M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Éric Bocquet. Le courage, ensuite, d’interroger l’efficacité du crédit impôt recherche, dont il est évident, au vu de la croissance constatée depuis sa réforme, qu’il n’a pas permis de sortir notre pays, notamment notre industrie, de la spirale du déclin dans laquelle ils se trouvent pour le moment entraînés.

Le courage, encore, de remettre en question la défiscalisation des heures supplémentaires, dont la pertinence macro-économique est avérée comme négative et qui constitue un véritable non-sens dans une période de croissance continue du chômage.

J’observe que cette croissance du chômage va de pair avec une modération salariale quasi inégalée dans tous les secteurs, le privé ne faisant, en la matière, que s’aligner sur le gel de la rémunération des agents publics.

Il faut avoir le courage, enfin, d’évaluer, de corriger et de mettre en cause les politiques d’allégement du prétendu « coût du travail » : en dix ans, elles ont majoré la progression de la dette publique de l’État et de celle de la sécurité sociale.

« Coût du travail » : rien que le concept est déjà, mes chers collègues, le signe d’un certain renoncement, tout le contraire du courage.

Parler de « coût du travail », en effet, signifie que l’on capitule avant même d’avoir combattu face à une manière de présenter le pacte social de notre pays, son modèle social pour tout dire, comme l’illustration par excellence des errements du passé !

D’une part, parce que ce prétendu « coût du travail » n’est pas si élevé que cela. (M. le président de la commission des finances le conteste.) Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié que la part des salaires dans le PIB, cotisations sociales comprises – j’insiste sur ce point –, est plus faible aujourd’hui qu’en 1970, au terme des Trente Glorieuses.

D’autre part, parce que, mes chers collègues, il faut bien s’entendre sur les mots : le « coût du travail », c’est d’abord le salaire net touché tous les mois par chaque salarié.

Ce n’est pas toujours une très grosse somme, notamment pour ceux qui goûtent aux délices de la précarité, du temps partiel imposé et du SMIC comme seule référence. À cet égard, le récent décret de revalorisation de ce salaire minimum a juste montré que cette rémunération n’était décidément pas à la hauteur.

C’est d’abord cela, le « coût du travail ». C’est, ensuite, un salaire socialisé : celui qui permet au malade de se soigner, au chômeur de disposer d’une allocation compensant quelque peu la perte de son emploi et du salaire subséquent, au retraité de jouir d’une pension, fût-elle modeste, et à la famille nombreuse de se loger à moindres frais, grâce aux allocations logement.

Ce fameux coût de travail est donc un outil qui permet tout de même à plusieurs millions de nos compatriotes d’être retraités sans devoir mendier, à des millions de familles de faire face au quotidien, à des salariés privés d’emploi d’être indemnisés et à tous – ou presque, en tout cas en principe – de se soigner. Et c’est cela, mes chers collègues, qu’il faudrait réduire, au nom d’une rigueur qui n’a pas grand-chose à voir avec le courage, mais beaucoup avec le développement des inégalités sociales ?

S’attaquer ainsi au travail, car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive, c’est mettre en cause ce qui fonde notre société même, c'est-à-dire le vieux rêve républicain de la justice sociale que la France a toujours porté et qu’elle portera encore longtemps !

Aussi, il faut avoir le courage de s’attaquer aux autres coûts, aux frais financiers et bancaires toujours plus élevés exigés des entreprises comme des ménages quand ils sollicitent un crédit – sans que ce soit, du reste, d’un quelconque secours pour les salariés des banques eux-mêmes, victimes eux aussi à l’occasion de plans sociaux ! –, au versement de dividendes toujours plus importants aux actionnaires de nos grands groupes comme des plus petites PME tenues sous leur férule, de tout ce qui fait gaspillage de capitaux, de richesses, de tout ce que crée le travail.

Il faut avoir le courage de revisiter, sans exclusive, sans tabou, sans limite, tout ce qui a été fait depuis dix ans – et pour un certain nombre de choses, au-delà – et qui a conduit, dans les faits, à mettre en place une solidarité nationale des plus modestes et des plus pauvres en faveur des plus riches.

« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques » : cette phrase, vous l’aurez bien sûr reconnue, est de Jean Jaurès, tirée du fameux Discours à la jeunesse, prononcé en 1903.

C’est à ce courage-là que nous entendons, pour notre part, faire référence dans les semaines et mois à venir, pour porter au plus haut point la nécessaire mise en question des choix du passé, qui ont conduit les comptes publics, l’État et, par voie de conséquence, les Français eux-mêmes aux pires difficultés.

Au lendemain de la fête nationale, il reste de nombreuses Bastilles à prendre : celles de l’argent, du mépris et de l’ignorance. Il y a un besoin de changement évident, qui doit trouver place dans la gestion des affaires publiques, jusqu’au cœur des textes fondant cette dernière elle-même, à savoir le budget et la loi de financement de la sécurité sociale.

Le changement, c’est urgent ! Les attentes sont immenses. Voilà la tâche que, sans peur et avec détermination, les parlementaires du groupe CRC entendent accomplir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la Cour des comptes, dans son rapport présenté le 2 juillet dernier, qualifie la situation de nos finances publiques de « préoccupante ».

En effet, avoir une dette qui dépasse déjà 1 700 milliards d’euros et qui pourrait aller au-delà de 90 %, et même de 100 % du PIB dans les prochaines années si nous ne réagissons pas très vite, c’est plus que préoccupant, c’est alarmant !

L’emballement de la dette risque de nous priver de toute marge de manœuvre pour nos politiques publiques et menace même notre souveraineté. C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour redresser les comptes de la nation et assurer la soutenabilité de notre dette. Et ce ne sera pas une mince affaire, car l’incohérence, je dirais même parfois l’inconscience, qui a pu caractériser certains choix des politiques fiscales de la précédente législature nous oblige à assumer aujourd’hui un très lourd héritage.

En effet, la précédente majorité n’a pas réellement maîtrisé les finances publiques, c’est le moins que l’on puisse dire. La « performance » du Gouvernement en ce qui concerne la réduction du déficit en 2011 n’est qu’une vaste illusion, car ce dernier avait été artificiellement augmenté en 2010 pour pouvoir, ensuite, être présenté comme diminué. Et sur les 58 milliards d’euros de baisse du déficit, plus de la moitié correspond à des éléments exceptionnels ou conjoncturels, comme la fin du plan de relance.

En outre, la crise n’explique pas tout. Elle ne peut être seule responsable de la dégradation de nos finances publiques, comme l’a souligné d’ailleurs la Cour des comptes à plusieurs reprises. En tout état de cause, l’équilibre des comptes publics ne semblait pas être une priorité du précédent gouvernement, si l’on constate la dégradation du solde structurel entre 2006 et 2010 : en quatre ans, le déficit structurel est en effet passé de 2,3 % à 4,8 % du PIB.

Enfin, contrairement au discours officiel, qui mettait l’accent sur la maîtrise des dépenses publiques pour réduire le déficit, la droite a privilégié en réalité les hausses d’impôts pour atteindre cet objectif. Nous ne pouvons que prendre acte de ce qui a été fait et en tirer les leçons qui s’imposent pour améliorer la situation dans laquelle se trouve la France.

Oui, c’est à nous, parlementaires de la majorité, qu’il incombe désormais de relever notre pays et d’être à la hauteur des attentes de nos concitoyens en matière de justice fiscale et de développement économique.

C’est vers l’avenir que nous devons regarder aujourd’hui, et ce débat d’orientation des finances publiques en est bien sûr l’occasion, car il est impératif de relancer la croissance et l’emploi, mais également de rétablir la justice fiscale qui a fait cruellement défaut ces dix dernières années.

Mes chers collègues, je commencerai par ce point, car la justice, et plus particulièrement la justice fiscale, est un principe fondamental auquel les radicaux de gauche et les autres membres du RDSE sont tous très attachés.

Entre 2002 et 2011, la pression fiscale s’est accrue pour un grand nombre de ménages modestes et de petites entreprises, tandis qu’elle a diminué pour les plus fortunés et les grandes sociétés. En remédiant à cette situation et en remettant la justice fiscale au cœur des réformes visant à rétablir l’équilibre des comptes publics, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault veut restaurer la confiance des Français dans l’action publique et l’avenir de notre pays.

Le souci de justice et d’équité est bien présent dans le projet de loi de finances rectificative que nos collègues députés examinent depuis hier.

Il s’agit bien sûr d’un premier acte, d’un premier signal fort adressé aux Français, mais aussi aux marchés et à nos partenaires internationaux. La France respectera l’objectif de ramener le déficit à 4,5 % du PIB cette année et à 3 % l’an prochain. Les efforts nécessaires pour atteindre ces buts seront équitablement répartis et ne plongeront pas les ménages les plus modestes dans des difficultés encore plus grandes.

Ainsi, ce collectif budgétaire, en instaurant une « contribution exceptionnelle sur la fortune », revient sur la réforme de l’ISF de 2011, qui a entraîné un manque à gagner de 500 millions d’euros pour le budget de l’État. Cette mesure était non seulement injuste, mais aussi très inopportune, à un moment où l’État avait grandement besoin de recettes pour faire face à la crise et redresser les comptes publics.

Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il reviendrait plus en détail sur ce dossier à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, ce dont je me réjouis.

Le collectif budgétaire qui nous sera soumis dès la semaine prochaine, mes chers collègues, comporte plusieurs autres propositions qui permettront de rééquilibrer notre système fiscal.

Après cette première série de mesures, qui devrait rapporter 7,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2012, c’est surtout 2013 qui sera une année cruciale quant au respect de nos objectifs de réduction du déficit public. Les efforts que devront fournir les entreprises et les ménages seront, il est vrai, particulièrement importants, comme l’a annoncé la Cour des comptes et le prévoit le Gouvernement. Toutefois, encore une fois, ils devront être équitablement répartis.

Dans cette perspective, le Gouvernement annonce notamment une réforme de l’impôt sur le revenu, avec la création de deux tranches supplémentaires, à 45 % et à 75 %. Toutefois, vous le savez, cela ne suffira pas à résoudre les nombreuses carences de notre impôt sur le revenu. Pour cela, il faudrait une réforme beaucoup plus ambitieuse, qui permettrait de fusionner l’impôt sur le revenu, la CSG et une grande partie des cotisations sociales salariées, afin de créer un impôt unique sur le revenu, véritablement progressif.

Certes, une telle réforme sera complexe, mais elle est possible et, surtout, elle est souhaitable. Je vous invite, monsieur le ministre, à prendre au sérieux une telle perspective.

De plus, les efforts annoncés pour réduire les niches fiscales sont bien évidemment louables et devront être poursuivis. Il convient en effet non seulement de réduire, mais aussi de supprimer un certain nombre de dépenses fiscales. Pour cela, il est impératif de mettre en œuvre rapidement une évaluation indépendante de l’efficacité économique, sociale et environnementale de ces dispositifs.

En effet, l’exonération des heures supplémentaires mise en place par la loi TEPA de 2007 est l’un des exemples les plus emblématiques de niche inefficace. Elle a contribué à accroître le chômage et n’a pas permis de relever le pouvoir d’achat des ménages, grevé par une série d’autres mesures. Il était donc grand temps de la supprimer, et ce sera chose faite dès l’adoption du collectif budgétaire.

Enfin, concernant la fiscalité des entreprises, il faudra poursuivre les efforts engagés pour lutter contre l’optimisation fiscale, car les taux d’imposition implicites des entreprises, notamment des plus grandes d’entre elles, s’éloignent très largement du taux facial d’impôt sur les sociétés. En 2008, le Conseil des prélèvements obligatoires évaluait ainsi le taux d’imposition implicite des entreprises du CAC 40 à 8 % seulement, contre 22 % pour les PME.

Certes, la multiplication des stratégies d’optimisation fiscale a été facilitée, il faut le reconnaître, non seulement par des mesures adoptées lors des deux précédentes législatures, comme la tristement fameuse « niche Copé » sur les plus-values à long terme, qui a tout de même coûté près de 3 milliards d’euros à l’État entre 2006 et 2009, mais aussi par la complexité de notre système juridique et fiscal. Il conviendra donc d’ouvrir un grand chantier pour simplifier ce système, le rendre plus lisible et aussi plus juste, pour toutes les entreprises.

Mes chers collègues, j’en viens maintenant à la priorité qui doit être accordée à la relance de la croissance et de l’emploi.

À l’échelle nationale, quelques initiatives se dessinent : les contrats de génération et la création de 150 000 emplois d’avenir sont une piste déterminante pour favoriser l’emploi des jeunes et des seniors, particulièrement faible dans notre pays.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat sont également essentielles pour relancer la consommation et la croissance. L’abrogation de la TVA sociale dans la prochaine loi de finances rectificative mérite, à ce titre, d’être saluée.

D’autres gestes ont été déjà annoncés en faveur du pouvoir d’achat des ménages les plus fragiles : revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire ou encore « coup de pouce » au SMIC.

Nous devons soutenir également les entreprises : la Banque publique d’investissement permettra de remettre la finance au service de l’économie réelle. Néanmoins, il faudra aussi, plus largement, lancer le grand chantier de la compétitivité des entreprises.

Enfin, la croissance, notamment l’augmentation de notre croissance potentielle, passera avant tout par le capital humain et l’innovation. En ce sens, la priorité accordée aux domaines de l’éducation et de la recherche est fondamentale.

Toutefois, c’est aussi, et surtout, à l’échelon européen que nous devons agir pour favoriser la croissance. C’est d’ailleurs grâce à la détermination du Président de la République que l’Europe a pu sortir de l’impasse. Ce formidable élan, déjà engagé lors du dernier Conseil européen, doit se poursuivre et s’amplifier.

Le Pacte pour la croissance et l’emploi, d’un montant de 120 milliards d’euros, marque un revirement incroyable par rapport à la stratégie qui nous était proposée il y a encore quelques mois et qui se résumait en deux mots : rigueur et austérité. Or, comme l’exemple grec l’a tristement illustré, ce ne sont pas des plans d’austérité aveugles, qui ne laissent aucun souffle possible pour la reprise de la croissance, qui nous permettront de sortir de la crise de la zone euro.

Non, mes chers collègues, pour sortir renforcés de cette crise, nous avons besoin de politiques économiques et budgétaires communes. Nous avons besoin d’une véritable union politique et d’un fédéralisme budgétaire !

En effet, la crise que nous connaissons n’est pas seulement financière et économique : elle est, aussi, une crise de gouvernance. Nous, radicaux, ne cessons de le répéter à cette tribune et ailleurs depuis nombreuses années.

Le renforcement de l’intégration européenne est aujourd’hui le seul moyen de retrouver la croissance. Ce mouvement devra s’accompagner d’un renforcement démocratique de l’Union européenne. Une Europe unie, solide économiquement et protectrice : voilà ce que nous voulons !

Mes chers collègues, ce fédéralisme n’est ni un vain mot ni une utopie. Aujourd’hui, cette Europe politique est à portée de main. Les efforts de la France ont permis d’accomplir des avancées importantes concernant la mise en place d’une coopération renforcée, avec au moins neuf États membres, pour instaurer une taxe sur les transactions financières.

Pour être totalement efficace, une telle taxe devra bien sûr être appliquée par un nombre maximum d’États, mais cette coopération renforcée n’en constitue pas moins un premier pas non négligeable : cette avancée prouve que la situation n’est pas figée et que les marchés financiers ne sont pas appelés à régner en maîtres indéfiniment. De même, l’instauration de l’union bancaire qui, il y a peu encore, nous était présentée comme une hérésie, est bel et bien en marche aujourd’hui. Enfin, la supervision intégrée des banques constituera un réel progrès.

Je me réjouis d’ailleurs d’observer que d’autres idées, que les radicaux de gauche ont été les premiers, et même longtemps les seuls, à porter et à défendre, comme la mise en œuvre d’un véritable gouvernement économique européen ou l’émission d’euro-obligations, font aujourd’hui leur chemin et trouveront, je l’espère vivement, une concrétisation prochaine.

M. Jean-Michel Baylet. Tous ces pas en avant, petits et grands, sont autant de pierres apportées à l’édifice européen, lequel est voué à s’ériger en rempart contre l’instabilité des marchés et les désordres de la mondialisation.

Mes chers collègues, c’est à ce prix que cette nouvelle Europe pèsera de tout son poids sur la scène internationale et parlera d’égal à égal avec les États-Unis ou les nouvelles grandes puissances émergentes que sont la Chine et l’Inde.

Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais vous exposer dans le cadre de ce débat sur l’orientation des finances publiques, au nom des radicaux de gauche et du RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

(M. Charles Guené remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le Gouvernement affiche un objectif de retour à l’équilibre budgétaire en 2017 et, pour y parvenir, il choisit d’augmenter massivement les prélèvements obligatoires en 2012 et 2013, pour un montant global d’environ 35 milliards d’euros. Parallèlement, il reporte après 2014 les efforts sur la maîtrise de la dépense.

Monsieur le ministre, à mon sens, cette stratégie n’est pas la bonne, non seulement parce que vous ne ménagez pas cet équilibre entre la limitation des dépenses publiques et l’augmentation des impôts que suggère la Cour des comptes, mais aussi parce que vous faites le pari d’une croissance à 2 % à partir de 2014, comme si l’augmentation les prélèvements obligatoires ne pouvait avoir aucune incidence sur la consommation des ménages et la compétitivité des entreprises et, partant, sur la croissance.

Paradoxalement, au moment précis où vous commencez à admettre qu’il existe un lien entre la compétitivité de nos entreprises et les charges que celles-ci supportent, vous décidez de leur en imposer de nouvelles. M. Gallois, commissaire général à l’investissement, ne déclarait-il pas, la semaine dernière, devant le Cercle des économistes, que, pour renouer avec la compétitivité, il fallait alléger les charges de 30 à 50 milliards d’euros ?

Cela étant, je m’attacherai plus spécifiquement à quatre points sur lesquels je souhaite obtenir des réponses et des précisions.

Premièrement, sur la question des personnels de la fonction publique, vous affichez comme objectifs, d’une part, la stabilité globale des effectifs et de la masse salariale, de l’autre, le maintien du pouvoir d’achat. Par ailleurs, vous confirmez le recrutement de 60 000 fonctionnaires dans l’éducation nationale et de 5 000 autres dans les domaines de santé, de la justice et de la sécurité, soit un total de 65 000 postes.

Comment fait-on pour maintenir les effectifs et la masse salariale, tout en préservant le pouvoir d’achat et en respectant le déroulement des carrières ? Je songe notamment au problème du glissement vieillesse-technicité, le GVT, et aux avancements.

De surcroît, si les effectifs sont maintenus tandis que les services de l’éducation nationale, de la santé, de la justice et de la sécurité sont renforcés, où les postes seront-ils supprimés ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. Dominique de Legge. À défaut de chiffres précis, peut-on avoir une idée des secteurs moins prioritaires ou de ceux qui seraient largement pourvus ? Vous devez répondre à cette question, ne serait-ce que par respect envers les fonctionnaires !

Deuxièmement, vous annoncez un nouvel acte de décentralisation. Qui pourrait s’y opposer ? Toutefois, je ne puis m’empêcher de rapprocher cet objectif de la question précédente. Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a évoqué l’existence de doublons entre l’État et les collectivités, auxquels il faudrait mettre fin. Or, dans un entretien accordé à la revue Acteurs publics, Mme Lebranchu affirme quant à elle qu’il n’y a pas de doublons.

Au-delà de cette cacophonie, en réponse à une question portant sur d’éventuels transferts de personnels de l’État vers les collectivités locales, la ministre de la fonction publique indique que ces procédures sont possibles. En outre, en réponse à une question portant sur la possibilité de concilier le maintien du nombre de fonctionnaires et le renforcement de certains secteurs que je viens de mentionner, elle précise sa pensée : « Des postes sont nécessaires dans certains secteurs […] À nous de voir […] si par exemple certains fonctionnaires d’État souhaitent volontairement être transférés dans la fonction publique territoriale ». Voilà des déclarations qui ne manquent pas de nous inquiéter.

Troisièmement, associer les collectivités locales à l’effort de redressement national : tel est le vœu qu’a exprimé le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Mes chers collègues, comment ne pas placer cette déclaration en regard des propos de Mme Lebranchu que je viens à l’instant de rappeler ? Nous espérons qu’associer les collectivités territoriales au nécessaire effort de redressement des comptes de l’État ne se résume pas à transférer des personnels que ce dernier ne saurait plus payer. Au surplus, nous espérons que la nouvelle vague de décentralisation ne se limitera pas, comme trop souvent par le passé, à transférer des compétences sans les financer.

MM. Ronan Kerdraon et Georges Labazée. On l’a souvent vu, en effet, durant les dix dernières années !

M. Dominique de Legge. De surcroît, comment ne pas rapprocher cette déclaration, qui m’apparaît comme une évidence – tant nos collectivités ne peuvent ni recouvrer l’impôt ni dépenser indépendamment du contexte économique général –, des propos développés par certains de nos collègues, il y a moins de six mois, lorsque le gouvernement précédent soulignait cette exigence ? Dois-je rappeler que ces derniers criaient alors au hold-up, à l’injustice, en faisant valoir que les collectivités n’étant pour rien au monde responsables de la situation, elles ne devaient pas participer à cet effort ? C’est sans doute cela, le changement maintenant : nous le notons.

Quatrièmement, et enfin, je tiens à dire quelques mots de la RGPP.

Chacun a compris que celle-ci était interrompue depuis le 6 mai. Pourtant, que lit-on dans les documents budgétaires qui nous ont été confiés ? « Il est nécessaire que les réformes actées dans le cadre de la procédure budgétaire soient complétées par un exercice de revue en profondeur des politiques publiques. » On voit mal la différence entre cette nouvelle RPPP et la RGPP,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle doit avoir changé de nom !

M. Richard Yung. C’est très différent !

M. Dominique de Legge. … surtout lorsqu’on lit, dans le même document budgétaire, quelques lignes plus loin : « Le projet de refondation et de modernisation de l’action publique repose sur deux piliers : l’amélioration de la qualité du service et la diminution et l’optimisation des coûts, car l’exigence qui pèse sur les comptes publics rend l’exercice d’un passage en revue des missions de l’État incontournable pour mieux hiérarchiser les priorités et les besoins des administrations ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est la RGPP, c’est pareil !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certaines finesses vous échappent !

M. Dominique de Legge. Mes chers collègues, les disques durs des ministères n’ont sans doute pas été changés depuis le 6 mai (sourires sur les travées de l'UMP), car – je l’ai vérifié ! – ce texte est, à la virgule près, un copier-coller des objectifs assignés par le précédent gouvernement à la RGPP. Ce constat signifie que, de ce point de vue, le changement, ce n’est pas pour maintenant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous poursuivez la RGPP, chers collègues de la majorité, mieux vaudrait le reconnaître !

M. Dominique de Legge. En conclusion, votre document d’orientation tend avant tout, en intentant un procès à vos prédécesseurs, à masquer les difficultés et contradictions auxquelles vous êtes confrontés plutôt qu’à tracer de véritables perspectives. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, je note que vous nous avez longuement entretenus du jugement que vous portez sur l’action passée, mais que vous n’avez consacré que très peu de temps aux mesures que vous envisagez de mettre en œuvre.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est faux !

Mme Christiane Demontès. Il faudrait nous écouter plus attentivement !

M. Dominique de Legge. Ce trait est révélateur de votre refus de regarder la réalité en face. Vous préférez rester dans la logorrhée de la campagne électorale. Or la campagne est terminée ! Le vrai changement, ce serait de dire enfin la vérité aux Français,…

Mme Christiane Demontès. C’est vrai que vous leur avez longtemps menti !

M. Dominique de Legge. … et d’agir sans dogmatisme et avec pragmatisme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, cher Benoît Hamon, mes chers collègues, les écologistes ont toujours érigé en valeur un principe de responsabilité étendu, s’appliquant aux conséquences de nos actes, non seulement à l’égard de nos contemporains et de notre environnement, mais aussi vis-à-vis des générations futures. Dès lors, nous nous inscrivons dans la droite ligne des propos qu’a tenus le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale : nous ne voulons pas être « la génération qui aura reporté le poids d’une dette excessive sur ses enfants et ses petits-enfants ».