M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Ville et logement » est l’une des plus importantes, tant sont criants, en France, les besoins en matière de logement.

Je rappelle que le logement est la seconde préoccupation de nos concitoyens, après l’emploi.

Alors que les chiffres sur le mal-logement présentés par la Fondation Abbé Pierre sont toujours aussi alarmants, le budget de la mission « Ville et logement » pour 2012 n’annonce ni miracle ni changement de cap : comme ceux qui l’ont précédé, il est décevant et confirme le désengagement coupable de l’État.

M. Yvon Collin. Il est vrai que l’exercice est difficile, dans le contexte d’un budget contraint par une crise économique généralisée.

Cependant, nous payons aujourd’hui les choix faits par le Gouvernement depuis plusieurs années.

Les dépenses fiscales, par exemple, s’élèvent à environ 15 milliards d’euros. Certaines, comme le taux réduit de TVA pour les travaux, ont été utiles. D’autres, en revanche, ont créé des effets d’aubaine et encouragé la construction partout où il n’y avait pas besoin de logements – j’en sais quelque chose, puisque ma commune s’est trouvée dans cette situation.

L’État ne pouvait-il faire meilleur usage de cet argent public, qui a profité – soyez francs – aux catégories les plus favorisées de la population ? Certes, monsieur le ministre, vous avez tenté de rectifier le tir pour ce qui concerne les dispositifs Robien et Scellier, mais c’était un peu tard.

Aujourd’hui, vous tentez donc de concilier l’inconciliable : l’application stricte de la norme d’évolution des dépenses retenue par le Gouvernement et le traitement des conséquences sociales de la crise économique et financière que nous connaissons.

Résultat : nous assistons, d’une part, à une hausse des dépenses dites « de guichet », consécutive à la paupérisation et à la précarisation de la population française, et, d’autre part, à une baisse drastique des aides à la pierre, qui sont pourtant le levier efficace d’une véritable politique de construction.

Vous me direz sans doute que vous faites autant que l’an dernier avec moins de moyens. Toutefois, monsieur le ministre, je ne considère pas que, lorsque 1,2 million de personnes sont inscrites sur les listes de demandeurs, un objectif de 120 000 logements sociaux soit la panacée !

Par ailleurs, on sait bien que le niveau des financements a chuté : 600 euros l’unité pour un prêt locatif à usage social et 9 600 euros l’unité pour un prêt locatif aidé d’intégration, au lieu de 12 000 euros il y a encore deux ans.

Vous donnez d’une main, vous reprenez de l’autre ; de surcroît, vous ponctionnez exagérément vos partenaires, qui assument des responsabilités en lieu et place de l’État. Celui-ci, malgré ses engagements, ne participe plus au financement de la rénovation urbaine.

En 2012, les HLM contribueront à hauteur de 105 millions d’euros au programme de rénovation urbaine et de 140 millions d’euros à la construction de logements locatifs sociaux. De son côté, Action Logement financera l’agence nationale de l’habitat, l’ANAH, et l’ANRU à hauteur de 3,25 milliards d’euros entre 2012 et 2014.

C’est tout bonnement l’avenir du 1% logement que vous mettez délibérément en danger !

M. Yvon Collin. Permettez-moi, avant d’aborder la question, qui me tient à cœur, de la prévention de l’exclusion et de l’insertion des personnes vulnérables, de faire une digression sur le recentrage de la politique du logement.

Je peux comprendre la volonté de mieux adapter la production de logements sociaux aux besoins des territoires. Pour autant, se caler sur le zonage « tendu-détendu » qui sert de base pour l’investissement locatif privé, c’est choisir une approche trop globale et simplificatrice.

Orienter à l’échelon national des aides à la pierre fortement rationnées vers un nombre restreint de territoires, ceux qui sont les plus sous tension, ne répondrait que schématiquement aux besoins. En effet, une telle méthode ne permet ni d’adapter la production aux besoins réels des territoires ni d’anticiper les évolutions de ces besoins. Par les restrictions qu’elle implique, elle peut même contribuer à créer, à terme, de nouveaux secteurs tendus.

Je veux, monsieur le ministre, dire un mot des dispositifs d’hébergement d’urgence, qui sont significativement sous-dotés.

Le décès, au début du mois de novembre dernier, d’un bébé né sous une tente a choqué tout le monde. Le nombre de personnes à la rue ne cesse d’augmenter. Nous ne pouvons pas les laisser dans leur situation de détresse, surtout à l’heure où les grands froids commencent à gagner le pays.

Le « logement d’abord » est une idée à laquelle je souscris. Néanmoins, la promouvoir constitue un objectif de moyen et long terme, qui ne doit pas se traduire, dans l’immédiat, par une contrainte sur le nombre de places en hébergement d’urgence.

Ne jetons pas dans les eaux du canal le manteau que saint Martin a partagé avec un pauvre ! Où sont les 75 millions d’euros supplémentaires que vous avez annoncés ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Yvon Collin. Qu’il me soit enfin permis d’évoquer, en ma qualité de président, depuis vingt ans, du PACT – Protection, amélioration, conservation et transformation de l’habitat – de Tarn-et-Garonne, les difficultés de fonctionnement que ce mouvement, maillon majeur du logement social, rencontre depuis quelques mois.

Les PACT départementaux ont de plus en plus de mal à mobiliser pour leurs projets les acteurs locaux, en particulier les collectivités locales, confrontées à de fortes contraintes budgétaires.

En conséquence, la volonté et l’engagement de nos équipes sont soumis à rude épreuve ; les bénévoles et les travailleurs sociaux sont gagnés par le doute et le découragement.

Faute de moyens suffisants pour fonctionner, cet acteur historique de la chaîne d’accès au logement pour les plus démunis pourrait bien être menacé de disparition ; ce serait un coup très dur porté à toutes celles et à tous ceux qui attendent de nous une réponse à leur problème de logement.

Je vous demande vraiment, monsieur le ministre, de vous pencher avec attention sur ce difficile problème que, j’en suis sûr, vous connaissez très bien.

Pour conclure, je vous informe que les membres du groupe RDSE, dans leur majorité, ne voteront pas les crédits de la mission « Ville et logement ». De la réalité aux chiffres, on cherche encore la volonté politique du Gouvernement de faire du logement un chantier national prioritaire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est bien évident que l’examen des crédits de la mission « Ville et logement » doit avoir lieu à la lumière du contexte économique, marqué par de fortes incertitudes. Néanmoins, il faut aussi tenir compte de la spécificité de cette mission, qui regroupe des politiques essentielles pour nos concitoyens, les collectivités locales et une filière économique d’importance, à savoir le bâtiment.

Si les enjeux de la mission « Ville et logement » sont essentiels pour les Français, c’est que le logement n’est pas un bien comme un autre : se loger n’est pas un choix, mais une nécessité absolue.

Nous savons également combien le mal-logement, qui recouvre des situations très diverses – surfaces trop petites, loyers élevés, charges non maîtrisées, mauvais état des habitations –, influe sur la vie des familles et, de manière directe, sur l’avenir des enfants.

Nous savons aussi que, pour les exclus, il n’y a pas de nouveau projet de vie possible sans stabilisation dans le logement.

Les enjeux de la mission « Ville et logement » sont aussi essentiels pour les collectivités locales engagées dans le PNRU.

La politique de la ville constitue également un enjeu essentiel ; ces dernières années, elle a peiné à trouver sa place, faute certainement que la réforme de la géographie prioritaire ait été mise en œuvre.

J’imagine, mes chers collègues, que les idées contenues dans ce préambule sont plutôt partagées sur nos travées. Même si nous ne nous prononcerons pas de la même manière au moment du vote, je souhaite qu’il nous conduise à mener une réflexion plus globale, moins partielle, que celle qui est associée à l’examen des crédits.

À vous entendre et à vous lire, monsieur le rapporteur spécial, rien dans le budget de la mission « Ville et logement » ne semble trouver grâce à vos yeux. Il est pourtant possible de montrer – je vais le faire – que la situation d’aujourd’hui est, malgré tout, meilleure que celle que vous nous avez laissée en 2002. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Roland Courteau. Il fallait la sortir, celle-là !

M. Philippe Dallier. Rassurez-vous, je n’en conclurai pas pour autant que tout va bien. Au-delà du budget pour 2012 et du triennal, il faut, avec objectivité, regarder l’évolution des choses dans la durée, d’autant plus que ce projet de loi de finances est le dernier d’une double mandature. Son examen doit donc nous conduire tant à l’analyse rétrospective qu’à la prospective.

S’agissant du bilan de ces dix dernières années, nous pouvons inscrire au crédit de nos majorités et des gouvernements qui se sont succédé une forte relance de la construction, tant dans le privé que dans le logement social, puisque trois fois plus de logements sociaux ont été financés ces dernières années qu’en 2002.

M. Jean-Paul Emorine. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Dallier. Nous pouvons aussi y inscrire les dispositifs d’aide directe à l’accession qui, s’ils ont été modifiés, offrent maintenant, avec le PTZ+ recentré, un bon outil, pour peu que l’ancien n’en soit pas totalement exclu. Nous en reparlerons certainement.

À inscrire à notre crédit, également, un effort très significatif en faveur de l’ouverture de nouvelles places d’hébergement, dans le cadre du PARSA, le plan d’action renforcé en direction des personnes sans abri, avec une progression de près de 30 000 places.

M. Roland Courteau. Bref, tout va très bien…

M. Philippe Dallier. Le PNRU, quant à lui, porte ses fruits, à tel point que nombre d’élus, de droite comme de gauche, réclament avec insistance un PNRU 2, comme l’a souligné Claude Dilain.

Les zones franches urbaines sont un véritable succès qu’il faut préserver.

Enfin, même si ces crédits ne relèvent pas de cette mission, il convient de signaler que la dotation de solidarité urbaine est passée de 600 millions d’euros en 2004 à 1,3 milliard d’euros en 2012. La DSU aide grandement les communes les plus en difficulté, celles, naturellement, qui sont bénéficiaires de la politique de la ville.

M. Roland Courteau. Il fallait oser le dire !

M. Pierre Hérisson. Il l’a dit !

M. Philippe Dallier. Au-delà des crédits, il faut également mettre à l’actif de nos majorités la création d’outils efficaces, à savoir les agences : l’ANRU, l’ACSE et l’EPIDE, c'est-à-dire l’Établissement public d’insertion de la défense. Cette « agencisation », que certains redoutaient, a fait ses preuves.

Vous le voyez, mes chers collègues, ce n’est pas rien ; c’est même considérable.

Du côté des interrogations, si ce n’est des regrets, j’inscrirai néanmoins plusieurs sujets sur lesquels il conviendra de faire porter notre réflexion.

Le premier, et probablement le plus important eu égard aux sommes en question, est l’impact sur le prix des loyers et sur la valeur des biens, neufs ou anciens, de l’ensemble des aides publiques.

Au bout du compte, telles qu’elles sont conditionnées, nos aides ne contribuent-elles pas à la flambée des loyers et des prix de vente ?

Je crains que ce ne soit en partie le cas. Le Gouvernement vient d’ailleurs de le reconnaître pour le dispositif Scellier, qui a eu certes le mérite de soutenir la construction, mais à quel prix, et avec quelles conséquences ?

La filière du bâtiment s’alarme de son arrêt programmé en 2013. Il y a là un vrai sujet de réflexion. Faut-il le remplacer, et par quoi ?

La question doit également être posée pour les aides personnelles que les bailleurs intègrent manifestement dans la fixation du montant des loyers et qui contribuent donc, à leur corps défendant, au prix parfois incroyablement élevé des petites surfaces.

Mes chers collègues, je ne parle pas uniquement des chambres de bonne dans les beaux quartiers. En Seine-Saint-Denis, des trente mètres carrés, dans un piteux état, se louent parfois jusqu’à 600 euros par mois à des familles qui n’ont pas d’autre choix.

Deuxième sujet sur lequel la réflexion n’aura malheureusement pas été conduite à son terme : la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville et de son pilotage.

Certes, le sujet est délicat, puisque nous savons bien que, comme en matière de péréquation, il faudra faire de la peine à certains. Toutefois, vous avouerez que classer sous la même dénomination de ZUS certains quartiers qui, en comparaison d’autres, sont des havres de paix, n’a plus beaucoup de sens, si tant est d’ailleurs que cela en ait jamais eu un.

Toute la géographie prioritaire est à repenser comme est à repenser la répartition des crédits. La prolongation des CUCS, les contrats urbains de cohésion sociale, qui est pourtant une nécessité dans la mesure où elle offre de la visibilité, constitue un pis-aller dont il va falloir sortir.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je suis d’accord.

M. Philippe Dallier. Troisième sujet de réflexion : la part des crédits budgétaires et des crédits extrabudgétaires dans le financement des politiques de la mission.

Cette question est indissociable de celle de la place des partenaires de l’État dans ces politiques.

Quelle place pour les partenaires sociaux ? Pour les bailleurs sociaux et la promotion privée ? Pour les collectivités locales ?

« Qui paye commande », dit le dicton. Certains – je pense à Action Logement – pourraient en tirer les leçons et se retirer si jamais nous ne prenions pas suffisamment garde à la manière dont nous les mettons à contribution en ce moment.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. C’est ce que j’ai dit.

M. Philippe Dallier. Je conclurai, mes chers collègues, en évoquant rapidement les crédits de la mission pour 2012, non pas que cela soit secondaire, mais parce que ce budget est à mon sens un exercice de transition entre deux législatures, et, surtout, entre deux périodes plus longues.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. C’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose dedans !

M. Philippe Dallier. Celle qui s’achève a été marquée par les déficits publics et des budgets « dopés » à la dépense fiscale, et cette mission en est un exemple. L’autre période s’ouvrira après le retour à l’équilibre de nos comptes publics.

En attendant, nous sommes dans la zone de tous les dangers, qui ne permet pas de mettre la mission « Ville et logement » à l’abri des efforts. Ceux-ci se traduisent dans les chiffres que vous nous présentez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, et la tendance amorcée l’an dernier s’en trouve accentuée.

Un certain nombre d’interrogations subsistent sur le niveau des crédits destinés aux dépenses de guichet. L’aggravation de la crise pourrait en effet affecter sensiblement les besoins du FNAL. Votre prévision est-elle bien réaliste ? La question est posée.

S’agissant des aides à la pierre, l’objectif de 120 000 logements est maintenu, ce qui est une bonne chose, mais avec des crédits d’État en diminution et des apports extrabudgétaires en augmentation.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Philippe Dallier. Concernant l’hébergement d’urgence et l’aide alimentaire, les rebasages des années précédentes n’ont malheureusement jamais été suffisants, et il aura fallu que le Gouvernement intervienne systématiquement par décret d’avance. C’est d'ailleurs ce que vous venez encore de faire.

Je crois qu’il serait bon, pour les acteurs de terrain, ce qui est essentiel, mais aussi pour notre majorité, ce qui ne gâcherait rien, que nous affichions, dès la loi de finance initiale, les sommes que nous consacrerons au total à ces politiques. À quoi bon, chaque année, donner des arguments à nos opposants en adoptant des crédits manifestement sous-évalués ? J’ai du mal à le comprendre.

Je dirai également un mot sur l’ANRU.

Monsieur le ministre, vous nous confirmerez certainement que celle-ci disposera de la trésorerie nécessaire pour faire face aux crédits de paiement imposés par le pic de la bosse, que nous atteindrons en 2012.

Enfin, s’agissant des zones franches urbaines, je dois vous dire ma satisfaction que soit prolongé, à l’article 64, le dispositif actuel. Certains de nos collègues voudront probablement aller plus loin ; nous en débattrons.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà les quelques remarques que je souhaitais formuler sur les crédits de cette mission, que je voterai, avec mes collègues du groupe UMP, en attendant mieux (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.),…

M. Roland Courteau. Quel aveu !

M. Philippe Dallier. … c’est-à-dire une véritable refondation de ces politiques.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! Attendre mieux, pour moi, c’est attendre la résorption de nos déficits, et certainement pas votre arrivée au pouvoir, qui, globalement, se traduirait par plus de déficit et plus de dette publique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

J’appelle cependant de mes vœux une véritable refondation de ces politiques, qui donnera enfin à tous les acteurs la visibilité qui leur manque peut-être aujourd’hui. Pouvions-nous faire autrement cette année ? Je ne le crois pas. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Germain, rapporteur spécial, et M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Beau testament !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, à vous écouter, je constate que vous avez une vision très contrastée de la politique de la ville et du logement, et c’est une litote. Pour les uns, il faut tout changer, pour les autres, cela pourrait aller mieux, et pour vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cela ne va pas mal.

De mon point de vue, la gauche devrait modérer ses critiques, elle qui n’a créé que 40 000 logements sous le gouvernement de Lionel Jospin. Il est bon de rappeler certains chiffres. Il est vrai qu’il faut saluer les « inventeurs » de la politique de la ville, mais, trente ans après, comme le dit M. Dilain, celle-ci doit être refondée.

Tout d’abord, et nous le soulignons depuis plusieurs années, il est grand temps de réformer la géographie prioritaire. Un rapport fort intéressant a d’ailleurs été rédigé au Sénat sur ce sujet, sans qu’il ait été suivi d’effet.

Cette réforme doit reposer sur des critères simples : sécurité, emploi, éducation, logement, revenus. Elle doit être réalisée non en bricolant des statistiques, mais en utilisant les outils modernes de l’INSEE, qui permettent aujourd’hui de géolocaliser finement les zones de pauvreté formant des ghettos dans nos villes. On peut bâtir une politique nouvelle sur cette base, me semble-t-il.

Par ailleurs, il faut revoir les contrats actuels donnant lieu à un marchandage entre les services de l’État et les villes ou les agglomérations qui ne répondent pas aux grands enjeux du territoire.

Je salue à cet effet l’initiative du comité interministériel de la ville, qui propose de lancer une expérimentation portant sur 33 CUCS, pour mieux répondre aux problèmes de ces quartiers. De grâce, essayons d’aboutir assez rapidement !

Il faudrait, à l’avenir, cibler les enjeux et mobiliser les crédits de droit commun de l’État, et cela à l’échelle de la ville ou de l’agglomération, sur des enveloppes et des contrats globaux et uniques. Je rejoins ici tout à fait M. Dilain et fonde mon point de vue sur une expérience de plusieurs années de ces contrats.

Je voudrais maintenant évoquer rapidement la politique de rénovation urbaine.

J’ai bien entendu ce que disait Philippe Dallier. Comment ne pas noter, pour le regretter, comme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, que l’État se soit en partie désengagé du financement au détriment d’Action Logement ?

Certes, les besoins de financement du PNRU actuel vont décroître, mais on voit poindre des nouveaux projets qu’il faudra financer et je ne vois pas comment l’État pourra s’y soustraire indéfiniment.

De même, l’État ne pourra accepter longtemps la pénurie de logements, en particulier, en Île-de-France. C’est dans cette région que se concentrent les problèmes de construction. Toutefois, veut-on vraiment construire en Île-de-France ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. On a donné à tous nos concitoyens, aux honnêtes gens comme aux procéduriers, tous les moyens pour entraver le développement urbain. Nous en sommes d’ailleurs partiellement responsables.

Le foncier existe, si l’on en croit toutes les études réalisées à ce jour. Il faut donc le libérer de toutes les contraintes administratives et juridiques qui pèsent sur lui. Ce lien entre la politique de la ville et le Grand Paris suffira-t-il ? Est-il possible de construire en Île-de-France sans une loi d’exception ?

Plus généralement, je crois profondément que le redressement de notre pays ne pourra se faire que dans la justice sociale, mais celle-ci, je le dis clairement, ce n’est pas forcément la dépense publique.

M. Alain Néri. Il faut prendre à ceux qui ont trop !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans la politique du logement, dans la politique de la ville comme ailleurs, la seule réponse crédible est l’innovation : inventer de nouveaux dispositifs plus ingénieux, plus efficaces et moins coûteux.

Rejoignant Thierry Repentin, j’ai déposé dans cet esprit un amendement visant à promouvoir la garantie des risques locatifs, la GRL.

La GRL est un dispositif innovant, inventé par les partenaires sociaux, qui vise à faciliter l’accès au logement des personnes en situation de précarité, en éliminant le risque financier encouru par le bailleur lorsqu’il leur loue son logement.

À ce jour, ce sont près de 300 000 ménages qui sont couverts par la GRL, dont une grande partie peut être considérée comme précaire – des titulaires de contrat à durée déterminée, des chômeurs, des étudiants, des jeunes travailleurs. Ils n’auraient donc pas trouvé de logement dans le parc privé sans GRL.

Encore faut-il que ce risque soit mutualisé et que tous les assureurs proposent la GRL ; vous connaissez parfaitement le problème, monsieur le ministre.

Deux chiffres pour conclure : en tenant compte de la subvention budgétaire et des aides fiscales, un logement HLM standard coûte aujourd’hui en moyenne 34 500 euros à l’État. La subvention d’équilibre par logement couvert par la GRL représente 300 euros. Dans les deux cas, l’aide publique permet de loger une personne en situation de précarité. Mes chers collègues, vous apprécierez la différence !

La GRL est un bel exemple que la justice sociale est possible tout en contenant la dépense publique. (M. Pierre Hérisson applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, 3,657 millions de personnes sont aujourd’hui en situation de mal-logement et 5 millions en situation de fragilité, selon le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre

En outre, 700 000 personnes sont privées de domicile personnel, 494 000 sont en situation d’impayé, 100 000 expulsions sont prononcées chaque année, 1,3 million de personnes attendent un logement social.

À Paris, 12 500 personnes sont déclarées prioritaires par les commissions DALO mais attendent toujours une proposition de relogement.

Et pour finir, ce chiffre terrible : 175 personnes sont mortes dans la rue entre mai et novembre de cette année, selon le collectif « Les morts de la rue ».

Ces quelques chiffres sonnent comme un aveu d’échec concernant le droit au logement, qui est pourtant consacré par la Constitution !

Pour commencer, j’évoquerai les crédits en faveur de l’hébergement d’urgence.

Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez que les efforts sont poursuivis alors même que la situation devient explosive. Xavier Emmanuelli a récemment claqué la porte du SAMU social, dont il est le président fondateur, en déclarant que « la situation budgétaire n’était plus gérable ».

Le président d’Emmaüs France a qualifié cet acte de « cri d’alarme parfaitement justifié ». Toutefois, vous ne semblez pas l’avoir entendu : vous persistez à sous-évaluer la dotation de ce programme et ne remettez pas en cause la fermeture de 5 000 nuitées par jour d’ici à la fin de l’année 2011 dans trois départements franciliens, dont Paris, alors même qu’il manque déjà 13 000 places d’hébergement d’urgence dans la capitale.

Monsieur le secrétaire d’État, vous confirmez ce changement de stratégie en déclarant que « la priorité est clairement de faciliter l’accès au logement plutôt que de continuer une augmentation sans fin des places d’hébergement ».

Je vous rappelle pourtant que le Président de la République avait, entre autres promesses, annoncé qu’il allait « éradiquer la pauvreté » et qu’il n’était « plus tolérable à notre époque que des hommes – ni des femmes d'ailleurs ! – dorment dehors ».

Un chiffre illustre le délitement de la situation économique, la perte de pouvoir d’achat et la paupérisation de notre pays : nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à pouvoir prétendre à l’aide personnalisée au logement, l’APL. Ils sont aujourd’hui 6 millions. Pourtant, en ne revalorisant cette aide que de 1 %, soit un taux bien inférieur à l’inflation, et en dérogation aux règles en vigueur, vous portez de nouveau un mauvais coup au pouvoir d’achat des plus démunis.

Nous sommes atterrés par le faible montant des sommes allouées au programme « Développement et amélioration de l’offre au logement » : 322 millions d’euros de crédits de paiement sont accordés à l’aide à la pierre. Ce dispositif subit donc une baisse de près de 30 % par rapport à l’année dernière.

Le financement du logement par l’État accuse également une forte baisse : ainsi, les prêts locatifs à usage social, les prêts locatifs à usage social, les PLUS, sont réduits de 800 à 600 euros et les prêts locatifs aidés d’insertion, les prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, de 10 760 à 9 600 euros. Ces sommes sont ridicules au regard du coût de construction d’un logement, qui, en moyenne, s’élève à 150 000 euros !

Monsieur le secrétaire d’État, la faiblesse historique de ces crédits ne vous empêche pas d’affirmer que 120 000 logements vont sortir de terre l’année prochaine.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est exact !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Permettez-moi de rétablir la vérité : si des logements se construisent aujourd’hui, c’est bien grâce à l’effort des collectivités, pourtant asphyxiées par vos politiques de gel des dotations (M. le secrétaire d’État s’exclame.), tandis que les offices HLM sont ponctionnés par la taxe instaurée l’année dernière.

Non contente de grever le budget des offices, de mener l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, à la cessation de paiement, de détourner le 1 % logement de sa vocation première en lui retirant 1 milliard d’euros par an, la majorité continue de mener la charge contre le logement social, comme en témoigne la fronde systématique des maires des arrondissements parisiens dirigés par la droite contre tout projet engagé par la majorité du Conseil de Paris en matière de logement public !

De plus, l’augmentation du taux de TVA pour les travaux de 5,5 % à 7 %, d’ores et déjà prévue par le projet de loi de finances rectificative, va largement pénaliser le secteur des HLM.

Au total, la contribution de ce secteur au budget de la Nation représentera 470 millions d’euros, soit, comme les précédents orateurs l’ont déjà souligné, plus que les aides directes à la pierre de l’État. Il s’agit clairement d’une externalisation de ce budget.

À l’inverse, vous confortez le logement privé, monsieur le secrétaire d’État : plus de 13 milliards d’euros d’exonérations fiscales sont encore accordés à travers divers dispositifs tels que le Scellier, le Perissol, le Besson ou le Borloo, sans qu’aucune étude ait été engagée pour évaluer l’efficacité de ces niches.

Ainsi, depuis l’adoption des lois Barre, toutes les politiques conduisent à la marchandisation du logement, devenu un simple bien de consommation, voire un objet de spéculation, en permettant un glissement des aides publiques vers des aménagements fiscaux, au profit exclusif des propriétaires et des investisseurs.

Dans ce cadre, plus les crédits affectés aux logements diminuent, plus le poids des exonérations s’alourdit : à vous entendre, monsieur le secrétaire d’État, il progresse de 43 % entre 2007 et 2012.

La situation est devenue intenable : à ce jour, le logement social ne permet pas de répondre à la demande. Quant au logement privé, ses prix sont en explosion constante et il est devenu presque impossible aux ménages d’accéder à la propriété.

Ainsi, entre 1998 et 2010, les loyers ont augmenté de 27 %, alors même que le revenu médian ne progressait que de 13 %. À Paris, ville où la situation immobilière est particulièrement tendue, les loyers ont doublé en dix ans. En douze mois, les prix de l’immobilier ont bondi de 20,8 %. Dans la plupart des quartiers, le mètre carré se négocie désormais 10 000 euros, et il atteint des prix bien plus élevés dans certains arrondissements !

Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous continuez à prôner la France des propriétaires. Le droit à l’achat des HLM par leurs locataires est même devenu le nouveau credo de l’UMP pour l’élection présidentielle.