Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Et je ne m’en tiens ici qu’aux principales observations m’ayant été adressées lors des auditions !

Par ailleurs, aucun des trois rapports prévus par la loi du 9 juillet 2010 n’a été remis au Parlement.

Tout cela me conduit à douter de la réalité de l’engagement du Gouvernement à mieux lutter contre les violences conjugales. (M. Roland Courteau approuve.) Or nous savons à quel point celles-ci sont destructrices, non seulement pour les femmes qui en sont victimes, mais également pour les enfants qui en sont les témoins impuissants.

Madame la ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en œuvre pour permettre aux outils créés par la loi du 9 juillet 2010 de fonctionner ?

Comme l’ont observé plusieurs des personnes que j’ai entendues dans le cadre de la préparation de ce rapport, la lutte contre les violences faites aux femmes ne nécessite pourtant pas de mobiliser des moyens financiers considérables. Il est possible de faire beaucoup mieux, pour peu qu’un réel travail de coordination des acteurs soit mené et que la détermination des pouvoirs publics soit totale. Or, d’une part, la diminution de 5 % des crédits et, d’autre part, les retards pris dans la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 nous font craindre une détérioration de la situation des femmes dans les mois qui viennent.

Vous le comprendrez, pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 137 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, de saluer le travail, l’implication et le dévouement sans faille des associations et des bénévoles qui s’engagent quotidiennement auprès des plus démunis et des plus fragiles.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Françoise Laborde. « Dormir sur un quai de métro au milieu de la foule ou sur une bouche d’aération pour se réchauffer ; vivre dans sa voiture parce que son salaire ne permet pas de payer un loyer ; chercher tous les soirs un abri pour passer la nuit : c’est cette réalité terrible que certains de nos concitoyens affrontent chaque jour. […] Cette réalité est incompatible avec notre conception de la République. » Peut-être aurez-vous reconnu, madame la ministre, l’auteur de ces propos : ils sont extraits du discours que vous avez prononcé il y a tout juste un an, lors de la cérémonie de clôture de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

Nous aurions aimé que votre budget se fasse l’écho de cette déclaration.

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont, pour 2012, en hausse de 3,14 %. Nous devrions nous en réjouir. Hélas ! Il ne s’agit en fait que d’une augmentation en trompe-l’œil, résultant de la seule progression du programme « Handicap et dépendance », progression que je ne remets bien sûr pas en cause.

L’examen des ressources que le projet de loi de finances alloue notamment à la solidarité démontre, s’il en était encore besoin, que le Gouvernement se détourne des plus démunis. Pourtant, dès 2007, le Président de la République s’était fixé comme objectif de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans. Mais encore aurait-il fallu s’en donner les moyens !

Le constat est implacable : les crédits octroyés au programme « Lutte contre la pauvreté » ont baissé de 22,7 % par rapport à l’année dernière. En outre, je note que le programme consacré aux familles vulnérables subit lui aussi une baisse importante. Dans cette période de crise économique et sociale particulièrement difficile, qui frappe de plein fouet nos concitoyens, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle diminution. A-t-on le droit de laisser des hommes, des femmes et des enfants ne pas manger à leur faim ou dormir dans la rue ? Devons-nous rester indifférents aux maux qui rongent notre société ?

Madame la ministre, comme vous le savez, huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Lors de la vingt-septième collecte de denrées, qui a eu lieu vendredi et samedi derniers, le réseau des banques alimentaires a reçu 12 500 tonnes de nourriture, ce qui représente l’équivalent de vingt-cinq millions de repas, soit un million de plus qu’en 2010. Pour mémoire, les banques alimentaires sont venues en aide à près de 750 000 personnes l’année dernière.

Si nos concitoyens les plus défavorisés peuvent compter sur le formidable élan de générosité des Français, même en période de crise, que peuvent-ils attendre du Gouvernement ?

Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous notamment nous apporter sur le maintien à terme, à savoir après 2013, du Programme européen d’aide aux plus démunis ?

Faire de la solidarité un levier central de la politique sociale : telle était pourtant la mission que vous vous étiez fixée. À cet égard, il me semble particulièrement regrettable que les crédits destinés à financer le RSA activité accusent un recul de 23 %. Si la France devait connaître une reprise économique, nous pourrions comprendre cette décision. Mais nous savons tous que nous en sommes très loin !

Vous nous soutenez que la demande de crédits s’adapte au rythme de la montée en puissance du RSA activité. Certes, le nombre d’allocataires est inférieur à ce qui était attendu. En fait, la raison est simple : la complexité du dispositif et le manque d’informations ont conduit bon nombre de bénéficiaires potentiels du RSA activité à ne pas le réclamer.

Je voudrais également dire un mot des jeunes, de plus en plus touchés par la précarité. En France, aujourd’hui, une partie de la jeunesse vit en dessous du seuil de pauvreté : le taux de chômage des jeunes est deux fois supérieur au taux de chômage de l’ensemble de la population.

Si, jusqu’alors, les jeunes diplômés étaient relativement épargnés par la précarité, réservée aux moins diplômés, tel n’est plus le cas. Ils n’échappent pas au cercle vicieux de l’enchaînement des stages, des contrats à durée déterminée, du chômage, puis à nouveau des CDD. Il leur est donc de plus en plus difficile, dans ces conditions, d’accéder à une relative indépendance financière.

Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans représentent aujourd’hui la classe d’âge la plus pauvre de France : ils éprouvent des difficultés à trouver un emploi, à se loger, à se soigner. Cette situation de détresse n’est pas acceptable.

Pour les aider, vous nous avez proposé d’étendre le RSA aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans qui ont travaillé à temps complet au cours de deux des trois dernières années. Malheureusement, cette mesure ne permettra pas d’endiguer ce phénomène, car la condition posée est en effet beaucoup trop restrictive pour nombre de jeunes qui alternent des périodes de petits boulots, de stages non rémunérés ou de travail à temps partiel. C’est la raison pour laquelle un peu plus de 10 000 personnes seulement bénéficient du RSA jeunes. C’est très peu, trop peu ! Pourquoi ne pas étendre cette allocation à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-cinq ans afin qu’ils puissent connaître un réel changement dans leur vie quotidienne ?

Avant de conclure, je voudrais aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Je regrette profondément que le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » ait subit une baisse de 5 % de ses crédits, alors que des discriminations existent toujours dans la vie privée et dans le milieu professionnel.

Mme Françoise Laborde. La violence faite aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » en 2010. Pour autant, les violences conjugales perdurent : cent quarante-six femmes sont décédées en 2010 sous les coups de leur compagnon et, chaque année, trois millions de femmes sont victimes de violences. Ces chiffres sont terrifiants. Madame la ministre, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas rester indifférents à la détresse de ces femmes.

S’agissant de l’égalité professionnelle, tout le monde s’accorde à reconnaître que la situation des femmes n’a pas connu d’évolution. Les inégalités persistent : différences de traitement entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles l’augmentation des formes d’emplois précaires et des écarts de rémunération au détriment des femmes ; maintien du « plafond de verre » pour les femmes qui tentent d’accéder aux instances de décision dans l’entreprise ; par ailleurs, près de trois femmes sur dix attendent d’atteindre soixante-cinq ans pour liquider leur retraite, faute de n’avoir pu rassembler les trimestres nécessaires, contre un homme sur deux. Il est grand temps, madame la ministre, de favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle pour faire progresser l’égalité au travail et dans l’emploi.

Pour toutes ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE ne pourra pas voter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent budget montre que le Gouvernement poursuivra en 2012 une politique volontariste en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances. Les crédits de cette mission s’élèvent à 12,7 milliards d’euros, et progressent ainsi de 3,1 %. Cet effort consenti au nom de la solidarité nationale est d’autant plus remarquable que la crise financière pèse sur les comptes publics. La présentation de cette mission par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ne reflète donc pas la réalité selon moi, car les chiffres sont là !

Le programme « Handicap et dépendance », qui concentre 80 % des crédits de la mission, augmente de 6 %, après avoir enregistré une hausse de 8,5 % en 2011, de 5,5 % en 2010 et de 6,5 % en 2009. Je pense que le traitement de la question du handicap lors de cette législature mérite un satisfecit.

La loi du 11 février 2005 a donné un nouveau cadre à notre politique du handicap. De plus, des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République devant la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 et le présent budget permet de les respecter. Étaient ainsi prévues la revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés d’ici à 2012, la création sur cinq ans de 50 000 nouvelles places en établissements spécialisés pour personnes handicapées, une orientation plus systématique des bénéficiaires de l’AAH vers l’emploi.

L’allocation aux adultes handicapés a été revalorisée au rythme nécessaire, pour atteindre 25 % d’augmentation entre 2008 et 2012. Ainsi, l’AAH s’élèvera à 776 euros à la fin de 2012, contre 621 euros en 2007.

Pour notre rapporteur pour avis, cet effort financier ne devrait pas « nous aveugler ». Selon elle, en même temps que le Gouvernement revalorise le montant de l’AAH, il restreindrait ses conditions d’octroi, afin de diminuer le nombre de bénéficiaires. Je lui ferai cependant remarquer que, d’après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le nombre d’allocataires augmente : la prévision d’évolution annuelle devrait être de 3,4 % en 2011 et de 2,5 % en 2012. Le décret du 16 août 2011 soumet à conditions l’accès à l’AAH, dans le but de limiter les risques de divergence d’appréciation entre les territoires et non pour exclure qui que ce soit.

L’insertion des personnes handicapées constitue un autre sujet important, car l’intégration professionnelle des personnes handicapées joue un rôle essentiel dans leur participation à la société et leur accès à une vie autonome.

Le budget de l’enseignement scolaire révèle une augmentation de 60 % du nombre d’enfants handicapés scolarisés par rapport à 2007. Le nombre d’assistants scolaires pour accompagner ces élèves a doublé entre 2007 et 2010.

L’insertion par l’emploi doit également se réaliser en priorité en milieu ordinaire. On peut se réjouir, sur ce point, de l’évolution de cette question depuis la loi du 11 février 2005, même s’il faut rester très exigeant dans ce domaine. N’oublions pas que la loi fixait pour objectif un taux d’emploi de 6 % de personnes handicapées dans les entreprises d’au moins vingt salariés et que le taux d’emploi des personnes handicapées atteint d’environ 4 % dans la fonction publique et 3 % dans le secteur privé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Dans la fonction publique, on est déjà à 5 % !

M. Jean-Louis Lorrain. La formation professionnelle joue un rôle essentiel pour lutter contre le chômage des personnes handicapées. Aujourd’hui, plus de 70 000 personnes handicapées entrent en formation chaque année, contre 50 000 environ avant l’entrée en vigueur de la loi de 2005.

Lorsque le travail en milieu ordinaire n’est pas possible, la maison départementale des personnes handicapées peut décider d’orienter la personne handicapée vers le milieu de travail protégé, c’est-à-dire les établissements et services d’aide par le travail. Une enveloppe de plus de 1,4 milliard d’euros permettra de financer les 118 000 places existantes dans les établissements et services d’aide par le travail et de créer 1 000 nouvelles places. L’augmentation du nombre de places en établissement constitue une évolution bienvenue, compte tenu du retard de la France en la matière. J’espère que nous pourrons ainsi combler les disparités territoriales et résorber les listes d’attente des personnes orientées vers ces établissements.

Je tiens enfin à souligner le rôle essentiel joué par les maisons départementales des personnes handicapées, guichets uniques d’accès aux droits et aux prestations, qui évaluent les besoins de la personne sur la base de son « projet de vie ».

La dotation aux maisons départementales des personnes handicapées a fortement augmenté. Les crédits s’établissent à 57 millions d’euros en 2012, contre 47 millions d’euros en 2011 et 21,7 millions d’euros en 2010. Il s’agit de contribuer au fonctionnement général des MDPH et également de compenser les vacances d’emplois au titre des personnels initialement mis à disposition par l’État qui ont pris leur retraite ou réintégré leur administration d’origine sans être remplacés par des personnels de même statut.

Je pense que la dynamique créée par la loi du 11 février 2005 doit être poursuivie et approfondie en permanence, et je me réjouis qu’une loi résultant d’une initiative sénatoriale, puisqu’elle fut l’œuvre de notre ancien collègue Paul Blanc, ait permis, cette année, de traiter trois types de questions : l’instabilité des personnels et la diversité de leurs statuts ; la garantie insuffisante des ressources à court terme ; certaines lourdeurs administratives qui subsistaient dans l’instruction des demandes.

Je souhaiterais maintenant dire quelques mots du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », qui relève également de la mission. L’essentiel des crédits de ce programme correspond à la dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives, chargé de mettre en œuvre le dispositif du revenu de solidarité active.

Je rappelle que, parmi les personnes en situation de pauvreté, on compte autant de personnes exclues de l’emploi que de travailleurs pauvres. C’est en partant de ce constat que le Gouvernement a engagé la révolution sociale que constitue le RSA, afin de sortir d’une logique de statut au profit d’une logique de revenu.

Généralisé en 2009, le revenu de solidarité active poursuit quatre objectifs : offrir des moyens d’existence convenables à toute personne privée de ressources – il reprend en cela les objectifs assignés au revenu minimum d’insertion, ou RMI – ; permettre que toute heure travaillée se traduise effectivement par une augmentation du revenu ; compléter les ressources des personnes exerçant une activité pour réduire la pauvreté laborieuse ; simplifier les mécanismes de solidarité.

Le RSA activité a permis d’augmenter le pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens à revenus faibles, faisant en sorte que le travail soit toujours plus avantageux que l’assistance.

Une contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine a été affectée au Fonds national des solidarités actives, dont les ressources sont complétées par une subvention d’équilibre de l’État. Celle-ci, certes, est en baisse, mais cela n’aura aucune répercussion sur le FNSA, dans la mesure où, la subvention 2011 s’étant révélée légèrement surcalibrée, le fonds pourra mobiliser une fraction de son excédent.

La crise économique est venue contrarier l’efficacité du dispositif, en poussant mécaniquement à la hausse le nombre de bénéficiaires du RSA socle et en freinant la montée en charge du RSA activité, faute d’offres d’emplois. On peut discuter les résultats de cette politique, car il n’est pas facile de disposer de chiffres en ce domaine, mais je suis certain qu’en alliant solidarité et reprise de l’emploi, le dispositif du RSA constitue un bon principe, permettant de remettre à l’honneur la valeur travail et de moderniser les dispositifs d’assistance sociale.

Concernant les attaques contre le dispositif du RSA jeunes, je tiens à préciser que l’existence de conditions d’obtention – travail au moins deux ans au cours des trois dernières années – montre qu’il s’agit bien d’une incitation au travail, dans la logique voulue par le Président de la République, et non d’une mesure d’assistanat.

Le Président de la République a confié une mission à Marc-Philippe Daubresse en avril dernier, pour faire le point sur la mise en œuvre du RSA et renforcer le « volet insertion » du dispositif. Vingt-deux recommandations ont été formulées, dont la mise en place de contrats uniques d’insertion d’une journée par semaine. Je salue cette expérimentation qui permet de ne pas laisser de côté ceux qui rencontrent des difficultés sociales ou de santé ni ceux qui sont éloignés du marché du travail depuis trop longtemps.

Enfin, je veux dire quelques mots sur un sujet ayant trait à l’aide sociale à l’enfance : il s’agit de la prise en charge des mineurs étrangers isolés. Cette année, près de 6 000 mineurs étrangers isolés ont en effet dû être pris en charge, sur notre territoire, au titre de l’aide sociale à l’enfance. Je tiens à relayer auprès de vous, madame la ministre, l’inquiétude des départements.

Je citerai un passage du rapport que notre collègue Isabelle Debré a consacré à cette question, et qui résume parfaitement la situation.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. M. Lorrain dépasse son temps de parole, monsieur le président, et vous avez interrompu notre rapporteur pour avis !

M. Jean-Louis Lorrain. Elle explique que les départements « considèrent que l’État devrait exercer son rôle de chef de file dans le dispositif d’accueil des mineurs isolés étrangers, le contrôle des flux migratoires relevant de sa compétence régalienne, et que c’est en raison de la carence étatique qu’une réponse a dû être organisée localement. Les élus départementaux considèrent en outre que leur compétence générale en matière de protection de l’enfance ne saurait être mise en avant par l’État pour justifier sa propre absence de réponse à un phénomène qu’ils disent subir largement ».

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Louis Lorrain. Sur cette question, j’aurai l’occasion de présenter tout à l’heure un amendement que je soutiens à titre personnel.

Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles. Or, s’il est un domaine où l’effort de la nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité. Avec le groupe de l’UMP, j’apporterai mon soutien et ma voix à cette politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est en période de crise, comme celle que nous traversons aujourd’hui, que la solidarité doit trouver toute sa signification. Elle est essentielle pour le maintien d’une cohésion sociale.

Force est de constater que les écarts entre les Français se creusent et que les inégalités se développent. Le nombre de nos concitoyens en situation d’exclusion ne cesse de progresser. Ce constat, je le faisais déjà, devant vous, il y a deux ans. J’observe malheureusement qu’il s’est encore aggravé.

Une première lecture de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dont nous débattons ce soir pourrait nous faire croire, cette année, à un effort. En effet, l’allocation aux adultes handicapés, principale dépense de la mission, connaît une évolution dynamique. Cependant, les crédits alloués au titre des programmes « Actions en faveur des familles vulnérables » et « Égalité entre les hommes et les femmes » ne connaissent pas la même progression, loin s’en faut.

S'agissant des actions en faveur des familles vulnérables, une lecture plus approfondie de la mission met en évidence le peu d’ambition du Gouvernement et, bien souvent, son désengagement face à l’ampleur des enjeux et de la situation dramatique de ces familles.

Certes, l’État n’est pas le seul à financer la solidarité nationale. Les départements, les régions et les communes prennent à leur charge une large part de sa mise en œuvre et de sa redistribution. Les collectivités territoriales suppléent l’État, voire se substituent à lui lorsqu’il manque à ses obligations. Le soutien de l’État, en recul, se fait de plus en plus à la marge.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’est pas en recul !

Mme Claire-Lise Campion. Voilà quelques jours, Mme la secrétaire d’État chargée de la santé a annoncé un nouveau plan d’aide à la parentalité. Les « maisons pour les familles », au cœur de ce nouveau dispositif qui regroupe les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents et les Points Info Famille, pourraient permettre une meilleure visibilité. Toute amélioration pour prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leur responsabilité éducative doit être accompagnée.

Derrière ce discours, toutefois, la réalité de l’engagement de l’État est tout autre. Car, concrètement, les crédits de l’action n° 1 du programme sont en diminution de 17 % par rapport à 2011. Une éventuelle subvention supplémentaire des caisses d’allocations familiales ne suffira pas à compenser ce net recul.

L’annonce de ce nouveau plan n’aurait-elle pas pour objectif de masquer la baisse de 1,9 million d’euros réalisée sur les Points Info Famille et les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ?

Ce décalage entre les discours et la réalité est tout aussi sensible concernant le soutien apporté par l’État à la protection de l’enfance. Aucune dotation du Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’est prévue cette année.

L’État persiste dans son refus de se soumettre à ses obligations légales en la matière. Créé après une longue bataille juridique, ce fonds trouve son origine dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Il devait être doté de 150 millions d’euros sur trois ans, afin de compenser, pour les départements, les charges induites par cette loi. Il aura fallu plusieurs recours de conseils généraux devant le Conseil d’État et une menace d’astreinte journalière pour que l’État publie enfin le décret créant ce fonds, décret qui a lui-même été l’objet de nombreuses insatisfactions du fait du montant, ridiculement bas, alloué au fonds et de l’absence de compensation des dépenses engagées par les départements depuis 2007.

À ce jour, il n’est provisionné que de 40 millions d’euros, une partie provenant d’un abondement de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, l’autre d’un transfert des excédents du RSA activité voté par le Parlement.

Les départements ne peuvent supporter cette charge, à laquelle vient s’ajouter la question de plus en plus sensible de l’accueil des mineurs étrangers isolés. Notre collègue Jean-Louis Lorrain a commencé à aborder cette question avant de devoir conclure son intervention, ayant épuisé son temps de parole.

Faute de dispositif d’accueil, l’État, une fois encore, se décharge sur les départements sans aucune compensation financière. Cette question doit faire l’objet d’un partage des missions, des responsabilités et des charges entre l’État et les conseils généraux. Il y a une réelle urgence.

Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont la dotation est déjà très modeste, voit ses crédits baisser de 5 % par rapport à 2011. L’essentiel de la réduction concerne la nouvelle action n° 11 dont les crédits sont consacrés à la promotion de la place de la femme dans la sphère professionnelle ou publique.

Les constats sont édifiants : absence de parité, sous-emploi, précarité, inégalité des salaires. Les discriminations et inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel perdurent, malgré la loi de 2005. De surcroît, en période de crise économique, les femmes sont les plus touchées par les fins de contrat ou par leur non-renouvellement.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est la vraie vie !