M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ensemble des moyens consacrés à la politique de l’immigration et du droit d’asile sont six fois supérieurs au bleu budgétaire sur lequel nous nous prononçons maintenant.

Dans le programme 303 « Immigration et asile », 32 millions d’euros sont utilisés pour reconduire les étrangers en situation irrégulière. Mais lorsque l’on sait qu’il y a parmi eux des enfants scolarisés et que l’on connaît les déchirements et les traumatismes que ces reconduites provoquent, on doit constater que l’usage de ces moyens est aujourd’hui parfois contestable.

Mais c’est votre politique du chiffre, monsieur le ministre. Les Français payent, les étrangers trinquent, et la France est humiliée par son propre comportement !

Le programme 301, prétendument de « Développement solidaire et migrations », est un outil du ministère de l’intérieur, qui n’a aucune vocation d’aide publique au développement. C’est pourtant ainsi qu’il est présenté dans le projet de loi de finances, et nous ne nous prononcerons donc pas sur celui-ci cet après-midi. Ses moyens sont pourtant mis en œuvre par le ministère chargé de l’immigration, sous votre responsabilité.

Le ministère de l’intérieur dispose de ces financements pour « acheter » les accords de gestion concertée des flux migratoires avec les gouvernements des pays d’origine. Ces 28 millions d’euros devraient être par principe réintégrés dans le programme 303 et leurs emplois plus précisément explicités.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, principal opérateur du ministère chargé de l’immigration, au budget de 175 millions d’euros, voit le montant de ses ressources fiscales plafonnées à 122 millions d’euros. Mais, dans le même temps, le Gouvernement a souhaité augmenter fortement les taxes dont doivent s’acquitter les étrangers pour leur séjour en France ! Ces taxes, dont le produit sera très significativement en hausse, financeront donc le budget général, sans aucune perspective d’amélioration des conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures, qui sont aujourd’hui tout simplement indignes d’un État de droit.

Je me réjouis que l’amendement adopté par la majorité sénatoriale ait permis de limiter le processus scandaleux consistant à augmenter les taxes payées par les plus démunis, notamment les étudiants.

Je rappelle – je ne me fais malheureusement guère d’illusion sur le texte qui sera in fine adopté, une fois le projet de loi de finances réexaminé à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire – que les dispositions voulues par le Gouvernement faisaient porter la taxe applicable aux étudiants étrangers devenant salariés de 85 euros à 340 euros !

Une telle disposition confortera les effets de votre circulaire du 31 mai 2011, que nous récusons fermement et qui durcit les conditions d’attribution de visa pour les étudiants souhaitant accéder à un statut professionnel en France.

Cette circulaire doit être abrogée, car elle constitue un détournement de l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une requête en annulation devant la section du contentieux du Conseil d’État.

Plus de 6 000 étudiants étrangers se sont trouvés dans l’incapacité de bénéficier d’un titre de séjour pour tirer profit du savoir acquis dans nos établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux et le mettre en pratique en France, ce qui constitue pourtant un complément indispensable à leur enseignement. Cette perte immense pour notre pays, ses entreprises, ses universités et grandes écoles porte atteinte à la place de celles-ci dans le classement de Shanghai.

L’année 2011 est l’année Curie ; nous célébrons les cent ans du premier prix Nobel de Maria Sklodowska-Curie. Votre politique consiste à reconduire Maria Sklodowska, tout juste diplômée, à la frontière, l’empêchant d’apporter sa contribution immense à la science et à l’humanisme de notre pays !

C’est toujours votre politique du chiffre, monsieur le ministre. Les Français payent, les étrangers trinquent, et la France est humiliée par son propre comportement.

Monsieur le ministre, nous ne voterons pas votre budget, car nous désapprouvons totalement les choix politiques qu’il autorise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2012 est à l’image de la politique désastreuse en la matière menée par le Gouvernement depuis des années.

Les chiffres « parlent » d’eux-mêmes : on consacre 85 millions d’euros à la lutte contre l’immigration clandestine, contre seulement 41 millions d’euros à l’intégration. Les sénatrices et sénateurs écologistes ne peuvent que dénoncer l’acharnement du Gouvernement à faire primer les expulsions, à hauteur de 32 millions d’euros, sur le vivre-ensemble, ainsi que le coût exorbitant de cette politique d’éloignement, tristement révélateur de l’attitude adoptée par la France face à ses étrangers. Je souligne, par ailleurs, comme ma collègue Corinne Bouchoux dans son rapport pour avis, à quel point il est regrettable que la politique d’accueil des étrangers elle-même soit de plus en plus financée par ceux-ci.

De surcroît, cet accueil est de qualité médiocre, à en juger par les files d’attentes interminables qui se créent devant les préfectures et sous-préfectures françaises, en particulier en Île-de-France. Comment la France, terre des Lumières, peut- elle tolérer que des personnes, parfois accompagnées d’enfants en bas âge, soient contraintes de passer la nuit dans la rue pour faire partie des quelques « privilégiés », si j’ose dire, qui, au matin, bénéficieront d’un ticket pour être reçus par un bureau des étrangers ?

Monsieur le ministre, le Gouvernement et vous-même avez tourné le dos à l’idéal de fraternité de notre République. Faute d’un projet crédible de lutte contre le chômage, les inégalités et la crise, vous avez opté pour la voie dangereuse d’une idéologie « anti-étrangers », « anti-immigrés » et antimusulmane distillée jour après jour.

Pour ma part, je ne puis me résoudre à avoir la mémoire courte. Je me rappelle les années trente. C’était aussi une époque de crise, le lendemain d’un krach dévastateur. Le bouc émissaire, alors, était le Juif. Chacun sait comment cette histoire s’est terminée. (M. Simon Sutour applaudit.) La comparaison, c’est vrai, a ses limites.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Ne comparez pas ; c’est indigne !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. C’est nul !

Mme Esther Benbassa. Et l’Histoire ne se répète pas, certes, mais les comportements xénophobes, eux, peuvent se reproduire. (Exclamations sur les travées de lUMP.) On ne joue jamais impunément avec le feu.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. C’est insupportable !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. Un peu de mesure !

Mme Esther Benbassa. Voilà quelques jours, conscients que derrière la froideur des chiffres, il y a des êtres de chair et de sang, cinq collègues et moi-même avons décidé de parrainer six travailleurs étrangers sans papiers. Leurs dossiers vous seront adressés après la séance.

Devant cette Haute Assemblée, je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de leur porter toute l’attention qu’ils méritent.

Les sénatrices et sénateurs écologistes s’alarment de même des effets de la politique du Gouvernement relative aux étudiants étrangers. Reviendrez-vous sur votre circulaire du 31 mai dernier, monsieur le ministre ? Tandis que les États-Unis sont devenus une puissance de l’intelligence en achetant des cerveaux, nous excellons, nous, à brader les nôtres, après même les avoir formés. Et c’est un professeur d’université qui vous parle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Le Gouvernement devra un jour rendre compte devant le pays de ce véritable gâchis de l’intelligence, froidement organisé.

Nous, les sénatrices et sénateurs écologistes, ne voterons pas les crédits consacrés à cette mission « Immigration, asile et intégration », parce que leur répartition, aussi bien que les principes qui la justifient, heurtent de front notre conception d’une société juste et démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite pour ma part revenir sur l’allongement des délais de traitement des demandes d’asile, qui est passé de 100 jours en 2008 à 118 jours en 2009, puis à 145 jours en 2010. Au début de l’année 2011, le délai moyen constaté pour l’examen d’une demande par l’OFPRA s’élevait à 159 jours, soit 14 jours de plus que l’année précédente, mais il était de 184 jours s’agissant des premières demandes, soit 18 jours de plus qu’au début de l’année 2010.

Cet allongement pourrait notamment s’expliquer par l’accroissement du nombre des demandeurs d’asile. En effet, nous constatons que 52 762 étrangers, dont 11 143 mineurs accompagnants, ont sollicité la protection de la France au titre de l’asile en 2010. Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection, mineurs accompagnants inclus, pourrait s’élever à 58 000 en 2011 et à 64 000 en 2012.

Malheureusement, depuis 2004, les crédits votés en loi de finances initiale ont été systématiquement sous-évalués par le Gouvernement, et ils seront très insuffisants pour permettre à notre pays de respecter ses obligations.

Monsieur le ministre de l’intérieur, dans votre déclaration du 25 novembre sur la réforme du droit d’asile, vous proposez l’instauration d’un « seuil de 90 jours » comme « délai raisonnable » pour le dépôt d’une demande d’asile. Outre que cette mesure n’est pas conforme aux directives européennes, elle n’est pas décidée au hasard : elle vise en réalité à empêcher les migrants de déposer une demande d’asile lorsqu’ils sont placés en rétention en vue de leur éloignement. Vous considérez qu’une part croissante des demandes d’asile sont abusives et émanent d’étrangers dont les motivations seraient d’abord « économiques », et non liées à des inquiétudes pour leur sécurité dans leur pays. Or, selon la Cimade, les chiffres du Gouvernement sont inexacts, car le nombre de décisions accordant l’asile varie, mais il représente toujours en moyenne entre 20 % et 35 % du total des demandes depuis 1993.

Comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre pour réduire les délais d’instruction des dossiers de demande d’asile ? Comme toujours, il propose une restriction des droits, à seule fin électoraliste. Monsieur le ministre, vous avez en réalité décidé de dissuader la demande d’asile en France.

À la veille d’une élection présidentielle, je regrette que vous apportiez une fois de plus des réponses simples à des questions complexes, chassant ainsi sur les terres du Front national ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le cinquième orateur socialiste à intervenir sur les crédits de cette mission.

M. Richard Yung. Je peux donc comprendre qu’une certaine lassitude s’installe sur certaines travées de cet hémicycle ! (Sourires.)

M. Raymond Couderc. C’est l’« overdose » !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Au contraire, notre intérêt est renouvelé !

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, vous vous en rappelez sans doute, au mois de juin dernier, les différents groupes politiques de gauche avaient combattu, aussi énergiquement que possible, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, anciennement projet de loi « Besson ». Nous nous sommes élevés contre l’extension des motifs de déchéance de la nationalité française, l’invention des « mariages gris », la remise en cause des droits des étrangers atteints de pathologies graves et l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative à 45 jours, associé à l’inversion des interventions du juge administratif et du juge judiciaire.

Aussi, et cela ne vous étonnera pas, nous ne sommes pas favorables à l’adoption de ce budget, qui est la simple traduction de la politique que nous avons récusée.

Vous prônez la réduction de l’immigration professionnelle. Or, selon nous, la France a besoin de main-d’œuvre. Il se trouve que j’ai en main un article de presse. (M. Richard Yung brandit un journal.) Il s’intitule L’immigration peut être une aubaine pour les pays industrialisés, et il n’a pas été publié par un organe anarchiste ou bolchevik, si tant est qu’il en existe encore ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Il n’y en a plus !

M. Richard Yung. L’article émane en fait du journal des milieux d’affaires : La Tribune !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. La Tribune s’est souvent trompée ces derniers temps !

M. Richard Yung. Selon La Tribune, l’immigration professionnelle est une aubaine pour les pays industrialisés. J’en déduis donc que votre orientation n’est pas la bonne.

Il suffit d’examiner votre projet de budget. Le montant des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière, qui s’élève à 85,4 millions d’euros, est deux fois supérieur à celui des crédits alloués à l’intégration des étrangers en situation régulière, d’un montant de 41,8 millions d’euros. Vos choix sont clairs.

M. Klarsfeld, qui préside l’OFII, se répand dans les journaux, et plus encore sur les plateaux de télévision, pour s’opposer au droit de vote des étrangers aux élections locales, en invoquant des problèmes d’intégration. Selon lui, la politique d’intégration en France serait un échec. Cette affirmation est assez surprenante, puisque M. Klarsfeld dirige précisément l’office chargé de mener cette politique ! On est donc en droit de s’interroger sur l’efficacité de son action…

Or, dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » baissent de plus d’un million d’euros, passant de 14,40 millions d’euros en 2011 à 13,34 millions d’euros en 2012. Cette diminution est associée – d’autres l’ont souligné avant moi – à la très forte augmentation d’un certain nombre de droits et de redevances dont les intéressés doivent s’acquitter. Cette politique est donc totalement incompréhensible.

Beaucoup d’autres objections mériteraient d’être soulevées. Je pense en particulier au fait que les budgets de l’immigration sont le plus souvent insincères. En effet, le Gouvernement est amené, une ou deux fois par an, à prendre des décrets d’avance pour abonder ces budgets à hauteur de 40 millions d’euros ou de 50 millions d’euros. Les taux de croissance apparemment forts de ces crédits correspondent en fait à des remises à niveau, afin de s’aligner sur la réalité observée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir entendu les rapporteurs et les différents intervenants, je souhaite répondre en abordant successivement les thèmes qui ont été développés, en espérant n’oublier aucun des arguments qui ont pu être avancés.

Un certain nombre d’entre vous, notamment M. Raymond Couderc et Mme Anne-Marie Escoffier, ont disséqué la présentation budgétaire de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ils ont mis en évidence quelques éléments sur lesquels je voudrais revenir.

J’évoquerai d’abord la création d’emplois. Le projet de loi de finances tend à consolider et créer soixante emplois au profit de l’OFPRA et de la CNDA. Cette mesure est très importante. Elle fait suite à la création de trente emplois dans le cadre de la précédente loi de finances. Elle permettra de partager l’instruction des dossiers entre un plus grand nombre de personnes et, par conséquent, d’accélérer les délais de traitement des demandes d’asile.

Je mentionne également l’augmentation des moyens affectés à la politique d’intégration. Si l’on cumule les crédits inscrits dans ce texte et les recettes propres de l’OFII, la progression est substantielle.

Je rappelle en outre que les crédits consacrés à l’hébergement des demandeurs d’asile augmentent de 80 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Je ne pense pas, monsieur Sueur, que cela témoigne d’une volonté d’insincérité budgétaire...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. On a dépensé davantage l’an dernier !

M. Claude Guéant, ministre. J’ai bien noté votre argument, et je vais y répondre. Nous pensons qu’il y aura besoin de moins de crédits en 2012, parce que la demande d’asile sera mieux maîtrisée…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Le gouvernement suivant paiera la facture !

M. Claude Guéant, ministre. Comme l’ont indiqué MM. Roger Karoutchi et Raymond Couderc, la réduction d’un mois des délais d’instruction des demandes représente une économie de 15 millions d’euros.

Par ailleurs, selon le vice-président du Conseil d’État, qui a la charge de la gestion administrative de la demande d’asile, nous reviendrons en 2012 à un délai d’instruction moyen d’un an, contre deux ans voilà quelques mois. J’estime donc que des économies sont réalisables.

Mme Anne-Marie Escoffier a évoqué l’augmentation du nombre de places dans les centres de rétention administrative. En réponse à la question opportune qu’elle a soulevée, je précise que le centre de rétention administrative de Mayotte ouvrira en 2014.

MM. Karoutchi, Sueur, Néri, Trillard, Couderc, Roger et Mme Assassi ont abordé la question du droit d’asile. Je réaffirme très solennellement que le Gouvernement, comme nombre des orateurs qui se sont exprimés, est évidemment fidèle à ce qui fait l’honneur de notre pays, c’est-à-dire la préservation du droit d’asile politique.

M. Claude Guéant, ministre. La France a toujours accueilli tous les réfugiés du monde entier, tous les persécutés, tous ceux dont la liberté ou la vie sont menacées ! Le Gouvernement entend bien maintenir cette politique.

Cela étant, monsieur Sueur, ce n’est pas parce que l’on demande le bénéfice de l’asile politique que l’on est forcément persécuté…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais dit cela !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais si !

M. Claude Guéant, ministre. Vous avez affirmé que les demandeurs étaient des persécutés ! Mais c’était certainement un lapsus...

En revanche, lorsqu’une personne se voit accorder le bénéfice de l’asile politique, c’est que la réalité des menaces dont elle fait l’objet dans son pays d’origine est reconnue.

Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, nous observons une augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile, de plus de 55 % en trois ans. Le nombre des demandeurs s’est élevé à 53 000 en 2010, et il s’établira vraisemblablement entre 58 000 et 60 000 en 2011. Dans le même temps, le nombre de décisions octroyant le statut de réfugié politique, émanant d’instances indépendantes, est en légère baisse. Force est de constater qu’un certain nombre de personnes, que l’on peut évaluer à la différence entre ces deux chiffres, présentent des demandes qui ne comportent pas d’éléments suffisamment probants aux yeux de la juridiction spécialisée chargée d’en apprécier le bien-fondé. Ce problème n’est pas spécifique à la France ; les pays voisins le constatent également. Il est clair que la demande d’asile est utilisée comme un moyen d’entrer sur le territoire de notre pays, puisqu’il suffit de formuler cette demande pour être immédiatement admis au séjour – c’est bien naturel, compte tenu du motif invoqué –, et pour y demeurer.

Plus les délais d’instruction sont longs, plus le problème est lourd, et plus l’« attractivité » de notre pays grandit. En effet, comme nous le savons très bien, s’il est relativement facile de renvoyer dans son pays d’origine une personne qui n’a passé que quelques semaines ou quelques mois dans notre pays, il est beaucoup plus difficile de renvoyer une personne qui y a passé deux ans ou trois ans, même si elle est déboutée de sa demande d’asile et se trouve donc en situation irrégulière.

C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé un certain nombre de mesures destinées à réguler la demande d’asile, sans rien retrancher, bien évidemment, sur le droit à l’asile politique. J’ai d’ailleurs rappelé l’attachement du Gouvernement à la défense de ce droit.

La première de ces mesures porte sur l’amélioration des délais d’instruction.

La deuxième mesure consiste à engager une procédure accélérée, l’« examen prioritaire des dossiers », notamment pour les demandeurs provenant d’un pays d’origine « sûr ». Effectivement, monsieur Trillard, nous pensons qu’il y a lieu de compléter la liste de ces pays « sûrs ». Cet après-midi même, l’OFPRA, puisque ce n’est pas l’administration qui prend cette décision, devait examiner le principe de l’inscription de quatre nouveaux pays sur la liste des pays « sûrs ».

Nous avons également considéré qu’en cas de fraude manifeste ou de refus de coopération avec l’administration, la procédure accélérée pouvait être engagée.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. La notion de demande abusive pose un problème de définition. Qui décide qu’une demande est abusive ? Le préfet ?

M. Claude Guéant, ministre. C’est l’OFPRA qui décide ; ce n’est pas l’administration ! Contrairement à ce que vous affirmiez tout à l’heure, monsieur Sueur, les préfectures n’ont pas à intervenir dans ces procédures.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Pourtant, ce sont les préfectures qui décident !

M. Claude Guéant, ministre. Pas du tout ! Les dossiers passent par les préfectures, mais c’est l’OFPRA qui décide si la demande relève de l’examen prioritaire. L’administration n’a pas à se mêler de cette procédure !

M. Charles Revet. M. Sueur aura appris quelque chose !

M. Claude Guéant, ministre. Je vais maintenant aborder un autre thème évoqué par les différents orateurs, notamment par Mme Bouchoux, l’immigration légale.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je viens de procéder à une vérification rapide : ce sont bien les préfectures qui décident si l’examen de la demande est prioritaire, pas l’OFPRA ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Ça suffit, monsieur Sueur !

M. Claude Guéant, ministre. Je vous dis que ce n’est pas le cas, monsieur Sueur !

L’immigration légale concerne chaque année 200 000 personnes, ce qui équivaut, par exemple, à la population de la ville de Rennes.

J’ai effectivement déclaré que nous souhaitions réduire l’immigration légale. En effet, pour nous – voilà qui illustre les différences entre notre conception de la société et celle qui a été exprimée sur les travées de gauche de cet hémicycle –, les étrangers qui viennent s’installer chez nous doivent être bien accueillis ; nous voulons qu’ils s’intègrent à notre population, qu’ils adoptent nos lois et nos modes de vie, qu’ils se sentent bien chez nous et que nous nous sentions bien avec eux.

Pour cela, nous devons avoir la capacité de les intégrer chez nous. L’intégration constitue un mouvement à double sens, du pays d’accueil vers les étrangers et des étrangers, qui doivent faire l’effort de s’intégrer, vers le pays d’accueil. Chacun le comprendra, il est plus facile de bien intégrer les étrangers quand ils sont un peu moins nombreux.

Certains d’entre vous ont évoqué l’éventualité d’un échec de l’intégration. De fait, s’il y a bien entendu de magnifiques réussites, il y a aussi des échecs. Lorsque j’ai mentionné les problèmes d’échec scolaire, ce n’était évidemment pas – faites-moi la grâce de le croire ! – pour distinguer ou stigmatiser une catégorie de population.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos chiffres n’étaient pas bons !

M. Claude Guéant, ministre. C’était pour souligner l’existence d’un problème. Des enfants qui échouent à l’école n’ont aucune chance de réussir dans leur vie professionnelle ! Il faut mettre un terme à une telle situation !

Nous pouvons notamment mettre en place des modules d’enseignement spécialisé pour que les enfants réussissent mieux à l’école. Au titre de la politique d’intégration, le ministère de l’intérieur dispose de crédits spécifiques employés à cette fin.

Comme je l’ai précisé, mon objectif est de réduire de 10 % chaque année l’immigration légale. Je pense notamment à l’immigration de travail.

M. Philippe Dominati. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Ainsi, Xavier Bertrand et moi-même avons réduit de trente à quatorze le nombre de secteurs dits « en tension ». En effet, l’étude réalisée sur le sujet a montré qu’il n’y avait pas trente secteurs en tension dans notre pays. Par exemple, on affirme généralement que le secteur du bâtiment a besoin de faire venir des travailleurs étrangers ; mais, lorsqu’on regarde de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas vrai.

M. Jean-Paul Emorine. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Allez donc voir la plate-forme de Roissy !

M. Claude Guéant, ministre. Je rappelle que notre pays compte 2,8 millions demandeurs d’emploi, que 110 000 actifs supplémentaires entrent chaque année sur le marché du travail et que notre appareil de formation et de reconversion professionnelle est particulièrement performant. Nous avons donc la possibilité de faire d'abord appel à la population installée en France, qu’elle soit française ou étrangère. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) La France n’a pas vocation à faire venir des chômeurs supplémentaires !

En outre, et je crois que cela a déjà été dit, le taux de chômage des étrangers non ressortissants de l’Union européenne s’élève à 24 %. Voilà qui ne traduit pas non plus un succès de l’intégration !

Les questions d’intégration ont également été soulevées. Comme je viens d’en parler, il me semble inutile d’y revenir.

En revanche, je m’attarderai davantage sur la question des étudiants étrangers. Je le rappelle, la politique du Gouvernement vise à favoriser l’accueil des étudiants étrangers dans notre pays. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que nos universités et grandes écoles soient attractives ! En 2007, nous avons accueilli 46 000 nouveaux étudiants étrangers. Cette année, nous en accueillons environ 60 000. Il n’y a donc aucune politique de réduction du nombre d’étudiants étrangers en France.

En outre, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a été évoquée tout à l'heure, est appliquée de manière très stricte. La circulaire que Xavier Bertrand et moi-même avons signée ne fait que rappeler le droit – j’y insiste ; il s'agit bien d’un droit – qui est accordé aux étudiants titulaires d’un master ou d’un doctorat. Pendant les six mois qui suivent l’obtention de leur diplôme, ils peuvent signer un contrat avec une entreprise, afin d’acquérir une première expérience professionnelle dans leur domaine de compétence. La circulaire, je le répète, ne retranche, ni n’ajoute rien à ce droit.

Certains chefs d’établissement m’ont fait part de leur émotion. J’ai donc ouvert un canal spécial pour examiner leurs préoccupations.

Toutefois, je tiens à rappeler qu’il ne suffit pas d’avoir fait des études en France dans le cadre d’un séjour régulier pour bénéficier d’un droit au séjour définitif dans notre pays. Qu’elles soient ou non formulées par étudiant, les demandes de carte de séjour autorisant à exercer une activité professionnelle sont examinées au regard de la situation du secteur concerné.

Nous avons un double souci. D’une part, madame Assassi, le recrutement de personnels étrangers ne doit pas favoriser le dumping social. Malheureusement, c’est un phénomène que nous observons parfois. D'autre part, nous devons éviter de piller les élites d’un certain nombre de pays …