M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean Louis Masson. En effet, la TVA sociale permet de rétablir la compétitivité des produits nationaux par rapport aux produits importés.

Remplacer, à terme, la TVA sociale par un supplément de CSG va tout simplement plomber nos activités économiques, sans pour autant régler le problème des distorsions de compétitivité entre les importations et les exportations.

L’augmentation de la CSG frappera les revenus liés aux activités de production en France, c’est-à-dire le pouvoir d’achat des ouvriers qui fabriquent français, sans toucher les produits importés.

Si donc le gouvernement Fillon a fait une erreur profonde en s’obstinant à ne rien vouloir savoir, c’est une erreur encore plus profonde, après qu’il a fini par comprendre la nécessité d’agir, de vouloir maintenant revenir en arrière.

La suppression de la TVA sociale est, à mon sens, un mauvais coup pour la France, qui s’ajoute à l’erreur du précédent gouvernement de ne pas l’avoir instaurée plus tôt.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Louis Masson. S’agissant, ensuite, de la défiscalisation des heures supplémentaires, qu’on nous propose de supprimer, il s’agit d’un faux problème.

À la vérité, il y a eu deux erreurs successives. La première a consisté à mettre en place les 35 heures. La seconde a été commise par le gouvernement Fillon qui, au lieu d’avoir le courage de supprimer ce dispositif, a décidé de défiscaliser les heures supplémentaires, ce qui revenait à faire payer par le budget de l’État les conséquences des 35 heures. (M. Jean Arthuis opine.)

En raison de cela, je prétends que le gouvernement Fillon est tout aussi responsable que Mme Aubry.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le redresseur de torts en chef !

M. Jean Louis Masson. En somme, des deux gouvernements en cause, le premier a pris une très mauvaise mesure, le second a essayé d’apporter une solution qui n’en était absolument pas une.

Pour ma part, je crois que le fond du problème de la compétitivité réside dans les 35 heures. (M. Francis Delattre opine.) Il me paraît complètement aberrant d’avoir voulu effacer la réforme Aubry en instaurant une défiscalisation des heures supplémentaires, ce qui revient in fine à faire supporter les conséquences des 35 heures par le budget de l’État. Il aurait été plus courageux de supprimer purement et simplement ce dispositif.

Annuler la défiscalisation revient donc à supprimer une erreur. Mais j’aurais bien aimé que l’on supprime également l’autre erreur, c’est-à-dire que l’on pose de nouveau le problème des 35 heures ! (M. le président de la commission des finances acquiesce.)

En un temps où nous avons l’obligation d’équilibrer nos comptes, il y avait certainement mieux à faire que de mettre en place une défiscalisation qui coûte énormément au budget de l’État. Sa suppression constitue une demi-avancée, mais qui ne règle pas le problème de fond de la compétitivité, c’est-à-dire celui des 35 heures.

S’agissant, enfin, de l’AME, je rappelle qu’elle a été créée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, la CMU, afin d’assurer une couverture maladie aux citoyens étrangers en situation irrégulière.

Les bénéficiaires de l’AME étaient au nombre de 220 000 en 2012. Le coût de ce dispositif pour la collectivité est considérable et, surtout, ne cesse d’augmenter : il est passé de 75 millions d’euros en 2000 à 588 millions d’euros en 2011.

En fait, les bénéficiaires de l’AME usent et abusent d’un système qui est sans équivalent dans les pays voisins. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Afin d’éviter la gabegie, l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne ont au moins eu le bon sens de limiter la prise en charge gratuite aux soins les plus urgents.

En période de déficit budgétaire, il n’est vraiment pas souhaitable de supprimer le droit annuel très modique de 30 euros demandé aux bénéficiaires de l’AME.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Louis Masson. Pis, il est incohérent de vouloir accorder la gratuité totale de la couverture médicale à des personnes entrées clandestinement sur le territoire national alors que les Français ou les étrangers séjournant de manière régulière en France supportent, eux, une franchise médicale de 50 euros dans le cadre de la CMU.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un problème de santé publique !

M. Jean Louis Masson. Cette incohérence est, à mon sens, un véritable encouragement pour l’immigration illégale !

Je pense donc que la moindre des choses serait, non seulement de ne pas supprimer la franchise de 30 euros demandée aux étrangers illégaux, mais même de la porter à 50 euros, c’est-à-dire exactement au niveau de la franchise payée par les Français ou les étrangers en situation régulière démunis lorsqu’ils bénéficient de la CMU.

M. Christian Bourquin. Quelle humanité !

M. Jean Louis Masson. Comment justifier que des étrangers en situation irrégulière soient mieux traités que des étrangers en situation régulière et, a fortiori, que…

Mme Éliane Assassi. Réactionnaire !

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, est-il au moins permis de terminer ?

Mme la présidente. Mon cher collègue, il vous faut conclure.

M. Jean Louis Masson. Chacun a le droit de s’exprimer à cette tribune, du moins je l’espère !

Pour ma part, je considère que réserver un traitement de faveur aux personnes en situation irrégulière constitue un appel d’air pour l’immigration et une aberration complète !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La santé publique, ce n’est pas votre problème !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis. (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)

M. Jean Arthuis. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, au lendemain d’une alternance, la présentation au Parlement d’un projet de loi de finances rectificative est un événement attendu.

Le projet de loi de finances rectificative exprime la vision, l’ambition, les mesures que le Gouvernement et sa majorité entendent mettre en œuvre.

Messieurs les ministres, convenez que votre texte est assez classique. Bien sûr que la parole de la France sera tenue ! Et l’objectif de ramener le déficit public à 4,5 % du produit intérieur brut devrait être respecté ; on ne pourra que s’en réjouir.

Mais, sur le fond, que faites-vous ? Vous confirmez les hausses d’impôts décidées par la précédente majorité et vous annulez les baisses d’impôts.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Caffet. Sur l’ISF, c’est vrai !

M. Jean Arthuis. En fait, votre collectif budgétaire est largement une œuvre de détricotage.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste ! C’est une œuvre de revanche !

M. Jean Arthuis. Messieurs les ministres, mes chers collègues, le plus préoccupant à mes yeux est que l’on ne réponde pas à l’exigence de compétitivité !

Car les vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est l’emploi et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Or, dans ce projet de loi de finances rectificative, vous faites disparaître la seule mesure qui pouvait constituer une esquisse de solution, certes marginale.

Avouons d’ailleurs que les conditions d’adoption du dispositif, voté à la fin d’une législature pour entrer en vigueur au début de la suivante, étaient inouïes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’était juste de l’affichage !

M. Jean Arthuis. J’adresserai donc un reproche à la précédente majorité : si peu, si tard pour instituer une TVA sociale !

Je sais bien que le Gouvernement respecte les paroles du candidat François Hollande. Tandis que nous votions de telles dispositions, le candidat à la présidence de la République fustigeait la TVA sociale, qu’il qualifiait de « faute économique » et de « faute sociale », « dans une période où la consommation se porte très mal ».

Mme Christiane Demontès. Il avait raison !

M. Jean Arthuis. Et il ajoutait : « Comment imaginer que quelques points de moins de cotisations patronales pourraient d’un seul coup améliorer nos échanges extérieurs ? »

Et il est vrai que nos échanges extérieurs constituent une préoccupation. En 2011, nous avions 70 milliards d’euros de déficit extérieur. En d’autres termes, nous, Français, consommons 70 milliards d’euros de plus que ce que nous produisons.

M. Jean-Pierre Chevènement. Notre balance commerciale était à l’équilibre en 2003 !

M. François Rebsamen. Merci, monsieur Chevènement !

M. Jean Arthuis. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. La dégradation régulière de notre balance commerciale est une vraie préoccupation, qui marque notre déficit de compétitivité.

M. Jean-Pierre Chevènement. Qu’est devenue notre compétitivité ?

M. Jean Arthuis. Que peut-on faire pour améliorer la compétitivité ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, qu’avez-vous fait ?

M. Jean Arthuis. Quel nouvel électrochoc allons-nous devoir attendre ?

L’annonce de 8 000 suppressions d’emplois chez Peugeot, la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois ne sont-ils pas des électrochocs majeurs qui doivent nous amener à réviser nos positions ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce qu’il n’y en avait pas voilà deux ans ?

M. Jean Arthuis. À défaut, nous serons les observateurs d’un déclin industriel programmé.

Puis-je rappeler que nous avons perdu pratiquement 600 000 emplois industriels entre 2000 et maintenant ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà le bilan de dix ans de droite au pouvoir !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On pourra bientôt faire le bilan de la gauche au pouvoir !

M. Jean Arthuis. En 2000, la valeur ajoutée industrielle représentait 24 % du produit intérieur brut, contre moins de 14 % aujourd'hui.

Mme Christiane Demontès. C’est l’échec de la droite !

M. Jean Arthuis. Devons-nous rester passifs face à une telle programmation du déclin industriel ? (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Certainement pas !

Mes chers collègues, dans l’actualité récente, il y a une bonne et une mauvaise nouvelles.

La bonne nouvelle, c’est que le Président de la République, sa majorité et les partenaires sociaux commencent à considérer que le coût du travail constitue bien une difficulté. Certes, le coût du travail n’est pas à lui seul le facteur déterminant.

M. Jean Arthuis. Il y a l’investissement, l’innovation, le soutien aux petites et moyennes entreprises… Tout cela est vrai.

Mais le coût du travail constitue une vraie difficulté. Et, lors de la conférence sociale qui s’est tenue au Palais d’Iéna au début du mois de juillet, le Président de la République a déclaré que nous devions trouver les nouveaux modes de financement et les nouvelles organisations de notre modèle social.

Et je crois aujourd'hui pouvoir dire qu’il y a consensus sur la nécessité d’alléger les charges patronales. Mais deux questions se posent. Dans quelles proportions devrons-nous les alléger ? Et par quelles ressources devrons-nous assurer le financement de la protection sociale ?

Je considère que l’unité de compte n’est pas la dizaine de milliards d’euros. Si nous voulons modifier de manière significative la compétitivité, ce sont 40 milliards à 50 milliards d’euros d’allégements qui doivent être décidés et pour lesquels nous devons trouver un autre financement.

La CSG semble avoir les faveurs de certains, notamment des partenaires sociaux. M. Michel Sapin, le ministre du travail, a, avec adresse, affirmé que la CSG avait surgi dans le débat sur l’initiative des partenaires sociaux, et non du Gouvernement. (M. François Trucy sourit.) Je salue son habileté.

Ayant dit cela, pensons-nous que la CSG peut suffire à elle seule ? Un point de CSG, cela représente 10 milliards d’euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et tout le monde le paie !

M. Jean Arthuis. Qui peut imaginer que l’on puisse augmenter de 4 % ou 5 % la CSG ?

M. Jean Arthuis. D’autant que, selon le ministre chargé des personnes âgées, il faudra augmenter la CSG pour financer la dépendance…

Par conséquent, envisager de financer l’allégement des cotisations patronales par un supplément de CSG, c’est, à mon avis, une pure illusion.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean Arthuis. Dans ces conditions, nous devons nous préparer et préparer l’opinion publique à sortir des procès en sorcellerie, des tabous et des conventions de langage qui ont affecté jusqu’à présent le débat sur la « TVA sociale », ou « TVA anti-délocalisation », ou « TVA emploi ».

M. Jean-Pierre Caffet. TVA tout court !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « TVA antisociale » !

M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, à l’heure de la mondialisation, en faisant du salaire l’assiette des cotisations, nous perpétuons en quelque sorte des droits de douane que paieraient les seules entreprises employant et produisant en France, en en exonérant tous ceux qui vont produire ailleurs pour approvisionner par importation le marché national. Pensez-vous que ce soit là justice ? Certainement pas ! C’est une manière d’organiser assez méthodiquement la délocalisation des activités et des emplois.

Nous devons donc réagir. J’entends dire que la TVA sociale serait injuste. Cependant, mes chers collègues, y a-t-il pire injustice que la difficulté, sinon l’impossibilité d’accéder à un emploi ? Le vrai pouvoir d'achat, ce n’est pas la distribution par un État qui doit emprunter à la mesure de ce qu’il distribue. Le vrai pouvoir d'achat, c’est la contrepartie des créations de richesses ; c’est la contrepartie de l’emploi et du travail !

M. François Rebsamen. Il y a eu un million de chômeurs de plus grâce à vous !

M. Jean Arthuis. Par conséquent, je souhaite que nous puissions réaliser une avancée décisive dans le débat, afin de sortir de l’illusion et du déni de réalité.

Reconnaissons qu’il faut aller de l’avant. Ne nous en tenons pas à des conventions de langage qui nous enferment dans une programmation du déclin industriel, en contradiction avec la volonté proclamée d’inverser la tendance.

J’observe que tous les États dont les niveaux de dépenses publiques sont supérieurs à 55 % du PIB pratiquent des taux de TVA de 25 %, à l’exception d’un seul : la France. Si nous devons bouger en matière de TVA, ne le faisons pas à moitié. L’heure n’est plus aux demi-mesures ! Il s’agit, si nous avons une conviction, d’aller jusqu’au bout et d’oser mettre en œuvre cette réforme.

M. François Rebsamen. Il fallait le faire avant !

M. Jean Arthuis. Cela nous appelle naturellement à la pédagogie.

J’entendais tout à l’heure M. le ministre Jérôme Cahuzac nous expliquer que l’emploi représentait seulement 20 % des charges d’exploitation. Mais, monsieur le ministre du budget, que font les entreprises ? Leur valeur ajoutée, c’est le travail. Ce sont les salaires et les charges sociales. Mais les entreprises transforment des approvisionnements, des prestations extérieures qui sont des facturations de travail, donc de charges sociales.

Je voudrais que l’on sorte de l’argument consistant à laisser croire que les charges sociales pèsent finalement très peu dans la valeur ajoutée. C’est faux. À mon sens, nous devons sortir de cette dialectique. Si nous voulons retrouver de la compétitivité à l’exportation, abaissons les charges sociales.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons aussi des charges financières, des profits ! Il y a bien d’autres sujets qui concernent les entreprises !

M. Jean Arthuis. Ma conviction est que l’abaissement du prix hors taxe du fait de l’allégement des charges sociales n’entraînera pas, en dépit d’une augmentation du taux de TVA, un prix toutes taxes comprises plus important pour le consommateur français. Nous serons plus compétitifs à l’exportation. Sans doute les produits importés seront plus chers. Mais n’est-ce pas notre objectif, mes chers collègues, que de redonner de la compétitivité au travail en France ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour nous, l’objectif, c’est de donner de bons salaires à ceux qui travaillent !

M. Jean Arthuis. Si vous choisissez la CSG, Zlatan Ibrahimovic pourra dormir tranquille (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.), puisque tout impôt sur le revenu est pris en charge par son employeur.

En revanche, si nous augmentions la TVA, il paierait sensiblement plus cher lorsqu’il achète des produits en provenance de l’étranger,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Assimiler la situation de cette personne à celle de nos concitoyens, c’est carrément honteux !

M. Jean Arthuis. … puisqu’il s’agit d’importations.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Jean Arthuis. Telles sont, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler pour tenter de vous faire partager une conviction. Nous devons aussi sereinement et volontairement que possible sortir ensemble de ce déclin programmé qui apparaîtrait inexorable et qui désespère nos concitoyens. Cessons de croire que tout va s’arranger et que nous pourrons camper dans l’attentisme. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, les 28 et 29 juin derniers, vous avez participé à un sommet des chefs d’État et de gouvernement européens. Du fait de la communication flambante qui en a suivi,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est trop facile !

M. Jean Arthuis. … on a eu l’impression que tous les problèmes avaient été réglés.

Mais, comme le rappelait voilà un instant M. le président de la commission des finances, la conjoncture risque de nous faire subir un été qui pourrait être meurtrier.

Sachons réagir. Si l’Europe en est là, c’est parce qu’elle est en déficit de gouvernance et qu’elle n’assume pas le partage de souveraineté qu’elle a choisi en optant pour la monnaie unique.

J’attends de la zone euro qu’elle soit à la hauteur. Voilà peut-être trop d’occasions manquées dans ce collectif budgétaire !

C'est la raison pour laquelle, messieurs les ministres, le groupe de l’Union centriste et républicaine n’endossera pas la responsabilité de voter en faveur d’un pareil acte de renoncement économique et social. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je viens d’écouter attentivement M. Jean Arthuis.

Auparavant, j’avais écouté M. le président de la commission des finances. Je note d’ailleurs qu’il s’est exprimé non pas au nom de la commission, mais comme un porte-parole du groupe UMP (Mme Michèle André s’exclame.) ; cela me pose tout de même un problème, monsieur le rapporteur général.

Permettez-moi donc de vous faire un petit rappel, monsieur le président de la commission des finances.

Au printemps dernier, lors du scrutin présidentiel et des élections législatives, les Françaises et les Français ont clairement manifesté leur souhait d’un changement de politique pour notre pays.

Ce changement de politique avait été préparé par quelques succès antérieurs des forces de gauche, notamment lors des sénatoriales de l’automne 2011,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a encore une opposition et il faut l’écouter !

M. Thierry Foucaud. … tandis que montait un profond sentiment de rejet des choix politiques mis en œuvre dans notre pays depuis 2002.

L’aspiration au changement que les électrices et électeurs ont manifestée s’est d’abord forgée sur le rejet net et massif de la politique développée par l’ancien gouvernement.

M. Francis Delattre. La preuve : la moitié au moins des députés communistes sortants ont été battus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de vos affaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous vous occupez bien des nôtres !

M. Thierry Foucaud. Cette politique était ressentie comme profondément injuste, car destinée aux plus aisés (M. Francis Delattre s’exclame.) et aux plus grandes entreprises, au détriment de l’intérêt général et du progrès économique et social de notre pays.

Le bilan fiscal du second mandat de Jacques Chirac n’était déjà pas exceptionnel. Il était marqué par une réduction de l’imposition des plus aisés, par la naissance du bouclier fiscal et par le développement continu des niches fiscales.

Celui du quinquennat de Nicolas Sarkozy a, au-delà de la volonté de « décomplexer » la droite, constitué le point culminant en la matière.

Dans un premier temps, le bouclier fiscal s’est sérieusement renforcé. Il est très vite apparu que les principaux bénéficiaires de la mesure étaient d’abord les plus riches. (M. le président de la commission des finances et M. Francis Delattre ainsi que M. David Assouline s’exclament.)

Les attaques menées contre l’ISF furent au cœur de la démarche fiscale de l’ancienne équipe gouvernementale. L’adoption du dispositif ISF-PME fut sans doute la plus dispendieuse des mesures d’aide à l’investissement dans les entreprises – on se demande d’ailleurs bien pourquoi les seuls assujettis à l’ISF ont eu droit à un tel traitement de faveur – avant la définition d’un nouveau tarif aboutissant à un véritable cadeau fiscal de plus de 2,3 milliards d’euros pour 600 000 contribuables. Cela a représenté une baisse d’impôts de près de 4 000 euros en moyenne : qui dit mieux ?

La fiscalité du patrimoine fut d’ailleurs largement allégée, dans l’élan de la mal nommée – ou trop bien nommée, peut-être – loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, avec la réduction des droits de transmission, certes sur les successions mais surtout sur les donations, autrement plus rentables pour les plus hauts patrimoines et revenus. Cette loi visait dans tous les cas à préserver l’intégrité des patrimoines, des richesses et des fortunes accumulés, et ce même si cette accumulation avait bien plus à voir avec le travail des autres qu’avec le mérite des détenteurs comme des héritiers...

Monsieur le président de la commission des finances, à cet égard, je ne vous ai pas beaucoup entendu parler des ouvriers, des salariés et des fonctionnaires dans votre exposé liminaire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’ai parlé des salaires de la fonction publique !

Mme Éliane Assassi. Pour dire qu’il fallait les supprimer !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je me suis inquiété de la masse salariale !

M. Thierry Foucaud. Le crédit d’impôt recherche, le CIR, trouva une nouvelle vigueur sous le précédent quinquennat, lui aussi, avec une « réforme » qui a fait passer son « rythme de croisière » à une dépense fiscale de 5 ou 6 milliards d’euros par an, sans qu’il soit permis, réellement, de mesurer à quel point cette dépense a conduit à la moindre hausse des dépenses de recherche développement dans nos entreprises ou favorisé l’emploi de nos jeunes ingénieurs et doctorants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les entreprises sont des rentières !

M. Thierry Foucaud. À quoi sert le CIR quand PSA maintient son intention de supprimer un emploi sur six en France, et son usine d’Aulnay ?

À quoi sert le CIR quand le même groupe commande à l’étranger les pièces que la société TRW, située dans les Vosges, aujourd’hui en redressement judiciaire, lui fournissait jusqu’alors ?

La suppression de la taxe professionnelle, autre point de bilan, a créé autant d’incertitude juridique pour les collectivités locales que d’incertitude financière pour leurs ressources sans faciliter la création d’emplois dans le secteur marchand. Ici même, l’ancien président de la commission des finances et son actuel président nous affirmaient que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement,…

M. François Rebsamen. Cent millions d’euros !

M. Thierry Foucaud. … nous renouerions avec la croissance et l’emploi ! Mais, tout à l'heure, M. le ministre chargé du budget et M. le rapporteur général de la commission des finances ont retracé le nombre d’emplois perdus dans notre pays.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On verra le résultat dans quelques mois !

M. Thierry Foucaud. Autant la taxe professionnelle a été supprimée, autant le chômage a progressé, puisque nous avons atteint, en ce printemps 2012, le seuil des trois millions de chômeurs de catégorie A !

Le bilan fiscal du quinquennat comprend aussi cette hérésie économique et sociale, pour ne pas dire cette stupidité, que constitue l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

De 2007 à 2012, nous aurions donc eu des effets d’aubaine pour les patrons, puis l’atteinte sur les droits à la retraite, l’attaque contre le pouvoir d’achat des fonctionnaires et nous avons fini avec la TVA dite sociale, monsieur Arthuis, et le gel du barème de l’impôt sur le revenu qui a rendu imposables des salariés plus que modestes.

Avec le gel du barème, le smicard célibataire devient imposable et perd souvent, par la même occasion, le plein bénéfice – si l’on peut dire – du plafonnement de ses impôts locaux.

L’affaire des heures supplémentaires est connue de tous et alimente encore le débat : voilà un dispositif dont on peine à trouver trace dans une quelconque relance de l’activité, que nombre d’entreprises semblent bel et bien avoir utilisé pour développer un peu plus la flexibilité des horaires (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe CRC.), dont beaucoup se sont servis pour se dispenser d’une véritable négociation sur les salaires…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Une aubaine !

M. Thierry Foucaud. … et que certains voudraient encore maintenir.

Pour faire bonne mesure, ce dispositif aurait entraîné la suppression de 80 000 à 90 000 emplois.

Pour conclure, si l’on peut dire, le quinquennat précédent s’est achevé par l’instauration de la TVA sociale. (M. Francis Delattre s’exclame.) Une mesure de fond, visant à financer notre protection sociale au travers de la taxation de la consommation populaire, a bel et bien été conçue. Elle constitue le meilleur résumé du quinquennat Sarkozy : alléger encore et toujours la contribution des entreprises – comprendre : au bénéfice de la rémunération du capital, prédatrice de la compétitivité retrouvée – au financement de la protection sociale.

Alors, mes chers collègues, il est temps de ne pas faire la même chose et de passer à autre chose.

Le présent collectif budgétaire est l’occasion, pour la représentation nationale, d’analyser les mesures fiscales mises en œuvre depuis dix ans, de solder les comptes et de constater, notamment, cette véritable explosion de la dette publique qui est allée de pair avec la croissance des avantages fiscaux consentis aux plus aisés et aux plus grands groupes : 600 milliards de plus en cinq ans !

Les 1 313 milliards d’euros cumulés de la dette de l’État font le bonheur de bien des spéculateurs !

Solder les comptes, oui, et définir, d’ores et déjà, les nouvelles priorités de l’action publique et les nouveaux usages de l’outil budgétaire.

Notre démarche, en la matière, est claire. Notre groupe entend apporter sa contribution aux changements en cours, en rendant plus efficace ce projet de loi de finances rectificative.

Nous estimons pour notre part que, à l’instar des dispositions votées et des choix opérés cet automne par la majorité sénatoriale lors de la discussion de la loi de finances pour 2012, le présent collectif budgétaire doit constituer une sorte de « manifeste » politique de la nouvelle majorité parlementaire.

La majorité de gauche du Sénat avait, alors, dégagé 30 milliards de ressources nouvelles, tirées d’une plus juste imposition des hauts patrimoines comme des entreprises. Je crois qu’il y avait et qu’il y a toujours, dans le travail alors accompli, du « grain à moudre » pour ce qui nous occupe aujourd’hui.

Ce projet de loi contient un certain nombre de mesures, au demeurant perfectibles ; c’est le sens du travail que nous pouvons mener, au travers des amendements, sur le texte lui-même, qui trace d’ores et déjà de nouvelles perspectives.

Le tout porte sur 7 milliards d’euros de recettes nouvelles, en net. Nous pourrions faire mieux, pensons-nous, mes chers collègues.

Nous souhaitons dès maintenant libérer la future loi de finances de quelques-unes des contraintes posées par la « revue de détail » du passé qu’elle risque fort d’incarner.

Des mesures essentielles de cadrage, portant sur l’imposition des revenus, des patrimoines et des entreprises, visant notamment le retour à l’égalité de traitement entre grands groupes formés à l’optimisation et parfois à l’évasion fiscale et PME respectueuses des règles du jeu, peuvent être prises dès maintenant.

Certains de nos amendements, portant sur l’impôt de solidarité sur la fortune, sur les modalités de l’impôt sur les sociétés, sur l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et son application, participent de cette démarche et de celle qui sous-tendra fondamentalement le projet de loi de finances pour 2013.

L’activité parlementaire la plus récente, notamment le fort intéressant rapport de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale – selon lequel l’État perdrait 40 à 50 milliards d'euros par an –, les éléments que nous ont fourni les rapports commandés à la Cour des comptes, l’évaluation du dispositif des heures supplémentaire, du crédit d’impôt recherche ont d’ores et déjà largement pourvu notre assemblée des outils de mesure et des propositions les plus susceptibles de répondre aux questions qui nous sont posées.

Justice fiscale, équilibre de notre système de prélèvements obligatoires, efficacité économique de nos choix fiscaux, valorisation et appui des comportements économiques responsables, pénalisation des attitudes parasitaires et du gaspillage des deniers publics : voilà ce qui doit nous guider dès maintenant.

Le changement, c’est maintenant.

Et le changement, c’est ici, dans le cadre de nos débats, sur la base de la discussion libre et ouverte, de l’exposé des propositions et des idées, que nous pouvons lui donner corps, dès ce collectif budgétaire.

Si nous souhaitons, mes chers collègues, parvenir avec ce texte à réduire le plus possible le déficit budgétaire de l’État, ce n’est pas seulement parce qu’il nous faudrait répondre ainsi à quelque contrainte extérieure. C’est également parce que nous estimons que ce n’est pas aux comptes publics de porter éternellement tout le poids du soutien à l’économie, qui s’est par trop souvent traduit, pendant une bonne quarantaine d’années, à la fois par une austérité généralisée pesant sur le plus grand nombre et par une longue série d’adaptations successives de notre législation fiscale.

Des inégalités de traitement entre entreprises, des inégalités sociales de plus en plus insupportables sont le produit de ces choix antérieurs, source de profonds et graves handicaps pour le pays tout entier.