compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-François Humbert,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 12 juillet 2012 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jacques-Richard Delong, qui fut sénateur de la Haute-Marne de 1981 à 2001.

3

Candidature à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.

La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, a fait connaître qu’elle propose les candidatures de :

- M. Louis Nègre pour siéger en qualité de membre titulaire et de M. Michel Teston pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Conseil supérieur des transports terrestres et de l’intermodalité, créé en application du décret n° 2012-253 du 21 février 2012 ;

- de MM. Rémy Pointereau et Roland Ries pour siéger en qualité de membres titulaires et de MM. Louis Nègre et Jean-Jacques Filleul pour siéger en qualité de membres suppléants au sein du Haut comité de la qualité de service dans les transports, créé en application des décrets nos 2012-211 du 14 février 2012 et 2012-216 du 15 février 2012.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 13 juillet 2012, deux décisions du Conseil sur les questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2012-262 QPC et n° 2012-264 QPC).

Acte est donné de ces communications.

5

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

liaison ferroviaire lyon-turin

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 1630, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, la liaison Lyon-Turin constitue le maillon central de l’infrastructure européenne considérée comme prioritaire dès le sommet d’Essen, qui s’est déroulé en 1994. Elle a fait l’objet d’un engagement de l’État français et de l’État italien lors du traité de 2001, et l’accord du 30 janvier 2012 a confirmé la répartition des engagements financiers retenus alors entre la France et l’Italie.

Ce corridor méditerranéen Algezira-Ukraine, identifié dans le réseau transeuropéen de transport, constitue une infrastructure majeure non seulement pour les échanges de voyageurs, mais plus encore pour le transport de marchandises.

Au-delà de l’enjeu économique, la réalisation de cette infrastructure ferroviaire permettra, à terme, le report d’un million de poids-lourds de la route vers le rail, report indispensable à la survie des vallées alpines menacées d’asphyxie par le trafic routier.

Mais indépendamment de ces enjeux économiques et écologiques, le tunnel de base constitue une infrastructure toute particulière, et l’on ne saurait écarter les considérations impérieuses de sécurité qui justifieraient à elles seules la nécessité de réaliser un ouvrage moderne bitube.

Il importe de rappeler et de souligner que, aujourd’hui, le trafic ferroviaire en direction de l’Italie utilise une infrastructure constituée d’un monotube sur une distance d’environ quinze kilomètres, dont les travaux ont été engagés par Cavour voilà plus de cent cinquante ans, avant le rattachement de la Savoie à la France.

Or, à l’heure actuelle, cet ouvrage ne répond plus aux exigences de sécurité que l’on est en droit d’attendre d’une infrastructure ouverte à la circulation de voyageurs et de marchandises devant constituer le maillon central de l’infrastructure du Sud de l’Europe.

Il convient d’ailleurs de souligner que le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, ou CFAL, et le développement de l’autoroute ferroviaire alpine, ou AFA, représentent tout autant des éléments essentiels de ce grand projet.

Les financements de l’Europe aujourd’hui disponibles permettent d’engager sans tarder les travaux du tunnel de base, déclarés d’utilité publique et urgents au mois de décembre 2007. Cet ouvrage a vocation à s’inscrire dans les investissements d’avenir projetés par les gouvernements français et italien dans le cadre du plan de relance européen.

Il importe aussi de rappeler que les chantiers préparatoires réalisés et en cours avec la descenderie s’élèvent à 800 millions d’euros et que le financement européen est proche de 50 %.

Le financement du tunnel de base, dont le coût est de 8,2 milliards d’euros, serait assuré pour 3,4 milliards d’euros par l’Europe, le solde étant à la charge de l’Italie et de la France à hauteur respectivement de 58 % et de 42 %, soit une contribution nationale de 2,1 milliards d’euros.

Il est important de souligner cette participation française de 2,1 milliards d’euros, eu égard à la hauteur de l’ouvrage. Précisons que 75 % du chantier du tunnel se déroulera en territoire français pour un montant de l’ordre de 6 milliards d’euros.

Je demande donc au Gouvernement de confirmer l’engagement de l’État à entreprendre immédiatement la réalisation des travaux du tunnel de base, dont la première tranche des financements européens est disponible, tout en sachant que l’Europe a accepté de porter sa participation à 40 % du montant des investissements. Aujourd’hui, en effet, 672 millions d’euros de financements européens sont disponibles et doivent être engagés dès 2013, pour être réalisés avant la période 2014-2015.

Enfin, en marge du conseil européen des ministres des transports, qui s’est tenu le 7 juin à Luxembourg, le mois de septembre a été évoqué pour une ratification par le Parlement français de l’accord du 30 janvier 2012. Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer ce calendrier ?

Si la situation économique et financière de notre pays peut conduire à étudier de nouveau le calendrier du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, voire à réexaminer certaines sections qui, de toute évidence, pourraient être simplifiées, le tunnel de base constitue le maillon central vital de l’infrastructure ferroviaire franco-italienne. L’urgence de sa réalisation exige un traitement prioritaire de ce dossier, point qui correspond aussi à la volonté exprimée, à plusieurs reprises, par le chef du gouvernement italien.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Vial, la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, qui fait l’objet de votre préoccupation, est en effet un projet majeur, dont la dimension européenne est évidente. Elle permettra de basculer le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes de la route vers le fer et améliorera également les liaisons entre les grandes agglomérations alpines de France et d’Italie.

Ce projet a fait l’objet d’un accord international, à savoir le traité de Turin de 2001. De ce fait, la parole de nos deux pays est engagée, et, je le confirme fermement, il n’est pas question que la France revienne sur sa prise de position. Je me suis d’ailleurs entretenu de ce sujet la semaine dernière avec Corrado Passera, mon collègue italien chargé des transports. J’ai aussi rencontré très rapidement après ma nomination Louis Besson.

Monsieur le sénateur, vous avez indiqué que le tunnel actuel de Fréjus ne répond pas aux exigences de sécurité. Je souhaite vous apporter une précision, voire une rectification sur ce point.

Cet ouvrage a été élargi au gabarit dit « B+ » afin d’y faire passer l’autoroute ferroviaire. À cette occasion, d’importants investissements ont été réalisés en matière de sécurité, qu’il s’agisse de niches ou d’équipements de surveillance, notamment. Ce tunnel a fait l’objet de commissions de sécurité et il est conforme aux exigences formulées.

Pour entrer dans le cœur du sujet, le projet de liaison Lyon-Turin comporte une section internationale – essentiellement un tunnel transfrontalier de cinquante-sept kilomètres de long sous les Alpes – sous pilotage franco-italien, correspondant à un montant d’investissement de 12 milliards d'euros. L’accès au tunnel international depuis l’agglomération lyonnaise nécessite également la réalisation d’une ligne nouvelle jusqu’à cet ouvrage, d’un montant total de 10 milliards d'euros. Dès ce soir, je rencontrerai le sénateur-maire de Lyon, qui ne manquera pas de me sensibiliser à cette question.

Le 29 janvier 2001, par la signature du traité de Turin, la réalisation de l’opération a fait l’objet d’un accord international. Le 30 janvier 2012, un nouvel accord a été conclu, afin de définir les principes de financement et de gouvernance de l’opération.

Monsieur le sénateur, je me permets de souligner que, si le gouvernement précédent a fait avancer l’opération, très soutenue par l’Italie et l’Union européenne, il n’a cependant pas anticipé les montants considérables nécessaires à sa réalisation. En effet, comme vous l’avez signalé, la France supporterait un montant d’au moins 2,5 milliards d'euros.

Dernièrement, la signature de l’accord du 30 janvier 2012 marque le franchissement d’une nouvelle étape importante pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin. À cette occasion, les principes de la répartition du financement de cette dernière entre les deux États ont été actualisés. Je vous confirme que la procédure de ratification suit son cours, afin qu’elle intervienne dans les meilleurs délais.

Je peux également vous assurer que nous sommes déterminés à travailler conjointement avec nos partenaires italiens sur ce dossier. Le prochain sommet franco-italien, qui se tiendra à l’automne, sera l’occasion d’aborder au plus haut niveau des deux États l’avancement de ce grand projet.

Tout en prenant en considération la crise financière et économique que nous traversons, vous comprenez, j’en suis sûr, monsieur le sénateur, que le lancement des travaux définitifs nécessite un engagement financier fort de l’Union européenne. D’ores et déjà, la Commission européenne a rappelé que les futures dispositions communautaires offriront la possibilité de subventionner les grands projets d’infrastructures jusqu’à 40 % du montant total des investissements.

À ce propos, tout le sens du combat mené par le Président de la République en l’espèce est de faire reconnaître les enjeux de croissance que représentent pour l’Europe la réalisation de pareils projets européens et la nécessité d’engager les financements adéquats.

La confirmation du niveau de subvention envisagé sera un élément clé pour l’avenir du projet, et nous continuerons à agir auprès de la Commission en ce sens.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est pleinement mobilisé non seulement pour faire respecter la parole de la France, mais également pour obtenir de nos partenaires les précisions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Tout d’abord, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier, d’avoir indiqué que la parole de notre pays serait tenue, même si nous n’en doutions pas complètement.

En revanche, s’agissant de la ratification de l’accord du mois de janvier dernier, vous avez précisé qu’elle suit son cours : j’aurais aimé obtenir une réponse plus claire sur ce sujet. Pour notre part, nous souhaitons qu’elle intervienne rapidement. Peut-être disposerons-nous d’éléments nouveaux lors du sommet franco-italien qui doit se tenir cet automne.

Je veux en cet instant insister sur deux points.

D’une part, l’accord susvisé est parfait, hormis l’article 4, lequel, in fine, empêche de mettre en œuvre immédiatement le traité de 2001. Si le sommet franco-italien pouvait enlever toute raison d’être à cet article, nous pourrions alors entrer en action, ce qui constituerait une évolution considérable.

D’autre part, aujourd'hui, on le sait, d’un point de vue opérationnel, il est important que le promoteur puisse intervenir.

J’espère que, sur ces deux points, le prochain sommet franco-italien apportera les réponses qui nous manquent pour l’instant.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie, monsieur le ministre, de l’attention que vous portez à ce dossier, notamment au tunnel de base. Vous avez quelque peu repris mes propos relatifs à la sécurité. Ce sujet, j’y insiste, est important, et je souhaite qu’il soit étudié avec la plus grande attention, même si tel n’est pas l’objet de la séance de ce matin.

modernisation de la rn2

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 6, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, ma question traitera également de la sécurité : je tiens en effet, aujourd’hui, à attirer une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le dossier de la modernisation du tracé de la RN2, la fameuse route Charlemagne, axe structurant du département de l’Aisne.

Dans le cadre des précédents contrats de plan État-région, cet axe de circulation, dont la gestion continue de relever de la compétence exclusive de l’État, a pu bénéficier de crédits importants qui ont été utilisés pour rénover la section reliant Soissons à Laon. Mais la RN2 n’apparaît pas dans le dernier schéma national des infrastructures de transport, et les autres sections de la RN2 entre Laon et la frontière belge ne sont pas inscrites au programme de modernisation des itinéraires routiers, le PDMI, de 2009-2014.

Or, pour les régions du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie et, bien sûr, d’Île-de-France, il est vital de trouver une solution de circulation alternative à l’autoroute A1, confrontée à une saturation chronique.

Il paraît d’une urgence croissante de réfléchir à l’échelon national à la place stratégique que pourrait occuper la RN2 pour les transports et les flux de marchandises, les poids lourds représentant un tiers de son trafic.

Le désenclavement routier de la région en cause est donc d’une importance plus que locale en raison de son aspect transfrontalier.

Pour l’avenir des territoires situés au nord de Laon, il est crucial que l’ensemble de cet axe, jusqu’à la frontière belge, puisse rapidement faire l’objet d’un aménagement à deux fois deux voies, car la RN2 ne se réduit pas à des sections.

Ce dossier, porté depuis plus de trente ans par la plupart des élus, toutes tendances confondues, connaît petit à petit des évolutions, mais les conditions de sécurité dégradées ont encore causé récemment des accidents mortels à répétition.

Au cours de l’année 2010, le bilan de l’accidentologie relative à la RN2 était de dix-neuf accidents corporels, cinq tués et trente blessés. En 2011, cette route a été le théâtre de vingt et un accidents corporels, et un tué et vingt-cinq blessés sont à déplorer. Dans le seul mois qui vient de s’écouler, trois morts et autant de blessés graves doivent hélas ! être déjà dénombrés. Parmi ces morts figure un élu, Michel Lefèvre, alors vice-président du conseil général de l’Aisne, lui-même fortement impliqué dans la défense de ce dossier. Je veux en cet instant lui rendre hommage, ainsi qu’à toutes les autres victimes.

Est-il besoin de relayer les avis des riverains et des utilisateurs pour lesquels « la RN2 n’est ni accidentogène, ni dangereuse, mais simplement mortelle à chaque instant » ?

Lors de son déplacement dans l’Aisne, entre les deux tours de l’élection présidentielle, le nouveau président de la République avait assuré « qu’il ne pouvait pas y avoir de développement sans infrastructures ferroviaires et routières, qu’aucun territoire ne devait se situer dans l’enclavement, et que, pour la RN2, l’État ferait les efforts nécessaires, indispensables pour les entreprises et les particuliers ».

Nous nous réjouissons de ce constat reconnu, maintes fois proclamé, du frein que cet axe endommagé représente pour la sécurité des passagers et pour l’emploi.

Dans ce souci du « besoin de solidarité territoriale demandé par tous », selon les propos de François Hollande, je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser les ambitions du Gouvernement à l’égard de ce projet vital et les actions programmées pour le doublement de la RN2, à commencer par le financement immédiat des études de mise à deux fois deux voies des sections qui ne le sont pas encore, c’est-à-dire de celles qui sont situées entre Laon et Maubeuge.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, permettez-moi de m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage que vous venez de rendre au vice-président du conseil général de l’Aisne ; il est toujours douloureux de perdre un collègue, en particulier dans des circonstances comme celles que vous avez évoquées.

Je puis dès à présent vous assurer que la poursuite de l’aménagement à deux fois deux voies de la RN 2, qui relie la rocade francilienne à la frontière belge, fait l’objet d’une attention soutenue de la part de l’État, attention qui porte plus particulièrement sur les sections où la circulation est grande, comme la section comprise entre la Francilienne et Laon.

Pour entrer dans le cœur du dossier, je précise que plusieurs opérations ont été inscrites au programme de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI, de la région picarde, dont je rencontrerai jeudi le président, M. Gewerc, qui ne manquera pas de relayer à son tour les préoccupations que vous venez d’exprimer, monsieur le sénateur, car ce sont aussi les siennes.

Ces opérations correspondent à une enveloppe d’un montant de 112 millions d’euros, avec des mises en service qui devraient s’échelonner entre 2013 et 2016. Je vous donne l’assurance qu’en 2016 la quasi-totalité de la RN2 entre la Francilienne et Soissons, section qui supporte des trafics élevés et qui est particulièrement accidentogène, aura été aménagée à deux fois deux voies.

Vous m’interpelez également à propos de la section reliant Laon et la frontière belge, où les trafics sont plus faibles. Sur cette partie de l’itinéraire, des actions ont également été engagées. L’aménagement à deux fois deux voies de la section comprise entre Hautmont et Beaufort a ainsi été achevé en 2011, pour un montant, intégralement financé par l’État, de 32 millions d’euros.

Par ailleurs, les besoins d’aménagement résiduels de cette section ont fait l’objet d’une expertise du Conseil général de l’environnement et du développement durable, ou CGEDD, à la fin de l’année 2010. Le CGEDD a notamment préconisé de maintenir une chaussée bidirectionnelle entre Laon et Avesnes-sur-Helpe, avec certains aménagements localisés.

Si ces préconisations peuvent paraître en retrait par rapport à votre souhait d’une mise à deux fois deux voies de cet axe que vous exprimiez à l’instant, elles ont le mérite du pragmatisme et du réalisme, au regard notamment de la situation des finances publiques et des besoins de mobilité.

Vous avez appuyé votre propos sur des considérations relatives à la sécurité. Il est évident que, forts du diagnostic du CGEDD, nous mettrons un soin particulier à vérifier que toutes les zones accidentogènes font l’objet d’un traitement prioritaire. J’ajoute que c’est en concertation avec les élus locaux et les collectivités que seront programmés les différents travaux sur cette importante section qui va jusqu’à la frontière belge.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces informations. La date de 2016 annoncée pour l’achèvement des aménagements sur l’axe entre Laon et la Francilienne en particulier témoigne d’un engagement fort. Nous serons vigilants quant au respect de celui-ci.

Vous avez évoqué votre prochaine rencontre avec le président du conseil régional de Picardie. Pour ma part, j’ai omis de mentionner l’effort important que fait le conseil général de l’Aisne, que préside notre collègue Yves Daudigny. Alors qu’aucun texte ne le lui impose, le conseil général s’engage très fortement, et il serait appréciable que la région Picardie apporte aussi son écot à l’aménagement d’un axe important pour le désenclavement.

ligne à grande vitesse montpellier-perpignan

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 11, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je souhaite vivement attirer votre attention sur le projet de ligne nouvelle à grande vitesse Montpellier-Perpignan, maillon stratégique mais manquant sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse.

Il s’agit d’un feuilleton interminable puisque le premier tracé établi par la mission Querrien remonte à 1990 et l’avant-projet sommaire à 1995. Or, récemment, il a fallu tout recommencer, c'est-à-dire faire de nouvelles études et établir un nouveau tracé. Plus de vingt ans ont ainsi été perdus et nous revoilà au point de départ !

Premier point de préoccupation, monsieur le ministre, certaines informations parues dans la presse laissent entendre que le Gouvernement pourrait renoncer à la réalisation de plusieurs lignes nouvelles à grande vitesse. J’espère que la réalisation du maillon manquant entre Montpellier et Perpignan, que nous attendons, je le répète, depuis plus de vingt ans, ne fera pas partie des projets reportés ou abandonnés. Il faut absolument que vous apaisiez mes inquiétudes sur ce point, monsieur le ministre !

Deuxième point de préoccupation, les craintes, remarques, propositions et préconisations des élus, des populations et des associations des communes concernées par les hypothèses de tracés seront-elles ou non prises en compte ?

Il m’a été précisé que Réseau ferré de France, ou RFF, ne travaillait, pour ses études de tracés, que sur la base de la décision ministérielle du 14 novembre 2011, qui retient deux hypothèses : première hypothèse, il s’agirait d’une ligne à grande vitesse dédiée aux seuls trafics de voyageurs uniquement, et ce serait l’option « médiane » qui devrait être retenue ; seconde hypothèse, il s’agirait d’une ligne à grande vitesse mixte – voyageurs et fret –, et ce serait l’option « littorale » qui serait retenue…

Cette décision ministérielle – s’il s’agit bien de cela – constitue un carcan et ne prend de surcroît nullement en compte l’utilisation du fret dans le futur.

Il est clair, monsieur le ministre, qu’élus et populations sont fermement opposés à l’option littorale, qui serait destructrice : une partie du vignoble et des structures économiques qui en dépendent ainsi que plus de cent vingt maisons d’habitation et divers projets de développement économique seraient détruits, et ne parlons même pas des conséquences environnementales, des nuisances diverses et de la sécurité des personnes !

Par ailleurs, un tel choix de tracé ne manquerait pas d’entraîner une multiplication des recours, ce qui pourrait retarder considérablement la construction de la ligne.

Il est essentiel, monsieur le ministre, que l’on parvienne à un choix de tracé qui fasse consensus.

Tel était le cas, je le rappelle, pour le tracé établi par la mission Querrien. Ce tracé n’avait soulevé aucune opposition à l’époque et les communes avaient intégré dans leur plan d’occupation des sols des zones réservées inconstructibles, qui le sont d’ailleurs toujours. Or, je le précise volontiers, la majeure partie du tracé des années quatre-vingt-dix se retrouve dans l’option médiane, qui est celle que veulent les élus et les populations.

Il est donc primordial d’écarter l’option littorale et de faire le choix de l’option qui fait actuellement consensus : l’option médiane.

Mon troisième point de préoccupation a trait aux risques hydrauliques, notamment dans la basse plaine de l’Aude, sur la commune de Cuxac-d’Aude et sur la Narbonnaise. Il importe, monsieur le ministre, de garantir la sécurité des populations par la mise en transparence de l’infrastructure ferroviaire sur la traversée de la basse plaine.

Enfin, s’il est un sujet qui fait consensus dans mon département, c’est bien l’implantation d’une gare TGV dans l’aire narbonnaise, sur la zone dite de Montredon-Lebrette.

Monsieur le ministre, en m’apportant aujourd’hui votre soutien sur l’ensemble des points évoqués, sachez que vous rassurerez élus et populations du département que je représente ici.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, cher Roland, je vais essayer de dissiper vos craintes !

Ces craintes sont légitimes, car il n’aura échappé à personne que l’état actuel des finances publiques et le sens des responsabilités nous imposent une analyse extrêmement pragmatique, notamment s’agissant des innombrables annonces qui ont été faites lors du dernier semestre 2011. Peut-être était-ce la période préélectorale qui a conduit à prendre une succession d’engagements ? Sorte d’inventaire à la Prévert, ces derniers n’avaient qu’un seul défaut, celui de ne pas avoir de pendants financiers et de ne pas avoir été pris dans des conditions permettant à l’État de s’engager réellement.

Nous sommes donc face à un schéma national des infrastructures de transport, ou SNIT, d’un montant de 245 milliards d’euros pour une période de vingt à vingt-cinq années, tel qu’il fut annoncé par mon prédécesseur.

Il est cependant un petit bémol, qui ne vous rassurera pas, monsieur Courteau, et qui, pour ma part, m’inquiète particulièrement : il n’y a pas de début de commencement de financement pour ces 245 milliards, si ce n’est celui qui provient de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dont le budget annuel est de l’ordre de 2 milliards d’euros,… ce qui nous amène à cent vingt ans pour la réalisation du schéma national si l’on n’y ajoute ni nouvelles infrastructures, ni nouveaux réseaux, ni autres modernisations !

Nous allons donc faire preuve de pragmatisme. M. le Président de la République a indiqué que tout projet engagé sera confirmé. C’est le cas. Nous allons examiner les choses telles qu’elles ont été annoncées, et, avec le renfort d’une commission composée d’experts et de parlementaires, nous allons mettre de l’ordre dans le SNIT et déterminer les critères d’opérationnalité des engagements de l’État et des collectivités territoriales.

Pour le reste, monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur le projet, fort ancien déjà – vingt ans, disiez-vous –, de ligne Montpellier-Perpignan.

Comme vous l’avez rappelé, c’est un maillon stratégique du réseau européen des lignes à grande vitesse. Avec la réalisation du contournement de Nîmes-Montpellier, dont le contrat de partenariat public-privé vient d’être signé – c’est une illustration de ce que je viens de dire : ce qui était engagé sera honoré –, la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan permettra de garantir la continuité du réseau à grande vitesse entre la France et l’Espagne.

Cette opération a fait l’objet d’un débat public en 2009. Les études du projet ont bien avancé depuis avec la définition, en novembre dernier, du fuseau de passage de la nouvelle infrastructure.

Dans le secteur des Corbières, il n’a toutefois pas été possible de retenir un seul fuseau de passage, et les études sont aujourd’hui poursuivies selon deux options que vous avez rappelées : une option dite « médiane », dans l’hypothèse où la section serait dédiée aux seuls trafics de voyageurs, et une option dite « littorale », dans l’hypothèse d’une mixité des trafics voyageurs et fret.

La phase d’étude en cours examine également les modalités de desserte des agglomérations situées sur l’itinéraire de la nouvelle ligne.

J’ai entendu les préférences que vous avez exprimées et qui font écho aux préoccupations des élus locaux quant à la localisation, notamment, de la gare de desserte. Il faudra que nous y revenions puisque les résultats de ces études sont attendus à la fin de l’année 2012. Ces résultats seront ensuite présentés à l’ensemble des partenaires – au premier rang desquels vous-même, monsieur le sénateur, et les représentants de toutes les collectivités territoriales concernées –, afin de recueillir leur position préalablement à toute décision.

Comme l’indiquaient le Président de la République et le Premier ministre, nous serons en effet dans la confiance et le dialogue avec les collectivités, en particulier lorsqu’il s’agira d’arrêter des décisions relatives à l’aménagement du territoire et notamment de gommer la fracture territoriale existant dans certaines parties du territoire.

Il est à mon sens important de laisser les études se poursuivre et la concertation se dérouler. Je déciderai ensuite, sur la base de ces études et des échanges avec l’ensemble des partenaires, le tracé qui sera retenu et les modalités de desserte des agglomérations par la nouvelle ligne, dont bien entendu celle de Narbonne.

Le calendrier qui sera alors arrêté devra tenir compte, pour être réaliste – vous en conviendrez, j’en suis sûr, monsieur le sénateur –, des contraintes de financement. Nous n’adopterons pas l’attitude que j’ai dénoncée au début de mon propos : nous ne ferons pas des effets d’annonce, nous ne fixerons pas de dates impossibles à tenir et nous n’irons pas de rapport en rapport. Nous recherchons la crédibilité et nous souhaitons des engagements qui feront honneur à l’État et aux collectivités.

Je sais enfin que l’impact de ce projet sur les risques hydrauliques dans les plaines de l’Aude est un problème majeur en même temps qu’un véritable enjeu. Vous le savez, la sécurité des populations concernées est pour le Gouvernement une priorité absolue, comme je l’ai dit dans une précédente réponse. RFF devra donc présenter dans le détail les mesures techniques apportant toutes les garanties nécessaires de ce point de vue.

À ce propos, je profite du fait que ma collègue Delphine Batho nous ait rejoints pour saluer l’attention que le Gouvernement porte à la protection de l’environnement et aux mesures d’accompagnement nécessaires pour rester fidèle à cet engagement.

Ces mesures seront par la suite affinées tout au long du processus d’études, en concertation avec l’ensemble des partenaires, jusqu’à la définition précise de la consistance de la nouvelle ligne.

Je tiens à vous indiquer également que j’ai reçu hier matin Mme Ana Pastor, ministre des travaux publics chargée des transports espagnole. Nous avons longuement évoqué les enjeux attachés à la nouvelle ligne pour nos deux pays et l’importance de notre coopération. La mise en œuvre de cette ligne devra aussi se faire au rythme de nos partenaires espagnols et nous devrons ajuster de conserve nos capacités de financement.

Enfin, je tiens à vous assurer – mais cela ne vous étonnera pas étant donné l’intitulé de mes fonctions ministérielles – de l’attention que je porte à la préservation des zones littorales, qui sont un véritable enjeu pour notre pays et doivent être respectées y compris dans le cadre des choix d’aménagement du territoire.