Mme Natacha Bouchart. C’est très bien, l’accessibilité au logement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dois-je vous rappeler que cette faculté existe déjà, et qu’elle a été encouragée, notamment, par la loi Boutin, sans succès toutefois au regard de la faible capacité d’endettement des ménages ?

De surcroît, il est proprement scandaleux de faire acheter par un locataire un logement qu’il a déjà payé par ses loyers !

Votre « France des propriétaires » n’est donc qu’un mirage au regard de la cure d’austérité que vous imposez aux catégories sociales modestes.

Ainsi, l’urgence est bien au financement public du logement public.

Des solutions existent également pour encadrer les loyers et libérer les logements vacants, au nombre de 122 000 pour la seule capitale, mais le Gouvernement a toujours refusé d’agir contre la persistance des logements vides, qu’il favorise donc de facto !

En définitive, ce budget consacre non pas l’action du ministère, mais son inaction : il est incapable de répondre à la crise du logement qui, hélas, atteint aujourd’hui son paroxysme.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre les crédits de ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, nous serions en droit d’attendre que le logement soit une priorité nationale et que le budget consacré à cette question constitue, aujourd’hui, un outil de relance de la croissance et de l’emploi.

Hélas, tel n’est pas le cas ! Nous déplorons même l’inverse, car ce budget est particulièrement mauvais pour la Nation, au regard des besoins de nos concitoyens. Fait significatif, il prolonge de grandes dérives que nous observons depuis plusieurs années et dont nous percevons désormais toute la logique !

Première étape du processus, les aides publiques directes disparaissent peu à peu du budget du logement, notamment pour ce qui concerne l’aide à la pierre. En conséquence, le Gouvernement affirme qu’il va fiscaliser l’ensemble de l’intervention publique dans le champ du logement. Toutefois, en réalité, cette fiscalité est bien moins destinée à répondre aux besoins de nos concitoyens qu’à accorder des cadeaux fiscaux, dont on découvre, après coup, qu’ils sont particulièrement injustes et inopérants pour la politique du logement.

Résultat des courses : on supprime ces cadeaux fiscaux ! Néanmoins, les fonds ne reviennent pas à la politique du logement ; aucun moyen supplémentaire n’est attribué pour corriger les erreurs du passé, ni pour étendre et rénover le parc immobilier, et, partant, répondre aux besoins de nos concitoyens.

Cette logique suit son cours ; elle constitue un handicap majeur pour la Nation.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le secrétaire d’État, ce budget ne répond à aucun des grands besoins qu’éprouve ce pays en matière de logement. Or nous sommes placés dans une situation d’urgence.

Urgence sociale, tout d’abord : les orateurs précédents l’ont souligné. Je ne rappellerai pas les chiffres qu’ils ont détaillés, traduisant les problèmes du mal-logement et de l’insalubrité.

Urgence sociale, parce que, au-delà des couches les plus modestes de la population, la très grande majorité des Français voient désormais leur dépenses de logement exploser, plombant leur pouvoir d’achat ! En effet, les prix de l’immobilier et des loyers subissent une augmentation tout à fait considérable par rapport à l’évolution des revenus de nos concitoyens.

Urgence républicaine, ensuite : de fait, comment justifier qu’un pays riche comme le nôtre soit incapable de garantir à sa jeunesse le droit de s’installer décemment, le droit au logement ? Comment justifier que des lois soient votées, proclamant notamment le droit au logement opposable, et que, quelques années plus tard, la situation, loin de s’être améliorée, se soit fortement dégradée ?

Urgence républicaine, également, parce que la politique de renouvellement urbain n’a pas suffi à briser les logiques de ghettoïsation et de marginalisation. (M. le secrétaire d’État manifeste son impatience.) Les exigences de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, ou loi SRU, ne sont pas respectées !

Urgence républicaine, encore, car si nous échouons à honorer cette promesse et à garantir les droits fondamentaux de chacun, qui croira aux valeurs de notre République ?

Urgence écologique, de surcroît, car l’effet de serre est intimement lié à la production de CO2 et au gaspillage énergétique au sein du parc immobilier dont nous disposons aujourd’hui. Sa rénovation serait une fantastique occasion de créer des emplois, tout en réduisant les charges de nos concitoyens !

M. Philippe Dallier. En sortant du nucléaire, sans doute !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Urgence économique, enfin, car le secteur du bâtiment, tant chez les artisans que dans les grandes entreprises, crée des emplois qu’il est impossible de délocaliser et qui sont vecteurs des technologies d’avenir ; de fait, les modes de construction se modernisent via de nouveaux procédés.

Mes chers collègues, le budget du logement devrait être au rendez-vous de ces impératifs, mais tel n’est pas le cas. À ce titre, l’urgence sociale s’aggrave de plus en plus, je le répète : oui, le logement coûte trop cher ; le logement social est trop rare, le logement abordable fait cruellement défaut dans notre pays. Rien ne s’est amélioré en la matière. Au contraire, la situation s’est dégradée !

Monsieur le secrétaire d’État, je suis frappée par l’augmentation considérable des prix des loyers comme des ventes immobilières. Or cette évolution est intrinsèquement liée aux politiques fiscales que vous avez menées pour « doper » le marché du logement, alors même qu’il aurait fallu réguler les prix. Il s’agit non pas d’encadrer toutes les transactions, certes, mais de prévenir les dérapages financiers et l’apparition de bulles.

Le dispositif Scellier, après le Robien, après le Borloo, coûte extrêmement cher à la Nation.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Et le Besson !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vais distinguer ces différents dispositifs, monsieur le secrétaire d’État.

Il suffit de citer l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui n’est pas connu pour ses penchants de gauche : le dispositif Scellier a coûté 120 millions d’euros à l’État en 2010, contre 300 millions d’euros en 2011. Au total, sur neuf ans, les logements acquis dans ce cadre en 2009 coûteront 3,4 milliards d’euros, contre 3,9 et 2 milliards d’euros pour ceux qui ont été acquis respectivement en 2010 et 2011 ; ce ne sont pas de petites sommes ! Du reste, l’OFCE considère que ces montants sont sous-évalués, notamment pour l’année 2011.

En outre, à titre de comparaison, la subvention en faveur des organismes de logement social s’élevait à 1,45 milliard d’euros en 2010, contribuant ainsi au financement de 147 000 logements sociaux. Si les logements Scellier et sociaux ne sont ni totalement comparables ni interchangeables, le parallèle tracé entre le coût budgétaire des premiers et celui des seconds interroge la politique du logement, mais aussi le financement de cette dernière.

L’OFCE l’a souligné : le dispositif Scellier ruine le pays et hypothèque son avenir.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement dénonce l’endettement du pays, mais il a largement contribué à l’aggraver par le biais de telles mesures, sans répondre aux besoins de la majorité de nos concitoyens ! Vous devez assumer votre part de responsabilité dans l’augmentation des prix de l’immobilier et des loyers.

Les déductions d’intérêts d’emprunt constituent un autre exemple. La mise en œuvre de ce dispositif – grande proposition du candidat Sarkozy – a coûté plus de 3 milliards d’euros à la France ! Encore avons-nous évité le pire, à savoir les hypothèques rechargeables : la crise des subprimes a fort heureusement échaudé les volontés libérales.

Monsieur le secrétaire d’État, vous vantez la « France des propriétaires », mais les couches populaires accèdent de plus en plus difficilement à la propriété de leur logement : parmi les ménages qui perçoivent moins de trois SMIC, notre pays compte 100 000 accédants en moins par rapport aux années deux mille. Cette déduction des intérêts d’emprunts a donc largement contribué à la hausse des prix !

Contraint de constater que ces dispositifs n’avaient pas la moindre efficacité pour soutenir l’accession à la propriété, le Gouvernement a créé les prêts à taux zéro, les PTZ : ce faisant, le budget du logement a perdu plus d’1 milliard d’euros. Mais qui bénéficie des PTZ universel ? Les neuvième et dixième déciles de la population !

Ce dispositif coûte trop cher : le Gouvernement le rabote, y compris pour le logement ancien. Résultat des courses : non seulement les couches populaires n’accèdent pas davantage à la propriété, mais les crédits attribués au logement sont massivement réduits. Cette logique est pour le moins désastreuse.

Je le répète, ces dispositifs ont eu pour effet de faire grimper les prix. Plus grave encore, vous avez corrélativement réduit les aides à la pierre de façon massive, alors que nous avions besoin de construire et de rénover des logements sociaux.

Il est scandaleux d’assécher les crédits du 1 % logement pour financer l’ANAH et l’ANRU ! Il est peut-être légitime que le 1 % contribue au financement de ces agences, mais certainement pas qu’il les finance en totalité. Du reste, le 1% logement, transformé en subventions, risque d’être à terme asséché.

En outre, je vous rappelle que la moitié à peine du programme de l’ANRU est financée. Les membres du Conseil économique, social et environnemental ont estimé à l’unanimité qu’il faillait dégager plus d’un milliard d’euros par an pour boucler le programme ANRU 1 et engager le programme ANRU 2. Dans le même temps, ils ont souhaité que nous dotions cet organisme de ressources propres, car c’est la seule façon d’assurer la pérennité de son financement.

À propos de la diminution des aides à la pierre, j’entends déjà la réponse fuser : mais qu’a donc fait la gauche en matière de construction de logement social ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pas grand-chose !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vous ai connu mieux inspiré et plus nuancé dans vos propos, monsieur Vanlerenberghe.

Il faut replacer les chiffres dans leur contexte. Entre 2000 et 2002, le prêt locatif social commençait tout juste à produire ses effets et nous n’avions pas encore créé la Foncière.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les chiffres sont hors Foncière !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une fois effectué le bilan des constructions, des démolitions et des ventes de logements, on constatait en moyenne un accroissement net du parc HLM de 32 000 à 34 000 logements par an sous la gauche. Dix ans plus tard, vous avez porté ce chiffre à 40 000… Il y a donc eu mille logements de plus par an. Quel progrès ! Franchement, il n’y a pas de quoi pavoiser.

Par ailleurs, vous oubliez d’inclure dans vos calculs les 19 000 logements qui servent d’hébergement d’urgence et qui, avant 2004, n’étaient pas comptabilisés comme logements sociaux. Je vous mets donc au défi de prouver que vous avez construit plus de 10 000 logements PLUS-PLAI – ceux dont nos concitoyens ont le plus besoin – depuis 2002.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Bravo !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Entre les chiffres annoncés et la réalité sur le terrain, il y a un gouffre !

Pour autant, je le confesse volontiers, quels qu’aient été les gouvernements, la Nation n’a pas suffisamment investi dans le logement, et cela depuis des années. Nous lui consacrions 2 % du PIB au début des années deux mille ; nous sommes tombés aujourd’hui, alors que le niveau du PIB n’est pas mirifique, à 1,7 %.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. 2,1 % en 2010 !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’année 2010 fait figure d’exception, monsieur le secrétaire d'État, cette part ayant de nouveau diminué depuis lors.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Elle est supérieure aujourd'hui !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas vrai ! (M. le secrétaire d'État rit.)

Nous devons répondre à l’urgence sociale et relancer la croissance en investissant massivement dans le logement. Nous aurions aimé que le Gouvernement relève ce défi. Il ne l’a pas fait ; nous voterons contre ce budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Le ton va changer ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il serait temps !

M. Raymond Couderc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après ce réquisitoire,…

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La parole est à la défense ! (Nouveaux sourires.)

M. Raymond Couderc. … je précise d’emblée que, à l’instar de mon collègue Philippe Dallier, je voterai les crédits de cette mission.

Je voudrais toutefois attirer votre attention sur quelques points particuliers, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.

Depuis trop longtemps, me semble-t-il, nos efforts budgétaires se sont principalement concentrés sur la construction de nouveaux logements, au détriment des logements anciens.

Aujourd’hui, dans certaines villes françaises, le foncier vient à manquer pour la création de nouveaux logements, alors que, dans le même temps, les logements anciens, moins attractifs pour de futurs acquéreurs, car souvent moins confortables, se vident. Cette situation est très certainement à l’origine de la mise en place du plan national de réhabilitation des quartiers anciens dégradés.

L’analyse que je fais sur le terrain, en tant qu’élu local, me conduit à penser que notre effort devrait davantage s’orienter vers la reconquête du parc de logements anciens.

Dans ce cadre, deux questions me paraissent essentielles, celle des propriétaires bailleurs et celle des primo-accédants.

Les propriétaires bailleurs éprouvent quelques difficultés à se retrouver dans les dernières mesures fiscales prévues sur le logement.

Pour le montrer, je prendrai l’exemple de la communauté d’agglomération de Béziers-Méditerranée, que je préside.

M. François Calvet. Avec bonheur !

M. Raymond Couderc. Sur le territoire de cette communauté, une baisse significative, de l’ordre de 40 %, des nouvelles conventions de location conclues entre l’ANAH et les propriétaires bailleurs a été enregistrée entre 2010 et 2011. Et il faut savoir que la situation est similaire dans bon nombre de villes moyennes.

Cette baisse est probablement due en partie à la crise, mais aussi, plus sûrement, au changement de réglementation, plus particulièrement à la baisse des subventions de l’ANAH, qui s’élèvent désormais à 35 % pour le logement à loyer conventionné social ou social très dégradé et à 25 % pour le logement moyennement dégradé, contre respectivement 65 % et 50 % en 2010.

Avant 2011, cette option était très largement retenue par les propriétaires bailleurs, car le loyer restait assez proche du marché locatif du cœur de ville dans la plupart des quartiers. Désormais, ce n’est plus le cas.

Les enveloppes budgétaires de l’ANAH réservées aux bailleurs et les objectifs de production de logements en baisse pour l’année 2011 ont conduit à devoir faire des choix et à rendre prioritaires certains projets, laissant les autres de côté.

Aussi, de nombreux propriétaires, investisseurs locaux, préfèrent aujourd’hui réaliser leurs travaux sans subvention, notamment dans le cadre de projets de réhabilitation de petits logements, car les subventions et le niveau des loyers conventionnés ne sont pas suffisamment attractifs par rapport au niveau des loyers du marché libre. Ce choix est souvent préjudiciable à la qualité des travaux réalisés, qui n’est plus contrôlée, mais aussi au secteur sauvegardé, les propriétaires se dispensant fréquemment de respecter les prescriptions de l’architecte des bâtiments de France. De surcroît, sur ces chantiers, les travaux sont couramment réalisés « au noir ».

Le changement de réglementation et les enveloppes budgétaires – je pense notamment à la réorientation des objectifs en faveur des « propriétaires occupants », au détriment des « propriétaires bailleurs » –, ne semblent donc pas forcément adaptés aux villes moyennes, où la priorité est aussi de produire du logement locatif de qualité.

J’en viens maintenant à l’application du prêt à taux zéro pour les primo-accédants sur le marché de l’ancien.

Dans le domaine de l’accession à la propriété pour la résidence principale, il est important de noter que le budget prévu dans le projet de loi de finances pour 2012 diminue de 4 % par rapport à celui de 2011.

L’exemple du prêt à taux zéro dit « PTZ+ » est présenté par notre collègue Jean Germain comme « emblématique d’une dépense fiscale insuffisamment ciblée ». Il est vrai que le PTZ+ s’adresse à tous les ménages, sans prise en compte des revenus, et s’applique aussi bien aux logements neufs qu’anciens. Toutefois, pour revenir à un exemple que je connais bien, à Béziers, plus des deux tiers des primo-accédants dans le cœur de ville ont eu recours à un PTZ+ cette année, ce qui montre l’intérêt de ce dispositif.

En effet, Béziers dispose d’un centre-ville ancien où le parc immobilier est composé d’immeubles haussmanniens, mais également de petites maisons individuelles étroites, et au sein duquel la vacance est importante. Il a été choisi également de favoriser la mixité sociale et de faciliter l’accession à la propriété, d’où l’intérêt d’un PTZ+ accessible à tous.

Pour autant, je comprends qu’il existe une limite : les subventions de l’ANAH pour l’amélioration du logement, notamment l’amélioration thermique, qui sont réservées aux « propriétaires occupants », ne sont pas cumulables avec un « PTZ acquisition », et cela pendant un délai de cinq ans.

En effet, et même si cette mesure a été ramenée de dix à cinq ans depuis janvier 2011, elle reste dommageable, car la plupart des primo-accédants venant de réaliser l’acquisition de leur logement effectuent les travaux nécessaires, notamment de mise aux normes de décence ou d’amélioration du confort thermique, dans ce délai de cinq ans. Aussi, puisqu’ils n’ont pas droit à ces dispositions, ils font souvent ces travaux à l’économie, en les réalisant eux-mêmes ou en les faisant réaliser « au noir ».

La possibilité de bénéficier du PTZ+ dans l’ancien, associée à celle de profiter des aides de l’ANAH sans délai, permettrait, me semble-t-il, de réduire la vacance dans l’ancien, tout en favorisant la mixité sociale, et participerait à la revitalisation des centres anciens, qui est une nécessité dans un processus de renouvellement urbain et d’économie d’espaces. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nombreuses questions ont déjà été évoquées, et je souhaite tout d’abord appeler votre attention sur les crédits qui seront réservés à l’ANAH, qui n’échappent pas à une baisse historique.

Le problème est que le Parlement n’a plus son mot à dire sur ce sujet, alors que l’intervention de l’ANAH définit les modalités de financement d’une partie importante du parc privé de logements.

En 2010, quelque 107 000 logements ont bénéficié pour leurs travaux de l’intervention de l’ANAH. Financé depuis 2009 par le 1 % logement, le montant attribué à cette agence entre 2009 et 2011 était de 480 millions d’euros annuels. Or il n’est plus que de 390 millions d’euros pour 2012, soit une perte de 80 millions d’euros.

Pourtant, l’ANAH s’est engagée depuis maintenant un an, sur votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, dans un programme ambitieux de résorption de l’habitat indigne et de la précarité énergétique des logements en faveur des propriétaires occupants les plus démunis.

Une telle réduction des crédits consacrés au parc de logements privés risque de compromettre ce programme, mais aussi l’engagement des collectivités, pourtant très impliquées aux côtés de l’ANAH – elles y consacrent plus de 100 millions d’euros.

Ne faudrait-il pas revenir à un débat au sein de nos assemblées, qui permettrait de fixer des règles, mais aussi d’assurer une certaine continuité des interventions de l’Agence nationale de l’habitat et de ses partenaires ?

Je souhaiterais maintenant évoquer, comme l’orateur précédent, les mesures en cours de discussion au sein de nos assemblées sur le PTZ+. En effet, même si ce sujet ne concerne pas directement la mission « Ville et logement », il est indissociable, à mon sens, de ce débat.

La commission des finances a adopté un amendement visant à soumettre à un plafond de ressources ce dispositif. Ce recentrage me semble nécessaire, surtout dans cette période où l’argent se fait rare.

L’analyse de la répartition actuelle des bénéficiaires montre en effet que seuls 10 % d’entre eux sont des ménages modestes, tandis que plus de la moitié sont des familles aisées.

Néanmoins, il faudra veiller à placer le curseur au bon endroit, car retenir le plafond de ressources qui s’applique au prêt locatif à usage social, le PLUS, risque d’aller à l’encontre du but visé.

En effet, si une famille locataire d’un logement social est en mesure d’acheter son logement, de construire ou d’acquérir un autre appartement, parce qu’elle a vu ses revenus évoluer, il faut évidemment pouvoir l’encourager avec le PTZ+.

Sur l’initiative du Gouvernement, les députés ont introduit dans le projet de loi un article 46 bis, qui vise à recentrer le PTZ+ sur l’habitat neuf.

Or cette restriction risque de pénaliser les familles que l’on cherche à cibler par ailleurs, car ce sont précisément celles dont les revenus sont les plus faibles qui optent pour l’acquisition d’un logement existant ou pour l’achat de leur logement social.

Il faut donc profiter des quelques heures qui nous restent avant l’examen des articles non rattachés aux missions pour faire en sorte que le PTZ profite pleinement aux familles qui en ont le plus besoin.

S’agissant du logement social, les objectifs de financement pour 2012 restent stables par rapport à 2011, avec le financement de 120 000 habitations.

Certes, c’est encore insuffisant, mais je veux souligner les efforts consentis par les gouvernements successifs depuis le premier plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo.

Cependant, on ne peut se contenter d’une vision nationale des besoins en logement social dans notre pays. Les zonages prioritaires sont sans aucun doute nécessaires, car il faut d’abord répondre à la pénurie de logements dans les secteurs les plus tendus. Pour autant, ces zonages ne doivent pas conduire l’État à ignorer les réelles difficultés qui existent au sein de certains territoires pourtant considérés globalement comme « non tendus ».

C’est le cas, notamment, dans certaines villes, qui doivent répondre aux objectifs de mixité sociale imposés par la loi ou dans certaines zones rurales, dans lesquelles les revenus particulièrement faibles des habitants imposent une proportion plus importante de logements sociaux.

C’est donc une approche territorialisée et déconcentrée des besoins qui est nécessaire.

Des outils existent pour cela, et les crédits pourraient être utilement ciblés sur les besoins exprimés dans les programmes locaux de l’habitat, les PLH, par exemple, en tenant compte à la fois des zonages et des réalités locales.

Plus généralement, c’est en s’appuyant sur une démarche globale territoriale de cohésion sociale, qui ferait le lien entre l’État, les collectivités et les acteurs sociaux, que nous serons en mesure de répondre le plus efficacement aux difficultés des familles les plus fragiles.

Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, pour que le logement constitue une priorité nationale, l’heure n’est-elle pas venue, aussi, d’un nouveau plan de cohésion sociale ? (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la politique du logement prévue pour 2012 par le Gouvernement – cela a déjà été souligné – est très préoccupante : en fait, c’est non pas de coups de rabot qu’il s’agit, mais bien de coups de hache donnés au budget du logement : moins 27 % pour les crédits concernant les offres de logement, moins 13 % pour les crédits de politique de la ville et moins 20 % pour les associations chargées du lien social !

Souvenons-nous, le candidat Sarkozy affirmait : « Si je suis élu, je veux que d’ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir ». Force est de constater que cette promesse de décembre 2006 n’a pas été tenue.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 86 000 en 2001, nous arrivons en 2011 à plus de 685 000 personnes privées de domicile ; 3,7 millions de personnes sont très mal logées, entassées par familles entières dans des caravanes, caves ou chambres insalubres. À cela s’ajoutent plus de 5 millions de personnes en situation de fragilité à court ou moyen terme dans leur logement. Telle est aujourd’hui la situation dramatique du logement des plus démunis dans notre pays.

Or souvenons-nous qu’à la suite du rapport du député Étienne Pinte, l’hébergement et l’accès au logement avaient été déclarés « grand chantier prioritaire 2008-2012 ». Un délégué interministériel pour la coordination des politiques de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées a été nommé en 2008, afin de mettre en œuvre une nouvelle approche de ces problématiques. Qu’en est-il ressorti, monsieur le ministre ?

Dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits pour l’hébergement d’urgence ont diminué de 2 %. Parallèlement, les demandes ne cessent d’augmenter et le travail des associations humanitaires de croître, année après année.

Cela a été rappelé tout à l’heure, le 19 juillet dernier, Xavier Emmanuelli, président fondateur du SAMU social, a voulu dénoncer en démissionnant le manque de moyens accordés par l’État aux missions confiées à son association. En effet, le budget alloué à l’hébergement et à la lutte contre l’exclusion était en baisse de 3 % en 2010 et de nouveau de 3 % en 2011.

Concernant le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », le Gouvernement se félicite de sa stabilité. Toutefois, derrière cet affichage, les associations ont unanimement dénoncé une évolution des crédits de fonctionnement inférieure à l’inflation, constatant par ailleurs qu’elles devront faire face à plus d’hébergements avec finalement moins de ressources.

Pour répondre à la grogne du secteur et après une lutte acharnée des associations humanitaires, le Gouvernement a annoncé une rallonge de 75 millions d’euros. Or il n’y a pas trace de cette rallonge dans le budget que nous examinons aujourd’hui. Qu’en est-il, monsieur le ministre ?

Les plans hivernaux successifs ne sont pas des solutions acceptables. Parer au plus pressé en ouvrant des gymnases parce que le thermomètre a chuté pendant la nuit n’est pas digne de notre République. Il est de plus inadmissible de faire peser sur les associations humanitaires ce type d’urgence, qui relève de la responsabilité de la puissance publique, donc du Gouvernement.

Or des solutions existent. En effet, l’État est propriétaire de plus de 2 millions de logements vacants en France, sans compter les hôpitaux et les préfectures désaffectés et vides. (M. le secrétaire d'État s’exclame.) Remettre sur le marché cette réserve de biens permettrait à des dizaines de milliers de familles de sortir de la pauvreté où elles sont engluées.

Le désengagement de l’État en matière de droit au logement et à l’hébergement est aujourd'hui déplorable et les associations n’ont pas pour rôle de pallier les insuffisances du Gouvernement. Il ne suffit pas de lancer des slogans sur « le logement d’abord ». Il ne suffit pas d’énoncer un concept pour qu’il se réalise. Il faut d’abord produire du logement social. Cet objectif n’apparaît nullement dans le projet de loi de finances que vous nous présentez aujourd’hui.