M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, je ne peux vous laisser tenir des propos aussi inexacts.

Vous pouvez m'accuser de tout, mais certainement pas de manquer de courage ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.) Tous les amendements visant à raboter les niches fiscales ou relatifs aux collectivités territoriales ont été déposés par le Gouvernement en première lecture devant l’Assemblée nationale ! Alors, vous ne pouvez pas dire qu’il n'a pas pris ses responsabilités !

M. Marc Daunis. Allons, du calme !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est moi-même qui, devant le comité des finances locales, ai expliqué que nous devions trouver 200 millions d'euros !

M. Albéric de Montgolfier. J’étais présent !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai dit personnellement à ses membres, face à eux, que le Gouvernement souhaitait réaliser 200 millions d'euros d'économies supplémentaires. Et vous me concéderez que les membres de ce comité ne sont pas tous de grandes figures de l’actuelle majorité présidentielle !

Ces 200 millions d'euros, nous les avons trouvés en liaison avec le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

À cet égard, dialoguer avec les rapporteurs généraux me paraît être de bonne politique.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si vous-même, madame la rapporteure générale, aviez dialogué en amont avec l'administration fiscale, vous n’auriez pas fait adopter un amendement alourdissant de 17 milliards d'euros l'impôt sur les sociétés, parce que nous vous aurions informée préalablement des conséquences de ce vote. Cela s’appelle le dialogue apaisé entre le Gouvernement et le Parlement ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Je le répète, les quatre amendements ont été déposés par le Gouvernement, et l’accusation de manque de courage ne peut certainement pas être portée contre moi.

Madame la rapporteure générale, vous vous drapez dans la vertu en prétendant que vous n’augmentez pas les dépenses, que vous ne remettez pas en cause le gel des dotations aux collectivités locales. Or, de fait, vous le remettez en cause parce que non seulement vous refusez le coup de rabot de 200 millions d'euros proposé par le Gouvernement, mais encore vous ajoutez 450 millions d'euros de dépenses supplémentaires au profit des collectivités locales. C'est votre choix, alors assumez-le puisque vous parliez de courage !

Ces 650 millions d'euros de dotations supplémentaires aux collectivités territoriales représentent une hausse de 1,2 % par rapport aux propositions du Gouvernement, alors que le budget de l'État diminue quant à lui de 0,6 %. C'est cela l'action du Gouvernement ! Sur les dix prochaines années, cela fait une sacrée différence ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On verra !

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Le vote de cet amendement de la commission des finances est une exigence pour les représentants des territoires que nous sommes. Pourquoi ? Tout simplement parce que certains de nos collègues, momentanément majoritaires hier dans cet hémicycle, ont décidé, par leur vote, de supprimer 41 milliards d'euros de crédits en faveur des collectivités territoriales. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mais oui, mes chers collègues !

Évoquant tout à l’heure cet épisode, Mme la ministre s’est tournée vers nous et nous a presque reproché cette bévue. Mais, madame la ministre, c’est vers l'autre côté de cet hémicycle que vous auriez dû vous tourner, parce que c'est des travées de la droite qu'est venue la décision de supprimer ces 41 milliards d'euros de dotations. (M. Francis Delattre s’exclame.)

L'objet de cet amendement est très simple : restituer aux collectivités locales ce qui leur est dû, à savoir 41 milliards d’euros.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Plus !

M. François Marc. Non, sans doute pas plus que ce qui leur est dû ! En effet, sur le fond, mes chers collègues, est-il illégitime de restituer ces 200 millions d'euros aux collectivités locales ?

M. François Marc. Madame la ministre, combien coûte le gel en valeur des dotations aux collectivités locales ? Il coûte 1 milliard d'euros par an ! Les compétences qui ont été transférées aux départements dans le domaine de l’action sociale leur coûtent 1 milliard d'euros de plus par an. Et que dire des régions, qui ont perdu leur autonomie fiscale ?

Par conséquent, madame la ministre, comment pouvez-vous contester la légitimité du choix que nous avons fait d’augmenter de 200 millions d'euros les dotations aux collectivités locales, sachant qu’elles manquent de moyens pour assurer les services publics de proximité ?

J’ai le regret de vous le dire, notre démarche visant à rétablir cet article dans sa rédaction initiale est parfaitement légitime. Ces 200 millions d’euros leur sont dus. C’est la raison pour laquelle il est impératif de voter cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. En tant que membre de cette assemblée, mais aussi en tant que maire, je puis vous dire que les collectivités locales sont mises à très rude épreuve.

Tout à l’heure, Jean-Pierre Raffarin, évoquant la crise, nous invitait à aller chercher la croissance là où elle se trouve. Certes, mais il faut aussi créer de la croissance chez nous. Or, lorsque les collectivités locales, pour des raisons budgétaires, décident de réduire leurs investissements, cela signifie moins d’emplois dans le bâtiment, moins d’emplois dans les travaux publics (M. Philippe Dallier s’exclame.), plus de chômage et, inévitablement, plus de crise.

En période de crise, il faut toujours préserver l’investissement. Pour ce faire, il faut des moyens. Déjà, les collectivités locales ont été très durement mises à l’épreuve avec la suppression de la taxe professionnelle et ont été contraintes de réaliser des économies très importantes. Surtout, elles ont dû étaler dans le temps des projets d’investissement.

Tout à l’heure, il a été question des entreprises industrielles. Mais l’ensemble des entreprises du BTP nous ont dit qu’elles avaient peu profité de la suppression de la taxe professionnelle. En outre, elles s’inquiètent vivement de l’étalement des programmes d’investissement.

Pour ces raisons, il faut vraiment que les collectivités territoriales, qui assurent 75 % de l’investissement public, puissent continuer à jouer pleinement leur rôle. Rien ne serait pire que de réduire leurs moyens ; ce serait se tirer une balle dans le pied et cela conduirait à une aggravation du chômage. Nicole Bricq nous propose un amendement de bon sens qu’il convient de voter.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Clairement, cette demande de seconde délibération montre à quel point la discussion de la première partie a été erratique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est inexact !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si ! Du fait des mesures que la majorité sénatoriale a voulu faire adopter, et auxquelles nous nous sommes opposés !

Madame la rapporteure générale, votre intervention a permis de faire tomber les masques. Car il ne s’agit pas du tout d’un problème technique. Oui, vous avez été, un moment, minoritaires dans l’hémicycle et l’article 6 a été supprimé. Et l’on pouvait effectivement, dès lors, se poser des questions sur la validité de l’article 15. Mais là n’est pas le fond du problème !

En demandant le rétablissement, dans sa rédaction initiale, de l’article 6, quel est votre objectif ? Il est de refuser l’effort de 200 millions d’euros qui est demandé aux collectivités territoriales ! C’est l’unique objet de votre démarche ! (Même mouvement sur les mêmes travées.)

Vous refusez que les efforts soient partagés entre tous les acteurs. Ce n’est pas sérieux et, bien évidemment, le groupe UMP votera contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je voudrais répondre brièvement à notre collègue François Marc, tout en essayant de ne pas enfreindre notre règlement.

Je sais bien que le congrès des maires a lieu actuellement et que les tribunes sont pleines, mais, franchement, affirmer dans cet hémicycle que les sénateurs de la majorité présidentielle auraient voulu supprimer 41 milliards d’euros de dotations aux collectivités locales, la ficelle est un peu grosse !

Mes chers collègues, je vous invite à méditer cet excellent adage juridique : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. » Si nous en sommes là, c’est parce que, durant de longues heures, vous étiez minoritaires, hier après-midi, dans cet hémicycle. Vous avez demandé un scrutin public sur l’amendement de la commission visant à rétablir le montant de DGF tel qu’il était initialement prévu, c’est-à-dire avant l’annonce du plan d’économies de 200 millions d’euros, mais vous vous êtes retrouvés minoritaires lors du vote sur l’article 6, qui, de fait, n’a pas été adopté.

De grâce, ne tentez pas de faire accroire qu’il y aurait, d’un côté, les défenseurs des collectivités locales et, de l’autre, les vilains petits canards de cette assemblée, ceux qui demanderaient aux collectivités locales de consentir des efforts insoutenables. Nous avons bien compris votre petite musique !

Le Gouvernement nous demande un effort de 200 millions d’euros sur un total de 200 milliards d’euros. Nous pouvons et nous devons le faire au nom de l’intérêt national. Bien évidemment, certaines collectivités sont plus en difficulté que d’autres, mais je le redis aujourd’hui comme je l’ai dit hier, nous trouverons la solution grâce à la péréquation.

Faisons donc cet effort, comme le souhaite le Gouvernement, mais ne nous demandez pas maintenant de rectifier les problèmes que vous avez vous-mêmes créés hier ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° A-1.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 54 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 343
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l’adoption 175
Contre 168

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 6 est rétabli dans cette rédaction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Nous avons achevé l’examen des articles constituant la première partie du projet de loi de finances pour 2012.

Vote sur l’ensemble de la première partie

Article 6 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Vote sur l'ensemble de la première partie (interruption de la discussion)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l’ont demandée pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, et il convient d’en dresser le bilan. C’est la première loi de finances que le Sénat examine depuis le changement de majorité intervenu lors du renouvellement de septembre, M. le président de la commission des finances a donc qualifié à juste titre cette situation d’« inédite ».

Tout à l’heure, avec sa vigueur coutumière – mais c’est une qualité que nous apprécions ! –, Mme Des Esgaulx a dénoncé le déroulement « erratique » de nos débats. Je récuse absolument cette épithète. En effet, les amendements ont été moins nombreux qu’à l’habitude et les propositions présentées par les divers groupes n’ont pas été répétitives.

Nous avons eu, à deux reprises, des débats longs, vifs et nourris de part et d’autre de l’hémicycle. Ceux de nos concitoyens qui auraient tendance à croire que rien ne différencie la droite et la gauche comprendraient bien vite que ce n’est pas vrai s’ils assistaient à nos discussions !

M. Jean-Paul Emorine. Tant mieux pour nous !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce fut notamment le cas du débat sur l’article 2, qui a opposé deux visions de l’imposition des personnes, et, hier, du débat sur les ressources des collectivités locales. Si j’ai bien compris, même après le vote que nous venons d’émettre, ce débat autour de la défense des collectivités locales n’est pas clos.

La discussion n’a pas été perturbée par des interruptions de séance abusives ni par des demandes de priorité – sauf une fois, sur l’article 2, mais cette exception était parfaitement justifiée. En outre, le nombre d’heures consacrées à l’examen de cette première partie a été beaucoup moins important que d’habitude. Finalement, notre rythme de travail a été assez régulier, permettant d’aboutir à un résultat cohérent. À ce propos, je remercie mes collègues de la majorité sénatoriale de ne pas avoir multiplié les amendements. En effet, nous voulions respecter la feuille de route que nous nous étions fixée.

Les principaux points de cette feuille étaient les suivants : adopter des amendements de principe, montrer que d’autres choix fiscaux sont possibles afin de corriger les inégalités patrimoniales, améliorer la progressivité de l’impôt, lutter contre le « mitage » des assiettes – tel a été l’objet du débat relatif à l’impôt sur les sociétés –, aider les collectivités locales à jouer leur rôle d’amortisseur de la crise en tant qu’agents économiques et facteurs de cohésion sociale, enfin, soutenir l’innovation.

Madame la ministre, vous avez plusieurs fois déploré notre absence d’initiative en matière de dépenses, argument repris tout à l’heure par M. le président de la commission des finances. Mais je rappelle que la première partie du projet de loi de finances porte sur les recettes et sur l’article d’équilibre et que l’examen des dépenses ne commence que demain, dans un contexte juridique contraint, il faut le souligner. En effet, les parlementaires ne peuvent pas modifier la répartition des crédits entre les missions et doivent donc considérer l’épure du Gouvernement comme une donnée. Or, à l’évidence, les priorités du Gouvernement qui sont déclinées dans les missions ne sont pas les nôtres.

La majorité sénatoriale aura montré son souci de réduire le déficit de l’État. J’entends qu’on nous ferait presque le procès de vouloir trop le réduire : c’est tellement cocasse que cela mérite d’être relevé ! Auparavant, nous étions accusés d’être dépensiers, mais nous avons démontré que nous nous préoccupons du déficit de l’État. À cet égard, l’engagement de la France est de ramener ce déficit à 3 % du PIB en 2013. Je rappelle, pour mémoire, que le programme de stabilité que le Premier ministre avait envoyé à la Commission européenne prévoyait d’atteindre cet objectif en 2014 seulement, mais que cette échéance a dû être avancée, à la demande de la Commission ; ce calendrier est désormais celui de la France.

Pour terminer, je voudrais remercier les présidents de séance qui se sont succédé, car ils ont organisé nos débats avec sérénité et diligence.

Je remercie également Mme la ministre Valérie Pécresse et M. le secrétaire d’État Pierre Lellouche, qui siégé au banc des ministres un après-midi entier et une soirée. Ils ont accepté un débat sur le fond sans concession, mais avec quelques emportements bien naturels qui tiennent à leur personnalité. Je ne leur en veux pas, car nous sommes là pour débattre, dès lors que nous restons dans les limites du cadre républicain ; j’apprécierais même plutôt ces élans, madame la ministre, bien que M. le président de la commission des finances dise – veuillez excuser cet aparté – que les femmes sont plus dures que les hommes…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quand elles débattent entre elles ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je décèle un soupçon de machisme derrière cette remarque, monsieur le président de la commission ! Moi, j’y verrais plutôt un constat positif : nous sommes peut-être plus franches que les hommes, …

Mme Nathalie Goulet. C’est certain !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … mais là n’est pas l’essentiel.

Je remercie une fois encore tous les groupes politiques, qui ont défendu leurs convictions en présentant leurs amendements, et plus particulièrement les groupes de la majorité sénatoriale qui ont pris des initiatives et nous ont permis d’avoir des débats approfondis.

Par exemple, l’amendement du groupe socialiste qui a été évoqué à nouveau cet après-midi présente une grande vertu : il nous a montré que les assemblées parlementaires doivent pouvoir disposer elles-mêmes d’outils leur permettant de mesurer la portée de leurs actes. Il a aussi mis en lumière le fait, tout de même essentiel, qu’il reste beaucoup à faire pour que le produit de l’impôt sur les sociétés retrouve le niveau qu’il devrait avoir.

Cela ne nous empêche pas de vouloir renforcer la convergence de notre politique économique avec celle de la République fédérale d’Allemagne, mais cette convergence ne peut se limiter à la politique fiscale, surtout si les perspectives de croissance n’évoluent pas… L’Allemagne a d’ailleurs eu beaucoup de mal à écouler sa dernière émission d’emprunt. Par conséquent, la vérité n’est pas forcément outre-Rhin ; nous trouverons la solution en nous-mêmes, avec les Français, car il faut aussi croire en la France. C’est ce que nous avons essayé de démontrer.

Je remercie tous nos collègues qui ont participé à ce débat, car ils étaient à certains moments plus nombreux que d’habitude dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne reviendrai pas sur les désaccords de fond qui ont caractérisé ces débats, parce que je les ai développés longuement lors de la présentation de l’article d’équilibre.

Je reconnais que Mme le rapporteur général a accompli un formidable travail dans un laps de temps extrêmement bref, bien que nos opinions divergent sur nombre de sujets, bien que notre approche des choses soit différente et bien que nous ne votions pas le même budget.

S’il est une qualité que l’on peut reconnaître à Mme Bricq – et, je l’espère, à toutes les femmes, sans vouloir généraliser pour autant ! –, c’est son honnêteté. J’ai aussi beaucoup apprécié dans son discours une certaine forme de franchise et de ténacité.

Messieurs les sénateurs qui avez tendance à penser que nos échanges étaient parfois un peu vifs, sachez qu’il est parfois plus agréable d’entretenir de tels rapports que d’avoir des échanges contournés avec des interlocuteurs dont on ne sait pas exactement ce qu’ils pensent. Le courage et la franchise, madame le rapporteur général, sont pour moi des qualités ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour vous répondre, madame la ministre, je serais tout d’abord tenté de dire que l’« on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ». Vous aurez reconnu l’auteur… (Sourires.)

Plus sérieusement, je voudrais remercier l’ensemble des participants à ce débat. Il était certes singulier cette année, mais néanmoins fort intéressant.

Je remercie tout particulièrement Mme la ministre et ses services, son collègue Pierre Lellouche, mais aussi, bien entendu, Mme la rapporteure générale, qui s’est acquittée de cette charge difficile avec efficacité, en imprimant au débat ses propres orientations. Elle a pu compter pour cela sur le soutien de notre secrétariat, qui a montré à cette occasion son professionnalisme et son indéfectible loyauté.

Dans cette nouvelle phase qui s’ouvre, le Sénat s’apparente à un laboratoire. Même si la première partie de la loi de finances issue de ses travaux reste principalement virtuelle pour le moment, elle aura permis de tester et de confronter les arguments des uns et des autres, d’identifier les cohérences et les incohérences des différentes propositions, dans un jeu démocratique respectueux de chacun. Ce temps de débat est absolument indispensable.

Comme Jean-Pierre Raffarin le rappelait tout à l’heure, nous traversons une période de très grande incertitude. Ce matin même, et pour la toute première fois, l’émission d’un emprunt obligataire allemand n’a pas atteint son plein objectif, tant en termes de quantité que de taux, ce qui, paradoxalement, a eu pour effet de resserrer très légèrement le spread de crédit franco-allemand, au moins temporairement.

Dans la situation actuelle, tout ce que nous faisons est passé au crible. Nous avons donc tout intérêt à montrer que, sur certains enjeux d’importance, droite et gauche sont capables, au-delà de leurs légitimes divergences partisanes, de défendre ensemble l’intérêt national.

Mme Nathalie Goulet. Et le centre ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au centre, naturellement, vous êtes prêts à toutes les synthèses, même les plus improbables ! (Sourires.)

Je conclus en remerciant la présidence et l’ensemble de nos collègues, de la majorité comme de l’opposition, masculins et féminins (Sourires.), qui ont animé nos débats. Ceux-ci vont naturellement se poursuivre avec l’examen des crédits de chacune des missions. Vos collègues membres de ce Gouvernement courageux vont se succéder au banc des ministres, madame Pécresse, et nous sommes impatients de découvrir les propositions d’économies de la majorité sénatoriale sur les programmes et les missions. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous parvenons au terme de ce débat sur la première partie du projet de loi de finances dans un contexte économique et financier particulièrement difficile, et je ne suis pas sûr que nous en ayons pleinement pris conscience.

Au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine, je salue l’effort du Gouvernement pour réduire sensiblement le déficit de la France, même si le projet gouvernemental présente deux défauts à nos yeux.

En premier lieu, l’effort nous semble insuffisant. En effet, si l’accumulation des déficits, évoquée tout à l’heure par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, a été supportable pendant un temps, elle devient insoutenable aujourd’hui. Il en va de l’endettement des États comme de celui des ménages ou des entreprises : il arrive toujours un moment où les prêteurs se retournent contre ceux à qui ils ont prêté. Aujourd’hui, nous sommes face au mur de la dette et il va nous falloir prendre des mesures beaucoup plus courageuses que celles que nous avons prises jusqu’à présent.

En second lieu, l’effort nous semble mal réparti. La règle « un euro de dépense en moins pour un euro de recette supplémentaire », que nous appelions de nos vœux, n’est malheureusement pas respectée, puisqu’il est question de 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour seulement 3 milliards d’euros de dépenses en moins.

Et la ribambelle d’impôts et de taxes issue des différents amendements de la majorité sénatoriale ne fait qu’accroître ce déséquilibre entre les recettes et les dépenses. Je ne pense pas que l’on puisse réduire le déficit uniquement en augmentant les impôts : on ne pourra pas éternellement ponctionner les vaches à lait du CAC 40 sans que cela finisse par se retourner contre notre économie, notre croissance et nos emplois.

Ces débats me laissent aussi trois regrets.

Je regrette tout d’abord que nous nous soyons engagés dans la voie d’une inflation de taxes et d’impôts supplémentaires. Il semblerait, en outre, que la majorité sénatoriale s’apprête à rejeter la plupart des crédits des missions de la deuxième partie du projet de loi de finances, et donc à voter des recettes en hausse et des dépenses en forte baisse. Cette situation ubuesque contribuerait certes au remboursement de la dette et à la réduction du déficit, tout au moins sur le papier, mais ne donnerait assurément pas une image très sérieuse du Sénat.

Je regrette ensuite que deux propositions de l’UCR n’aient pas été adoptées.

Nous plaidions, tout d’abord, en faveur de dispositions fiscales plus favorables à la compétitivité de la France. À cet égard, nous aurions souhaité que la TVA anti-délocalisations, qui, petit à petit, fait son chemin dans les esprits, soit mise en œuvre dès l’année 2012. Il est dommage de perdre ainsi du temps et il me semble que nous devrions nous extraire de la perspective de l’élection présidentielle et prendre, dès à présent, des décisions importantes qui produiront leurs effets dans la durée.

Nous déplorons, ensuite, que le Gouvernement ait préféré une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Il faudra, à mon sens, approfondir la réflexion sur cette mesure préconisée par Jean Arthuis.

Le texte issu de nos débats laisse finalement une impression de bricolage fiscal, lorsque nous appelions de nos vœux une réforme globale visant à instaurer une fiscalité juste et moderne qui favoriserait l’emploi et la compétitivité.

Pour ces raisons, les membres de l’UCR ne pourront pas approuver cette première partie du projet de loi de finances pour 2012 telle qu’elle a été modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes évidemment tous préoccupés par la situation économique du pays, d’autant que tous les éléments d’inquiétude sont présents.

Redémarrage du chômage, dérive des comptes publics, explosion de la dette, déficit du commerce extérieur, atonie de la consommation et de l’investissement, baisse des niveaux de commande dans le secteur industriel : tout semble devoir se liguer contre toute politique novatrice, et tout semble devoir nous condamner à l’austérité à vie.

À la lecture des mesures votées par le Sénat dans sa nouvelle configuration politique, certains ici auront beau jeu de dire que la gauche a décidément la manie d’augmenter les impôts. On mesure pourtant chaque jour à quel point la nouvelle composition de notre assemblée constitue un intéressant point d’appui pour définir l’avenir.

Mais, voyez-vous, chers collègues de l’opposition sénatoriale, la critique serait recevable si vous appeliez les choses par leur nom et si vous ne drapiez pas d’une once d’hypocrisie ce qui s’apparente bel et bien à une hausse des impôts que vous refusez d’assumer.

Que vous convoquiez la lutte contre l’obésité, mâtinée d’un certain moralisme, pour taxer la consommation de boissons sucrées, ne doit pas faire illusion : en réalité, vous ne faites que décliner l’un des avatars de la TVA sociale que vous appelez de vos vœux !

Vous décidez de raboter les niches fiscales, tout au moins celles qui concernent l’impôt sur le revenu – pour la « niche Copé », on verra plus tard ! Que signifie cette décision ? Est-ce de la menuiserie fiscale ou une hausse des impôts ? Quand vous proposez de geler le barème de l’impôt sur le revenu, que faites-vous ? N’ayons pas peur de le dire : vous augmentez les impôts, tout simplement !

Au demeurant, cela ne vous empêche pas d’avoir soustrait près de deux milliards d’euros au rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, de laisser courir la « niche Copé » ou encore d’accepter que l’État renonce à environ 35 milliards d’euros de recettes au titre du régime des groupes, au motif, je vous le rappelle, « d’assurer la neutralité fiscale des choix de gestion des entreprises », laquelle nous coûte tout de même l’équivalent de plus de la moitié du produit de l’impôt sur le revenu.

Chacun, ici, appréciera ces faits à leur juste mesure.

Le pire, dans cette affaire, c’est qu’à cette hausse des impôts à géométrie variable, qui touche d’abord la consommation et les revenus les plus modestes, vous escomptez ajouter demain la baisse des dépenses publiques. Non seulement nos compatriotes sont appelés à payer plus d’impôts, de toutes les manières possibles, mais, de surcroît, ils doivent accepter la réduction du service public assuré par les collectivités territoriales.

Nous ne nous plaçons évidemment pas dans cette optique, et nous ne pouvons que nous féliciter des positions adoptées par le Sénat, qui a tenté, durant ces derniers jours, d’esquisser les contours d’une politique fiscale différente, répartissant de manière plus équitable la charge des impôts.

Nous ne pouvons que nous féliciter que l’ISF ait été rétabli au niveau nécessaire, rendant ainsi 2 milliards d’euros au budget général, et que l’impôt sur le revenu, avec une nouvelle tranche supérieure, ait été rendu plus juste et plus progressif.

De la même manière, nous sommes satisfaits que l’on ait enfin décidé de passer de l’accord unanime de principe sur la taxation des transactions financières à son inscription effective dans notre droit fiscal. Que ceux qui craignent la fuite des capitaux ou croient qu’il est nécessaire d’attendre une démarche commune de l’ensemble des pays de l’Union européenne pour mettre en œuvre une telle mesure soient rassurés : aujourd’hui, aucune obligation fiscale d’aucune sorte ne pèse sur les transactions financières, et les capitaux vont là où ils le souhaitent, tout comme il paraît évident qu’ils passent aussi par notre pays…

Bien d’autres mesures, comme le retour à la non-imposition des indemnités d’accident du travail ou la mise en cause des prélèvements forfaitaires libératoires peuvent également être mises à l’actif du travail de notre assemblée.

Nous l’avons fait pour montrer à l’opinion publique, aux salariés de ce pays, à la France qui travaille et qui produit les richesses dont tout le pays tire ensuite parti – à ma connaissance, nous sommes toujours la cinquième économie du monde et la seconde d’Europe ! – que l’on pouvait mener une autre politique, même dans un contexte de crise économique qui perdure.

Pour l’examen de la seconde partie, les limites imposées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, sont telles que nous ne pourrons pas décider de l’affectation la plus pertinente des recettes nouvelles que le débat a permis de dégager.

Il sera d’ailleurs peut-être dit que l’examen du projet de loi de finances pour 2012 aura montré, pour le moins, le divorce profond entre l’esprit général de la LOLF et l’initiative parlementaire, de même que l’incapacité de cet outil à permettre une juste prise en compte des besoins sociaux et collectifs de la nation dans son ensemble.

Dans l’attente, il est évident que, pour aujourd’hui et pour l’avenir, nous voterons la première partie de ce projet de loi de finances profondément modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Jean-Patrick Courtois remplace M. Didier Guillaume au fauteuil de la présidence.)