M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Dubois. Je termine, monsieur le président.

Le juge a rappelé, disais-je, que l’intérêt à agir pouvait être encadré par la loi.

Un amendement de repli, quant à lui, a une portée beaucoup plus limitée, puisque cette disposition exclut les associations et ne concerne que les cas de non-opposition.

Le dernier amendement, enfin, vise à durcir les sanctions lorsque le recours a été qualifié d’abusif par le juge.

En tout état de cause, si ces amendements étaient adoptés, monsieur le ministre, ils auraient des répercussions immédiates sur le climat des affaires dans la construction de logements. Il est de notre devoir de statuer dans la loi sur ce sujet, pour ne pas laisser proliférer ce type de pratiques malveillantes, dont les professionnels et les demandeurs de logements sont les premières victimes. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques jours avant la fin de la session parlementaire, nous débattons de la nouvelle marotte du Président de la République : l’augmentation de 30 % des droits à construire.

Vous aviez donné le ton, monsieur le ministre, en déclarant lors de l’examen des crédits budgétaires que l’« on ne doit plus financer le logement par le budget public ».

C’est maintenant chose faite, et vous souhaitez, à deux mois de l’élection présidentielle, aller plus loin en tentant de faire la démonstration que l’on peut promouvoir une politique du logement sans pour autant faire appel à des investissements publics.

Nous verrons que cette posture se révèle n’être que de pur affichage et qu’un tel projet de loi ne sera en rien susceptible de répondre à la crise du logement. Au contraire, il risque de l’aggraver encore. Comment ne pas voir, en outre, qu’il s’agit d’une annonce à bon compte pour le Gouvernement, puisqu’elle vous permet de faire croire que le manque de construction relève non pas de votre responsabilité, mais de celle des élus locaux ?

Aussi, de prime abord, nous souhaiterions revenir sur la méthode employée.

Il y a un mois, jour pour jour, le Président de la République annonçait au journal de 20 heures son projet pour le logement. Ce texte est ainsi débattu à la hussarde : il était examiné la semaine dernière à l’Assemblée nationale, hier en commission, aujourd’hui en séance, et il reviendra la semaine prochaine pour une ultime lecture.

Les délais sont bien trop courts pour permettre aux parlementaires de remplir leur mission, c'est-à-dire d’accomplir leur travail législatif. En agissant ainsi, vous considérez nos assemblées comme de simples chambres d’enregistrement. Nous estimons qu’il s’agit là d’une grave dérive de nos institutions vers une présidentialisation que nous jugeons très négativement, puisqu’elle s’apparente au fait du prince.

Aussi, avant d’en venir au cœur des dispositions du présent texte, il est utile de faire une mise au point.

En effet, loin du grand satisfecit que vous vous attribuez en permanence en la matière, la situation du logement en France est dramatique, comme le soulignait encore très récemment la Fondation Abbé Pierre.

Ainsi, depuis 2002, la politique du Gouvernement s’est incarnée dans une réduction des crédits, les aides à la pierre ne représentant plus aujourd’hui que 320 millions d’euros, en baisse d’un milliard d’euros en cinq ans. À l’inverse, les exonérations fiscales représentent près de 13 milliards d’euros.

On voit donc bien la logique à l’œuvre : favoriser la marchandisation du logement. Ce faisant, vous êtes responsable de la création d’une bulle immobilière, entretenant le logement cher.

M. Benoist Apparu, ministre. Rien que ça !

M. Gérard Le Cam. Oui, monsieur le ministre. Ceux qui paient leur loyer chaque fin de mois le savent.

En complément, vous menez une charge sans précédent contre le logement public, prônant une France des propriétaires qui se trouve être un mirage.

Je me souviens que, lors de la dernière élection présidentielle, le candidat qui devait être élu vantait l’intérêt des prêts hypothécaires pratiqués outre-Atlantique, présentés comme le nec plus ultra de la politique du logement. C’est dire la pertinence de l’analyse de Nicolas Sarkozy en la matière…

Ainsi, c’est bien votre politique de désengagement et de marchandisation qui a favorisé la spéculation. Toute votre action est tendue vers la valorisation du foncier, notamment dans le cadre de projets récents comme celui du Grand Paris.

Cette politique s’incarne également dans l’asphyxie de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dans le dépeçage du 1 % logement, et dans la paralysie des offices HLM, lourdement taxés et si peu aidés.

Les conséquences pour nos concitoyens sont particulièrement lourdes et se conjuguent avec leur précarisation au travail et la baisse de leur pouvoir d’achat.

Le logement, comme le dénonce la Fondation Abbé Pierre, est devenu une machine à exclusion, puisque, loin de constituer un droit, l’accès au logement relève aujourd’hui du parcours du combattant. En témoignent les chiffres : 700 000 personnes sont privées de logement personnel, plus de 3 millions de Français sont en situation de mal-logement et 1,4 million de nos compatriotes sont toujours dans l’attente d’un logement social.

Pour ceux qui ont la chance d’être logés, la charge de l’habitation dans le budget s’est largement accrue ces dernières années. Ainsi, le prix des logements dans l’ancien a crû de 107 %, le loyer moyen du parc privé de 47 %, les loyers HLM de 29 % et le prix à la consommation de 19 % selon l’INSEE entre 2000 et 2010, alors même que le revenu médian n’augmentait, lui, que de 13 %. Quant aux prix des terrains, ils ont bondi de 31 % entre 2006 et 2010.

Le résultat de tout cela est que, entre 2002 et 2006, le nombre d’impayés de loyers a progressé de 83 % dans le secteur privé. Le nombre de décisions d’expulsion a également dépassé les 100 000 sur une année, en hausse de près de 43 % en dix ans.

Toutefois, rien n’y fait, vous êtes contents de vous ! Après la maison à 15 euros par jour, nous voilà donc prêts à examiner un nouveau dispositif permettant la majoration des droits à construire de 30 %. Cette mesure concerne ainsi les règles de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol ou encore de COS, c'est-à-dire de coefficient d’occupation des sols, pour les communes couvertes par un plan d’occupation des sols ou un plan local d’urbanisme.

Selon vous, une telle mesure serait à même de favoriser la construction de logements, en permettant de relancer l’offre de logements par une meilleure rentabilité de l’investissement consenti par les investisseurs immobiliers.

Je ne m’attarderai pas ici sur les conséquences d’une telle disposition pour les logements déjà bâtis. Une telle mesure est en effet inapplicable pour le logement collectif, tandis que, pour les habitations individuelles, elle s’apparente simplement à un effet d’aubaine, sans permettre la création de logements supplémentaires.

Plus grave, elle sous-tend l’idée que tout un chacun peut « valoriser » son propre bien, y compris au détriment du droit au logement et à la ville.

Une telle conception nous semble particulièrement contestable et en rupture avec la notion même de la qualité architecturale et patrimoniale, qui doit pourtant être au cœur de toute politique d’aménagement.

Vous déployez l’argument selon lequel une telle mesure favoriserait la densité, tout en oubliant que, si la densification doit être un objectif permettant de lutter contre l’étalement urbain, une telle politique ne peut être uniforme et n’est qu’un levier parmi tant d’autres, bien plus efficaces.

Tous ceux qui sont engagés dans l’élaboration des plans d’occupation des sols savent bien que les politiques d’aménagement relèvent d’un travail fin et minutieux, respectant les spécificités de chaque territoire.

Aussi, sur le fond, à qui bénéficiera cette mesure ?

Concernant le logement public, une telle disposition ne résoudra rien ; pis encore, elle accroîtra les difficultés des maires bâtisseurs et des offices HLM dans l’acquisition de terrains, dont l’augmentation des droits de constructibilité renchérira le prix.

Concernant le logement privé, nous doutons également de la pertinence d’un tel dispositif.

Ainsi, vous affirmez que les promoteurs amortiront la majoration du prix des terrains par la construction de davantage de logements. Cet argument est contestable dans la mesure où, à l’heure actuelle, la plupart des promoteurs n’utilisent pas l’ensemble des droits à construire.

Une telle logique néglige également un élément déterminant : vous n’influez nullement sur les prix finaux, alors que nombre de nos concitoyens ne peuvent déjà plus se loger dans le parc privé.

Il s’agit ainsi avant tout d’une règle économique dont la mise en œuvre entraînera une augmentation des prix des terrains et de la construction, ce que vous ne niez pas. Dès lors, cette dernière sera encore un peu plus étroitement soumise à la loi du marché, à la concurrence, à la spéculation. Les seuls gagnants seront les spéculateurs, les promoteurs immobiliers, les banques. (M. le ministre manifeste son désaccord.)

Plus grave encore, ce projet de loi constitue une nouvelle manifestation de défiance à l’égard des élus locaux. Je rappelle à ce titre qu’en vertu de la loi, ce sont les communes qui sont compétentes en matière de droit des sols, et non l’État.

De plus, nombre de communes n’ont pas de COS et, lorsqu’il en existe un, il s’agit avant tout d’un simple indicateur, d’un plafond qui, dans la plupart des cas, n’est pas atteint, tant il est vrai qu’assurer la qualité urbaine, l’équilibre de développement de la ville et le vivre-ensemble ne peut se réduire à appliquer une règle arithmétique.

Il existe d’ores et déjà des possibilités de renforcement des droits à construire, notamment pour la réalisation de logements sociaux, avec l’article L. 127-1 du code l’urbanisme, et pour les constructions répondant aux normes de confort thermique « bâtiment basse consommation », avec les articles L. 128-1 et L. 128-2 du code précité. Force est de constater que ces possibilités n’ont été que peu utilisées par les collectivités. De surcroît, les SCOT imposent à nos PLU une véritable densification de la construction.

En outre, la consultation du public que vous proposez d’instituer, tout en restant particulièrement flou sur ce point, ne constitue pas un gage de transparence. Je rappelle que, lors de l’élaboration des PLU, cette consultation s’engage dans le cadre d’une enquête publique autrement plus contraignante et que c’est bien sur l’objectif de la politique d’aménagement que les habitants doivent pouvoir s’exprimer.

Par ailleurs, aucune indication n’est fournie quant au financement de cette consultation. Nous en déduisons que, selon toute vraisemblance, il reviendra là encore aux collectivités d’assumer cette nouvelle charge, alors même que vos politiques fiscales les asphyxient chaque jour davantage.

Pis, en instaurant le principe d’une majoration des droits à construire, l’exception étant permise par une délibération du conseil municipal, vous contrevenez au principe de libre administration des collectivités locales : nous nous élevons contre cette ingérence gouvernementale.

Vous l’aurez compris, nous sommes totalement opposés à ce projet de loi.

M. Benoist Apparu, ministre. On l’avait compris, en effet !

M. Gérard Le Cam. Nous avons besoin non pas d’une nouvelle règle pour favoriser la densification et le renouvellement urbain, mais de subventions de l’État, d’une aide à la pierre renforcée et de prêts bancaires à taux très bas, voire à taux zéro, pour les constructeurs publics.

Nous avons besoin d’outils administratifs, juridiques, fiscaux et économiques pour bloquer la spéculation foncière et la flambée des prix de la construction et de l’immobilier.

Nous avons besoin que l’on fasse réellement confiance aux élus locaux dans le cadre de l’élaboration des PLU, afin que ces derniers ne soient plus pris en otage par les chambres d’agriculture, en particulier. Nous sommes suffisamment responsables pour ne pas gaspiller les terres agricoles !

Nous le savons tous, le principal obstacle à la construction de logements réside aujourd’hui dans le coût du foncier. En effet, la bulle spéculative entretenue par vos politiques fiscales a conduit à une flambée du prix des terrains, pesant lourdement sur les opérations des bailleurs.

Il est donc également impératif, par exemple, de repenser le rôle des établissements fonciers, porteurs de projets pour les collectivités, en permettant un renforcement tant de leurs missions que de leurs moyens, afin de réaffirmer la nécessité d’accroître la maîtrise publique sur le foncier.

Cette maîtrise publique ne passe pas uniquement par la mise à disposition des collectivités des terrains de l’État ; elle suppose également une utilisation des sols socialement utile, que permettrait la mise en application du dispositif de l’article récrit par la commission, en n’autorisant la décote de 100 % que pour les programmes de logements sociaux.

À ce titre, la réécriture de l’article unique du présent projet de loi nous paraît pertinente.

Sur le fond, tout nous conduit à considérer qu’il faut sortir le logement de la sphère marchande. L’urgence est bien d’assurer un financement public du logement public. À cet égard, nous avions formulé des propositions qui avaient été adoptées par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, mais supprimées à l’Assemblée nationale par le biais du vote d’un amendement du rapporteur.

En effet, nous avions proposé d’ouvrir aux organismes d’HLM la faculté de souscrire à des emprunts à taux zéro : voilà une mesure qui aurait réellement desserré l’étau qui entrave l’action des offices et permis par conséquent la construction de davantage de logements publics.

Vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe CRC préconisent une autre politique du logement. Celle-ci passe par l’affirmation de certaines priorités, en particulier le respect de la loi SRU, voire le renforcement de son dispositif. Au contraire, vous n’avez eu de cesse de tenter de contourner, sinon d’abroger, cette loi précieuse.

Nous préconisons également l’abrogation de la loi Boutin, qui a enfermé le logement social dans une logique financière.

Toutes les aides fiscales favorisant la spéculation dans le domaine du logement privé doivent être supprimées et les moyens correspondants réaffectés à l’aide à la pierre, afin de permettre la construction de 200 000 logements par an pendant cinq ans, un tel programme comprenant un volet spécifique dédié au logement des étudiants et des jeunes.

Nous préconisons en outre l’encadrement des loyers dans le privé comme dans le public, par le plafonnement des prix à la vente et à la location, en fonction du degré de tension constaté sur le marché dans les différents territoires.

Pour garantir l’égalité d’accès pour tous à un logement de qualité, assurer la mixité sociale de l’habitat et permettre la baisse des loyers pour le plus grand nombre, nous souhaitons fixer pour objectif que la part du loyer et des charges dans le budget des familles n’excède pas 20 %.

Nous voulons que tout soit mis en œuvre afin de permettre la réquisition des logements vacants.

Enfin, nous exigeons la fin de la pratique barbare des expulsions locatives des personnes n’ayant pas les moyens de se maintenir dans leur logement.

Telle est, monsieur le ministre, la politique du logement qui nous permettrait d’endiguer réellement la crise que nous connaissons et d’affirmer un véritable droit au logement : elle se situe aux antipodes de vos politiques de marchandisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire n’est, en définitive, qu’un texte d’affichage. Le Président de la République veut ainsi donner à croire qu’il prend en compte l’une des préoccupations essentielles de nos concitoyens, outre le chômage et le pouvoir d’achat. Mais le présent texte ne permettra en rien de répondre aux problèmes du logement.

M. Jean-Jacques Filleul. Cette mesure présentée dans la précipitation rappelle d’autres effets d’annonce. Chacun ici se souvient des maisons à quinze euros par jour de Mme Boutin, qui ont connu le succès que l’on sait, ainsi que des maisons à 100 000 euros de M. Borloo, dont le nom rime malheureusement avec fiasco !

On dit, monsieur le ministre, que vous êtes l’inspirateur de la version initiale du texte dont nous discutons ce soir. Cela vous épargne d’aller chercher trop loin des arguments pour défendre cette initiative hasardeuse d’un Président de la République qui, manifestement, ne connaît pas les problèmes urbains ! Votre projet de loi suscite le scepticisme et recueille des avis mitigés de la part des professionnels. Ceux qui ont été consultés sont pour le moins dubitatifs. Ils redoutent surtout les effets d’une mesure technocratique qui méconnaît les réalités de l’urbanisme et des politiques d’aménagement du territoire.

Les maires, les adjoints chargés de l’urbanisme, les équipes municipales qui ont engagé un travail de deux ou trois ans afin d’aboutir à l’approbation d’un PLU estiment que l’on se moque d’eux, une fois de plus. Ils admettent mal de voir leurs prérogatives remises en cause.

Prenons l’exemple d’un quartier d’une petite ville faisant l’objet d’une politique d’intégration urbaine. Il s’agit du projet majeur du mandat municipal, bien évidemment. Tout a été mis en œuvre pour le mener à bien, y compris sa présentation aux riverains et plus largement à l’ensemble de la population, ainsi qu’aux services de l’État. Le projet adopté est conforme au PLU pour l’implantation, au programme local de l’habitat pour l’évolution du nombre de ménages. Si l’on prenait votre texte à la lettre, il faudrait réviser les gabarits, la hauteur des immeubles, l’emprise au sol du projet en question : ce n’est pas possible, monsieur le ministre ! Sa conception globale est cohérente : il prend en compte la mixité sociale, les normes environnementales et autres, les espaces publics, les besoins en places de stationnement, sans parler de la planification scolaire, des structures de multi-accueil, des déplacements et des réseaux.

Dans ces conditions, comment voulez-vous augmenter de 30 % le nombre de logements en surélevant, en agrandissant ou en densifiant les constructions ? Les structures des immeubles ne le permettent pas toujours.

Quant aux clients du programme, comment accepteraient-ils une modification aussi substantielle du projet sur lequel ils se sont engagés financièrement ? Quel maire réunira la population et les riverains pour annoncer, après un simulacre de concertation, que, finalement, il modifie le projet afin de répondre aux exigences fixées par ce texte, à deux ans de la fin de son mandat ?

Les associations d’élus ne sont pas en reste. Comme leurs représentants, je regrette la méthode employée pour annoncer le dépôt de ce projet de loi. L’absence de concertation préalable inquiète les organisations professionnelles, qui se sentent mises à l’écart. Le rapporteur de la commission de l’économie a déploré, à juste titre, que ce texte soit examiné par le Parlement dans une telle précipitation.

Je voudrais insister sur la question de la densité. Celle-ci se détermine à l’issue d’un long processus d’évaluation des PLU, et non en six mois, sans enquête publique. La méthode proposée n’est-elle pas largement dérogatoire à la procédure classique de modification des PLU ? Je m’interroge sur les risques juridiques qu’elle pourrait comporter.

Par ailleurs, même si les élus cédaient à cette facilité, agrandir la maison familiale ne crée pas un logement supplémentaire : c’est simplement, pour certains, une bonne occasion à saisir. Votre texte offre des droits à construire à ceux qui auront les moyens d’en profiter. Son application entraînera une augmentation des prix des terrains. Les professionnels voient les négociations stoppées, au mieux prolongées, y compris après la conclusion d’un accord amiable. Les propriétaires fonciers sont ravis : en l’absence de compromis, leurs terrains sont 30 % plus chers ! Leurs exigences en matière de constructibilité sont également à la hausse, alors qu’il faudrait pouvoir disposer de lots à des prix raisonnables.

Lors de votre audition par la commission, mercredi dernier, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que le coût du foncier augmenterait, mais pas forcément celui de l’opération, grâce à l’augmentation de la densité. Ce ne sont là que des mots, j’en suis certain : je relève que le prix des maisons individuelles a augmenté de 52 % entre 2000 et 2010.

Tout cela ne « colle » pas, d’autant que, dans un lotissement datant de moins de dix ans, l’autorisation des autres propriétaires est nécessaire pour procéder à un agrandissement.

Décidément, ce texte ne constitue en rien une réponse à la crise du logement. Il fallait faire respecter la loi SRU, adoptée en 2000, particulièrement son article 55 : pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Vous auriez dû convaincre les communes récalcitrantes, afin qu’elles respectent les objectifs fixés : par exemple, construire en vue de garantir la mixité sociale, pour que chacun puisse se loger décemment sans se ruiner dans les villes où les logements manquent. Observons tout de même que l’avancée opérée par la loi SRU a permis la construction d’environ 300 000 logements sociaux en dix ans.

Dans son rapport, Thierry Repentin préconise en fait de ne pas en rester à votre proposition et de passer à autre chose. L’amendement qu’il a présenté et que la commission a adopté va à l’essentiel : l’État doit fournir de nouveaux espaces pour la construction de logements sociaux. Une telle mesure permettrait de construire mieux, à des prix modérés, là où les besoins, qui restent considérables, sont les plus vifs.

En outre, pourquoi réduire les moyens de l’État ? En effet, les subventions destinées à la réalisation de logements sociaux sont en voie d’extinction. Vous-même, lors de votre audition portant sur le projet de loi de finances pour 2012, aviez déclaré être favorable à un nouveau modèle économique. (M. le ministre acquiesce.) Monsieur le ministre, vous y êtes presque ! Ainsi, l’État ne participe qu’à hauteur de 4 % au financement de la réalisation d’un immeuble HLM. Les crédits destinés à la construction locative et à l’amélioration du parc ont fondu : depuis 2007, ils sont passés de 827 millions d’euros à 322 millions d’euros. C’est le parc social qui en subit les conséquences. Le Gouvernement pratique le double langage, une fois de plus ! Une autre réponse aurait pu consister à réhabiliter les 2 millions de logements vacants.

Monsieur le ministre, les élus de la République veulent construire, et ces contradictions les désespèrent. Ils veulent bâtir, y compris dans les plus petits villages. Vous ne pouvez pas l’ignorer. Le monde rural a changé : pourquoi vos services s’opposent-ils à ce que quelques parcelles situées à proximité immédiate du centre-bourg soient déclarées constructibles ? Pour un maire, les lotir au cours de son mandat représente une ambition raisonnable, modeste au regard des besoins. Néanmoins, cela insufflerait un surcroît de dynamisme. La construction joue un rôle à cet égard. Nous en revenons naturellement au problème prioritaire du foncier disponible.

L’amendement présenté par Thierry Repentin va dans le bon sens. Nous attendons tous la grande loi foncière en faveur du développement de l’offre de logement abordable réclamée par le mouvement HLM.

Elle permettrait de lutter contre la hausse des prix des terrains, de décourager la rétention foncière par la mise en place d’une fiscalité progressive sur les terrains constructibles laissés nus. Chacun le déplore, la rareté des terrains entretient la spéculation. Dans cet esprit, il conviendrait aussi de s’appuyer sur d’autres mesures, comme la remise en location des logements vides et la taxation des logements vacants là où l’offre ne permet pas de répondre à la demande.

La crise du logement touche 10 millions de personnes dans notre pays : 3,6 millions de nos concitoyens sont mal logés, 1,2 million de ménages sont inscrits sur des listes d’attente et vivotent en espérant accéder un jour à un logement social décent. Nous le voyons dans nos communes : les familles peinent, le nombre des impayés de loyers ne cesse de progresser et les menaces d’expulsion locative se multiplient.

Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, la situation est devenue dramatique. Elle l’est non seulement pour les ménages les plus modestes, les personnes isolées, les jeunes, les femmes seules avec enfants, mais aussi – c’est un phénomène récent – pour les classes moyennes, et pas seulement dans les zones tendues. La part des ressources des ménages consacrée au logement atteint un niveau historique, représentant souvent un quart de leur budget. Le loyer peut même s’élever à 50 % de celui-ci pour un couple avec deux enfants gagnant 1,5 fois le SMIC et se logeant dans le privé.

Le président sortant n’avait-il pas promis que plus personne ne coucherait à la belle étoile d’ici à la fin de son mandat ? Le soir, lorsque je quitte le Sénat pour rejoindre l’hôtel, je vois des personnes allongées à même le sol. Elles dorment dans le froid, se protégeant tant bien que mal des courants d’air. Nous sommes bien loin des engagements de 2007 ! Votre proposition ne fera pas davantage évoluer cette situation que ne l’a fait la politique terriblement inhumaine que vous avez conduite depuis cinq ans, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, nous savons d’avance quel sort funeste la majorité de la Haute Assemblée va réserver à votre texte… Avant de le défendre, je voudrais tenter d’analyser la situation et de tracer quelques pistes de réflexion pour l’avenir.

En matière de logement, notre pays connaît un véritable paradoxe.

En effet, jamais nous n’avions autant construit que ces dernières années, la France étant même le pays d’Europe où l’on bâtit le plus. Pourtant, nos concitoyens ont toujours énormément de mal à se loger, qu’ils soient accédants à la propriété ou qu’ils cherchent à louer.

Puisqu’il n’est jamais inutile d’établir des comparaisons, je voudrais citer quelques chiffres relatifs à deux périodes choisies au hasard, 1997-2001 et 2007-2011.

M. Benoist Apparu, ministre. Excellent choix !

M. Philippe Dallier. Au cours de la première de ces périodes, 1 604 000 logements ont été construits, dont 285 000 logements sociaux, contre 1 937 418 logements, dont 626 000 logements sociaux, au cours de la seconde.

Pour être tout à fait précis et parfaitement honnête, il faudrait toutefois déduire les 80 000 logements reconstruits dans le cadre des opérations de renouvellement urbain. Quoi qu’il en soit, la comparaison entre ces deux périodes montre que nous avons davantage construit ces dernières années que dans le passé. Il serait bon que chacun reconnaisse cette réalité : même si l’on constate des difficultés, le Gouvernement n’est pas resté inactif dans le domaine du logement, non plus d’ailleurs qu’en matière d’hébergement d’urgence, le nombre de places ayant notablement augmenté grâce au plan d’action renforcée pour les sans-abri, le PARSA. Dès lors, il me semble excessif de qualifier d’inhumaine la politique du Gouvernement.

Cependant, cette progression sensible n’a pas suffi, dans les zones tendues ou très tendues, notamment en Île-de-France, à résorber une crise dont l’origine ne date pas d’hier, ni permis de contenir les prix, qui ont augmenté de manière très importante, trop importante.

Ainsi, malgré de nombreux dispositifs d’aide, beaucoup de nos concitoyens ne peuvent plus accéder à la propriété, alors qu’ils auraient pu le faire, à ressources équivalentes, il y a seulement cinq ans. Quant à ceux dont les revenus ne leur permettaient déjà pas, à l’époque, d’accéder à la propriété, ils ont subi de plein fouet la hausse des loyers s’ils n’ont pas la chance de bénéficier d’un logement social. Enfin, il y a tous ceux dont le logement n’est pas adapté à la taille de leur famille ou est en mauvais état.

Mes chers collègues, on voit bien que le nombre de demandeurs de logement, et plus encore le terme de mal-logement, souvent utilisé par les associations, recouvrent en réalité des situations bien différentes. Toutefois, dans la majorité des cas, c’est d’abord le problème du prix des loyers ou des biens qui est mis en avant.

Pour définir les bonnes réponses à un problème aussi complexe, il faut tenter d’analyser les causes de celui-ci sans a priori, sans tabou et sans dogmatisme.

Non, nous ne construisons pas encore suffisamment ; oui, les prix sont trop élevés : là-dessus, nous sommes tous d’accord. Comment remédier à cette situation ? Les points de vue divergent.

Les plus libéraux répondent que le prix n’est que la conséquence du jeu de la loi de l’offre et de la demande et qu’il suffit donc d’augmenter le nombre des biens offerts pour que la tension sur les prix retombe.

Les plus dirigistes affirment que le logement n’est pas un bien comme les autres, point de vue que je partage, mais, au nom de ce principe, certains vont jusqu’à envisager d’imposer, par la loi, une baisse de 20 % des loyers à la relocation.