Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

M. Jean Boyer, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

1. Procès-verbal

2. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Décision du Conseil constitutionnel

5. Modification de l'ordre du jour

6. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité

7. Renvoi pour avis

8. Rappel au règlement

Mme Nathalie Goulet, M. le président.

9. Exécution des peines. – Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale : M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Michel, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Christophe-André Frassa, Mme Esther Benbassa, M. Jean-Marie Bockel, Mme Éliane Assassi.

Clôture de la discussion générale.

M. le garde des sceaux.

Question préalable

Motion no 1 de la commission. – Mme la rapporteur, MM. le garde des sceaux, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. – Adoption de la motion entraînant le rejet du projet de loi.

10. Contrôle des armes. – Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des lois.

Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Vincent Placé, Jean-Jacques Mirassou, Gérard César.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 3, 8, 15, 20, 27 à 32, 35 et 35 ter. – Adoption

Adoption définitive de l’ensemble de la proposition de loi.

11. Formations supplétives des forces armées. – Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Mlle Sophie Joissains, rapporteur de la commission des lois.

MM. Robert Tropeano, Jean-Pierre Michel, Mme Isabelle Pasquet, MM. Raymond Couderc, Pierre Charon, Mme Esther Benbassa.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Adoption définitive de l'article unique de la proposition de loi.

12. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi

13. Retrait d'une question orale

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Boyer,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 23 février 2012, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi organique relative au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle.

Acte est donné de cette communication.

5

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 23 février 2012, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour des jeudi 1er et vendredi 2 mars de la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile des pratiquants sportifs.

Pour ces deux propositions de loi, le temps accordé dans la discussion générale aux orateurs des groupes pourrait être d’une heure.

Il n’y a pas d’opposition ?...

En conséquence, l’ordre du jour des jeudi 1er et vendredi 2 mars 2012 s’établit comme suit :

Jeudi 1er mars 2012

À 9 heures 30 :

- Suite du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire ;

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ;

À 15 heures et le soir :

- Questions d’actualité au Gouvernement ;

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile des pratiquants sportifs ;

- Suite de l’ordre du jour du matin ;

Vendredi 2 mars 2012

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite de l’ordre du jour de la veille.

6

Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 24 février 2012, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2011-224 QPC).

Acte est donné de cette communication.

7

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire (n° 422, 2011-2012), dont la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

8

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement.

En tant que vice-présidente du groupe d’amitié France-Arabie Saoudite-Pays du Golfe, je tiens à appeler l’attention du Sénat sur la situation de Hamza Kashgari, bloggeur saoudien, qui vient d’être condamné à mort pour avoir adressé trois tweets – assez indélicats, je l’avoue – à Allah, dont il n’a, évidemment, pas reçu de réponse.

Pour ces tweets malheureux, après avoir été victime à la fois d’une arrestation et d’une procédure d’extradition en Malaisie, où, se sentant menacé et craignant pour son intégrité physique, il s’était rendu, il est maintenant emprisonné en Arabie Saoudite et nombreux sont ceux qui s’inquiètent pour son sort.

Nous respectons tous la liberté du culte, mais ce type d’acte ne mérite vraisemblablement pas la peine de mort, raison pour laquelle j’ai souhaité attirer aujourd'hui l’attention de notre Haute Assemblée sur la situation de ce bloggeur. Je profite de l’occasion pour rappeler que, s’il n’est plus sous les feux de l’actualité et n’intéresse donc plus personne, le cas de Sakineh, menacée de lapidation, n’est toujours pas réglé.

M. le président. Madame Goulet, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

9

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines
Discussion générale (suite)

Exécution des peines

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de programmation relatif à l’exécution des peines (projet de loi n° 386, rapport n° 399).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines
Question préalable (début)

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne peut y avoir de politique pénale efficace sans exécution des peines. C’est le fondement même de la justice.

Les magistrats font leur travail, je le dis souvent et c’est la vérité, avec sérieux et conviction ; ils appliquent strictement les lois que vote le Parlement. Pour la crédibilité même de la justice, il est indispensable que les sanctions qu’ils prononcent soient exécutées, d’où l’importance de ce projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, qui vient poursuivre et amplifier l’effort engagé, depuis déjà plus d’an, avec le plan national d’exécution des peines.

Lors de la précédente lecture de ce texte par votre Haute Assemblée, nous avons constaté que le Gouvernement soutenu par la majorité présidentielle, d’une part, et la majorité sénatoriale, d’autre part, avaient deux visions assez opposées en la matière. L’échec de la commission mixte paritaire a montré que ces positions ne pouvaient être rapprochées.

Je regrette cependant que la commission des lois ait choisi, par la présentation d’une question préalable, de ne pas poursuivre le débat sur ce texte. Les enjeux de la loi de programmation sont, en effet, primordiaux, tant pour garantir la célérité et l’effectivité de l’exécution des peines que pour renforcer nos capacités de prévention de la récidive et améliorer la prise en charge des mineurs délinquants.

Tout d’abord, je crois que chacun de nous reconnaît la nécessité de lutter contre la surpopulation carcérale et de mener une « politique dynamique d’aménagements de peine […] afin de favoriser la réinsertion et […] mieux lutter contre la récidive », pour reprendre les propres termes de Mme le rapporteur.

Toutefois, les moyens pour y parvenir doivent être adaptés à la réalité des besoins et répondre aux exigences fondamentales de notre droit et de notre procédure pénale.

Le numerus clausus et l’automaticité en matière d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle, introduits par le Sénat, soulevaient des difficultés de principe et, surtout, n’étaient pas de nature à répondre aux enjeux de l’exécution des peines ou de la surpopulation carcérale.

L’aménagement de peine ne peut en aucun cas être conçu comme une variable d’ajustement pour lutter contre la surpopulation carcérale : son objectif est de préparer à la réinsertion de la personne condamnée, conformément aux conditions posées par la loi du 24 novembre 2009. En l’occurrence, l’automaticité est sans nul doute contraire aux principes posés par cette loi. Ce sont, je le rappelle, la personnalité, le profil et la qualité du projet du condamné qui doivent fonder la décision, toujours prise par un magistrat, d’aménagement de peine.

Depuis le début du quinquennat, contrairement à ce que certains ont avancé, le Gouvernement s’est résolument engagé dans cette voie. Aujourd’hui, 10 700 condamnés bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou, sous forme de surveillance électronique, de semi-liberté ou de placement extérieur : c’est 125 % de plus qu’en mai 2007 !

Je veux rappeler aussi qu’une politique pénale et pénitentiaire responsable passe d’abord par l’individualisation de la peine et donc par la recherche d’un équilibre entre l’incarcération et l’aménagement de la peine : ni « tout carcéral », ni aménagement de peine automatique ne peuvent être satisfaisants.

Ensuite, augmenter la capacité du parc pénitentiaire n’est pas mettre en place une politique du « tout carcéral », mais bien répondre à la réalité des besoins. C’est permettre de résorber le stock de peines d’emprisonnement en attente d’exécution, stock que nous avons déjà réduit, mais 85 000 personnes condamnées à la prison ferme sont encore en attente d’exécution de leur peine.

Porter à 80 000 le nombre de places de prison, à l’horizon 2017, comme le prévoit le projet de loi de programmation, nous donnera les moyens pour que soient respectées les exigences fondamentales de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, auxquelles le Gouvernement et le Parlement sont très attachés.

Chacun de nous sait bien, en effet, l’importance qui s’attache à la lutte contre le surencombrement de nos prisons pour garantir la dignité des détenus et pour permettre un véritable travail de réinsertion.

La création des nouvelles places de prison nous permettra d’atteindre un taux d’encellulement individuel conforme aux objectifs de la loi pénitentiaire.

À cet égard, je veux souligner que les nouvelles places résulteront de la construction de nouveaux bâtiments mais aussi du réaménagement de prisons existantes. Je me suis rendu, voilà quelques jours, dans la Manche et j’ai pu constater qu’il était tout à fait nécessaire de conserver, à côté de la prison neuve en construction à Saint-Lô, les prisons de Coutances et de Cherbourg.

Ces deux prisons vont être réaménagées et contribueront naturellement à atteindre le chiffre de 80 000 places, comme celles d’Aurillac ou de Lure,…

Mme Nathalie Goulet. Celle d’Alençon !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … et bien d’autres que nous avons conservées, notamment parce qu’elles correspondent au fonctionnement de certains tribunaux.

Faute de places suffisantes et faute d’établissements adaptés, nous ne pourrons faire en sorte que la détention, au-delà de la peine, soit aussi une période de réinsertion, ce qui permettait de mieux lutter contre la récidive. C’est pourquoi nous avons inscrit dans le projet de loi de programmation la création d’établissements pour courtes peines. Je rappelle que, sur les 85 000 peines d’emprisonnement ferme qui sont aujourd’hui en attente d’exécution, plus de la moitié ont une durée inférieure ou égale à trois mois.

J’en suis d’accord, il serait tout aussi illusoire de croire que toutes ces peines sont éligibles à un aménagement de peine que de penser qu’elles devront toutes être exécutées en prison. Nous avons donc créé des établissements pour courtes peines qui apporteront une réponse adaptée aux objectifs de la loi pénitentiaire.

Je rappellerai simplement les termes de ce texte : la peine d’emprisonnement ferme doit être le « dernier recours », mais, pour autant, dans certains cas, « la gravité de l’infraction, la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire ».

La loi n’a pas entendu prévoir un aménagement systématique des peines inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement. Cet aménagement est laissé à l’appréciation du juge, au regard des garanties sérieuses de réinsertion dont justifie le condamné. C’est à cette condition que nous respectons le principe d’individualisation des peines et que nous permettons aux condamnés de bénéficier d’un véritable parcours d’exécution de peine.

Par ailleurs, dire que nous n’avons pas veillé au renforcement des services pénitentiaires d’insertion et de probation et que le projet de loi de programmation ignore cet objectif essentiel ne correspond d’aucune manière à la réalité de notre action. C’est faux !

Je rappelle que, depuis 2007, les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, ont vu leurs effectifs s’accroître de plus de 1 100 postes et qu’ils comptent aujourd’hui près de 4 100 personnels, soit plus de 40 % d’augmentation. Cette croissance a été plus forte que celle du nombre de personnes placées sous main de justice, ce qui a permis d’améliorer la qualité du suivi effectué par les conseillers d’insertion et de probation.

Le projet de loi de programmation, qui prévoit la constitution d’équipes mobile dans les SPIP et confie au secteur associatif habilité des enquêtes pré-sentencielles, permet aussi de recentrer l’action des personnels des SPIP sur leur cœur de métier, à savoir le suivi et la réinsertion des condamnés.

Avec ce texte, 132 conseillers seront réaffectés sur le suivi post-sentenciel des condamnés, 88 postes de conseillers d’insertion et de probation mobiles seront créés et 103 psychologues seront recrutés pour mettre en place la pluridisciplinarité dans les services. Cela correspond, au total, à plus de 300 équivalents temps plein travaillé supplémentaires pour les SPIP.

La prévention de la récidive constitue depuis 2007 un objectif majeur de l’action du Gouvernement. La politique de réinsertion en demeure un volet essentiel, mais elle doit s’accompagner d’autres outils qui garantissent le meilleur suivi des condamnés, tels que l’évaluation de la dangerosité, le développement des soins en détention et l’échange d’informations.

Le projet de loi de programmation nous permet de franchir un nouveau pas dans ce sens.

Ainsi, supprimer les dispositions relatives à l’évaluation de la dangerosité des personnes détenues, comme vous l’aviez fait en première lecture, mesdames, messieurs les sénateurs, conduirait à priver les acteurs de la chaîne pénale d’outils indispensables à une meilleure identification des risques de récidive. Je sais que vous n’étiez pas opposés, par principe, à ces outils.

Avec la généralisation du diagnostic à visée criminologique, nous mettons en place une évaluation pluridisciplinaire et systématique des condamnés.

La création de trois nouveaux centres d’évaluation, aux côtés de ceux de Fresnes et de Réau, permet de développer également l’évaluation des condamnés à de longues peines, qui présentent un degré de dangerosité supérieur. Le nombre de condamnés pouvant être évalués annuellement sera ainsi porté à 1 600.

Quant aux dispositions relatives au partage de l’information, l’Assemblée nationale les a rétablies dans leur intégralité.

On sait l’importance d’un tel échange d’informations entre la justice et le médecin dans le cadre d’une obligation de soins ou d’une injonction de soins, ou encore entre l’institution judiciaire et les responsables d’établissements scolaires ou les personnes qui accueillent des mineurs placés sous contrôle judiciaire, pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle.

L’actualité nous a montré l’urgence de revoir nos règles en la matière. Il est bien évident que, afin d’atteindre cet objectif, nous avons recherché un échange d’informations permettant non seulement de prévenir le renouvellement des infractions particulièrement graves et de garantir ainsi la sécurité de nos concitoyens, mais aussi de veiller au respect des droits du condamné ou du mis en cause.

Enfin, le texte renforce le suivi des soins en détention. Il permettra de s’assurer, dans le respect des exigences du secret médical, que le condamné suit de façon régulière le traitement proposé par le juge de l’application des peines, après expertise médicale concluant à la possibilité d’un traitement. Les attestations délivrées par le médecin traitant et remises par le condamné au juge de l’application des peines permettront à ce dernier de se prononcer en connaissance de cause sur le retrait des réductions de peine, l’octroi de réductions de peines supplémentaires ou d’une libération conditionnelle. Là encore, nous prenons les mesures nécessaires à une action plus efficace de prévention de la récidive.

La meilleure prise en charge des mineurs délinquants constitue le troisième volet du projet de loi de programmation.

L’accroissement du nombre de centres éducatifs fermés, qui s’inscrit dans la continuité de la loi du 10 août 2011, laquelle a élargi les possibilités de placement en centre éducatif fermé, et que l'Assemblée nationale a rétabli dans le texte, ne s’opère pas au détriment des autres structures d’accueil des mineurs. Madame le rapporteur, je crois tout comme vous que nous devons offrir au juge des instruments diversifiés, qui permettent d’adapter la réponse pénale et éducative à la diversité des profils des mineurs. Cela étant, je crois aussi que ces structures, par la prise en charge renforcée et adaptée qu’elles offrent, ont démontré toute leur utilité. Je souhaite donc les développer.

Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est aujourd'hui soumis prévoit-il la création de 20 centres éducatifs fermés supplémentaires, portant la capacité d’accueil dans ces structures à 721 places pour 785 places dans des établissements de placement classique.

En exonérant la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la procédure d’appel à projet pour créer les établissements de placement qu’elle gère en régie, nous permettons que cinq de ces nouveaux établissements puissent ouvrir dès la fin de cette année.

Les moyens de ces structures seront en outre renforcés, notamment en matière de suivi pédopsychiatrique, afin d’offrir une prise en charge parfaitement adaptée des mineurs présentant des troubles du comportement, qui sont nombreux dans ces établissements.

Il est par ailleurs absolument essentiel, pour qu’elle garde tout son sens, qu’une mesure judiciaire prononcée à l’encontre d’un mineur soit exécutée dans un temps très proche de la commission des faits. Le délai maximum de cinq jours imposé entre la date du jugement et la première convocation du mineur et de ses parents devant le service éducatif constitue une avancée incontestable. C’est pourquoi 120 postes d’éducateurs seront créés pour accompagner cette mesure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de programmation se fixe des objectifs essentiels, nous donnant les moyens, aujourd’hui et pour l’avenir, d’améliorer le taux et les modalités d’exécution des peines. Il apporte des solutions adaptées à la poursuite de deux priorités majeures de toute politique pénitentiaire et pénale que sont la réinsertion et la prévention de la récidive.

Une fois encore, je regrette que la Haute Assemblée ait fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable, alors que je sais combien le Sénat s’est mobilisé en faveur de la réinsertion et de la lutte contre la récidive. Le projet de loi de programmation a fixé des objectifs ambitieux en matière d’exécution des peines, il s’est donné les moyens de les atteindre. Ne nous privons pas de cette chance de renforcer l’efficacité de notre justice et d’améliorer notre politique pénitentiaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, adopté par l’Assemblée nationale le 20 février dernier, après que la commission mixte paritaire, réunie le 14 février, a échoué à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion.

En nouvelle lecture, les députés ont supprimé les nouveaux articles introduits par le Sénat, à l’exception de l’article 7 ter, relatif à la réalisation des expertises psychiatriques par les praticiens hospitaliers. Sans doute faut-il vous remercier, monsieur le garde des sceaux : je suppose que vous leur avez donné votre accord. Si le décret d'application sur les conditions d’organisation de ces expertises va dans le bon sens, tant mieux pour les psychiatres. Pour le reste, les députés ont rétabli le projet de loi de programmation, à peu de chose près, dans le texte du Gouvernement.

L'Assemblée nationale et le Gouvernement, d’une part, la majorité sénatoriale, d’autre part, défendent deux visions opposées, voire contradictoires, de la politique pénitentiaire. Le Gouvernement, soutenu par la majorité des députés, s’inscrit dans la perspective d’une augmentation continue du nombre de personnes détenues et entend accroître les capacités du parc pénitentiaire. La majorité sénatoriale souhaite, quant à elle, dans le prolongement de la loi pénitentiaire, encourager une politique dynamique d’aménagements de peine et, de ce fait, la réduction du nombre des incarcérations, afin de favoriser la réinsertion des personnes condamnées et, ainsi, de mieux lutter contre la récidive, puisqu’il est établi que les aménagements de peines permettent d’éviter nombre de récidives.

La commission des lois a vivement regretté que plusieurs des dispositions adoptées par le Sénat, pourtant susceptibles de faire l’objet d’un compromis entre les deux assemblées, aient été rejetées à l’issue d’un examen souvent expéditif de la part de la majorité de l’Assemblée nationale.

Il en est ainsi des modalités d’information du chef d’établissement sur les antécédents judiciaires d’un élève. Le dispositif adopté par le Sénat permettait de préserver la présomption d’innocence et de définir, de manière plus précise, le nombre de personnes destinataires de l’information. L’Assemblée nationale a préféré s’en tenir au texte du Gouvernement, dont le champ d’application, très large, ne manquera pas de soulever des difficultés juridiques et pratiques.

Il en va de même des dispositions relatives à l’atténuation de la responsabilité pénale des personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur faculté au moment des faits. Pourtant, nous avions repris ces mesures d’une proposition de loi de notre collègue Jean-René Lecerf, adoptée à la quasi-unanimité du Sénat. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Jean-Paul Garraud, s’est borné à observer, contre les témoignages concordants des différents acteurs de la chaîne pénale, sur lesquels s’appuyait le texte de Jean-René Lecerf, qu’il manquait d’« éléments d’information sur la prétendue aggravation des peines prononcées à l’encontre des personnes atteintes d’un trouble mental ». Il est pourtant indispensable d’élaborer de nouvelles réponses face à l’accroissement du nombre de personnes atteintes de troubles mentaux en prison.

La commission des lois déplore également que les positions du Sénat aient été souvent déformées lors de l’examen du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et que l’esprit de polémique ait prévalu sur les arguments. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a par exemple affirmé que la majorité sénatoriale avait fait preuve d’une véritable indifférence à l’égard des personnes incarcérées dans les établissements surpeuplés. Je tiens à rappeler que nous avons toujours plaidé, souvent en vain, pour l’augmentation du nombre de cellules individuelles, conformément aux prescriptions de la loi pénitentiaire.

Nous avons aussi indiqué que la cible de 80 000 places dépasse de loin cet objectif, puisque le nombre de personnes détenues au 1er février dernier s’élève à 65 699 – il a aujourd'hui dépassé les 66 000 –, niveau qui n’avait pourtant jamais été atteint jusqu’à présent. Le projet du Gouvernement se fonde donc non pas principalement sur l’amélioration des conditions de détention, mais bien sûr la volonté de mettre en œuvre une politique de détention plus systématique qui augmentera inexorablement le nombre de détenus.

Compte tenu du rétablissement du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, la commission des lois ne peut que réitérer les principales objections que soulève ce projet de loi de programmation.

Tout d’abord, nous contestons le postulat sur lequel repose ce texte, à savoir l’augmentation des nécessités d’incarcération. Aucune réponse ne nous a été apportée sur ce point, tant sur la réalité du stock que sur les raisons de la non-exécution des peines ou du délai tardif de leur exécution. Nous en concluons de nouveau que la réalisation d’un parc pénitentiaire de 80 000 places traduit une priorité donnée sur l’incarcération par rapport aux aménagements de peine.

Cette mesure n’est pas conforme à la volonté affirmée par le législateur en 2009. Elle préjuge indiscutablement, à l’orée d’échéances électorales à l’occasion desquelles nos concitoyens se prononceront, des législations et politiques pénales qui seront menées d’ici à 2017. Elle n’aura, au surplus, aucun effet sur le délai d’exécution des peines, dont l’accélération dépend de bien d’autres facteurs, notamment des possibilités d’aménager rapidement un certain nombre de peines, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui, souvent faute de moyens.

Ce projet de loi de programmation sert avant tout d’habillage législatif aux déclarations du Président de la République, qui, contre toute attente, le 13 septembre 2011, annonçait la nécessité pour notre pays de disposer de 80 000 places de prison en 2017. Nous lui en laissons la responsabilité.

Ensuite, la mise en place de structures spécifiques pour les courtes peines n’est à notre avis pas compatible avec le principe de l’aménagement des peines inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement posé par la loi pénitentiaire. Même si toutes les peines de moins de deux ans ne font pas l’objet d’un aménagement, le fait de créer des établissements de courtes peines en grand nombre signifie que le choix du Gouvernement est plutôt celui de l’incarcération.

En outre, la décision de mener le programme de construction en partenariat public-privé, dont l’intérêt n’est pas démontré par rapport au recours à la maîtrise d’ouvrage publique et sur lequel les critiques sont de plus en plus vives, reporte le poids de la dépense sur le moyen terme. Il conduit au paiement obligé de loyers sur de longues périodes – par exemple trente ans – et rigidifie de manière structurelle le budget du ministère de la justice, notamment au détriment des dépenses de fonctionnement, sauf à vouloir forcer les gouvernements futurs à doubler, tripler, voire quadrupler le budget de ce ministère,...

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oh oui, il en a bien besoin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur. ... ce qui ne paraît pas réaliste dans un contexte de contrainte budgétaire.

Par ailleurs, la lutte contre la récidive risque de demeurer sans effet, faute d’une politique de réinsertion active, dont les acteurs sont les conseillers d’insertion et de probation, les CIP.

Vous avez fait état d’une augmentation des effectifs. Mais tel n’est pas le cas pour les agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, aujourd’hui en nombre insuffisant compte tenu des nouvelles charges qui leur incombent. Il ne faudrait pas les détourner de leurs tâches principales de suivi des personnes en détention et de suivi post-détention.

Mais encore, nous regrettons que l’accroissement du nombre de centres éducatifs fermés, les CEF, se fasse au détriment des autres structures d’hébergement, puisque, à l’heure actuelle, on ferme des foyers classiques, au risque de diminuer significativement l’éventail de solutions dont disposent les juges des enfants pour adapter la réponse pénale à la personnalité de chaque mineur délinquant.

Enfin, la volonté gouvernementale d’imposer au Parlement l’examen de ce texte en procédure accélérée, à la veille d’échéances électorales majeures, ne laisse guère de place à un débat approfondi sur des orientations pourtant susceptibles d’engager durablement notre pays.

Faut-il ajouter que, contrairement au principe habituellement retenu pour les lois de programmation, le présent projet de loi ne comporte pas de rapport spécifique consacré aux conditions de financement des différents objectifs énoncés dans le rapport annexé, ce qui fragilise encore davantage le débat parlementaire ?

D’ailleurs, la commission des lois du Sénat a pu constater, pour le déplorer, que la majorité des députés, en rejetant systématiquement, à l’exception d’un article, le texte voté par le Sénat, n’a pas souhaité s’engager dans la logique d’un débat avec notre assemblée, même si la mise en œuvre de la procédure accélérée empêche, en tout état de cause, que les échanges aillent bien loin. Il y avait pourtant matière à débattre !

Dans ces conditions, bien que nous n’ayons pas choisi de voter une question préalable en première lecture, nous considérons aujourd’hui que le débat ne peut pas se poursuivre, faute de combattants, si je puis dire. La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en première lecture, la majorité sénatoriale avait voulu montrer qu’elle travaillait, contrairement à ce que j’entends dire souvent sur certaines travées,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Qui sont vides, d’ailleurs !

M. Jean-Pierre Michel.  en exposant sa conception de l’exécution des peines. Elle avait d’ailleurs conservé un certain nombre d’articles du projet de loi votés par nos collègues députés.

Bien entendu, la commission mixte paritaire a échoué très rapidement, même si ce fut un peu moins rapidement que pour d’autres textes.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale, estimant que les textes adoptés par les deux assemblées obéissaient à des philosophies totalement incompatibles, a repris entièrement le texte qu’elle avait voté en première lecture, à l’exception d’un article introduit par le Sénat, portant sur la possibilité pour les médecins praticiens hospitaliers de faire des expertises.

L’Assemblée nationale a rejeté tout le reste, y compris les dispositions reprises de la proposition de loi sur la responsabilité des malades mentaux, adoptée au Sénat à l’unanimité, malgré l’opposition du Gouvernement, qui était ce jour-là représenté par Mme la secrétaire d’État chargée de la santé, laquelle n’avait pas l’air de bien savoir de quoi il s’agissait…

Cette proposition de loi, dont j’étais le rapporteur, faisait suite au rapport d’information d’un groupe de travail conjoint à la commission des affaires sociales et à la commission des lois, rapport signé de Mme Demontès et moi-même pour le parti socialiste, et de MM. Lecerf et Barbier pour la majorité sénatoriale de l’époque.

Ce rapport avait fait l’objet d’une conférence de presse et avait été approuvé par de nombreux spécialistes. L’Assemblée nationale et le Gouvernement n’ont pas jugé bon de s’en inspirer. Je le regrette, mais peut-être pourra-t-on revenir dessus.

Nous avons donc essayé de travailler. Je ne dirai pas que ce fut pour rien puisque nous avons pu exposer notre conception de l’exécution des peines. Mais, sur le plan législatif, tout ce travail n’a pas servi à grand-chose, en dépit de ce que l’on prétend parfois sur ces travées (L’orateur désigne les travées de droite de l’hémicycle.), lorsque l’on nous accuse, si nous décidons de voter une motion tendant à opposer une question préalable ou à renvoyer un texte en commission, de ne pas faire notre travail, de ne pas étudier les textes, de laisser l’Assemblée nationale seule maîtresse de la version définitive et, partant, de ne pas apporter notre pierre à l’édifice.

Je constate en fait que, lorsque nous apportons cette pierre – il s’agirait même d’un pavé, en l’occurrence –…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Un menhir !

M. Jean-Pierre Michel. … elle est alors balayée d’un revers de main, sous prétexte d’incompatibilités philosophiques.

Je tiens à dire que la majorité sénatoriale examine tous les textes avec attention. Lorsqu’elle considère qu’un projet ou une proposition de loi est inadmissible ou doit être retravaillé, comme c’était le cas pour la proposition de loi Doligé, elle utilise les motions de procédure qui sont prévues par le règlement du Sénat. Lorsqu’elle considère qu’il y a matière à réfléchir, à faire des propositions alternatives, elle le fait, comme elle l’a fait sur ce projet de loi relatif à l’exécution des peines.

Aujourd’hui, le groupe socialiste suivra bien évidemment la proposition de Mme la rapporteur d’opposer la question préalable. En effet, ce n’est vraiment pas la peine de faire perdre un temps précieux à M. le garde des sceaux, qui préside par ailleurs un conseil général important.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis à la disposition du Sénat !

M. Jean-Pierre Michel. Nous ferons également gagner du temps à tous nos collègues, puisque toutes nos propositions sont vouées à être laissées pour compte.

Tous ceux qui ont un tant soit peu de bon sens le savent, le texte qui va être voté par l’Assemblée nationale est totalement surréaliste et a très peu de chances d’être appliqué, à seulement trois mois d’une alternance possible. Il aurait sans doute mieux valu attendre et présenter ce texte après les échéances électorales, sans préjuger ce que seront les résultats.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une loi d’affichage !

M. Jean-Pierre Michel. Ce texte n’a d’autre fonction que d’être utilisé pendant la campagne électorale, pour montrer aux citoyens combien la politique pénitentiaire du Gouvernement est fondée en priorité sur l’enfermement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est faux !

M. Jean-Pierre Michel. Tout cela est très logique, puisque la politique pénale menée depuis cinq ans est, elle, prioritairement axée sur la répression.

La boucle est bouclée. Le message est clair, il convaincra seulement ceux qui le souhaitent. Quant aux autres, qui savent que vous êtres dans l’erreur la plus profonde, ils resteront sur leurs positions.

Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire, monsieur le garde des sceaux, puisque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, personnage connaissant bien le sujet et respecté, y compris par vous et nos collègues de l’opposition sénatoriale, a déclaré : « La loi de programmation relative à l’exécution des peines qui prévoit la construction de très grands centres de détention – 24 000 places d’ici à 2017 – est une aberration. Dans des prisons d’au moins 700 places, tout le monde est isolé, détenus et surveillants, et les relations sociales sont impossibles. Un programme de rénovation des centres existants me semble plus adapté. C’est pourquoi je ne militerai pas pour le maintien de ce texte, mais abroger ce projet de loi est un choix politique. »

Monsieur le garde des sceaux, ce choix, nous le ferons dans quelques mois, n’en doutez pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme ils sont malvenus, ces titres parus dans la presse nationale depuis quelques jours : « M. Delarue dénonce les abus du travail en prison » ; « Les fouilles à nu restent systématiques en prison » ; il en va de même de l’avis de la Cour des comptes sur les partenariats public-privé.

Rien à voir, ou pas grand-chose, me direz-vous, monsieur le garde des sceaux, avec le débat qui nous occupe aujourd’hui sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines !

À mes yeux, il y a un bien un lien, puisqu’il s’agit dans tous les cas des conditions d’application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qu’on le veuille ou non !

Nous avions été nombreux, sur ces travées, à croire que cette loi allait enfin humaniser les conditions de détention et les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire.

Le bilan est triste, affligeant, plus de deux ans après la promulgation de la loi. C’est le Gouvernement tout entier, et pas seulement vous, aujourd’hui chargé de cette mission régalienne, qui en est responsable.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Et ce bilan n’épargne pas les politiques transversales : la sécurité, l’éducation, la santé, la politique immobilière, les emplois de l’administration pénitentiaire, la justice elle-même.

Ces politiques transversales n’ont pas su se mettre en harmonie les unes avec les autres, elles n’ont pas été en mesure de répondre à l’obligation de résultat que leur imposait la loi du 24 novembre 2009.

Aujourd’hui, quel constat peut-on faire ?

Un nouveau projet de loi de programmation 2013-2017, devant être discuté en procédure accélérée, a été adopté à l’Assemblée nationale le 17 janvier dernier. Il a été examiné et réécrit au Sénat, seulement quinze jours après, pour respecter la lettre et l’esprit de loi de 2009.

La commission mixte paritaire n’a pu qu’échouer, tant les objectifs des uns et des autres sont éloignés. Et nous voilà donc revenus au point de départ ou presque, un mois et demi après la première lecture à l’Assemblée nationale, pour servir une politique dont nous ne pouvons que mesurer les failles.

Je n’en citerai que deux, parmi bien d’autres. La première, qui est incontestable, c’est l’accroissement ininterrompu du nombre des détenus : en dix ans, il a augmenté de 25 %, passant de 48 000 en 2001 à 65 000 et plus fin 2011.

Selon ce que l’on veut démontrer, le chiffrage peut certes être entendu de façon positive ou négative : il peut révéler une plus grande efficacité des services chargés de la sécurité, police et gendarmerie, qui interpellent davantage, et une meilleure réactivité de la justice, à moins qu’il ne soit la conséquence d’une délinquance en croissance exponentielle et d’une justice paralysée par ses contradictions.

Dès lors, chercher remède à cette situation en créant de nouvelles places de prison, l’objectif étant d’atteindre 80 000 places en 2017, n’est pas raisonnable, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, donner la priorité à l’incarcération par rapport aux aménagements de peine est contraire à la loi pénitentiaire et sans effet sur le délai d’exécution des peines.

Ensuite, le programme de construction privilégiant le système, dénoncé par ailleurs par la Cour des comptes, des partenariats public-privé est trop risqué en termes financiers, puisqu’il rigidifie la structure de la dépense sur le long terme.

Enfin, le nouveau programme immobilier entend privilégier les grosses unités, alors que les différentes études les condamnent comme étant facteurs de déshumanisation, de désocialisation et, partant, d’échec à la réinsertion sociale.

La deuxième faille, c’est l’absence absolue de cohérence dans le traitement de la récidive. Malgré les réelles difficultés rencontrées pour conduire des études fiables dans ce domaine et alors que certaines des solutions proposées auraient exigé une claire et ferme détermination de la part des décideurs, les orientations fixées par le Gouvernement ne laissent pas de surprendre.

Il en est ainsi de l’externalisation, au bénéfice du secteur associatif, des enquêtes pré-sentencielles ordonnées par le parquet, alors qu’il s’agit d’une mission de service public devant relever normalement des SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Ces SPIP sont d’ailleurs très démunis, au point de devoir adopter un principe de flexibilité pour répondre à l’urgence, au détriment de la qualité du service rendu, et ce malgré les créations d’emplois que vous avez rappelées, monsieur le garde des sceaux.

Et que dire de l’accroissement du nombre des centres éducatifs fermés, qui ne sont certainement pas la panacée pour les jeunes mineurs, alors que, au même moment, se trouvent réduits les moyens humains et financiers de la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse !

Que dire, enfin, de la contradiction patente entre l’intention proclamée d’améliorer la réinsertion et l’impossibilité que laisse percevoir les chiffres de disposer effectivement de personnels confirmés ?

Au total, monsieur le ministre, ce qui me gêne le plus, c’est le « retournement » opéré par rapport à la loi de 2009, un retour en arrière que rien ne justifie, hormis votre incapacité à accompagner la politique affichée, le Gouvernement se donnant ainsi la possibilité de modifier insidieusement les objectifs pour suivre de nouvelles orientations. Ces orientations, nous ne les accepterons pas, pas plus que nous n’avons accepté celles que vous vous êtes antérieurement fixées, parce qu’elles nuisent à notre système pénitentiaire, déjà suffisamment mis à mal.

Ce qui préoccupe le plus la grande majorité de mes collègues du RDSE et moi-même, c’est de ne pouvoir faire vivre réellement un dispositif qui était certes perfectible, mais qui avait pour première vertu de respecter la dignité des détenus autant que celle des personnels pénitentiaires.

Le présent projet de loi est une forme de dévoiement du dispositif initial. C’est pourquoi notre groupe, dans sa grande majorité, adoptera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDSE et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner de nouveau le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, un texte fondamental sur lequel nos désaccords sont profonds.

Nous connaissons les raisons et circonstances qui ont conduit le Gouvernement à inscrire ce projet de loi à l’ordre du jour des assemblées, mais nous avons aussi eu, au cours des mois passés, l’écho de tristes faits divers.

Le discours que le Président de la République a prononcé à Réau ne pouvait être plus explicite et nous ne saurions en oublier le contenu ni la portée. Il a permis de remettre en lumière la situation dans les prisons et les conditions de détention en milieu carcéral, mais aussi la nécessaire prise en charge des victimes.

Toutes ces questions sont liées ; elles constituent le suivi de la chaîne pénale. Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous replonger dans ce contexte et à repenser aux principes fondamentaux de notre démocratie et de notre État de droit, lesquels justifient que nous nous intéressions à l’exécution des peines.

Notre société démocratique ne peut remplir son contrat social si elle n’est pas en mesure de protéger ses citoyens. L’équilibre de la vie sociale dépend d’un tel impératif et, aussi fragile soit-il, il ne peut être atteint que si les systèmes judiciaire et pénitentiaire fonctionnent bien : leur efficacité est primordiale, car il y va de leur crédibilité aux yeux des Français.

La France, signataire de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, se doit de respecter des standards de protection pour ses justiciables. Nous ne pouvons tolérer que les Français vivent dans un climat d’impunité et d’insécurité, propice au développement de comportements de rejet et de désapprobation des missions régaliennes de l’État.

Ainsi, l’enjeu de notre vote sur le présent projet de loi de programmation est de nous assurer que les pouvoirs publics remplissent bel et bien la mission de service public qui leur est confiée.

Il importe que tous les maillons de la chaîne pénale soient cohérents, collaboratifs et efficaces. Cela suppose que notre justice voie ses décisions suivies d’effets, que les sanctions pénales soient certaines et rapides, faute de quoi elles ne sauraient être dissuasives. Ce sont là les priorités qu’il nous faut retenir dans le cadre de ce débat, au même titre que le respect de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Le projet de loi s’inscrit dans cette lignée, en visant à l’effectivité et à la rapidité dans l’exécution des peines prononcées et en ayant avant tout pour objet de prévoir des moyens nouveaux pour atteindre ces objectifs.

Les réformes précédemment engagées par notre majorité ont promu de nouvelles approches en termes d’aménagement des peines et d’alternatives à l’emprisonnement, ainsi qu’une meilleure prise en compte de la continuité des services pénitentiaires.

Nous soutenons le Gouvernement dans sa volonté de poursuivre sur cette voie et de donner les moyens à la justice de faire exécuter les peines qu’elle prononce. Il est de notre devoir d’imaginer, d’innover, de trouver de nouvelles solutions pour permettre à notre société d’aller mieux. Cela passe par l’appréhension des questions pénales.

Bien entendu, l’exécution des peines est au cœur de nos préoccupations en tant que membres du Parlement. Elle touche les détenus, les victimes et chacun d’entre nous à titre individuel.

C’est toute l’ambition de votre texte, monsieur le ministre, qui s’articule autour des trois axes que vous avez présentés : garantir l’effectivité de l’exécution des peines ; renforcer les dispositifs de prévention de la récidive ; améliorer la prise en charge des mineurs délinquants.

Vous mettez donc aussi l’accent sur la prévention de la récidive. Celle-ci sera renforcée grâce à la réorganisation et au développement des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Il serait préférable que les détenus soient mieux suivis en amont, afin de prévenir leurs comportements futurs et d’adopter des expertises pluridisciplinaires pour mieux cerner leurs besoins.

Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter de l’accent mis sur la prise en charge plus rapide des mineurs délinquants.

La jeunesse demeure une thématique importante pour l’avenir de notre pays, sur laquelle nous devons travailler avec vigilance. Des pratiques innovantes de prise en charge des délinquants dangereux seront également développées : il faut démontrer que, dès le plus jeune âge, il existe des alternatives éducatives et formatrices pour réfuter la croyance selon laquelle la délinquance serait la seule « marche à suivre ».

L’amélioration de la prise en charge des mineurs délinquants, telle que vous la proposez, permettra d’assurer une exécution plus rapide et plus adaptée des peines.

Mes chers collègues, nous sommes là sur un sujet sensible. Je vous invite donc à analyser ce texte en toute responsabilité, avec toute la gravité et la profondeur nécessaires. Prenez la mesure des enjeux qu’il recouvre, car les dispositions prévues s’étendent dans le temps, selon une logique innovante et humaniste propre à toucher tous les Français.

M’en remettant à votre sage appréciation de ces enjeux, je vous recommande, au nom du groupe UMP, à voter contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd'hui est un aveu d’échec : échec de la commission mixte paritaire, bien sûr, mais surtout échec de la politique gouvernementale en matière d’exécution des peines.

En première lecture, la commission des lois du Sénat avait eu à cœur, via l’excellent travail réalisé par Mme la rapporteur, d’élaborer un texte en phase avec les problèmes de notre société et respectueux des libertés publiques. Le groupe écologiste l’avait bien évidemment voté.

Il en va tout autrement de la version du projet de loi en discussion aujourd’hui. En effet, l’Assemblée nationale a supprimé les nouveaux articles introduits par le Sénat, à l’exception toutefois de l’article 7 ter relatif à la réalisation des expertises psychiatriques par les praticiens hospitaliers, et a rétabli le projet de loi dans la version qu’elle avait elle-même adoptée en première lecture.

Nous devons donc débattre d’un texte où transparaissent nombre des points de focalisation du Gouvernement, notamment la volonté d’accroître continûment le nombre de places de prison. Cette politique de l’enfermement ne résout pas les problèmes. Au lieu de renforcer le suivi socio-judiciaire des condamnés, vous préférez, monsieur le garde des sceaux, construire des prisons et multiplier les lois répressives et liberticides. (M. le garde des sceaux manifeste à la fois son étonnement et son désaccord.)

La prévention, les peines alternatives à l’enfermement, la réinsertion : voilà quelques-unes des clés essentielles pour résoudre nos problèmes. Or on n’en trouve manifestement pas la moindre trace dans la politique pénale et carcérale que l’on présente ici. Vous continuez, monsieur le garde des sceaux, à refuser toute concertation avec les professionnels de la justice. N’entendez-vous donc pas les sonnettes d’alarme tirées par le corps de la magistrature et les services pénitentiaires ?

J’ai déjà eu l’occasion de contester fermement, dans cet hémicycle, votre volonté de modifier sans cesse le droit pénal des mineurs à coup de mesures inadaptées.

Le groupe écologiste entend réaffirmer son attachement à un traitement global de la délinquance juvénile, réalisé en partenariat avec les acteurs de terrains et les éducateurs spécialisés, ainsi que son souhait de donner à la PJJ davantage de moyens financiers et humains. Il faut privilégier le placement en milieu ouvert, pour donner une chance à ces mineurs de sortir du cercle vicieux de la délinquance en acquérant les outils nécessaires à un nouveau démarrage dans la vie.

Consciente de la complexité du monde carcéral, j’aurais souhaité qu’on nous laisse véritablement le temps de la réflexion. Or le présent projet de loi nous est, une fois de plus, soumis dans la précipitation, la commission des lois du Sénat n’en ayant été saisie, je le rappelle, que mercredi dernier. Ce n’est évidemment pas ainsi que le Parlement peut travailler de façon efficace et élaborer des mesures respectueuses des personnes détenues et de leur dignité.

Des solutions allant dans le sens d’une meilleure réinsertion des intéressés et visant à limiter le nombre des récidives sont proposées par diverses associations. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son rapport de 2011, présenté la semaine dernière, recommande d’ailleurs qu’une « réflexion interministérielle s’engage, dans l’objectif d’améliorer l’articulation entre formation professionnelle et adaptation à l’emploi interne aux établissements ».

« De l’éducation de son peuple dépend le destin d’un pays », écrivait Benjamin Disraeli. Il semble, monsieur le garde des sceaux, que le Gouvernement préfère les prisons ! (M. le garde des sceaux manifeste son incompréhension.)

Les classes ferment, les établissements scolaires au sein des zones prioritaires ou sensibles se voient refuser des moyens d’action : point d’heures de soutien supplémentaires pour ces jeunes en difficulté, point de suivi innovant en dehors de l’école ; on préfère enfermer les enfants de plus en plus jeunes et les traiter pénalement comme des adultes. (Même mouvement de la part de M. le garde des sceaux.)

La solution n’est pas de créer 24 000 nouvelles places de prison, dont 7 000 pour les courtes peines !

Il est en outre indigne d’affoler artificiellement l’opinion publique pour mieux la « rassurer » en évaluant la prétendue « dangerosité » des détenus. Quoi de plus simple et de plus démagogique que d’éteindre des incendies que l’on a soi-même allumés ?

Monsieur le ministre, nos concitoyens espèrent mieux que des lois d’affichage. Tous ceux qui aspirent à une France plus juste ne s’y tromperont pas ! Le rôle du législateur n’est pas, à deux mois d’échéances cruciales, de produire des lois d’opportunité en fonction des faits divers du moment ou de ce que l’on imagine être les attentes d’un électorat.

Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste, foncièrement hostiles à ce projet de loi, voteront pour la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite réaffirmer le soutien du groupe de l’UCR aux deux objectifs majeurs du présent projet de loi que sont l’amélioration des conditions de détention et celle de l’exécution de peines. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ce texte complet et ambitieux apporte des éléments de réponse importants.

En tant que secrétaire d'État à la justice, j’avais eu l’occasion de défendre, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, le projet de loi pénitentiaire adopté en 2009. Les débats avaient été tout à fait intéressants et assez constructifs. Bien entendu, certains parlementaires n’avaient pas manqué de mettre en avant cette vieille idée, bien française, selon laquelle, par définition, la prison n’est jamais la solution et que toute amélioration du système carcéral est donc de toute façon vouée à l’échec. La discussion était alors devenue, par moments, quelque peu surréaliste… Heureusement, la majorité des parlementaires, de toutes tendances, plus enclins à soutenir, de manière pragmatique, que l’enfermement est un mal nécessaire, avaient considéré que le texte proposé marquait un progrès.

En vérité, cette loi nous a permis de nous rapprocher des règles pénitentiaires européennes : celles-ci sont le fruit d’un travail tout à fait précurseur mené, depuis de nombreuses années, par le Conseil de l'Europe, et elles ont été peu à peu adoptées par l'ensemble des démocraties du continent. Mais une chose est de les adopter, une autre, évidemment, est de les mettre en œuvre. C’est notamment le sens de ce projet de loi, y compris au regard de la question des moyens.

Contrairement au faux procès que d’aucuns lui font, il part d’un diagnostic lucide, pertinent, sur le problème que nous rencontrons quant à l’exécution des peines. Nous nous donnons quelques années pour y remédier.

Il ne s’agit pas d’un problème idéologique : le stock de peines non exécutées est dû, au moins pour partie, à l’insuffisance de nos capacités carcérales. Après avoir étudié de très près la situation que connaissent à cet égard les différents pays qui nous entourent, je peux affirmer que la proposition de porter à 80 000 le nombre de places de prison nous placerait tout juste dans la moyenne européenne.

Ce texte ne nous mène pas vers je ne sais quel « tout carcéral » ! Il me paraît, au contraire, relever d’une démarche nécessaire dans la mesure où nos concitoyens ne comprennent pas qu’un certain nombre de peines ne soient pas exécutées et où les policiers comme les juges vivent cela très mal. En outre, dès lors qu’une peine n’est pas exécutée, la condamnation perd de sa vertu pédagogique : l’intéressé risque fort de ne pas prendre pleinement conscience du caractère répréhensible de son acte ; la non-exécution des peines est même contre-productive du point de vue de la réinsertion.

La justice doit donc avoir les moyens de faire exécuter efficacement les décisions qu’elle prend et d’améliorer la prévention de la récidive, car la non-exécution des peines entraîne le désordre et l’incompréhension.

Ce texte est essentiellement pragmatique et ne prône en aucun cas, je le répète, le « tout carcéral ». Je rappelle que, dans notre pays, en l’espace de quelques années, le recours aux mesures alternatives à la prison – c'est-à-dire autres que les différentes formes de réponse carcérale – a augmenté d’environ un tiers, ce qui est tout à fait considérable. Nous sommes donc déjà engagés dans une démarche inverse du « tout carcéral ».

Néanmoins, nous ne pouvons nous contenter de ces éléments encourageants et il nous faut encore améliorer la situation, car il y a aujourd'hui des personnes qui sont « dehors » alors qu’elles devraient être « dedans », avec tous les problèmes que cela pose. En outre, je le rappelle, la possibilité de l’encellulement individuel est un objectif, strictement conforme à l’esprit des exigences européennes, que nous sommes censés atteindre, me semble-t-il, en 2014 ; or nous en sommes encore loin ! Il reste que ce projet de loi va dans le bon sens.

Avant d’aborder le sujet des prisons ouvertes, qui me tient à cœur, et puisque plusieurs orateurs ont cité le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, un homme remarquable, que j’ai rencontré plusieurs fois, comme nombre d’entre vous, et pour qui j’éprouve un immense respect – et cela depuis bien avant qu’il n’occupe ses fonctions actuelles –, je dois à la vérité de dire que je ne suis pas en tout point d’accord avec lui. Mais après tout, nous sommes en démocratie : on peut échanger des points de vue ! Personne n’est la Pythie ! Il est donc permis d’avoir des désaccords, y compris avec quelqu’un de très remarquable et de parfaitement indépendant.

Ainsi, je ne partage absolument pas la phobie des établissements de grande taille. J’ai visité, dans des pays européens ayant complètement remodelé leur régime carcéral – comme l’Espagne, qui a rattrapé son grand retard après la période franquiste, puis a pris une grande avance dans ce domaine –, des prisons extraordinaires, très humaines, mais qui n’en accueillent pas moins 1 500 détenus ! Elles sont toutefois très judicieusement structurées, par départements et par domaines, si bien que l’on n’y ressent pas l’impression d’un entassement.

Le principe d’une prison de 700 places n’est pas condamnable en soi. Ce qui compte, c’est le mode d’organisation de l’établissement. Nous avons avancé dans ce domaine, mais il nous reste des progrès à accomplir. Nous sommes d’ailleurs à l’écoute de ce que disent le Contrôleur général et un certain nombre d’autres personnes, qui peuvent effectivement suggérer d’intéressantes pistes d’amélioration.

Mais évitons de raisonner en termes de « tout ou rien » et adoptons une démarche pragmatique ! Par exemple, si la décision annoncée par le garde des sceaux de conserver des prisons de petite taille, que l’on avait un temps envisagé d’abandonner, est positive, elle ne doit pas nous empêcher de construire des prisons nouvelles.

Monsieur le garde des sceaux, puisqu’il est question de construire de nouvelles places de prison, pourquoi n’en profiterions-nous pas pour progresser dans le domaine des prisons ouvertes ? Comme nombre de parlementaires de tous bords, je suis en effet favorable à leur installation, y compris sur mon propre territoire, même s’il est évident que cette solution ne réglera pas tous les problèmes.

N’oublions pas que des pays européens qui sont par ailleurs plutôt conservateurs au regard de leur système carcéral comptent entre 8 % et 30 % de prisons ouvertes. On sait maintenant que les problèmes d’évasion ne s’y posent pas vraiment et que de tels établissements favorisent la réinsertion parce que le travail des détenus y est systématisé. Tous les publics pénitentiaires peuvent y être accueillis, à condition toutefois que soient réglées certaines questions d’organisation.

Faute de temps, je n’entre pas dans les détails, mais je veux souligner que ce dispositif constitue une très bonne piste, en termes tant de réponse pénale et de réinsertion que de coût. Nous aurions tort de ne pas investir davantage en faveur de cette solution. J’en veux pour preuve le seul exemple français de prison ouverte, celle de Casabianda, en Corse, qui est plutôt une réussite.

Je ne m’étendrai pas sur la question de l’exécution des peines applicables aux mineurs, pour lesquels la règle, que nous connaissons tous, n’a pas changé. Les élus locaux qui ont établi des partenariats dans le domaine de la prévention de la délinquance avec la police, la justice et l’école, entre autres, savent que la réponse à apporter à ce problème doit être rapide et adaptée.

Nous avions de grands débats, voilà six ou sept ans, sur les centres éducatifs fermés, que certains rejetaient pour des raisons idéologiques. Je m’étais battu, à l’époque, pour que l’un d’eux soit implanté dans mon agglomération, et je puis vous dire que cela n’a pas été facile !

Aujourd’hui, l’existence de ces centres ne fait plus débat et ils constituent une réponse possible à la délinquance des mineurs, même si ce n’est pas la seule. Ce projet de loi doit nous permettre d’avancer dans la voie de la réinsertion des mineurs.

Ce texte, pragmatique et adapté, n’a rien d’idéologique. Mon groupe votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la rapporteuse, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons adopté, entre août 2005 et novembre 2010, pas moins de dix-huit lois pénales, dont l’objectif affiché était la lutte contre la récidive : renforcement des sanctions contre la récidive, instauration de peines planchers, rétention de sûreté, ou encore instauration des obligations de soins. Autant de textes utilisés comme des instruments de communication politique, mais qui ne parviennent pas à masquer un bilan particulièrement négatif, pour ne pas dire désastreux, dans ce domaine comme dans d’autres.

Votre acharnement à produire, via une montagne de textes, une idéologie sécuritaire, n’a d’autre source que votre intention d’en récolter les fruits électoraux, ce qui semble aujourd’hui plus qu’incertain. Comment expliquer, sinon, votre souhait de construire des établissements spécialement conçus pour accueillir des personnes condamnées à de courtes peines et ne présentant pas de dangerosité particulière ? Il est en effet permis pourquoi ces personnes doivent nécessairement purger leur peine de prison, alors même que toutes les études recommandent plutôt, pour mieux prévenir la récidive, l’exécution de telles peines en milieu ouvert.

De même, vous souhaitez construire de gigantesques usines carcérales, alors qu’il est démontré – quel dommage que M. Bockel ne soit plus présent ! – que se produisent, dans les établissements comptant plus de 200 détenus, des tensions, et donc des échecs multiples, beaucoup plus fréquemment que dans les établissements de moindre taille. L’augmentation de la capacité d’accueil des prisons ne peut engendrer que plus de tensions, de dysfonctionnements et de violences, ce qui s’avérera en définitive contre-productif en termes de prévention de la délinquance.

Ce projet de programmation tend aussi à renforcer les services d’application et d’exécution des peines, sans prévoir pour autant une augmentation des effectifs des services d’insertion et de probation, dont l’importance est pourtant indéniable. C’est bien la preuve, là aussi, d’une politique d’affichage !

De la même manière, le texte prévoit la généralisation des bureaux de l’exécution des peines et des bureaux d’aide chargés d’informer, d’accompagner et d’orienter les victimes d’infractions pénales. Ces mesures vont certes dans le bon sens, mais aucuns moyens humains et matériels ne sont prévus en vue de les aider à accomplir leurs missions, ce qui voue celles-ci à l’échec.

Votre politique en direction des mineurs n’échappe malheureusement pas à ces visées électoralistes. Votre grande spécialité est en effet d’agiter l’épouvantail de la délinquance des mineurs, avant de vous auto-congratuler !

L’article 9 du projet de loi impose une prise en charge du mineur par le service éducatif dans un délai de cinq jours à compter de la date du jugement. Encore un article aussi ambitieux qu’impossible à mettre en œuvre puisque le nombre d’éducateurs de la PJJ n’a cessé de baisser ces dernières années. Rappelons que 632 emplois y ont été supprimés et que son budget a diminué de 6 % depuis 2008. S’il est vrai que, pour 2012, le budget de la PJJ a été présenté en augmentation, c’est uniquement parce qu’un certain nombre de foyers éducatifs ont été transformés en CEF, en centres éducatifs fermés.

Le projet de loi prévoit d’ailleurs d’accroître la capacité d’accueil dans les CEF. Le Gouvernement considère en effet qu’ils se sont révélés, depuis leur création, comme des outils efficaces contre la réitération. Il a visiblement ignoré les multiples critiques dont ils font l’objet, notamment de la part du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Mais peu importe puisque l’objectif est de donner l’impression d’agir, quitte à le faire au détriment des foyers classiques, remplacés par des CEF, qui constitueront la réponse unique à la prise en charge de mineurs délinquants aux parcours divers.

Enfin, ce projet de loi de programmation est focalisé sur l’augmentation du nombre de places, passant totalement sous silence les conditions de détention, alors même que la situation continue de se dégrader dans les prisons françaises. Comme le souligne à juste titre l’Observatoire international des prisons, l’OIP, « on se contente d’y entasser des individus, qui sont mis pour un temps à l’écart de la société, mais on empêche, en outre, leur réinsertion en les infantilisant littéralement, quand on ne les brise pas carrément, avec des conditions de détention dégradantes ».

Il faut lutter contre la récidive, nous dit-on depuis plusieurs années. Soit, mais il semble vous échapper que la plupart des personnes emprisonnées ressortiront un jour. En maintenant cette politique du « tout enfermement », qui plus est dans des conditions peu respectueuses des droits de la personne humaine, vous fabriquez ces récidivistes et ces exclus que vous montrez ensuite du doigt.

Cette politique d’affichage a un prix. Le nouveau programme de 24 397 places qui est envisagé engagerait l’État dans un investissement de plus de 3 milliards d’euros. Au coût de la construction, il convient d’ajouter des frais de fonctionnement annuel évalués à 708 millions d’euros. Et il faut aussi y ajouter le coût du programme de 13 200 places lancé en 2002, toujours en cours.

Il convient de rappeler que la prison, tout en étant moins efficace dans la lutte contre la récidive, coûte bien plus cher au contribuable que les réponses pénales alternatives. Le coût d’une journée en prison est évalué à 84 euros, contre 27 euros pour une journée en placement extérieur.

Pour notre part, nous estimons qu’il est primordial d’utiliser une partie de cet argent pour remettre aux normes les établissements pénitentiaires existants, afin de les rendre conformes aux réglementations européennes.

Nous réaffirmons que la peine doit être un temps pour se reconstruire et se réinsérer. Pour cela, la législation en matière pénitentiaire doit se fonder sur une approche éducative, sur la responsabilisation, ainsi que sur le respect des droits et de l’expression des détenus. C’est là le seul moyen efficace pour lutter contre la récidive.

Il nous semble absurde de se focaliser sur l’accroissement constant de places de prison, d’autant plus que les partenariats public-privé se multiplient. Cette privatisation des prisons est très coûteuse pour l’État. Les loyers versés dans le cadre de ces partenariats, que l’on retrouve dans les crédits de la mission « Justice », sont passés de 31 millions d’euros en 2009 à près de 60 millions en 2010. Lorsque la part prise par les loyers au sein des crédits de fonctionnement s’accroît, la marge diminue pour l’entretien des établissements pénitentiaires et d’autres dépenses, comme celles qui sont liées à la protection de la santé des détenus.

Le projet de loi tel que l’avait modifié le Sénat à rebours de votre politique, en concertation et avec l’accord des professionnels, visait à mettre un terme à l’accroissement continu du parc pénitentiaire. Ce texte progressiste et respectueux des droits des personnes détenues était sous-tendu par la conviction que, dans l’intérêt de tous, la peine d’emprisonnement doit se concevoir comme une sanction de dernier recours.

En rejetant quasi systématiquement les dispositions votées par le Sénat, vous restez, encore une fois, sourds aux alertes de l’Observatoire international des prisons, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et d’autres organisations reconnues, qui ont pourtant toutes exprimé leur accord avec notre position. Puisque vous faites le choix du refus du dialogue, nous ne pouvons que rejeter votre texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bravo !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable ne doit pas nous empêcher de dialoguer. Je vais donc répondre, en quelques mots, aux oratrices et aux orateurs qui se sont exprimés.

Madame le rapporteur, vous nous reprochez de faire, avec ce projet de loi, du « tout carcéral ». Vous savez bien que c’est faux ! Nous comptons aujourd’hui 56 000 places de prison, toutes catégories confondues, pour 67 000 personnes incarcérées. Nous proposons de créer 24 000 places de plus, afin d’atteindre le nombre de 80 000 places.

Lutter contre le surpeuplement carcéral, n’est-ce pas une action normale et qui devrait nous rassembler tous ?

Je le répète : sur les 24 000 places que nous voulons construire, plus de 10 000 seront occupées par des personnes déjà détenues.

Par ailleurs, 85 000 personnes attendent l’exécution de leur peine. Le Gouvernement ne veut certainement pas les mettre toutes en prison ! Madame le rapporteur, vous savez bien que, si tel était son but, ce ne sont pas 80 000 places de prison qui seraient nécessaires, mais plus de 100 000 !

Parmi ces 85 000 personnes, certaines doivent aller en prison, mais d’autres méritent de voir leur peine exécutée autrement, car le Gouvernement considère que la prison n’est pas le seul moyen d’exécution des peines.

En développant les bureaux d’exécution des peines, nous voulons favoriser l’exécution immédiate des peines.

Mme Éliane Assassi. Avec quels moyens ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Les moyens existent ! D’ailleurs, madame Assassi, je vous remercie beaucoup d’avoir dit que leur création allait dans le bon sens. Reste que vous n’avez sans doute pas bien lu le projet de loi ; ou plutôt, vous vouliez tellement le trouver mauvais que, lorsque vous avez découvert des mesures favorables, vous avez tourné la page ! (Sourires sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mais le fait est que le projet de loi de programmation prévoit la création de 207 postes de fonctionnaires dans les bureaux d’exécution des peines. Madame Assassi, vous auriez pu le dire !

M. Antoine Lefèvre. En effet, il faut le dire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce n’est tout de même pas mal, 207 postes ! Il existe déjà des bureaux d’exécution des peines et il s’agit aujourd’hui de les généraliser.

Madame le rapporteur, vous avez également déploré qu’aucun poste nouveau ne soit créé pour les SPIP.

Premièrement, cela est faux : le projet de loi de programmation prévoit la création de près de 300 postes.

Deuxièmement, nous avons déjà augmenté le nombre de ces postes de 1 100. Ainsi, au cours de la présente mandature, le Gouvernement aura créé 1 400 postes dans les SPIP, ce qui représente un effort sans précédent !

On peut combattre une politique ; mais encore faut-il se fonder sur des chiffres exacts et sur des faits, sans les travestir.

Ensuite, madame Borvo, vous avez regretté qu’il n’y ait pas de débat… Mais vous ne pouvez pas dire cela et, en même temps, défendre une question préalable !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà un argument un peu facile !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis à votre entière disposition pour débattre et resterai aussi longtemps que vous le voudrez. Du reste, j’ai toujours plaisir à débattre avec les parlementaires, et plus particulièrement au Sénat ! Mais c’est vous qui me renvoyez ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Mirassou, je vous laisse cette formule !

Moi aussi, je recourrai au latin, mais ce sera pour répondre à Mme Escoffier.

J’aime beaucoup Mme Escoffier. (Rires et exclamations.)

MM. Gérard César et Antoine Lefèvre. Nous aussi !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mais j’aime plus encore la vérité !

MM. Gérard César et Antoine Lefèvre. Nous aussi !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Sed magis amica veritas…

Madame Escoffier, pourquoi ne parlez-vous que de grosses unités ? À Rodez, nous allons construire une prison de 100 places. Est-ce trop grand ? Voulez-vous la suppression de la prison de Rodez ?

Mme Anne-Marie Escoffier. Elle a cinq ans de retard.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Escoffier, si vous vous plaignez que nous ayons cinq ans de retard pour la construction des prisons, c’est donc que, selon vous, il faut l’accélérer !

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qu’elle a dit !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Assassi, soit on est en retard, soit on est en avance... Et s’il y a un retard, c’est bien qu’il faut accélérer !

Pour vous combler, madame Escoffier – et aussi M. Miquel, dans le département voisin –, nous allons construire à Rodez une prison de 370 places !

Mais il ne s’agit pas seulement de construire des prisons neuves. Nous voulons également conserver des prisons anciennes et les réhabiliter. Certaines ne sont pas réhabilitables : celles-là, on les reconstruit complètement.

Par ailleurs, madame Escoffier, je ne comprends pas bien votre hostilité au secteur associatif. En effet, vous nous avez dit : « Et vous voudriez confier à des associations le secteur pré-sentenciel ! » Eh bien oui ! Dans notre pays, des associations peuvent participer à l’exécution d’un service public. Pour ma part, je suis très favorable aux associations.

M. Alain Fauconnier. Vous avez supprimé leurs crédits !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ces associations sont habilitées, ce qui permet de les contrôler et de connaître ceux qui travaillent en leur sein. Elles agissent sous le contrôle de l’État, et c’est très bien ainsi. Je regrette beaucoup qu’on fasse preuve à leur égard d’une hostilité de principe !

Madame Benbassa, que vous le vouliez ou non, si un Gouvernement a respecté les libertés publiques, c’est bien celui auquel j’appartiens !

Mme Éliane Assassi. La méthode Coué, cela ne suffit pas !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Assassi, si vous me laissez finir ma phrase, je vous démontrerai que ce n’est pas la méthode Coué.

Aucun autre gouvernement n’a défendu davantage les droits constitutionnellement garantis.

M. Jean-Pierre Michel. C’est le chant du cygne noir !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Allons, monsieur Michel !

M. Jean-Pierre Michel. Vous dites des contre-vérités ! Arrêtez !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je n’en ai nullement l’intention !

Je rappelle que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 résulte d’une initiative du Président de la République et du gouvernement de M. Fillon.

Il y a aussi eu une réforme constitutionnelle, que vous regrettez beaucoup de ne pas avoir votée… (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

MM. Jean-Jacques Mirassou et Jean-Pierre Michel. Nous avons bien fait !

Mme Éliane Assassi. Nous ne le regrettons pas !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cette réforme a introduit la question prioritaire de constitutionnalité, la QPC, dont M. Badinter nous parlait depuis des lustres, sans jamais la réaliser. C’est le Président de la République, Nicolas Sarkozy, ainsi que le Gouvernement et sa majorité qui ont mis en place ce contrôle de constitutionnalité, dont vous savez bien qu’il est probablement l’un des plus parfaits au monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

D’ailleurs, la supprimerez-vous, la QPC, si vous accédez au pouvoir, en 2022 ou en 2027 ? (Sourires sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Que cette polémique est inutile ! Monsieur le garde des sceaux, pas davantage que quiconque, vous ne savez ce qui se passera au mois de mai : ne parlez donc pas de 2022 ou de 2027 !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission des lois, je ne veux nullement polémiquer. Comme vous, je peux envisager de vivre jusqu’à ces dates-là !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, mais cela n’a aucun rapport avec le sujet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce n’est pas une raison pour ne pas en parler ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

D’autres lois ont contribué à renforcer la protection des libertés. Je pense en particulier à la loi du 14 avril 2011, relative à la garde à vue, à la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,…

M. Jean-Pierre Michel. La rétention administrative !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … à la loi du 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits,…

M. Jean-Pierre Michel. La circulaire sur les Roms !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … à la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Michel. Sarkozy, défenseur des libertés publiques ! Personne ne vous croit !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je comprends très bien que tout cela vous gêne beaucoup, mais tel est bien le véritable bilan du Gouvernement et de la présente mandature. Et cela n’a rien à voir avec une quelconque méthode Coué !

Je vous répète que nous sommes prêts à débattre, sans aucune volonté de précipitation.

Je tiens à remercier MM. Frassa et Bockel du soutien raisonné et raisonnable qu’ils ont apporté au projet de loi de programmation, destiné à mettre en œuvre la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Je tiens à dire à M. Bockel que ce texte va précisément nous permettre de construire des prisons ouvertes, comme celle de Casabianda. Nous avons un projet dans la Creuse et un autre dans le Jura. Quant aux prisons de courtes peines, elles s’inspirent bien entendu de la même philosophie.

Madame le rapporteur, je vous réponds enfin par avance sur la question préalable : je souhaite, bien entendu, que le débat se poursuive, car il y a bien matière à débattre !

J’ai prouvé que le bilan du Gouvernement dans le domaine pénitentiaire était bon. Le présent projet de loi de programmation va dans le bon sens et ne mérite pas qu’on le caricature pour refuser d’en parler. Malheureusement, c’est sans doute ce que vous vous apprêtez à faire. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et l'UMP.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée (n° 386, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur. Je ne crois pas utile de me lancer dans un long développement pour défendre cette motion, car j’en ai déjà amplement justifié le dépôt.

Monsieur le garde des sceaux, je crois qu’on aurait tort de s’enorgueillir de la politique pénitentiaire de la France, et plus largement de sa politique pénale. En effet, nous sommes souvent montrés du doigt pour nos difficultés à considérer la prison autrement que comme au XVIIIe siècle.

De plus, si la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a pu être votée, ce n’est certainement pas grâce à la bonne volonté du Gouvernement, mais plutôt grâce aux multiples rappels à l’ordre qui nous ont été adressés par les instances européennes, au point que, finalement, il a dû se résoudre à présenter un projet de loi.

Fort heureusement, d’ailleurs, le Sénat l’avait à l’époque sensiblement amélioré et il avait été suivi, chose rare, par la majorité à l’Assemblée nationale. Il est vrai qu’en 2009 les échéances électorales étaient moins proches qu’elles ne le sont aujourd’hui !

Aussi bien, la majorité des sénateurs et la majorité des députés ont su, à l’époque, pendant une courte période, dépasser le discours qu’on entend hélas trop souvent après un assassinat ou un crime, évidemment épouvantable et insupportable, ce discours qui consiste à prétendre que, pour protéger nos concitoyens d’un tel malheur, il faudrait emprisonner toujours davantage les petits délinquants.

Or chacun sait que la majorité des personnes sous écrou sont de petits ou de moyens délinquants, en tout cas des personnes condamnées à de courtes peines.

En 2009, on avait pu espérer qu’une majorité de parlementaires – même si certains étaient hostiles au projet de loi pénitentiaire – sauraient dépasser ce discours. Hélas ! La campagne électorale revenant, on s’éloigne aujourd’hui de cette sagesse…

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur. …qui, depuis longtemps, incite d’autres pays civilisés à regarder la prison de façon différente.

J’ajoute que, lorsqu’on veut faire des comparaisons avec d’autres pays européens, il ne faut pas, comme l’a fait notamment M Bockel, choisir ceux qui nous arrangent… Ainsi, l’Allemagne, que le Gouvernement cite souvent en exemple dans des domaines où elle ne mérite pas toujours de figurer comme un modèle, a opéré une décélération assez importante de l’incarcération au cours des dix dernières années.

Non seulement comparaison n’est pas raison, mais, quand on compare, il faut se montrer honnête et objectif, sans oublier ce qui ne va pas dans le sens de sa propre thèse !

Aujourd’hui, campagne électorale oblige, vous affichez votre intention de poursuivre une politique pénale qui n’a cessé d’aggraver les peines – c’est le moins que l’on puisse dire ! – et d’augmenter les capacités d’emprisonnement.

Monsieur le garde des sceaux, j’ai été très surprise par vos déclarations car, dans l’exposé des motifs du projet de loi de programmation, le propos est différent : au lieu de se fonder sur le nombre actuel des personnes susceptibles d’être incarcérées, on parie sur une augmentation de ce nombre d’ici à 2017 ! (Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.) Autrement dit, on n’anticipe pas qu’en 2017 le nombre des personnes susceptibles d’être incarcérées sera à peu près équivalent à ce qu’il est aujourd’hui – ce qui signifierait déjà qu’on n’aurait fait aucun progrès –, mais on prévoit que, sous l’effet de votre politique pénale, le nombre de ces personnes continuera de croître.

Sur la base des évolutions constatées entre 2003 et 2010 – d’ailleurs contraires, puisqu’une décélération s’est produite jusqu’en 2007, suivie d’une accélération –, vous estimez ainsi que le nombre des personnes incarcérées connaîtra d’ici à 2017 une augmentation, jusqu’à atteindre 80 000. Cela est écrit noir sur blanc !

Dans quelques semaines, à l’occasion d’échéances électorales très importantes, nos concitoyens auront tout le loisir de dire s’ils veulent la poursuite de la politique pénale actuellement menée, l’augmentation du nombre de prisons. Ils pourront dire s’ils veulent voir engager pour trente ans des dépenses publiques destinées à payer le loyer de ces établissements, sachant qu’il sera impossible, ensuite, de revenir et que, inévitablement, cela se traduira par une hausse du nombre de personnes incarcérées : il faudra bien faire, en quelque sorte, alimenter la machine et remplir les prisons construites par les grands groupes privés !

En tout état de cause, en cette fin de mandat présidentiel et législatif, il n’est pas acceptable que l’actuelle majorité oblige les futurs gouvernements, quels qu’ils soient, à construire ces places de prison et engage des dépenses pour trente ans.

Telle est la principale raison de notre opposition totale à ce projet de loi.

Monsieur le garde des sceaux, j’apprécie que vous nous proposiez de continuer à débattre. Mais je vous fais observer qu’il y a deux chambres et que la majorité des membres de l’Assemblée nationale, qui a voté ce texte, refuse absolument tout débat avec le Sénat.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et c’est systématique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur. Je vous fais également remarquer que l’engagement de la procédure accélérée nous aurait de toute façon empêchés de débattre véritablement, alors que nous y étions prêts.

Nous n’avions donc qu’une seule issue : le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable.

M. Jean-Pierre Michel. Et c’est à regret que nous la voterons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur. Quoi qu’il en soit, nous n’acceptons pas les présupposés que comporte le projet de loi que nous examinons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mme le rapporteur n’ayant pas développé d’arguments nouveaux, il n’est pas nécessaire que je renouvelle mes explications. Je dirai simplement que le Gouvernement est hostile à cette motion.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la rhétorique habituelle développée à propos des motions tendant à opposer la question préalable est, en l’espèce, totalement inopérante. En effet, chacun dans cet hémicycle peut témoigner du travail considérable effectué par Mme le rapporteur, qui a pratiquement réécrit le texte.

Monsieur le garde des sceaux, j’en conviens, tous les sénateurs n’ont pas voté la loi pénitentiaire. Cependant, un préalable doit être rappelé : nous voulions appliquer cette loi dans la mesure où elle était respectueuse d’une certaine conception de la prison et de la détention.

Bien sûr, la prison est un mal nécessaire, mais l’objectif de l’emprisonnement est d’aider les détenus à se réinsérer socialement et professionnellement à l’issue de leur détention.

Nous avons développé une philosophie qui s’oppose à une conception purement quantitative de la prison, conception qui vise à rassurer nos concitoyens en leur présentant des chiffres faisant état d’un nombre toujours croissant de personnes placées en détention, y compris par l’effet mécanique de l’aggravation des peines.

Nous avons assumé ce débat dans cette enceinte. Ce n’est pas notre faute si, à l’Assemblée nationale, puis en commission mixte paritaire, comme l’a rappelé Jean-Pierre Michel, on nous a opposé une fin de non-recevoir.

Monsieur le garde des sceaux, il n’y a pas ceux qui souhaitent le dialogue et les autres. La vérité, c’est que deux conceptions s’affrontent.

Pour notre part, je le répète, nous sommes opposés à une vision purement quantitative de la prison et à l’idée selon laquelle l’enfermement est en lui-même la solution à tout. Nous pensons que, comme le disait Robert Badinter, certaines conditions qui sont faites aux détenus peuvent être la première cause de récidive. Nous avons exposé et défendu notre conception, qui est parfaitement claire.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, en dépit du fait que chaque rapporteur ait pu s’exprimer, nous n’avons jamais perçu chez les députés de la majorité la moindre volonté d’un accord sur un quelconque article. Or tel aurait dû être le rôle de la commission mixte paritaire.

Au nom de la commission des lois, je tiens à dire que nous avons travaillé et que, si la situation est ce qu’elle est, elle ne peut pas nous être imputée. Nous soutenons les orientations que nous avons clairement définies. La majorité de l’Assemblée nationale et le Gouvernement y sont opposés. À chacun de prendre ses responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion est adoptée.)

M. le président. En conséquence, le projet de loi est rejeté.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines
 

10

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Discussion générale (suite)

Contrôle des armes

Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale, relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif (proposition n° 331, texte de la commission n° 401, rapport n° 400).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Article 1er

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 8 décembre 2011, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

Après son adoption par l’Assemblée nationale le 1er février dernier, ce texte revient aujourd'hui devant la Haute Assemblée en deuxième lecture.

Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les députés ont voté le texte à l’unanimité, illustration de la qualité du travail du Sénat, notamment de celui de sa commission des lois et de son rapporteur, Antoine Lefèvre.

Les trois votes consensuels qui sont intervenus démontrent l’importance que nous accordons tous à ce texte et, au-delà, à la nécessité de faire évoluer la réglementation des armes, avec le souci partagé de mieux assurer la sécurité des Français.

Dès le 28 mai 2009, devant les principaux acteurs de la sécurité, de la chaîne pénale et de l’éducation nationale, le Président de la République avait demandé que soit engagée une réflexion « sur les moyens d’améliorer la réglementation du commerce d’armes » afin, notamment, de « mettre fin à la banalisation du port d’armes dans la rue ». L’actualité ne cesse de rappeler l’ardente nécessité d’engager cette réforme.

Rappelez-vous, au moment où vous examiniez cette proposition de loi, nous avions appris avec peine et émotion le décès du lieutenant Éric Lales, fonctionnaire de police d’Aix-en-Provence, abattu par arme de guerre alors qu’il intervenait sur un hold-up.

Nous devons donc tout faire pour empêcher que des armes, souvent même des armes automatiques, ne se retrouvent entre les mains des trafiquants et des délinquants, qui n’hésitent plus à en faire usage, en particulier contre les forces de l’ordre.

Le Gouvernement est pleinement conscient de cette menace. La lutte contre les trafics d’armes, coordonnée par l’Office central de lutte contre le crime organisé, fait partie des priorités gouvernementales en matière de sécurité, et elle porte ses fruits. Ainsi, 3 500 armes ont été saisies en 2011, contre 2 719 en 2010, ce qui représente une augmentation de près de 30 %.

Les efforts devant être poursuivis dans ce domaine, une nouvelle législation était nécessaire.

Le présent texte fait suite aux travaux de la mission d’information parlementaire sur les violences par armes à feu et l’état de la législation, dont le rapport a été adopté à l’unanimité, au mois de juin 2010, par les membres de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale.

Il a été enrichi des réflexions et des échanges nombreux avec les détenteurs légitimes d’armes à feu – chasseurs, tireurs sportifs, collectionneurs ou armuriers –, réunis au sein du comité Guillaume Tell, avec lequel le ministère de l’intérieur entretient un dialogue constant et constructif.

La proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise résulte d’un travail consensuel et de qualité. Elle a été améliorée par les deux assemblées et par la concertation qui a été menée depuis deux ans. À cet égard, je veux saluer tous ceux qui ont participé aux différents échanges.

Grâce à tous ces efforts combinés, nous examinons aujourd’hui un texte efficace et équilibré répondant à une double exigence de simplification du droit, d’abord – pour être connue et appliquée par tous, la loi doit être claire et compréhensible –, et de sécurité publique, ensuite, nécessitant un renforcement des moyens juridiques de lutte contre le trafic d’armes.

J’évoquerai tout d’abord l’impératif de simplification de notre législation sur les armes.

Héritière du décret-loi du 18 avril 1939, la législation française sur les armes n’a pris en compte ni les évolutions technologiques ni celles de la délinquance survenues depuis.

Il est ressorti des travaux conduits par l’Assemblée nationale et le Sénat la nécessité de procéder à une refonte de ce dispositif complexe, qui n’était plus maîtrisé que par quelques spécialistes.

Le texte prévoit donc une nouvelle classification des armes plus simple et plus accessible, qui permet aussi de mettre notre droit en conformité avec les obligations européennes en la matière.

Il y aura désormais quatre catégories d’armes, contre huit actuellement : relèveront de la catégorie A, les armes interdites à l’acquisition et à la détention ; de la catégorie B, les armes soumises à autorisation ; de la catégorie C, les armes soumises à déclaration ; enfin, de la catégorie D, les armes soumises à enregistrement et celles dont l’acquisition et la détention sont libres.

Par ailleurs, les critères de classification correspondront désormais à la dangerosité réelle. Ils ne reposeront plus sur le critère dépassé du « calibre de guerre », même si les calibres les plus dangereux resteront toujours interdits à l’acquisition et à la détention.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous avez adopté en première lecture, confirmé par le vote de l’Assemblée nationale, a précisé la définition de la catégorie A.

Ainsi, la mise en œuvre des dispositions de la loi du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité en sera facilitée.

Le présent texte représente aussi une étape importante pour les collectionneurs. Ceux-ci pourront accéder librement à de nouvelles armes et à de nouveaux matériels de guerre, en raison du relèvement à 1900 pour les armes et à 1946 pour les matériels des millésimes définissant le caractère d’armes ou de matériel de collection.

La proposition de loi prévoit également la création de la carte de collectionneur, reconnaissant le droit à détenir des armes au titre de la collection. Sur l’initiative de votre rapporteur, que je veux remercier une nouvelle fois pour son travail d’écoute, vous avez précisé le cadre juridique du statut de collectionneur dans un esprit de responsabilité.

Je tiens aussi à saluer le travail de réflexion et de concertation engagé par M. César avec les représentants des associations de collectionneurs. Cette démarche a permis de mieux cerner la diversité des attentes et d’esquisser les mesures permettant de concilier la préservation d’un patrimoine historique avec les impératifs de la sécurité publique.

Enfin, la proposition de loi assure une plus grande sécurisation des conditions d’acquisition pour les détenteurs légaux. En clarifiant ces conditions, le texte sécurise les détenteurs légaux, tout en facilitant la tâche des services de contrôle, qui peuvent ainsi mieux se concentrer sur les trafics.

Dans un souci de lisibilité et de sécurisation des conditions d’acquisition des armes des catégories B et C, vous avez souhaité distinguer plus précisément les formalités requises pour la demande d’autorisation d’une arme de catégorie B et pour le dépôt d’une déclaration pour l’acquisition d’une arme de catégorie C. Le Gouvernement souscrit à cette initiative, qui permettra une plus grande lisibilité des pièces que doivent fournir les tireurs sportifs, les chasseurs et les collectionneurs lors de l’acquisition de l’arme.

La sécurisation des conditions d’acquisition est également renforcée en matière de vente par correspondance ou à distance des armes des catégories B et C. Dans la mesure où ce mode de transaction se développe dans notre société, il faut assurer aux tireurs sportifs, aux chasseurs ou aux collectionneurs qui ont recours à ce mode d’acquisition une complète sécurité juridique et la traçabilité nécessaire. Désormais, les armes des catégories B et C pourront être directement livrées à l’acquéreur, sous de strictes conditions. Un décret précisera bien entendu l’encadrement de ces transactions.

Au-delà de la simplification du droit tant attendue par l’ensemble des acteurs concernés, cette proposition de loi accroîtra aussi les moyens de lutte contre le trafic d’armes.

Au cours des derniers mois, le Gouvernement a renforcé, par des dispositions d’ordre réglementaire, les moyens engagés pour prévenir la détention illégale d’armes dans notre pays.

L’application de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d’armes, plus simplement dénommée « AGRIPPA », qui existe depuis quatre ans, est devenue un outil efficace et moderne en termes de traçabilité des armes en circulation. À ce stade, cette application recense 3,5 millions de détenteurs d’armes. Cet outil permet de tracer les armes soumises à autorisation, à déclaration et, depuis le 1er décembre 2011, à enregistrement pour les armes de chasse acquises à compter de cette date.

Depuis un an, un important chantier de modernisation de l’application AGRIPPA a été engagé pour remédier aux imperfections signalées dans le rapport de la mission d’information parlementaire. Pour ne prendre qu’un exemple, le rapport avait souligné que, faute d’un accès direct à la base, la police et la gendarmerie devaient saisir la préfecture de toute demande de renseignement. J’ai demandé qu’il y soit remédié, et je vous confirme que l’ensemble des unités de police et de gendarmerie disposent désormais d’un accès direct à l’application AGRIPPA.

Par ailleurs, il convient d’assurer un meilleur suivi des personnes interdites d’acquisition d’armes par le biais du fichier national des interdits d’armes.

Notre objectif est simple : nous voulons que les personnes présentant un danger pour elles-mêmes ou pour autrui ne puissent plus acquérir d’arme. Ce sont d’ores et déjà 18 000 personnes qui font l’objet d’une interdiction de détention d’armes. Pour faire respecter plus efficacement cette interdiction, un nouveau fichier, le fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes, ou FINIADA, a été créé par décret du 5 avril 2011.

Ce fichier vise à renforcer l’information des services préfectoraux, des services de police et de gendarmerie, des services des douanes, des armuriers, de la Fédération nationale des chasseurs et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sur les personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes, et permet ainsi d’éviter qu’une arme ne soit vendue ou qu’un permis de chasse ne soit délivré à une personne jugée inapte à détenir une arme.

Aujourd’hui pleinement opérationnelle, cette base répertorie les personnes frappées d’interdiction d’acquisition et de détention d’armes à la suite d’une décision du préfet territorialement compétent. La gestion de ces dossiers est dévolue aux services des armes des préfectures. Votre vote permettra d’étendre cette base.

La proposition de loi tend également à accroître l’efficacité des moyens de lutte contre le trafic d’armes, notamment en alourdissant les sanctions pénales.

Outre la simplification de la classification des armes, qui facilitera le contrôle de l’application de la législation, je mentionnerai notamment deux mesures très positives, qui permettront de mieux lutter contre le trafic d’armes et assureront une meilleure efficacité de la sanction pénale.

Premièrement, l’acquisition et la détention d’une arme deviendront impossibles pour une personne condamnée pour une infraction dénotant un comportement violent, incompatible avec la possession d’une arme à feu.

La proposition de loi étend le fichier FINIADA aux personnes interdites d’armes par décisions judiciaires, en particulier celles qui ont été condamnées à une peine complémentaire d’interdiction d’acquisition et de détention d’armes. Ainsi, la base de données couvrira progressivement toutes les personnes qui, en raison de leur comportement, présentent une menace pour la sécurité publique.

L’Assemblée nationale avait limité le champ d’application de la mesure aux seules infractions volontaires ; le Sénat a précisé la liste des incriminations pénales concernées. Des infractions telles que la fabrication, la vente ou l’exportation sans autorisation d’un engin ou d’un produit explosif incendiaire ont été ajoutées à la liste de celles qui interdiront à leurs auteurs la détention légale d’une arme.

Concrètement, une vérification du bulletin n° 2 du casier judiciaire permettra de s’assurer que la personne souhaitant acquérir une arme n’a pas fait l’objet par le passé d’une condamnation pour l’une des infractions mentionnées dans la proposition de loi. Ces infractions sont graves – le vol, l’extorsion, l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne –, et personne ne conteste le fait qu’elles soient incompatibles avec la détention d’une arme.

Deuxièmement, des peines complémentaires obligatoires, telles que l’interdiction de port d’armes, sanctionneront les auteurs de violences volontaires condamnés définitivement.

La présente proposition de loi complète le dispositif pénal, en instaurant des peines complémentaires automatiques pour un certain nombre de crimes ou délits commis avec une arme.

Le dispositif a été centré sur les infractions les plus graves. Ainsi, la peine complémentaire ne sera plus automatique pour certaines contraventions. En revanche, les infractions d’attroupement armé ou de provocation à un tel attroupement et d’introduction d’armes dans un établissement scolaire ont été ajoutées à la liste de celles qui entraînent une peine automatique.

Le Gouvernement approuve ce dispositif, que vous aviez confirmé, suivant en cela la démarche engagée par l’Assemblée nationale pour rendre plus systématique et plus effectif le prononcé des peines complémentaires relatives aux armes.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début, le Gouvernement soutient complètement cette initiative parlementaire. Il se félicite des échanges très constructifs qui ont précédé la préparation de cette proposition de loi et se sont poursuivis lors des débats tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Le Gouvernement estime que le texte qui vous est soumis est équilibré. Fondé sur un esprit de responsabilité et de sécurité publique, il a été enrichi par les échanges très constructifs auxquels il a donné lieu.

Dans l’attente de votre décision, je tiens à saluer une fois encore le travail parlementaire d’excellente qualité qui a permis de réunir un consensus sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est saisi en deuxième lecture de la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, de MM. Claude Bodin, Bruno Le Roux et Jean-Luc Warsmann.

L’Assemblée nationale avait adoptée ce texte en première lecture le 25 janvier 2011, puis le Sénat l’a voté à l’unanimité le 8 décembre 2011, après y avoir apporté un certain nombre de modifications. L’Assemblée nationale l’a adopté en deuxième lecture le 1er février dernier.

Les modifications apportées par le Sénat en première lecture ont presque toutes été approuvées par l’Assemblée nationale, ce dont nous pouvons nous féliciter. Nos collègues députés ont par ailleurs effectué quelques ajustements, qui, pour la plupart d’entre eux, sont conformes, me semble-t-il, à l’esprit du texte que nous avions voté.

Les députés ont, tout d’abord, décidé de modifier encore le contenu de la catégorie A. Inspiré par le ministère de la défense, l’amendement qu’ils ont adopté vise à opérer un ultime ajustement au sein de la définition des catégories A1 et A2, afin de distinguer l’ensemble des matériels de guerre – armes, véhicules et équipements –, qui constituent désormais la catégorie A2, des autres armes soumises au régime d’acquisition et de détention le plus restrictif, qui constituent désormais la catégorie A1.

Il s’agit de préserver le statut particulier des armes et matériels de guerre, en créant, pour eux, une catégorie unique à laquelle les autres dispositions législatives ou réglementaires qui les concernent pourront se référer.

Parallèlement, les députés ont opéré un ajustement dans le régime d’acquisition et de détention des armes de catégorie A.

La prohibition totale de l’acquisition et de la détention des armes de cette catégorie avait certes pour objet de faire une distinction parfaitement claire entre celles-ci et les armes appartenant à la catégorie B, pour leur part soumises à autorisation. Toutefois, cette solution a suscité des inquiétudes chez certains utilisateurs légitimes, comme les chasseurs et les tireurs sportifs, qui ont craint que certaines armes, aujourd’hui classées en catégorie 1 ou 4, mais qu’ils peuvent acquérir et détenir à titre dérogatoire, ne leur deviennent inaccessibles faute d’être reclassées en catégorie B. Dès lors, il a paru préférable aux députés de modifier l’article 3 de la proposition de loi, afin d’instaurer une possibilité de dérogation, par décret en Conseil d’État, à la prohibition prévue pour les armes de catégorie A. Le régime dérogatoire sera alors un régime d’autorisation.

Au total, le dispositif résultant des modifications successives des articles 1er et 3 de la proposition de loi a perdu une partie de sa simplicité originelle et se rapproche désormais largement du droit en vigueur pour ce qui concerne les anciennes catégories 1 à 4.

En effet, la proposition de loi distingue, d’une part, une catégorie d’armes en principe interdites à l’acquisition et à la détention, mais pour laquelle des dérogations par décret en Conseil d’État sont possibles – la catégorie A –, et, d’autre part, une catégorie d’armes soumises à autorisation, la catégorie B.

Toutefois, a été préservée la diminution du nombre de catégories de huit à quatre, même si deux d’entre elles se subdivisent en deux sous-catégories. Cela constitue indéniablement une simplification, qui devrait permettre une meilleure intelligibilité du classement des armes.

En outre, l’Assemblée nationale a opéré d’ultimes ajustements pour ce qui concerne les dispositions relatives aux formalités exigées pour l’acquisition et la détention des armes des catégories B et C. Ces modifications sont tout à fait conformes à l’esprit du texte adopté par le Sénat et sont de nature à assurer une meilleure distinction entre les obligations liées à l’une et l’autre catégorie.

Par ailleurs, les députés ont apporté quelques modifications à l’article 32 de la proposition de loi, relatif à la sanction pénale du transport et du port d’armes. Ces modifications concernent les armes de chasse.

Afin de répondre aux inquiétudes formulées par des représentants de chasseurs entendus par la commission des lois de l’Assemblée nationale, les députés ont précisé qu’un permis de chasser permettrait à son détenteur de bénéficier d’une présomption de transport légitime de l’arme même si ce permis n’est pas accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente. En revanche, comme précédemment, seul le permis de chasser accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente sera considéré comme une présomption de port légitime, en action de chasse ou pour toute activité qui y est liée, des armes qu’il permet d’acquérir.

Je pense que ces dispositions, à la fois claires et équilibrées, sont susceptibles de recueillir un large consensus.

Les députés ont également réalisé quelques modifications visant à rendre plus aisée l’acquisition des armes dans certains cas. Ces modifications découlent de l’audition, par la commission des lois de l’Assemblée nationale, du comité Guillaume Tell, qui regroupe des représentants des différentes catégories d’utilisateurs d’armes.

Ainsi, les députés ont estimé qu’il était possible d’inclure des armes de catégorie B parmi celles qui peuvent être livrées directement à l’acquéreur dans le cadre d’une vente par correspondance ou à distance, et dont la liste est établie par un décret en Conseil d’État. Auparavant, cela n’était pas possible pour les armes soumises à autorisation : celles-ci pouvaient bien être achetées à distance, mais elles devaient être livrées dans une armurerie.

Cette nouvelle disposition tend à faciliter la vie des amateurs de tir sportif qui ne disposent pas d’une armurerie à une distance raisonnable de leur domicile. Les garanties de sécurité publique paraissent suffisantes puisque, en tout état de cause, l’acheteur devra présenter l’autorisation obtenue auprès de l’administration dans les trois mois précédant la vente. En outre, l’armurier pourra, comme lors d’une vente en magasin, consulter le fichier des interdits d’armes, et devra avertir l’administration de la transaction, afin que l’arme soit enregistrée. Qui plus est, le décret en Conseil d’État qui précisera l’ensemble de la procédure devrait notamment prévoir que l’arme soit livrée en plusieurs éléments.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement de Christian Estrosi visant à autoriser toutes les personnes morales et physiques à se porter acquéreurs dans les ventes publiques d’armes de catégories A, B ou D, à condition qu’elles soient, par ailleurs, autorisées à les acquérir et à les détenir conformément aux règles fixées par l’article 3 de la présente proposition de loi. En effet, en vertu de la législation en vigueur, seuls les armuriers peuvent acquérir de telles armes dans les ventes publiques.

Pour le reste, l’Assemblée nationale a pleinement approuvé le nouveau statut du collectionneur issu de nos travaux en première lecture, en conservant toutes les garanties supplémentaires que nous avions ajoutées, à savoir l’obligation de présenter un certificat médical, de se sensibiliser aux règles de sécurité dans le domaine des armes, ainsi que de prendre des mesures destinées à prévenir le vol de sa collection.

Le nouveau cadre que nous avons instauré pour les collectionneurs constitue, me semble-t-il, la reconnaissance, très attendue, d’une activité tout à fait légitime, mais qu’il convient cependant d’encadrer pour éviter les dérives que les forces de l’ordre ont parfois constatées.

Les collectionneurs pourront accéder librement à des armes et à des matériels de guerre en raison de la nouvelle définition des armes et matériels de collection donnée par les millésimes de 1900 pour les armes et de 1946 pour les matériels. Certes, un certain nombre de leurs demandes n’ont pu être satisfaites, comme l’accès à certaines armes classées en catégorie B ou D enregistrables, et nous n’avons pas encore pu traiter la question des collections de munitions historiques. Au cours de la prochaine législature, je me réserve la possibilité de réfléchir à cette question pendante, et je déposerai éventuellement une proposition de loi sur ce sujet.

De même, concernant le dispositif, créé par les députés, tendant à rendre obligatoire le prononcé des peines complémentaires relatives aux armes en cas de condamnation pour un certain nombre d’infractions, là où le droit en vigueur ne prévoit leur prononcé qu’à titre facultatif, les députés ont adopté la rédaction issue des travaux du Sénat.

En conclusion, le texte qui nous est transmis en deuxième lecture me paraît respecter les exigences liées à la sécurité publique, tout en garantissant aux utilisateurs légitimes d’armes à feu la poursuite de leur activité de loisir dans de bonnes conditions, et ce en particulier grâce aux apports de la Haute Assemblée : je pense notamment aux contributions de nos collègues Gérard César, Ladislas Poniatowski et Jean-Jacques Mirassou.

La simplification de la classification des armes constitue un véritable progrès, attendu depuis de nombreuses années. Sa mise en application dans l’ensemble des textes réglementaires relatifs à l’acquisition et à la détention d’armes allégera considérablement la réglementation, au plus grand profit des utilisateurs et de l’administration, ainsi que vous l’avez relevé, monsieur le ministre.

Compte tenu de ces éléments et du caractère véritablement très restreint des modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, la commission des lois a adopté ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UCR, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité, tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale, montre, il est vrai, la préoccupation partagée par l’ensemble de la représentation nationale de revoir la législation sur les armes.

Cette préoccupation part d’un double constat fait par la mission d’information dans son rapport sur les violences par armes à feu et l’état de la législation.

D’une part, les armes prolifèrent en France, où elles semblent se vendre très facilement, faisant désormais l’objet d’un véritable trafic. Le nombre des victimes augmente, en lien avec la diffusion d’armes de plus en plus dangereuses.

D’autre part, les textes actuels visant à contrôler et à sanctionner la détention illégale d’armes sont trop complexes ; l’encadrement juridique est insuffisamment dissuasif et proportionné devant une telle propagation.

Nous avons pris acte du fait que le texte qui nous est proposé est issu d’une réelle concertation et qu’il répond aux attentes des chasseurs, des tireurs sportifs, des collectionneurs et des armuriers.

Toutefois, si nous sommes d’accord sur ce texte, permettez-moi de dépasser quelque peu le cadre du sujet qui nous occupe en revenant sur les interrogations qu’avait soulevées, en première lecture, notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, aucune réponse satisfaisante ne lui ayant malheureusement été apportée.

Ces interrogations concernent certaines armes de quatrième catégorie : les armes à impulsion électrique permettant de provoquer un choc électrique à distance et les armes à impulsion électrique de contact permettant de provoquer un choc électrique à bout touchant.

M. René Garrec. Ce ne sont pas des armes de chasse, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Tout à fait ! Mais, sans revenir sur le fond du texte, je profite de cette occasion pour poser un certain nombre de questions.

Ces armes sont théoriquement, comme les armes à feu, interdites à la vente libre.

Le Conseil d’État a considéré, le 2 septembre 2009, que leur emploi « comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d’hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l’alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l’impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire ; que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées ». Ce n’est pas rien !

De même, souvenons-nous que le comité de l’ONU contre la torture, dans un rapport du 23 novembre 2007 sur le Portugal, indiquait au sujet du Taser que « l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort ».

Les États-Unis, précurseurs dans la banalisation de l’utilisation du Taser, ont récemment fait l’objet de critiques de la part d’Amnesty International, qui a recensé au moins 500 personnes mortes aux États-Unis depuis 2001 après avoir été touchées par cette arme lors de leur arrestation ou de leur incarcération.

En première lecture, Philippe Richert nous a répondu : « Le Taser est une arme non létale, ayant vocation à être classée dans la catégorie B, parmi les “armes soumises à autorisation pour l’acquisition et la détention”. Cette arme a donc un usage parfaitement réglementé et elle remplit sa vocation opérationnelle. »

Cette subtile distinction conduit à dire que ces armes ne sont mortelles que pour certaines personnes. Mais il reste que, lorsqu’on les emploie, on ne sait pas si les personnes susceptibles d’être atteintes font partie de celles pour lesquelles ces armes sont létales.

De plus, à la suite de nombreux drames liés à l’usage par la police de ce type d’arme, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS, a recommandé de ne pas utiliser le flash-ball « lors de manifestations sur la voie publique ». Elle rappelait, en effet, que cette arme, dont les policiers municipaux peuvent être équipés, risque de causer des blessures graves et irréversibles, d’autant que leurs trajectoires de tirs sont imprécises. Elle soulignait, en outre, que des négligences et des manquements professionnels graves ont été constatés à maintes reprises quant à l’utilisation de ces armes dites « sublétales ».

Voilà plus d’un an, le lundi 13 décembre 2010, un homme décédait à Marseille, victime d’un arrêt cardiaque, après avoir reçu un tir de flash-ball d’un policier.

De même, le 14 octobre 2010, lors d’une manifestation sur la réforme des retraites, un jeune lycéen a gravement été touché au visage par l’utilisation d’un flash-ball par un gardien de la paix qui avait été habilité en 2008 à utiliser cette arme, mais qui n’avait pas suivi la formation continue conditionnant chaque année le maintien de cette autorisation. Il n’en connaissait d’ailleurs même pas l’existence.

Plus récemment, dans une décision rendue le 7 février dernier, le Défenseur des droits reproche au ministère de l’intérieur de ne pas respecter ses propres prescriptions en ce qui concerne la formation et l’habilitation des policiers. Il souhaite, par ailleurs, que les responsables politiques s’interrogent sur l’opportunité de l’emploi de ces armes.

Pour notre part, nous avons soulevé ces interrogations, et nous vous faisons part de nos inquiétudes depuis plusieurs années. En 2010, le groupe CRC a d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à interdire l’utilisation d’armes de quatrième catégorie par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations, leur commercialisation ou leur distribution pour des polices municipales ou des particuliers.

Monsieur le ministre, vos réponses ne conditionneront pas notre vote en faveur de la présente proposition, mais nous ne pouvons nous contenter de réponses évasives sur un sujet aussi important et renouvelons le souhait que soit décidé, dans l’immédiat, un moratoire sur l’utilisation de l’ensemble des armes de quatrième catégorie par les forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif touche à la sécurité, qui est un enjeu politique majeur, auquel nos concitoyens sont très sensibles.

Ainsi que l’ont souligné les orateurs qui m’ont précédé, il est remarquable que le Sénat et l’Assemblée nationale aient adopté ce texte à l’unanimité, en première lecture, et qu’ils s’acheminent de nouveau vers un vote unanime. C’est dire, monsieur le ministre, que tout le monde est capable de se rassembler sur un texte quand le bon sens prévaut, et je ne peux qu’en féliciter mes collègues ! Cela témoigne d’une sagesse et d’un souci de responsabilité à l’égard d’un dispositif dont l’objectif n’est que de satisfaire l’intérêt général et de mieux protéger nos concitoyens.

Nos collègues députés, à l’origine d’un rapport d’information sur les violences par armes à feu et l’état de la législation, ont bien démontré toutes les difficultés que pose la réglementation actuelle, soulignant même son inadaptation. Celle-ci est en grande partie fondée sur le décret-loi du 18 avril 1939, qui, par la suite, a été codifié par le décret du 12 mars 1973. D’autres décrets ont été pris pour que le dispositif relatif au contrôle des armes à feu soit conforme au cadre fixé par la directive européenne du 18 juin 1991.

Finalement, cet empilement normatif, essentiellement réglementaire, a introduit de la confusion et de la complexité dans un domaine qui, au contraire, mérite une parfaite lisibilité, et ce pour une double raison : d’un côté, les utilisateurs légaux doivent pouvoir s’y retrouver, afin de ne pas se mettre involontairement en situation d’insécurité juridique ; de l’autre, les trafiquants ou les délinquants utilisant illégalement des armes ne doivent pas pouvoir tirer parti des faiblesses de notre législation. Or c’est visiblement le cas, puisque l’on constate un accès aux armes particulièrement préoccupant pour l’ordre et la sécurité publics, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Toutefois, comme l’a indiqué dans son rapport notre excellent collègue Antoine Lefèvre, ce n’est pas tant l’évolution du nombre d’armes qui est inquiétante que les modalités de leur utilisation, notamment la mutualisation de celles-ci. Permettez-moi de mettre un bémol à cette considération. Franchement, je préfère la multiplication des petits pains à celle des armes, même si j’ai bien compris le sens de vos propos ! (Sourires.)

J’ajoute que la mission d’information conduite par nos collègues députés avait relevé que, dans l’ensemble des crimes et délits recensés, les violences et les infractions commises au moyen d’une arme à feu restaient fort heureusement minoritaires. Pour autant, les pouvoirs publics doivent demeurer vigilants, en raison de deux phénomènes, qui, hélas ! alimentent un trafic faisant perdurer sur notre sol un stock illégal d’armes, concourant ainsi à nourrir un climat d’insécurité. Je me suis déjà exprimé sur ce point en première lecture. Notre préoccupation majeure doit consister à tarir les sources clandestines d’approvisionnement en armes. On connaît bien ces filières. Les conflits régionaux dans les Balkans ont ouvert la voie à des trafics, relevant parfois d’initiatives individuelles, mais aussi d’organisations criminelles très bien structurées.

En marge de ce débat, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mon inquiétude concernant les trafics d’armes qui se développent à la suite des mouvements révolutionnaires arabes. Je pense en particulier aux armes françaises qui auraient été livrées en Libye pour aider les combattants anti-Kadhafi. Des membres d’Al-Qaïda se vantent publiquement d’en posséder. Je ferme ici la parenthèse, mais j’espère que le Gouvernement a pris la mesure de ce problème. Si ces armes n’inondent pas directement notre territoire, comme ce fut le cas avec le matériel en provenance de l’Europe de l’Est, leur détention par des terroristes est, bien sûr, contraire aux intérêts de la France, et pas seulement d’ailleurs...

Quoi qu’il en soit, la réforme qui nous occupe aujourd’hui jette les bases d’un contrôle plus rigoureux et adapté aux nouvelles formes de délinquance. Vous le savez, mes chers collègues, le RDSE a approuvé ce texte en première lecture, et ce pour les raisons que j’ai exposées le 8 décembre dernier et qui n’ont pas évolué : l’état d’esprit qui sous-tend cette proposition de loi reste le même à l’issue de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Je dois même dire que certains des articles ont été utilement précisés par les députés, afin de mieux articuler certaines obligations avec la simplification que l’on devait aux utilisateurs légaux d’armes et aux armuriers.

Nous sommes nombreux à avoir rappelé que les chasseurs et les tireurs sportifs ont fait preuve d’une responsabilité qui n’a jamais été prise en défaut. Les fédérations de chasseurs et les fédérations sportives s’étaient émues de la rigidité de certains articles. Leur message a été entendu. En effet, nous les avons écoutées en procédant aux ajustements nécessaires, et je dois dire que le Gouvernement a été très réceptif.

Par exemple, il était souhaitable, dans le cadre du nouveau classement, de laisser la possibilité aux tireurs sportifs d’accéder à des armes actuellement classées en catégories 1 et 4. Ce n’était pas possible à l’issue des travaux du Sénat, mais la commission des lois de l’Assemblée nationale a « corrigé le tir », si vous me permettez cette expression, en déposant un amendement à l’article 3.

Par ailleurs, le travail conjugué de nos deux assemblées a établi un bon compromis sur les conditions de port et de transport légitime des armes de chasse. Les chasseurs seront sensibles à cette avancée formalisée à l’article 32.

Les collectionneurs, reconnus en tant que tels, devraient également être satisfaits, puisqu’ils pourront exercer leur passion dans un cadre juridique conforté.

Naturellement, ce texte ayant pour principale vocation non pas de faire plaisir aux utilisateurs légaux, mais plutôt de dissuader la possession et l’utilisation criminelle d’une arme, je n’oublierai pas de saluer les mesures allant dans ce sens.

La proposition de loi comprend un volet répressif, qui vise principalement à garantir le prononcé des peines complémentaires relatives aux armes. C’est une avancée. En effet, il ne serait pas choquant de priver de son arme une personne ayant commis une infraction, d’autant que le Conseil constitutionnel a admis, à deux reprises, la constitutionnalité de dispositions encadrant le pouvoir d’appréciation du juge dans la détermination des peines.

Mes chers collègues, le dialogue qui a présidé à l’élaboration, puis à l’examen de la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif va nous conduire à un vote conforme. Le groupe du RDSE s’en réjouit, car ce texte touche au fondement du pacte républicain. Nos concitoyens ont en effet une exigence forte de sécurité, à laquelle les pouvoirs publics doivent répondre du mieux possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous prenons enfin conscience du danger que représentent les armes dans notre société.

Les écologistes, fidèles à une tradition philosophique pacifiste, dénoncent depuis longtemps les conséquences tragiques d’une législation permissive. En la matière, comme dans d’autres domaines, il faut, hélas ! attendre le drame, comme à Marseille, pour que les élus prennent leurs responsabilités.

Très récemment, dans mon département, l’Essonne, deux véhicules ont été la cible de tirs à l’arme automatique. Un jeune homme d’une vingtaine d’années a été blessé par balle à la main, à la suite d’une bagarre intervenue à Crosne. Sur les lieux de la fusillade, on a retrouvé des douilles de 9 millimètres, ainsi qu’une grenade offensive non dégoupillée.

De tels événements sont incroyables ; pourtant, ils se déroulent dans nos quartiers. Voilà la société dans laquelle nous vivons ! C’est tout simplement inacceptable.

Parce qu’il a permis d’amorcer l’actuelle prise de conscience, je salue le travail de nos collègues députés Claude Bodin et Bruno Le Roux, qui ont publié un excellent rapport sur les violences par armes à feu et l’état de la législation.

Cependant, m’étant penché sur le sujet, j’ai pu constater combien les informations récentes et les statistiques en la matière sont rares. Toutefois, le peu que l’on sache est pour le moins alarmant.

En 2008, on comptait plus de 3 millions d’armes, appartenant essentiellement à des chasseurs ou à des tireurs sportifs.

Qu’il s’agisse d’armes déclarées, soumises à autorisation, ou d’armes illégales, il est presque impossible de comptabiliser celles qui sont réellement présentes sur le territoire. Bien évidemment, les estimations sont supérieures aux chiffres officiels. Le syndicat des armuriers estime, pour sa part, que 10 millions d’armes sont en circulation en France, et une enquête place même la France au deuxième rang des pays les plus armés de l’Union européenne !

Objet d’une discussion particulièrement constructive entre les deux chambres parlementaires, la proposition de loi est aujourd’hui, il faut le reconnaître, un texte positif, actant la nécessité d’agir pour renforcer la sécurité publique. Je pense notamment à quelques mesures satisfaisantes, comme le renforcement des dispositifs permettant de lutter contre le trafic d’armes, l’alourdissement des sanctions pénales ou l’impossibilité d’acquisition et de détention d’une arme à feu pour une personne ayant été condamnée pour une infraction dénotant un comportement violent.

Néanmoins, les écologistes estiment que ce texte aurait pu aller plus loin. Vous allez peut-être sourire, monsieur le ministre, mais nous prônons une société non violente et pacifiste, dans laquelle les armes n’ont pas leur place… du tout ! Il ne me paraît donc pas scandaleux d’affirmer que les particuliers ne devraient pas disposer d’armes à feu chez eux ; c’est une question de bon sens et de sécurité préventive.

Si je comprends les revendications des chasseurs, des collectionneurs et des sportifs, dont mes collègues se sont fait les interprètes, et si je respecte leur passion, je rappelle que des vies humaines sont en jeu.

Pour la saison 2010-2011, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage a recensé 131 accidents de chasse, dont 18 mortels. Ont été victimes de ces accidents 4 enfants, souvent d’ailleurs les propres enfants des chasseurs.

Des milliers d’usagers pacifiques de la nature, les promeneurs, les cyclistes, les randonneurs, les joggeurs, ne vont plus en forêt l’automne et l’hiver de peur d’être victimes d’une balle perdue.

Maladresse, homicide involontaire, coup de folie, règlement de compte : tous les jours, ou presque, malheureusement, de tels drames se produisent, même si, bien évidemment, le risque zéro n’existe pas.

C’est pourquoi, sur un plan philosophique, nous estimons qu’aucune exception ne devrait pouvoir être envisagée. La prohibition des armes à feu n’est pas si utopique. Elle est d’ailleurs déjà appliquée dans certains pays. Le Danemark et les Pays-Bas ont décidé une interdiction générale. Au Japon, la réglementation est tellement stricte qu’il est, pour ainsi dire, impossible d’avoir chez soi une arme à feu, a fortiori une arme de guerre dans un but de collection, y compris une arme neutralisée. La loi britannique prévoit l’interdiction de presque toutes les armes à feu. Les policiers, par tradition, n’en portent pas, sauf dans des circonstances très spécifiques.

Les études internationales démontrent ce qui apparaît comme une évidence : plus le pourcentage de ménages possédant une arme à feu est réduit, plus le taux de décès par armes à feu est faible, voire quasiment inexistant.

Pour conclure, permettez-moi de citer le philosophe français Jean-François Revel : « Si l’individu ne devient pas pacifique, une société qui est la somme de ces individus ne le deviendra jamais. »

Telles sont les raisons pour lesquelles les écologistes défendent un modèle pacifiste, respectueux de la dignité humaine et de l’environnement, même s’ils ne prétendent pas, vous le comprenez aisément à mes propos et au ton que j’ai employé, donner de leçons de morale en la matière, ni quelque leçon que ce soit d’ailleurs.

Ainsi, les écologistes s’abstiendront sur ce texte, qui constitue certes, monsieur le ministre, une avancée par rapport au droit actuel, mais ne correspond pas à la vision qu’ils défendent, celle d’une société désarmée. (M. le président de la commission des lois applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec un plaisir certain que nous voyons revenir au Sénat la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif. Je voudrais, à mon tour, affirmer le caractère consensuel d’une démarche parlementaire engagée ici même le 8 décembre dernier, soit quasiment un an après la transmission du texte au Sénat, la nouvelle majorité de notre assemblée faisant en sorte, je tiens à le préciser, de tenir les délais !

C’est d’ailleurs la même démarche consensuelle qui a présidé à l’adoption de la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique, largement complémentaire de celle-ci. Qu’il me soit permis au passage de regretter le manque de fair-play manifesté par nos collègues députés, il y a quelques jours, à l’occasion de l’adoption de ce texte. Alors que les avancées permises par le Sénat étaient unanimement approuvées par les chasseurs, singulièrement par la Fédération nationale des chasseurs de France, ceux-ci ont fait superbement l’impasse sur le côté positif du travail sénatorial.

D’ailleurs, je me plais également à rappeler que le texte que nous examinons aujourd’hui a aussi été singulièrement amélioré par le Sénat. En effet, à l’issue de la première lecture par l’Assemblée nationale, il avait été largement contesté, et ce à juste titre, par les chasseurs, les tireurs sportifs, les collectionneurs et les armuriers. Il se devait de permettre la transposition de la directive européenne sur les armes à feu.

Les points litigieux concernaient des aspects majeurs de la proposition de loi, à savoir la classification des catégories d’armes et leurs conditions d’acquisition et de détention, ainsi que de leur transport. Le travail du Sénat a permis en quelque sorte de remettre les choses à l’endroit.

La définition des sanctions et de leurs destinataires dans le cadre de l’interdiction de la détention et du port d’armes a aussi été grandement modifiée par les sénateurs. Quant au statut des collectionneurs, il a enfin bénéficié de sérieuses avancées, alors qu’il menaçait de disparaître purement et simplement, tout comme, d’ailleurs, la pratique du tir sportif.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a non seulement validé notre travail, mais l’a aussi conforté sur certains points.

J’ajoute, monsieur le ministre, que les avancées réalisées par la Haute Assemblée n’étaient pas uniquement dues, de façon monolithique, au travail des sénateurs de droite. Il ne vous aura pas échappé, à la lecture des amendements déposés, que quelques-uns d’entre eux, et non des moindres, étaient signés par des sénateurs de gauche !

C’est ainsi que les députés ont renforcé la cohérence de l’article 3, en rassemblant la catégorie des matériels et des armes, pour que l’application du principe d’interdiction et les dérogations y afférant soient uniformisées sous la catégorie générique A. Ils ont également affiné la rédaction de ce même article, afin de permettre, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, aux personnes physiques et morales d’acquérir et de détenir des matériels et armes aux fins de collection ou de tir sportif.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a reconnu que la liste des infractions pour lesquelles une inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire entraîne l’interdiction de détenir ou de porter une arme, telle qu’elle a été redéfinie par le Sénat, constituait un véritable progrès par rapport à sa propre rédaction, qui renvoyait plus à de grandes catégories qu’à des infractions précises.

Les députés ont aussi adopté un amendement déposé par le rapporteur du texte et tendant à rendre obligatoire la règle du prononcé des peines complémentaires restreignant la capacité d’acquérir et de détenir des armes pour les infractions non seulement de destructions volontaires dangereuses pour les personnes, mais aussi de détention de produits incendiaires ou explosifs en vue de commettre une telle infraction.

Concernant, enfin, l’article 32 relatif à l’incrimination, pour toutes les catégories d’armes, du port ou du transport d’armes sans motif légitime, les députés ont validé, tout en les précisant, les dispositions que nous avions mises en place, ainsi que l’a rappelé tout à l’heure le rapporteur. Sur proposition de leur rapporteur, ils ont en effet distingué le transport et le port des armes, alors que la rédaction sénatoriale les soumettait conjointement à la même condition de possession d’un permis de chasser, accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui est donc précis : pour le transport d’armes, la détention d’un permis de chasser permet à son titulaire d’avoir un motif légitime pour transporter celles qui sont utilisées pour l’activité de chasse, sans qu’il soit toutefois exigé que ce permis soit accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente.

Pour ma part, je considère que c’est tout à l’honneur des parlementaires, toutes tendances politiques confondues, monsieur le ministre, d’avoir soutenu et amendé un texte très attendu par les utilisateurs légaux et légitimes des armes à feu que sont les armuriers, les fabricants, les collectionneurs, les pratiquants de ball-trap, les tireurs sportifs et les chasseurs.

Nous avons délibérément voulu déconnecter – c’est un euphémisme ! – le travail que nous avons effectué d’un contexte politique particulier. Celui-ci n’obéit donc à aucune logique électoraliste.

Les positions que j’ai défendues en première lecture et que je continue à défendre sont celles que j’aurais mises en avant il y a un an, ou que je pourrais soutenir dans six mois. Elles sont le fruit de convictions, ainsi que d’un travail d’écoute, de réflexion et de concertation approfondi.

Ce texte fera, selon toute vraisemblance, l’objet d’un vote conforme, ce dont je me réjouis. Il donne satisfaction aux 2 millions de détenteurs légaux d’armes à feux recensés, tout en permettant de réprimer plus efficacement le trafic des armes et ceux qui violent la loi en y participant.

Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à l’actualité récente, qui nous a conduits à déplorer la mort de plusieurs personnes sous le feu d’armes de guerre, dans le cadre soit de sordides règlements de compte, soit de braquages ayant mal tourné.

En tout état de cause, vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que ce texte, même s’il renforce de manière précise et conséquente le volet pénal relatif à la détention et à l’utilisation d’armes prohibées, aura atteint les limites de ce que la loi peut produire en la matière. Chacun le sait, une personne résolue à attaquer un fourgon de la Brink’s avec une kalachnikov ne reculera pas devant un texte de loi, fût-il de quatre cents pages et très élaboré ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, étant concerné au premier chef et dans le cadre des missions vous incombant, il vous revient donc de mettre en œuvre, comme cela a été rappelé par notre collègue Jean-Pierre Plancade, un dispositif beaucoup plus pertinent pour lutter efficacement contre l’entrée illicite d’armes sur le sol français, leur trafic et leur utilisation.

Par ces propos, je souhaite éviter que la vocation de cette proposition de loi ne soit détournée. À l’issue de ce débat, il ne doit pas y avoir la moindre confusion dans l’opinion publique entre ce que je viens de dénoncer et l’utilisation et la possession légitimes d’armes par 2 millions de personnes, qui se placent délibérément dans le cadre strict de la légalité.

Pour conclure, je me réjouis que nous ayons débattu de ce texte dans un climat apaisé, car les circonstances dans lesquelles nous avons examiné cette question auraient pu donner lieu à un certain nombre de dérapages. Le Sénat, fidèle à son habitude, a réussi à mener ses travaux dans la sérénité, démontrant une fois encore sa capacité à apporter de la valeur ajoutée aux textes qui lui sont soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’interroger sur la réglementation de l’usage et de la détention des armes n’est pas anodin dans notre société. Que l’on fasse allusion à de tristes faits divers, que l’on s’intéresse à la chasse et aux armes, l’enjeu essentiel reste constant : il s’agit, pour nous, d’assurer le respect de la sécurité de chacun et l’ordre public pour tous.

C’est pourquoi l’usage, la détention et la commercialisation d’armes sont devenus un enjeu primordial dans la définition de l’organisation de l’espace public. Aussi nous est-il apparu nécessaire de renforcer le dispositif juridique en vigueur en la matière, mais, surtout, de l’améliorer et de le simplifier.

Plus encore, la question de la libre circulation des armes a aussi récemment attiré l’attention de Bruxelles, et il existe, à ce titre, des exceptions, compte tenu du double usage de ces marchandises.

Comme en dispose l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il appartient à tout État membre de « prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ».

Sont donc seuls soumis aux règles de la libre circulation des marchandises les produits non spécifiquement destinés à des fins militaires, tels que les armes de chasse ou de sport, ainsi que les explosifs à usage industriel.

Cette proposition de loi est d’autant plus attendue que le législateur français fait usage ici des prérogatives qui lui sont conférées par le droit de l’Union européenne, en vue d’assurer l’ordre public et la sécurité des citoyens français.

Mais nous souhaitons surtout répondre aux attentes des chasseurs, des tireurs sportifs, comme des collectionneurs, puisque les armes touchent un large spectre de personnes, au-delà des usages militaires de ces matériels.

La complexité excessive de la réglementation actuelle est préjudiciable tant aux citoyens qu’aux administrations chargées de son application.

Aussi, les concertations engagées par le Gouvernement avec les représentants d’utilisateurs légaux d’armes à feu, qui ont défendu ardemment leurs intérêts, aboutissent enfin. Ces concertations entre la société civile et les pouvoirs publics ont été fructueuses, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Nous avons réussi, grâce aux débats consensuels qui ont eu lieu dans chacune des deux assemblées parlementaires, à construire un cadre juridique moderne, équilibré, simplifié et adapté aux nouvelles contraintes du contrôle des armes.

Cette proposition de loi a un double objet.

D’une part, il s’agit de transposer la directive européenne 91/477/CEE, modifiée en 2008 par la directive 2008/51/CE, instaurant une simplification dans le classement des armes. Tel est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.

La classification que nous proposons a le mérite de clarifier le dispositif, en donnant une définition explicite des différentes catégories et en instaurant des obligations proportionnellement graduées non seulement selon les caractéristiques des armes, mais aussi selon la nature des détenteurs, et de durcir les sanctions à l’encontre des délinquants et des trafiquants, notamment par le prononcé obligatoire de peines complémentaires.

D’autre part, il s’agit de se placer dans une perspective plus nationale et de moderniser la législation relative aux armes, qui date du décret-loi de 1939. Dès lors, cela impliquait de revoir la législation sur les armes pour tous les détenteurs légaux d’armes à feu datant d’une période troublée.

De plus, nous nous sommes efforcés de renforcer la sécurité publique, en luttant contre les trafics et la délinquance armée. Il me semble que l’introduction de la notion de dangerosité comme principe de classement des armes constitue une importante innovation juridique.

Ainsi, il relève du bon sens qu’une réforme en la matière doit garantir les droits des personnes qui font un usage honnête de leurs armes et qu’il faut davantage s’en prendre aux criminels et aux délinquants.

En effet, les chasseurs et les tireurs sportifs sont respectueux des lois. Ces derniers, par l’entremise de leurs fédérations, nous ont fait remarquer qu’il n’était pas nécessaire de faire peser sur ces honnêtes gens une pression et des contraintes légales supplémentaires, pour la simple raison qu’ils détiennent légitimement des armes à feu.

Selon nous, l’essentiel est que cette proposition de loi permette de sanctionner le défaut de déclaration, d’autorisation et de détention, et donc de limiter les abus et les atteintes aux citoyens. À cet égard, il est certain que ce texte établit un meilleur équilibre pour les détenteurs légaux d’armes à feu, qui ne subiront plus de contraintes démesurées s’ils ont commis une erreur pour défaut de déclaration.

Ainsi, la préservation de l’ordre et de la sécurité publics demeure notre priorité.

Dès lors, il fallait aggraver substantiellement les peines pour les trafiquants qui utilisent ou détiennent des armes à feu. Ainsi, nous avons prévu des aggravations de peines lorsque les infractions sont commises en bande organisée.

Concernant le cas des collectionneurs, cette proposition de loi est sans précédent.

Lorsqu’il s’agit de traiter de sujets délicats, nous devons faire preuve de bon sens et de mesure : si les collectionneurs ne font pas de leurs armes le même usage que les chasseurs et tireurs professionnels, nous ne saurions leur imposer des contraintes inutiles.

Il nous faut prendre conscience qu’une arme n’est dangereuse que si elle est utilisée d’une manière dangereuse. En outre, l’usage d’une arme peut concerner les utilisateurs dits « pacifiques », et ceux-ci ne sauraient se voir lésés du fait de leur passion ou de leur goût pour les armes anciennes.

Nous proposons ainsi la création du statut de collectionneur, qui reconnaît la possibilité, à son bénéficiaire, d’acquérir et de détenir des armes soumises à déclaration, la collection constituant désormais un motif légitime d’acquisition et de détention propre.

Il s’agit là d’une grande avancée, qui permettra sans aucun doute d’assurer une meilleure préservation de notre patrimoine, ainsi qu’une meilleure conservation des matériels présentant un intérêt historique, technique, industriel ou culturel indéniable.

Nous avons certes la volonté de simplifier et de clarifier la réglementation pour les utilisateurs d’armes à feu, mais nous voulons aussi, et surtout, responsabiliser les utilisateurs, en sanctionnant les comportements abusifs, afin de garantir la sécurité et l’intégrité de chaque citoyen.

Assouplissement d’une réglementation trop contraignante pour les collectionneurs d’armes, sauvegarde d’un patrimoine fondateur de l’État-nation, recherche d’un équilibre entre les aspirations légitimes des collectionneurs et l’impératif de sécurité sur notre territoire, telles sont les lignes directrices du rapport d’information que j’ai rédigé et remis au Premier ministre dans le cadre de la mission qui m’a été confiée en 2010. Je tiens d’ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, de l’avoir souligné.

Toutefois, certains points restent encore en suspens, et il serait dommage de ne pas mettre à profit la discussion de ce texte pour les résoudre. Les projets ou propositions de loi en la matière sont peu nombreux, et reporter ces questions est regrettable. Je pense notamment à la question des épaves d’armes.

Cette problématique a été abordée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, mais il a été décidé de la traiter dans le cadre d’une réflexion plus globale sur les collections d’armes, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

Je pense également à la question des armes anciennes de catégorie D soumises à enregistrement, qui ne peuvent être acquises par les détenteurs de la carte de collectionneur, contrairement à celles de la catégorie C.

La commission des lois de l’Assemblée nationale avait introduit cette faculté, mais un amendement du Gouvernement a supprimé cette disposition au motif qu’elle constituerait une menace pour la sécurité publique.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les modalités de délivrance de cette carte comportent suffisamment de garanties pour que l’acquisition et la détention de ces armes ne mettent pas en cause la sécurité publique ?

Une autre question concerne les décisions de refus d’autorisation qui devraient être motivées en fait et en droit. La motivation des décisions administratives me paraît souhaitable. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des éléments de réponse sur les points que je viens d’évoquer.

Bien entendu, le groupe UMP du Sénat garde à l’esprit qu’il n’est pas toujours aisé de concilier liberté et sécurité, mais ce texte devrait satisfaire ces exigences. C’est pourquoi il soutient les propositions de notre excellent rapporteur Antoine Lefèvre, qui a su rassembler les points de vue pour aboutir au texte équilibré que nous nous apprêtons à voter massivement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens de nouveau à me réjouir, au nom du Gouvernement, de l’approche constructive et consensuelle qui a présidé à l’examen de cette proposition de loi, très attendue par les différents possesseurs d’armes. Et j’en donne volontiers acte, monsieur Mirassou, au groupe socialiste.

Monsieur Plancade, vous avez eu raison d’insister, à l’instar de M. Mirassou, sur l’importance des filières d’approvisionnement, sur lesquelles nous menons actuellement un travail très important de recherche criminelle. Nous avons déjà obtenu quelques succès, et nous en attendons d’autres. Vous avez, à juste titre, rappelé que les conflits intervenus dans les Balkans ont permis au grand banditisme sévissant dans notre pays de constituer d’importants stocks, rendant nécessaire un considérable travail de police.

Monsieur Placé, vous avez fort justement souligné que le fichier AGRIPPA ne recense pas la totalité des armes en circulation dans notre pays. La présente proposition de loi, que la Haute Assemblée s’apprête, semble-t-il, à adopter, permettra précisément de procéder à l’enregistrement de toute arme nouvellement détenue. Nous disposerons ainsi d’informations complètes sur les armes qui sont détenues en France.

Monsieur César, vous avez évoqué la satisfaction avec laquelle les collectionneurs accueillent le nouveau statut créé à leur intention par cette proposition de loi. La collection d’armes est une réalité bien vivante dans notre pays.

Par ailleurs, vous avez soulevé la question de la détention des armes de catégorie D. Le Gouvernement n’est pas du tout fermé à une évolution de la réglementation en la matière, mais il convient d’observer au préalable la manière dont ce texte sera appliqué.

Madame Assassi, vous avez, pour votre part, abordé la question des armes non létales, notamment l’utilisation de celles-ci par les forces de sécurité.

Le Gouvernement considère très clairement que ces armes ne doivent pas être en vente libre.

Toutefois, je ne répondrai pas à vos attentes : le Gouvernement n’entend pas interdire leur utilisation par les forces de sécurité. Pour autant – et vous avez eu raison de le souligner –, l’utilisation de ces armes doit être accompagnée d’une formation initiale et continue rigoureuse. De plus, les conditions d’emploi de ces armes doivent être strictement respectées.

Cela dit, je me permets d’appeler votre attention sur le fait que les forces de l’ordre se trouvent souvent dans des situations très difficiles : elles doivent parfois s’extraire d’environnements très menaçants, et il vaut mieux alors qu’elles utilisent des armes non létales plutôt que des armes à feu.

Mme Éliane Assassi. Je n’ai pas réclamé le contraire !

M. Claude Guéant, ministre. La position du Gouvernement est identique lors d’interpellations de nature différente et lorsque des policiers isolés se retrouvent opposés à des groupes de moindre importance.

Mme Éliane Assassi. Le Taser peut être mortel !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

Sur les articles du texte élaboré par la commission, je ne suis saisi d’aucun amendement ni d’aucune demande de parole.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la classification des armes

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

L’article L. 2331-1 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 2331-1. – I. – Les matériels de guerre et les armes, munitions et éléments désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes :

« 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l’acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions de l’article L. 2336-1.

« Cette catégorie comprend :

« – A1 : les armes et éléments d’armes interdits à l’acquisition et à la détention ;

« – A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

« 2° Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l’acquisition et la détention ;

« 3° Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l’acquisition et la détention ;

« 4° Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l’acquisition et la détention sont libres.

« Un décret en Conseil d’État détermine les matériels, armes, munitions, éléments essentiels, accessoires et opérations industrielles compris dans chacune de ces catégories ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur détention. Il fixe les modalités de délivrance des autorisations ainsi que celles d’établissement des déclarations ou des enregistrements.

« En vue de préserver la sécurité et l’ordre publics, le classement prévu aux 1° à 4° est fondé sur la dangerosité des matériels et des armes. Pour les armes à feu, la dangerosité s’apprécie en particulier en fonction des modalités de répétition du tir ainsi que du nombre de coups tirés sans qu’il soit nécessaire de procéder à un réapprovisionnement de l’arme.

« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du présent I, les armes utilisant des munitions de certains calibres fixés par décret en Conseil d’État sont classées par la seule référence à ce calibre.

« II. – Les matériels qui sont soumis à des restrictions ou à une procédure spéciale pour l’importation ou l’exportation hors du territoire de l’Union européenne ou pour le transfert au sein de l’Union européenne sont définis au chapitre V du présent titre.

« III. – Les différents régimes d’acquisition et de détention mentionnés au présent article ne s’appliquent pas aux personnes se livrant à la fabrication ou au commerce des matériels de guerre, des armes et des munitions conformément au chapitre II du présent titre, auxquelles s’appliquent les règles spécifiques au titre de l’autorisation de fabrication et de commerce. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

M. Jean-Vincent Placé. Le groupe écologiste s’abstient sur l’article 1er, ainsi que sur l’ensemble des articles restant en discussion !

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Article 3

Article 2

(Non modifié)

Le chapitre Ier du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par un article L. 2331-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2331-2. – I. – Les armes et matériels historiques et de collection ainsi que leurs reproductions sont :

« 1° Sauf lorsqu’elles présentent une dangerosité avérée, les armes dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1900 ;

« 1° bis Les armes dont le modèle est postérieur au 1er janvier 1900 et qui sont énumérées par un arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique ;

« 2° Les armes rendues inaptes au tir de toutes munitions, quels qu’en soient le modèle et l’année de fabrication, par l’application de procédés techniques et selon des modalités qui sont définis par arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et de la défense, ainsi que des ministres chargés de l’industrie et des douanes.

« Les chargeurs de ces armes doivent être rendus inaptes au tir dans les conditions fixées par l’arrêté prévu au premier alinéa du présent 2° ;

« 3° Les reproductions d’armes historiques et de collection dont le modèle est antérieur à la date prévue au 1°, sous réserve qu’elles ne tirent pas de munitions à étui métallique ;

« 4° Les matériels relevant de la catégorie A dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1946 et dont la neutralisation est effectivement garantie par l’application de procédés techniques et selon les modalités définis par arrêté de l’autorité ministérielle compétente ;

« 5° Les matériels de guerre relevant de la catégorie A dont le modèle est postérieur au 1er janvier 1946, dont la neutralisation est garantie dans les conditions prévues au 4° et qui sont énumérés dans un arrêté du ministre de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique.

« II. – Les armes et matériels historiques et de collection ainsi que leurs reproductions mentionnés au I sont classés en catégorie D.

« Art. L. 2331-3. – (Supprimé) »

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives aux conditions d’acquisition et de détention des matériels, des armes, éléments d’armes et de leurs munitions

Section 1

Dispositions générales

Article 2
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Article 8

Article 3

(Non modifié)

L’article L. 2336-1 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 2336-1. – I. – Nul ne peut acquérir et détenir légalement des matériels ou des armes de toute catégorie s’il n’est pas âgé de dix-huit ans révolus, sous réserve des exceptions définies par décret en Conseil d’État pour la chasse et les activités encadrées par la fédération sportive ayant reçu, au titre de l’article L. 131-14 du code du sport, délégation du ministre chargé des sports pour la pratique du tir.

« II. – L’acquisition et la détention des matériels de guerre, armes et éléments d’armes relevant de la catégorie A sont interdites, sauf pour les besoins de la défense nationale et de la sécurité publique. Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles l’État, pour les besoins autres que ceux de la défense nationale et de la sécurité publique, les collectivités territoriales et les organismes d’intérêt général ou à vocation culturelle, historique ou scientifique peuvent être autorisés à acquérir et à détenir des matériels de guerre, armes et éléments d’armes de catégorie A. Il fixe également les conditions dans lesquelles certains matériels de guerre peuvent être acquis et détenus à fin de collection, professionnelle ou sportive par des personnes, sous réserve des engagements internationaux en vigueur et des exigences de l’ordre et de la sécurité publics.

« III. – Nul ne peut acquérir et détenir légalement des matériels ou des armes des catégories B et C s’il ne remplit pas les conditions suivantes :

« 1° Disposer d’un bulletin n° 2 de son casier judiciaire ne comportant pas de mention de condamnation pour l’une des infractions suivantes :

« – meurtre, assassinat ou empoisonnement prévus aux articles 221-1 et suivants du code pénal ;

« – tortures et actes de barbarie prévus aux articles 222-1 et suivants du code pénal ;

« – violences volontaires prévues aux articles 222-7 et suivants du code pénal ;

« – menaces d’atteinte aux personnes prévues aux articles 222-17 et suivants du code pénal ;

« – viol et agressions sexuelles prévus aux articles 222-22 et suivants du code pénal ;

« – exhibition sexuelle prévue à l’article 222-32 du code pénal ;

« – harcèlement sexuel prévu à l’article 222-33 du code pénal ;

« – harcèlement moral prévu aux articles 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal ;

« – enregistrement et diffusion d’images de violence prévus à l’article 222-33-3 du code pénal ;

« – trafic de stupéfiants prévu aux articles 222-34 et suivants du code pénal ;

« – enlèvement et séquestration prévus aux articles 224-1 et suivants du code pénal ;

« – détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport prévu aux articles 224-6 et suivants du code pénal ;

« – traite des êtres humains prévue aux articles 225-4-1 et suivants du code pénal ;

« – proxénétisme et infractions qui en résultent prévus aux articles 225-5 et suivants du code pénal ;

« – recours à la prostitution des mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables prévu aux articles 225-12-1 et suivants du code pénal ;

« – exploitation de la mendicité prévue aux articles 225-12-5 et suivants du code pénal ;

« – vols prévus aux articles 311-1 et suivants du code pénal ;

« – extorsions prévues aux articles 312-1 et suivants du code pénal ;

« – recel de vol ou d’extorsion prévu aux articles 321-1 et suivants du code pénal ;

« – destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes prévues aux articles 322-5 et suivants du code pénal ;

« – menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes prévues aux articles 322-12 et 322-14 du code pénal ;

« – blanchiment prévu aux articles 324-1 et suivants du code pénal ;

« – participation à un attroupement en étant porteur d’une arme ou provocation directe à un attroupement armé prévues aux articles 431-5 et 431-6 du code pénal ;

« – participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme prévue à l’article 431-10 du code pénal ;

« – intrusion dans un établissement d’enseignement scolaire par une personne porteuse d’une arme prévue aux articles 431-24 et 431-25 du code pénal ;

« – introduction d’armes dans un établissement scolaire prévue à l’article 431-28 du code pénal ;

« – rébellion armée et rébellion armée en réunion prévues à l’article 433-8 du code pénal ;

« – destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes prévues aux articles 322-1 et suivants du code pénal commises en état de récidive légale ;

« – fabrication ou commerce des matériels de guerre ou d’armes ou de munitions de défense sans autorisation prévus et réprimés par les articles L. 2339-2, L. 2339-3 et L. 2339-4 du présent code ;

« – acquisition, cession ou détention, sans autorisation, d’une ou plusieurs armes ou matériels des catégories A, B, C ou d’armes de catégorie D mentionnées au VI du présent article ou de leurs munitions prévues et réprimées par les articles L. 2339-5, L. 2339-6, L. 2339-7 et L. 2339-8 ;

« – port, transport et expédition d’armes des catégories A, B, C ou d’armes de la catégorie D soumises à enregistrement sans motif légitime prévus et réprimés par l’article L. 2339-9 ;

« – importation sans autorisation des matériels des catégories A, B, C ou d’armes de la catégorie D énumérées par un décret en Conseil d’État prévue et réprimée par les articles L. 2339-10 et L. 2339-11 ;

« – fabrication, vente, exportation, sans autorisation, d’un engin ou produit explosif ou incendiaire, port ou transport d’artifices non détonants prévus et réprimés par les articles L. 2353-4 à L. 2353-13 ;

« 2° Ne pas se signaler par un comportement laissant objectivement craindre une utilisation de l’arme ou du matériel dangereuse pour soi-même ou pour autrui ;

« 3° (Supprimé)

« IV. – L’acquisition et la détention des armes, éléments d’armes et de munitions de catégorie B sont soumises à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d’État qui prévoit notamment la présentation de la copie d’une licence de tir en cours de validité délivrée par une fédération sportive ayant reçu délégation du ministre chargé des sports au titre de l’article L. 131-14 du code du sport.

« Nul ne peut acquérir et détenir légalement des matériels ou des armes, éléments d’armes et munitions classés en catégorie B s’il ne peut produire un certificat médical datant de moins d’un mois, attestant de manière circonstanciée d’un état de santé physique et psychique compatible avec l’acquisition et la détention d’une arme et établi dans les conditions fixées à l’article L. 2336-3 du présent code.

« Quiconque devient propriétaire par voie successorale ou testamentaire d’une arme de catégorie B, sans être autorisé à la détenir, doit s’en défaire dans un délai de trois mois à compter de la mise en possession, dans les conditions prévues à l’article L. 2337-3.

« V. – L’acquisition des armes de catégorie C nécessite l’établissement d’une déclaration par l’armurier ou par leur détenteur dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Pour les personnes physiques, leur acquisition est subordonnée à la production d’un certificat médical datant de moins d’un mois, attestant de manière circonstanciée d’un état de santé physique et psychique compatible avec l’acquisition et la détention d’une arme et établi dans les conditions fixées à l’article L. 2336-3 ou, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, à la présentation d’une copie :

« 1° D’un permis de chasser revêtu de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente ;

« 2° D’une licence de tir en cours de validité délivrée par une fédération sportive ayant reçu délégation du ministre chargé des sports au titre de l’article L. 131-14 du code du sport ;

« 3° Ou d’une carte de collectionneur d’armes délivrée en application de l’article L. 2337-1-1 du présent code.

« VI. – L’acquisition et la détention des armes de catégorie D sont libres.

« Un décret en Conseil d’État peut toutefois soumettre l’acquisition de certaines d’entre elles à des obligations particulières de nature à garantir leur traçabilité, compte tenu de leurs caractéristiques techniques, de leur valeur patrimoniale ou de leur utilisation dans le cadre de la pratique d’une activité sportive ou de loisirs.

« VI bis. – Sont interdites :

« 1° L’acquisition ou la détention de plusieurs armes de la catégorie B par un seul individu, sauf dans les cas prévus par décret en Conseil d’État ;

« 2° L’acquisition ou la détention de plus de 50 cartouches par arme de la catégorie B, sauf dans les cas prévus par décret en Conseil d’État.

« VII. – (Supprimé) »

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

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Section 2

Dispositions spéciales relatives aux collectionneurs d’armes

Article 3
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Article 15

Article 8

(Non modifié)

I. – Après l’article L. 2337-1 du code de la défense, il est inséré un article L. 2337-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2337-1-1. – I. – Peuvent obtenir une carte de collectionneur d’armes délivrée par l’autorité compétente de l’État les personnes physiques qui :

« 1° Exposent dans des musées ouverts au public ou contribuent, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou à l’étude des armes ;

« 2° Remplissent les conditions prévues au I et aux 1° et 2° du III de l’article L. 2336-1 ;

« 3° Produisent un certificat médical dans les conditions prévues à l’article L. 2336-3 ;

« 4° Justifient avoir été sensibilisées aux règles de sécurité dans le domaine des armes.

« II. – Peuvent obtenir une carte de collectionneur d’armes délivrée par l’autorité compétente de l’État les personnes morales :

« 1° Qui exposent dans des musées ouverts au public ou dont l’objet est de contribuer, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou à l’étude des armes ;

« 2° Dont les représentants remplissent les conditions prévues au I et aux 1° et 2° du III de l’article L. 2336-1 ;

« 3° Dont les représentants produisent un certificat médical dans les conditions prévues à l’article L. 2336-3 ;

« 4° Dont les représentants justifient avoir été sensibilisés aux règles de sécurité dans le domaine des armes.

« III. – La carte de collectionneur d’armes permet d’acquérir et de détenir des armes de la catégorie C.

« 1° à 3° (Supprimés)

« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe la durée de la validité de la carte ainsi que les conditions de son renouvellement. Il détermine également les modalités d’application du 4° des I et II et les conditions de déclaration des armes. Il précise les collections qui, en raison de leur taille et de la nature des armes qu’elles comportent, doivent faire l’objet de mesures tendant à prévenir leur vol. »

II. – Dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du présent article, les personnes physiques et morales détenant des armes relevant de la catégorie C qui déposent une demande de carte de collectionneur d’armes et remplissent les conditions fixées aux I et II de l’article L. 2337-1-1 du code de la défense sont réputées avoir acquis et détenir ces armes dans des conditions régulières. – (Adopté.)

Chapitre III

Dispositions relatives aux saisies administratives, aux peines complémentaires et aux sanctions pénales

Section 1

Des saisies administratives

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Section 2

Des peines complémentaires restreignant la capacité d’acquérir et de détenir des armes à la suite d’une condamnation pénale

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Article 8
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Article 20

Article 15

(Non modifié)

L’article 225-20 du code pénal est complété par un II ainsi rédigé :

« II. – En cas de condamnation pour les infractions prévues aux sections 1 bis, 2 et 2 ter du présent chapitre, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 5° du I est obligatoire et la durée de l’interdiction est portée à dix ans au plus.

« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » – (Adopté.)

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Article 15
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Article 27

Article 20

(Non modifié)

L’article 322-15 du code pénal est complété par un II ainsi rédigé :

« II. – En cas de condamnation pour les crimes ou délits prévus aux articles 322-6 à 322-11-1, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 3° du I du présent article est obligatoire.

« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » – (Adopté.)

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Section 3

Renforcement des sanctions pénales

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Article 20
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Article 28

Article 27

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article L. 2339-4 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Est punie d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 € la cession, à quelque titre que ce soit, par un fabricant ou commerçant, détenteur de l’une des autorisations mentionnées à l’article L. 2332-1, d’une ou plusieurs armes ou munitions des catégories A, B, C ainsi que d’une ou plusieurs armes ou munitions de catégorie D mentionnées au second alinéa du VI de l’article L. 2336-1, en violation du même article L. 2336-1 ou de l’article L. 2337-4. » – (Adopté.)

Article 27
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Article 29

Article 28

(Non modifié)

Après l’article L. 2339-4 du code de la défense, il est inséré un article L. 2339-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2339-4-1. – Est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 € toute personne titulaire de l’une des autorisations de fabrication ou de commerce d’armes et de munitions mentionnées à l’article L. 2332-1 qui :

« 1° Ne tient pas à jour le registre spécial dans lequel sont enregistrés, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les matériels mis en fabrication, en réparation, en transformation, achetés, vendus, loués ou détruits ;

« 2° Dans le cas d’opérations d’intermédiation, ne tient pas à jour le registre spécial dans lequel sont enregistrés, dans des conditions fixées par le même décret en Conseil d’État, le nom des entreprises mises en relation ou des autres participants à l’opération d’intermédiation, ainsi que le contenu de ces opérations ;

« 3° En cas de cessation d’activité, ne dépose pas auprès de l’autorité administrative compétente les registres spéciaux mentionnés aux 1° et 2° ou n’en assure pas la conservation pendant un délai et dans des conditions fixés par le même décret en Conseil d’État ;

« 4° Cède à un autre commerçant ou fabricant autorisé un matériel, une arme, un élément essentiel ou des munitions des catégories A, B ou C ou une arme, un élément essentiel ou des munitions de catégorie D mentionnés au second alinéa du VI de l’article L. 2336-1, sans accomplir les formalités déterminées par le même décret en Conseil d’État ;

« 5° Vend par correspondance des matériels, armes, munitions et leurs éléments essentiels sans avoir reçu et conservé les documents nécessaires à leur inscription sur le registre spécial mentionné au 1° du présent article. » – (Adopté.)

Article 28
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Article 30

Article 29

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article L. 2339-5 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Sont punies d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 € l’acquisition, la cession ou la détention, sans l’autorisation prévue à l’article L. 2332-1, d’une ou de plusieurs armes des catégories A ou B, de munitions ou de leurs éléments essentiels en violation des articles L. 2336-1, L. 2337-3 ou L. 2337-4. » – (Adopté.)

Article 29
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Article 31

Article 30

(Non modifié)

Après l’article L. 2339-5 du code de la défense, il est inséré un article L. 2339-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2339-5-1. – Sont punies de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 € l’acquisition, la cession ou la détention d’une ou de plusieurs armes de la catégorie C en l’absence de la déclaration prévue au V de l’article L. 2336-1 ou au II de l’article L. 2337-3.

« Sont punies d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 € l’acquisition, la cession ou la détention d’une ou de plusieurs armes de catégorie D en violation des obligations particulières mentionnées au second alinéa du VI du même article L. 2336-1.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. » – (Adopté.)

Article 30
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Article 32

Article 31

(Non modifié)

I. – La section 3 du chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complétée par des articles L. 2339-8-1 et L. 2339-8-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 2339-8-1. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait de frauduleusement supprimer, masquer, altérer ou modifier de façon quelconque les marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature apposés ou intégrés sur des matériels mentionnés à l’article L. 2331-1, des armes ou leurs éléments essentiels afin de garantir leur identification de manière certaine suivant les modalités fixées par un décret en Conseil d’État ou de détenir, en connaissance de cause, une arme ainsi modifiée.

« Art. L. 2339-8-2. – I. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 € l’acquisition, la vente, la livraison ou le transport de matériels, d’armes et de leurs éléments essentiels mentionnés à l’article L. 2331-1 dépourvus des marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature apposés ou intégrés sur les matériels, les armes ou leurs éléments essentiels, nécessaires à leur identification de manière certaine suivant les modalités fixées par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 2339-8-1, ou dont les marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature auraient été supprimés, masqués, altérés ou modifiés.

« II. – Les peines peuvent être portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende si les infractions mentionnées au I sont commises en bande organisée.

« III. – La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. »

II. – (Non modifié)

M. le président. Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

Article 31
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Article 35

Article 32

(Non modifié)

L’article L. 2339-9 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 2339-9. – I. – Quiconque, hors de son domicile et sauf les exceptions résultant des articles L. 2338-1 et L. 2338-2, est trouvé porteur ou effectue sans motif légitime le transport de matériels de guerre, d’une ou plusieurs armes, de leurs éléments essentiels ou de munitions, même s’il en est régulièrement détenteur, est puni :

« 1° S’il s’agit de matériels de guerre mentionnés à l’article L. 2331-1, d’armes, de leurs éléments essentiels ou de munitions des catégories A ou B, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 € ;

« 2° S’il s’agit d’armes, de leurs éléments essentiels ou de munitions de la catégorie C, d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € ;

« 3° S’il s’agit d’armes, de munitions ou de leurs éléments de la catégorie D soumis à enregistrement, d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 €.

« II. – Si le transport d’armes est effectué par au moins deux personnes ou si deux personnes au moins sont trouvées ensemble porteuses d’armes, les peines sont portées :

« 1° S’il s’agit de matériels de guerre mentionnés à l’article L. 2331-1, d’armes, de leurs éléments essentiels ou de munitions des catégories A ou B, à dix ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende ;

« 2° S’il s’agit d’armes, de leurs éléments essentiels ou de munitions de catégorie C, à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ;

« 3° S’il s’agit d’armes, de munitions ou de leurs éléments de catégorie D soumis à enregistrement, à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

« III. – La licence de tir en cours de validité délivrée par une fédération sportive ayant reçu délégation du ministre chargé des sports au titre de l’article L. 131-14 du code des sports ou la carte de collectionneur d’armes délivrée en application de l’article L. 2337-1-1 du présent code valent titre de transport légitime des armes qu’elles permettent d’acquérir régulièrement.

« Le permis de chasser vaut titre de transport légitime pour les armes qu’il permet de détenir.

« Le permis de chasser accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente vaut titre de port légitime des armes qu’il permet d’acquérir pour leur utilisation en action de chasse ou pour toute activité qui y est liée. » – (Adopté.)

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Chapitre IV

Entrée en vigueur et dispositions transitoires et de coordination

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Article 32
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Article 35 ter (début)

Article 35

(Non modifié)

I. – L’article L. 2332-1 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « 1re, 2e, 3e, 4e catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A ou B » ;

2° Au premier alinéa du II, les mots : « des 1re, 2e, 3e et 4e, 5e ou 7e catégories, ainsi que des armes de 6e catégorie » sont remplacés par les mots : « essentiels des catégories A, B, C ainsi que des armes de catégorie D » ;

3° À la première phrase du premier alinéa du III, les mots : « éléments, des 5e et 7e catégories, ainsi que les armes de 6e catégorie énumérées » sont remplacés par les mots : « éléments essentiels, des catégories C ou D énumérés ».

II. – L’article L. 2332-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « des 1re, 2e, 3e, 4e, 5e ou 7catégories, ainsi que des armes de 6e catégorie » sont remplacés par les mots : « essentiels des catégories A, B, C ainsi que des armes de catégorie D » ;

2° À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « des 1re, 2e, 3e, 4e, 7e catégories, ainsi que des armes de 6e catégorie » sont remplacés par les mots : « essentiels des catégories A, B, C ainsi que des armes de catégorie D » ;

3° Les deux dernières phrases du dernier alinéa sont remplacées par une phrase et un alinéa ainsi rédigés :

« Un décret en Conseil d’État énumère les armes de catégories B, C et D et leurs éléments essentiels ainsi que les munitions de toute catégorie qui, par dérogation au premier alinéa, peuvent être directement livrés à l’acquéreur dans le cadre d’une vente par correspondance ou à distance.

« Ce même décret fixe les conditions dans lesquelles sont réalisées ces expéditions. »

III. – À l’article L. 2332-6 du même code, les mots : « quatre premières catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A et B ».

IV. – Au premier alinéa de l’article L. 2332-10 du même code, les mots : « quatre premières catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A et B ».

V. – L’article L. 2335-1 du même code, tel qu’il résulte de la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « de 1re, 2e, 3e, 4e et 6e catégories » sont remplacés par les mots : « des catégories A, B ainsi que les matériels des catégories C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État » ;

2° Au II, les mots : « 1re ou 4e catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A ou B » ;

3° Au premier alinéa du III, les mots : « quatre premières catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A et B » ;

4° Au second alinéa du même III, les mots : « des quatre premières catégories » sont remplacés par les mots : « des catégories A et B ».

bis. – Le V de l’article L. 2335-3 et le VI de l’article L. 2335-10 du même code, tels qu’ils résultent de la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 précitée, sont ainsi modifiés :

1° Au premier alinéa, les mots : « quatre premières catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A et B » ;

2° Au second alinéa, les mots : « des quatre premières catégories » sont remplacés par les mots : « de catégories A et B ».

VI. – L’article L. 2336-2 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans les ventes publiques, seules peuvent se porter acquéreurs des matériels de guerre, armes et munitions et de leurs éléments des catégories A et B ainsi que des armes de catégorie D figurant sur une liste établie par un décret en Conseil d’État les personnes physiques ou morales qui peuvent régulièrement acquérir et détenir des matériels et armes de ces différentes catégories en application des articles L. 2332-1, L. 2336-1 ou L. 2337-1-1. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

VII. – Le premier alinéa de l’article L. 2336-3 du même code est ainsi modifié :

1° Les mots : « des 1re et 4e catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A et B » ;

2° Les mots : « des 5e et 7e catégories » sont remplacés par les mots : « de catégorie C ».

VIII. – L’article L. 2337-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « des 1re et 4e catégories » sont remplacés par les mots : « essentiels des catégories A et B » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « des 5e et 7e catégories » sont remplacés par les mots : « essentiels des catégories C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État ».

IX. – Au premier alinéa de l’article L. 2337-4 du même code, les mots : « 1re ou de la 4e catégorie » sont remplacés par les mots : « catégories A et B ».

X. – Le premier alinéa de l’article L. 2338-1 du même code est ainsi modifié :

1° Les mots : « 1re, 4e et 6e catégories » sont remplacés par les mots : « catégories A, B, ainsi que des armes de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État » ;

2° Les mots : « constitutifs des armes des 1re et 4e catégories » sont remplacés par les mots : « essentiels des armes des catégories A et B ».

XI. – Au premier alinéa de l’article L. 2339-8 du même code, les mots : « de la 1re, 4e ou 6e catégorie » sont remplacés par les mots : « des catégories A, B, ainsi que des armes de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État ».

XII. – À la fin du premier alinéa de l’article L. 2339-10 du même code, les mots : « des 1re à 6e catégories » sont remplacés par les mots : « des catégories A, B, C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État ».

XII bis. – À l’article L. 2339-16 du même code, la référence : « 2° du I » est remplacée par la référence : « II ». 

XIII. – Au premier alinéa de l’article L. 2353-13 du même code, les mots : « la 1re catégorie » sont remplacés par les mots : « la catégorie A ».

XIV et XV. – (Non modifiés)

XVI. – Au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 85-706 du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions, les mots : « de la première catégorie (paragraphes 1, 2 et 3) et des quatrième, cinquième et septième catégories telles qu’elles sont définies par l’article premier du décret n° 73-364 du 12 mars 1973 relatif à l’application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions » sont remplacés par les mots : « des catégories A, B ainsi que les armes des catégories C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État ».

XVII. – Au I de l’article 3 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane, les mots : « première catégorie figurant sur une liste fixée par décret acquises à titre personnel, aux armes et munitions non considérées comme matériels de guerre, mentionnées à l’article 1er du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre » sont remplacés par les mots : « catégorie A figurant sur une liste fixée par décret acquises à titre personnel, aux armes des catégories A, B, C et D mentionnées à l’article L. 2331-1 du code de la défense ».

XVIII. – Au 4° de l’article 398-1 et aux onzième et vingtième alinéas de l’article 837 du code de procédure pénale, les mots : « de la 6e catégorie » sont remplacés par les mots : « de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État ».

XIX. – Au 14° de l’article 495 du même code, les mots : « 6e catégorie » sont remplacés par les mots : « catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

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Article 35
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Article 35 ter (fin)

Article 35 ter

(Non modifié)

Les armes détenues par les particuliers à la date de la publication des mesures réglementaires d’application de la présente loi sont soumises aux procédures d’autorisation, de déclaration ou d’enregistrement prévues par celle-ci à compter de la survenance du premier des événements suivants :

a) Leur cession à un autre particulier ;

b) L’expiration de l’autorisation pour celles classées antérieurement dans l’une des quatre premières catégories.

Les armes dont l’acquisition et la détention n’étaient pas interdites avant la publication des mesures réglementaires d’application de la présente loi et qui font l’objet d’un classement en catégorie A doivent être remises aux services compétents de l’État dans un délai de trois mois à compter de cette publication. Un décret en Conseil d’État peut toutefois prévoir les conditions dans lesquelles les services compétents de l’État peuvent autoriser les personnes physiques et morales à conserver les armes acquises de manière régulière dans le cadre des lois et règlements antérieurs. L’autorisation a un caractère personnel et devient nulle de plein droit en cas de perte ou de remise de ces armes aux services de l’État. – (Adopté.)

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M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Vincent Placé. Le groupe écologiste s’abstient !

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Article 35 ter (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
 

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Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées
Discussion générale (suite)

Formations supplétives des forces armées

Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux formations supplétives des forces armées (proposition n° 384, texte de la commission n° 403, rapport n° 402).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées
Article unique (début)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le ministre de la défense et des anciens combattants, Gérard Longuet, ainsi que le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants, Marc Laffineur, qui regrettent beaucoup de ne pouvoir être présents cet après-midi.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un plaisir renouvelé de vous retrouver, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je vous remercie, monsieur le président de la commission.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi du sénateur Couderc, qui vise à sanctionner pénalement les insultes faites aux membres de formations supplétives des forces armées.

Nous avons tous été extrêmement choqués – et comment ne pas l’être ? – par les injures proférées par un homme politique français traitant les harkis de « sous-hommes » en 2006. Cet épisode, indigne de notre vie publique, a mis en lumière une lacune de notre droit.

À l’heure actuelle, en effet, les harkis, et plus généralement l’ensemble des anciens supplétifs de l’armée française, ne sont pas suffisamment protégés contre les injures dont ils pourraient être victimes. C’est une situation injuste, et c’est l’honneur de notre Parlement que d’y remédier enfin.

S’agissant plus spécifiquement des harkis, une première pierre avait été posée par la loi Mekachera du 23 février 2005, qui dispose que « sont interdites : toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki [...] ». Je profite d’ailleurs de cette occasion pour souligner que l’article 5 de la loi précitée était parfaitement conforme à la Constitution, comme en témoigne la décision du Conseil d’État en date du 26 janvier dernier. Néanmoins, l’interdiction n’était assortie, dans la loi, d’aucune sanction pénale ; il fallait donc y remédier.

Aussi le sénateur Couderc a-t-il souhaité, dans un premier temps, « compléter » la loi de 2005. Mais si nous comprenons naturellement ce qui a motivé sa démarche, nous ne souhaitions pas nous y associer en l’état, car son initiative risquait notamment, sans bien entendu que M. Couderc en ait eu la moindre intention à l’époque du dépôt de sa proposition de loi, d’exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées. Il convenait donc de revenir sur la rédaction de cette proposition de loi, afin de la rendre plus efficace. C’est la raison pour laquelle nous avons apporté notre soutien entier à l’amendement tendant à réécrire l’article unique : il s’agissait, en effet, de protéger tous les anciens supplétifs de l’armée française.

Cette nouvelle rédaction permet d’étendre le champ de protection de la loi de 1881 à l’ensemble des anciens membres de formations supplétives d’Algérie : les harkis, les moghaznis, les makhzens, les groupes mobiles de protection rurale, les groupes mobiles de sécurité ou des groupes d’autodéfense. Par ailleurs, ne l’oublions pas, des formations supplétives ont servi dans les forces françaises lors d’autres conflits, comme les H’Mongs et les Moïs en Indochine. Il existe donc plusieurs catégories de supplétifs. Aussi ce texte vise-t-il – et c’est ce qui lui donne toute sa force – l’ensemble des forces supplétives qui ont servi dans l’armée française, ce qui englobe bien entendu les harkis.

La proposition de loi du sénateur Couderc, que je salue, consiste donc à aligner, à juste titre selon le Gouvernement, la protection juridique des personnes qui se sont engagées en faveur de la France lors d’un conflit armé, notamment ceux qui ont servi dans les formations supplétives, sur la protection dont bénéficient toutes les forces armées.

L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur de la proposition de loi Élie Aboud, a confirmé l’esprit de ce texte en l’extrayant de la loi de 2005 pour en faire une loi autonome, à laquelle nous sommes tout à fait favorables. Cette loi traduira toute l’importance que nous accordons aux anciens membres des formations supplétives et participera de l’hommage que notre nation rend à ceux qui se sont battus pour elle. Elle est l’expression du respect que nous leur devons à tous, sans introduire entre eux de distinction ni de hiérarchie.

Ce n’est ni le lieu ni le jour de dresser un catalogue des dispositifs mis en œuvre ces dernières années, mais il convient tout de même de souligner que le Président de la République a eu à cœur de développer les prestations dévolues aux anciens supplétifs et à leurs enfants, qu’il s’agisse des conventions d’emploi, des aides à la mobilité et à la création d’entreprise, des dispositifs d’accès à la fonction publique d’État, hospitalière ou territoriale, des bourses scolaires et universitaires, ou encore des allocations pour les orphelins d’anciens supplétifs de l’armée française, pour ne citer que celles-ci.

Ces nouveaux dispositifs, voulus par le Président de la République, ont permis d’améliorer le quotidien des anciens supplétifs et de leurs enfants, même si les efforts devront être poursuivis.

La proposition de loi du sénateur Couderc contribue également à rendre leur dignité aux supplétifs de nos armées, notamment aux harkis qui ont récemment eu à souffrir d’injures inqualifiables.

C’est pourquoi cette initiative vous honore : elle nous rappelle à notre devoir de protéger ces hommes et ces femmes auxquels nous lie un passé à la fois glorieux et douloureux, et qui sont parfois vulnérables en raison même de ce passé.

Aussi donnerons-nous un avis favorable à la version du texte qui vous est aujourd’hui présentée et qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 20 février dernier. J’espère que celui-ci fera l’objet d’une adoption conforme. Ainsi, la reconnaissance que nous devons aux anciens membres de formations supplétives ne pourra plus être impunément entachée d’injures, qui sont autant d’attaques envers notre mémoire collective. De cette façon, Gouvernement et Parlement, de manière consensuelle, pourront être fiers d’avoir fait voter et d’avoir voté cette loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées, adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 20 février dernier.

Ce texte, dont l’initiative revient à notre excellent collègue Raymond Couderc, vise à combler une insuffisance de notre droit pénal.

En effet, si la loi du 25 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a interdit la diffamation et l’injure en raison de la qualité de harki, elle n’a prévu , comme l’a souligné M. le ministre, aucune sanction pénale, qui aurait donné tout leur effet à ces dispositions. Du fait de cette lacune, des propos inadmissibles, sur lesquels je ne reviendrai pas, ont pu être tenus à l’encontre de cette communauté.

Dans sa version originelle, la proposition de loi ne visait que les harkis et les anciens supplétifs ayant servi en Algérie. Elle tendait à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en appliquant le même régime de sanction aux diffamations et injures à l’encontre des harkis que celui qui est prévu pour de tels agissements lorsqu’ils sont commis à raison de la religion, de la race, du sexe ou de l’origine de la victime.

Louable dans ses objectifs, le dispositif proposé appelait toutefois deux réserves.

En premier lieu, comme l’avait relevé le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants, M. Marc Laffineur, le 19 janvier dernier, lors de l’examen de ce texte en première lecture par le Sénat, la proposition de loi, en ne visant que la communauté harkie, risquait d’« exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées ».

En second lieu, la formulation initiale de la proposition de loi paraissait assimiler la diffamation ou l’injure à l’encontre des harkis à la diffamation ou l’injure à raison de la race ou de la religion. Or ces délits visent les harkis en raison du choix qu’ils ont fait de soutenir et de défendre la France.

Aussi, conscient de ces difficultés sur lesquelles votre commission des lois avait attiré l’attention, Raymond Couderc avait déposé un amendement, adopté par le Sénat, modifiant la proposition de loi.

Le texte voté par notre assemblée vise donc l’ensemble des forces supplétives et confère à celles-ci la protection reconnue aux forces armées par les articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. C’est enfin entrer par la grande porte !

Face à la diffamation ou à l’injure, tous ceux qui ont choisi de combattre pour la France dans le cadre de ses forces armées pourront ainsi bénéficier d’un régime de protection équivalent à celui qui est reconnu aux militaires stricto sensu ou aux réservistes. La diffamation contre les forces supplétives sera passible d’une amende de 45 000 euros, et l’injure d’une amende de 12 000 euros.

Au-delà de sa portée juridique, ce choix recèle une forte valeur symbolique, qui marque la dette de la nation à l’égard des forces supplétives, des harkis en particulier.

Par ailleurs, la proposition de loi reconnaît aux associations défendant les intérêts moraux et l’honneur des personnes appartenant ou ayant appartenu aux forces supplétives de l’armée française le droit de se constituer partie civile en cas d’injure ou de diffamation.

Les députés ont unanimement adhéré à la démarche du Sénat et, dans la logique qui sous-tend l’amendement adopté par notre assemblée, ils ont également souhaité modifier l’intitulé de la proposition de loi, afin que celle-ci ne fasse plus référence à la loi n° 2005-158 du 23 janvier 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, mais vise, de manière plus générale, les « formations supplétives des forces armées ».

Ces derniers jours, beaucoup se sont interrogés sur le fait de savoir si les harkis faisaient bien partie des forces supplétives au regard de la loi. Mes chers collègues, nous ne sommes pas tous des juristes. Le fait que le terme « harkis » ait disparu de la proposition de loi a créé des tensions et suscité des peurs, notamment auprès de personnes qui, après avoir tant souffert dans leur chair, sont plus que d’autres sujettes à l’inquiétude ; mais je tiens ici à les rassurer.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Plusieurs textes de droit positif font référence aux harkis et autres membres de formation supplétive. Le terme « autres » employé dans les textes et décrets démontre l’intention du pouvoir réglementaire de considérer les harkis comme des membres des formations supplétives.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Cela ressort clairement du décret du 31 mars 2003 instituant une journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives, ainsi que du décret du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Toutefois, monsieur le ministre, afin qu’aucun doute ne subsiste, pourriez-vous éclairer le Parlement sur la situation des ayants droit ?

M. Patrick Ollier, ministre. Je le ferai !

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Je vous en remercie !

La volonté du législateur ne comporte aucune ambiguïté. Ce texte vise à protéger les harkis, l’ensemble des autres forces supplétives, ainsi que leurs ayants droit. Les jeunes harkis, ne l’oublions pas, sont souvent nés dans des camps du fait de la situation de leur père. Je crois que nous serons unanimes ici pour dire qu’ils ont bien mérité cette protection. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approchons de la célébration du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Le 19 mars prochain, la plupart d’entre nous seront réunis pour honorer la mémoire des victimes de ce conflit né d’un vaste mouvement de décolonisation.

Nous aurons ainsi l’occasion d’exprimer notre devoir de reconnaissance envers tous ceux qui ont payé de leur vie cette brutale déchirure entre le peuple français et le peuple algérien. Et, au-delà du souci permanent que nous devons avoir pour tous les combattants et les civils disparus, n’oublions pas de protéger ceux qui portent encore aujourd’hui les blessures de la guerre d’Algérie : les Français rapatriés, les appelés du contingent et, bien sûr, les harkis, dont le sort difficile a motivé le dépôt de la présente proposition de loi.

Cette initiative complétera les dispositifs matériels et de reconnaissance à l’égard d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont passés d’une rive de la Méditerranée à l’autre dans des conditions tragiques.

Mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour examiner, en deuxième lecture, cette proposition de loi visant à remédier aux carences de la loi du 23 février 2005.

En mars 2007, lors de sa campagne électorale, le candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République – et il est de nouveau, cette année, candidat à la présidence de la République –, avait pris un engagement dans ce domaine en déclarant : « Si je suis élu, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis et d’autres milliers de musulmans français qui lui avaient fait confiance, afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois. » Les harkis ont attendu pendant cinq ans la concrétisation de cette promesse, aujourd’hui matérialisée par ce texte sur lequel a été engagée la procédure accélérée lors de la première lecture.

Cela étant, depuis sa rédaction initiale, ce texte a très largement évolué, notamment lors de son examen par l’Assemblée nationale le 20 février dernier.

Il s’agissait de sanctionner pénalement l’injure et la diffamation proférées à l’encontre des harkis et de permettre aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de diffamation ou d’injures. Ce texte recouvre aujourd’hui l’ensemble des forces supplétives. Il était temps de réparer cette injustice à l’égard des forces supplétives, notamment des harkis !

Imaginons, en effet, un instant ce qu’il a dû en coûter aux 90 000 harkis et à leurs familles, partis d’un pays qui n’était plus vraiment le leur et qui sont arrivés dans une France mal préparée, pour ne pas dire « mal accueillante », qui souhaitait tourner la page.

En effet, les conditions d’accueil en France de ceux qui ont été membres des forces supplétives françaises en Algérie entre 1954 et 1962 se sont révélées particulièrement précaires ; nous en connaissons tous les limites. Moi-même, j’ai pu le constater dans le département de l’Hérault, qui a fait partie des vingt-huit départements désignés pour loger les harkis dans des structures d’urgence.

Parqués dans des cités ou des hameaux de forestage, les harkis et leurs descendants ont longtemps connu la relégation plutôt que l’intégration. La République a failli. Notre pays a manqué à ses devoirs de solidarité et de fraternité. Depuis lors, c’est vrai, même si tout n’a pas été mis en œuvre et si tout n’est pas parfait, le législateur a progressivement réparé ces manquements.

Cette proposition de loi vise à protéger les harkis d’une éventuelle humiliation morale qui s’ajouterait à un quotidien déjà bien difficile. Comment faire taire tous ceux qui auraient oublié que les harkis se sont battus aux côtés de la France, contraints, ensuite, de changer définitivement d’horizon ? Déracinés de leur terre natale par la guerre, les harkis ont suffisamment souffert pour ne pas devoir se battre encore aujourd’hui contre l’opprobre.

Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à remédier à la carence de la loi du 23 février 2005, dont l’article 5 prohibe « toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki ». La jurisprudence a démontré que, en l’espèce, le droit commun n’était pas applicable. En effet, les harkis ne constituent pas un groupe ethnique, national ou religieux.

Aussi, cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée et enrichie, complétera le dispositif juridique d’interdiction de la diffamation et de l’injure à l’égard des anciens harkis ou de leurs descendants, principale mesure de la loi du 23 février 2005, qui avait omis de préciser les sanctions applicables aux contrevenants.

Je souhaite donc que nous soyons très vigilants sur la rédaction de cette proposition de loi, afin de ne pas laisser un vide juridique qui risquerait de pénaliser de nouveau la communauté harkie.

En effet, le terme « assimilés » n’a pas été retenu lors de la rédaction de la proposition de loi, alors que la notion de « forces supplétives et assimilés » figure dans tous les autres textes législatifs.

Dès lors, pourquoi se priver d’apporter une précision supplémentaire à ce texte ? Et pourquoi ne pas spécifier que celui-ci concerne « les forces supplétives et assimilés, notamment les harkis » ?

Si les forces supplétives étaient plurielles, les harkis en représentaient une part importante, et ils ont payé très cher leur engagement aux côtés de la France. Parmi toutes les forces supplétives, ce sont les harkis qui ont fait l’objet de stigmatisation et de discrimination. Ils ont été – et sont toujours – les plus visés par les injures. C’est la raison pour laquelle il me paraît important d’apporter cette précision.

Mes chers collègues, comme l’ensemble des membres du groupe du RDSE, j’apporterai mon soutien à cette proposition de loi, dont l’article unique est de nature à garantir des droits aux harkis, et c’est bien là l’essentiel. J’espère que ce texte contribuera au respect collectif de la dignité des harkis ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la lecture définitive de la proposition de loi sénatoriale, qui s’intitule dorénavant « proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées ».

Si j’insiste d’emblée sur la modification du titre de cette proposition de loi opérée lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, c’est parce que celui-ci a évolué entre la version initiale proposée par la commission des lois du Sénat et celle qui nous revient de l’Assemblée nationale. Toutefois, je précise que l’Assemblée nationale ne l’a modifié que de façon marginale. C’est la raison pour laquelle il convient de se replonger dans les travaux du Sénat, afin de mesurer la portée de la version définitive de la proposition de loi.

Je constate, pour m’en réjouir, la célérité dont fait parfois preuve le Parlement pour mener à bien une initiative d’origine sénatoriale. Le cas est assez rare pour être souligné. Cette proposition de loi fut examinée par le Sénat le 19 janvier dernier, puis par l’Assemblée nationale le 20 février, et il nous revient aujourd’hui de clore le débat.

C’est un record, car, comme ce fut le cas au Sénat, la discussion engagée à l’Assemblée nationale a montré, sur tous les bancs, une réelle convergence pour rendre hommage à la « communauté harkie », une expression que je n’aime pas beaucoup.

La République, comme vient de le souligner notre excellent collègue Robert Tropeano, a failli à leur sujet, soit en les abandonnant sur le sol algérien à un sort certain, comme on le sait, soit en les accueillant à leur arrivée en France dans des camps provisoires, mais qui ont duré très longtemps, notamment dans les départements du sud de la France ; je connais plus particulièrement ceux des Bouches-du-Rhône et du Gard, dont je suis originaire.

Certes, la proposition de loi que nous allons adopter à l’occasion de cette deuxième lecture, qui sera, je l’espère, définitive, ne cible plus les seuls harkis et ne vise plus seulement l’Algérie. En se référant dorénavant aux « formations supplétives » de l’armée, formulation générale en soi, la lisibilité de la proposition de loi initiale a pu, de prime abord, sembler altérée, certains nous l’ont d’ailleurs fait remarquer au travers de mails ou de courriers.

Cependant, la rédaction finale arrêtée par les sénateurs en première lecture préserve l’objectif visé par l’auteur du texte et conforte la sécurité juridique du dispositif, tout en procédant à une extension de son champ d’application.

En effet, ne viser que les seuls harkis et anciens supplétifs ayant servi en Algérie présentait un risque d’atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, et le Conseil constitutionnel aurait pu être saisi directement par une association. Telle qu’elle est à présent rédigée, la proposition de loi est susceptible de s’appliquer à toutes les formations supplétives, par exemple celles qui ont servi en Indochine.

Enfin, il a paru préférable de disjoindre la protection offerte aux supplétifs de la protection renforcée prévue dans la loi de 1881 à raison de l’ethnie, de la nation, de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. Il est vrai, comme vient de le dire M. Tropeano, que les harkis n’entrent pas dans ces catégories.

La réalité de l’engagement militaire des harkis sera mieux prise en compte si la loi affirme que les formations supplétives sont une composante à part entière de l’armée française régulière.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument ! C’est très important !

M. Jean-Pierre Michel. Élie Aboud, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, signale d’ailleurs qu’une assimilation identique a été effectuée en 1951 en faveur des résistants durant la Seconde Guerre mondiale.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Ce n’est que justice !

M. Jean-Pierre Michel. Or le lien était à l’époque plus lâche qu’il ne l’a été pour les harkis, qui étaient membres de l’armée française.

Par ailleurs, l’intégration des formations supplétives aux forces armées a nécessité la mise en cohérence des dispositions relatives aux compétences des associations chargées de défendre les intérêts moraux et l’honneur des harkis.

Ainsi, toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose par ses statuts de défendre les intérêts moraux et l’honneur de personnes ou de groupes de personnes faisant ou ayant fait partie de formations supplétives de l’armée pourra désormais exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de diffamation ou d’injure prévus respectivement à l’article 30 et au premier alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsque ces délits ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission que l’association remplit et à ses membres ou à l’un de ses membres, si ceux-ci sont d’accord pour intenter cette action.

Le dispositif est donc aussi protecteur que celui qui figurait dans la proposition de loi initiale, mais son application est plus large, ce qui, constitutionnellement, est plus sûr. Il ne peut donc que nous satisfaire.

Avant de conclure, j’aimerais revenir sur une question qui a été soulevée à l’Assemblée nationale et à laquelle le Gouvernement n’a pas répondu.

Je souhaite vous interroger de nouveau, monsieur le ministre, et interpeller par la même occasion Mme le rapporteur, sur l’absence du terme « assimilés » dans la proposition de loi, alors que la notion de « forces supplétives et assimilés » est retenue dans tous les autres textes législatifs. Je vous remercie d’apporter des précisions et des garanties sur ce point, car nous voulons être sûrs que la portée de la loi que nous voterons aujourd’hui sera totale.

Sans prétendre répondre à l’ensemble des préoccupations liées à la situation actuelle des harkis et de leurs familles, cette proposition de loi s’inscrit dans la volonté de leur assurer pleinement la reconnaissance morale des sacrifices qu’ils ont consentis. Elle garantit le respect de la nation, je dirai même le respect moral pour ce qu’ils ont fait.

Pour le reste, mes chers collègues, je vous renvoie, à d’autres textes, qui ne sont peut-être pas encore totalement complets aujourd’hui.

J’ajoute, enfin, que le groupe d’amitié France-Algérie, dont fait d’ailleurs partie notre collègue auteur de la proposition de loi, tiendra prochainement un colloque à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, colloque au cours duquel sera évoqué le sort de toutes les victimes de la guerre d’Algérie, que notre collègue Robert Tropeano a rappelé, et ce en vue de construire, à la lumière des événements passés, un avenir plus calme et mieux éclairé entre l’Algérie et la France. Nous demanderons au gouvernement algérien de considérer les harkis comme des Algériens à part entière et de ne plus exercer à leur égard les discriminations qui leur interdisent encore quelquefois de retourner dans leur pays d’origine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UCR et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture nous revient quelque peu modifiée par l’Assemblée nationale.

L’intitulé du texte a changé pour tenir compte des modifications que le Sénat avait lui-même apportées en première lecture. Cette proposition de loi est désormais relative aux « formations supplétives des forces armées ».

En effet, dans sa version initiale, le texte ne visait que les harkis, qui n’appartenaient pas à l’armée française proprement dite et n’étaient qu’une catégorie particulière de forces supplétives, comme les moghaznis ou les goumiers marocains, levées temporairement pour renforcer l’armée régulière. C’est notamment ce qu’avait relevé M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants lors de nos débats en première lecture. Celui-ci nous a fait, à juste titre, remarquer que le texte ainsi rédigé risquait « d’exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées ».

C’est la raison pour laquelle le Sénat avait adopté une formulation visant non plus les seuls harkis, mais l’ensemble des forces supplétives auprès de l’armée française. Ils sont ainsi protégés des injures ou des diffamations non pas en tant que catégorie particulière d’individus ou de communauté, ce qui pouvait heurter notre société encore, heureusement, fortement attachée aux principes républicains d’égalité entre tous les citoyens, mais au titre de leur appartenance aux forces armées françaises. Par ailleurs, ils peuvent ainsi bénéficier de la protection reconnue aux forces armées par les articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881.

Cette nouvelle rédaction permet également de lier directement les injures ou les diffamations dont ils peuvent être victimes à leur engagement aux côtés de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, et non plus à raison d’une religion ou d’une appartenance ethnique supposée.

Comme nous l’avions précisé en première lecture, nous sommes bien évidemment favorables à ce que les harkis – comme tous les citoyens d’ailleurs – soient protégés contre les injures ou les diffamations dont ils pourraient être victimes. À ce titre, il est vrai que la législation qui leur était applicable restait insuffisante, puisqu’elle reconnaissait l’injure et la diffamation à leur égard sans prévoir la moindre sanction.

Mais, une fois de plus, avec cette proposition de loi, c’est la manière de procéder qui motive nos réticences.

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont justifié l’engagement des harkis aux côtés de la France – nous les avons développées en première lecture –, ni sur le rôle que ces derniers ont joué auprès de l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Cela fait d’ailleurs encore l’objet de vives controverses, aujourd’hui ravivées à l’approche de la célébration du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Et c’est, malheureusement, précisément sur ce terrain-là que se situe cette proposition de loi.

En effet, comment expliquer que le mot « harki » soit devenu synonyme de « traître » ? Ce constat est fort regrettable ! (M. Robert Tropeano acquiesce.) Sans doute cette situation découle-t-elle de la complexité du conflit algérien, entretenu par des antagonismes qui perdurent tant au sein de la population française qu’entre les descendants de harkis, les enfants issus de l’immigration algérienne et les Algériens eux-mêmes.

J’estime donc que cette proposition de loi n’est pas le meilleur moyen d’apaiser les mémoires.

En outre, je reste dubitative quant à la nécessité de débattre d’un sujet aussi sensible selon une procédure accélérée, c’est-à-dire sans prendre le temps d’engager une réflexion plus approfondie, à la veille d’échéances électorales cruciales.

Pour l’ensemble de ces raisons, et face à la complexité de cette question, le groupe CRC ne prendra pas part au vote de cette proposition de loi. Si nous comprenons et admettons que ce texte contient des mesures positives, nous n’en sommes pas moins critiques et lucides quant aux arrière-pensées qui conduisent la droite à le soumettre aujourd’hui au Sénat. (M. le président de la commission des lois applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Raymond Couderc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre nation reconnaît les militaires qui se sont battus pour notre pays et les honore régulièrement par des célébrations annuelles. Elle reconnaît les résistants qui, aux heures les plus sombres de notre histoire, ont su défendre notre indépendance et notre droit à exister.

Pourtant, il subsiste jusqu’à ce jour une catégorie souvent négligée, celle des forces supplétives de l’armée française. En effet, dans tous les pays où la France a exercé sa souveraineté, l’armée française a recruté, parmi les populations locales, des hommes comme soldats de métier, conscrits ou supplétifs. Ces combattants, auxiliaires ou réguliers, ont été engagés, aux XIXe et XXe siècles, dans toutes les campagnes militaires de la France. Ils ont été parfois victimes, à l’issue des guerres, du soutien qu’ils avaient accordé à notre pays, puis oubliés de notre nation durant plusieurs décennies. Il convient désormais de s’attarder sur leur sort et de combler les lacunes juridiques existantes.

Ainsi, la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, sur laquelle s’appuyait la première version de ma proposition de loi, a marqué une étape importante dans la reconnaissance des forces supplétives, en prévoyant, entre autres, l’interdiction de toute injure ou diffamation commise, pour ce qui nous concerne, envers d’anciens membres des formations supplétives ou assimilés en raison de cette qualité, ainsi que de toute apologie de crimes commis envers eux. Pourtant, par ses lacunes, s’agissant notamment des mesures coercitives, cette loi ne réglait pas définitivement la question.

C’est pourquoi j’ai décidé de déposer, en février 2010, une proposition de loi modifiant la loi précitée à la suite de plusieurs affaires d’injures et de diffamations prononcées à l’encontre de harkis, que les autorités judiciaires ont malheureusement classées sans suite. Ces décisions ont été perçues comme une injure à la mémoire de ceux qui sont morts pour avoir choisi la France.

À ce titre, permettez-moi de faire une petite incidente.

Cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, il est frappant d’observer à quel point les plaies restent vives chez ceux qui ont quitté l’Algérie, de gré ou de force. Nous devons donc porter une attention toute particulière aux mots que nous employons et aux phrases que nous prononçons, pour éviter de heurter qui que ce soit ou de jeter de nouveau de l’acide sur les plaies.

Comme vous le savez également, j’ai déposé, lors de la première lecture de cette proposition de loi, un amendement qui tenait compte des réactions suscitées par ce texte auprès des associations concernées. Mon objectif était alors de mieux traduire la réalité de l’engagement militaire qui fut celui des formations supplétives et de renforcer la sécurité juridique du dispositif pénal envisagé.

Ainsi, cet amendement visait à assimiler aux forces armées les personnes qui se sont engagées en faveur de la France lors d’un conflit armé, notamment au sein des formations supplétives, ce qui concerne, entre autres, les anciens membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, notamment les harkis.

Cet amendement ayant été adopté, la présente proposition de loi tend désormais à compléter en ce sens l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui réprime la diffamation envers les forces armées, pour y inclure les formations supplétives.

En première lecture à l’Assemblée nationale, Élie Aboud, rapporteur de cette proposition de loi, a fait le choix, en commission des lois, de modifier l’intitulé de ce texte, afin que celui-ci reflète mieux les corrections apportées par le Sénat. Par la suite, l’Assemblée nationale a adopté ce texte à la quasi-unanimité. J’en suis tout à fait satisfait, et je tiens à remercier nos collègues députés de leur travail.

Par ailleurs, la semaine dernière également, les membres de la commission des lois du Sénat ont adopté à l’unanimité la présente proposition de loi, illustrant, s’il en est encore besoin, l’importance et la nature consensuelle de celle-ci : les formations supplétives et les harkis le méritent bien.

Une nouvelle fois, je tiens donc à remercier de son investissement personnel notre collègue Sophie Joissains, rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, ainsi que nos quarante-cinq collègues qui ont cosigné et soutenu ce texte. Je souhaite désormais que cette proposition de loi aboutisse rapidement, et ce pour le bien des forces supplétives de l’armée française et de leur mémoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UCR et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, cette deuxième lecture est un exemple particulièrement convaincant de la richesse du dialogue noué entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Lors de la séance publique du 19 janvier dernier, j’ai tenu à exprimer mon soutien à la proposition de loi de Raymond Couderc, et ce fut l’occasion pour moi, comme pour nombre d’entre nous, d’évoquer l’engagement des harkis aux côtés de la France, dans le contexte particulièrement douloureux de la guerre d’Algérie.

Le travail d’approfondissement mené alors sur cette proposition de loi par la Haute Assemblée et, plus particulièrement, par la commission des lois, a permis de donner un fondement très solide au texte qui a été examiné par les députés la semaine dernière.

J’ai souhaité intervenir de nouveau aujourd’hui, à l’occasion de cette deuxième lecture, pour exprimer tout mon soutien au travail du rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, Élie Aboud. En tirant les conséquences de l’évolution de ce texte au Sénat, notre collègue député en a conforté l’esprit, en l’extrayant de la loi de 2005 pour en faire un texte autonome.

Comme vous l’avez rappelé, cher Patrick Ollier, ce texte vise à étendre le champ de protection de la loi du 29 juillet 1881 à l’ensemble des anciens membres des formations supplétives. Il aligne ainsi la protection juridique de ceux qui se sont engagés en faveur de la France lors d’un conflit armé sur celle dont bénéficient les membres de nos forces armées.

Cette évolution a des conséquences très précises sur le plan pénal. La diffamation contre les harkis et les formations supplétives sera désormais passible d’une amende de 45 000 euros, tandis que l’injure sera punie d’une amende de 12 000 euros.

Mais en intégrant une fois pour toutes les forces supplétives au corps militaire français, cette proposition de loi accorde également une reconnaissance symbolique à tous ceux qui ont combattu non pas aux côtés de l’armée française, mais bien en son sein.

Il importait que nos anciens combattants harkis soient protégés parce qu’ils se sont engagés pour la France, et non selon les règles qui régissent la diffamation ou l’insulte fondées sur la religion, la race, ou le handicap. De fait, il convient non pas de communautariser la protection des harkis, mais bien de souligner l’appartenance de nos anciens combattants à la communauté nationale par le plus bel engagement qui soit : celui du sang versé pour sa patrie.

Comme je le rappelais en première lecture, il aura fallu cinquante ans pour panser la plaie ouverte de la tragédie des harkis, cinquante ans de souffrance, d’abandon, de maltraitance, de silences et parfois d’insultes.

Aujourd’hui, le présent texte nous donne la double occasion de protéger les harkis des attaques et des injures indignes dont ils ont malheureusement trop souvent fait l’objet et d’inscrire pleinement la mémoire de ces soldats dans celle, indivisible, de l’armée française.

Quelques jours après avoir voté ici même le projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, c’est avec une émotion renouvelée que je voterai, bien sûr, en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. Patrick Ollier, ministre. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir de constater que nos collègues de l’Assemblée nationale ont conservé l’esprit du texte voté par le Sénat le 19 janvier 2012.

Cette proposition de loi, qui nous revient aujourd’hui en deuxième lecture, opère une légère avancée dans l’instauration d’un traitement égalitaire entre tous les anciens combattants, qu’ils soient membres de l’armée régulière française, résistants ou membres des troupes supplétives.

Ainsi, la loi accordera une place à tous les anciens supplétifs et à leurs descendants, victimes d’injure ou de diffamation et, ce faisant, la nation offrira enfin une compensation symbolique à tous ceux qui se sont battus dans les rangs de son armée.

Je pense en particulier aux harkis, que la version initiale de la présente proposition de loi visait nommément. En effet, ces derniers ont cruellement manqué de reconnaissance sur le plan tant moral que matériel.

La décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011 est venue tardivement, il est vrai, rétablir un peu d’égalité, en octroyant aux harkis le statut d’ancien combattant. Cette disposition ne répare que partiellement la spoliation matérielle dont ces derniers ont été victimes et ne peut certainement pas effacer les souffrances qu’ils ont endurées lorsque la France les a accueillis de manière indigne et qu’elle les a exclus de la vie républicaine, en les cantonnant dans les camps de Rivesaltes, du plateau de la Lozère et d’ailleurs.

Cette décision ne réduit pas non plus le tortueux labyrinthe administratif que les anciens supplétifs durent affronter pour faire valoir leurs droits dans le cadre d’une réévaluation du régime spécial des pensions. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)

Désormais, la proposition de loi de M. Couderc tend à accorder une reconnaissance morale aux perdants de l’histoire algérienne, à ceux qui avaient fait le choix de combattre aux côtés des troupes françaises.

En préconisant d’étendre à ces derniers les sanctions de l’injure et de la diffamation publique, prévues aux articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et en assimilant les formations supplétives aux forces armées, ce texte marque un pas supplémentaire vers l’égalité pour tous ceux qui se sont battus pour la France comme pour leurs descendants.

Ceux qui ont souvent été traités en « enfants illégitimes de la République » pourront ainsi défendre l’honneur et le choix de leurs parents d’avoir soutenu et défendu la France. Ils n’auront plus à subir l’opprobre qu’on leur a souvent infligé : une enfance difficile, dans des conditions matérielles extrêmement précaires, doublée des insultes de la part de ceux qui se posent – hélas ! – en juges de l’Histoire.

Enfin, je me réjouis que, dans la continuité et la logique du texte du Sénat, et en modifiant l’intitulé de cette proposition de loi, l’Assemblée nationale ait entériné le détachement de ce texte de la loi honteuse du 23 février 2005, dont l’un des articles prescrivait l’enseignement du côté positif de la colonisation – après de nombreuses manifestations de mécontentement, cette disposition avait fini par être rejetée. Cet article et, plus généralement, cette loi sont l’illustration exemplaire des tabous relatifs au passé colonial de la France et à la guerre d’Algérie qui, cinquante ans après, pèsent toujours sur notre mémoire collective.

D’autres échéances du calendrier législatif laissent à penser que ces blessures encore vives seront simplement l’occasion pour certains de bricoler de nouvelles lois mémorielles afin de gagner quelques voix,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien vu !

Mme Esther Benbassa. … avec pour effet d’aiguiser encore plus les sensibilités communautaires. Ce n’est pas par ce type de démarche que les torts envers ceux qui se sentent lésés pourront être réparés. L’État ne peut se dispenser de faire amende honorable, mais il peut le faire, et doit le faire, par d’autres voies, sans doute moins faciles, qui ne passeront pas par un processus législatif d’affichage en cette période électorale.

Le groupe écologiste souscrit entièrement à ce texte ainsi qu’à son intitulé, tels qu’ils ont été adoptés par notre commission, et votera donc « pour » cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Je souhaite répondre rapidement, mais de manière précise, aux différents orateurs.

Je me réjouis tout d’abord du caractère consensuel de leurs interventions.

Madame la rapporteur, chère Sophie Joissains, je ne reviendrai pas sur vos développements relatifs au fondement même de cette proposition de loi.

En revanche, je souhaite répondre à vos interrogations concernant les ayants droit.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un problème très important !

M. Patrick Ollier, ministre. Aujourd’hui, les associations de harkis, qui ont pour objet de défendre les intérêts moraux des personnes ou des groupes de personnes faisant ou ayant fait partie des formations supplétives, sont pour la plupart présidées par des enfants d’anciens membres desdites formations, qu’il s’agisse de représentants des harkas, des moghaznis, des makhzens, des groupes d’autodéfense ou autres.

L’alinéa 2 de l’article unique de ce texte permettra à ces associations d’accéder aux tribunaux pour défendre les intérêts de tous leurs membres.

Mais j’ai cru comprendre, madame Joissains, que vous vous inquiétiez également des voies de recours ouvertes aux ayants droit qui, sans être membres d’aucune association, seraient quand même insultés.

Je vous confirme que ces insultes, dès lors que leurs termes font référence à la qualité d’enfants de harkis ou de membres de toute autre formation supplétive, ou à toute autre qualification qui les relierait à cette appartenance, tomberont évidemment sous le coup de cette loi.

En revanche, si les insultes proférées n’ont rien à voir avec cette qualité, le droit commun s’appliquera.

Je précise en outre que l’intérêt d’une telle extension aux descendants est, à la limite, inutile, ces derniers pouvant d’ores et déjà s’appuyer sur les dispositions des articles 32 et 34 de la loi de 1881, traitant respectivement de la diffamation commise envers les particuliers et de la diffamation dirigée contre la mémoire des morts, pour faire valoir leurs droits.

Les ayants droit peuvent donc être rassurés : cette proposition de loi vient compléter un arsenal juridique déjà bien fourni, qui leur permet de se défendre et de défendre la mémoire de leurs pères.

Madame Joissains, monsieur Tropeano, monsieur Michel, Madame Pasquet, monsieur Couderc, monsieur Charon, madame Benbassa : vous avez toutes et tous reconnu l’intérêt et la nécessité de cette proposition de loi.

Il est vrai qu’il a fallu attendre cinquante ans, monsieur Charon. Mais, aujourd’hui, nous pouvons tous nous réjouir que ce retard soit rattrapé, qui plus est dans un climat consensuel, afin que l’on puisse faire valoir les droits de nos amis harkis et de l’ensemble des supplétifs de l’armée française.

Sans vouloir prolonger le débat, je pense que Mme Benbassa a eu raison d’aborder ce sujet. MM. Michel et Tropeano ont évoqué également les « assimilés ». Je répondrai sur ce point dans un instant.

J’ai bien compris que certains nourrissaient quelques regrets en raison de la suppression du mot « harkis » de l’intitulé du texte.

Nous ne devons pas avoir de regrets : nous sommes là pour élaborer la loi, et celle-ci doit concerner tout le monde, en l’occurrence toutes les personnes qui peuvent faire l’objet de telles insultes.

Or, en droit, les harkas ou les harkis ne répondent à aucune définition officielle, à la différence des supplétifs de l’armée française. Le texte devait donc faire référence à cette dernière catégorie pour être efficace.

Il devait viser tous les membres des formations supplétives, les H’Mongs (M. René Garrec s’exclame.), qui viennent des régions montagneuses du sud de la Chine, monsieur le sénateur, mais aussi les Moïs, ou tribus des Chua-Chan, qui habitaient la région de Bien-Hoa en Cochinchine. Ces personnes, qui ont appartenu aux formations supplétives de l’armée française, sont elles aussi victimes d’insultes dans leur pays, et il faut qu’elles puissent être défendues.

Je me permets de revenir sur les harkis. C’est le général Lorillot qui, le 8 février 1956, a donné l’ordre de créer des harkas dans toute l’Algérie : « Des unités supplétives seront constituées dans chaque corps d’armée, à l’échelon quartier ; s’appuyant sur les unités de base, compagnies, escadrons, batteries, elles seront chargées de compléter la sécurité territoriale et de participer aux opérations locales au niveau des secteurs ; ces unités porteront la dénomination de harkas ».

Si ce terme a été retenu, c’est parce qu’il désigne, dans la langue des pays du Maghreb, un groupement d’hommes armés sous une autorité. Mais il n’existe pas de définition des harkas dans les règlements de l’armée française, si ce n’est cet ordre donné par le général Lorillot, le 8 février 1956.

Aussi, les députés ont eu raison de modifier l’intitulé de ce texte, et vous avez eu raison d’accepter cette modification, mesdames, messieurs les sénateurs.

Cet intitulé devait en effet faire référence aux membres supplétifs, et non aux membres assimilés, messieurs Michel et Tropeano. Les membres supplétifs de l’armée française faisaient partie de l’armée française et étaient rémunérés par le ministère de la défense, tandis que les membres assimilés n’étaient pas systématiquement placés sous l’autorité des militaires, même s’il arriva qu’ils le fussent. Il s’agissait de civils, très précisément des agents contractuels de police auxiliaire et des agents techniques occasionnels de police, rémunérés par un autre ministère que le ministère des armées.

Ce texte vise donc tous les membres supplétifs de l’armée française, payés par l’armée française. Il s’agit de ceux-là, uniquement de ceux-là, mais de tous ceux-là.

En conclusion, je me félicite du consensus qui semble se dégager des différentes interventions et j’espère, dans ces conditions, que cette proposition de loi sera adoptée à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées
Article unique (fin)

Article unique

(Non modifié)

I. – Pour l’application de l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les formations supplétives sont considérées comme faisant partie des forces armées.

II. – Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose par ses statuts de défendre les intérêts moraux et l’honneur de personnes ou de groupes de personnes faisant ou ayant fait partie de formations supplétives de l’armée peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de diffamation ou d’injure prévus par la loi du 29 juillet 1881 précitée qui ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission qu’elle remplit.

En cas de diffamation ou d’injure prévues à l’article 30 et au premier alinéa de l’article 33 de la même loi, le 1° de l’article 48 de ladite loi n’est pas applicable.

En cas de diffamation ou d’injure commises envers des personnes considérées individuellement, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes ou de leurs ayants droit.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées
 

12

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'une proposition de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.

13

Retrait d'une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1576 de Mme Hélène Conway Mouret est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

14

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 28 février 2012 :

À quatorze heures trente :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’île Maurice tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 181, 2011–2012) ;

Rapport n° 294 (2011–2012) de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances ;

Texte de la commission n° 296 (2011–2012).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune (n° 182, 2011–2012) ;

Rapport n° 294 (2011–2012) de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances ;

Texte de la commission n° 295 (2011–2012).

3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’avenant à la convention entre la République française et la République d’Autriche en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune (n° 183, 2011–2012) ;

Rapport n° 292 (2011–2012) de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances ;

Texte de la commission n° 293 (2011–2012).

4. Projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro (Procédure accélérée) (n° 393, 2011–2012) et projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (Procédure accélérée) (n° 394, 2011–2012) ;

Rapport n° 395 (2011–2012) de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances ;

Texte de la commission n° 396 (2011–2012) ;

Texte de la commission n° 397 (2011–2012).

5. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Union des Comores instituant un partenariat de défense (n° 131, 2011–2012) ;

Rapport n° 359 (2011–2012) de M. Jacques Berthou, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission n° 360 (2011–2012).

6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 184, 2011–2012) ;

Rapport n° 409 (2011–2012) de M. Didier Boulaud, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission n° 410 (2011–2012).

7. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise (n° 185, 2011–2012) ;

Rapport n° 411 (2011–2012) de M. Jean-Paul Fournier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission n° 412 (2011–2012).

8. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à la Brigade franco-allemande (n° 135, 2011–2012) ;

Rapport n° 404 (2011–2012) de M. Jean-Marie Bockel, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission n° 405 (2011–2012).

9. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR (n° 669, 2009-2010) ;

Rapport n° 98 (2011–2012) de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission n° 99 (2011–2012).

10. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation des amendements à l’article 1er et à l’article 18 de l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (n° 353, 2011–2012) ;

Rapport n° 407 (2011–2012) de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission n° 408 (2011–2012).

11. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, modifiant la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » (n° 523, 2009–2010) ;

Rapport n° 361 (2011–2012) de M. Jacques Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Texte de la commission (n° 362, 2011–2012).

À vingt et une heures trente :

12. Débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012.

13. Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART