le service public de l’emploi soit enfin à la hauteur des enjeux du temps présent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Louis Carrère. Ce gouvernement et sa majorité cassent tout ce qu’ils touchent !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Vous venez de nous gratifier d’un bel aveu, monsieur le sénateur ! Vous êtes d’ailleurs si conscient du caractère totalement caricatural de vos propos que, à un certain moment, vous en avez complètement perdu le fil !

M. Didier Boulaud. C’est vous qui l’avez perdu, et depuis longtemps !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous disiez juste, comment expliqueriez-vous que, depuis le début de l’année, le chômage des jeunes ait reculé de 6 % dans votre département des Côtes-d’Armor ? (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.) Un tel résultat serait-il possible si la situation de Pôle emploi était à ce point catastrophique ? Je ne le crois pas. Ce résultat, on le doit à l’action menée sur le terrain ainsi qu’aux employeurs qui, dans votre département, donnent du travail aux jeunes !

Depuis le début de l’année, même si la situation n’est pas facile, le chômage des jeunes a légèrement reculé : de 2 %.

Bien sûr, ce progrès reste insuffisant.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tout raté !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais, si vous n’étiez pas prisonnier d’un réflexe partisan, vous pourriez parfaitement signer la nouvelle feuille de route de Pôle emploi. Comme je l’ai exposé tout à l’heure en réponse à Chantal Jouanno, il s’agit de laisser davantage d’autonomie aux conseillers. Il s’agit, en étant plus réactif et en rendant des services plus précis aux entreprises, de rapprocher, encore mieux qu’aujourd’hui, l’offre et la demande.

M. Didier Boulaud. Ça sent vraiment la fin !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si, depuis un an, les offres d’emploi satisfaites ont augmenté de 12 %, croyez-vous que cela soit dû au hasard ? Certainement pas ! C’est le fruit de la nouvelle politique que nous menons, beaucoup plus proche du terrain. Après définition d’une stratégie nationale, des plans d’action sont élaborés dans chacun des 340 bassins d’emploi, au plus près du terrain, dans votre département comme ailleurs.

Mais jamais vous ne reconnaîtrez ces avancées ! Car, au niveau national, vous avez choisi comme unique registre la critique et la promesse !

Mme Annie David. Et si l’on parlait plutôt de vos promesses non tenues ?

M. Claude Bérit-Débat. Vous êtes devant l’échec de vos propres promesses !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais cela ne fait pas une politique ! Car quelle est la politique de la gauche en la matière ? S’agit-il des emplois-jeunes de Mme Aubry dont M. Hollande ne veut pas ? Ou du contrat de génération de M. Hollande dont Mme Aubry ne veut pas ? Comme elle n’en voulait pas hier, je doute qu’elle en fasse dorénavant la promotion… (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre. La vérité, c’est que vous n’avez rien à dire sur l’emploi ! En la matière, vous n’avez même aucune promesse à faire ! (Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP.)

La situation est difficile, nous le savons comme vous, mais ce n’est pas en nous critiquant en permanence que vous gagnerez en crédibilité. On dirait que vous ne savez pas dans quel monde nous vivons, et que vous ne savez pas quelle crise nous affrontons !

Une chose est certaine : entre votre démagogie et notre action, les jeux sont loin d’être faits, monsieur Kerdraon ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées de lUCR.)

M. Didier Boulaud. C’est la méthode Coué ! Vous me faites penser à un socialiste en 1992 !

bilan du grenelle

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Ma question s'adresse à Mme Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Madame la ministre, la qualité de notre environnement, la transition vers les énergies renouvelables et la préservation de la biodiversité ont fait l’objet d’un très large consensus dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

M. François Marc. Que des promesses !

Mme Fabienne Keller. Une méthode nouvelle de concertation a été mise en œuvre et de nombreuses entreprises, collectivités, associations, ainsi que des représentants de la société civile avaient participé à des débats de grande qualité, au niveau local comme au niveau national.

M. Jean-Louis Carrère. Même ça, vous l’avez loupé !

Mme Fabienne Keller. Grâce à votre forte implication personnelle, madame la ministre, comme à celle du ministre Jean-Louis Borloo…

M. Claude Bérit-Débat. Depuis, il a explosé !

Mme Fabienne Keller. … et du Président de la République lui-même (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), la loi Grenelle 1 a été votée à l’unanimité par nos deux assemblées. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)

Ce premier texte fut suivi d’un deuxième, la loi Grenelle 2, qui donna lieu à un débat plus vif, et qui contenait des mesures plus précises.

M. Didier Boulaud. Vivement le Grenelle 3, qu’on rigole un peu !

Mme Fabienne Keller. Mes chers collègues, le Grenelle de l’environnement a permis d’engager une mutation de notre économie vers un nouveau modèle de développement durable. Il a permis de placer les questions environnementales au cœur de notre projet de société : il s’agit là d’une vraie rupture, qu’aucun autre gouvernement n’avait opérée jusque-là.

M. Claude Bérit-Débat. Des promesses non tenues !

Mme Fabienne Keller. Je profite également de l’occasion pour préciser à notre collègue Jean-Luc Fichet que, tout à l'heure, il n’a pas lu la totalité de l’article que j’ai écrit et que c’est seulement à l’automne 2007 qu’un plan d’action puissant a enfin été mis en œuvre pour réduire les nitrates, lequel a notamment été financé par le neuvième programme des agences de l’eau. La directive européenne datait pourtant de 1991 et, lors de sa transposition sous le gouvernement Jospin, aucun plan d’action n’avait été mis en œuvre. (Mme Chantal Jouanno applaudit.)

Pour en revenir au Grenelle de l’environnement, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des informations sur l’état d’avancement des mesures prises depuis quatre ans ?

En cette période de crise, les solutions que vous proposez dans le cadre de cette stratégie constituent une véritable opportunité. Il s’agit en effet de transformer en profondeur nos habitudes et réglementations, en mettant en œuvre les mesures, mais aussi en renforçant les contacts avec les élus locaux pour expliquer l’importance et les enjeux de l’application de ces engagements.

Je vous remercie par avance, madame la ministre, des éléments de réponse que vous pourrez nous apporter sur la gouvernance du Grenelle. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame la sénatrice Fabienne Keller, nous fêtons ces jours-ci le quatrième anniversaire du Grenelle de l’environnement et, la semaine dernière, le Président de la République rappelait à l’occasion d’un déplacement en Mayenne qu’il s’agissait sans aucun doute de l’une des plus belles et des plus fortes réalisations du quinquennat, n’en déplaise à certains.

Le Grenelle de l’environnement est un programme de transformation en profondeur de notre société. C’est le moteur d’une nouvelle croissance et, en cette période de crise, nous en avons plus que jamais besoin.

Dans nombre de domaines, rien ne sera plus pareil après le Grenelle. Ainsi, les logements construits aujourd’hui émettent 50 kilowattheures par mètre carré et par an, soit trois fois moins que par le passé.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Quant au programme de rénovation des logements existants « Habiter mieux », destiné à lutter contre la précarité énergétique, il est mis en œuvre et doté, pour ce qui concerne l’État, de 1,35 milliard d’euros.

S’agissant des transports, alors que nous construisions autrefois une ligne de TGV à la fois, à partir de l’hiver prochain, nous en construirons quatre simultanément. En tant qu’élue de Strasbourg, madame Keller, vous savez évidemment de quoi je parle.

Avant le Grenelle, nous comptions 300 kilomètres de transports en commun en site propre dans les villes de province. Après le Grenelle, nous passerons à 1 800 kilomètres, dont 1 000 sont déjà lancés, avec un soutien financier de l’État de 1,3 milliard d’euros.

M. David Assouline. Là encore, qui va payer ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. La France est aujourd’hui le pays d’Europe dans lequel, grâce au bonus-malus, le parc de voitures neuves émet le moins de CO2.

Avant le Grenelle, la part des énergies renouvelables dans le bouquet électrique s’élevait en moyenne à 9,5 %, une part stable depuis les années soixante-dix et la mise en service des derniers grands barrages. Nous sommes aujourd’hui à presque 13 %, en avance sur les objectifs du Grenelle en matière de puissance dans le photovoltaïque, et conformément à ceux-ci pour ce qui est de l’éolien.

Mme Laurence Rossignol. Vous omettez de parler des plans sociaux et des dépôts de bilan dans le secteur photovoltaïque !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Par ailleurs, nous sommes également en train de lancer la méthanisation, avec un tarif de rachat qui se situe désormais au niveau des tarifs allemands.

En matière de biodiversité, nous allons lancer deux nouveaux parcs nationaux cette année, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps, et six nouvelles aires marines protégées sont en chantier.

M. Jean-Marc Todeschini. Tout va pour le mieux !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je viens d’évoquer la transformation des politiques environnementales et des politiques publiques, mais le Grenelle, c’est aussi une transformation en profondeur de notre économie, ce qui explique que 10 milliards d’euros des investissements d’avenir y soient consacrés.

Je visitais ainsi récemment, dans la région de Lyon, une entreprise qui produit des dispositifs innovants de ventilation et qui emploie 1 400 salariés : elle est portée par les politiques du Grenelle.

Nous pourrions encore parler du Grenelle pendant des heures. Une chose est sûre : en cette période de crise, nous en avons plus que jamais besoin. J’espère vous en avoir convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. Claude Bérit-Débat. Tout ça, ce n’est que de la communication !

M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.

5

Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat cambodgien

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Oup Bounchhoueun, président de la commission des lois. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres se lèvent.)

Au sein de cette délégation, je veux aussi saluer la présence de Mme Ty Bourasy, présidente de la commission des affaires étrangères de cette assemblée, mais aussi présidente du groupe d’amitié Cambodge-France du Sénat cambodgien et fidèle militante de la francophonie.

Cette délégation, accueillie par Mme Catherine Tasca, présidente du groupe d’amitié France-Cambodge, vient, durant cette semaine, dans le cadre du programme annuel de coopération fixé par nos deux assemblées, étudier des questions aussi diverses que celles des groupes politiques, de la déontologie et de la représentation des collectivités territoriales.

Nous vous souhaitons à tous la bienvenue la plus cordiale. (Applaudissements.)

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 2 novembre 2011 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité (n° 793, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 67, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 68, 2011-2012).

À dix-huit heures trente et le soir :

2. Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART