M. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, dans le présent projet de loi de finances, les crédits de la mission « Défense » s’élèvent à 38,3 milliards d’euros en crédits de paiement et à 40,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement, pensions militaires comprises. Toutefois, comme l’avaient déjà craint les rapporteurs spéciaux de la commission des finances les années antérieures, nous nous éloignons progressivement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014.

Selon le ministère de la défense lui-même, 2 milliards d’euros de crédits de paiement devraient manquer entre 2009 et 2013 par rapport à la loi de programmation militaire, sous l’effet notamment du plafonnement de l’évolution des crédits dans la loi de programmation des finances publiques.

La trajectoire des dépenses militaires n’est pas satisfaisante. Compte tenu de la dynamique inhérente aux crédits de fonctionnement, notamment de personnels, ce sont les grands équipements, hors dissuasion nucléaire, qui seront le plus durement touchés. Entre 2010 et 2013, ils devraient s’établir à un niveau inférieur de 2,7 milliards d’euros par rapport à la loi de programmation militaire.

En cette fin d’année 2011, les dotations du budget de la défense seront pour la première fois complétées par des recettes exceptionnelles issues de la cession de fréquences hertziennes qui étaient utilisées par nos armées. Cette solution palliative ne constitue pas une politique viable. Comme l’avait déjà dit votre commission des finances lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, il existe un risque majeur qui est double.

Le premier est que ces fréquences ne soient pas ou pas totalement cédées, ou encore pas pour le montant espéré, créant ainsi un grave manque à gagner.

Le second est qu’elles soient effectivement cédées, mais qu’une partie de ces recettes soit, par obligation budgétaire, affectée au désendettement de l’État et non à l’atteinte des objectifs de la loi de programmation militaire.

En 2008, le Livre blanc avait fixé des objectifs à l’horizon 2020 établis sur la base d’une croissance en volume des dépenses de 1 % par an. Or la programmation révisée des finances publiques a retenu le principe d’un gel en volume des crédits de paiement de la mission « Défense », méconnaissant les coûts de la modernisation technologique des équipements.

Si l’on prend comme hypothèse une évolution des dépenses militaires sur une base zéro volume ou sur une base zéro valeur encore plus restrictive, il manquerait de 10 milliards à 30 milliards d’euros pour les dépenses cumulées de la défense jusqu’en 2020 par rapport aux objectifs du Livre blanc.

À cet égard, en première délibération, puis en deuxième délibération, l’Assemblée nationale a réduit de quelque 280 millions d’euros les crédits de la mission « Défense », dans le cadre des mesures d’économies annoncées par le Premier ministre le 24 août, puis le 7 novembre 2011. Ces sommes représentent près de 1 % des crédits de la mission, hors pensions.

En volume, aucune autre mission n’a vu ses crédits aussi fortement réduits. Non seulement les objectifs de la loi de programmation militaire ne sont pas atteints, mais l’examen des crédits à l’Assemblée nationale a conduit à aggraver encore un peu plus la situation budgétaire du ministère de la défense.

Dès aujourd’hui, le ministère de la défense avoue ne plus être en mesure d’assurer une pleine capacité de projection de nos troupes terrestres à hauteur de 30 000 combattants pendant un an, sans relève. L’indicateur de performance associé à cet objectif s’élevait à 100 % en 2009, avant de baisser à 95 % lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 et de diminuer encore, suivant la prévision pour 2012, à 82,5 %.

Face à cette limitation des crédits budgétaires, les choix du Gouvernement ne sont pas satisfaisants. Selon des demandes de crédits complémentaires faisant actuellement l’objet d’un décret d’avance, les opérations extérieures ou OPEX doivent atteindre un montant record de 1,17 milliard d’euros en 2011, dont 294 millions d’euros en crédits de paiement et 370 millions d’euros en autorisations d’engagement pour l’opération « Harmattan » en Libye. Au total, le surcoût des OPEX en 2011 aura été multiplié par deux et demi depuis les années 2000-2001.

Quelle est notre capacité réelle à mener à bien ces opérations ? Une question fait aujourd’hui débat : devons-nous adapter notre format à nos ambitions ou nos ambitions à nos capacités réelles ?

Par ailleurs, seize Rafale, et non plus treize comme prévu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, doivent être commandés par l’État pour pallier le faible niveau d’exportation de cet avion. Au total, ces seize appareils représentent une dépense de plus de 1 milliard d’euros, qui s’impute sur les autres dépenses d’équipement. Pourrons-nous, devrons-nous tenir ce niveau de commande si le marché mondial nous reste fermé ?

Pourtant, certains programmes ne peuvent plus attendre si l’on veut maintenir les capacités opérationnelles de notre pays. Je pense en particulier à l’hélicoptère NH90, à la Frégate multimission ou FREEM et au sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda. Ces programmes doivent être menés essentiellement après 2014. Tout indique que les menaces budgétaires, en l’absence probable de ressources exceptionnelles hertziennes après cette date, conduiront à de cruels réexamens.

Lors de la discussion des amendements, je reviendrai sur la nécessité pour notre pays de se doter d’un programme de production de drones, à l’instar de tous les autres grands pays industrialisés.

Dans ce contexte, j’estime que d’autres choix sont possibles. Que penser des externalisations conduites par le ministère de la défense et épinglées dans le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes ? Certaines opérations d’externalisation présentent un rapport bénéfices/coûts négatif, d’autres touchent le cœur même de métier de notre armée.

Que penser du montage financier du regroupement sur un même site des fonctions d’état-major à Balard ? Conçu sur le modèle du Pentagone, ce projet donnera lieu à un investissement par le promoteur retenu à hauteur de 700 millions d’euros, tandis que l’État doit verser 4,2 milliards d’euros dans le cadre d’un partenariat public-privé qui s’étalera sur vingt-sept ans. Or le regroupement des fonctions d’état-major aurait pu être moins ambitieux, s’inspirant de l’exemple britannique et non du Pentagone américain.

Je me veux, enfin, le relais des inquiétudes qui s’expriment, sur l’ensemble de notre territoire, face à de lourdes opérations de restructuration.

Le 21 juin 2011, le Gouvernement a annoncé la mise en place de cinquante et une bases de défense. Mais a-t-on mené la nécessaire concertation préalable avec nos soldats et les élus locaux ? Y a-t-il eu une étude d’impact sur les conséquences économiques, sociales et territoriales ? Comment le Gouvernement chiffre-t-il les économies attendues ? J’espère, monsieur le ministre, que le débat budgétaire sera l’occasion d’obtenir des réponses à ces questions.

Au regard de ces critiques, mais prenant en compte l’engagement de nos armées sur les théâtres d’opérations extérieures, vous comprendrez donc, mes chers collègues, pourquoi la majorité des sénateurs s’est abstenue en commission des finances sur le vote des crédits de la mission « Défense », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».

Pour ma part, je m’abstiendrai à nouveau lors du vote en séance publique, en appelant de mes vœux une révision de certains choix effectués par l’actuelle majorité nationale, à l’occasion de la révision de la loi de programmation militaire prévue en 2012. Il convient, en effet, d’assurer une croissance des dépenses de la mission « Défense » d’au moins 1 % par an jusqu’à l’horizon 2020 fixé par le Livre blanc, pour seulement maintenir le niveau de personnels et d’équipements.

Je tiens à saluer l’effort de nos soldats à la défense de notre pays, mais il faut donner à notre sécurité nationale des moyens à la hauteur de nos ambitions. Si nous continuons à appliquer la règle de la croissance zéro volume, la part de la défense nationale dans le PIB va progressivement descendre à 1 % d’ici à 2020, c’est-à-dire le ratio des forces armées d’autodéfense japonaise, alors que le Japon a un PIB qui est plus de deux fois supérieur au nôtre !

Je souhaite, pour ma part, délivrer un message d’ambition et d’espoir, au regard de la place qu’occupe notre pays sur la scène internationale en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, doté du droit de veto. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, lors de l’examen du budget de la défense en commission, j’ai beaucoup irrité la majorité par les critiques que j’ai portées contre elle et ses décisions concernant le budget. On me l’a fait connaître sans ménagements excessifs.

J’en suis vraiment désolé, mais, votre honneur, j’ai des circonstances atténuantes… En effet, monsieur Krattinger, une heure avant cette réunion, j’ignorais, faute d’information, quelle serait votre décision. J’en étais resté au fait que la majorité s’apprêtait à voter contre le budget.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. C’est arrivé à la droite aussi !

M. François Trucy, rapporteur spécial. De ne pas informer ?

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. De ne pas voter le budget de la défense.

M. François Trucy, rapporteur spécial. On ne va pas remonter aux calendes !

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. Ce n’est pas si vieux que cela : en 1997 et en 2002 !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Je règle un petit problème relationnel avec mon collègue Yves Krattinger, pas avec vous, monsieur Boulaud ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Néri. Monsieur le président, la parole est libre ici quand même !

M. le président. La parole est à l’orateur !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Non, monsieur le président, car je ne vais pas parler dans ces conditions-là ! (Exclamations. – L’orateur quitte la tribune et regagne sa place.)

Il faudra que vous vous habituiez à être la majorité et à avoir un peu plus de sérénité !

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et le soutien de la politique de défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, globalement, les dotations du programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », que j’ai l’honneur de vous présenter, ont été préservées.

Je pense, en particulier, aux crédits des services de renseignement, qui sont en progression, conformément aux priorités définies par le Livre blanc et la loi de programmation militaire.

Mon inquiétude porte davantage sur l’effort de recherche, notamment les études amont. Celles-ci plafonnent depuis quelques années à moins de 700 millions d’euros, loin de l’objectif de un milliard d’euros fixé par le Livre blanc pour maintenir l’ensemble de nos capacités technologiques et en acquérir de nouvelles, notamment en matière spatiale. Notre collègue Jeanny Lorgeoux y reviendra dans son intervention.

Je voudrais, pour ma part, concentrer mon propos sur le renseignement.

La direction générale de la sécurité extérieure voit ses crédits augmenter de 9 % en 2012. Elle devrait également bénéficier de 135 emplois supplémentaires, ce qui est conforme au plan de recrutement de près de 700 postes d’ici à 2014.

L’effort est d’autant plus significatif qu’il porte sur des personnels de haut niveau, en particulier des ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique.

De plus, la réforme de l’encadrement supérieur devrait permettre de rendre les carrières plus attractives et de favoriser la mobilité avec les autres services et l’administration publique.

La création d’un corps d’administrateurs, en partie recrutés à la sortie de l’ENA, est un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement.

Enfin, l’effort mis sur les moyens techniques et les infrastructures ne se relâche pas. Il devra être poursuivi, en accord avec l’augmentation des effectifs et les besoins croissants de traitement des flux de communication. L’accentuation des moyens humains et techniques de la DGSE engagée depuis trois ans est donc une réalité dont je me félicite.

Restons conscients, toutefois, qu’elle se chiffre en dizaines de millions d’euros, ce qui reste modeste par rapport à l’ensemble du budget de la défense. Il s’agit surtout, à mon sens, d’un rattrapage nécessaire qui devra être poursuivi dans la durée.

Il faut reconnaître que, par le passé, les moyens de la DGSE n’avaient pas vraiment suivi l’augmentation des besoins liés au nouveau contexte stratégique et aux nouvelles technologies de communication.

J’ajoute que la DGSE bénéficie également de moyens, comme les satellites de renseignement, qui ne relèvent pas de son budget.

Le programme MUSIS semble heureusement préservé. J’ai en revanche quelques inquiétudes sur le décalage que subit le satellite d’écoute CERES. En effet, une capacité d’écoute spatiale, en particulier des communications, me semble indispensable pour des zones d’intérêt, comme le Sahel. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point ?

Toujours sur le renseignement, j’évoquerai brièvement la DPSD, la direction de la protection et de la sécurité de la défense, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu, qui est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense.

À l’exact opposé de la DGSE, la DPSD doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 agents. Cette diminution de son personnel ne devrait toutefois pas affecter la capacité du service, car elle est liée à la mise en place d’une procédure centralisée et entièrement numérisée de traitement des demandes d’habilitation, dite SOPHIA. Toutefois, ce projet semble connaître un certain retard, ce qui pourrait entraver la nécessaire modernisation du service.

Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur les conséquences de la récente décision du Conseil constitutionnel sur les lieux classifiés secret défense.

Le 10 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution une partie des dispositions introduites par la loi de programmation militaire relatives aux perquisitions dans les lieux classifiés secret défense, tout en reportant les effets de sa décision au 1er décembre. À quelques jours de cette échéance, le Gouvernement a-t-il tiré toutes les conséquences de cette décision ?

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et le soutien de la politique de défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur les deux actions à vocation internationale du programme 144 : le soutien aux exportations d’armements et le réseau diplomatique de défense.

Sur le premier point, je rappelle que notre pays est aujourd’hui le quatrième exportateur mondial d’armement, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, et devant Israël, les cinq pays se partageant 90 % du marché mondial.

La part de marché de la France est de l’ordre de 7 %, contre près du double pour le Royaume-Uni et plus de 50 % pour les États-Unis.

Par zones géographiques, le Proche-Orient et le Moyen-Orient représentent 27 % des commandes, devant l’Amérique du Sud, qui totalise 19 % des commandes, et l’Asie, qui représente 18 % de celles-ci.

Nos principaux clients sont le Brésil, l’Arabie Saoudite et l’Inde. L’Europe, en revanche, ne compte que pour 13 % de nos exportations, ce qui illustre les faiblesses du marché européen de défense.

Les contrats les plus importants concernent la vente de sous-marins Scorpène au Brésil, de bâtiments de projection et de commandement à la Russie, d’hélicoptères au Mexique et à la Malaisie et d’un système d’observation par satellite au Kazakhstan.

En revanche, la vente du Rafale se fait toujours attendre et vous pourriez peut-être, monsieur le ministre, faire le point sur ce dossier sensible.

Plus généralement, alors qu’il faut s’attendre à une concurrence accrue sur le marché mondial de l’armement, avec la forte diminution des budgets de la défense en Europe et aux États-Unis, en raison de la crise économique et financière, et l’arrivée de nouveaux concurrents issus des pays émergents, quelles sont les mesures que compte prendre le Gouvernement pour maintenir la place de notre pays ?

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer concerne notre réseau d’attachés de défense. Depuis 2008, il a été profondément réorganisé. Cette rationalisation a conduit, sur trois ans, à une réduction des effectifs, qui sont passés de 422 à 286 postes permanents à l’étranger implantés dans 86 pays, soit une baisse de plus de 30 % pour un réseau de taille inchangée.

Cette diminution des effectifs a été rendue possible par la mutualisation des services de gestion au sein des ambassades. Ainsi, les fonctions de secrétariat, de comptabilité ou encore de chauffeur ont été mutualisées avec les autres services des postes diplomatiques.

En matière de gestion des personnels, diverses mesures ont été prises. Par exemple, des postes d’attachés de défense ne sont plus réservés comme auparavant aux officiers des armées, mais peuvent être ouverts à des ingénieurs de l’armement, en fonction de la situation locale.

Enfin, des procédures nouvelles ont été mises en place pour assurer la sélection des attachés de défense, sur des critères liés à leurs nouvelles fonctions, et veiller à une meilleure adéquation entre les profils des candidats et les postes à pourvoir.

En définitive, je crois qu’il faut saluer la réforme de notre diplomatie de défense, qui constitue une véritable réussite.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense », que je vous invite, mes chers collègues, à adopter. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein du programme 146 « Équipement des forces », je suis plus particulièrement chargé des deux actions : Dissuasion et Commandement et maîtrise de l’information.

Pour ce qui concerne la dissuasion, les dotations qui lui sont consacrées en 2011 sont de 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement. Une telle évolution des crédits traduit l’état d’avancement normal des programmes et les variations des besoins financiers d’une année sur l’autre ; elle n’appelle pas de commentaires particuliers.

C’est en 2012 notamment qu’est prévue la commande des deux dernières adaptations des SNLE Le Triomphant et Le Téméraire au missile balistique M 51.

Concernant la seconde action Commandement et maîtrise de l’information, je ferai trois observations.

Tout d’abord, comme les années précédentes, il est prévu de financer une partie des programmes concernés, à hauteur de 750 millions d’euros, par des ressources extrabudgétaires du compte d’affectation spéciale « Fréquences hertziennes ». Certes, le calendrier de vente n’a pas été respecté, mais cela a été sans conséquence sur le financement des programmes, puisque le budget de l’État a compensé par des crédits budgétaires le décalage temporel de ces recettes. Toutefois, il faut bien le dire, ces dernières ne serviront qu’une fois. Il faudra, pour les prochains exercices, soit augmenter les crédits budgétaires, soit accepter une diminution des dépenses.

Ma seconde observation porte sur les programmes spatiaux, qui constituent l’une des priorités du Livre blanc. Les crédits affectés à l’espace connaissent de grandes fluctuations, elles-mêmes liées en grande partie au lancement des programmes. Ainsi, l’écart constaté entre 2010 et 2011 résulte principalement de l’affectation en 2011 des autorisations d’engagement permettant de compléter les tranches de réalisation des programmes MUSIS et SYRACUSE III.

Il n’en reste pas moins que, sur une longue période, on constate une diminution constante des crédits de paiement liés à l’espace, ce qui pourrait être préoccupant.

Les crédits destinés aux satellites d’observation MUSIS ont été majorés, afin de pouvoir lancer le programme sur une base nationale, sans attendre le cofinancement par des partenaires européens. La commande de deux satellites doit intervenir d’ici à la fin de l’année, avec une mise en service prévue en 2016 pour le premier et 2017 pour le second. La continuité devrait ainsi être garantie avec Helios II. Plusieurs pays européens devraient à terme rejoindre ce programme et apporter une contribution financière.

En revanche, le lancement du programme de satellite de renseignement électromagnétique CERES est de nouveau décalé. La mise en orbite, initialement envisagée en 2016, a été reportée en 2020. L’écoute spatiale présente un double intérêt : détecter les signaux radars adverses en cas d’opération et intercepter les communications. Nous avons déjà effectué avec succès, sur ce plan, des réalisations expérimentales, avec des démonstrateurs. C’est le cas des quatre microsatellites Essaim, dédiés à l’interception des communications, qui ont été lancés fin 2004, mais dont l’exploitation se termine cette année. Fin 2011 sera lancé le démonstrateur Elisa, destiné à la détection des signaux radar. Le report du programme CERES va incontestablement créer un « trou » capacitaire entre ces démonstrateurs, très utiles, qui ont fourni du renseignement intéressant, et une future capacité opérationnelle pérenne.

Enfin, toujours dans le domaine spatial, la réalisation d’un satellite d’alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques a été reportée en 2020, tandis qu’a été décidé, dans le cadre du programme 144, de lancer les études amont permettant de construire un démonstrateur pour un radar de surveillance très longue portée. Le radar lui-même pourrait être lancé en 2015 pour une mise en service en 2018. Je rappelle que l’utilité optimale de ce radar nécessite qu’il se trouve à proximité de la menace potentielle. En l’occurrence, il serait judicieux de le placer dans un pays du Golfe ou en Turquie. À défaut d’utilisation dans une configuration antibalistique, mes collègues Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même nous interrogeons sur son utilité.

J’évoquerai enfin les drones. C’est un domaine que le Sénat a suivi de près ces dernières années. Vous trouverez cette année dans notre rapport écrit tous les tenants et aboutissants qui ont conduit la commission à suggérer l’adoption d’un amendement. Je n’y reviens pas, mais je confirme que, en tant que rapporteur de la commission, mais aussi à titre personnel, je le soutiens.

En conclusion, monsieur le ministre, je porte une appréciation positive sur les actions qui relèvent de mon rapport : la dissuasion, avec un déroulement très satisfaisant des programmes et l’engagement d’une coopération franco-britannique, qui constitue un aspect très positif ; les programmes liés à la fonction connaissance et anticipation, en particulier les programmes spatiaux, qui, en dépit de quelques glissements, sont globalement maintenus dans la nouvelle programmation financière.

Sous le bénéfice de ces observations, il me revient de vous indiquer, en tant que rapporteur pour avis, que la majorité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a émis un avis favorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vous conseillant naturellement de prendre connaissance du rapport écrit où vous trouverez tous les détails sur les programmes d’équipement en cours, je me contenterai ici de quelques considérations, d’une part, sur les caractéristiques financières du programme 146 « Équipement des forces », d’autre part, sur le contenu des programmes d’équipement.

S’agissant des caractéristiques financières du programme 146, ma première observation porte sur ses crédits, qui s’élèveront en 2012 à 11,13 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,2 %, et à 11,97 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une diminution de près de 10 %.

Cette augmentation dans un budget sensiblement identique d’une année sur l’autre traduit une priorité marquée en faveur des équipements.

Au sein des crédits d’équipement, la production supplémentaire de Rafale pour pallier l’absence d’exportations de cet avion conduit à reporter de nouveau les programmes déjà reportés en 2009. C’est le cas en particulier, comme vient de le rappeler mon collègue Xavier Pintat, de la rénovation des Mirage 2000D, du programme d’avions ravitailleurs multirôle MRTT et du programme de satellite d’écoute CERES.

S’agissant du report du programme de rénovation des Mirage 2000, le Livre blanc prévoyait, je le rappelle, que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D. Ce dernier est un excellent avion, qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d’armes, être opérationnel jusqu’en 2024. Le report de sa rénovation, si elle était de nouveau confirmée l’an prochain, pourrait conduire à une obsolescence de ces appareils dès 2014 et réduire dans des proportions considérables le format de l’aviation de combat française. Or, nous le savons, la qualité est indispensable. Mais la quantité compte également si l’on veut pouvoir se défendre.

Le deuxième report concerne le programme MRTT, déjà reporté, comme je l’ai dit, l’an dernier. Cet avion, qui sera vraisemblablement l’A330 est destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, actuellement composée de Boeing KC-135. Une telle situation nous contraindra à trouver des solutions palliatives, toute rupture capacitaire étant de ce point de vue inacceptable, notamment pour les forces aériennes stratégiques.

Nous avons bien lu la déclaration du chef d’état-major de l’armée de l’air selon laquelle une quarantaine de millions d’euros seront consacrés en 2012 à la levée des risques de ce programme, ce qui devrait permettre une commande ferme en 2013 pour des premières livraisons en 2017 ; monsieur le ministre, vous nous le confirmerez. Mais, d’ici là, il faudra tenir ! Une fois de plus, nous payons la priorité accordée au Rafale…

Au total, le report de ces programmes menace la cohérence d’ensemble de nos forces armées aériennes.

Ma deuxième série de considérations porte sur la mise en œuvre des programmes.

Au titre des motifs de satisfaction, je veux citer, parmi d’autres, la remise sur pied du programme successeur au missile Milan : le programme missile moyenne portée, dit MPP, sur lequel le Sénat, depuis plusieurs années, a gardé un œil vigilant. Il fournira à l’armée de terre un missile performant et moderne susceptible d’être adapté sur des porteurs terrestres comme aériens – hélicoptères ou drones.

Vos rapporteurs, qui ont suivi de façon constante le développement de ce programme, seront naturellement satisfaits d’assister à son lancement en 2012.

Pour ce qui est des sujets d’inquiétude, je limiterai cette année mon propos aux drones MALE. Ce sujet complexe appelle un débat, qui ne doit pas être médiocre, sur les raisons ayant conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Sur cette question, nous sommes entrés dans des considérations aussi fouillées qu’il était possible, compte tenu du temps dont nous disposions ; vous les trouverez dans notre rapport. Vous savez sans doute que nous ne partageons pas la position du Gouvernement. J’aurai tout à l’heure l’occasion d’en reparler, d’abord en tant qu’orateur du groupe socialiste, puis en tant que rapporteur pour avis chargé de défendre l’amendement n° II-104.

La semaine dernière, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a adopté cet amendement à une très large majorité : par 33 voix contre 3. Il a pour objet de vous proposer des solutions un petit peu différentes de celles du Gouvernement…

Compte tenu de ces observations et sous réserve de l’adoption de l’amendement n° II-104, je vous proposerai donc, mes chers collègues, de vous abstenir sur les crédits du programme 146 « Équipement des forces » en particulier et de la mission « Défense » en général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jacques Gautier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue André Dulait vous exposera dans quelques instants la situation des personnels. Pour ma part, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Ceux-ci s’élèvent à 6,087 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de 5,4 % par rapport à 2011.

Je rappelle que 20 millions d’euros ont été supprimés, lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, sur le maintien en condition opérationnelle, le MCO. Selon M. le ministre de la défense, cette coupe sera compensée par « la perspective d’une nouvelle plus-value sur la cession des fréquences Félin de 800 MHz en 2012, voire de cessions de matériels ».

Or ces recettes exceptionnelles sont attendues en vain depuis des années ! Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur le sort qui leur sera réservé en 2012…

J’aborde à présent les actions du titre 3, en vous rappelant que, au total, soixante bases de défense sont déployées depuis le 1er janvier 2011. La base de défense constitue, selon le ministère de la défense, « le principal levier de la mutualisation de l’administration générale et de soutien commun sur l’ensemble du territoire ».

Le déploiement de ces bases suppose une harmonisation des procédures, actuellement différentes selon les armées, en matière de systèmes d’information, de gestion du personnel et de paiement des soldes. Simple dans son principe, cette harmonisation est complexe à mettre en œuvre ; elle demande du temps pour être évaluée avec pertinence. Et je ne parle pas du déploiement du logiciel Chorus.

Je crains donc que le processus de mise en place des bases de défense n’ait été trop hâtif ; d’ailleurs, certains chefs d’état-major ne cachent pas leurs réserves à son sujet.

Je rappelle que, dans son référé du 7 mars 2011, la Cour des comptes a considéré que « la valeur ajoutée de la nouvelle organisation en termes de recentrage sur l’opérationnel et de gains de mutualisation n’a pas été démontrée. »

Il serait donc souhaitable, monsieur le ministre, que vos services établissent rapidement un bilan financier de la mise en place des bases de défense, ainsi qu’un chiffrage fiable des économies réalisées.

J’en viens aux difficultés financières et d’organisation soulevées par le maintien en condition opérationnelle, le MCO, de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.

Je rappelle qu’un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d’action des armées. La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation qu’à partir des années 1990, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés.

Ces réorganisations ont au moins permis une stabilisation des coûts. La globalisation, dans les contrats passés avec les industriels, des commandes d’équipements et des opérations de maintenance requiert une plus forte implication des industriels dans l’organisation de la maintenance ; elle constitue la piste la plus sérieuse pour atténuer le coût des MCO.

Je veux dire quelques mots, pour finir, de l’entraînement des forces armées.

Les temps d’entraînement réalisés, armée par armée, ont été meilleurs en 2010 qu’en 2009.

Mais le fort engagement opérationnel en Afghanistan et en Libye a altéré ces bons résultats, sauf pour l’armée de terre. La marine et, surtout, l’armée de l’air, très engagées sur le théâtre libyen, ont été pénalisées en matière d’entraînement : les plus jeunes pilotes de chasse n’ont ainsi bénéficié que de 120 heures de vol, alors que la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009-2014 fixe un objectif de 180 heures.

En définitive, on peut se demander si la création de ces bases permettra vraiment l’harmonisation, aussi souhaitable que complexe à obtenir, des procédures entre les armées et quelles seront les économies effectivement réalisées.

Pour limiter les coûts du MCO, il faut poursuivre la passation de contrats globaux incluant fabrication et maintenance.

J’ajoute enfin que les armées sont touchées par l’application de la révision générale des politiques publiques, la trop mauvaise RGPP, qui entraîne déflation des effectifs et réductions budgétaires. Dans ces conditions, un niveau d’entraînement suffisant sera-t-il assuré à nos jeunes recrues ?

Pour conclure, je rappelle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est déclarée favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », dans la mesure où, il faut en tenir compte, une large majorité de ses membres se sont abstenus. Pour ma part, je m’abstiendrai également. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.