M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à féliciter l’auteur de la proposition de loi, notre collègue Éric Doligé, et Mme le rapporteur pour leur travail.

Il ne s’agit pas pour nous de saluer un texte défunt avant d’avoir vécu. Si nous soutenons le renvoi en commission, c’est en considérant que sa version initiale constitue une base de travail sérieuse, justifiant d’être confortée dans les prochains mois, pour obtenir un texte de vraie simplification, je dirai même de pure simplification.

En l’état, la proposition de loi souffre, en partie, des défauts des récentes lois de simplification dites Warsmann, lesquelles, sous les auspices de cette noble entreprise, ont introduit, paradoxalement, plus qu’une once de complexité.

À cet égard, je partage le point de vue encore exprimé ce matin en commission des lois par notre collègue le doyen Gélard : la simplification doit s’accomplir au travers de textes de loi courts, centrés sur des problématiques clairement identifiées, pour éviter les textes fourre-tout et l’accumulation des cavaliers législatifs.

Si la présente proposition de loi est guidée par une volonté, louable et partagée sur toutes les travées, de simplification, il y est procédé, pour partie, à de véritables réformes de fond.

Ainsi en est-il, à l’article 21, de la procédure relative aux ZAC ou, à l’article 20, de la hiérarchisation des normes au sein du PLU, ou encore, à l’article 32, de la procédure d’admission sur titres dans la fonction publique. Or plusieurs des véhicules législatifs que nous avons vu passer au cours des derniers mois se prêtaient à l’insertion de telles propositions.

Que dire aussi de l'article 7, visant à clarifier les étapes de la procédure de dissolution des EPCI, au vu des nombreux textes sur l’intercommunalité adoptés ou en cours de discussion ?

L’inflation législative et réglementaire, responsabilité partagée entre le Gouvernement et le Parlement, est devenue véritablement insupportable, la dernière révision constitutionnelle ayant, selon nous, encore aggravé la situation.

Comme vous le rappeliez justement, madame le rapporteur, en dix ans, 80 % des textes législatifs et 55 % des articles réglementaires du code général des collectivités territoriales ont fait l’objet de modifications. Mais qui est aux responsabilités depuis 2002 ? C’est une question qu’il convient aussi de poser face à ce type de texte.

L’accumulation des contraintes législatives et réglementaires rend la gestion des collectivités locales de plus en plus lourde et compliquée. Dans ces conditions, mes chers collègues, il ne faut pas s’étonner que les collectivités embauchent du personnel dans les secteurs administratif, juridique et financier ! C’est en grande partie la conséquence directe de l’application de textes trop nombreux, qui se suivent, se chevauchent et parfois se contredisent. Et je ne parlerai même pas, ce soir, des circulaires !

Monsieur le ministre, l’État ne peut loyalement reprocher aux collectivités l’accroissement de leurs dépenses de fonctionnement, quand il a été le premier à le favoriser !

La complexité des textes entraîne deux autres effets particulièrement néfastes : l’allongement des délais de réalisation des investissements et une insécurité juridique, que la mise en œuvre du contrôle de légalité, devenu aujourd'hui une véritable « passoire », ne diminue pas, bien au contraire.

Si notre excellent collègue Eric Doligé estime dans son rapport présenté au Président de la République que des simplifications sont possibles et souhaitables dans quinze domaines, ce sont en réalité tous les secteurs de la vie de nos collectivités qui sont concernés.

Cela étant rappelé, je ne vous cache pas que les dispositions de l’article 1er relatives au principe de proportionnalité des normes et permettant l’adaptation de celles-ci à la taille des collectivités nous interpellent.

Les impossibilités techniques ou les conséquences financières disproportionnées permettant au préfet d’adapter les normes réglementaires sont-elles vraiment en adéquation avec la taille des collectivités ? Le préfet et la nouvelle commission consultative départementale d’application des normes ne vont-ils pas, au gré des situations locales, voire de l’influence de tel ou tel élu, générer des jurisprudences contradictoires et, pour tout dire, profondément injustes ?

Je partage, à titre personnel, les observations de notre collègue Éric Doligé sur la loi du 11 février 2005. Mais la solution réside-t-elle vraiment, en l’espèce, dans une application à géométrie variable sous arbitrage préfectoral ?

J’aurais aussi aimé que soit abordée la question des normes sportives, et que soient fixés des objectifs stricts par rapport aux ligues et aux fédérations, qui imposent des normes tout à fait inacceptables à nos collectivités.

En conclusion, je dirai que le texte qui nous est soumis constitue une base de travail intéressante, ainsi qu’un message adressé aux élus locaux. Or le bon message, dans un tel débat, doit être porté par un très large consensus, surtout en un tel moment. Cela justifie que ce travail soit poursuivi, en concertation avec toutes les associations d’élus, entre autres, pour parvenir aux propositions consensuelles qu’attend l’immense majorité des élus locaux.

Dans ces conditions, la majorité du groupe du RDSE votera la motion tendant au renvoi à la commission de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs l’ont dit, la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé est intéressante, car elle a pour objet d’aborder une question lancinante, que tous les élus locaux nous posent : l’inflation des normes applicables aux collectivités locales.

Ces normes sont, en effet, souvent compliquées à appliquer, et pèsent sur les budgets de nos collectivités. Peut-être devrions-nous nous interroger sur leur raison d’être et leur utilité ? D’où viennent-elles ? Pourquoi les a-t-on imposées, quelquefois par la loi ? Peut-être ne servent-elles à rien parce que nous nous sommes trompés ?

M. Jean-Pierre Michel. Dans ce cas, il faut les supprimer totalement !

MM. Christophe Béchu et Antoine Lefèvre. Voilà !

M. Jean-Pierre Michel. Il me semble qu’il s’agit là d’un faux débat.

Je considère, pour ma part, que la loi sur le handicap, pour ne citer qu’elle, est une bonne loi et qu’il faut l’appliquer totalement. Nous y reviendrons.

M. Christophe Béchu. Pas totalement !

M. Jean-Pierre Michel. En dépit d’un a priori favorable à cette proposition de loi, qui répond à un vrai questionnement sur lequel on peut également s’interroger, nous n’avons pas jugé utile d’en débattre dans son entièreté, dans un temps par ailleurs très réduit. Les nombreux amendements présentés en commission par M. Éric Doligé sur son propre texte montrent bien que la réflexion en la matière mérite d’être approfondie !

J’invoquerai, tout d’abord, les raisons de fond justifiant notre décision.

La proposition de loi contient des dispositions utiles, sur lesquelles nous pourrions tous tomber d’accord. Je pense ainsi à celles qui sont relatives à la dématérialisation de la publication des actes et des recueils administratifs, à la simplification du fonctionnement des assemblées locales et à la création d’une commission consultative indépendante.

Elle comporte toutefois d’autres dispositions, portant notamment sur le handicap, les CCAS et les centres de dépistage, qui sont à notre sens inacceptables. Je ne m’y appesantirai pas, car ma collègue Michelle Meunier les évoquera lors de son intervention.

Ce qui pose surtout problème – je rejoins sur ce point Jacques Mézard –, c’est l’article 1er, qui est l’expression de toute la philosophie du texte. Il tend en effet à instaurer un principe de proportionnalité des normes à la taille des collectivités, qui permettrait aux préfets – ce qui est pour le moins curieux dans le cadre de la décentralisation ! – d’accorder des dérogations à l’application des textes réglementaires, notamment dans les domaines de la restauration collective ou de l’accessibilité des établissements recevant du public.

Ce principe n’a pas manqué d’inquiéter plusieurs juristes, parmi lesquels le professeur Didier Maus, que l’on ne peut suspecter d’appartenir au parti socialiste, et qui a écrit sur ce sujet : « Le principe de proportionnalité des normes selon la taille des collectivités, tel qu’il est prévu, pourrait conduire à des décisions différentes, car prises par des préfets différents, pour des collectivités présentant pourtant des caractéristiques identiques ».

Il a aussi été souligné que le Conseil d’État, utilement consulté pour la première fois par le Sénat sur une proposition de loi, avait émis des réserves sur ce principe. En effet, cet article, s’il était adopté en l’état, risquerait de contredire le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi. Or nos concitoyens, rappelons-le, sont égaux devant la loi quelle que soit la taille de leur commune de résidence, et quel que soit le territoire où ils habitent, qu’ils soient domiciliés à Paris ou dans la plus petite commune de leur département.

Cet article 1er, qui constitue le fondement de cette proposition de loi, doit être examiné, puis encadré. En l’état, il ne passerait pas, me semble-t-il, le barrage du Conseil constitutionnel.

Sur la forme, ce texte contient des dispositions très hétérogènes et diverses. À l’évidence, les délais très brefs pour les examiner – ce calendrier, au demeurant, est assez contestable à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi ! – ne permettent pas d’effectuer dans de bonnes conditions le nécessaire travail parlementaire.

Pour travailler correctement, dans le cadre de groupes de travail ou au sein de la commission des lois, par exemple, il faut aborder chaque secteur séparément, en dialoguant avec ceux qui ont inspiré ces normes.

Je poserai, ensuite, une question de procédure : faut-il traiter de la même façon les normes issues de l’administration, c’est-à-dire les règlements, les normes supranationales, par exemple celles qui sont issues des autorités européennes, les normes émanant des autorités indépendantes, celles qui proviennent des fédérations sportives et d’autres institutions de droit privé, et les normes contenues dans les lois que nous avons votées en conscience ?

Par ailleurs, ne doit-on pas demander son opinion à la nouvelle commission consultative départementale d’application des normes que le Sénat vient de créer ?

Le renvoi à la commission me paraît donc largement motivé. Il ne s’agit pas d’un enterrement de première classe, comme certains l’ont dit, et notamment, de façon arrogante, Mme Troendle. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Troendle. Cela vous gêne déjà !

M. Jean-Pierre Michel. Je sais bien, ma chère collègue, que vous avez enfin – depuis une heure et demie ! – un candidat à l’élection présidentielle, mais ce n’est pas une raison pour parler sur ce ton à la tribune...

Mettons-nous au travail ! Notre excellent rapporteur de la commission des lois, Mme Jacqueline Gourault, a d’ailleurs manifesté en commission, et dans l’hémicycle, le souhait que nous poursuivions nos travaux pendant l’intersession. Il lui faudra, pour sa part, intégrer dans sa réflexion les dix-huit propositions contenues dans le rapport de notre collègue Claude Belot, remis au président du Sénat le 15 février dernier.

On peut enfin s’interroger, avec un peu de malice, sur l’urgence qui prévaut à l’adoption de ce texte, déposé le 4 août 2011, d’abord inscrit à l’ordre du jour du Sénat, puis retiré, pour une raison que j’ignore, et aujourd’hui inscrit dans une niche réservée à l’UMP, ce qui implique un temps de débat limité. Pourquoi fallait-il examiner ce texte aujourd’hui ? Il est permis de s’interroger sur ce point...

Mes chers collègues, nous vous invitons à travailler utilement. Nous nous réunirons ensuite, à nouveau, afin de débattre d’un texte remanié, dont certaines dispositions auront été conservées, d’autres peut-être supprimées, si toutefois nos propositions en ce sens sont adoptées, et d’autres encore mieux encadrées. Je pense que nous aurons le temps d’y revenir à l’automne prochain. En effet, si une nouvelle majorité arrive aux affaires, comme je le souhaite, je doute fort que le futur gouvernement soit prêt à nous faire légiférer aussitôt. Nous aurons alors tout loisir d’améliorer la rédaction des textes d’origine parlementaire.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Michel. En guise de conclusion, je souhaite rappeler les propos tenus par le doyen Gélard en commission des lois.

Notre commission ne veut plus de tels textes, et ce quel que soit le futur gouvernement : elle ne veut plus ni de propositions de lois Warsmann ou Doligé ni de textes hétéroclites ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Prenons les sujets les uns après les autres, et cessons de faire des textes fourre-tout !

Enfin, nous ne voulons plus examiner les propositions de loi de façon précipitée. Si je peux concevoir que le Gouvernement souhaite des délais très resserrés pour la préparation et la discussion de textes d’origine gouvernementale, qui paraissent très urgents, et le sont, je n’en vois pas l’intérêt pour débattre de textes d’origine parlementaire, dont l’exécutif ne saurait en aucun cas se mêler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prolifération des normes et les difficultés qu’elle entraîne pour les collectivités locales, voilà un serpent de mer sur lequel le Conseil d’État, par l’intermédiaire de Mme Françoise Chandernagor, s’était déjà penché en 1991, soit voilà plus de vingt ans ! Le dossier ne s’est pas arrangé depuis, loin s’en faut.

En effet, la multiplication des sources du droit, tant externes – Union européenne, Conseil de l’Europe, accords internationaux – qu’internes – autorités administratives indépendantes, collectivités territoriales, fédérations sportives –, est l’un des facteurs expliquant la prolifération normative.

Une partie de l’activité législative, soit 55,2 % en 2011, selon la Commission consultative d’évaluation des normes, provient ainsi de la nécessité de transposer en droit interne les lois et directives de l’Union européenne.

Les incidences de la mise aux normes européennes élaborées par le Comité européen de normalisation, comme celles qui sont relatives à certaines aires de jeux municipales, aux marchés de comestibles, ou encore aux équipements sportifs, avaient déjà fortement ébranlé, à l’époque, les finances des collectivités territoriales, cependant que la normalisation des matériels informatiques des communes, entre autres, était aussi demandée.

Certains parlementaires s’inquiétaient déjà des nombreux domaines, tels que l’hygiène, la sécurité et les bâtiments publics, pour lesquels des normes aussi contraignantes que coûteuses étaient imposées à leurs collectivités. Depuis lors, celles-ci doivent toujours faire face, pour mettre en conformité leurs équipements, à des dépenses de plus en plus importantes, qui doivent parfois être assumées sur un ou deux exercices budgétaires, ce qui est extrêmement contraignant.

Cette réglementation s’applique dans des domaines très divers qui touchent à l’ensemble des compétences locales. Si elle trouve sa justification dans le souci de veiller à la qualité et à la sécurité, elle occasionne cependant des investissements lourds qui ont souvent tendance à paralyser les initiatives.

Par ailleurs, les élus sont parfois confrontés à des interlocuteurs bien éloignés des réalités.

Que dire de certains impératifs relatifs à la continuité écologique, par exemple la création de passages pour la préservation de certaines espèces, notamment des crapauducs au coût exorbitant de 500 000 euros pièce, ou de l’injonction de telle fédération sportive de changer, toutes affaires cessantes, certains équipements dans toutes les communes ?

Il faut bien le dire, la lutte contre les normes passe aussi par la responsabilisation des citoyens.

Ces installations sont rapidement obsolètes du fait de la révision régulière de ces mêmes normes, ce qui entraîne un « sur-accroissement », si je puis dire, des charges financières supportées par les communes.

M. Christophe Béchu. Il a raison !

M. Antoine Lefèvre. Que peuvent bien penser ces collectivités locales, qui doivent sans cesse mobiliser des crédits nouveaux pour financer les dispositifs pensés et conçus à l’échelon national ou européen ?

En effet, les finances de nos collectivités territoriales sont dans une situation très tendue – trop tendue –, et ce n’est pas en période de basses eaux, comme aujourd’hui, sur le plan des crédits alloués aux collectivités territoriales que la situation va s’arranger ! Il manquerait près de 10 milliards d’euros, et nous, élus locaux, craignons de devoir différer certains projets d’avenir.

Reste que l’annonce faite par le Premier ministre, lors de la toute récente conférence sur les finances locales, d’une nouvelle mise à disposition de fonds par la Caisse des dépôts et consignations apporte une première réponse avant la création, attendue par beaucoup, d’une nouvelle banque des collectivités territoriales.

Si une réglementation stricte est indispensable pour garantir la sécurité de tous, les politiques de prévention et de précaution nécessaires à la sécurité des administrés se heurtent non seulement à des problèmes de financement, mais aussi à la lenteur de certaines procédures, comme les fouilles archéologiques ou les procédures d’urbanisme – ces exemples ont déjà été évoqués par les précédents orateurs.

C’est ainsi que les plans locaux d’urbanisme devront être adoptés avec une évaluation environnementale, aux termes de l’article 8 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II. L’application de cette disposition, initialement prévue en janvier 2013, a été repoussée à juillet 2013. Cependant, l’intégration des dispositions du Grenelle II dans les SCOT et les PLU approuvés avant le 12 janvier 2011 devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2016.

Pour ce qui concerne les documents d’urbanisme en cours d’élaboration ou de révision, approuvés avant le 1er juillet 2013 et dont le projet de schéma ou de plan aura été arrêté avant le 1er juillet 2012, il sera possible d’opter pour l’application des dispositions antérieures, les dispositions du Grenelle II devant être appliquées avant le 1er janvier 2016…

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire inextricable ?

En plus d’avoir un coût financier, l’inflation des normes porte gravement atteinte à la sécurité juridique : les règles changent, se superposent et deviennent incompréhensibles. Pourtant, les élus sont censés les connaître toutes, sous peine d’être poursuivis pénalement – nous savons que cela arrive, et nous le craignons. Un tiers des maires n’ont-ils pas renoncé à solliciter le renouvellement de leur mandat, car trop de responsabilités pesaient sur leurs épaules ?

Par exemple, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 oblige les petites communes à créer un service public d’assainissement non collectif, un SPANC, afin de procéder à un certain nombre de contrôles sur les installations d’assainissement autonomes.

Mais comment doit-on faire quand une petite commune rurale est bâtie sur la roche et que les maisons n’ont pratiquement pas de terrain ? En effet, ce n’est pas parce qu’on est en zone rurale que toutes les habitations disposent d’un terrain suffisant pour accueillir les composantes de prétraitement, de traitement et d’exutoire qui composent un système d’assainissement.

Sans compter que les travaux à entreprendre représentent un coût prohibitif pour des populations aux revenus faibles, voire très faibles, comme certains retraités. Comment ces populations financeront-elles les milliers d’euros que coûte une installation et les centaines d’euros que coûtent les contrôles de conception, de réalisation, de fonctionnement et de cession ?

S’agissant du droit de la construction, ensuite, que penser de la norme dont M. Bourquin a parlé et qui impose, lors de l’acquisition d’un immeuble, la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique et d’un diagnostic termites, alors même que la démolition de l’immeuble en question a été décidée ? C’est tout bonnement absurde !

Enfin, pour prendre un dernier exemple, j’évoquerai de nouveau l’accessibilité des lieux publics, réaffirmée dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Entendons-nous bien : je ne cherche à stigmatiser personne ni à remettre en cause le bien-fondé de la loi de 2005, d’autant que ma ville de Laon vient d’être particulièrement bien classée, aujourd’hui même, dans le domaine de l’accessibilité.

La phase de production des textes d’application de cette loi est quasiment achevée ; il revient désormais à l’État et aux collectivités territoriales de garantir la soutenabilité budgétaire des engagements qu’elle contient.

Toutefois, concernant la mise en accessibilité des équipements publics, des transports en commun et des établissements recevant du public, la situation est assez préoccupante à moins de quatre ans d’une échéance que le législateur a fixée à 2015.

À ce sujet, je veux vous présenter un exemple des absurdités qui résultent de la stricte application de la norme. Inaugurant récemment, dans le nord de mon département – l’Aisne –, une gendarmerie comportant à l’étage des logements desservis par un escalier, et alors que je m’étonnais de la petitesse des deux chambres par rapport à la taille disproportionnée de la salle de bain, il m’a été répondu qu’il avait fallu satisfaire à la norme en aménageant une salle de bain compatible avec la rotation d’un fauteuil roulant qui, de toute évidence, ne pourrait jamais franchir l’escalier...

De plus, il convient de noter que les zones moins densément peuplées sont traitées avec beaucoup de zèle pour l’application des normes, à l’inverse des zones urbaines. Dans les communes rurales, dont les possibilités de financement sont pourtant moindres, nous savons que les contraintes sont plus fortes.

La concertation favorisant une application plus efficace des textes, il est nécessaire que les préfectures puissent jouer un rôle de pondérateur plutôt que d’accélérateur de normes.

Dans cet esprit, la proposition de loi présentée par notre collègue Éric Doligé prévoit que les compétences de la commission consultative d’évaluation des normes, installée par l’actuel Gouvernement voilà un peu plus de trois ans, seront renforcées et qu’une commission consultative départementale d’application sera créée. Voilà une initiative bienvenue !

Je le rappelle, en 1997 déjà, une demande avait été formulée en vue de la création d’une instance réunissant des représentants des différents départements ministériels et des représentants des élus locaux, afin que ces derniers puissent être consultés sur toute nouvelle directive européenne ; mais le Gouvernement de l’époque, celui de Lionel Jospin, n’avait pas donné suite.

Pour toutes ces raisons, je ne comprends pas la position de la majorité sénatoriale. Celle-ci, en effet, tout en reconnaissant qu’un certain nombre de dispositions de la proposition de loi vont dans le bon sens, demande, cette fois-ci, un renvoi à la commission… C’est ce que j’appelle botter en touche !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Antoine Lefèvre. Pourtant, la question de la multiplicité des normes a déjà fait l’objet de plusieurs rapports, comme les précédents orateurs l’ont rappelé. Mais cela ne semble pas encore suffisant pour la majorité sénatoriale !

La proposition de loi n’est peut-être pas parfaite, mais au moins certaines de ses dispositions mériteraient-elles d’être étudiées ! Notre collègue Éric Doligé a lui même déposé des amendements : pourquoi ne pas les examiner ?

Au moment de conclure, je pourrais, hélas ! répéter presque mot pour mot les propos que j’ai tenus lors du semblant de débat sur la proposition de loi portant simplification du droit, au sujet de laquelle la majorité sénatoriale avait carrément refusé la discussion.

Alors que nous entendons tous les élus se plaindre de la complexité excessive des normes, de leur illisibilité dans certains cas et de leur trop grand nombre, vous allez refuser au Sénat d’être un acteur des décisions qu’il faudra bien prendre à court terme… Une fois de plus, votre méthode nous prive d’un débat d’idées et de décisions utiles pour nos collectivités territoriales et pour les Français ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif affiché par la présente proposition de loi ne peut naturellement qu’être soutenu : simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales va assurément dans le bon sens !

Mais simplifier ne veut pas dire tout mélanger… Simplifier ne veut pas non plus dire détricoter. Simplifier, enfin, ne veut pas dire rompre l’égalité.

Simplifier veut dire rendre plus simple, moins complexe. Or lorsqu’on considère votre proposition de loi, monsieur Doligé, on s’aperçoit qu’on est bien loin de cette définition !

En effet, sous couvert d’apporter un souffle nouveau et bienvenu aux collectivités territoriales et à celles et ceux qui les administrent, votre proposition de loi manque cruellement de portée normative et relève essentiellement, à mes yeux, de la communication électorale…

Plus qu’une boîte à outils, j’y vois pour ma part une usine à gaz, un fourre-tout, comme l’a dit notre collègue Jean-Pierre Michel.

Vous deviez simplifier ? Vous multipliez les exceptions. Vous deviez alléger le poids financier de la norme ? Vous diminuez les droits et libertés de nos concitoyennes et de nos concitoyens et vous mettez un terme à l’égalité entre toutes et tous, où qu’ils habitent et se trouvent.

En matière d’accessibilité, permettre que des dérogations soient accordées de plein droit par les préfets crée un important risque d’inéquité entre les citoyens selon l’endroit où ils résident. L’accessibilité est, au contraire, un domaine dans lequel il faut maintenir un niveau élevé d’exigence.

Certes, le président de l’Association des maires de France a indiqué au Premier ministre, dans une lettre qu’il lui a adressée en octobre 2010, que « parmi les normes considérées comme les plus exigeantes financièrement, les élus sont nombreux à citer en premier lieu celles relatives à l’accessibilité des bâtiments aux personnes en situation de handicap ».

Mais encore fallait-il lire ce courrier jusqu’au bout ! En effet, les élus locaux ne contestent pas la légitimité de ces règles ; ils en comprennent bien sûr l’intérêt, mais souhaitent être aidés financièrement dans leur mise en œuvre…

La majorité présidentielle tente, une nouvelle fois, de porter atteinte au principe d’accessibilité des bâtiments publics au profit d’un simple principe d’accès au service public ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Démagogie !