M. Richard Yung. Tout à fait !

M. Jean-Vincent Placé. La gestion de nos finances publiques est aujourd’hui totalement accaparée par une dette abyssale, qui s’élève à 1 800 milliards d’euros, soit près de 90 % du PIB. Le service de cette dernière nous coûte 50 milliards d’euros par an : c’est la première dépense de l’État, davantage que le budget de l’éducation nationale.

Si ce stock de dette, tout le monde en convient, est un héritage résultant de plusieurs décennies de mauvaise gestion, il semble encore nécessaire de rappeler cette réalité, après avoir entendu il y a quelques instants nos collègues de l’opposition : sous la présidence précédente, la dette de la France a augmenté de 50 %, tandis que les impôts des plus riches ont été massivement réduits dans un contexte de crise internationale.

M. Jean-Vincent Placé. Tout le monde en convient, à commencer par la Cour des comptes : la résorption de notre endettement devra passer, à la fois, par une augmentation des impôts et par une maîtrise des dépenses publiques.

Mes chers collègues, l’impôt n’est pas une spoliation, contrairement à l’idée qu’a tenté de propager le gouvernement précédent. Ce dernier avait d’ailleurs imaginé un bouclier destiné à protéger nos compatriotes les plus riches de ce qui devait être perçu, par contraste, comme une dangereuse agression.

Or, qu’on le veuille ou non, le plus riche de nos concitoyens, fût-il éminemment brillant et méritant, est toujours l’héritier du patrimoine social, économique, culturel et scientifique que les générations précédentes ont légué à notre société. Au demeurant, sa réussite n’aurait pas pu s’exprimer sans notre structure sociale, sans son système éducatif, sa justice, sa police, son système de soins, ses infrastructures de transport, etc. C’est l’impôt qui permet de financer ces biens communs, ces services publics, et il est parfaitement justifié que la contribution de chacun augmente fortement avec sa réussite. L’impôt, c’est ce qui fonde la société.

À cet égard, les écologistes approuvent pleinement les mesures déjà annoncées par le Gouvernement et, notamment, les dispositions du collectif budgétaire que nous aurons prochainement à examiner.

Certaines de ces mesures s’attachent à la nécessaire progressivité de l’impôt, comme la suppression de l’augmentation de la TVA, ou bien visent à protéger des populations particulièrement précaires, comme la suppression du droit d’entrée pour l’aide médicale d’État, l’AME. D’autres, qui tendent à compenser les manques à gagner délibérément conçus par le gouvernement précédent, portent avant tout sur les ménages et les entreprises les plus favorisés : c’est le cas, par exemple, de la mise en œuvre du rétablissement de l’impôt sur la fortune ou encore de la lutte contre les optimisations abusives de l’impôt sur les sociétés.

Après un quinquennat au cours duquel les inégalités ont été cruellement ressenties, cette approche fiscale permet enfin de renouer avec la justice, tout en contribuant à redresser nos finances publiques : c’est bel et bien le redressement dans la justice qui s’amorce.

En revanche, en matière de dépenses publiques, la marge de manœuvre est plus ténue. Il est indispensable de s’interroger sur l’efficience de nos dépenses, sur l’efficacité de l’organisation de la fonction publique – certains orateurs, siégeant à la droite de cet hémicycle, l’ont d’ailleurs rappelé – au sein de l’État comme des collectivités, et sur la pertinence de ses missions.

Il faut néanmoins se garder de sombrer de nouveau dans la brutalité aveugle de la RGPP,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’horrible RGPP !

M. Jean-Vincent Placé. Vous le dites fort bien, monsieur le président de la commission des finances, même si c’est un sarcasme !

Cette RGPP, mise en œuvre par le gouvernement précédent, a eu des effets désastreux dans le domaine de la sécurité publique, que je connais bien. Du reste, j’ai déjà dénoncé ces conséquences il y a quelques instants.

La démarche proposée par le Président de la République se distingue de la RGPP, tout d’abord parce qu’elle vise une stabilisation des effectifs de la fonction publique d’État, ensuite parce qu’elle prévoit la création volontariste de postes dans les trois secteurs publics d’activité que sont l’éducation, la sécurité et la justice.

À présent, la question qui se pose à nous est la suivante : comment seront déterminées, dans les secteurs non prioritaires, les réductions de postes venant compenser ces créations ?

Monsieur le ministre délégué, vous avez indiqué que c’en était fini des coupes aveugles opérées par la droite. Vous avez affirmé que la réduction des effectifs serait désormais le fruit d’un projet de refondation et de modernisation de l’action politique et publique. Toutefois, dans le cadre de ce débat sur l’orientation des finances publiques, pouvez-vous nous fournir de plus amples précisions quant à la méthode que vous comptez employer avec vos collègues du Gouvernement ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. Jean-Vincent Placé. En effet, si la stabilisation des effectifs de la fonction publique n’est pas qu’un objectif de milieu ou de fin de quinquennat, mais bien, comme vous semblez l’affirmer, un objectif applicable dès l’exercice 2013, cela signifie que les réductions de postes qui viendront compenser les nouvelles créations devront être inscrites dès la loi de finances initiale de 2013, c’est-à-dire dans deux mois, août compris !

Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre délégué, car je sais que vous êtes sensible à cette question : ce délai n’est-il pas un peu court pour engager un travail de réflexion sur les missions et les métiers de l’État ?

Je sais que vous avez la volonté de réussir le changement. Comment et selon quel calendrier y associer les fonctionnaires et faire vivre la concertation avec les organisations syndicales, que le Premier ministre a érigée en méthode ?

Comment, aujourd’hui, repenser les missions et l’organisation de l’appareil d’État, de concert avec celles des collectivités territoriales, alors que l’acte III de la décentralisation est encore dans les limbes ? Il semblerait pourtant nécessaire de rechercher dans cette articulation la suppression de doublons, qui pourrait constituer, à l’évidence, une source de rationalisation et d’économie dans les fonctions publiques ! Vous le voyez, nous sommes tous, sur ces travées, attentifs à ces questions.

Bien sûr, je le répète, nous sommes bien loin de la démarche destructrice et délibérément abrupte du gouvernement précédent. Bien sûr, nous comprenons aussi la nécessité de donner, sinon des gages, du moins des signaux à nos partenaires européens quant au retour d’une gestion saine de nos finances publiques, après le laxisme budgétaire des années écoulées.

Pour autant, il faut, à notre sens, se garder de trop s’approcher des exemples terribles, que l’Europe nous offre aujourd’hui, d’économies défaites et de peuples anéantis par trop d’austérité. L’objectif, c’est la sortie de la crise. L’histoire récente, pour ne pas dire l’actualité, nous a montré que, pour atteindre cet objectif, les finances publiques devaient être redressées avec doigté. Des remèdes trop forts ont bien souvent tué les malades.

Pour les écologistes, la maîtrise des finances publiques est non pas une fin mais un moyen. Et si ce moyen est nécessaire, il n’est pas suffisant.

La crise que nous traversons est une crise de l’endettement et du risque financier non contrôlé. La reprise en main de nos finances publiques, pour peu qu’elle soit bien dosée, contribue à y apporter une solution, de même que les mesures de régulation, comme la séparation des banques d’affaires et de dépôt annoncée par le Président de la République.

Cette crise est aussi sociale, avec des inégalités de revenus, non seulement socialement injustes, mais encore économiquement néfastes. Les mesures fiscales qui se profilent, je l’ai dit, constituent les prémices attendues d’un juste rééquilibrage, de même que la limitation de l’écart de rémunération applicable aux salariés et mandataires sociaux des entreprises publiques que vous avez décidée.

Enfin, et je ne vous surprendrai pas, cette crise est également, et peut-être avant tout, écologique.

C’est la crise d’un modèle économique fondé sur une croissance potentiellement infinie de la consommation matérielle et énergétique, dans un monde où les ressources qui alimentent cette consommation sont précisément limitées, et où l’activité productive non régulée finit par menacer gravement le fragile équilibre de notre milieu.

Pour les écologistes, remettre en cause le productivisme ne signifie pas seulement tenter de préserver des écosystèmes viables et de protéger notre santé. C’est également proposer une économie durable, fondée sur la satisfaction des besoins humains davantage que sur la consommation matérielle, moins avide de ressources naturelles et plus intensive en emplois.

Quoi que l’on fasse, la croissance se heurtera désormais mécaniquement à la hausse du coût de l’énergie et à la raréfaction des ressources naturelles, alimentaires et minières. Pour nous, le seul chemin de sortie de crise consiste à engager, aussi vite que possible, une véritable transition écologique.

Cela passe par de nombreuses mesures. En matière budgétaire, qui nous occupe aujourd’hui, cette transition doit nécessairement se traduire par la mise en place d’une fiscalité écologique, à commencer par la suppression progressive des innombrables niches fiscales, chiffrées par les associations environnementales à plusieurs dizaines de milliards d’euros, qui subventionnent une économie de gaspillage et de pollution.

Monsieur le ministre délégué, c’est à cette seule condition, nous en avons la conviction, que l’on pourra s’assurer que les efforts que vous demandez, que nous demandons, aux Françaises et aux Français, ne seront pas vains. Nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau lors de l’examen des prochaines lois de finances. Je forme le vœu que ce débat sur l’orientation des finances publiques ne soit pas seulement un énième débat, mais que nous puissions construire ensemble la politique de ce pays, dans la voie du redressement et dans la justice. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.- M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, comme vous, je souhaite le succès du Gouvernement ; comme vous, je veux revenir à l’équilibre budgétaire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !

M. Aymeri de Montesquiou. Nous divergeons, hélas, sur les moyens de parvenir à cet objectif.

Vous héritez d’une situation très difficile. Des erreurs, certes, ont été commises, par manque de courage ou par obstination, comme le refus du triptyque suivant : suppression de l’ISF, suppression du bouclier fiscal et création d’une nouvelle tranche d’impôt.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Que ne l’avez-vous fait !

M. Aymeri de Montesquiou. Vous avez cependant, par votre opposition systématique, une part de responsabilité dans la situation économique et sociale que nous connaissons.

Vous avez refusé toutes les réformes structurelles indispensables, à commencer par le report de l’âge de la retraite, et refusé de reconnaître le choc terrible de la crise.

Mme Christiane Demontès. Retour à l’équilibre en 2018 !

M. Aymeri de Montesquiou. Je fus circonspect quant à certains aspects de la politique fiscale précédente et déçu par l’absence de volonté de refonder notre fiscalité ; on m’avait alors assuré que j’avais économiquement raison, mais politiquement tort. (M. le président de la commission des finances opine.) J’ai néanmoins soutenu les mesures que je jugeais comme favorables au redressement de notre économie.

L’état catastrophique de nos finances publiques, qui engage notre responsabilité, notre crédibilité, notre survie même, nous oblige à la sincérité et au courage.

Monsieur le ministre délégué, ne cédez pas au dogmatisme et à l’idéologie ! Ne vous enlisez pas dans la sémantique pour esquiver la seule réalité qui s’impose : la rigueur !

Vos prévisions de croissance à 0,3 %, suivant la fourchette basse et le consensus des économistes, sont prudentes pour 2012. En revanche, celles de 1,2 % en 2013 et de 2 % en 2014 me semblent tout à fait irréalistes, eu égard à la baisse de la croissance en Chine, en Inde, au Brésil et dans l’Union européenne.

M. Serge Dassault. C’est vrai !

M. Aymeri de Montesquiou. Que les plus riches contribuent le plus à l’effort de la nation, c’est un principe élémentaire de justice.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou. Augmenter aujourd’hui l’ISF, soit ! Mais vous devrez, à moyen terme, supprimer cet impôt ringard, devenu une curiosité française, pour envisager une plus grande progressivité de l’impôt. Cet objectif est conforme à la justice fiscale et à une plus grande efficacité économique.

Le projet de loi de finances rectificative, première étape de vos réformes budgétaires, prévoit d’accroître les prélèvements obligatoires, alors même que ceux-ci représentent d’ores et déjà 45 points de PIB ! Vous voulez encore accroître la part de l’État, déjà disproportionnée, au détriment des ménages et des entreprises, auxquels vous demandez de supporter tous les efforts, et alors que la trésorerie de ces dernières est déjà tarie. C’est plutôt à l’État de faire une cure d’amaigrissement ; elle est devenue vitale. Dans le cas contraire, l’État, d’ores et déjà outrageusement boursouflé, deviendra totalement impotent.

Prenons exemple sur les Italiens, dont le plan de rigueur prévoit, à la fois, des économies de l’ordre de 260 milliards d’euros de 2010 à 2014 et des réformes structurelles. Je vous l’assure, nombreux sont ceux dans l’opposition qui vous suivraient, si vous aviez ce courage.

Quelles réductions massives des dépenses proposez-vous ? Vous réalisez, j’espère, combien celles-ci sont nécessaires ! Sur quels ministères porteront ces diminutions de dépenses, difficiles mais indispensables ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faudrait savoir !

M. Aymeri de Montesquiou. La France n’a pas raison contre tous ses partenaires européens. Nos gouvernements, de droite et de gauche confondus, se sont réclamés de la spécificité française pour justifier leurs renoncements successifs.

Comme l’a a souligné le Financial Times en juin dernier, « la France est le principal obstacle à une solution à la crise de l’euro ». C’est très inquiétant économiquement et politiquement. Vous proclamez la nécessité de faire progresser l’indispensable convergence européenne et, en même temps, vous accroissez l’écart de fiscalité avec nos partenaires. C’est incohérent !

Selon Emmanuel Sartorius, qui est chargé du dossier automobile et que vous devez considérer comme incontestable, puisque vous l’avez désigné, l’écart de compétitivité entre notre pays et l’Allemagne s’élève à 38% !

Vous ne pouvez avoir raison contre tous : contre la Cour des comptes qui recommande d’agir davantage sur nos dépenses que sur nos recettes ; contre la Commission européenne, qui attend le retour au plus vite de notre déficit budgétaire sous la barre des 3 % du PIB, notamment par une réforme de nos dépenses sociales ; contre l’Inspection générale des finances qui estime qu’une augmentation des impôts ne peut qu’entraver notre compétitivité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On nous dit que le coût du travail n’est pas un problème !

M. Aymeri de Montesquiou. Vos orientations antiéconomiques m’inquiètent d’autant plus qu’elles peuvent être antisociales. Pourquoi surtaxer la participation, qui crée un lien formidable entre tous les salariés d’une entreprise ? (M. Serge Dassault applaudit.) Pourquoi taxer les heures supplémentaires et, concomitamment, augmenter les charges salariales ? Pourquoi augmenter la seule CSG, qui touche tous les salariés, les ménages modestes comme les classes moyennes, quand vous prétendez cibler les ménages aux revenus les plus élevés ?

La suppression de la TVA anti-délocalisations, alors que celle-ci ne frappe ni les produits alimentaires ni les produits de première nécessité, est une aberration. Elle va à contre-courant des propositions de la Cour des comptes,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Aymeri de Montesquiou. … présidée par le respecté et compétent Didier Migaud, issu de vos rangs, propositions qui tendent à procéder à une hausse modérée et équilibrée de la TVA et de la CSG. La TVA sociale contribuerait à renforcer notre compétitivité, à taxer les importations pour rééquilibrer notre commerce extérieur.

Notre pays est devenu de moins en moins attractif ; ce n’est pas encore de votre faute. Nous sommes déjà devancés, au sein de l’Union européenne, par la Grande-Bretagne et l’Allemagne pour les investissements directs étrangers. Imaginez-vous un instant l’effet désastreux de nouvelles taxes pour les investisseurs, et donc pour l’emploi ?

Les défis de la globalisation et de la compétition économique font apparaître l’inadaptation de notre système fiscal. Nous connaissons nos maux, au premier rang desquels figure le coût exorbitant du travail, qui freine l’activité et grève nos comptes publics. Sans activité économique, aucune taxe à 75 % ne remplira les caisses de l’État ; mais quel symbole outrancier ! Nous connaissons aussi une partie de la solution : il faut alléger les charges salariales et patronales pour financer les risques universels, comme la maladie, par une augmentation de la TVA.

Adoptée trop tard dans le quinquennat précédent, la TVA compétitivité sera abrogée avant même son entrée en vigueur.

Un sénateur du groupe socialiste. Tant mieux !

M. Aymeri de Montesquiou. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a récemment déclaré devant les députés que l’abrogation de cette taxe revenait à restituer près de 13 milliards d’euros aux plus modestes. Ce diagnostic est totalement faux ! Il est inquiétant qu’un haut responsable socialiste puisse tenir des propos aussi antiéconomiques et opposés à tout bon sens. (M. Gérard Longuet opine.)

En condamnant les entreprises à l’atrophie, ce sont les Français que nous condamnons à la paupérisation et au chômage. Hormis la hausse du taux des prélèvements obligatoires, vous n’avez aucune stratégie pour utiliser l’outil fiscal à des fins économiques. Inspirez-vous du Danemark et de l’Allemagne, qui ont su engager des réformes courageuses !

Monsieur le ministre délégué, ce n’est pas au moment où l’industrie française est menacée qu’il faut alourdir les charges sur les salaires. L’urgence est de restaurer la compétitivité et l’emploi. La fluidité du marché du travail, sclérosé par les complexités administratives, ainsi que la baisse des charges sont indispensables.

Je ne reviendrai pas sur le désastre des 35 heures, l’exemple le plus dramatique de mesures « cliquets » qui minent notre économie. Jamais Toyota ne se serait installé à Valenciennes avec les 35 heures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Aymeri de Montesquiou. Le gouvernement sortant les a aménagées sans avoir, hélas, le courage de les supprimer. Elles ont plombé notre productivité,…

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Aymeri de Montesquiou. … excellente à l’heure, médiocre à l’année, plus mauvaise sur la durée d’une vie de travail. Elles privent les gens du droit de travailler s’ils le veulent, et surtout s’ils en ont besoin. Les dépenses fiscales pour travailler moins coûtent 12 milliards d’euros. On marche sur la tête !

Votre politique n’est pas incitative. Vous donnez l’impression de vouloir sanctionner l’effort et le mérite, de pénaliser pour leur réussite les chefs d’entreprises, ceux des PME et des entreprises de taille intermédiaire. Ils sont pourtant les moteurs de notre économie, en particulier pour la création d’emplois. Sachons au contraire les accompagner en réhabilitant et en stimulant l’esprit d’entreprise !

Je vous demande de garder à l’esprit cette observation si juste de Winston Churchill : « On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char ». L’augmentation des impôts que vous proposez bride toute volonté d’action et incite, hélas, de nombreux cadres et entrepreneurs à quitter le pays.

Avez-vous conscience que le marché, pour les talents, c’est aujourd’hui le monde ? Les jeunes Français qui étudient à l’étranger sont de plus en plus nombreux à y rester. Ils ne reviennent pas dans un pays qui ne propose que sanctions pour ceux qui réussissent. Au lieu de n’offrir que repli sur soi, pessimisme ou résignation, insufflons de l’espoir, de l’envie de travailler en France !

Nous attendons avec impatience les conclusions de la mission sur la compétitivité des entreprises confiée à Louis Gallois, homme d’entreprise, grand serviteur de l’État et nouveau Commissaire général à l’investissement. Je suis prêt à parier qu’elles seront très différentes de la politique fiscale que vous proposez.

Cessons la démagogie et la surenchère ! Notre système est à bout de souffle ; ayons la lucidité de le reconnaître. L’État ne peut plus assumer son rôle providentiel ; il tente désormais de le transférer vers l’entreprise.

Vous savez peut-être, monsieur le ministre délégué, qu’un chameau peut supporter une très lourde charge, jusqu’au moment où il ne peut plus se relever … Ayez à l’esprit cette phrase de Pierre Mendès France, qui disait de notre pays : « Travaillons ensemble à lui rendre la foi, les forces, la vigueur qui assureront son redressement et sa rénovation. Soyez assurés qu’une fois guéri, loin de vous reprocher votre rigueur et votre courage, il vous sera reconnaissant de l’avoir éclairé et de lui avoir montré le chemin de son salut ».

Monsieur le ministre délégué, nous serions prêts à vous accompagner sur ce chemin ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Michèle André. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michèle André. Il est dangereux d’applaudir avant le début d’une intervention : on peut être déçu par la suite… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, cette intervention sera plus brève que celle que j’ai prononcée à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement des comptes.

J’ai déjà parlé du passé ; je ne pense pas qu’il soit utile d’y revenir. Surtout, je souscris pleinement à l’analyse développée par Benoît Hamon, qui représente ici le Gouvernement, même si la sévérité de son propos ne m’a pas échappée, non plus qu’à François Marc. Nous savons bien que les temps qui viennent seront exigeants.

Vous avez exposé très clairement, monsieur le rapporteur général, les enjeux réels des années à venir. Vous l’avez fait en parlementaire aguerri et nous devrons garder vos propos en mémoire.

Monsieur de Montesquiou, nous ne sommes tout de même pas responsables du doublement de la dette et des 3 millions de chômeurs que nous lègue le précédent gouvernement ! Incontestablement, ce dernier a mal anticipé et mal géré la crise. Aujourd’hui, nous héritons de cette situation. Au demeurant, vous auriez peut-être pu matérialiser plus tôt dans vos votes les bonnes idées que vous venez de lancer…

Nous voilà donc avec un double héritage. Car la crise, bien réelle, entraîne une croissance économique faible, pour ne pas dire nulle. En la matière, les pronostics du FMI publiés aujourd’hui dans la presse ne sont pas de nature à nous rassurer.

La crise et le montant historique de la dette contraignent grandement les possibilités de l’action publique. Nous savons bien que rien ne pourra nous dispenser de rembourser notre dette. Il nous faut donc revenir à l’équilibre : telle est la trajectoire que vous nous avez présentée, monsieur le ministre délégué, et nous vous avons bien entendu.

À propos du précédent gouvernement, je voudrais également revenir sur un autre aspect, que j’ai déjà rapidement abordé tout à l’heure.

En effet, ce qui nous frappe aujourd’hui, c’est la manière dont nos voisins européens ont perdu confiance en la France, qui fut pourtant un grand pays, porteur des espérances de l’Europe. Selon eux, nous serions quelque peu passés à côté des enjeux, notamment en nous dispensant de respecter les critères de Maastricht lorsqu’il en était encore temps. Comme l’a rappelé un de nos collègues, le président de la République de l’époque avait lui-même annoncé, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, que la France ne respecterait pas lesdits critères, qu’il s’agissait d’en tenir compte et qu’il n’y avait pas là matière à débat.

Nos voisins européens se sont également lassés de ce président si fier de sa relation avec l’Allemagne ; nous avions finalement l’impression que l’Europe se réduisait à ces deux pays, le nôtre et l’Allemagne.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Profitez-en : il ne pourra pas vous servir longtemps de prétexte, ce président !

Mme Michèle André. Nous en profiterons encore, monsieur Marini … Vous avez bien abusé de l’argument des 35 heures et de la retraite à 60 ans, réforme engagée par le président Mitterrand !

Mme Christiane Demontès et M. Richard Yung. Et pourquoi pas les congés payés ?

Mme Michèle André. Peut-être même, en effet, pourriez-vous invoquer les congés payés, accordés par Léon Blum en 1936, ou l’invention de l’école par Charlemagne ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Toujours la même modération !

Mme Michèle André. Avec l’Europe, nous sommes au cœur du débat d’orientation. En effet, comme les vingt-sept États membres, nous sommes liés par une contrainte européenne. Il était donc nécessaire de changer de méthode.

Le Président de la République François Hollande, en rencontrant sans délai, non seulement la chancelière allemande, mais aussi les présidents des gouvernements italien et espagnol, MM. Monti et Rajoy, est parvenu à obtenir que l’Europe s’intéresse à la croissance, à travers les mesures que nous connaissons, mais que je n’évoquerai pas plus longuement, car nous passerons sans doute quelques bons moments, à l’automne prochain, à en débattre dans cet hémicycle.

Cependant, même si c’est dans l’Europe, et avec l’Europe, que nous pourrons régler notre problème de croissance et de dette, ce sont bien le Gouvernement et le Parlement, ensemble, qui peuvent et doivent donner l’impulsion nécessaire pour permettre le redressement de la France aux niveaux européen et mondial.

Oui, il nous faudra tout à la fois augmenter les recettes et baisser les dépenses. Qui sera surpris d’entendre de tels propos au Sénat ? L’hiver dernier, la rapporteure générale nous avait longuement détaillé, à cette tribune et en commission des finances, la double mécanique à laquelle nous sommes confrontés. Je me souviens même qu’un ministre avait jugé désagréable que le Sénat se mette à faire de la politique !