M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Où va-t-on ?

Mme Michèle André. Cela correspondait sans doute à un sentiment plus général … Nous avions alors proposé d’augmenter quelques lignes budgétaires de nature à apporter des recettes supplémentaires, mais cela n’a pas été retenu par la commission mixte paritaire. Dont acte ! Toutefois, nous sommes totalement préparés à ce débat, monsieur le ministre délégué, car nous l’avons déjà abordé, et nous y prenons part avec sérieux.

Permettez-moi, tout d’abord, d’insister sur la concertation qui devra être mise en œuvre, notamment avec les différentes administrations.

Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre délégué, que chacun de vos collègues devrait faire des efforts et qu’il recevrait, à cet effet, une note détaillant de façon complète les moyens d’organiser son ministère.

Demander des efforts par avance fait toujours un peu peur. Je le sais pour avoir moi-même occupé une fonction ministérielle il y a quelques années ; je suppose que c’est toujours aussi compliqué aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, cela signifie que les ministres devront parler avec leur administration.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Absolument !

Mme Michèle André. Comme l’ont rappelé mes collègues, la RGPP appliquée de manière mécanique a fait des dégâts infinis dans tous les domaines.

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !

Mme Michèle André. Il en est ainsi de la justice, par exemple, la fermeture de tribunaux ayant conduit à des regroupements de personnels. Dans quelle situation ceux-ci se trouvent-ils aujourd’hui ?

M. Guy Fischer. Toujours des suppressions de personnels !

Mme Michèle André. Et que dire de la police, de la gendarmerie, de l’éducation nationale, de l’hôpital public, des préfectures, de toutes les administrations !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas prioritaire !

Mme Michèle André. Il sera nécessaire de refaire le point sur les missions dévolues à ces administrations et sur les travaux confiés aux personnes qui y travaillent. N’oublions pas, en effet, que la majorité des fonctionnaires de nos administrations sont de catégorie C,…

Mme Michèle André. … perçoivent des salaires modestes et ont parfois consenti de nombreux efforts pour s’adapter à de nouvelles tâches. Certains, un peu âgés, ont dû se mettre à l’informatique, car cet outil est désormais nécessaire dans tous les services. De plus, ils n’ont pas la possibilité d’intégrer un autre établissement ou une autre structure, ce qui leur permettrait de vivre dans des conditions plus correctes.

Tous mes collègues en conviendront sans doute avec moi, chaque ministre serait bien inspiré de travailler en plus étroite collaboration avec chacun des rapporteurs spéciaux des différentes commissions parlementaires pour examiner nos propositions.

Pour avoir passé plusieurs années au sein de l’institution sénatoriale, je puis attester de la richesse des rapports que nous produisons lors du débat budgétaire ; ils peuvent constituer une aide fiable pour le ministre concerné. Aussi, je vous engage, monsieur le ministre délégué, à travailler davantage avec nous.

Par ailleurs, il faudra rétablir la confiance avec les collectivités, qu’il s’agisse des communautés de communes, des communes, des départements ou des régions, qui souffrent aujourd’hui, faute d’une autonomie financière suffisante.

La confiance peut sembler un mot creux. Je tiens cependant à rappeler combien les collectivités ont souffert d’être considérées, dans le passé, comme des variables d’ajustement, qui plus est fragiles, du fait de leur modeste masse budgétaire. Elles doivent désormais être traitées en partenaires. L’État n’a d’ailleurs pas manqué d’agir ainsi lorsque, à l’occasion du lancement de grands projets, il a eu besoin d’elles. Récemment encore, il s’est engagé à mettre en place les lignes à grande vitesse, à la condition que les collectivités y participent. Cela signifie donc, bel et bien, qu’elles sont partenaires et qu’elles ne sauraient être hiérarchiquement inférieures.

Plutôt que de convoquer les collectivités, il convient de les inviter à travailler avec l’État et à produire du sens « autrement ». Je suis persuadée qu’elles sauront réaliser l’effort nécessaire pour y parvenir, comme elles ont su le faire par le passé.

Revoir l’organisation de l’ensemble des administrations et redonner confiance aux collectivités prendra du temps. Par ailleurs, il faut aussi travailler avec les entreprises.

L’un de nos collègues a dit tout à l’heure que nous étions les ennemis des entreprises. Quels propos surprenants ! Pour notre part, nous avons dit à plusieurs reprises combien il était au contraire précieux de travailler avec les entreprises et d’apporter aux PME toute l’attention nécessaire ; mais nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les PME ont été massacrées !

Mme Michèle André. Le seul levier qu’il nous soit aujourd’hui possible d’actionner rapidement est celui des recettes. Le gouvernement de François Fillon l’avait d’ailleurs compris puisqu’il avait augmenté les impôts en fin de mandature. Ce qui était sans doute alors un sursaut désespéré s’inscrit, pour nous, dans une réflexion d’ensemble : il s’agit d’une mesure d’équilibre entre la baisse des dépenses et la hausse des recettes sur l’ensemble du quinquennat.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre délégué, le groupe socialiste soutient les orientations claires, justes, prudentes et sincères que vous proposez.

Vous le savez, la sincérité est essentielle en matière budgétaire. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement, nous avons souligné que ce que nous votions, c’était la sincérité des comptes. Si nous n’étions pas sincères, nous risquerions de perdre, me semble-t-il, la confiance des Français, voire la confiance en nous-mêmes, et ce serait grave.

Mes chers collègues, je ne saurais résister au plaisir de citer à nouveau, après Éric Bocquet, cette belle phrase de Jaurès : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ».

En conclusion, je tiens à féliciter le Gouvernement, qui nous présente une feuille de route exigeante, rigoureuse et, en un mot, courageuse. Nous devrons tous accomplir les efforts nécessaires. Vous pouvez compter sur le groupe socialiste pour soutenir votre action. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques permet de faire le point sur les perspectives économiques et financières de notre pays pour les années à venir.

Chacun peut mesurer, monsieur le ministre délégué, l’ampleur de l’effort de redressement à accomplir, compte tenu de l’état très dégradé des comptes publics dont vous héritez, malheureusement, et de l’évaluation de la croissance économique dont nous pourrions bénéficier.

L’estimation raisonnable retenue traduit bien le contexte de « croissance molle » que nous craignions et qui est devant nous pour plusieurs années, en raison tant du contexte international que des problèmes de compétitivité de notre économie.

Sur un plan général, je ne peux que me féliciter des orientations que vous avez tracées. Elles témoignent d’une forte volonté de justice sociale dans la répartition de l’effort à accomplir, d’une forte mobilisation du Gouvernement pour favoriser, malgré la crise, la croissance la plus élevée possible, et ce dans la droite ligne des résultats obtenus par le Président de la République au niveau européen.

Nombre de questions d’ordre général ayant déjà été abordées, je voudrais plus particulièrement insister sur un dossier majeur, qui exigera une attention soutenue dans les mois à venir, tant ses conséquences budgétaires et son impact sur la croissance économique pourraient être importants, alors même qu’ils ne sont, à l’heure actuelle, ni totalement connus ni maîtrisés. Je veux parler de la situation de la banque Dexia et de la question du financement des collectivités territoriales à court et moyen terme.

J’aborderai donc, successivement, la situation de Dexia et son coût potentiel pour les finances publiques, les conséquences à court terme pour les collectivités territoriales et, enfin, le cadre financier qu’il nous faut purement et simplement reconstruire à moyen terme pour garantir le financement des collectivités territoriales et des hôpitaux.

Sans revenir en détail sur l’histoire mouvementée de Dexia, je me contenterai de rappeler que ce groupe, issu d’un rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations, a joué un rôle essentiel dans le financement des collectivités territoriales, et avait acquis une réputation si solide, liée à l’histoire de cette institution, qu’elle la précédait partout en France, dans ses relations avec les grandes villes comme avec les plus petites de nos communes.

Aux yeux de tous, Dexia était le successeur de la CAECL, la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, puis du Crédit local de France, offrant la garantie assumée d’accéder à un crédit stable et peu coûteux, répondant en cela à une logique de service public.

L’évolution réelle de la banque au tournant des années quatre-vingt et sa dérive rapide vers une logique financière privée ont échappé à toutes les activités de contrôle, dont la surveillance et la sécurité de notre système financier sont pourtant la raison d’être.

Toujours est-il que, devenu un groupe multinational, Dexia a développé, entre 2002 et 2008, un modèle financier hautement risqué. Je le répète, il est incompréhensible que les autorités de contrôle aient été aussi défaillantes. L’héritage de cette époque est aujourd’hui particulièrement lourd et risque de marquer les années à venir. Ainsi, en 2008, la banque était prise dans des activités financières tentaculaires et peu lisibles, avec un bilan passé en quelques années à 650 milliards d’euros.

Dexia a intégré de fait un véritable hedge fund, avec un portefeuille obligataire de 220 milliards d’euros en 2008, évalué, trois ans auparavant, à 70 milliards d’euros. Par ailleurs, cette même année, Dexia a fait face à un besoin immédiat de trésorerie de 260 milliards d’euros, soit l’équivalent de la dette grecque.

Malgré un piètre bilan, le précédent président du comité de direction de Dexia et plusieurs de ses collaborateurs ont bénéficié de retraites chapeaux. Même si les sommes peuvent paraître limitées au regard du volume des créances dont nous discutons, je souhaite – c’est symboliquement et moralement important ! – que le Gouvernement examine tous les moyens envisageables pour récupérer ces retraites chapeaux, évaluées, semble-t-il, à 15 millions d’euros.

Il faut maintenant faire face aux conséquences de la déréglementation qui a prévalu, y compris dans un secteur tel que le financement des acteurs publics. À cet égard, la responsabilité des gouvernements précédents est clairement engagée.

L’équipe de direction de Dexia qui s’est installée en 2008 a mis en œuvre, ainsi que l’a rappelé récemment M. Mariani, un « démantèlement raisonné » de la banque, en espérant limiter le coût et, surtout, éviter le déclenchement d’un risque systémique, dont les conséquences sur d’autres sociétés financières auraient sans doute été considérables. Elle a fait en sorte de réduire le volume des actifs et l’exposition aux risques du groupe, même si elle s’est défait, en premier lieu, des actifs les plus facilement revendables.

Cette équipe a également fait en sorte de clarifier les multiples relations financières entre les filiales du groupe. Cette orientation ne saurait être contestée, mais 250 milliards d’euros se trouvent, encore aujourd’hui, dans le portefeuille de Dexia.

Les questions qui se posent à nous sont claires : quelle est exactement la composition de cette enveloppe considérable ? L’État ayant engagé une partie de sa garantie, quels sont les risques pour nos finances publiques ? Dans ce cadre, il s’agit de mesurer le niveau de risque actuel sur les finances publiques.

Je le rappelle, le groupe a bénéficié d’une recapitalisation à hauteur de 6,4 milliards d’euros en 2008 à un coût surévalué partagé entre la France, la Belgique et le Luxembourg. Selon les auditions réalisées récemment par la commission des finances, la France a déjà perdu 3 milliards d’euros : 1 milliard pour le budget de l’État, et 2 milliards pour la Caisse des dépôts et consignations.

Toutefois, en 2011, le groupe a perdu 12 milliards d’euros : 4 milliards d’euros dans le cadre du rachat par la Belgique de Dexia Banque Belgique et 5 milliards d’euros dans le cadre de l’exposition de Dexia à la dette souveraine grecque. Manifestement, les pertes potentielles à venir sont encore importantes.

Les risques sont désormais concentrés en Espagne et en Italie au travers du financement des collectivités, des banques et des titres obligataires de ces deux pays. Est-il encore possible de sortir de cette exposition ou est-ce impossible, au risque de déstabiliser nos pays partenaires ? Existe-t-il des scénarii d’exposition aux risques financiers selon l’évolution de ces pays et le comportement des marchés financiers ? Ces questions que nous nous posons sont légitimes, et nous suivrons attentivement l’évolution de ce dossier, tout en gardant à l’esprit la maîtrise de nos finances dans les années à venir.

Vous le savez, en 2011, le Parlement français a été conduit à délibérer dans l’urgence afin de déterminer le montant maximum des garanties d’État qui pourraient être accordées à Dexia.

Dans le cadre de ces garanties, une clef de répartition de 36,5 % pèse sur la France, le reste revenant aux deux autres parties prenantes, le Luxembourg et la Belgique, ce dernier pays n’étant pas satisfait. Nos ministres sont en train de résister, car la révision de cet accord constituerait une circonstance aggravante pour notre propre budget.

D’ici à 2014, le besoin pour ces garanties est estimé entre 70 et 90 milliards d’euros. Même si des intérêts ont été perçus par l’État, ceux-ci sont relativement faibles au regard des sommes en jeu.

Eu égard à ce qui a été dit dernièrement en commission des finances, le risque potentiel - qui existe ! - est évalué, à l’horizon 2014, entre 25 et 34 milliards d’euros.

Voilà l’évaluation que l’on peut faire de la somme qui sera nécessaire si les garanties de l’État sont appelées à leur maximum. Nous souhaitons tous que cela n’arrive pas, mais il me semble important d’avoir en tête cet ordre de grandeur. Telle est la réalité dont nous devons tenir compte.

Dans le cadre de ce propos relatif au groupe Dexia, je voudrais saluer la démarche de transparence et de sincérité financière engagée par nos collègues François Marc, rapporteur général de la commission des finances, et Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », afin d’obtenir de la Cour des comptes une enquête sur les modalités de recensement et de comptabilisation des engagements hors bilan de l’État. Alors que les garanties ne figurent pas au budget de l’État, il me semble aujourd’hui décisif de mettre en place un outil de recensement, notamment au travers de la publication d’un « jaune » budgétaire dans le cadre de la présentation au Parlement du projet de loi de finances initiale. Une telle disposition viendrait compléter utilement les obligations fixées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Pour revenir à Dexia, son effondrement, ou plutôt son démantèlement organisé, pose dans l’immédiat, chacun le sait dans cette assemblée, le problème du financement des collectivités territoriales, pour 2012 et au-delà. Il faut donc, et c’est le deuxième point de mon intervention, trouver des réponses d’urgence aux difficultés d’accès au crédit des collectivités territoriales, ainsi qu’au problème spécifique des emprunts toxiques, soulevé lors de la dernière audition de M. Mariani.

Je n’insisterai pas sur le rôle économique des collectivités territoriales ; tout le monde le mesure. Elles réalisent 70 % de l’investissement civil et représentent, par le biais de la commande publique, 10 % du PIB. Elles jouent également un rôle contracyclique et d’aménagement du territoire. Elles sont, enfin, au cœur des services publics rendus aux habitants.

La bataille pour l’emploi et le maximum de croissance, que nous devons absolument conduire, passe par l’investissement local et le dynamisme des collectivités territoriales. C’est pourquoi la question de leur situation financière est déterminante pour limiter les conséquences de la crise dans les années à venir.

Les collectivités territoriales font face au resserrement de l’offre de crédits bancaires, notamment à cause des nouvelles règles dites de « Bâle III » et de la réticence des banques commerciales à leur prêter des fonds. Cette difficulté est accentuée par la situation incertaine de Dexia. J’ajoute que, en plus de ce problème de rareté du crédit, le niveau des marges bancaires atteint des sommets – plus de 300 points de base –, qui affectent le coût du crédit.

Le besoin de financement annuel du secteur public local et des hôpitaux, très important, se situe autour de 20 milliards d’euros. Il nous a été rappelé que les banques privées traditionnelles devraient financer autour de 10 milliards d’euros en 2012. Il faut toutefois trouver un moyen de remplacer les 4 milliards d’euros que devait apporter Dexia. De nombreuses collectivités locales s’interrogent sur le reliquat à trouver pour pouvoir financer leurs investissements.

Du côté de Dexia, le retrait de 1,6 milliard d’euros de crédits revolving, annoncé brutalement la semaine dernière, n’a pas arrangé les choses. Le relais pris par la co-entreprise associant la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations demeure suspendu à l’approbation par la Commission européenne du plan de démantèlement de Dexia. La lenteur de la création de cette nouvelle banque conduit à s’interroger sur sa capacité à apporter 2 milliards d’euros dès 2012.

Vous le voyez, monsieur le ministre délégué, la situation immédiate est tout sauf claire et rassurante pour les collectivités locales. Chacun a appris la décision récente du Gouvernement de porter effectivement à 5 milliards d’euros le montant des nouveaux prêts fournis par la Caisse des dépôts et consignations. C’était évidemment indispensable, mais il faut aussi trouver les moyens d’y ajouter 2 ou 3 milliards supplémentaires. Or ce point n’est pas encore acquis. Les modalités pratiques restent à définir, même si des assurances nous ont été données par des représentants du Trésor.

Pour près de 500 collectivités territoriales, les emprunts toxiques constituent un autre facteur d’incertitude ; cette question revient fréquemment en discussion. Je rappelle que, à la fin de l’année 2011, j’avais demandé qu’un inventaire complet soit opéré. La commission d’enquête de l’Assemblée nationale a évalué à 19 milliards d’euros le total des prêts toxiques, dont 10 milliards sont attribuables à Dexia. Le coût de sortie devrait avoisiner 15 milliards d’euros, à répartir sans doute sur les dix prochaines années.

Comme je l’avais fait auprès du précédent Gouvernement, je demande à l’État de prendre ce problème à bras-le-corps, non pour en assumer le coût total – là n’est pas la question ! –, mais pour mettre en place, avec les collectivités territoriales et les banques responsables, un système mutualisé et consolidé de sortie de crise. Rien ne serait pire que de laisser pourrir la situation.

Je serai plus bref s’agissant de mon troisième point : après avoir garanti les financements pour 2012 et 2013, il faut reconstruire un système fiable de financement des collectivités territoriales.

Ce système, que chacun appelle de ses vœux, doit retrouver la fiabilité, la sécurité et le coût modéré qui n’auraient jamais dû faire défaut. Aujourd’hui, chacun mesure l’ampleur de la catastrophe due à la croyance aveugle dans les bienfaits de la dérégulation à outrance et dans la primauté des résultats financiers, quels que soient les moyens utilisés pour les obtenir.

Les banques privées continueront naturellement de jouer un rôle dans le nouveau système. Il faut veiller à ce que leurs ressources soient assurées et à ce que les conditions de prêt aux collectivités territoriales ne deviennent pas sélectives et coûteuses ; c’est une dérive possible. En clair, il faut garantir l’apport annuel d’au moins 10 milliards d’euros par les banques commerciales. Étant donné l’évolution du système financier européen, ce ne sera peut-être pas si facile ; nous devrons donc y être attentifs.

Il est urgent également, je l’ai déjà dit, de compenser la disparition d’ores et déjà engagée de Dexia. Je ne cacherai pas que je suis un peu inquiet, à titre personnel, quand je vois la complexité du schéma associant la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations. Cette nouvelle entité sera-t-elle en capacité de fournir 4 milliards d’euros en 2013 ? Aura-t-elle la même présence territoriale que l’ancien Crédit local de France ? Ce n’est pas acquis. Aura-t-elle les compétences nécessaires pour conseiller les collectivités locales ? De nombreux salariés de Dexia possédaient ces compétences, même si celles-ci ont été dévoyées par une mauvaise stratégie.

Ces questions me semblent très importantes pour le secteur public local, et beaucoup d’élus se les posent. De nombreux salariés de Dexia, qui sont au total 1 300, se les posent également, en même temps qu’ils s’interrogent sur leur devenir.

En tout état de cause, je vous propose d’assumer le retour clair et net à une logique de service public dans cette nouvelle entité, et de garantir que nos institutions de contrôle ne failliront pas une deuxième fois sur ce point.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Maurice Vincent. Enfin, j’appelle votre attention sur l’intérêt de soutenir enfin la création d’une agence de financement des collectivités territoriales, portée par les associations d’élus. Ce projet est bien avancé ; s’il s’était heurté à un certain nombre de réticences sous le précédent gouvernement, il est aujourd’hui devenu concret. Il devrait permettre de sécuriser l’accès à la liquidité, de diversifier les sources, d’optimiser le coût du financement des collectivités territoriales, et surtout de compléter leur besoin de financement dans les années à venir.

L’agence serait un acteur parmi d’autres du financement des collectivités locales, un acteur qui constituerait un gage de solidarité entre ces collectivités, et sans doute aussi un élément modérateur des marges bancaires que j’ai évoquées tout à l’heure.

Pour terminer, je souhaite souligner l’importance de ces enjeux. Nous connaissons tous les efforts à fournir pour maîtriser les dépenses ; ils seront, je le crois, partagés équitablement. Nous ne pourrons obtenir une croissance renouvelée sans des collectivités locales dynamiques, capables d’investir. Cela implique de leur donner la garantie qu’elles pourront accéder à un financement fiable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’insipide et ennuyeux discours de politique générale du Premier ministre cachait mal le malaise d’un gouvernement qui, après avoir pris de nombreux engagements durant la campagne électorale, se trouve désormais aux prises avec les réalités. Le problème se pose avec une acuité d’autant plus grande que le coup de « l’ardoise cachée », dont nous avons beaucoup parlé, n’a pas fonctionné : toutes les autorités de ce pays s’accordent pour dire qu’il faut absolument réduire les déficits.

Il vous faut donc agir et choisir : soit vous abandonnez une grande partie de vos promesses électorales en coupant dans la dépense publique, soit vous augmentez massivement les impôts.

Mme Marie-France Beaufils. La dépense publique peut être positive !

M. Francis Delattre. L’exercice de ce jour semble indiquer que vous comptez privilégier cette dernière hypothèse. M. Moscovici a d’ailleurs déclaré, hier, dans Le Monde, à ma grande surprise, que la création d’une tranche d’imposition à 75 % était un acte patriotique et non punitif, … tout cela pour entretenir une fiction de lutte des classes.

Cet emblème est idéologique, et surtout stupide, monsieur le ministre délégué, car les traders sont déjà à Londres, de sorte que ce seront essentiellement des créateurs, inventeurs et développeurs de l’économie immatérielle qui, avec leurs brevets, leurs marques ou leurs savoir-faire, quitteront le territoire français.

Nous expliquer à longueur d’éléments de langage, complaisamment repris par des médias en connivence prolongée, même après la fin de la campagne électorale, que votre rigueur n’aurait rien à voir avec celle de vos prédécesseurs, car elle serait plus juste, nous conduit à nous interroger sérieusement sur votre conception de la justice, et en particulier de la justice sociale.

Je ne prendrai que trois exemples d’actualité. Tout d’abord, est-il juste de priver 9 millions de salariés gagnant, en moyenne, 1 500 euros par mois, du bénéfice d’une exonération fiscale augmentant de 500 euros leur pouvoir d’achat annuel ?

Mme Christiane Demontès. Et les 3 millions de chômeurs ?

Mme Marie-France Beaufils. Combien d’emplois avez-vous supprimé avec cette mesure ?

M. Francis Delattre. Ce sont ces salariés gagnant en moyenne 1 500 euros par mois qui constituent la masse des bénéficiaires de cette exonération. Voilà qui sont les personnes concernées, et elles vous gênent !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce qui nous gêne, c’est le bilan du précédent gouvernement !

M. Francis Delattre. En la matière, « l’effort juste » est une insulte à ces 9 millions de travailleurs. Quant à vos arguments sur le partage du travail, ils nous renvoient à la cataclysmique loi sur les 35 heures, qui a signé la perte de compétitivité de notre économie, avec le chômage qui en découle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez oublié de parler de l’instauration des congés payés en 1936 !

M. Francis Delattre. Tous les instituts économiques relèvent l’inversion des courbes de compétitivité de la France et de l’Allemagne au début des années 2000, concomitamment avec la mise en place de cette loi qui, au surplus, a coûté au cours de la décennie 150 milliards d’euros au budget de l’État au titre des compensations et pertes fiscales.

Mme Marie-France Beaufils. Que faites-vous des études de l’OCDE montrant que les salariés sont moins bien payés en Allemagne ?

M. Francis Delattre. Je précise d’ailleurs que ce sont essentiellement les entreprises du CAC 40 qui ont profité des compensations que je viens d’évoquer.

Aucune entreprise du secteur marchand et compétitif n’a indiqué avoir créé des emplois dans des proportions significatives du fait de l’application de cette loi dite « de partage du travail ». En revanche, nous savons aujourd’hui que la perte globale de compétitivité de notre économie nous en a fait perdre des centaines de milliers. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Aucun pays au monde n’a cru au partage du travail. La loi sur les 35 heures a surtout profité aux entreprises allemandes. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)