Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, soyons précis : il ne s’agit pas aujourd'hui de refaire le débat sur la récente réforme territoriale.

Sur ce sujet, la majorité actuelle de notre assemblée a marqué des désaccords de fond. Je pense en particulier aux compétences, sur lesquelles il est fait silence, alors que c’est l’une des grandes questions posées ; je pense au conseiller territorial, qui, selon nous, porte atteinte au fait régional ainsi qu’à la parité…

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et institutionnalise le cumul des mandats.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est d’autres points dont on pourrait débattre. Je pense en particulier aux conséquences à tirer, en termes de démocratie, de l’essor de l’intercommunalité.

Nous avons débattu de cette réforme, sur laquelle il existe des désaccords. Nous avons voté ici la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. Nous verrons dans les semaines qui viennent le sort qui lui sera réservé. Tout cela est clair.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour parler de problèmes concrets : les difficultés auxquelles se trouvent confrontés un grand nombre d’élus locaux dans l’application de la réforme territoriale.

Dès le mois d’octobre, nous avons pris l’initiative d’un débat sur ce sujet à l’occasion de la discussion d’une proposition de loi que j’avais déposée, qui a été enrichie et complétée. À cet égard, je tiens à souligner le travail tout particulier qui a été accompli par notre rapporteur, Alain Richard.

Parallèlement, comme chacun le sait, Jacques Pélissard, député et par ailleurs président de l’AMF, a pris l’initiative de présenter un texte comportant nombre de points de concordance avec le texte adopté par le Sénat.

Nous avons aujourd'hui souhaité parvenir à un texte afin tout simplement de répondre à un certain nombre de questions précises, pratiques, concrètes. Nous y sommes arrivés, ou du moins sommes-nous en passe d’y parvenir.

Je tiens donc à remercier tous ceux qui ont permis ce rapprochement, au premier rang desquels M. Pélissard, qui m’a écrit qu’il espérait que « notre » proposition de loi, comme si les deux n’en faisaient plus qu’une, parviendrait à bon port.

Bien entendu, je salue le rapporteur de ce texte au Sénat, Alain Richard, ainsi que le rapporteur à l’Assemblée nationale, Charles de la Verpillière.

Je vous remercie aussi, monsieur le ministre, car vous avez souhaité que le processus législatif aboutisse. Ce n’était pas évident au départ, même si M. le Premier ministre avait pris un engagement en ce sens lors du congrès des maires de France. Vous nous l’avez dit, vous avez bien voulu reprendre les deux articles déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution par la commission des finances de l’Assemblée nationale, sans lesquels notre texte aurait perdu de sa substance.

La séance de cet après-midi aura montré que, contrairement à ce que dépeignent certaines caricatures, l’assemblée sénatoriale, si elle affirme ses positions et si sa majorité s’exprime, ce qui est bien la moindre des choses dans une République, peut parvenir à dégager un large accord. C’est arrivé lors du premier texte dont nous avons débattu cet après-midi, relatif à la fonction publique. J’espère que nous y parviendrons aussi sur la présente proposition de loi.

Qu’il me soit permis, pour finir, d’insister sur trois points.

Premièrement, la présente proposition de loi est pragmatique. Nombre d’élus locaux nous avaient indiqué qu’il n’était pas cohérent à leur sens de changer une assemblée communautaire en cours de mandat.

Je prends l’exemple d’une communauté de communes créée depuis quelques années, au sein de laquelle chaque commune, même si elle comporte moins de 500 habitants, dispose de deux délégués. Les élus souhaitaient que l’on puisse maintenir les mandats en cours, même si le périmètre de la communauté était modifié par l’adjonction d’une commune ou deux. Grâce à la présente proposition de loi, ce sera possible. Ce texte, pragmatique, répond donc à une préoccupation exprimée par de très nombreux élus.

Il en va de même pour les modifications apportées aux règles relatives aux suppléants des délégués, qui avaient été demandées par de nombreux élus locaux. Nous pensons qu’il fallait absolument leur donner satisfaction sur ce point.

Deuxièmement, le présent texte règle la question de la répartition de certaines compétences, notamment en matière scolaire et sociale. Jacqueline Gourault, que je n’ai pas encore citée,…

M. René Garrec. C’est fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … était très attachée à ce que l’on pût conserver les syndicats scolaires, voire en créer de nouveaux. Cela me semble être une question fondamentale, qui tient au rapport entre la commune et l’école.

Dans chaque commune de France, les républicains ont installé une mairie et une école. Dans notre pays, il y a un lien consubstantiel entre l’école et la commune. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Les nombreuses missives de nos préfets, suggérant parfois vigoureusement aux maires de se dessaisir de la compétence scolaire au bénéfice de la communauté de communes, passaient très mal.

Mme Nathalie Goulet. Très mal !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, comme de nombreux élus de ce pays, nous pensons que, si les communautés de communes sont nécessaires, les communes doivent continuer d’exercer leur office.

Il s’agit non pas de créer les communautés contre les communes mais de montrer à ces dernières que, en choisissant librement de devenir membres d’une communauté de communes et de mutualiser certaines compétences, elles sont plus fortes et exercent certaines prérogatives de manière plus satisfaisante. Encore faut-il, pour cela, qu’elles disposent toujours de prérogatives substantielles. À cet égard, il existe en France des milliers de syndicats scolaires qui regroupent deux, trois ou quatre communes et qui n’ont pas la taille d’une intercommunalité composée de dix, quinze ou vingt communes.

La volonté de garder le lien entre l’école et la commune était donc réelle. Certains maires nous ont d’ailleurs confié leur crainte d’un engrenage, si les compétences des communes en matière scolaire étaient supprimées. En effet, que leur resterait-il si, en outre, leurs compétences à caractère associatif disparaissaient et si elles n’avaient plus d’attributions qu’en matière d’état-civil ? Si tel était cas, la communauté de communes prendrait la place de la commune. Or cela n’est absolument pas conforme à ce que souhaitent nos concitoyens, qui sont, vous le savez bien, mes chers collègues, viscéralement attachés à leur commune.

Il était donc très important que l’on pût conserver les syndicats scolaires ainsi que les syndicats à vocation sociale.

Troisièmement, la présente proposition de loi respecte les libertés locales. La proposition de loi adoptée par le Sénat à l’automne dernier confiait la décision ultime en matière d’intercommunalité – c’était l’un de ces principaux apports – aux commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI, qui devaient ainsi pouvoir peser de tout leur poids.

Autrement dit, la décision devait revenir aux élus. Certes, comme l’a très bien expliqué Alain Richard, la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale ne reprend pas exactement ce principe ; c’est tout à fait exact. Cela dit, elle rend concrètement le pouvoir aux élus dans deux situations : dans le cas où le préfet s’écarterait d’un schéma départemental adopté, la commission départementale reprendrait ses prérogatives à la majorité des deux tiers ; dans les trente-trois départements où le schéma départemental n’est pas adopté, la commission départementale, c'est-à-dire les représentants des élus, exercera pleinement ses prérogatives.

Si l’on examine la question objectivement, il me semble donc pouvoir dire que la présente proposition de loi, largement inspirée de la nôtre – disons que les inspirations ont été convergentes ! –, contient l’essentiel de ce que le Sénat a voté à l’automne.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, moi aussi, à adopter conforme le texte transmis par l’Assemblée nationale. Ce n’est pas forcément l’habitude de la Haute Assemblée.

M. Éric Doligé. C’est dommage ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas toujours ce que l’on fait, en effet.

Mme Nathalie Goulet. Bis in idem ! C’est arrivé deux fois !

M. Éric Doligé. Il aurait été bien que cela arrive aussi la semaine dernière !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En l’occurrence, l’adoption conforme m’apparaît pleinement justifiée. Les milliers d’élus locaux qui sont confrontés aux difficultés dont nous discutons nous seront reconnaissants d’avoir adopté un texte précis, répondant à leurs attentes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais vous dire toute ma satisfaction de voir la proposition de loi du député Jacques Pélissard débattue aujourd'hui au Sénat. Je le dis sans attendre, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera conforme le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Cependant, je suis un peu ennuyée. Mon discours ressemble tellement à celui de Jean-Pierre Sueur que je crains qu’il n’en soit la répétition.

M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas désagréable à entendre !

Mme Jacqueline Gourault. J’essaierai néanmoins de dire les mêmes choses à ma manière.

Je voudrais remercier tous ceux qui ont compris l’intérêt de la présente proposition de loi.

Tout d’abord, je tiens à saluer son auteur, Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, dont l’initiative, en l’occurrence, revêt une signification nécessairement particulière. Je félicite également les rapporteurs à l’Assemblée nationale, M. de la Verpillière, et au Sénat, M. Alain Richard, qui ont su rapprocher avec intelligence la proposition de loi Sueur, adoptée au Sénat le 4 novembre 2011, et la présente proposition de loi Pélissard, afin de proposer un texte qui reprend l’essentiel de nos préoccupations communes.

À cette occasion, je me permets de dire que j’aurais aimé que le même esprit prévale lors du débat sénatorial tenu en novembre dernier, tant l’intercommunalité et la gouvernance territoriale dépassent largement les clivages. Je me félicite d'ailleurs d’avoir voté à cette occasion la proposition de loi Sueur,…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. … comme ce fut aussi le cas de ma collègue et amie Nathalie Goulet.

Je remercie enfin le Gouvernement, qui a déposé, lors de la discussion du présent texte à l’Assemblée nationale, des amendements tendant à rétablir les très importants articles 3 et 4, que la commission des finances de l’Assemblée nationale avait cru bon d’annuler au titre de l’article 40 de la Constitution. Je vous remercie, monsieur le ministre, car la loi n’aurait pas existé si vous n’aviez pas déposé ces amendements !

Ainsi, un certain nombre de décisions comprises dans la présente proposition de loi faciliteront la vie des élus locaux, dans leur démarche globale de réforme de la carte intercommunale.

Deux objectifs ont ainsi été atteints.

Tout d’abord, cela a été rappelé, la présente proposition de loi aménage les modalités de consultation des CDCI afin d’organiser, tout au long de l’année 2012, la poursuite de la concertation dans les trente-trois départements – ce n’est pas rien ! – dépourvus de schéma de coopération intercommunale. En 2012, il sera donc possible, au sein de ces départements, parmi lesquels figure d’ailleurs celui dont je suis l’élue, de travailler sur l’avancée de la réforme la carte intercommunale, ce qui est très important.

Le présent texte propose en outre des aménagements à la réforme, permettant d’apporter de la souplesse et des solutions concrètes à des difficultés fonctionnelles, qui avaient été signalées par les associations représentatives d’élus locaux. Le terrain, si je puis dire, a fait remonter un certain nombre de sujets.

La proposition de loi permet, tout d’abord, l’assouplissement des conditions de création des syndicats en matière scolaire et d’action sociale. Je n’insiste pas davantage sur ce point, car Jean-Pierre Sueur vient de le développer largement.

Elle autorise ensuite le maintien, jusqu’au prochain renouvellement, des règles de désignation des conseillers communautaires et de leur bureau selon les dispositions du code général des collectivités territoriales antérieures à celles qui sont issues de la loi de 2010. M. le ministre l’a rappelé avec gentillesse il y a un instant, les questions d’actualité au Gouvernement peuvent parfois déboucher sur quelque chose de concret ! En effet, c’est à l’occasion d’une telle séance de questions que j’avais porté ce problème à sa connaissance. Au moment de préparer une fusion intercommunale, un élu de terrain voit, dans la pratique, qu’il est nécessaire de revenir sur certaines choses qui sont passées sans que personne, d’ailleurs, ait eu d’intention particulière à cet égard.

Le présent texte apporte aussi une solution à un problème rencontré par les communes ne disposant que d’un délégué au sein d’une communauté. Ce point est très important pour les plus petites communes et les communes rurales. Une telle situation n’est pas inhabituelle et résulte du tableau voté dans la loi de 2010. Si elles avaient voulu appliquer strictement cette loi, ce qui est obligatoire, ces communes n’auraient pu disposer de suppléant au délégué communautaire titulaire, du moins jusqu'en 2014. Sur ce point encore, il avait échappé à beaucoup que le texte voté en 2010 ne permettait pas d’élire des suppléants aux délégués uniques des communes. La présente proposition de loi, dès qu’elle sera promulguée, y remédiera, ce qui, bien sûr, est très important.

Je ne prolongerai pas davantage mon intervention mais, nous le savons tous, nous ne sommes pas au bout de la réforme des collectivités territoriales.

Plusieurs intervenants, en particulier M. le président de la commission des lois, ont abordé la question des compétences. Lors du débat de 2010, nous avions été nombreux à constater que l’on mettait la charrue avant les bœufs. Il aurait fallu commencer par débattre des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales. Ce n’est pas sous cet angle que le Gouvernement a voulu engager sa réforme ; je le regrette toujours. Nous aurons d’autres occasions d’en débattre.

Dans l’immédiat, tout ce qui rassure et facilite la vie des élus locaux est naturellement très positif. C'est la raison pour laquelle nous voterons la présente proposition de loi sans réserve. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la lecture des propositions émises par l’Assemblée nationale pour assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, on serait tenté de dire : « Tout ça pour ça », tant ce texte a minima est décevant au regard des interrogations soulevées par le volet concerné de la réforme des collectivités.

Monsieur le ministre, après la cuisante défaite de votre camp aux élections sénatoriales, d’ailleurs due en grande partie à la colère des élus locaux contre votre réforme bâclée et autoritaire, après l’excellent travail de notre collègue Jean-Pierre Sueur et de la majorité du Sénat, vous avez envoyé en catastrophe le pompier Pélissard pour tenter d’éteindre l’incendie à la veille d’un nouveau scrutin périlleux.

Les quelques assouplissements proposés à la loi du 16 décembre 2010 ne font évidemment pas le compte et ne répondent que très partiellement au désaveu infligé par les commissions départementales de coopération intercommunale à votre procédure.

Dans le tiers des départements, les préfets, malgré les moyens de pression dont ils disposent sur les maires des petites communes, n’ont pas réussi à imposer leurs vues au sein des commissions départementales. Ils ont échoué dans la mise en œuvre de cette réforme phare du Président de la République.

Dans ces conditions, le Gouvernement hésite aujourd’hui à passer en force en mettant en œuvre les procédures prévues.

En effet, les articles 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010 prévoient déjà le cas de figure où la CDCI n’adopterait pas le schéma départemental de coopération intercommunale.

Le préfet peut alors malgré tout prendre les arrêtés de création, de modification de périmètres ou de fusion d’intercommunalités et de suppression ou de modification de périmètres de syndicats intercommunaux. Si ces arrêtés correspondent au projet qu’il a soumis à la CDCI, il n’a pas l’obligation de saisir à nouveau la commission, mais rien ne lui interdit de le faire. Et si ses arrêtés diffèrent de son projet initial, il a l’obligation de saisir la CDCI.

Or, si les schémas n’ont pas été adoptés dans certains départements, c’est bien en raison du désaccord de la CDCI sur les périmètres d’intercommunalités et sur les modifications des syndicats proposés par les préfets.

Dans ces conditions, si le préfet prend en compte ces divergences et propose des arrêtés qui répondent aux attentes de la commission, ces documents ne correspondront plus à son projet initial. Ce faisant, la consultation des CDCI devient obligatoire.

Finalement, nous venons de le voir, cette proposition de loi se limite à un aménagement à la marge des procédures d’élaboration des schémas départementaux. Grâce à elle, les préfets disposeront d’une année supplémentaire pour obtenir l’accord des commissions départementales sur leur projet.

Toutefois, au final, en cas de désaccord persistant, il n’y a pas de changement. Ils pourront toujours imposer leur vision, entre le 1er janvier et le 1er juin 2013. C’est donc toujours le poids du préfet qui reste déterminant, au détriment du rôle des élus et des CDCI.

Pour notre part, nous ne pouvons pas accepter cette frilosité persistante à l’égard des élus – le sujet, je le rappelle, les concerne tout de même au premier chef – et cette mainmise autoritaire des préfets.

Ainsi, cette proposition de loi ne remet nullement en cause les objectifs et les modalités de réalisation de la refonte de la carte intercommunale, visant au regroupement à marche forcée des structures intercommunales au nom d’une rationalisation autoritaire et technocratique, ce qui est loin d’être une priorité pour nos concitoyens.

Or c’est justement cette politique qui est aujourd’hui rejetée dans un grand nombre de départements ; certains n’ont pas adopté leur schéma départemental et beaucoup d’autres ont remis en cause les projets de regroupement qui leur étaient proposés.

Ainsi, après les très légères modifications des articles 60 et 61, que nous venons de voir, cette proposition de loi précise que les schémas départementaux seront revus dès 2015. Sont-ils si mauvais que leur révision doive être si rapide ?

Une autre modification apportée concerne le maintien, en certaines circonstances, des élus communautaires jusqu’à la fin de leur mandat, en 2014. Il s’agit là d’une mesure d’attente, respectueuse des élus communautaires qui sont actuellement en activité. C’est une bonne chose. Nous avions nous aussi demandé cette mesure.

Les autres modifications apportées par ce texte visent les pouvoirs de police, qui sont transférés automatiquement aux présidents des intercommunalités, dans le cadre d’un transfert de compétences d’une commune vers un EPCI.

Nous sommes opposés à ce principe d’automaticité du transfert qui figure actuellement dans la loi. À notre avis, les maires doivent décider de la transmission de leur pouvoir de police de manière volontaire.

Aussi, nous n’allons pas autoriser aujourd’hui un président d’intercommunalité à refuser d’assumer les pouvoirs de police qui lui sont transférés du fait qu’un certain nombre de maires reprendraient leurs pouvoirs.

Au fond, cette mesure ne fait que conforter le rôle primordial des présidents d’intercommunalité. Elle leur permettrait même de faire pression sur les maires « récalcitrants ».

Enfin, la dernière mesure proposée vise à permettre, par dérogation, la mise en place de syndicats intercommunaux dans certains domaines, par-delà le périmètre des EPCI.

Le Gouvernement s’est enfin rendu compte qu’il y avait un risque de blocage, en particulier dans le cadre scolaire. (M. le président de la commission des lois acquiesce.) Notre collègue Jean-Pierre Sueur l’a expliqué de manière tout à fait claire.

Ainsi, et nous le voyons mieux, c’est pour tenter de répondre aux difficultés rencontrées que cette proposition de loi a été déposée.

Cependant, ce texte ne vise qu’à retarder ou corriger légèrement des dispositions de la réforme territoriale, pour tenter d’en favoriser à tout prix l’application.

Comme l’a clairement indiqué l’auteur de la proposition de loi lors du débat en commission à l’Assemblée nationale, l’objectif est ici « d’apporter un peu plus de souplesse à la loi du 16 décembre 2010 en matière de calendrier, de compétences et de gouvernance ». Il a même ajouté que le texte se contentait d’« apporter quelques ajustements, sans modifier entièrement la loi ».

La proposition de loi de M. le président de la commission des lois, que nous avons adoptée au mois de novembre dernier, elle, remettait en cause les pleins pouvoirs des préfets, rendait une place plus importante, voire centrale, à la CDCI et s’inscrivait dans une démarche politique d’abrogation de la loi du 16 décembre 2010. Tel n’est pas le cas de la présente proposition de loi.

Faut-il rappeler ici que nous ne partageons pas les objectifs d’achèvement autoritaire et précipité de la carte intercommunale ?

Nous connaissons trop d’exemples d’intercommunalités « bidon », réalisées à des fins purement politiciennes, sans réel projet de territoire, pour ne pas tirer la sonnette d’alarme. Que penser, ainsi, d’une communauté d’agglomération qui se limiterait à deux communes, comme c’est le cas dans le département dont je suis l’élu, sans projet de territoire et avec pour seule justification la proximité politique entre les maires des deux villes concernées ?

Nous continuons de considérer qu’aucune commune, aucune intercommunalité ne doit être contrainte au regroupement contre son gré. Toute intercommunalité doit procéder d’une décision conforme au respect de la libre administration des communes et être fondée sur un projet de territoire partagé.

Pour nous, une intercommunalité est d’abord un outil de coopération, non un vecteur d’intégration forcée, au détriment des compétences communales. Elle doit être le résultat d’une véritable démarche démocratique, associant tous les citoyens, qui – il faut le reconnaître – sont aujourd’hui les grands absents de cette réforme.

De même, nous ne sommes pas favorables à la suppression des syndicats existants tant qu’ils répondent à des besoins. Nous restons convaincus que leur disparition favoriserait bien souvent le remplacement de la gestion publique par une gestion marchande.

Aussi, pour toutes ces raisons, notre groupe ne pourra pas soutenir cette proposition de loi. Nous voterons contre, pour affirmer qu’une autre vision est possible et qu’un autre chemin doit être emprunté pour soutenir et favoriser la coopération entre toutes les collectivités territoriales. Les états généraux de la démocratie territoriale, préparés par notre assemblée, devraient nous le permettre. C’est dans cette perspective que nous inscrivons notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je l’ai toujours pensé, il est bon que les dispositions relatives à l’intercommunalité puissent faire l’objet d’un vote consensuel.

Pour cela, le Gouvernement a fait une concession importante – certes, le texte dont nous discutons porte non sur de grandes orientations, mais sur des modalités d’application concrète – en renonçant, de fait, aux pouvoirs spéciaux qui avaient été accordés aux préfets pour l’année 2012. Le pouvoir d’avis et d’amendement des commissions départementales de la coopération intercommunale est prolongé jusqu’au 1er juin 2013, tant qu’un schéma directeur de la coopération intercommunale n’a pas été adopté.

Monsieur le ministre, lors du débat organisé au Sénat le 9 novembre 2010 sur le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, j’avais conseillé à votre prédécesseur de renoncer à ces pleins pouvoirs préfectoraux, qui ne conviennent pas à l’esprit de l’intercommunalité.

Je n’irai pas aussi loin que notre collègue Christian Favier. Lui et les membres de son groupe ont toujours été hostiles à l’intercommunalité. (Marques de dénégation sur les travées du groupe CRC.) Ils sont pour – je reprends l’expression employée par un député en 1999 – la « souveraineté des communes ». Pour ma part, je ne vais pas jusque-là ; j’admets qu’il puisse y avoir des règles de majorité. Pour moi, la souveraineté s’exerce au niveau national. Mais il s’agit là d’un autre débat, sur lequel je préfère glisser…

Comme je l’avais alors indiqué, le Gouvernement avait choisi d’utiliser « un marteau-pilon pour écraser une mouche » ! Depuis lors, il a heureusement retiré le marteau-pilon de son arsenal, disposant d’autres armes moins écrasantes et tout aussi efficaces. Les préfets ont un pouvoir de conviction suffisant par eux-mêmes et les élus ont un sens de la responsabilité que nul ici ne contestera.

La proposition de loi qui nous est transmise par l’Assemblée nationale doit évidemment beaucoup à M. Pélissard et aux travaux de l’Association des maires de France. Elle doit beaucoup aussi à la proposition de loi sénatoriale de M. Jean-Pierre Sueur, dont je salue la contribution décisive. La commission des lois, selon l’excellent rapport de M. Alain Richard, considère que les ultimes réglages auxquels il a été procédé atteignent suffisamment les objectifs que la proposition de loi sénatoriale s’était assignés pour qu’il n’y ait pas lieu de prolonger le débat.

Bien entendu, le vote de la majorité sénatoriale concerne seulement la mise en œuvre de la partie de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui concerne l’achèvement de l’intercommunalité. Si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant…

Les mandats des membres des bureaux des EPCI sont préservés jusqu’à 2014 dans des conditions qui sont réglées soit par délibération de l’EPCI, soit, à défaut, sur décision du préfet. Il en va de même pour les suppléants, les dispositions antérieures étant maintenues jusqu’en mars 2014. Tout cela relève du bon sens. Il suffisait d’y penser un peu plus tôt. Mais vous n’étiez pas encore en fonction, monsieur le ministre !

C’est évidemment la consultation obligatoire de la CDCI qui est au cœur du projet qui nous est soumis. La préservation de son pouvoir d’amendement est essentielle, y compris si aucun schéma n’a été arrêté.

La proposition de loi prévoit aussi de porter de trois mois à deux ans – c’est le temps qu’il faut pour mener à bien les concertations nécessaires – le délai fixé à l’EPCI à fiscalité propre résultant d’une fusion pour se déterminer sur les compétences facultatives exercées précédemment par les groupements dissous, en lui ouvrant la possibilité de n’en exercer qu’une partie et de restituer le surplus aux communes.

Je me réjouis de voir ainsi progresser l’intercommunalité. Ce sont les derniers mètres qui comptent : si l’on ne franchit pas la ligne d’arrivée, on n’a pas gagné la course ! L’achèvement de la carte de celle-ci constituait certainement la partie de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales qui posait le moins de problèmes.

Quoi qu’il en soit, il est satisfaisant de saluer à ce jour la disparition d’une centaine d’enclaves ou de discontinuités territoriales et l’entrée de 1 200 communes isolées dans des intercommunalités. La réduction d’environ 20 % du nombre des EPCI et l’augmentation de 24 % de leur population moyenne vont dans le sens, il faut le souligner, d’un progrès de la solidarité financière et de la cohésion territoriale, sociale et nationale.

Par ailleurs, je me réjouis, bien que cela ne concerne pas ce texte, de voir que, à ce jour, huit pôles métropolitains ont été constitués. Cette formule donne une visibilité certaine à nos agglomérations, même si une seule métropole, celle de Nice, a été instaurée. Convient-il de s’en étonner ? Il fallait s’attendre à ce que les régions et les départements ne se laissent pas facilement étêter !

Monsieur le ministre, l’intercommunalité est une œuvre de longue haleine. Une première clause de rendez-vous a été fixée à 2015, ce qui est une bonne chose. Il y a toujours des progrès à faire : certaines communautés de communes ne disposent pas de ressources suffisantes, alors que d’autres, situées à proximité, contiguës même, sont beaucoup plus riches. Des regroupements devront encore être opérés.

Ultérieurement, d’autres clauses de rendez-vous interviendront, à intervalle de six ans, l’année qui suivra le renouvellement des conseils municipaux.

L’intercommunalité est une œuvre d’ampleur, qui doit permettre un meilleur aménagement du territoire et la mise en œuvre de politiques permettant d’améliorer la mixité sociale, notamment dans le domaine de l’habitat. Elle est surtout, à mes yeux, la bonne réponse face à un problème récurrent, spécifique à la France, celui de ses 36 600 communes.

C’est évident, chers collègues communistes, la commune doit rester l’échelon de base de la démocratie ! L’intercommunalité le permet en créant un échelon stratégique en matière de compétences et de ressources et pertinent pour la mise en œuvre de politiques efficaces.

Mesurons le chemin parcouru en vingt ans depuis la loi du 6 février 1992, dite Joxe-Marchand-Baylet,…