compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaire :

M. Alain Dufaut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 59 de la loi n° 2011–900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le rapport sur les conditions de mise en œuvre d’une fusion progressive de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.

3

Question préalable (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2012

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 440, rapport n° 441).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Question préalable (début)

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, madame la rapporteure générale de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif budgétaire atteste la détermination du Gouvernement et de sa majorité à répondre au défi de la croissance. Au cœur de ce défi, il y a deux enjeux essentiels : le désendettement et la compétitivité. Car notre conviction, c’est qu’il n’y aura pas de croissance forte et durable et de reprise de l’emploi si nous continuons à dépenser plus de richesse que nous n’en créons, donc à vivre au-dessus de nos moyens, si nous n’améliorons pas la gouvernance financière de l’Europe et si nous ne mettons pas un terme à notre déficit de compétitivité.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement regrette que la Haute Assemblée soit restée à l’écart de cette mobilisation d’intérêt national. Ce collectif, il aurait pu et dû être l’occasion de nous rassembler face à la crise et de préparer l’avenir de notre pays.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais en première lecture, vous avez préféré rejeter le texte en bloc. Vous n’avez pas souhaité débattre.

Cette décision, je la regrette, car nous aurions pu forger un consensus fort sur certaines questions qui dépassent très largement les querelles partisanes : je pense à la solidarité européenne, à la taxation des transactions financières, à la nécessité de redonner de la compétitivité à notre industrie. Je le regrette aussi parce que le Parlement est le lieu par essence du débat démocratique et que je ne crois pas que l’on sert l’intérêt général quand on fuit le débat.

Mais cette décision aura au moins eu une vertu : celle de démontrer aux Français qu’il n’existe aucune alternative sérieuse (M. Éric Bocquet s’exclame.) à la stratégie du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre. En effet, refuser de débattre, c’est tout simplement avouer qu’il n’y a pas de projet alternatif à défendre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Clairement, deux politiques divergentes s’opposent.

D’un côté, il y a le Gouvernement, qui sait que la croissance ne sera au rendez-vous qu’à condition de réduire les déficits, de restaurer la compétitivité de nos entreprises, de lutter contre le chômage et de préparer la France à l’économie de demain. Cette vision, les sénateurs de la majorité présidentielle la défendent, et je veux les remercier de leur lucidité, de leur courage et de leur soutien.

Et puis il y a la gauche, qui s’exprime aujourd’hui par la voix de la majorité sénatoriale, dont la seule politique est de pratiquer le contre-pied systématique.

Mme Annie David. Ce n’est pas vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous ne cessez de contester la nécessité de nos réformes. Vous considérez qu’il ne faut pas réformer, voire qu’il faut revenir en arrière sur les réformes. Et quand vous affirmez qu’il n’est plus temps de débattre, qu’il n’est plus temps d’adopter de nouvelles réformes, vous ne faites, me semble-t-il, que prouver une fois de plus que, à vos yeux, la compétitivité de la France n’est pas une priorité. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais dois-je vraiment le rappeler ? Chacun sait ici que lorsque le Parti socialiste est au pouvoir, il ne fait pas grand cas de la compétitivité de nos entreprises.

M. François Marc. Vous avez fait quoi depuis cinq ans ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Heureusement que nous étions là !

Mme Valérie Pécresse, ministre. On a parlé de la retraite à soixante ans, des 35 heures, et j’en passe, ce ne sont là que quelques-uns des contresens économiques qui ont durablement affaibli notre pays et notre compétitivité.

À l’évidence, vous n’avez toujours pas tiré les leçons de ces erreurs, je dirai même de ces fautes dont les Français payent encore le prix.

Mme Valérie Pécresse, ministre. À l’évidence, vous n’avez pas encore intégré un fait : avant de répartir les richesses, encore faut-il en créer ! La politique économique est finalement le grand absent du programme socialiste.

Or, mesdames, messieurs les sénateurs, quand on traverse une crise économique sans précédent et quand le monde entier évolue, on ne peut se permettre de reporter ou de placer au second plan des réformes que nous savons indispensables.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lesquelles ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est maintenant qu’il faut agir.

C’est précisément ce que font le Gouvernement et l’Assemblée nationale depuis cinq ans, en agissant, en toute coresponsabilité, avec deux objectifs très clairs.

Le premier est de restaurer la compétitivité de notre pays en poursuivant notre programme ambitieux de réformes.

C’est essentiel, parce que, aujourd’hui, nos entreprises industrielles sont soumises à une concurrence internationale accrue et à la tentation très forte de délocaliser leur production.

Il y a deux semaines, j’étais avec le Premier ministre et François Baroin dans la Somme, où nous avons rencontré de nombreuses entreprises, des grandes, des moyennes et des petites, et dans tous les domaines. Toutes nous ont dit la même chose : quand elles exportent, elles se trouvent systématiquement en concurrence avec nos partenaires européens, notamment allemands. Alors ce qu’elles demandent, ces entreprises, c’est qu’on leur donne les moyens d’être plus compétitives, qu’on les arme face à la concurrence. Elles souhaitent pouvoir continuer à produire en France, mais, pour cela, il faut leur donner la possibilité – je le répète – de se battre à armes égales avec leurs concurrents.

Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux réformes que nous menons depuis cinq ans, ces entreprises disposent déjà d’outils de développement efficaces. Car nous n’avons cessé d’agir pour améliorer leur compétitivité, en insistant d’abord sur l’innovation et sur l’investissement, c’est-à-dire sur leur compétitivité hors prix. Et les résultats sont là :…

Mme Annie David. Les résultats sont là : le chômage augmente !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … grâce au triplement du crédit d’impôt recherche et aux 35 milliards d’euros des investissements d’avenir, nos entreprises peuvent innover davantage ; grâce à la suppression de la taxe professionnelle, elles peuvent investir davantage ; grâce aux heures supplémentaires défiscalisées, elles ont davantage de souplesse. Mais il faut aller plus loin.

C’est la raison pour laquelle ce collectif propose des avancées majeures en matière de compétitivité hors prix.

Je pense à la création d’une banque de l’industrie dédiée au financement des PME, à laquelle sera consacré 1 milliard d’euros des investissements d’avenir. Je pense également au renforcement du plan de développement de l’apprentissage, qui va durcir les sanctions contre les entreprises ne respectant pas le quota d’apprentis, quota que nous allons porter à 5 % des effectifs.

Mais au-delà de la compétitivité hors prix, nos entreprises ont surtout un lourd handicap de compétitivité prix.

Pourquoi ? Parce que certaines mauvaises décisions prises au cours de la décennie précédente et dont je parlais à l’instant ont considérablement alourdi le coût du travail en France. Un rapport publié par l’INSEE la semaine dernière montre ainsi que notre pays détenait un net avantage par rapport à l’Allemagne en matière de coût du travail horaire dans l’industrie en 1996, mais que cet avantage s’est entièrement résorbé. (M. Éric Bocquet s’exclame.)

Dans un tel contexte, la nécessité de réduire le coût du travail devrait être reconnue sur toutes les travées de cette assemblée. Je vous rappelle d’ailleurs qu’en 2002 Lionel Jospin lui-même, alors Premier ministre, se prononçait en faveur d’une baisse du coût du travail, que soutenaient encore très récemment certains ténors de la gauche ! Je n’évoquerai que les plus connus : Dominique Strauss-Kahn, Manuel Valls ou Jean-Marie Le Guen.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le demande : est-il aujourd’hui légitime que la politique familiale soit supportée uniquement par les entreprises et leurs salariés ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien sûr que non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, ce n’est plus légitime.

Nous voulons donc mettre en œuvre une mesure très simple d’exonération des charges familiales patronales sur les salaires. Les entreprises bénéficieront d’une exonération totale pour les salaires inférieurs à 2,1 fois le SMIC, et dégressive pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 fois le SMIC.

C’est une mesure forte – une baisse de 5,4 % du coût du travail –, dont les effets profiteront à la fois à la compétitivité de nos entreprises et à l’emploi des salariés les plus exposés à la concurrence internationale.

Notre barème cible en effet les salaires bas et moyens. Les salaires élevés continueront, eux, à être assujettis à des charges sociales et familiales. Ce n’est donc pas une mesure pénalisant les bas salaires : au contraire, c’est une mesure destinée à favoriser l’emploi des salariés modestes et moyens. Elle bénéficiera à 90 % des salariés des très petites entreprises, à 80 % des salariés de l’industrie, à 93 % des salariés de l’agriculture.

À terme, elle créera 100 000 emplois. (Mme Annie David s’exclame.) Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, 100 000 emplois ! Et c’est une tranche basse. Cette estimation reste effectivement modeste au regard des effets sur l’emploi des allégements généraux de charges dits « allégements Fillon », qui ont créé ou sauvegardé entre 400 000 et 800 000 emplois.

Pour financer cette mesure, nous avons décidé d’augmenter deux ressources. D’abord, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Étrangement, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne parlez jamais de cette hausse de 2,6 milliards d’euros de la fiscalité sur les revenus du patrimoine, sans doute parce que cela vous gêne…

M. Jacky Le Menn. Pas du tout !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … de reconnaître que le Gouvernement, en toute matière, se soucie d’équité fiscale. (Mme Annie David sourit.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On a fait mieux depuis !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, nous allons demander plus à ceux qui perçoivent des revenus du patrimoine, nous allons leur demander de payer une partie de la baisse des charges sur les moyens et les bas salaires. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Ce sont ainsi 2,6 milliards d’euros supplémentaires qui seront prélevés sur les revenus du patrimoine des ménages les plus aisés. Au lieu de ne parler que de la TVA, démontrez-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet impôt sur les revenus du patrimoine ne touche que les plus fragiles !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vous qui parlez de la TVA !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Faisons la démonstration, madame la rapporteure générale, puisque vous m’interpellez : 13,6 milliards d’euros de baisse du coût du travail sur des moyens et des bas salaires compensés par 10,6 milliards d’euros de hausse de la TVA et par 2,6 milliards d’euros de hausse de la fiscalité sur les revenus du patrimoine, vous voyez bien que l’addition est tout à fait en faveur des salariés français.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ils l’apprécient !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Bien sûr, nous augmentons la TVA à taux normal, mais, dans le même temps, nous baissons davantage le coût du travail sur les produits français. Les prix des produits français n’augmenteront donc pas. Seuls, peut-être, les prix des produits importés peuvent augmenter puisqu’ils ne bénéficient pas de la baisse du coût du travail. Quoique ! Car on sait très bien que la pression de la concurrence sur les produits importés est telle que leur prix ne devrait pas non plus connaître de hausse significative. (Mme la rapporteure générale de la commission des finances s’exclame.) Si vous ne me croyez pas, madame la rapporteure générale, souvenez-vous de la hausse de TVA décidée par Alain Juppé en 1995.

Vous l’avez bien observé : à cette époque, la hausse de deux points de la TVA s’était traduite par une hausse des prix de seulement 0,5 %, alors même qu’il n’y avait pas eu de baisse du coût du travail. Je vous le répète donc, cette hausse de TVA de quelque 10 milliards d’euros accompagnée d’une baisse de quelque 13 milliards d’euros du coût du travail ne se répercutera pas sur les prix.

Je répète également que seuls sont concernés les produits soumis au taux normal de TVA, qui ne représentent que 40 % de la consommation des ménages. Les loyers ne sont pas soumis à la TVA, les produits alimentaires sont imposés à 5,5 %, les médicaments à 2 %, les produits de première nécessité à 5,5 %.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous agitez le spectre d’une flambée des prix mais vous voyez bien qu’elle ne se produira pas.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous n’avons pas parlé de flambée, mais seulement d’augmentation !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les raisonnements que vous tenez depuis deux semaines sont erronés, tronqués et parfois mensongers. (Mme la rapporteure générale de la commission des finances s’exclame.) Le relèvement du taux normal de la TVA n’aura pas d’incidence sur le pouvoir d'achat des Français.

Mme Annie David. Vous ne pouvez pas le croire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai aussi entendu certains d’entre vous dire que cette mesure constituait une hausse d’impôt.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, en effet !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas vrai, madame Bricq ! Car la baisse du coût du travail est strictement égale à la hausse des prélèvements. (Exclamations et sourires sur les travées du groupe socialiste.) Il s'agit d’un transfert de fiscalité et non d’une hausse d’impôt : il n’y aura pas un euro supplémentaire dans les caisses de l’État.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce ne sont pas les mêmes qui paient !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas une hausse d’impôt !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je le répète, il ne s'agit pas d’une hausse d’impôt : il n’y aura pas un euro supplémentaire dans les caisses de l’État ni dans celles de la sécurité sociale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est formidable ! Je ne savais pas que vous étiez prestidigitatrice !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Contre toute évidence, vous vous obstinez à soutenir qu’il existe une autre voie, un autre chemin que les réformes structurelles pour retrouver la croissance. Il y aurait un chemin miraculeux, qui permettrait de se passer de toute réforme… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Ronan Kerdraon. Là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, la croissance ne se décrète pas : il faut passer aux actes.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le deuxième objectif de notre politique est de réduire nos déficits publics,…

M. Jacky Le Menn. Parlons-en !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … quelle que soit la conjoncture économique – je pèse mes mots – et sans porter atteinte à une croissance encore fragile.

Nos engagements de réduction des déficits sont les engagements de la France ; ils sont intangibles. Quoi qu’il arrive, nous progresserons au rythme prévu sur notre chemin de désendettement, pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2016, et non, comme je l’ai entendu dire par le candidat socialiste, « en 2017, à condition que la croissance soit là ». Ce n’est pas un discours responsable (M. Jacky Le Menn s’exclame.), ce n’est pas un discours qui honore de la France !

M. Ronan Kerdraon. Et celui de Nicolas Sarkozy, alors ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous devons tenir ces engagements que nous avons pris vis-à-vis de l’ensemble de nos partenaires européens, mais aussi vis-à-vis des Français.

Vous connaissez notre chemin de réduction du déficit public : en 2010, notre déficit s’élevait à 7 % ; en 2011, il a été inférieur à 5,5 % ; pour 2012, notre objectif est de le ramener à 4,5 %. Si nous atteindrons cet objectif, c’est en premier lieu grâce à la bonne gestion qui a caractérisé l’exercice 2011 et à la prudence de nos hypothèses de croissance.

J’insisterai d'abord sur notre bonne gestion. Vous nous avez répété pendant des mois, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’atteindrions pas notre objectif de 5,7 % de déficit public en 2011. Je dois vous donner raison : nous n’avons pas fait 5,7%, nous avons fait mieux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce très bon résultat, qui témoigne de la sincérité et de la réactivité avec lesquelles le Gouvernement gère les comptes publics, aura naturellement des prolongements en 2012, à hauteur de 3,6 milliards d'euros. Nous pourrons ainsi tenir nos engagements sans demander d’efforts supplémentaires aux Français (M. Ronan Kerdraon s’exclame.), malgré les incertitudes qui pèsent sur la conjoncture.

J’en viens à notre prudence. L’opposition n’a cessé de répéter que nos prévisions de croissance étaient trop optimistes, que l’objectif était inatteignable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Là encore, vous avez eu tort. Le quatrième trimestre de l’année dernière ayant été meilleur que prévu, la croissance du PIB s’est établie à 1,7 % en 2011,…

M. Ronan Kerdraon. Et le chômage ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. … soit précisément l’hypothèse que nous avions retenue. Grâce à cette croissance de 1,7 %, nous possédons un acquis de croissance de 0,3 %, ce qui constitue une bonne nouvelle pour le respect de nos engagements en 2012, que vous avez également mis en question.

M. Jacky Le Menn. C’est une bonne nouvelle pour les RMIstes !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ailleurs dans la zone euro, les résultats sont moins encourageants : nos principaux partenaires connaissent des ralentissements marqués de leur activité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne croyez-vous pas qu’il est temps de reconnaître que, dans cette conjoncture particulièrement difficile, la stratégie que nous avons adoptée est la bonne. Nous marchons vers l’équilibre budgétaire…

M. Ronan Kerdraon. À quel prix ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. … tout en préservant notre croissance. Compte tenu de l’environnement économique, nous devons cependant rester très prudents. C’est pourquoi nous retenons aujourd’hui une prévision de croissance de 0,5 % ; je crois qu’il existe un consensus entre la droite et la gauche sur ce point. Au total, l’impact de cette révision pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d’euros. Pour autant, nous tiendrons nos objectifs de réduction des déficits sans avoir besoin de ce troisième plan de rigueur que, l’automne dernier, vous annonciez à cor et à cri.

Je résume vos propos, mesdames, messieurs les sénateurs : notre croissance devait être inférieure à nos prévisions – nous devions même entrer en récession –, notre déficit devait être plus important que prévu et nous devions nécessairement mettre en œuvre un troisième plan de rigueur. Tout cela par la faute de Nicolas Sarkozy !

M. Ronan Kerdraon. Eh oui ! Tout de même !

M. Jacky Le Menn. Mais il n’était pas tout seul : vous l’avez aidé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Puisque nous avons tenu nos objectifs de croissance, puisque nous avons dépassé nos objectifs de réduction des déficits, puisque nous abordons l’année avec bon espoir de tenir nos engagements pour 2012…

M. Ronan Kerdraon. Ceux de 2007 n’ont pas été tenus !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … sans avoir besoin d’un troisième plan de rigueur, peut-être pourriez-vous admettre que ces réussites sont dues à la politique de Nicolas Sarkozy ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils en sont incapables ! Ils sont dans l’antisarkozysme primaire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Certes, madame Des Esgaulx, mais il faut être logique : si Nicolas Sarkozy était responsable de tout ce qui allait mal, peut-être est-il également responsable de l’amélioration de la situation.

M. Ronan Kerdraon. Merci Nicolas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, en dépit de cette révision des perspectives de croissance, nous tiendrons nos objectifs sans demander le moindre effort supplémentaire aux Français, c’est également parce que le présent collectif budgétaire compense intégralement l’impact de cette révision.

En effet, le Gouvernement accompagne sa nouvelle prévision d’un effort supplémentaire de 1,2 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent 400 millions d’euros de redéploiement en faveur de l’emploi. Ces annulations sont entièrement absorbées par la réserve de précaution que nous avions pris soin d’augmenter à 6 milliards d'euros. Par conséquent, pas un seul euro supplémentaire n’est demandé aux Français. J’ajoute qu’il nous reste des marges de manœuvre, à hauteur de 4,4 milliards d’euros, pour faire face aux habituels aléas d’exécution du budget. (M. Jacky Le Menn s’exclame.)

Par ailleurs, nous consolidons nos recettes grâce à deux décisions importantes : la mise en place de la taxe sur les transactions financières, qui rapportera 1,1 milliard d'euros en année pleine, et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, qui devrait accroître nos recettes de 300 millions d'euros. (Mme la rapporteure générale de la commission des finances s’exclame.) Je crois que, sur ces deux sujets, il devrait exister un consensus entre la droite et la gauche.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à notre prudence, à notre réalisme et à notre gestion rigoureuse, nous n’avons jamais été aussi crédibles dans nos prévisions budgétaires. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Nous compenserons intégralement l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes et tiendrons donc l’objectif de 4,5 % de déficit public.

Dans un contexte économique difficile, le Gouvernement continue d’agir pour sortir de la crise et préparer l’avenir du pays.

Préparer l’avenir, ce n’est évidemment pas prévoir un grand choc fiscal, qui anesthésierait voire effacerait la croissance qui renaît ; c’est restaurer dès aujourd’hui la compétitivité de nos entreprises en transférant les charges pesant sur le travail vers d’autres assiettes fiscales (M. Ronan Kerdraon s’exclame.) C’est apporter des réponses immédiates et concrètes à un biais, dont personne ne conteste qu’il est défavorable, de notre système de prélèvements obligatoires.

À cet égard, je vous rappelle que la nécessité d’un transfert des charges pesant sur le travail a été reconnue en juin dernier dans un document consensuel signé par l’ensemble des partenaires sociaux ; je vous épargne les citations des nombreux membres du Parti socialiste qui, au cours des derniers mois, dans un moment d’honnêteté intellectuelle ou peut-être de lucidité (M. Jacky Le Menn s’exclame.), ont partagé à leur tour ce constat.

Préparer l’avenir, cela nécessitera peut-être de poursuivre demain ces transferts de charges, en allégeant les cotisations salariales des salariés les plus modestes pour leur rendre du pouvoir d’achat. C’est une proposition qu’a faite le Président de la République, qui préconise notamment de transformer la prime pour l’emploi et une partie de la fiscalité du patrimoine.

M. Ronan Kerdraon. C’est le candidat qui l’a proposé, et non le président !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il l’a proposé dans le cadre de la campagne électorale. Votre candidat, monsieur Kerdraon, a quant à lui suggéré d’augmenter les cotisations retraite de 5 milliards d'euros, pour financer la remise en cause de la réforme des retraites, et les cotisations sociales de 4 milliards d'euros, afin de financer la prise en charge de la dépendance.

M. Ronan Kerdraon. Vous ne l’avez pas prise en charge, la dépendance !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En somme, la gauche propose d’augmenter les charges sociales de 9 milliards d'euros tandis que la droite veut les réduire de 13,6 milliards d'euros. Au moins, les deux projets sont clairs ! D’un côté, augmenter le coût du travail par l’impôt, de l’autre, baisser le coût du travail. Les Français trancheront.

M. Jacky Le Menn. Ils choisiront !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Préparer l’avenir, ce n’est certainement pas regarder dans le rétroviseur ; ce n’est pas proposer, hors de toute rationalité économique, des hausses de cotisations sociales pour financer de nouvelles dépenses ; ce n’est pas non plus s’exonérer de décisions courageuses de maîtrise des dépenses. (M. Jacky Le Menn s’exclame.)

Parce que nous sommes tous – je l’espère – convaincus que le défi de la croissance est à notre mesure, nous refusons de céder au pessimisme ambiant et à la tentation de l’inaction. Parce que notre stratégie n’est ni de droite ni de gauche, parce qu’elle fait le choix des réformes, du courage et de la lucidité, elle devrait tous nous rassembler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)

M. Ronan Kerdraon. Vous ne pouvez pas faire en cinq mois ce que vous n’avez pas fait en cinq ans !

M. le président. La parole est à M. le ministre.